L'agriculture à la Guadeloupe

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_ 119 — imposé sur les sucres des colonies, de façon à maintenir la situation relative des uns et des autres sur les marchés métropolitains. D'autre part, les ports en relation avec les étrangers se récrièrent contre le monopole des colonies, leur reprochant l'énormité de la dette qui pesait sur elles, et qu'elles n'avaient contractée que pour pouvoir être en mesure de se conformer aux conditions du pacte colonial, et la mauvaise qualité de leurs produits, conséquence inévitable des lois d'une métropole qui leur avait fait perdre le capital de 3 0 millions, enfouis dans l'outillage du terrage, pour les obliger à ne fabriquer que des sucres bruts, d'une qualité inférieure, afin d'avoir, pour sa navigation, un fret plus considérable et de p r o voquer un plus grand développement de l'industrie du raffinage. Et voilà, nous l'avons répété déjà plusieurs fois, comment les intérêts gouvernent le monde et se jouent, des sentiments honnêtes qui devraient être inscrits dans toutes les consciences. Les mêmes faits -se sont produits et se produiront encore en France au sujet de notre industrie sucrière, qui a donné de si magnifiques résultats depuis sa création et qui enrichit tous les pays dans lesquels elle se trouve. On la maltraite, on l'écrase d'impôts, on l'abreuve de toutes sortes de vexations, on l'exploite pour favoriser le raffinage, et c'est ainsi que l'on tue la poule aux œufs d'or. C'est fâcheux à d i r e , mais de tous temps les plus forts ont écrasé les plus petits, alors m ê m e que ces petits faisaient la fortune du pays. Les députés des colonies s'opposaient à toute modification de tarifs sur les sucres étrangers. Les raffineurs qui, par la prime sur les sucres exportés, extorquaient au Trésor des sommes considérables qu'ils n'avaient pas acquittées, réclamaient avec insistance l'abaissement des droits sur les sucres étrangers, prétendant que les colonies se trouvaient en état de supporter ces exactions. La sucrerie de betteraves fit aussi entendre sa faible voix dans le concert d'intérêts qui ne pouvaient s'accorder. A la chute de l'Empire, elle possédait 200 fabriques et versait sur nos marchés 3 , 4 0 0 , 0 0 0 kilog. de sucre. Lorsque la paix eut ouvert les mailles du cercle de vaisseaux au moyen desquels l'Angleterre nous interceptait la mer, les sucres coloniaux et étrangers arrivèrent en France en si grande abondance, que le prix tomba de 12 fr. le kilog. à 3 fr. Le sucre de betteraves sembla dès lors disparaître ; cependant quelques fabriques continuèrent à faire du sucre. La loi de 1 8 2 2 , en élevant la taxe sur les sucres étrangers, imprima aux fabriques un certain mouvement, d'autant plus vif que le sucre indigène ne payait aucun impôt et obtenait au contraire, au détriment du Trésor, des bénéfices considérables, puisqu'à l'exportation il était payé une prime de 1 fr. à 1 fr. 20 par kilog. La sucrerie indigène, que les intérêts ne redoutaient pas, parce qu'ils ne lui supposaient aucune importance, se joignit aux colons pour réclamer le maintien du statu quo. Cette concurrente des colonies et des ports de mer


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