The Red Bulletin CF 04/23

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DÉTENTE MAXIMALE EN ALTITUDE

Pour l’alpiniste de l’extrême Nicolas Hojac, peu importe le sommet tant qu’on a le flow

HORS DU COMMUN SUISSE, 3,80 CHF 04/2023 ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT getredbulletin.ch

À braver l’inconnu ? À nous aventurer au-delà à l’origine de la marque TUDOR, le même qui habite les femmes et les hommes qui portent ces montres. Sans eux, il n’y aurait ni histoires, ni légendes, ni victoires. C’est l’état d’esprit qui donne chaque jour à l’envie de se

chaque montre TUDOR.

sont nés pour oser.

PELAGOS NIC VON RUPP 1.76 m NAZARÉ GIANT WAVE

Contributions

LE SOMMET, ET APRÈS ?

SAMUEL WALDIS

« Quand je t’écoute, j’ai l’impression de n’avoir rien vécu. » Voici ce que disait un auditeur à l’alpiniste Nicolas Hojac, à l’issue d’une de ses conférences relatant ses exploits. « J’ai ressenti la même chose en écoutant Hojac », concède Samuel Waldis, auteur du sujet de couverture de ce numéro.

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JESSICA HOLLAND

est une journaliste indépendante anglaise. Elle est passionnée d’altitude et d’aventure. Pour nous, elle a suivi et documenté la participation de l’élite féminine du VTT, au Pays de Galles, sur la piste du Red Bull Hardline, la compétition de downhill la plus flippante au monde.

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LORENZ HOLDER

« Je fais de la géographie terrain avec un appareil photo » : c’est ainsi que le photographe munichois de 43 ans, passionné de snowboard, décrit son travail. Le résultat ? Il livre une interaction spectaculaire entre une nature intacte et l’audace humaine.

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Qu’est-ce que « gagner » signife? Est-ce que renoncer ou faire demi-tour équivaut forcément à un échec ? Nicolas Hojac, alpiniste de haut niveau, explique pourquoi le point culminant de ses impressionnantes expéditions n’est pas le sommet, et élève la gestion du risque au rang de discipline sportive (page 34). À propos d’élévation : le parapentiste Patrick von Känel, qui a les pieds bien ancrés sur terre, passe son temps à évoluer dans les airs. Du moins lorsqu’il exerce son métier. Il nous confe ce que les oiseaux lui murmurent à l’oreille (page 54).

Six vététistes femmes, menées par Tahnée Seagrave, ont choisi le parcours de la compétition de VTT la plus diffcile au monde, le Red Bull Hardline, pour prouver qu’elles n’ont rien à envier aux hommes. Nous avons dévalé la vallée avec elles (page 68), à toute vitesse ! Fini la routine, par ici l’aventure !

ÉDITORIAL
THE RED BULLETIN 3 MARTIN
L’alpiniste de l’extrême suisse Nicolas Hojac lors du shooting pour The Red Bulletin sur l’Eiger : le glacier est un peu son home sweet home Page 34
HANSLMAYR (COUVERTURE)

Entretien avec l’artiste qui se cache derrière l’avatar, nouvelle star de

La DJ et productrice crée sa musique en s’appuyant sur des voix de l’au-delà, et le chant des baleines.

PORTFOLIO

LORENZ HOLDER 22

Le photographe sublime les athlètes de sport d’action dans leur contexte. Florilège de ses compositions hautes en couleur.

NICOLAS HOJAC GROOVE ATTITUDE EN ALTITUDE 34

L’alpiniste suisse parle de la diffculté d’évoluer en montagne, et paradoxalement de la joie que cela lui procure.

THE ACES SANS PEUR ET SANS REPROCHE 46

Quatre musiciennes Américaines tracent leur route… Entre genre, rock et religion, ces ex-Mormones se sont émancipées et ont trouvé leur propre style.

PATRICK VON KÄNEL

TUTOYER LES OISEAUX 54

Ce parapentiste suisse de 28 ans ne vit que partiellement sur la terre ferme. Et ça lui va très bien. Entretien perché.

VTT

À LA DURE 68

Six cyclistes d’élite femmes se frottent aux bad boys du Red Bull Hardline, parcours de descente le plus exigeant au monde. Récit.

54 GALERIE 6 L’ADDITION SVP ! 12 OBJET TROUVÉ 14 HÉROS & HÉROÏNES B-BOY LILOU
La légèreté
selon
champion du monde Red Bull BC One. TEFLON SEGA 18
16
de l’être (en mouvement)
le Franco-Algérien double
Spotify.
JAYDA G 20
C’EST PARTI ! VOYAGER 77 ÉCOUTER 82 S’ÉQUIPER 84 OPTIMISER 86 S’ENTRAÎNER 88 SORTIR 90 COGITER 92 MENTIONS LÉGALES 96 LE TRAIT DE LA FIN 98 CONTENUS 46 4 THE RED BULLETIN FELIPE GIACOMETTI, PIPER FERGUSON

Ce sont les petites choses qui comptent le plus.

La nouvelle Volvo EX30 complètement électrique. Notre plus petit SUV impressionne par son intérieur haut de gamme en matériaux recyclés, sa faible empreinte CO2 et ses systèmes d’assistance innovants. Ce sont souvent dans les plus petites choses que réside la grandeur.

Volvo EX30, E60 Twin, Electric, 428 ch/315 kW. Consommation moyenne d’électricité: 16.3 kWh/100 km, Emissions de CO2: 0 g/km. Catégorie d’efficacité énergétique: A. A B C D E F G A
6 THE RED BULLETIN

Decatur, Texas, USA

ÇA VA TACHER

Un objectif sale ne fait pas de bonnes photos… sauf si c’est voulu ! Comme au Red Bull Scramble, par exemple. C’est le nom de la nouvelle compétition de courses off-road, au cours desquelles pilotes professionnels et amateurs prennent les chemins de traverse dans leurs SSV (side-byside vehicle) pour faire leurs preuves sur les terrains les plus divers : tantôt sur le sable, tantôt sur la neige, tantôt dans la terre, comme ici sur le circuit Oak Hill Raceway au Texas. redbull.com

CHRIS TEDESCO/RED BULL CONTENT POOL MAXIMILIAN REICH

Tokyo, Japon

JEU DE JAMBES

Il court, il saute, il vole ! Le freerunneur Stefan Dollinger s’en est allé à l’autre bout du monde, au Japon, à Tokyo, la ville où « ça tourne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». Avec lui, le photographe Mathäus Gartner et le vidéaste Philipp Gatterer. Leur intention était de réaliser une série de photos époustouflantes. Le making-of de la virée des trois amis tyroliens est à voir dans le clip vidéo Unreal Spots (sur YouTube, ou en scannant le code QR ci-contre) redbull.com

8 THE RED BULLETIN MATHÄUS GARTNER/RED BULL, TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL DAVID PESENDORFER

Le Cap, Afrique du Sud UN

PAS EN AVANT

Onthatile Zulu, ici à l’entraînement, avance avec détermination : l’athlète d’Afrique du Sud est passée en très peu de temps du statut de talent prometteur à celui de figure de proue de l’équipe nationale de hockey sur gazon. Elle endosse une mission claire en dehors du sport : « Je veux donner de la force aux femmes et aux jeunes filles et les encourager à réaliser leurs rêves. » redbullcontentpool.com

Baía Formosa, Brésil

PRENDRE LA VAGUE

Le soleil se couche sur un ciel rougeoyant, mettant en scène le talent éclatant du surfeur brésilien Ítalo Ferreira. Il est, entre autres, connu pour être le tout premier champion olympique de surf aux Jeux Olympiques d’été 2020 (reprogrammés en 2021), à Tokyo. Depuis, Ferreira s’est retiré de la compétition internationale, et coule des jours heureux dans sa ville natale, Baía Formosa, dans l’État du Nordeste. redbullcontentpool.com

MARCELO MARAGNI/RED BULL CONTENT POOL DAVID PESENDORFER
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AMERICA’S SWEETHEART

Les billets pour ses concerts à Zurich sont partis en trente minutes ! Logique, quand on sait que Taylor Swift collectionne les records…

10

des 13 titres de l’album Midnights atteignent les dix premières places du classement des singles américains. Inégalé !

8 800 kilomètres : c’est l’autonomie du Dassault Falcon 900, le jet privé de la chanteuse – pour effectuer des vols directs USA-Europe.

2024

Taylor Swift se produira pour la première fois en Suisse, les 9 et 10 juillet. La seconde date a été ajoutée par les organisateurs pour satisfaire la demande considérable.

740

millions de dollars, la fortune de Taylor Swift, qui la place au Rang 34 du magazine Forbes des femmes les plus riches d’Amérique.

4

Le nombre d’instruments que la chanteuse maîtrise : le piano, la guitare, le banjo et le ukulélé.

2 000 000 de tickets ont été vendus en une seule journée pour sa tournée The Eras L’affluence record a fait collapser les serveurs.

10 minutes et 13 secondes : la durée de la ballade All Too Well. Elle devient le plus long morceau en tête des charts américains.

330

millions de dollars. C’est le coût des droits acquis par le manager Scooter Braun pour ses six albums – avant de les revendre un an plus tard pour 405 millions de dollars.

10

albums dans les charts en même temps : un record pour une artiste vivante. Prince, Whitney Houston et David Bowie ont connu un succès similaire, mais à titre posthume.

229

Le nombre de chansons produites à son nom à ce jour. Le magazine Rolling Stone a déclaré All Too Well n° 1 de tous les temps.

36 000 000 000

Le nombre de fois où les chansons de Taylor Swift ont été écoutées sur les plateformes de streaming (fin 2022).

L’ADDITION S’IL VOUS PLAÎT !
12 THE RED BULLETIN GETTY IMAGES HANNES KROPIK CLAUDIA MEITERT

La LONGINES SPIRIT FLYBACK illustre audacieusement l’esprit pionnier qui a toujours animé la marque. Par une simple pression, le mécanisme flyback, développé par Longines dans les années 1920, remet à zéro la trotteuse du chronographe et le redémarre immédiatement. Ce chronographe intemporel est une invitation à l’explorateur qui sommeille en vous. Prêt pour l’aventure?

LONGINES SPIRIT FLYBACK

IL VA TE REFROIDIR

Sur TikTok, une vague de hype chasse l’autre. Le créateur de contenus

Kirafn examine une tendance devenue virale

L’OBJET

Ce gobelet isotherme a une contenance de 1,2 litre. Grâce à l’isolation sous vide, il garde les boissons glacées au frais jusqu’à deux jours, et est garanti à vie.

LA VAGUE HYPE

Le hashtag #stanleyquencher a recueilli 107 millions de vues sur TikTok. La vidéo la plus réussie, avec plus de trois millions de vues, a été réalisée par l’infuenceuse sur TikTok Lex. Le Quencher fait parler de lui avec toutes sortes de vidéos comparatives. En magasin, il est toujours en rupture de stock.

L’ANALYSE

Rien qu’en regardant TikTok, mon besoin de summer vibes pour les prochains jours est couvert. Ce qui me convainc avant tout, c’est l’approche durable : le Quencher est fabriqué à 90 % en acier inoxydable recyclé et la paille est réutilisable.

de son vrai nom Jonas Willbold, 28  ans, divertit son 1,2 million de followers TikTok avec des formats comiques. En parallèle, il voue une fascination à la tech, aux produits et à la mode.

HYPE CHECK
14 THE RED BULLETIN

Le nouvel Amarok Prêts pour de grandes aventures?

Surpuissant et attire pourtant tous les regards. Polyvalent et avec une technologie de pointe. Le nouvel Amarok maîtrise tous les terrains avec brio. Il transforme ainsi le quotidien et les loisirs en une véritable expérience.

VW Amarok Aventura, 3.0 TDI, 240 ch, boîte automatique à 10 vitesses, 10,2 l/100 km, 266 g CO₂/km, cat. G A B C D E F G G volkswagen-nutzfahrzeuge.ch
Essayez-le vite

LILOU

Le double champion du monde du Red Bull BC One adore parcourir le monde. Avec 106 pays à son actif, le B-Boy a appris à voyager léger, à tel point qu’il n’emporte parfois qu’un simple sac plastique.

TEXTE NINA KALTENBÖCK

Santa Monica, 9 heures du matin. Vue imprenable sur les palmiers, la piscine et les œufs Bénédicte. B-Boy Lilou est arrivé à Los Angeles deux jours plutôt depuis Lyon, sa ville natale. Accoudé à une table, les yeux lourds de sommeil, il se cramponne à son espresso dont il attend vainement les effets. Lilou danse depuis 27 ans. Adulé par les uns comme une légende du breaking survolté, acclamé par les autres comme le danseur franco-algérien pailleté et masqué du clip Midnight Madness des Chemical Brothers ou celui de Madonna lors de la mi-temps du Super Bowl 2012.

