L'agriculture à la Guadeloupe

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— 247 — De tous les côtés donc se déroule une série continuelle de vues enchantées. Si on descend les dernières collines et qu'on parvienne à ces limites qui séparent les domaines de la terre et des eaux, la scène change entièrement de physionomie et déploie des beautés d'un autre ordre. Des rochers gigantesques, affreusement fracturés, présentent leurs flancs tantôt décharnés, tantôt revêtus de raquettes, de fleurs jaunes, d'acacias et de plantes qui ne croissent que près de la m e r . L'irrégularité de la courbe, décrivant la côte, donne des lointains gradués, formés de promontoires dont les uns s'allongent en grèves de sable, décorés de cocotiers, de calebassiers et de t a m a r i n s ; les autres élèvent, au-dessus des flots, de hautes falaises dont ils rongent éternellement les bases. Assez souvent ces deux caractères se présentent dans le même paysage. Les devants du tableau sont presque touj o u r s enrichis de gros rochers noirs sortant de la mer, à deux pas du r i vage, et dont les couleurs sombres semblent se rembrunir encore par leurs oppositions avec les volutes blanches des vagues qui viennent, en mugissant, se briser à leurs pieds. Les figures qui animent ces sites variés achèvent de les rendre trèspittoresques. Les sentiers tortueux des collines présentent à tous moments des nègres voyageurs portant des fardeaux ou conduisant des mulets chargés. Quelquefois, on trouve cinq ou six de ces pauvres gens qui, se reposant sur le bord d'un ruisseau ou dans un autre lieu sauvage, forment ensemble les groupes les plus piquants. Ils ont presque tous des attitudes expressives ; leur vêlement est souvent grotesque, sans offrir de caricature, et, par c o n séquent, tel que le demande le peintre en paysage. Le costume des femmes produit surtout les plus jolis effets. Elles ont des jupes de couleurs vives, une chemise blanche dont les manches courtes et très-larges laissent voir leurs bras d'un noir bronzé de rouge, et enfin sur la tête, sur le cou, des mouchoirs de l'Inde d'une belle couleur foncée. Souvent un panier de fruits ou de légumes qu'elles portent sur la tête, suivant l'usage du pays, contribue à former, avec les teintes variées de leurs vêtements, les harmonies les plus suaves et les plus fraîches. On rencontre, surtout vers les bords de la mer, des personnages dont les expressions et les attitudes embellissent ces paysages : ce sont des pêcheurs noirs ou blancs qui cheminent lentement avec leur filet sur l'épaule. Quelquefois on trouve une chaumière délabrée, ombragée de grands arbres, et on voit son antique propriétaire, avec son long caleçon bleu, ses pieds nus et son bonnet de toile blanche, qui prend nonchalamment le frais, en fumant assis devant sa porte. Beaucoup de canots et de pirogues passent, à tout moment, le long du rivage, et les rameurs qui les dirigent s'animent presque toujours les uns les autres par des chants un peu sauvages, Composés de quelques notes qui reviennent sans cesse. Le beau ciel dont la voûte couronne ces scènes pittoresques achève d'en


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