L'agriculture à la Guadeloupe

Page 52

— 50 — refusèrent toute capitulation, et assistèrent impassibles au pillage et à l'incendie de 9 bourgs, 250 sucreries et 900 autres habitations ; 6,000 esclaves avaient été enlevés et conduits dans les îles anglaises. Au milieu de ces ruines, les colons se battaient toujours; mais, à bout de ressources, ils se virent dans la nécessité douloureuse de se rendre et de signer une capitulation qui leur accordait tous les honneurs de la guerre, en considération de leur belle défense. Le 1 mai 1759, la Guadeloupe passa sous la domination des Anglais ; mais la situation de cette île était déplor a b l e . Les colons ne rentraient dans leurs foyers que pour mourir, avec leur famille et leurs esclaves, par la famine. Leur avenir était sombre ; ils frémissaient de rage d'avoir été obligés de se courber sous ce joug détesté. Le pays semblait devoir périr. e r

Les Anglais firent à peine maîtres de là colonie, que partout la vie circula dans le corps social prêt à s'affaisser : les marchandises affluèrent; les e s claves furent introduits par milliers; les forêts tombèrent sous les coups des bûcherons ; les plantations de cannes couvrirent partout le sol. Le commerce anglais encouragea cette merveilleuse activité et versa à flots ses espèces, ses marchandises, ses denrées, son crédit. La Grande-Terre acquit toute son importance ; elle fut presque entièrement défrichée ; de toutes parts se dressèrent, des moulins à vent. La Pointe-à-Pitre fut alors fondée. Sous cette dénomination, répudiée par le patriotisme des colons, la Guadeloupe atteignit un degré de prospérité inouïe et devint l'un des premiers pays de l'Archipel : 3 0 , 0 0 0 esclaves arrivèrent. Les Anglais, pensant que leur gouvernement ne lâcherait plus une si riche proie, s'appliquèrent à faire disparaître toutes les ruines de l'invasion. Ils envoyèrent de si grandes quantités de marchandises, que ces marchandises finirent par tomber à vil prix, et, par suite de cette surabondance les débiteurs obtinrent de longs délais pour le paiement. A ce crédit de nécessité, se joignit bientôt un crédit de spéculation qui mit la colonie en état de remplir ses engagements. Les Anglais avaient formellement maintenu la législation française ; aucune loi n'avait autorisé les créanciers à faire saisir mobilièrement les bestiaux et les nègres attachés aux habitations. La Guadeloupe était riche et prospère, parce que le commerce anglais e n tretenait directement avec elle des relations suivies et ne faisait pas absorber par des commissionnaires privilégiés tout le bénéfice de son agriculture. Tel était le secret de cette merveilleuse prospérité, que n'avait pas voulu c o m prendre la France, car, tous les ans, huit à neuf millions de faux frais d e vaient être imputés sur les profits de l'échange des denrées de la colonie avec les comestibles et les marchandises apportés de F r a n c e . Le capital, en pure perte pour l'habitant et. le négociant, tournait au seul avantage du commissionnaire, qui n'entrait pour rien dans les peines de l'un ni dans les risques de l'autre.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.