Et soudain, miracle! Lilou, alias Ali Ramdani, est tout à fait réveillé. Première question: le breaking dans les années 90. Au souvenir de cette décennie qui revient de plus en plus à la mode, le quadragénaire se fait nostalgique… et on ne l’arrête plus. « La philosophie a changé. Autrefois, le breaking faisait partie de la culture Hip-Hop, c’était un mode de vie. Aujourd’hui, ça devient de plus en plus une compétition, toujours plus physique, plus orientée vers la performance. C’est bien, ça ouvre plus de possibilités », explique Lilou, qui fait régulièrement offce de juge lors des battles.

« Mais à l’époque, tu étais juste un danseur, tu voulais te sentir libre, t’exprimer. Aujourd’hui, les breakers et les breakeuses veulent faire carrière. » Avec autant d’années d’expérience au compteur, impossible de ne pas comparer. Internet, Instagram, selfes, tout ça n’existait pas. C’était une époque plus tranquille, on pouvait mieux se concentrer, considère Lilou qui précise aussitôt que ce n’était pas moins excitant. « Les mouvements des autres, leur signa-

ture, tu ne pouvais les voir qu’une seule fois en live, pas comme maintenant où il te sufft d’aller sur internet et de cliquer sur replay autant que tu veux. » Lilou préfère de toute façon voyager dans le monde réel que sur la toile. S’il vit à Lyon avec sa femme et leur flle de huit ans (une future chanteuse !), il est somme toute un citoyen du monde. Pour lui, danser est une manière de communiquer, et cette communication est universelle.

Jamais sans ma banane

« Ma richesse, je me la construis en découvrant le monde. Acceptation, inspiration, humanité, rien de tel que les voyages pour nourrir son esprit », explique le B-Boy, qui, en plus, a affûté sa confiance en lui grâce à tous ces voyages autour du monde pour les compétitions. Vols annulés, chauffeurs de taxi qui n’arrivent jamais, problèmes avec le personnel de l’hôtel… « Derrière chaque situation conflictuelle se cache une solution. Grâce à mon métier de breaker, je suis allé dans 106 pays. Je peux dire bonjour et balancer des insultes dans plein de langues, ce qui t’ouvre les portes d’une culture étrangère en une seconde. » Plutôt que de nous proposer un échantillon coloré de ses talents de polyglotte, ce cosmopolite préfère nous expliquer pourquoi il vaut mieux voyager léger. S’il adore parcourir le monde, il déteste tout le rituel des valises, du transport, de l’attente… aussi a-t-il développé la « méthode Lilou-light ». « Un jour, j’ai pris l’avion avec un sac banane pour tout bagage. Une paire de chaussettes, deux trois petits trucs et c’était plié. Le tee-shirt est généralement fourni sur place par les organisateurs. » Autre arrêt, nouvelle version light : Lilou est resté trois jours aux Pays-Bas avec un simple sac plastique. « Quand on est venu me chercher, le type attendait patiemment mes bagages, jusqu’à ce que je finisse par

lui dire : « C’est ça, mes bagages ». Il m’a répondu : « Sérieux ? Je croyais que c’était des trucs du duty-free ! »

Lilou a appliqué la même méthode pour son séjour à Los Angeles. Et sur place, il utilise une Can-Am Spyder, une moto à trois roues souple et agile. Rien de tel pour se rendre rapidement d’un point A à un point B dans cette ville accablée par les embouteillages. Fidèle à lui-même, Lilou prend les choses avec légèreté, même s’il trouve la circulation ici « complètement ouf » : « Mes connaissances de L.A., je les dois aux films et aux séries. J’adore cette ambiance, mais le rêve américain ne me fait pas vraiment kiffer. » Niveau breaking, la scène est top, ça manque juste un peu de culture et de profondeur. Parmi ses prochaines destinations, Lilou fera le trajet de Lyon à Paris, cinq heures de route pour rejoindre le stade Roland-Garros et assister à la finale mondiale du Red Bull BC One. « C’est génial. Pour la première fois, une compétition de breaking se tient à l’endroit même où se déroulent normalement les prestigieux French Open. Je n’y vais pas en tant que participant mais pour partager mon savoir avec les jeunes. Le projet s’appelle Under My Wiiings et je me sens comme un vrai papa poule. » Ou comme un aigle scrutant le gratin du breaking qui se retrouvera lors du World Final dont l’issue, comme chaque année, nous réservera sûrement quelques surprises. « Perso, je trouve ça cool quand l’outsider bat le favori. C’est le genre de moments que tout le monde a envie de voir. »

Le Red Bull BC One World Final aura lieu le 21 octobre prochain au stade Roland-Garros, à Paris. Instagram : @lilou_officiel, streetoff_

HÉROS & HÉROÏNES
16 THE RED BULLETIN RED BULL CONTENT POOL
« Rien de tel que les voyages pour nourrir son esprit ! »
THE RED BULLETIN 17
Lilou, B-Boy lyonnais et franco-algérien, ici à Paris… mais partout chez lui.

TEFLON SEGA

n’existe que sous forme numérique. Pourtant, le chanteur d’anime 2D est une véritable superstar, inventée pour prendre sa revanche sur l’industrie musicale. Nous avons rencontré son mastermind.

Tefon Sega n’est pas comme les autres musiciens de R’n’B. On le reconnaît à sa tignasse noire et rose et à sa peau violette. Mais il y a une autre différence, plus importante : Tefon Sega n’existe que dans le métavers. Le chanteur d’anime 2D, qui compte chaque mois près d’un demi-million d’auditeurs et d’auditrices sur Spotify, et génère plus de 21 millions de clics sur YouTube et 5,6 millions de fux sur SoundCloud, est une créature entièrement numérique.

Invention d’un musicien anonyme, la présence en ligne de Tefon Sega montre que les frontières entre le monde artistique virtuel et physique s’estompent. Sega, dont le premier single Beretta Lake est devenu viral en 2016, interagit avec ses fans par le biais de vidéos en ligne ainsi que sur les médias sociaux et lors de concerts virtuels. « Mon rêve est de partir en tournée avec un spectacle live en réalité augmentée », confe-t-il. Tefon Sega a récemment sorti Welcome to the Mourning Show, son premier album. The Red Bulletin a levé le rideau virtuel, et s’est entretenu avec l’artiste, peu enclin à la publicité, qui se cache derrière cette façade virtuelle qu’est le métavers.

the red bulletin : Pourquoi publies-tu ta musique dans le métavers sous le nom de l’avatar numérique Tefon Sega ?

tefon sega : Il y a des années, j’ai été signé par une grande maison de disques qui m’a ensuite mis en attente, tout en me gardant prisonnier du contrat. Je me trouvais dans la pire phase de ma vie, car je ne pouvais pas m’exprimer de manière créative. J’ai donc développé un avatar et publié de la musique en secret.

Dans le but de contourner le contrat ? Oui. Le succès a été étonnant : une chanson s’est retrouvée à la quatrième place du classement mondial Viral de Spotify… mais j’étais toujours sous contrat. Je ne savais pas si le label allait le découvrir et me poursuivre en justice. Heureusement, il m’a laissé tomber. Puis il s’est tourné vers Tefon Sega et a dit qu’il souhaitait l’engager. Quelle ironie !

Est-ce que tu as l’impression d’être un musicien différent avec ton avatar ? Dans ce processus, j’ai appris que les avatars ne sont qu’une version contemporaine de ce qui a toujours existé dans l’art. L’histoire est pleine d’artistes inconnus. Il y a eu nombre de créateurs et créatrices qui ont senti qu’ils et elles pouvaient exprimer quelque chose de plus risqué ou de plus réel derrière un masque. Lorsque j’ai commencé à faire de la musique avec un avatar, j’ai pu exprimer des aspects de moimême, comme ma dépression, mes peurs, certains de mes défauts, que même mon entourage le plus proche n’avait jamais remarqués. Mon public s’est senti connecté à cela, et ça a été libérateur. C’est l’expérience de nombreux artistes introvertis.

C’est pourquoi les avatars joueront bientôt un rôle important dans l’art.

Comment as-tu acquis les compétences nécessaires pour créer des animations en temps réel ?

Je n’ai pas de formation en art, ni en animation ni en technologie 3D. Tout ce que je sais faire, je l’ai appris par moi-même avec YouTube. J’ai travaillé comme un fou quinze heures par jour. Au bout de quelques années, je me suis senti plus sûr de moi. Ce faisant, j’ai publié, Tefon Sega a publié beaucoup de contenus embarrassants et a également appris de mon, de son public. Et on continue d’apprendre.

Récemment, tu as décrit le processus créatif derrière une vidéo musicale en motion capture. Pourquoi ?

Cela fait longtemps que je voulais le faire. L’animation en tant que forme d’art est vieille de plus d’un siècle, mais l’animation en temps réel et la motion capture (capture de mouvements réels et leur numérisation immédiate, ndlr) sont si nouvelles et sont désormais à la portée de tous les esprits créatifs depuis leur domicile, sans studios ni gros budgets. Les gens m’envoyaient des messages pour complimenter mon « équipe » sur sa performance. Je voulais montrer que je produisais mon art quasiment dans mon garage… et que tout le monde était capable d’en faire autant.

As-tu envisagé d’abandonner l’avatar après avoir été lâché par le label ? Je l’ai vraiment fait. En 2018, j’ai dit à mon public que j’allais faire un face reveal et j’ai annoncé une date. Mais j’ai été inondé de messages qui disaient tous la même chose : « Ne le fais pas, ne gâche pas quelque chose de spécial, ne gâte pas cette forme d’évasion… » Cela a tout changé. J’ai réalisé que cela était désormais plus grand que moi. Ma mission est maintenant d’insuffer autant de vie que possible à Tefon Sega et à cette situation unique. Je me suis découvert une toute nouvelle passion, celle de construire des mondes et de raconter des histoires au sein de la musique et du métavers.

Instagram : @teflonsega

HÉROS & HÉROÏNES
18 THE RED BULLETIN
« Tout ce que je sais faire en 3D, je l’ai appris par moi-même.»
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Le créateur anonyme de Teflon Sega à propos de l’évolution de son avatar.

JAYDA G

La DJ et productrice canadienne mixe la dance music avec des enregistrements de son père disparu et le chant des cétacés. Explications.

Jayda Guy, aka Jayda G, 34 ans, perce en 2017 lorsqu’une vidéo de son DJ-set à Amsterdam devient virale. Ses mouvements énergiques aux platines rendent rapidement la DJ, productrice et toxicologue environnementale canadienne célèbre. Dans ses premiers titres de soul, de disco et de house, elle joue avec le chant des orques afn de susciter des discussions sur le thème de la protection de la nature. Dans son nouvel album, intitulé Guy, elle intègre des enregistrements de son père disparu qui évoque ses souvenirs de jeune afro-américain.

the red bulletin : Guy est plus personnel que vos albums précédents… jayda g : Jayda G est un personnage assez unidimensionnel : elle est heureuse, elle danse, elle joue de la musique joyeuse. Mais j’ai aussi une tout autre facette : Jayda Guy, qui est plutôt réféchie, qui a parfois le mal de vivre.

Comment en êtes-vous arrivée à utiliser des enregistrements de votre père ? Mon père est mort quand j’avais dix ans. Avant cela, il a vécu environ cinq ans en sachant qu’il allait bientôt mourir,

et quand il n’a plus eu beaucoup de temps, il a commencé à enregistrer des vidéos. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, je me rends compte à quel point les histoires qu’il racontait peuvent constituer une bonne source d’inspiration pour la musique. J’ai commencé à regarder toutes les vidéos, ce qui m’a permis de mieux comprendre qui il était et comment il a vécu.

Parlez-nous de lui !

Mon père était un Noir de Kansas City, né dans les années cinquante. Il a grandi dans le ghetto. Il voulait s’en sortir. Il s’est donc engagé dans l’armée et a été stationné en Thaïlande dans le cadre de la guerre du Vietnam. Imaginez-le, cet Américain qui ne connaissait qu’un seul mode de vie, celui du Midwest, qui se retrouve d’un coup en Thaïlande, dans un univers qu’il ne connaît pas du tout… Plus tard, il s’est installé à Washington, est devenu DJ à la radio et s’est retrouvé malgré lui au cœur des émeutes raciales de 1968. Il a fnalement trouvé une nouvelle vie au Canada avec ma mère… Pour moi, il est remarquable de voir combien il était aventureux et à quel point il aspirait à une vie meilleure. Mes frères et sœurs et moi sommes le résultat de cette aspiration.

Vous avez dit que Guy s’adressait à « tou·te·s celles et ceux qui veulent aller plus loin ». Qu’est-ce que cela signife ?

