L'agriculture à la Guadeloupe

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— 241 — Quand le rocou saute, on diminue le feu, afin d'éviter une cuite trop prompte. Lorsqu'il ne saute plus, on ne laisse plus que du charbon sous la batterie, et on ne remue plus qu'un peu, ce qui s'appelle vesser. Le rocou s'épaississant et formant masse est tourné et retourné souvent dans la chaudière. La cuite dure de dix à douze heures. Le rocou est cuit quand il ne prend plus sur le doigt mouillé. On le laisse alors un peu durcir dans la chaudière, avec une chaleur modérée, en le retournant pour le faire cuire et sécher de tous côtés. Le rocou tiré de la batterie, façonné en forme de masse plate, est placé sur une planche, sur laquelle il refroidit pendant huit à dix heures ; on l'arrange ensuite en pain, en ayant soin de se frotter légèrement les mains avec du b e u r r e frais, du saindoux ou de l'huile de carapat. Chaque pain de deux à trois livres est enveloppé dans des feuilles de balisier amorties au feu. En 1694, le rocou valait encore 2 0 sols la livre ; antérieurement, son prix était de 30 sols. Après la paix de Riswick, le prix baissa jusqu'à 6 et 7 sols la livre, par suite d'une trop grande fabrication. En 1 7 7 5 , la Guadeloupe ne produisait pas de rocouv ; Saint-Domingue exportait 51,861 livres; Cayenne, 3 0 0 , 3 5 5 ; ensemble : 2 5 2 , 2 1 6 livres, dont la valeur était de 2 2 0 , 3 6 9 livres. En 1847, la Guadeloupe envoya en France 3,000 kilog. de rocou. Deux habitants avaient pris l'initiative de cette c u l t u r e ; l'un d'eux, M. Perriolet, améliora sensiblement la fabrication ; il fit une grande fortune et acquit une renommée bien méritée. Six variétés de rocouyers sont cultivées à la Guadeloupe : rocouyer vert rouge, à fortes gousses bien nourries ; — rocouyer vert, à gousses moins fortes, mais plus nombreuses par bouquets ; ces deux variétés sont les meilleures; — rocouyer appelé sous le Vent bonda, à M Borgone ; la pâte de cette variété est la plus chargée en matière colorante ; seulement la gousse, à peine ouverte, laisse couler les graines, et les cultivateurs la rejettent, parce que les piquants qui l'entourent engendrent des panaris ; — rocouyer noir, à gousses deux tiers plus petites que celles des deux premières variétés ; les noirs considèrent la racine comme un excellent remède contre la syphilis ; — rocouyer de Cayenne, à gousses énormes, renfermant peu de graines ; — rocouyer à fruits verts, à gousses plus grosses que celles des deux premières variétés, mais ayant moins de graines. me

Les premiers rocous expédiés de la Guadeloupe étaient fabriqués d'après la méthode de Cayenne, dont il a été parlé ci-dessus. Les ouvriers qui travaillaient le rocou éprouvaient des maux de tête violents dus à l'odeur pénétrante de la graine qui, pendant la macération, exhale des émanations fétides de matières fécales. Les noirs ont une r é p u gnance invincible pour toute matière fécale ; aussi, après l'émancipation, les 16


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