L'agriculture à la Guadeloupe

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— 59 — dans les officines des pharmaciens. L'empoisonnement, arme terrible et insaisissable, se produisait sous les prétextes les plus divers. Le mobile était souvent le désir de la vengeance, souvent une preuve d'amour donnée aux maîtres, souvent la jalousie, etc. L'agriculture coloniale n'était riche et prospère qu'avec de nombreux bras d'esclaves ; par suite, la discipline des nègres appelait toute l'attention du gouvernement, non seulement dans le but de forcer les maîtres à entretenir et à traiter convenablement leurs esclaves, mais encore pour prévenir ce que l'on pourrait craindre de leur part et pour les maintenir dans le devoir. La population était en même temps la cause et l'effet de la culture et du commerce. Elle était de trois sortes aux colonies : celle des esclaves, des affranchis, des blancs ou Européens. La population des esclaves, seule chargée de tous ces travaux, plaçait le pays dans l'impuissance de résister à une invasion, ce qui était Un grave inconvénient ; mais, d'autre part, la métropole n'était pas dépeuplée, puis le bas prix de la main-d'œuvre donnait plus d'étendue et de solidité aux richesses de la colonie. Il y avait donc, sous ce double rapport, de grandes et sérieuses précautions à prendre : il fallait bien traiter les nègres et les tenir en même temps sous une dépendance sagement comprise ; c'est ce qui n'avait pas toujours lieu. La population des blancs était importante pour la consommation et plus encore pour la sûreté i n t é r i e u r e ; mais elle était nécessairement bornée dans les îles. L'agriculture, qui fournissait en Europe des hommes à toutes les a u t r e s professions, n'occupait dans nos colonies que des propriétaires de terres, des économes et peu d'ouvriers. Pour multiplier les blancs, on imposa aux habitants d'avoir par 2 0 , 40 ou 50 nègres ; mais ces réglements n'ont jamais été exécutés, à cause des prétentions excessives des blancs, de leur insubordination, quelquefois soutenue par les gouverneurs, et de leurs mœurs trop souvent dissolues ; les blancs étaient beaucoup plus propres à déranger les nègres qu'à les contenir. Le gouvernement local veillait d'ailleurs lui-même sur la police et l'entretien des esclaves. Les nègres, qui voulaient se dérober à l'autorité du maître ou ne plus t r a vailler, partaient en marronage, et on les appelait nègres marrons; ils habitaient dans les bois et revenaient, pendant la nuit, pour piller les habitations. Des peines très-sévères atteignaient ceux qui les recueillaient ; mais le marronage n'en prenait pas moins des proportions d'autant plus grandes que le nombre des esclaves s'accroissait chaque j o u r . Les nègres marrons trouvaient à s'employer dans les villes et dans les bourgs, à bord des navires, dans les magasins : ils se trouvaient ainsi confondus avec les nègres de journée. D'autre part, les maîtres eux-mêmes avaient donné naissance à un abus


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