Cet album est dédié à toutes les personnes qui ont été opprimées et qui ont eu une vie diffcile. Plus je vieillis, plus je réalise à quel point il est diffcile de vouloir obtenir plus si l’on n’a pas de modèle dans sa propre communauté. Rares sont celles et ceux qui parviennent à imaginer une autre vie. Mon père était l’un d’entre eux.

Quel est le message que vous souhaitez transmettre ?

Il se passe toujours quelque chose dans la vie, en bien ou en mal, et c’est à toi de décider comment ces choses t’infuencent. Si je me concentre sur la vie de mon père, j’espère que les gens verront qu’il a décidé de s’améliorer, de s’appliquer davantage et d’apprendre de ses erreurs. Ce sont les valeurs qu’il nous a transmises, à moi et à ma famille, que cet album refète.

Qu’en penserait votre père ?

Il prendrait la grosse tête ! Blague à part, il serait très fer.

Instagram : @jaydagmusic

HÉROS & HÉROÏNES
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TEXTE LOU BOYD PHOTO NABIL ELDERKIN

DES AIIILES POUR TOUS LES GOÛTS.

Des lieux surprenants et des couleurs éclatantes : l’Allemand Lorenz Holder photographie les sports d’action dans des décors uniques. Place au spectacle !

HORS CADRE

CHEVAUCHÉE ENDIABLÉE

Grunewald, Berlin

Wall Ride, c’est le nom de ce mur que Bruno Hoffmann ride en BMX, à la verticale, à 3 m de haut, situé à Teufelsberg (la montagne du diable, ndlr), au milieu des ruines militaires.

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PHOTOS LORENZ HOLDER
BULLETIN
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ON DIRAIT LE SUD

Allgäu, Bavière Le Forggensee, avec ses eaux turquoises, ressemble à un paysage tropical. Au printemps, avec la fonte des neiges, le lac artificiel se remplit d’eau. Le wakeboardeur Felix Georgii se fraye un chemin dans ce décor de carte postale.

Caraïbes

bavaroises : une virée au milieu des joyaux des Alpes.

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HÊTRES OU NE PAS HÊTRES

Antrim, Irlande du Nord

Cette allée de hêtres est l’un des lieux emblématiques de Game of Thrones. Depuis, « The Dark Hedges » est devenu une attraction touristique majeure. Lorenz Holder et le rider Senad Grosic se sont approprié ce cadre mythique pour suspendre le temps.

Un spot infernal : cette forêt (enc)hantée, est souvent noire de monde.
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LE MAÎTRE DU JEU

Calpe, Espagne « La Muralla Roja », le mur rouge, est le nom de ce lotissement de vacances pensé par l’architecte Ricardo Bofill sur la Costa Blanca. On y retrouve Senad Grosic, jamais sans son BMX, en position délicate…

PUZZLE

Munich, Allemagne

En 2005, ce terrain découpé comme un puzzle géant accueillait le salon de l’horticulture. Aujourd’hui, il fait le bonheur des adeptes du skate, comme Patrick Beskow, un ami du photographe, en train de faire un kickflip.

Autrefois, des fleurs y poussaient. Aujourd’hui, cet ancien terrain vague nourrit

l’imagination artistique.

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NERFS SOLIDES

Londres, Angleterre Il est près de minuit lorsque Letícia Bufoni s’élance avec son skate dans le Natural History Museum. Le lieu est entièrement vide, à l’exception du photographe (!) et des squelettes d’animaux préhistoriques…

PARK & RIDE

Cologne, Allemagne

Un parking immense, tant à l’horizontale qu’à la verticale, grâce à un mur coupe-feu en briques transformé en œuvre d’art. Un terrain de jeu idéal pour le skateur Vladik Scholz.

MIROIR, MON BEAU MIROIR

Gablenz, Allemagne

Le pont en pierres qui ne fait qu’un avec son reflet date de l’époque romantique. C’est justement là que Senad Grosic a choisi de poser gracieusement avec son deux-roues.

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LE PHOTOGRAPHE

LORENZ HOLDER

Lorenz Holzer, 43 ans, aurait pu voir sa vie couler comme un long fleuve tranquille (et sans surprises) dans sa ville d’origine, Munich (Allemagne). Après des études d’économie et de géographie, il se destinait à devenir enseignant. Mais juste avant d’embrasser sa carrière, il se dit qu’une autre vie est possible…

Passionné de snowboard, Lorenz Holder avait déjà financé une partie de ses études en travaillant comme photographe dans le monde du surf, avait pris goût à ce milieu et aux motifs. Une fois ses diplômes en poche, il décide d’élaborer son approche de la photographie d’action et d’aventure, et d’en faire une activité professionnelle lucrative. Le géographe à l’appareil photo part sur le terrain. « Je prends toujours un peu de recul dans mes photos, car je veux montrer le contexte dans son ensemble, explique Holder. Je ne veux pas seulement immortaliser ce qui est possible en matière d’action, mais aussi et surtout montrer où cela se passe. » Le souhait de Lorenz Holder est que l’image puisse fonctionner sans figure : « J’aimerais susciter l’envie d’accrocher mes photos au mur, tout en représentant l’homme comme un élément discret et modeste au creux de son environnement. » Son palmarès : il a reçu l’Overall Red Bull Illume Award en 2013 et 2016 et remporté deux catégories du concours Red Bull Illume en 2019. lorenzholder.com

TIMING PARFAIT

Canton des Grisons, Suisse

Une ombre portée qui serait le fruit du hasard ? Pas du tout. Il a fallu la conjugaison rigoureuse d’un moment précis de la journée, à la bonne saison.

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EXPLOITS VERTIGINEUX

Nicolas Hojac est l’un des meilleurs alpinistes au monde… et l’un des plus rapides. Pour le Bernois de 31 ans, chaque prise est une question de vie ou de mort. Sa formule : la gestion du risque. Prudent, oui, mais pas moins fou pour autant.

TEXTE SAMUEL WALDIS PHOTOS MARTIN HANSLMAYR, SANDRO BAEBLER

Le goût de l’aventure C’est la recherche de l’inconnu qui motive Nicolas Hojac, comme ici en Inde.

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État d’esprit Nicolas Hojac a appris à écouter sa petite voix intérieure. Mais en montagne, seule compte la cohésion de l’équipe.

as facile de se souvenir de tout ce que Nicolas explique : « Ici, il faut aller à gauche, sinon je me perds. S’encorder. Tirer sur la corde. Si cette partie est enneigée, je peux continuer comme ça. Ici, je tomberais sur un piton et ici j’aurais une plateforme. »

Voilà en gros ce que ça donne, tandis qu’il promène son doigt sur une image de la face nord de l’Eiger trônant sur un buffet dans son bureau. Une reproduction en noir et blanc, mais qu’importe : l’Eiger est un mur de pierre, de glace et de neige. Et surtout, c’est sa montagne. Il la connaît par cœur. Nicolas, 31 ans, est alpiniste. Ses expéditions l’ont mené de la Chine au Pakistan en passant par l’Inde et la Patagonie ; premier à atteindre plusieurs sommets inédits, il a également ouvert de nombreuses voies et est l’un des alpinistes les plus rapides au monde. En 2020, dans les Alpes, il a escaladé dix-huit sommets de plus de 4 000 mètres en 13 heures et 39 minutes. En 2015, il a établi, aux côtés d’Ueli Steck, le nouveau record d’ascension en cordée de la face nord de l’Eiger en 3 heures et 46 minutes. Ils ont fait si vite que Nicolas est redescendu du sommet avec deux sandwichs encore emballés. Une anecdote qu’il raconte volontiers lors de ses conférences pour apporter un peu de légèreté dans cet univers où chaque arête, chaque prise, chaque fssure peut faire basculer le destin.

Huit ans ont passé depuis ce record. Nous sommes chez Nicolas, à Spiez (canton de Berne), et quittons son bureau pour rejoindre le garage deux étages plus bas. Sa voiture électrique est garée dehors car tout l’espace est déjà plein à craquer de matériel d’escalade : mousquetons, dégaines, cas-

seroles en alu, réchauds à gaz, baudriers, casques et parapentes pas plus grands qu’un sac à dos, chaussures d’escalade et cordes qui pendent aux murs telles des lianes multicolores. Nicolas en décroche une de couleur orange avant de nous préciser : « Celle-là appartenait à Ueli. C’est avec elle que l’on a battu le record de vitesse sur l’Eiger. » Cette corde, il l’a reçue de la femme d’Ueli Steck après l’accident mortel de ce dernier dans l’Himalaya en 2017.

Attablé avec nous dans la salle à manger, Nicolas revient sur les pensées qui l’obsédaient après le décès de son ami et mentor : « Est-ce que cette vie est vraiment faite pour moi ? » L’honnêteté avec laquelle il se pose ce genre de questions cruciales se refète dans son langage, dans ces phrases qui peuvent être écrites virgule après virgule. Et s’il diverge parfois, il en revient toujours à l’essence même : « J’ai un esprit d’explorateur et une immense soif d’aventure. La montagne m’apporte tout ce dont j’ai besoin. »

Une semaine plus tôt, Nicolas a chuté à quelques mètres d’un refuge de montagne, comme en témoignent les croûtes de sang séché sur son bras. Il a connu pire. Un jour, après une avalanche de glace, il attendait, tremblant, de voir tomber le corps désarticulé et sans vie de son compagnon de cordée, avant que celui-ci ne hurle : « Je suis toujours vivant ! Je suis toujours vivant ! » Une autre fois, Nicolas est tombé à son tour. Les piolets ont déchiré sa veste mais ont épargné son corps. S’il raconte cela, c’est parce que ce sont des moments lourds de sens pour lui : « J’ai trop poussé. Et en montagne, ça ne pardonne pas. Je suis presque reconnaissant pour ces deux accidents, ils m’ont remis sur la bonne voie. Depuis, je suis beaucoup plus prudent. »

Être prudent signifie parfois devoir faire demi-tour, comme pour sa tentative d’ascension inédite de la face sud du mont Shivling, qui culmine à plus de 6 000 mètres dans l’Himalaya indien. Avec son équipe, il fnira par abandonner l’expédition, comme le raconte le documentaire Red Bull Tribute to Failure.

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« Je n’avais rien à prouver à qui que ce soit. »

Si paisible… et pourtant si traître Les sommets du Shivling, dans l’Himalaya, photographié par Nicolas Hojac lors de son expédition. Le calme règne encore à cet instant.

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« J’ai un esprit d’explorateur et une immense soif d’aventure. »
NICOLAS HOJAC
Le Bernois Nicolas Hojac sur l’appel de l’inconnu et son insatiable appétit de nouveauté.

L’EXPÉDITION AU SHIVLING

Le film Tribute to Failure documente la tentative d’une première ascension. Nicolas Hojac nous livre ses impressions.

En septembre 2021, Nicolas Hojac s’est rendu en Inde avec les alpinistes suisses Jonas Schild, Stephan Siegrist et Andy Schnarf. Leur objectif : réaliser la première ascension de la face sud du Shivling, qui culmine à 6 543 m, dans le nord de l’Himalaya indien. Le film Tribute to Failure est né de cette expérience. Nicolas se souvient.

« Après la pandémie de Corona, nous avons été la première expédition à obtenir un visa pour l’Inde. Un bus nous a amenés en trois jours de Dehli à Gangotri, puis nous avons marché deux jours et demi dans la vallée de Bhagirathi. Les sherpas se réjouissaient de la présence d’alpinistes étrangers. Ils se sont presque battus pour savoir qui porterait quoi au camp de base.

De là, nous avons transporté du matériel jusqu’au camp suivant, direction la face sud afin d’installer les cordes fixes. Comme le soleil faisait fondre la glace, des chutes de pierres s’y produisaient régulièrement. On le voit bien dans le film. En raison de ce danger, nous avons dû choisir une autre voie afin de nous engager sur la paroi. Nous avons bien progressé jusqu’à 6 000 mètres. Mais comme Andy avait des problèmes avec l’altitude, nous avons finalement dû redescendre.

Il s’est passé tant de choses durant cette expédition. Nous avons fait face à tant d’événements, nous avons été malades, l’un des membres de l’équipe de tournage a dû se faire arracher une dent. Mais nous ne nous sommes pas ennuyés. Quelle montagne incroyable ! »

Tribute to Failure : Le film est à voir ici en scannant le code

Soupe chaude à 5 700 m d’altitude, sur le Mont Shivling. Stephan Siegrist reprend des forces dans son sac de couchage au Camp 1. Descente en rappel dans le brouillard matinal du mont Shivling. Des chutes de pierres obligent Jonas Schild (photo) et Nicolas (photographe) à redescendre. QR ci-contre.
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La face sud du Shivling (Inde), le matin, couverte de neige fraîche (2021). Le but de l’expédition par un matin froid, documenté par Nicolas.

