L'agriculture à la Guadeloupe

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— 51 — Le traité de Paris, signé le 19 février 1 7 6 3 , avait restitué à la France la Guadeloupe et la Martinique, conquises en 1762. L'état florissant de la Guadeloupe frappa tout le monde, et on conçut pour elle ce sentiment de considération qu'inspire l'opulence. Les hommes sont les mômes à toutes les é p o ques. Le gouvernement général fut supprimé, et un réglement donna à cette île et ses dépendances une administration séparée, ayant à sa tête un gouverneur général et un intendant. Les Anglais avaient de grands intérêts, et il fut décidé que ces derniers, établis à la Guadeloupe, auraient droit de vendre leurs terres, leurs biens, de régler leurs affaires, de recouvrer leurs dettes, etc. On leur donna enfin "foutes les garanties désirables. Les colons, habitués à entretenir de larges et intelligentes relations avec l'Angleterre, craignaient de retomber sous l'ancien joug des commissionnaires de Saint-Pierre et de manquer brusquement des objets indispensables à l'alimentation et à l'exploitation des habitations. Ils furent bientôt rassurés par le gouvernement de la métropole, qui autorisa les échanges d'une foule d'objets utiles. Près de la sucrerie se trouve le bâtiment qu'on appelle la vinaigrerie, sans que l'on sache pourquoi. Cette disposition du bâtiment a pour but d'y porter plus commodément les écumes et les gros sirops, et d'y conduire les eaux au moyen d'une gouttière. Les ustensiles de la vinaigrerie consistent en bacs en bois, bien préférables à ceux en maçonnerie, parce qu'ils s'imbibent du jus qui s'y est aigri, ce qui aide beaucoup à établir la fermentation ; en une ou deux chaudières, avec leurs chapiteaux et leurs couleuvres ; une écumoire, quelques j a r r e s , des pots et des cuvettes. Les bacs sont remplis d'eau jusqu'aux deux tiers et parfois jusqu'aux trois quarts, puis on verse jusqu'au bord les gros sirops et les écumes; ces bacs sont alors couverts de feuilles de balisier ayant des planches par dessus. La fermentation s'opère dans deux ou trois j o u r s ; elle se montre par une écume assez épaisse à laquelle s'attachent toutes les immondices. Lorsque cette liqueur est jaune, qu'elle a pris un goût aigre, une odeur forte et pénétrante, on enlève l'écume, et toutes les ordures surnagent au-dessus. On la verse alors dans les chaudières, que l'on couvre avec un chapiteau de cuivre rouge étamé s'emboîtant bien juste dans le rebord du haut et qu'on Iule encore avec de la terre grasse ; on constitue enfin un alambic. La première liqueur qui arrive s'appelle petite eau, et toute petite eau tirée pendant les cinq premiers jours de là semaine est conservée pour être repassée le samedi. On fabrique alors véritablement l'eau-de-vie de canne, appelée tafia par les nègres, et guildive par les habitants. Voilà comment on obtient ces tafias qui sont la joie des gourmets. Si les colons furent heureux de pouvoir vendre leurs sirops et tafias, ils


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