L'agriculture à la Guadeloupe

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— 146 — vaient tout à fait dans les conditions nécessaires pour le travail libre, car ils ont tous l'appétit du gain. Dans leur pays, ils sont peu heureux ; dans la colonie de Demerara, ils ont trouvé un lucre énorme, comparé à ce qu'ils reçoivent chez eux : une nourriture plus abondante, malgré leur frugalité naturelle, et l'espoir de ramasser, au bout de quelques a n n é e s , une petite s o m m e , fruit de leurs économies. Les Portugais, après avoir fini leurs engagements, se sont jetés dans les villes, se sont faits marchands, et ils ont refoulé les noirs qui s'étaient e m parés du commerce. Les nègres ont quitté la ville peu à peu ; les uns ont repris leur case sur la propriété de leur maître ou à côté, travaillant quand cela leur passait par la tête ; les autres ont obtenu quelques petites concessions qu'ils faisaient valoir en vivres. Presque sur toutes les propriétés, on avait laissé les anciens nègres en possession de leurs cases sans paiement; les propriétaires avaient intérêt à agir de la sorte, et pour peu qu'ils travaillassent, ils faisaient toujours quelque chose. Les mêmes effets se sont produits dans les autres colonies anglaises : d é sertion du travail par les nègres, relèvement de l'agriculture par l ' i m m i gration. A Saint-Vincent, la récolle de 1 8 3 7 , dernière année de l'apprentissage, faite par 14,256 noirs affranchis, donna 2 2 , 8 3 7 , 5 0 7 livres de s u c r e ; en 1 8 4 0 , il n'y avait plus que 8,526 noirs employés à la culture ; aussi la p r o duction était-elle tombée à 1 0 , 3 2 4 , 9 9 3 livres. Le nombre des travailleurs affranchis est allé depuis lors en diminuant, et en 1846 le nombre des travailleurs n'était plus que de 7 , 0 6 2 , et la récolte de 1 4 , 7 0 3 , 5 5 3 livres. Il est positif que le travail du nègre libre est et sera toujours irrégulier, incomplet. Mêmes progrès, pour l'immigration, dans les autres colonies, notamment à la Jamaïque, à la Guyane anglaise, à la Trinité, les trois grandes colonies les plus atteintes par l'émancipation. Le temps a contribué à diminuer les préjugés qui s'étaient élevés contre l'immigration ; cependant elle rencontre encore une opposition obstinée, et cependant tout le salut était là, et dans les colonies françaises, et dans les colonies anglaises, car la loi providentielle du travail n'est pas encore comprise par les noirs : il faut espérer qu'ils la comprendront un j o u r . Proudhon a écrit les lignes suivantes dans u n de ses livres, la Théorie de l'impôt : « Une des premières pensées de l'homme, à peine éclos à la civilisation, sans expérience de la justice, fut de se décharger sur son prochain, par la pratique de la servitude, de l'obligation du travail. Et comme ce sont les plus


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