De telles décisions dépendent par exemple du mauvais temps, du risque d’avalanche ou même du groupe si celui-ci évolue trop lentement. « Il y a plein de raisons de faire demi-tour, souvent même beaucoup plus que de continuer. » Sur le mont Shivling, la décision s’est imposée d’elle même : Andreas Schnarf, l’un des quatre alpinistes, souffrait d’un œdème pulmonaire, une affection due à l’altitude. L’eau s’accumule dans les poumons, l’issue peut être fatale. Le seul remède est de redescendre. À la fn du documentaire, Schnarf déplie une photo de sa famille imprimée sur papier, toute froissée, aux couleurs estompées aux encoignures. Il explique, les yeux embués de larmes : « Il ne faut pas oublier notre objectif principal qui était de revenir tous en un seul morceau. »

Diffcile de comparer les exploits de tel ou tel alpiniste, notamment en raison des conditions constamment variables en montagne. Finalement, seul l’échec est clairement déterminable. Comme le résume Nicolas : « Le seul échec en montagne, c’est quand on en revient malade ou blessé. Pour moi, par exemple, l’exploit n’est pas d’atteindre le sommet. Parce que souvent, là-haut, on est loin de tout, et ensuite il faut redescendre coûte que coûte. »

Lui seul connaît le chemin Nicolas naît le 12 juillet 1992 à Niederscherli, dans le canton de Berne. Après un apprentissage en tant qu’automaticien, il poursuit des études en génie mécanique à la Haute école spécialisée de Berne pour devenir ingénieur, métier qu’il a abandonné voilà plusieurs années.

Aujourd’hui, il fxe des pitons dans la roche, enfonces ses crampons dans la glace, étudie les cartes au camp de base, grimpe très haut, boit de l’eau de fonte sableuse, redescend, gratte la glace et la neige avec une pelle afn de dormir dans une tente plus ou moins à l’horizontale en tête bêche avec ses compagnons de cordée. Dans ces situations extrêmes, le spectacle de la nature passe parfois au second plan. (Nicolas a « assisté » à des couchers de soleil parce que, touché par l’altitude, il devait ouvrir la tente pour vomir.) Idem pour l’accomplissement personnel ou la dynamique de groupe. Comme l’explique Nicolas : « Il s’agit souvent d’accomplir les gestes fondamentaux. Chercher un abri. Trouver de l’eau potable. S’assurer. » Cela représente une bonne moitié de son travail d’alpiniste.

C’est dans son bureau qu’il passe l’autre moitié entre communications avec ses sponsors, marketing, plans d’expéditions et développement de produits avec son équi-

Dans la grotte d’un ermite sur le chemin du mont Shivling. Cet homme, retiré du monde extérieur, exerce la méditation et vit de dons. Sans eux, rien ne va plus. Deux porteurs sur le chemin du camp de base. En arrière-plan, le massif de Bhagirathi.
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Mauvais temps au camp de base, au pied du mont Shivling. C’est ici que vivent les membres de l’expédition. La neige a poudré leurs tentes.
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pementier ; il monte des vidéos, retouche des photos, donne des conférences. Pour résumer sa vie : « Je travaille toujours. Et je ne travaille jamais. »

Ses proches le considéraient souvent comme un doux rêveur. Il était le seul capable de discerner cette voie vers l’alpinisme pro. « Ni mes parents, ni ma petite amie ne l’entrevoyaient. C’est là que j’ai compris que je devais croire en moi. »

À 18 ans, il se fait un nom en traversant la face nord de l’Eiger, cette paroi dont sa mère avait dit : « Tu n’iras là-haut que quand je serai morte. » À 22 ans, il est admis au sein de l’équipe d’expédition du Club alpin suisse, sorte d’équipe nationale junior pour alpinistes suisses. Parallèlement, il commence à s’entraîner avec Ueli Steck. Un jour, ils échafaudent un projet d’expédition en commun, projet qui ne verra jamais le jour.

Le 30 avril 2017, Nicolas est au lit avec sa petite amie et parcourt les actus. « Tiens, lui dit-il, encore un truc sur Ueli. Probablement des nouvelles de son expédition. » Il apprend alors que Steck est tombé du Nuptse (Népal). Nicolas mettra du temps à intégrer la mort de son ami, beaucoup de certitudes ont été ébranlées. Alors qu’il peut enfn vivre entièrement de l’alpinisme, le voilà rongé par le doute : « Ai-je choisi la bonne voie ? Vais-je fnir de la même manière ? Devrais-je plutôt devenir ingénieur et développer du matériel d’escalade ? »

Deux ans plus tard, son père décède d’une crise cardiaque. Une mort prématurée qui a déjà touché plusieurs hommes dans sa famille. Une fois de plus, le doute réapparaît : « Est-ce que cette vie est vraiment faite pour moi ? » Nicolas fnit par conclure : « L’alpinisme est la voie qui me correspond. J’ai choisi de vivre dans le présent. »

Poser des limites

L’une des raisons pour lesquelles si peu de gens s’engagent dans cette voie est la disposition à prendre des risques. Comment Nicolas gère-t-il cela ?

En 2022, il est aux côtés d’Alex Honnold, champion incontesté du free solo, cette discipline d’escalade libre sans matériel ni sécurité. Ensemble, ils tournent The Soloist VR, projet de réalité virtuelle nous permettant d’être au plus près de ce sport. Un matin, l’équipe visite la partie inférieure de la paroi. Deux d’entre eux montent sans sécurité. Nicolas s’accroche à la corde et déclare : « C’est exactement dans ce genre d’instants que la gestion du risque commence pour moi. Je n’avais aucune raison de grimper là-haut sans sécurité, ni rien à prouver à qui que ce soit. »

Au cours du tournage, la petite amie d’Honnold lui envoie une échographie de leur futur enfant. S’ensuit le dialogue suivant :

Nicolas : « Et maintenant, tu vas arrêter le free solo ? »

Honnold : « Non. »

Première réfexion de Nicolas : « Il est dingue. »

Si Nicolas devenait père, lui non plus ne changerait rien à sa façon de grimper. Mais pour une toute autre raison : « Un enfant ne changerait rien à ma gestion du risque. Cela viendrait seulement confrmer que je suis déjà sur la mauvaise voie. »

Vivre de grandes aventures

Il faut accomplir un énorme travail mental pour atteindre le niveau de Nicolas en escalade. Avant l’ascension, il y a la phase de visualisation, technique qui aide Nicolas autant sur les parois qu’il connaît déjà que sur celles qu’il découvre : elles deviennent plus familières en les visualisant, en envisageant différentes éventualités et en s’imprégnant des conditions possibles.

Après l’ascension, le travail mental consiste à comprendre et assimiler. Le jour de son trentième anniversaire, Nicolas bat le record de vitesse d’ascension de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau en 13 heures et 8 minutes en compagnie d’Adrian Zurbrügg. Le jour suivant, l’équipe de tournage veut retourner certaines scènes. Il faut donc remonter. Ce n’est qu’à ce moment-là, en discutant avec Zurbrügg, que Nicolas réalise combien de choses il a oubliées.

«
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Je ne fais pas ça pour les exploits sportifs uniquement, mais aussi pour vivre ces histoires. »

LA NOUVELLE VAGUE

Nicolas Hojac est alpiniste par passion. Qu’il ait ses crampons à la main ou son parapente sur le dos, la nature l’accompagne en permanence. Avec la Renault Megane E-Tech 100% electric, il souhaite lui rendre la pareille.

Pensée pour l’avenir

La Renault Megane E-Tech 100% electric de Nicolas n’est pas durable uniquement parce qu’il s’agit d’une voiture électrique. Renault adopte une approche globale, de la conception au recyclage du produit. Plus de 90% des composants de la Megane peuvent être réutilisés ; la production intègre elle aussi beaucoup de matériaux recyclés, notamment 28 kg de plastique recyclé.

Aluminium : la matière dont sont faits les rêves

La carrosserie de la Megane, partiellement en aluminium, est facile à recycler et légère. Résultat : consommation faible et autonomie élevée. La Megane peut parcourir jusqu’à 470 km. Elle se contente d’une batterie de 60 kWh et

Le conquérant des sommets

Nicolas Hojac mise sur la RENAULT

Megane E-Tech 100% electric.

utilise nettement moins de matières premières que les voitures avec une plus grande batterie.

Puissance, rapidité, organisation

Autre point positif de la Megane : comme Nicolas, elle est connue pour ses itinéraires rapides. Pas seulement à cause de son moteur de 220 chevaux : sur les longs trajets, le système d’infodivertissement planifie les arrêts de recharge les plus rapides pour ne rien laisser au hasard, même sur la route.

Style et fonctionnalité

Nicolas peut ranger 440 litres d’équipement derrière les sièges arrière de sa Megane.

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En montagne, sans émissions Nicolas et sa Renault Megane E-Tech 100% electric. renault.ch KAI GROSSMANN

Exercice de visualisation

« Je n’ai jamais eu de trou de mémoire, mais parfois, quand les collègues me racontent tout ce qui s’est passé dans la nuit, on dirait un blackout. » Il mettra trois jours avant de tout intégrer, si concentré lors de l’ascension qu’il avait oublié d’assimiler plusieurs détails.

Nicolas a encore des objectifs en escalade de vitesse, comme l’ascension des faces nord de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau en solo en moins de 24 heures. Mais en réalité, sa future quête est ailleurs. Vivre d’autres aventures, d’autres moments comme en Patagonie : le voyage à dos de cheval avec son équipe, le pénible repérage de camps de base et de points de départ pour les parois, les alpinistes locaux ayant refusé de partager leurs connaissances. La construction de barrages pour éviter que le camp de base ne soit emporté par les fortes pluies ; la recherche de bois pour le feu et d’eau potable dans ces contrées désertiques qu’aucun hélico ne survole et où tout est question de survie. Il sait parfaitement qu’il a besoin de tels moments pour poursuivre sa carrière d’alpiniste : « Je ne fais pas ça pour les exploits sportifs uniquement mais aussi pour vivre ces histoires. »

Dans sa jeunesse, il dévorait les romans d’aventures. Les récits d’Ernest Shackleton, l’explorateur polaire britannique, ou de Nicolas Vanier, auteur d’une traversée du Canada et de l’Alaska en traîneau à chiens. Mais comment trouver aujourd’hui de tels espaces inexplorés dans ce monde dont chaque recoin semble avoir été découvert ?

Nouvelles voies

Retour dans son bureau avec vue sur le lac. Nicolas dit qu’il pourrait gifer l’architecte pour avoir oublié de construire un balcon de ce côté. Sur ses étagères, un ou deux livres sur le code civil et le droit des obligations, ultimes reliques de ses études, sont noyés au milieu d’un océan d’ouvrages sur la montagne. Sur le rebord de la fenêtre, un sac de magnésie pour s’entraîner sur le hangboard fxé au cadre de la porte. Une fne couche de poudre blanche recouvre l’imprimante noire à côté du bureau.

Nicolas met son iMac en route et ouvre sa banque de données : Google Maps Pro. Il zoome, déplace les latitudes et les longitudes, explorant ainsi le monde à la recherche de parois abruptes et de montagnes reculées, plaçant des repères jaunes aux endroits qui l’intéressent. Chacun d’eux représente une aventure potentielle. C’est là qu’il veut aller. C’est là que l’attend sa vie dans le présent.

Instagram : @nicolashojac

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L’Eiger est la montagne de Nicolas Hojac, celle qu’il connaît par cœur.

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Ce quatuor d’ex-Mormones décoiffe la scène indie-pop : The Aces ont grandi dans la même communauté, et partagé les mêmes traumatismes. Des sujets qu’elles abordent aujourd’hui sans chichi, dans des riffs cathartiques qui mettent le sourire aux lèvres et le feu aux fesses.

FILLES QUATRE DANS LE VENT

TEXTE NORA O’DONNELL PHOTOS PIPER FERGUSON
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Love In An Elevator. The Aces se taillent un costard pour The Red Bulletin, au Breakroom 86 de Los Angeles (mars 2023).

Remonter le temps dans une cabine téléphonique ?

The Aces en pleine parodie de L’excellente aventure de Bill & Ted (1989).

ne scène étrange au fn fond d’un bar mal éclairé de Koreatown, au centre de Los Angeles. Un type flme avec son smartphone quatre flles habillées de costards gris trop grands –serait-ce un hommage aux quatre garçons de Liverpool ? Derrière elles, des téléviseurs vintage diffusent des extraits de la série anglaise culte des années 80, Max Headroom ; une scène hors du temps, comme une incursion passagère dans une époque – pas si – lointaine où l’insouciance était de mise, où le futur paraissait aussi rose et pailleté que les tailleurs des présentatrices télé. La vidéo est terminée, le réalisateur amateur balance le tout sur TikTok – un outil que les quatre protagonistes maîtrisent à fond, elles qui mettent volontiers la main à la pâte dès qu’il s’agit de promouvoir leur « bébé », leur groupe. Nom de scène : The Aces. Rencontre avec quatre flles dans le vent qui, sous un vernis nostalgique, célèbrent dans un indie-rock jubilatoire les thèmes de leur époque.

