Abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises : enquêtes parlementaires et documents divers

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ABOLITION

DE L'ESCLAVAGE.

tales; et les manufactures de l'Angleterre perdraient ainsi, sous peu de temps, les immenses avantages que leur garantit le monopole des marchés coloniaux. En présence des vastes débouchés que les colonies offrent à la métropole et des quantités de sucre dont ces possessions sont en mesure de l'approvisionner, lord Stanley ne consentira pas à accorder, dans le seul but de rendre l'équilibre au budget, ce qu'il considérerait comme un

grand encouragement

donné à la production d'un pays à esclaves, tel que le Brésil. Pour répondre aux subtilités auxquelles cette partie de là discussion a donné lieu, l'orateur pose catégoriquement, au chancelier de l'échiquier, ces deux questions: 1° un million de quintaux de sucre étranger prend, en Angleterre, la place d'un million de quintaux de sucre colonial : n'y aurait-il pas là un puissant encouragement pour la production du Brésil, et par suite pour l'esclavage, ainsi que pour l'introduction des esclaves dans cette contrée? 2° le raffinage des sucres du Brésil, en Angleterre, et leur réexportation à l'étranger, augmentent-elles le moins du monde la production du Brésil ? La Hollande ne se chargerait-elle pas de ce raffinage à défaut de l'Angleterre? Ce complément de fabrication ouvre-t-il à ces produits aucun marché nouveau?. Il en est de même, aux yeux de lord Stanley, des arguments basés sur l'importation du café et de conton obtenus par le travail esclave. «Pourquoi, dit-il, admettons-nous ces produits? Parce que notre approvisionnement national est insuffisant. Il y a plus, la faveur que ces deux articles rencontrent en ce pays ne peut que conduire les contrées d'où ils proviennent à en substituer l'exploitation à celle du sucre. Sous ce rapport donc, notre tarif vient en aide à la cause de l'émancipation. En effet, le café et le coton peuvent être cultivés par des travailleurs libres sans beaucoup de frais ni d'efforts, et rivaliser sans trop de désavantage avec les produits analogues du travail esclave. Pour le sucre, cette concurrence, en supposant les circonstances les plus favorables, est à tout jamais impossible. « L e moment est-il venu de troubler la marche d'une expérience que le succès a jusqu'ici accompagnée? D'après la description faite par lord John Russell de la situation des noirs dans les colonies des Indes occidentales, description dont l'intérêt a dépassé toutes les espérances, tous les éléments d'une prospérité réelle existent au sein de ces populations, et peuvent être fécondés par le temps. Mais ces beaux résultats s'expliquent par ce fait, qu'à la Jamaïque quatre-vingt-dix mille noirs se partagent annuellement entre eux une somme de 1 , 7 6 0 , 0 0 0 livres sterling ( 4 3 , 7 6 0 , 0 0 0 francs), rémunération des travaux qu'ils accomplissent sur les sucreries. Choisira-t-on, pour anéantir cette prospérité naissante de nos colonies émancipées, le moment où il est


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