L'agriculture à la Guadeloupe

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— 64 — un thème sur lequel ils brodaient à l'infini des variations selon la mode du j o u r . Les colons, qui- formaient l'aristocratie coloniale, entrés dans le mouvem e n t , pas plus que l'aristocratie métropolitaine, ne pouvaient s'arrêter. Ils parlaient de droits, de liberté sur une terre où l'ordre social était fondé sur une injustice ; mais, en déclamant sur les droits de l'homme, ils n'entendaient abattre que les abus dont ils avaient à se plaindre ; en réclamant des libertés, ils n'entendaient vouloir que celles qui agrandissaient leur puissance en restreignant celles du pouvoir qui dirigeait le pays. Ils ne prévoyaient pas les graves conséquences que pouvaient avoir pour les colonies les déclamations auxquelles ils se livraient, soit à Paris, soit dans les colonies. Malgré sa demande, la Martinique ne fut pas représentée aux États-Généraux. Les colons de Saint-Domingue élurent douze députés qui demandèrent, leur admission. On promit d'examiner, et, lorsque le Tiers-État se réunit au J e u - d e - P a u m e , ces députés furent admis à prêter le fameux serment par lequel l'assemblée s'engageait à ne pas se séparer jusqu'à ce que la constitution du royaume fût établie et affermie sur des bases solides. Cet exemple fut imité par les colons de la Guadeloupe. En Angleterre, Wilberforce avait, en 1787, soumis à la Chambre des communes sa première motion sur l'abolition de la traite des noirs. Cette motion avait été rejetée, mais les sociétés bibliques s'emparèrent de la question et continuèrent à agiter l'opinion publique avec une persévérance que rien ne put rebuter. Grégoire, curé d'Embermesnil, nommé député de Nancy, fonda la Société des Amis des noirs, qui avait pour mission de rétablir l'égalité entre les blancs et les hommes de couleur, en ne demandant que l'amélioration p r o gressive des esclaves, De leur côté, les colons formèrent le Club de l'hôtel de Massiac. Les exagérations de ces deux clubs exercèrent la plus fâcheuse influence sur le sort des colonies, fomentèrent des troubles qui ensanglantèrent les îles et causèrent la révolte de Saint-Domingue. A la Guadeloupe, les nouvelles idées ne causèrent de l'agitation que parmi les blancs, et cette agitation ne tarda pas à amener des dissidences entre eux, à mettre en présence des aristocrates et. des patriotes. Les possesseurs des sucreries ou les planteurs, qui tenaient le sol que leurs ancêtres avaient fécondé au milieu de mille dangers, étaient considérés comme des aristocrates. Les habitants des villes tenant le commerce et les petits métiers, composés généralement d'aventuriers venant chercher fortune, étaient les patriotes qui cherchaient à dépouiller les planteurs et diriger la colonie. « Ote-toi de là que j e m'y mette, » c'est la grande loi des révolutionnaires. A la nouvelle de la prise de la Bastille, il se produisit une impression pro-


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