Affchant une vingtaine de printemps au compteur, les Aces peuvent déjà se targuer d’une solide expérience musicale, qui a commencé bien avant l’adolescence. Séduit par leur verve authentique et des textes d’une étonnante franchise, Red Bull Records les engage en 2016, quasiment à la sortie de leurs études secondaires. Depuis, Cristal Ramirez (chant et guitare), sa sœur Alisa (batterie), Katie Henderson (guitare et voix) et McKenna Petty (basse et

voix) ont déjà produit trois albums et généré plus de 260 millions de streams. Un palmarès très honorable, d’autant plus que la pandémie de Covid-19 a fait annuler leur tournée prévue en 2020 pour fêter leur deuxième album, Under My Infuence : une pause forcée que les musiciennes ont mis à proft pour retourner en studio chanter leurs peines et leurs angoisses. Des thèmes d’inspiration manifestement inépuisables chez elles, puisqu’elles ont suffsamment composé pour produire un troisième album, I’ve Loved You For So Long, un opus d’une maturité inédite, mais où l’on retrouve en fligrane l’énergie des premiers jours, lorsque ces quatre délurées se retrouvaient après l’école pour s’éclater ensemble sur leurs instruments respectifs et expérimenter joyeusement tout ce qui leur passait par la tête.

Les quatre flles, qui ont grandi en Utah chez les Mormons, se sont retrouvées assez tôt confrontées à un choix qui leur semblait inévitable : pour pouvoir embrasser pleinement leurs personnalités propres et leurs identités sexuelles, il leur fallait tourner le dos défnitivement à leur Église. Un choix qu’elles ont fait en commun. Cristal, Alisa et Katie se défnissent comme queer, ce que « l’Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours » – en un mot : celle des Mormons en Utah – renie catégoriquement. La dernière, McKenna, est hétéro et mariée, mais le fait que son Église exclue trois de ses copines lui semblait également insupportable : « Pour la première fois de notre vie et de notre carrière, conclut Cristal. Nous sommes toutes sur la même longueur d’ondes concernant les traumatismes liés à la religion ! »

Ce troisième album célèbre essentiellement deux sujets qui leur tiennent à cœur : les questionnements existentiels du passé et ceux du présent – les uns n’allant pas sans les autres. « C’est comme un aller-retour incessant entre deux identités, celle d’avant et celle qu’on s’est forgée avec le temps, » explique Alisa.

Qu’est-ce qui cloche ?

Retour en arrière : nous sommes en 2013 et les sœurs Ramirez sont encore en lutte avec ellesmêmes – du moins la plus âgée des deux, Cristal. Elle a 18 ans et attend devant le lycée sa petite sœur Alisa pour la ramener à la maison. Au volant de sa voiture, Cristal répète, angoissée, ces mots qui sont restés si longtemps coin-

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cés dans sa gorge, trois mots qu’elle est sur le point de lâcher à sa petite sœur, sa plus proche confdente : « Je suis lesbienne. » C’est quelque chose qu’elle sait depuis qu’elle est gamine, mais jamais elle n’a encore osé en parler. Elle a même supplié Dieu à plusieurs reprises de la débarrasser de cette préférence pour les flles, mais rien n’y a fait – et les tentatives, au lycée, de sortir avec des garçons ont toutes abouti à la même conclusion : elle ne peut plus se mentir comme ça indéfniment. La première étape est accomplie : Cristal s’accepte enfn telle qu’elle est. Deuxième étape : se confer à quelqu’un. C’est à sa sœur Alisa qu’elle a décidé de faire son coming out. Celle-ci monte dans la voiture et Cristal démarre, avant de se garer sur le bascôté de la route, les larmes aux yeux. « Écoute, il faut que je dise quelque chose… » La réaction de sa sœur n’est pas du tout celle que Cristal attendait : « Ben, moi aussi je suis lesbienne. Ça me paraissait évident, en fait. »

Aujourd’hui encore, Alisa et Cristal affchent deux personnalités antagonistes – un côté yin et yang, comme elles le disent elles-mêmes. Alisa, c’est la nana pragmatique, fonceuse, qui ne se pose pas trop de questions ; à l’opposé de sa grande sœur, plus sensible et torturée. Et pourtant : pendant l’interview, l’harmonie semble parfaite entre les deux Ramirez, qui se renvoient la balle joyeusement, comme deux complices. « Ma sœur a davantage confance en elle, et la réaction qu’elle a eue ce jour-là dans la voiture m’a énormément aidée pour aller jusqu’au bout de mon coming out. C’était du genre : on est comme ça, et on l’a toujours été ! »

Alisa se souvient à son tour d’une gamine dont elle s’était entichée à l’école enfantine. Quand elle en avait parlé à des enfants plus âgés qu’elle, ceux-ci avaient réagi avec dégoût : « À cinq ans, je n’avais évidemment aucune idée de ce que c’était d’être lesbienne ! Sur le coup, j’avais tellement honte… C’était la première fois que j’ai eu l’impression que quelque chose clochait chez moi. » Après leurs coming out res-

pectifs, le groupe qu’elles formaient déjà avec leurs deux copines est devenu plus important – un cocon au sein duquel elles pouvaient s’exprimer librement. « C’était comme une famille qu’on avait choisie : ensemble, nous n’avions plus besoin de faire semblant. »

Des débuts timides

Si les deux frangines ont su très tôt qu’elles préféraient les flles, elles ont été tout aussi précoces musicalement : à dix ans, Cristal entraîne sa petite sœur de huit ans pour faire de la musique. Quelques années plus tard, le duo est rejoint par McKenna et Katie : les quatre ados baptisent leur groupe The Aces et donnent leurs premiers concerts à Provo (Utah), leur ville natale. Le premier prix d’un concours local leur donne les moyens fnanciers d’enregistrer un premier single. Dès lors, leur ascension ne s’arrêtera plus : avant la fn des années lycée, les flles décident de tout miser sur leur carrière musicale. Cristal : « On a fait une liste de nos objectifs, puis on s’est tenu les mains en les récitant tout haut. » Elles économisent assez pour se payer la production d’un premier EP : lors de la fête de lancement, le propriétaire du studio les présente à un avocat new-yorkais, qui dispose d’un solide carnet d’adresses dans le monde de la musique. C’est ainsi qu’elles rencontrent leur premier manager, qui les présente notamment à Red Bull Records. Coup de foudre pour la maison de disque, qui produit leur premier album When My Heart Felt Volcanic, sorti en 2018.

À cette époque, si Cristal et Alisa vivent leur homosexualité librement en privé, elles ne dévoilent rien, en public, sur leur vie ni leur communauté religieuse. Katie et McKenna sont alors encore des membres actives de l’Église mormone et Katie, également lesbienne, n’a pas encore fait son coming out. « Hormis la religion, je ne connaissais rien de la vie : j’étais donc terrorisée à l’idée de sortir du rang et d’en subir les conséquences, » explique-t-elle. Elle n’osait pas – encore – affronter sa famille

La musique a brisé leurs chaînes

En haut, à gauche : McKenna Petty (basse), Cristal Ramirez (chanteuse). En bas, à gauche : Alisa Ramirez (batterie) et Katie Henderson (guitare).

«
Pour la première fois, nous étions toutes sur la même longueur d’ondes concernant les traumatismes de notre passé. »
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ultra pratiquante et tourner le dos à ce qui avait été l’axe central de sa vie jusque-là. « Il faut le temps qu’il faut, » conclut-elle.

Pause forcée

Deux ans plus tard – mars 2020 –, The Aces inaugure leur deuxième opus Under My Infuence avec la sortie d’un premier single Daydream, un morceau plein de bonne humeur, servi par une voix sexy et des riffs entraînants. Un clip tourné dans le désert californien va bientôt sortir, tout s’annonce à merveille –jusqu’à ce coup de fl et un message qu’elles reçoivent comme un coup de massue : l’OMS vient de décréter le développement d’une pandémie mondiale. La tournée est entièrement annulée, la promotion de l’album, pour laquelle le groupe a bossé d’arrache-pied, tombe à l’eau. Sans aucune perspective de nouveaux projets,

« The Aces, c’est une famille que nous nous sommes choisie, et au sein de laquelle on n’a plus besoin de faire semblant.
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Service gagnant La tournée de cet été les a amenées aux quatre coins du monde : du Japon aux USA en passant par Paris et Londres – à la rencontre de toujours plus de fans !

les membres du groupe se retrouvent face à elles-mêmes. « Tout nous échappait. J’ai senti que je m’effondrais intérieurement, se souvient Cristal. Je passais mon temps à ressasser mes angoisses, à me demander si tout ça en valait vraiment la peine. » Il a fallu plusieurs mois pour accepter la nouvelle donne. Finalement, Cristal et Alisa se disent qu’elles ont malgré tout l’envie de continuer à faire de la musique : un coup de fl à leur agent, et le retour au studio est programmé. « J’avais enfn une raison de me lever le matin ! » souffe Cristal.

La question cruciale ?

Les sœurs Ramirez n’ont pas été les seules à faire leur chemin de croix : un an tout juste avant le début de la pandémie, McKenna s’était mariée dans le temple de la communauté mormone et s’apprêtait à intégrer la Brigham Young University de Provo, entièrement fnancée par les Mormons – ce qui implique, pour tous les étudiant e s, une stricte obéissance aux règles de la communauté, sous peine d’expulsion. « Vu de l’extérieur, j’avais un mode de vie irréprochable puisque j’étais hétéro, alors que j’étais constamment assaillie de questionnements et de doutes sur ma religion. »

La pandémie va forcer McKenna à affronter les questions qui la tourmentent depuis des années : elle entame une thérapie et comprend que tous ses traumatismes lui viennent du carcan mormon. « Je n’ai jamais vécu à l’église les expériences mystiques qu’on m’avait pourtant si longtemps promises. C’est au sein du groupe que je les ai vécues. » Dès la fn de son cursus en 2021, elle quitte l’Église mormone : une décision lourde de conséquences. « Ce ne fut vraiment pas facile, » résume-t-elle, pudique.

C’est aussi l’année où elle retrouve les flles à Los Angeles pour écrire les morceaux d’un prochain album. Jusque-là, leurs chansons avaient surtout traité d’amour, de sexe et des peines de cœur de la jeunesse, assez loin des angoisses existentielles qu’elles vivaient depuis le début

de la pandémie. Cette période charnière va les forcer à explorer des terrains nouveaux, plus personnels. Cristal, de son côté, refuse dans un premier temps d’écrire sur les crises d’angoisse qu’elle traverse. « On a une certaine ferté, quand on est artiste, à se dire sensible et vulnérable… Je me suis rendu compte à quel point j’en avais honte. » Un constat qui la force à se confronter fnalement à ses démons : « En tant qu’artiste, il faut être capable de s’ouvrir, de mettre à jour les choses dont personne n’ose parler. Je me suis dit que si je n’arrivais pas à en parler ouvertement, je ne méritais pas d’être la chanteuse du groupe. »

Always Get This Way et Stop Feeling, issues du troisième album, traitent désormais de ces questions-là – mais dans un rythme si enjoué qu’on a plutôt envie de danser en l’écoutant. « C’est notre marque de fabrique, explique sa sœur Alisa. On aime aborder des sujets graves mais sur un ton plutôt léger. C’est ça le message qu’on a envie de faire passer. »

Jamais plus pareil

Cette nouvelle maturité transparaît dans leur dernier opus. Cristal répète et insiste : « Pour la première fois de notre carrière, nous étions conscientes et alignées quant aux traumatismes que nous avons subi durant notre enfance. Et surtout quant au poids de la religion… Nous avions toutes quitté l’Église et vivions enfn notre authenticité, dans un espace bien à nous que nous avions créé pour notre musique. »

Une authenticité que The Aces veut faire partager avec I’ve Loved You For So Long, petit biou indie-pop qui célèbre la vie, avec ses hauts et ses bas : « On veut faire une musique sans artifce, capable de toucher les gens, » ajoute Cristal. Mais le titre de l’album est aussi un hommage à une histoire d’amour authentique entre quatre nanas qui n’ont pas fni de faire parler d’elles – quatre flles dans le vent qui font trembler les murs des églises et des salles de concert – avec malice et bonne humeur.

theacesofficial.com
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« C’est comme un allerretour incessant entre nos identités : celle d’avant et celle du présent. »

FAIS COMME ...

