L'agriculture à la Guadeloupe

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— 44 — tropole, que les raffineurs de France, se couvrant du manteau de l'intérêt public, firent rendre un arrêt, en 1682, qui frappait le sucre raffiné colonial, pendant deux axs, d'un droit de 8 livres. Encouragés par ce succès, les raffineurs métropolitains revinrent à la charge et voulurent étouffer le rival qui soutenait encore la lutte. Un arrêt du 21 janvier 1684 interdisait d'établir, à l'avenir, aucune raffinerie aux colonies, sous peine de 3,000 livres d'amende. Malgré cela, le raffinage ne succomba pas aux colonies et, malgré la t a x e , il soutint la lutte, car ses produits étaient recherchés dans tous les pays. Les résultats de ces changements de régime pour les sucres furent déplorables à tous les points de vue : c'est ainsi malheureusement qu'agissent presque toujours les gouvernements qui se laissent dominer par les intérêts privés. Les mêmes faits se produisent aujourd'hui entre les fabricants de sucre et les raffineurs, et en définitive les populations en sont les victimes. Si les colonies n'avaient été créées que pour servir de débouchés aux p r o duits de la métropole et assurer à sa navigation le privilége exclusif du transport des denrées coloniales, ce but ne pouvait être atteint qu'en assurant aux colonies le monopole du marché français, sur lequel elles ne d e vaient trouver aucune concurrence nuisible ; or, le but était manqué du m o ment où des produits étrangers étaient admis aux mêmes droits d'entrée que les sucres coloniaux. Les colonies marchaient nécessairement vers la ruine, et la navigation nationale était gravement compromise. Des droits protecteurs furent considérés comme l'unique moyen de donner aux sucres coloniaux la préférence qu'ils devaient avoir sur les sucres étrangers dans toute l'étendue du royaume : ces droits furent établis à partir du 16 mars 1691. La guerre de 1688 rendit critique la situation des colonies. Les navires étaient rares, et les capitaines préféraient aux sucres bruts les sucres raffinés, le cacao, l'indigo, le rocou, le coton, le caret. Quatre à cinq raffineurs privilégiées monopolisèrent l'industrie du raffinage. Ils achetèrent dans toutes les îles de très-grandes quantités de sucres bruts et réalisèrent des bénéfices considérables. Les habitants comprirent alors qu'ils ne travaillaient que pour enrichir les raffineurs, qui avaient sept livres de sucre brut, le meilleur et à leur choix, pour la valeur d'une livre de sucre raffiné. Les cannes furent alors arrachées, et on mit à la place de l'indigo, du cacao, du rocou, et la fabrique du sucre brut fut négligée. D'autres, plus sages, cherchèrent à blanchir leurs sucres, et la Guadeloupe donna un exemple qui fut suivi par beaucoup d'habitants des îles. L'industrie du terrage naquit et remplaça presque entièrement celle du sucre brut. Le sucre terré avait pris une place considérable dans la consommation de la France et avait restreint l'industrie de la raffinerie métropolitaine, qui obtint un nouveau succès par un arrêt du conseil d'État qui permettait aux habitants des îles de ne con-


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