L'agriculture à la Guadeloupe

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vesou; après cette opération, on le lave et on le fait sécher, car s'il est mouillé, le vesou ne passe pas. La lessive destinée à purger le vesou est l'une des plus importantes parties de la science du raffineur. Pour faire cette opération, on se sert d'un baril avec une ouverture : on y place une couche composée des herbes suivantes broyées entre les mains et hachées : herbe à blé (andropoga insulare), la touffe entière avec les r a cines ; herbe à piqûre [cnoysa lobata), mal nommée hyptis capitata, mises en proportions égales avec quelques feuilles et quelques morceaux de liane brûlante (diacontium polyphyllum) dont le bois et les feuilles sont un peu écrasés avant d'être mis dans le baril. Le fond de ce baril est rempli avec ces plantes jusqu'à la hauteur de 3 pouces ; on met dessus 3 pouces de cendre du meilleur bois brûlé, comme le châtaignier, le bois rouge, le bois caraïbe, le raisinier, l'oranger ou autres bois durs dont les cendres et les charbons ont beaucoup de sel ; on forme ensuite une couche de même épaisseur de chaux vive sur laquelle on r e m e t une autre couche des mêmes herbes, auxquelles on ajoute une ou deux cannes d'Inde ou de séguine bâtarde amorties au feu et coupées par rouelles de l'épaisseur d'un écu. Les couches se succèdent jusqu'à ce que le baril soit plein, et sur le tout on met une dernière couche des mêmes herbes bien broyées et hachées. Lorsque les cendres sont brûlantes, on verse dessus de l'eau froide pour remplir le baril ; dans le cas contraire, on verse de l'eau bouillante. L'eau découlant du bouchon de paille tombe dans un vase d'où elle est versée dans le baril, et l'opération continue jusqu'au moment où, trempant le bout du doigt dans la lessive et le portant sur la langue, celle-ci ne puisse pas l'y supporter. Dans ces conditions, la lessive est bonne ; elle jaunit le doigt. Lorsque les cannes sont vertes, par suite grosses et difficiles à épurer, on ajoute aux herbes de l'antimoine cru en poudre. Cette drogue, qui rend le sucre gris, ne sert que dans la fabrication du sucre brut. Des couteaux en bois caraïbe servent à reconnaître si le sucre, dans la batterie, est arrivé au point de cuisson ; à cet effet, on trempe un couteau dans la batterie, que l'on retire couvert de sirop ; on le touche avec le pouce de la main droite, et on appuie un peu le doigt du milieu de la même main sur la partie du pouce où est le sucre, puis s u r le couteau. Le doigt est ensuite étendu doucement ; le sucre qui y est attaché file, et on r e m u e doucement le pouce pour faire rompre le filet ; plus le filet se rompt près du doigt, moins il est cuit, et plus il est long, mieux il est cuit. C'est en ce point, dit-on, que consiste toute la science des raffineurs, car toutes les cannes ne demandent pas le même degré de cuisson : celles qui sont vertes veulent une cuisson plus forte que celles arrivées à point de leur maturité ou qui l'ont passé. Le sucre brut demande beaucoup plus de cuisson que le sucre destiné à être blanchi, en le, plaçant dans la t e r r e . Les jeunes cannes


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