L’effort Patrick von Känel prend son élan avant de s’élever dans les airs.
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L’OISEAU !

Le parapentiste Patrick von Känel passe la moitié de sa vie en l’air, comme les aigles qui lui ont appris à dominer les compétitions les plus redoutables sans jamais renoncer à cette incroyable légèreté de l’être.

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TEXTE CHRISTOF GERTSCH PHOTOS FELIPE GIACOMETTI Le réconfort Patrick von Känel flotte tout en grâce avec son parapente.
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Assurance

Patrick von Känel est un optimiste. Surtout quand il s’agit de voler.

ela pourrait devenir compliqué », murmure Patrick en scrutant le sommet alors que nous attendons le départ du premier Niesenbahn (le funiculaire du Niesen), ce matin de juillet. Une radieuse journée d’été s’annonce, des conditions en principe idéales pour le parapente. Mais il a plu la nuit dernière, et à présent, la chaleur du soleil transforme l’humidité en brouillard, enveloppant le sommet de la montagne d’une épaisse masse nuageuse.

Originaire de l’Oberland bernois, le célèbre parapentiste Patrick von Känel connait la montagne du Niesen comme sa poche. Une immense pyramide qui s’élève à 2 362 mètres, gardienne bienveillante dominant le lac de Thoune. L’ombre qu’elle projette, triangle quasi parfait qui s’étend jusqu’à l’autre rive du lac les jours d’automne, est légendaire. Patrick adore s’envoler de cette montagne, même si cette dernière est loin d’être une hôtesse accueillante pour les parapentistes souvent à la merci de ses capricieuses conditions météorologiques. Il n’est pas rare que des éclairs frappent le sommet alors qu’un temps magnifque inonde la vallée.

Nous nous asseyons avec Patrick, 28 ans, dans une auberge à fanc de montagne. Entre un chocolat chaud et un croissant, il entreprend le récit d’une journée inoubliable, celle où il s’est envolé du Niesen pour atterrir onze heures plus tard à Mülenen, au pied de la montagne, après 330 kilomètres de vol. Un itinéraire qui l’a mené des Diablerets à Chamonix jusqu’aux

portes d’Albertville pour continuer vers le Pilatus, dans le centre de la Suisse, et rentrer chez lui dans l’Oberland bernois. Onze heures dans les airs, un allerretour jusqu’en France porté uniquement par le vent et la puissance du soleil : le bonheur selon Patrick. Pas de compétition ni de duel, juste une parfaite journée dans le ciel.

CL’intrépidité en héritage Ses parents sont eux-mêmes des pionniers du parapente en Suisse. C’est à leur insu qu’il prend son envol pour la première fois à l’âge de 14 ans (deux ans avant l’âge légal). Sur une pente bien trop raide, il s’élance sous le regard incrédule des parapentistes de Frutigen. Sa mère veut lui interdire de voler mais son père fnit par la convaincre qu’il serait plus judicieux de lui faire prendre des cours.

À l’époque, Patrick fait encore partie de l’équipe de ski régionale. On le considère comme un talent prometteur sur les pistes enneigées. Mais le programme d’entraînement de l’équipe lui semble trop étriqué, il se sent bridé par les directives, les conditions et les expectatives. Cette liberté qu’il cherchait adolescent, il fnira par la trouver dans les airs. À 18 ans, il persuade l’armée suisse de l’intégrer dans le programme de sports de haut niveau, bien que le parapente ne soit pas reconnu comme discipline olympique. À 20 ans, il signe un contrat en tant que pilote d’essai pour le fabricant de parapentes Advance à Thoune. À 24 ans, il participe pour la première fois aux Red Bull X-Alps, la compétition de parapente la plus diffcile au monde, où les athlètes par- Prêt à décoller Patrick prépare son parapente sur le Ärmligchnobel.

«
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courent près de 2 000 kilomètres à travers les Alpes, sur terre et dans les airs. À 26 ans, à l’occasion de sa deuxième participation, il termine… deuxième !

Mais pour Patrick, le parapente ne se résume pas aux podiums. Il ne s’envole ni pour battre des records de distance, ni pour effectuer des acrobaties spectaculaires, malgré sa solide maîtrise dans ces deux domaines. Il s’envole pour le simple plaisir de s’envoler. Son moment préféré, c’est quand ses pieds quittent le sol et que tout devient soudain léger, qu’il sent les forces de la nature, qu’il y est exposé, mais peut aussi se fondre en elles.

Il sufft d’observer le degré d’esthétique et de technique de ses manœuvres pour réaliser combien cette science du décollage est importante à ses yeux : même dans des conditions de vent diffciles, il parvient à déployer son parapente sans à-coups.

Porté par le vent

Ses vols préférés ont lieu aux dernières lueurs du jour. Patrick avale un dernier morceau de croissant arrosé d’une généreuse gorgé de chocolat chaud avant de nous narrer son périple dans le Sertão, région du nord-est du Brésil réputée pour ses bonnes conditions thermiques. 556 kilomètres sans jamais toucher le sol, son record de distance, à environ 50 kilomètres du record du monde.

Voici ce qu’il nous décrit avec ses mots aériens : « Je volais vers l’ouest, vers le coucher du soleil. Le ciel était famboyant. Sous moi, les lacs désertiques brillaient dans les lueurs faiblissantes. Derrière moi, la lumière était déjà si pâle que le désert s’est transformé en paysage lunaire. J’ai volé jusqu’à ce que ce ne soit plus possible, jusqu’à ce que le soleil disparaisse complètement, jusqu’à ce que ne je voie plus rien du tout et que je n’aie plus de portance. Lorsque j’ai atterri, des habitant·e·s du village ont surgi de nulle part pour admirer le parapente, ils et elles n’avaient jamais rien

En vol plané Patrick flotte dans les hauteurs, le Niesen et les Alpes bernoises en arrière-plan.
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Son moment préféré, c’est quand il quitte le sol et qu’il est exposé aux forces de la nature.

Est-ce que les oiseaux s’énervent,

ne fonctionne pas ?

vu de semblable. » Patrick et sa compagne, hôtesse de l’air chez Swiss, ont une flle d’un an. Il a une armée de sponsors avec toutes les obligations que cela implique et des dizaines de milliers de personnes qui le suivent sur différents réseaux sociaux. Deux jours par semaine, il teste des prototypes de nouveaux parapentes. Cet été, lui et sa jeune famille ont quitté leur location à Oberhofen, sur le lac de Thoune (avec vue imprenable sur le Niesen) pour Kandersteg, dans le chalet de ses grands-parents qu’il compte retaper en grande partie lui-même.

Et n’oublions pas qu’il est forestier de formation… Oui, Patrick von Känel a les deux pieds bien sur terre, même s’il passe une bonne partie de sa vie dans les airs, environ 500 heures par an, soit douze semaines de travail à plein temps.

lui, aborde cette discipline d’une manière diamétralement opposée : il préfère associer entraînement et plaisir. Qu’il pleuve ou qu’il vente, il ne part que très rarement de chez lui sans embarquer son parapente. « Si l’on sait attendre assez longtemps, on trouve toujours une occasion de s’envoler, qu’importe l’endroit où l’on se trouve », se justife-t-il.

Un p’tit vol et ça repart

Après le vol, Patrick range son aile dans son bus VW.

Il doit cela autant à ses missions en tant que pilote d’essai qu’à son naturel confant. Alors que d’autres parapentistes passent leur temps à s’entraîner encore et toujours au même endroit (la discipline la plus populaire étant le « Hike & Fly », c’està-dire courir et voler) afn de pouvoir comparer leurs chronomètres et leurs progrès en intervalles ou en endurance, Patrick,

On dirait que sa plus grande force est de ne jamais perdre son optimisme, ce que l’on a pu encore constater cette année au cours de l’édition des X-Alps, où Patrick von Känel a terminé cinquième au terme de près de sept jours de compétition, à deux heures d’une place sur le podium (l’autre natif de Frutiger, Chrigel Maurer, restant le champion incontesté de la discipline). Alors qu’il pleuvait des cordes et que les autres concurrents avaient opté pour une longue marche à pied à travers la vallée, Patrick, lui, a décidé de gravir une montagne de plus, persuadé que le ciel fnirait par se dégager. Où que ce soit et quoi qu’il arrive, Patrick préfère voler que marcher.

C’est pour la même raison qu’il refuse de redescendre bredouille par le funiculaire de Niesen. Et juste au moment où il nous explique cela, les dernières volutes de brouillard se dissipent. Patrick peut fnalement s’envoler. Aujourd’hui, il veut tester plusieurs parapentes. Prenant congé de nous, il quitte l’estaminet pour se diriger vers le point de décollage avec le premier prototype.

Contrairement aux avions à réaction ou à hélice, les parapentistes n’ont pas de propulsion propre. Une fois en l’air, ils dépendent du vent et des thermiques. Ils sont, pour ainsi dire, à la merci de la nature. Tout comme les surfeurs et les surfeuses lisent les vagues, les parapentistes cherchent les endroits où ils et elles peuvent trouver le plus de portance. Lorsque des nuages se forment à l’horizon, ils et elles savent qu’il

eux aussi, quand la portance
Gros bagage
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faut voler dans une autre direction. Parfois, les thermiques sont plus puissantes du sol à la limite de la forêt, parfois entre 2 000 et 3 000 mètres d’altitude. Il n’est pas nécessaire d’avoir des températures chaudes pour trouver des conditions de vol idéales ; ce qui compte, c’est la stratifcation de l’air. De bonnes températures vers le bas qui se refroidissent rapidement vers le haut permettent à l’air chaud de s’élever et d’emporter les parapentistes dans son sillage.

Grâce et gratitude

On dit des bons nageurs qu’ils nagent comme des poissons et des bons coureurs qu’ils courent comme des gazelles. Mais au bout du compte, ce sont des phrases creuses : les êtres humains ne sont ni vraiment des poissons, ni des gazelles.

C’est en parapente que les femmes et les hommes se rapprochent vraiment du règne animal. En effet, Patrick, à l’instar d’un oiseau, utilise les thermiques pour rester en l’air. Et quand il ne sait plus quoi faire, là-haut, Patrick scrute le ciel à la recherche d’oiseaux. Aigles, corbeaux et buses lui sont particulièrement utiles. « Les oiseaux sont les meilleurs modèles, rajoute-t-il encore dans l’auberge. Quand je vois où un aigle monte, je sais que je monterai également là-haut. »

Il suit alors l’aigle, remerciant celui-ci de lui avoir montré la voie. Parfois, il se demande si les oiseaux s’énervent, eux aussi, quand la portance ne fonctionne pas comme ils aimeraient, avant de se dire qu’il est bien diffcile de se mettre en colère quand la vie est un vol infni…

Instagram : @patrick_vonkaenel

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Joie anticipée Avant le départ, Patrick profite de la vue depuis le sommet.

CO ME ON !

En voiture ! Ici, la plus petite BMW M (M2) précède la plus grande (XM). TEXTE WERNER JESSNER PHOTOS THOMAS BUCHWALDER

Des conditions d’essai optimales sur le circuit du TSC, (le centre de conduite d’Hinwil), des instructeurs chevronnés et le meilleur de tout ce que BMW M propose actuellement sur le marché : 27 % des modèles de BMW vendus en Suisse l’année dernière portaient le légendaire logo « M », la plus haute proportion au monde. Précision maximale, plaisir de conduite ultime, voici la crème de la crème de cette nouvelle génération M : M2, XM, M4 CSL et M3 Competition Touring. Attachez vos ceintures !

La compacte : BMW M2

Impossible de parler de BMW M GmbH sans mentionner son moteur six cylindres en ligne. L’iconique M1, tout premier modèle de la branche sportive du fabricant bavarois, en était déjà équipé. Première bonne nouvelle : cette configuration est toujours d’actualité et le son, la stabilité et le système de turbines rendent toujours aussi accros. Deuxio : non seulement on retrouve ce caractère de haut régime omniprésent depuis la M3 de la série E46 en 2000, mais pour la toute nouvelle M2, celui-ci est passé par la case du double moteur turbo propre à la technologie BMW M. Sur le papier, cela se traduit par 460 ch et 550 Nm de couple pour le dernier modèle de la marque, entièrement équipé d’un moteur à combustion. Et dans les faits, sur circuit, la force centrifuge procure des sensations paradisiaques tandis que les sonorités du moteur typiques de la catégorie M tutoient les anges.

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Avec son large choix de voitures de sport, BMW prouve une fois de plus que 2023 est définitivement placé sous le signe du « M ». Petit tour d’horizon.

