L'agriculture à la Guadeloupe

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— 233 — Le tabac passé au sas forme une poudre très-fine qu'il s'agit d'humecter, pour déterminer une fermentation particulière, d'où résulte le développement du principe âcre et volatil que l'on recherche dans cette poudre, à laquelle on souhaite surtout beaucoup de montant. Une certaine quantité de nicotiane en poudre est déposée sur une table, comme fait le boulanger qui va manipuler sa fariné ; on y fait un trou, et on verse assez d'eau de m e r pour humecter toute la masse, que l'on malaxe ensuite. Il est nécessaire d'avoir une espèce de levain fait avec de la pâte préparée d'avance et qu'on mélange pour servir de ferment. Au bout de trois j o u r s , toute la masse s'est enrichie des produits d'une fermentation spéciale, et elle s'est empreinte du montant auquel les fabricants reconnaissent le tabac fait. Le tabac que l'on réserve pour l'exportation ou que l'on veut conserver longtemps doit être peu humecté, afin que la fermentation s'effectue lentem e n t dans la bouteille, où la poudre ne sera jamais foulée, si l'on ne veut pas hâter la décomposition. Il s'agit ici du tabac à priser ; dans les colonies, on fait très-peu de cigares. Une population de 1,200 âmes, répandue sur les îlôts de l'archipel des Saintes, s'occupe de pêche, de l'éducation de quelques bêtes à cornes, et fournit de bons marins au cabotage de la Guadeloupe. Le café, le manioc, le maïs et quelques plantes légumineuses y sont l'objet d'une culture pénible, peu productive, et tous les habitants sont dans un état voisin de la misère. Ces derniers se contentent de peu, ou ils sont incapables de calculer les bénéfices qu'ils obtiendraient en cultivant la nicotiane dans un sol sulfureux, volcanisé et riche en principes favorables à celle solanée. M. Grizel Sainte-Marie aurait voulu qu'on établît des primes d'encouragement pour ceux qui planteraient en tabac le plus de terres incultes. Il croit que leur insouciance ne tiendrait pas contre un pareil moyen. « Il est étrange, sans doute, dit avec raison cet auteur, qu'il me soit permis de faire cette réflexion, qu'il faille toujours offrir des récompenses à une population, quand on veut la déterminer à embrasser la culture d'un végétal utile. C'est ainsi qu'en France, au centre de toute civilisation, durant les années 1 8 1 5 , 1816 et 1817, sans les primes attachées à l'exploitation du plus précieux tubercule du règne végétal, de la pomme de t e r r e , on ne serait peut-être pas aussi promptement parvenu à décider une population, alors malheureuse, manquant de tout et mourant de faim, à donner ses soins à la culture d'une plante qui devait la sauver de la famine qu'elle défierait à l'avenir, et la défendre à jamais contre le plus affreux des fléaux qui puisse affliger un grand peuple. « Pourquoi faut-il encourager les habitants des campagnes? C'est parce qu'ils n'ont pas une instruction suffisante et qu'ils ne connaissent pas les résultats qu'ils pourraient obtenir en cultivant telle ou telle plante ; c'est parce que l'argent leur fait défaut, et qu'on n'a pas encore su organiser le


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