L'agriculture à la Guadeloupe

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— 106 — commis par des personnes non libres ou par les maîtres sur les esclaves. Nombre de juges de paix pouvant être portés à dix pour la Guadeloupe. Tout individu âgé de moins de soixante ans, ne justifiant pas de moyens suffisants d'existence, ou d'un engagement de travail, ou de son état de d o mesticité , était tenu de travailler dans un atelier colonial indiqué, et, en cas de refus, puni comme vagabond. Ces lois étaient évidemment l'œuvre d'un gouvernement qui ne voulait pas sérieusement de l'émancipation, et qui reculait devant l'indemnité à payer aux colons. Un cri de réprobation s'éleva dans toutes les colonies. Les colons de la Guadeloupe se sentirent surtout profondément, blessés des dispositions injurieuses de cette loi, qu'ils flétrirent du nom de loi d'amour. Cette loi tendait évidemment à nuire à la discipline des ateliers, à produire un grand relâchement dans le travail, et livrait le maître aux dénonciations de ses e s claves. Le conseil colonial de la Guadeloupe, réuni extraordinairement le 19 octobre 1 8 4 6 , laissa voir ses appréhensions sur l'avenir, et il se demanda si, à une position où tout serait compromis, il ne faudrait pas préférer une mesure définitive dont l'accomplissement ne pourrait avoir lieu qu'au prix de compensations revendiquées par la justice, garanties par des promesses solennelles. Cette loi n'eut pas non plus l'approbation des abolitionnistes. Les colons trouvèrent injurieuses les dispositions qui donnaient aux esclaves le droit de propriété. Les nègres considéraient les jardins dont ils jouissaient comme leur a p partenant : ils se les transmettaient de père en fils; ils en disposaient en faveur de leurs proches et de leurs amis. Des meuniers de Sans-Souci e n clavés dans l'esclavage, des hommes qui ne respectent pas la liberté de leurs semblables et qui respectent les arbres de leurs esclaves ! Voilà d'incroyables anomalies. Mais que l'on ne s'étonne pas encore, la société coloniale ne tarda pas à présenter des spectacles bien autrement bizarres. Tout y était étrange et rempli d'énormes contradictions. En F r a n c e , les colons étaient l'objet d'attaques passionnées, et un député avait osé les rendre solidaires des crimes commis par quelques individus. Aussi le général Ambert, président du conseil colonial, disait-il le 21 juin 1847 : « D a n s cette lutte inégale, notre énergie a besoin de se retremper souvent aux sources vives de l'amour du pays. Les violences d'une agression récente nous apprennent que nous n'avons même plus à compter sur la générosité de la force, cette dernière ressource de la faiblesse. Le nom de Français n'est pour nous qu'un vain titre, impuissant à nous protéger contre les haines et les colères que suscitent nos ennemis. « Si nous devons courber la tête avec résignation devant les manifestations de la volonté nationale, le sentiment de notre dignité nous oblige à la relever


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