On ne va pas se le cacher, le plaisir est plus intense dans les virages. Sur le circuit fermé et sécurisé, une petite séance de slalom démontre toute l’étendue de la suspension adaptive M avec amortisseurs à réglage électronique. L’adhérence à l’avant est époustouflante. Avec ses voies larges et son empattement court, la M2 a tout pour plaire et devenir un futur classique. La boîte de vitesses manuelle à six rapports est en option, elle aussi probablement pour la dernière fois, mais qu’importe ! La boîte de vitesses automatique à huit rapports de série, trois programmes de changement de vitesse et palette de sélection au niveau du volant est encore plus rapide. Si l’on devait comparer la M2 à un sportif, ce serait un athlète de sport collectif bien bâti, capable de marquer des buts, et toujours bien positionné.

La masse : BMW XM

Changement de gabarit pour le prochain modèle. La XM en impose, et pas seulement au niveau visuel. Surnommée la « rock star » par ses concepteurs, c’est le premier modèle électrique sorti des ateliers de M GmbH, autrement dit : son premier hybride rechargeable. Son moteur V8 à double turbo avec assistance électrique intégrée à la boîte de vitesses à huit rapports produit une puissance totale de 653 ch et un couple presque surréaliste de 800 Nm. Le 0 à 100 km/h est expédié en 4,3 secondes et l’on peut atteindre les 140 km/h en mode uniquement élec-

trique. Mais que fait un SUV de luxe sur un circuit d’entraînement technique ? Il en fait des tonnes, comme nous allons bientôt le constater. Le XM a des gènes bien plus sportifs qu’on pourrait le croire et n’hésite pas à bander ses muscles quand le conducteur enclenche le moteur.

La direction active intégrale optimise la stabilité du XM à grande vitesse et le rend si maniable lors d’un slalom que le conducteur vérifiera par deux fois s’il conduit vraiment un mastodonte de 5,11 mètres de long et non pas un modèle plus compact. Qu’il se rassure, il est bien

dans un XM, un véritable canapé sur roues. Même lors des tests de maniabilité les plus rapides, les mouvements latéraux sont presque inexistants grâce aux stabilisateurs actifs, et ce malgré le poids de 2,8 tonnes. Franciscus « Frank » van Meel, PDG de la marque, affirme que M ne produira jamais un modèle plus grand et plus puissant que le XM. Son homologue ? Sans doute un athlète de force avec une chaire en génie électrique.

La puriste : BMW 4 CSL

Passons maintenant à l’autre extrême. Un seul mot d’ordre pour ce CSL (coupé sport léger) : réduction de poids. Disparition de la banquette arrière, bas de caisse, capot et coffre en fibre de carbone, panneaux d’isolation phonique plus légers, ce modèle fait 100 kg de moins que le M4 Competition. Une cure d’amaigrissement qui se remarque. Préparez-vous à avoir le souffle coupé par la vitesse du CSL en slalom grâce à sa propulsion arrière et son freinage millimétrique à l’entame de la prochaine porte quand les paramètres sont configurés en mode Sport ou Sport plus. Avec ses 550 ch et sa vitesse de pointe de 307 km/h, c’est la plus rapide des nouvelles BMW de série. Pas forcément pour un usage au quotidien, plutôt pour laisser tous les autres dans son sillage en compétition. La M4 nous rappelle un athlète olympique au sommet de sa forme et qui se joue de ses adversaires au moment où cela compte le plus.

Le noir n’amincit pas seulement visuellement, il rend aussi rapide. Non pas que la BMW M4 CSL ait besoin d’artifices optiques : 550 ch, 307 km/h. Gros moteur, grosse puissance, grosse voiture : la BMW XM est la BMW la plus puissante produite par BMW M GmbH.

La polyvalente : BMW M3 Competition Touring

Depuis l’apparition de la M3 (autrement dit depuis 1986), beaucoup souhaitaient l’arrivée d’une version break de cette sportive qui définissait autrefois BMW comme une marque musclée, fiable et légère. Un vœu enfin exaucé pour cette sixième génération.

Et la révolution ne s’arrête pas là : précédemment réservée exclusivement à la propulsion arrière, la génération actuelle de la M3 permet au conducteur de choisir entre deux types de transmission intégrale directement depuis l’habitacle.

Des différences totalement perceptibles sur le tarmac détrempé et minutieusement enregistrées par l’analyseur de dérive M, de sorte que celui qui vient de s’offrir un dérapage de 600 mètres à un angle moyen de 28 degrés fera

certainement encore mieux la prochaine fois. Puéril ? Sans doute, mais plaisir garanti ! Ce polyvalent exceptionnel surpasse toutes les attentes.

Le double moteur turbo six cylindres de 510 ch expédie le 0 à 100 km/h en 3,6 secondes. Mieux vaut bien arrimer les affaires entreposées dans son généreux coffre de 1 510 litres. Selon les propres mots de van Meel, le PDG du groupe : « Si je devais choisir une M3 à emmener sur une île déserte, ce serait elle. »

La fin d’une époque, car sa prochaine version sera électrique. Quant à son homologue sportif, le choix s’impose de lui-même : seul un décathlonien peut ici entrer en ligne de compte, un décathlonien qui ne montre aucune faiblesse dans aucune discipline.

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Du jamais vu : la BMW M3 Competition Touring est le premier break en trente-sept ans d’histoire de la BMW M3. Des débuts réussis ? Extrêmement réussis ! Le compte est bon BMW M2, XM, M3 Competition Touring et M4 CSL (de l’avant vers l’arrière).
Le son, la stabilité et le système de turbines rendent toujours aussi accros.

LES SENTIERS DE LA GLOIRE

Chaque année, les meilleurs vététistes de descente au monde se réunissent sur le Red Bull Hardline. Mais jamais une femme n’a réussi à terminer ce terrible parcours. Bien décidées à changer la donne, la championne du monde Tahnée Seagrave et cinq autres rideuses exceptionnelles se sont mesurées au monstre gallois.

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TEXTE JESSICA HOLLAND PHOTOS SAMANTHA SASKIA DUGON

Haute forme Tahnée Seagrave passe en tête sur le Red Bull Hardline en juillet dernier (vallée de Dyfi, Pays de Galles).

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Passage compliqué Tahnée s’autorise un court moment de réflexion sur les exploits de son groupe de progression.

rois des meilleures vététistes au monde remontent la pente d’une montagne galloise à bord d’une Land Rover branlante. Tahnée Seagrave, Louise Ferguson et Jess Blewitt ont l’habitude de l’adrénaline et des descentes risquées : Tahnée compte huit titres mondiaux, Louise et Jess se sont récemment illustrées lors de l’épreuve Crankworx en Nouvelle-Zélande en remportant des victoires épiques.

Aujourd’hui, elles s’apprêtent à affronter un parcours taillé dans le fanc de la colline pour le Red Bull Hardline, compétition qui repousse les limites du possible en deux roues. Des sauts de 30 mètres, des virages en épingle, des pierres glissantes, des rochers et des racines sournoises, des atterrissages serrés qu’on ne repère qu’à la dernière minute, le tout sous des vents violents et sans le moindre bout de sentier un peu régulier pour reprendre son souffe.

Aucune femme n’a jamais réussi à fnir le parcours du Red Bull Hardline de bout en bout. L’an dernier, la tentative de Blewitt aux côtés de concurrents masculins s’est soldée par une fracture occasionnée suite à un saut depuis une rampe.

TTahnée Seagrave, veste rose fuo et cheveux blonds tirés en arrière, a réuni le petit groupe de sportives d’élite pour relever cet effroyable déf. Cette athlète née au Royaume-Uni fait du VTT depuis l’âge de 9 ans. Kaos, son petit frère, est lui aussi vététiste professionnel et participe régulièrement au Red Bull Hardline. Pourtant, même avec cet impressionnant CV, Tahnée, à 28 ans révolus, n’est pas étrangère aux frustrations d’être une femme athlète et de grandir sans les modèles et les potentiels illimités de ses pairs masculins.

« Dans cette discipline très masculine, je pense que les femmes manquent de moyens, j’ai donc décidé de changer la donne. » Avec Red Bull, elle a créé le Progression Camp. L’idée n’est pas de terminer le parcours coûte que coûte mais de préparer l’avenir. « Le but est simple : faire en sorte qu’une femme fnisse le parcours de bout en bout. Peu importe laquelle ; l’essentiel est que cela arrive un jour. »

À pieds joints en enfer

Voilà pourquoi Seagrave n’a pas invité que des spécialistes de descente, ces rideuses aux nerfs d’acier aguerries aux descentes sur sentiers boueux, mais aussi trois spécialistes du freeride. Derrière nous, l’Américaine Hannah Bergemann, l’Argentine Cami Nogueira et la Néo-Zélandaise Vinny Armstrong sont entassées dans un 4×4. Ces flles ont l’habitude de travailler main dans la main pour comprendre comment aborder les gros drops et les sentiers tortueux. Plus que la vitesse, leur discipline récompense l’audace et le style. Mais comme les autres, elles n’ont jamais rien tenté de tel. Même Bernard Kerr, triple vainqueur du Red Bull Hardline, tout disposé à leur apporter conseils et soutien, nous confe en aparté qu’il est terrorisé par ce genre de parcours extrêmes.

C’est la première fois que Jess revient ici depuis sa fracture de la clavicule. Tahnée se remet tout juste d’une série de blessures qui ont bouleversé sa vie ces dernières années, culminant avec une commotion cérébrale qui l’a privée de VTT pendant neuf

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Imminence Bien calée et prête pour le départ.

vie ces dernières années, culminant avec une commotion cérébrale qui l’a privée de VTT pendant neuf mois. « Je ne suis plus la même qu’à l’époque où j’ai remporté toutes ces Coupes du monde. À l’époque, je roulais à l’instinct, mais maintenant mon cerveau fonctionne différemment. Je dois réapprendre à surmonter mes peurs. »

Premier déf : une surface rocheuse abrupte. Un mauvais dérapage et c’est le plongeon dans l’abîme. Louise, 27 ans, qui a fait ses premières armes dans les Highlands écossais avant de partir en Nouvelle-Zélande, s’engage timidement en tête. Elle atteint le talus de terre opposé pour disparaître dans les méandres de l’humide forêt de pins. Peu après, Cami Nogueira atterrit dans un virage serré. Trop vite. Elle percute un arbre, brise son cadre, mais s’en sort miraculeusement indemne exceptées quelques égratignures sur la cuisse. Stoïque, Cami prend le parti d’en rire et descend son legging pour constater les dégâts.

Le retour d’un sentiment grisant Louise s’en sort de justesse après un atterrissage hasardeux sur le Canon, un saut de 17 mètres qui propulse les athlètes au dessus d’une zone boisée. Elle ne soulève pas assez son cadre dans les airs. Lorsque son pneu arrière touche la rampe d’atterrissage, sa chambre à air explose sous l’impact. Qu’importe, son magnifque saut provoque une montée d’adrénaline chez les autres athlètes. Dan Atherton, qui a conçu dix ans plus tôt le parcours du Red Bull Hardline, considère le Canon comme « le saut le plus fippant du parcours ». Exposition au vent, abordage compliqué et atterrissage en virage à fanc de colline ne laissent « aucune marge à l’erreur ».

Méthodiquement, Tahnée a assimilé toutes les données, évaluant la vitesse à laquelle Ferguson a abordé le saut, ou l’angle du guidon de Bernard Kerr quand celui-ci s’est lancé dans les airs. Elle lui demande de la suivre et d’évaluer sa vitesse dans la section tortueuse qui mène au Canon. Mais elle freine brusquement juste avant d’être propulsée

dans les airs. Les plus grands sauts en descente font environ la moitié de celui-ci, et cela ne fait que quelques mois que Tahnée a repris le VTT. Peu après son accident, elle a connu des épisodes d’angoisse, de dépression, de fou cérébral, de vertiges et de nausées. « C’est tout mon monde qui s’écroulait. J’avais l’impression de me noyer. Pendant des semaines, je ne pouvais me concentrer que sur ma respiration. Je faisais des sessions de méditation de cinq minutes. » Elle a fait son grand retour en Coupe du monde en juin, un mois seulement avant cette aventure sur le Red Bull Hardline. Lorsqu’elle fonce à nouveau vers le Canon quelques minutes plus tard, le public pense qu’elle s’entraîne encore pour la phase d’approche. Mais quelque chose change dans son attitude. Elle s’engage dans un virage en épingle, accélère, ses pneus font voler la boue, et là, au lieu de freiner au dernier moment, elle décolle dans les airs sous les regards stupéfaits de l’assistance. Dix-huit mètres plus tard, atterrissage parfait. Explosion de joie dans le groupe, les yeux de Tahnée s’emplissent de larmes.

