L'agriculture à la Guadeloupe

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— 32 — de tout pavillon, constitué des établissements de crédit, et, malgré tout cela, la propriété ne se relève pas de sa déchéance et n'acquiert pas une valeur en rapport avec les grandes dépenses faites par les habitants. C'est que si l'immigration cessait, tout serait perdu à la Guadeloupe et dans toutes nos colonies ! Ce j o u r néfaste arrivant, la civilisation française disparaîtrait de l'Amérique. La constitution spéciale de la propriété coloniale ne permet pas de chiffrer le capital par hectares ni d'en détailler le chiffre, et la plupart des habitants ne tiennent pas de comptabilité agricole. D'autre part, la terre n'a pas une valeur générale certaine, et les récoltes sont trop aléatoires et soumises à des accidents atmosphériques incessants. Toute exploitation agricole demande des prêts à longue échéance ; un e m p r u n t , remboursable à court terme, deviendrait une véritable aliénation, a dit M. le comte de Gasparin, ce qui n'est peut-être pas très-exact dans un pays d'Europe. Le crédit hypothécaire n'est réellement utile qu'autant que le remboursement est éloigné et qu'il peut s'opérer au moyen d'un fonds d'amortissement payé ou économisé annuellement, ce qui produit la libération, au bout d'un certain nombre d'années, des sacrifices dont la portée peut être mesurée d'avance. Les commissionnaires firent des avances aux colons, qui, en retour, leur adressèrent toutes leurs denrées. Ces derniers étaient vendeurs, suivant certains droits qui ont subsisté jusqu'à ce j o u r . Les rapports d'habitants et de commissionnaires durèrent sans encombre jusqu'à la révolution de 1 8 4 8 . Le commerce aux abois ne put plus venir en aide à l'agriculture, ruinée par l'abolition de l'esclavage et la désertion des affranchis quittant les ateliers pour jouir de la liberté et faire usage des droits politiques qui leur avaient été accordés. L'anarchie et les agitations subversives régnèrent dans les colonies, où tout semblait désormais perdu. Il fallait aviser sans retard. La création d'une banque parut le seul moyen de salut, et M. de Navailles, trésorier-général des colonies, conçut alors le plan d'une banque de prêts qui fut créée le 5 juillet 1 8 4 8 . Ses opérations étaient ainsi réglées : prêts sur denrées coloniales, sur dépôts de matières d'or et d'argent, sur dépôt de marchandises étrangères, etc. Les dépôts en espèces pouvaient être faits contre des bons de banque, mais sans intérêt. L'exiguité de la récolte de 1850 avait aggravé la situation, et les colons furent obligés de se livrer à des transactions onéreuses au profit de quelques capitalistes. Il fallait faire cesser ce trafic scandaleux, et on autorisa la banque à avancer des sommes sur les certificats de liquidation de l'indemnité, liquidation qui marchait fort lentement. Les receveurs de l'enregistrement tenaient registre : 1° de la transcription des actes de prêt sur cession de récolte pendante dans la circonscription ; 2° des déclarations ou oppositions, conséquence de ces actes. De cette façon, tout le monde pouvait se


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