L'agriculture à la Guadeloupe

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— 140 — culture ; ils s'affligeaient de constater que, vingt-huit ans après l'affranchissement, l'éducation, la jouissance de leurs droits, le mariage, le développement de leurs facultés, la fréquentation des hommes civilisés n'eussent pas encore initié les affranchis aux nécessités factices qui soutiennent l'industrie, ni ne leur eussent inoculé la sainte loi du travail. Les colons étaient prêts à les recevoir chez eux le jour où, volontairement, ils voudraient se courber devant la parole de Dieu. En 1 8 7 2 , le rapporteur de la commission de l'immigration disait que la nécessité, l'indispensabilité de l'immigration était chaque jour plus nettement d é m o n t r é e , car chaque j o u r les cultivateurs indigènes se retiraient davantage des grandes exploitations agricoles. Ce manque de bras, combien on le regrette lorsqu'on pense que la Guadeloupe et ses dépendances, sur une superficie de 1 8 4 , 8 5 1 hectares, ne comprend que 3 4 , 0 4 4 hectares de terres cultivées, dont 18,769 seulement reçoivent le plan de la canne ! Quelles richesses ne renferme pas ce sol si fertile, richesses qui y restent enfouies et qu'il serait cependant si facile d'en tirer, si l'on avait quelques milliers de cultivateurs de plus ! La principale production de la colonie n'augmentait pas ; elle avait m ê m e diminué dans une assez forte proportion. En 1 8 5 5 , la production du sucre était de 2 3 , 5 5 8 , 2 9 6 kilog. De 1858 à 1 8 6 4 , elle rendait de 27 à 30 millions de kilog. Elle descendait à 16 millions en 1 8 6 5 , pour remonter à 34 millions en 1867 ; elle revenait à 23 millions de kilog. en 1 8 6 8 ; elle atteignait 38 millions 1/2 en 1 8 7 1 , et seulement 31 millions 1/2 de kilog. en 1 8 7 2 . Grâce donc à l'immigration, la colonie avait relevé son agriculture. La diminution de 1 8 7 2 , s'élevant à 15,000 barriques de sucre, provenait de la sécheresse, qui avait trompé les espérances des planteurs, car ces derniers avaient prévu une récolte d'au moins 1 0 0 , 0 0 0 barriques. La continuation de l'immigration pouvait seule accroître la production et empêcher la ruine du pays. De 1873 à 1 8 7 6 , l'exportation s'est élevée de 36 millions à 48 millions de kilog. Quelques noirs d'élite étaient devenus rapidement petits propriétaires, tandis que d'autres travaillaient encore dans les usines. Si tous les noirs voulaient réellement travailler, les habitants ont de vastes terres qu'ils pourraient planter et rendre productives. L'immigration, loin d'être nuisible, comme les esprits prévenus le prétendent, à la population créole, l'enrichit, du moins ceux des noirs qui font des vivres et consomment tous leurs p r o duits. Le travail des immigrants ne fait d'ailleurs aucune concurrence au travail du créole, par la raison bien simple que ce dernier ne veut pas travailler p o u r l'habitant.


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