« C’est cet état d’esprit que je cherchais à retrouver depuis ma commotion, explique-t-elle plus tard. Je n’ai jamais abordé un saut à une telle vitesse, jamais autant tiré sur mon VTT. Je n’ai pas l’habitude des gros sauts, je ne savais pas ce que c’était de rester si longtemps dans les airs. Je suis super fère de moi. Cette ambiance de soutien, ces flles qui affrontent leurs peurs m’ont permis de repousser mes limites », poursuit-elle. Des avantages dont Jess n’a pas profté l’an dernier, unique femme au milieu de tous ces hommes. « Jess est incroyablement courageuse, lâche Louise Ferguson. Diffcile

Sur le fil du rasoir Louise Ferguson (à gauche) et Hannah Bergemann sont scotchées par le parcours ; (en bas) Jess Blewitt reprend du service malgré sa chute l’année dernière.

« Je suis convaincue qu’il y a des nanas capables de faire la descente de bout en bout. »
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Dure au mal. Cami Nogueria montre ses blessures de guerre après avoir percuté un arbre.
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Toujours en vadrouille

Dans le sens des aiguilles d’une montre depuis la photo en haut, à gauche : Louise Ferguson dans les airs ; Tahnée Seagrave, à droite avec Jess

Blewitt ; Louise a rejoint le groupe au dernier moment mais a hâte de revenir l’an prochain ; la Néo-Zélandaise

Vinny Armstrong fait crisser ses pneus.

« On n’a pas envie d’une version soft pour les filles. »

Tahnée Seagrave

de m’imaginer monter là-haut comme on l’a fait aujourd’hui, mais toute seule. J’aurais eu du mal à le faire, je crois. Pendant les Coupes du monde, les mecs sont très solidaires et je suis sûre que tout le monde est super sympa ici, mais ça reste intimidant d’être entourée de concurrents masculins. Ils n’ont pas le même gabarit, ils ont l’habitude de s’entraîner et de concourir entre eux. Mais nous aussi maintenant on peut s’identifer et s’entraider. »

Un but commun

Fiona Spotswood, elle-même passionnée de vélo et professeure en marketing et consommation à l’Université de Bristol, a mené des recherches qui confrment les propos de Louise. À tous les niveaux du VTT, quatre cyclistes sur cinq sont des hommes et les femmes qui s’y intéressent « sont généralement introduites à ce sport par des hommes et le pratiquent avec des hommes », explique l’experte. Quand elles trouvent des femmes avec qui s’entraîner, « elles progressent souvent beaucoup plus rapidement, car elles se sentent plus à l’aise. Dans un environnement mixte, elles sont laissées pour compte ou sur la défensive. Cette situation ne provient pas d’une volonté des hommes à déstabiliser les femme, mais d’une dynamique de genre naturelle propre aux sports d’action. C’est quelque chose d’inévitable. »

Selon Spotswood, la solution n’est pas de « traiter tout le monde de la même manière », comme le répétait fèrement un représentant de marque qu’elle a récemment interviewé. « Pour plus d’égalité, il faut nous traiter différemment parce que l’histoire sociopolitique des femmes est différente. Elles n’ont pas le même rapport au sport que les hommes, et pas les mêmes obstacles. » Elle préconise plutôt une meilleure visibilité des femmes dans le monde du VTT et un réseau plus dense pour rouler ensemble.

C’est exactement la vocation du Progression Camp. « L’idée est de donner à ce groupe de flles le meilleur environnement et les meilleurs outils pour s’épanouir et s’amuser », explique Tahnée. Son but n’était pas de créer une version soft du Red Bull Hardline : « C’est vraiment stigmatisant de croire que si une flle réussit un truc, c’est forcément facile. On ne veut pas qu’on nous simplife la vie. Quand c’est trop dur, pas de soucis, on descend et on pousse le vélo, mais au moins on veut essayer, et on veut le faire au même niveau que les mecs. »

Jess tente un énorme saut en descente : écart de 18 mètres, drop de 12 mètres et atterrissage sur un talus presque invisible jusqu’au moment du décollage. Son atterrissage a l’air impeccable, les témoins présents autour de la piste l’acclament. Mais sa cheville a souffert sous l’impact. Jess s’arrête pour réclamer de l’aide, elle ne peut plus détacher ses pédales et tombe au sol. « C’est vraiment rageant, commente Tahnée par la suite. L’atterrissage est super complexe et elle l’avait trop bien géré. Ça m’a remis les idées en place. On était à fond, on enchaînait les obstacles, on se sentait pousser des ailes. On était bourrées d’adrénaline et ça nous a rappelé que c’est super dangereux, en fait, et que tout peut vite basculer. »

Le lendemain, Jess passe des examens médicaux : fracture de la cheville. Elle ne pourra probablement pas reprendre avant l’automne. Mais le moral tient bon. « On est tellement fères les unes des autres et tellement heureuses de ce qu’on a accompli, exulte Tahnée. Oui, on est affamées, on en veut plus. » Louise ajoute : « C’était comme une petite communauté, tout le monde se tapait sur l’épaule et s’encourageait. »

Quand Tahnée l’a invitée à rejoindre le groupe pour remplacer une autre rideuse au pied levé, Louise a pas mal hésité. Elle n’était pas sûre de pouvoir passer un seul obstacle. Seagrave lui a répondu qu’elle doutait elle aussi de ses propres capacités. Désormais, toutes les flles présentes veulent revenir l’année prochaine et réféchissent à la meilleure façon de s’y préparer. « Je ne vois plus du tout le Hardline de la même manière, dit Louise. Je suis persuadée qu’il y a des femmes qui réussiront une descente complète. La vraie question, c’est quand et comment cela arrivera. » Armstrong acquiesce : « Il est clair que les femmes veulent et peuvent le faire. C’est possible, donc ça fnira bien par arriver. » Créer les conditions adéquates pour que les femmes puissent rivaliser au même niveau que les hommes est une tâche herculéenne, et Seagrave sait bien que cela ne se produira pas du jour au lendemain. Mais s’il y a une chose que lui a appris son épisode de commotion cérébrale, c’est la patience : « Cet accident m’a permis de laisser mon ego de côté. » Avant, les innombrables embûches qui jalonnaient le parcours des femmes cyclistes la mettaient hors d’elle. Désormais, elle fait preuve de plus de pragmatisme. « On ne peut se concentrer que sur ce que l’on fait le mieux, et je vais simplement essayer d’encourager les autres femmes le plus possible à se lancer et faire ce qu’elles veulent », explique Thanée. Il y a beaucoup de gens qui veulent nous voir réussir, mais cela prendra du temps, et justement, je suis prête à y consacrer autant de temps que possible.

« Contrairement à nous, la plupart des concurrents ont déjà neuf ans d’expérience sur le Hardline. Et on n’a pas eu non plus toutes ces opportunités et tous ces modèles vers qui se tourner quand on était plus jeunes. Avec notre présence ici, on espère faire des émules, susciter des vocations chez de nouvelles recrues. On ne le fait pas pour nous, mais pour le futur. »

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BULLETIN

GRENATS SUR GRANIT

La reine du bloc Shauna Coxsey présente « son » Tessin : une déclaration d’amour solide comme la roche et tendre comme la crème de coco.

Avis à toutes et tous les passionné·e·s de grimpe qui commencent cet article : rappliquez ici au trot ! Ascona-Locarno, c’est l’art de vivre méditerranéen au beau milieu des paysages alpins. En tant que Britannique, le seul endroit comparable qui me vienne à l’esprit est le Lake District et ses majestueux paysages de lacs et de montagnes. Mais attention : le Tessin, avec ses sommets de plus de 3 000 mètres en toile de fond, est bien plus

imposant. Sorte de grandfrère du Lake District, il s’étale entre le plus haut sommet des Alpes et le lac Majeur au bord duquel reposent Ascona, Locarno et toute une colonie de palmiers.

Ce n’est pas pour rien que je viens régulièrement ici depuis plus de dix ans : le Tessin est l’une des régions les plus diverses et les plus convoitées au monde en matière de bloc et d’escalade. Imaginez des blocs de granit et de gneiss à perte de vue

comme autant de défs pour grimpeurs et grimpeuses tous niveaux confondus, faciles d’accès mais au cœur d’une nature sauvage. Et juste à côté, Ascona et Locarno, deux villes mondialement célèbres pour leurs festivals. En plus, les roches sont praticables toute l’année : même en hiver, le climat reste doux et la neige n’atteint pas les vallées.

Stand-up paddle sur le lac Majeur : good vibes, eau cristalline et hautes montagnes.

VOYAGE
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Shauna Coxsey, 30 ans , est double championne de Coupe du monde de bloc.

À titre personnel, je considère l’automne et son lot de couleurs bigarrées comme la meilleure saison pour visiter le sud de la Suisse.

Rien ne vous empêche de venir en famille, bien au contraire. Mon mari Ned, ma petite flle et moi prenons le bus (qui part plusieurs fois par jour de Locarno) et arrivons une cinquantaine de minutes plus tard à Brione, dans le Val Verzasca, paradis suprême des grimpeurs et grimpeuses.

De Brione, il ne reste plus que quelques minutes de marche pour atteindre les premiers rochers. Alors que notre bébé sommeille paisiblement à l’ombre des parois rocheuses, nous nous lançons dans une séance de bloc effrénée. Parmi mes voies préférées, je conseillerais There Is No Spoon (cotation 7b), Real Pamplemousse (8a) et Molonk (7c), de véritables classiques. Vous avez

plutôt envie de vous laisser tenter par une randonnée ?

Rien de plus simple, abandonnez votre attirail d’escalade à l’hôtel et avanti !

Les villages de cette région sont construits sur des pentes escarpées, ribambelle d’antiques chaumières de pierres empilées sur le toit desquelles les cheminées fument éternellement. Un vrai décor de contes de fées accentué par

Ascent, une compétition d’escalade en équipe à laquelle j’ai eu l’honneur de participer en 2022 en compagnie d’autres grands noms de la discipline comme Sasha DiGiulian, Jacopo Larcher et Babsi Zangerl.

Ce que j’adore aussi, c’est que le coin fourmille de sportifs et sportives des quatre coins du globe. Nous avons croisé des mordu·e·s de la

les ponts de pierre et leurs voûtes en arc de l’époque romaine, à l’image du Ponte dei Salti non loin de Lavertezzo.

Au milieu coule la rivière Verzasca. Dans son eau turquoise, limpide et rafraîchissante, nous surprenons quelques courageux plongeurs en combinaison. Le barrage de la vallée Verzasca attire lui aussi tous les regards. C’est d’ailleurs sur sa paroi de 200 mètres de haut qu’a lieu la Red Bull Dual

grimpe venu·e·s d’Allemagne, d’Italie, d’Ukraine, de GrandeBretagne et d’Australie.

Si vous préférez l’eau, il vous sufft de louer une planche de stand-up paddle (SUP) à Ascona-Locarno et de vous élancer sur ce lac d’un bleu profond. La vue depuis l’eau est d’une beauté surréaliste, avec les palmiers et les façades multicolores des maisons de Locarno-Muralto alignées sur la rive et les Alpes enneigées en toile de fond. Le top du top : conclure votre

Panorama de rêve : Shauna et son mari Ned s’offrent une randonnée avec vue sur le lac Majeur.

THE RED BULLETIN 79
Shauna Coxsey en pleine session de bloc dans le Val Verzasca.

promenade sur le lac par une bonne glace.

Une autre excursion que je recommande : prenez l’ancien petit train à Muralto (départ toutes les onze minutes) et descendez au départ du téléphérique à Orselina. En quelques minutes, vous atteindrez une montagne panoramique surplombant le lac. De là, vous pourrez décider si vous restez à Cardada (1 340 mètres) ou si vous continuez jusqu’à la Cimetta (1 670 mètres), départ de nombreuses randonnées et de pistes de VTT bien balisées. La plateforme d’observation vous permettra de profter d’une vue imprenable à 360 ° sur le lac Majeur, point le plus bas du pays à 193 mètres au-dessus du niveau de la mer, et sur la pointe Dufour, dans le massif du Mont-Rose, point culminant de Suisse avec ses 4 634 mètres.

Les pieds au ciel ! Shauna profite d’une vue imprenable depuis le mont Cimetta.

ITINÉRAIRE

Se rendre au Tessin

Vous aurez sûrement un petit creux lors de votre retour dans la vallée. Parfaite occasion de faire une pause à la Casa Colmanicchio. Je vous recommande le plateau de fromage composé d’une variation de spécialités de la région accompagné des traditionnels röstis. Pour étancher votre

soif, rien ne vaut la « mandarinade », une limonade à base de mandarines locales. Dernier conseil pour terminer sur une note gourmande : offrezvous une excursion à Bellinzona, la capitale du canton située à l’est d’Ascona-Locarno. L’Arte del caffe nous a servi le meilleur café que nous ayons bu au cours de notre séjour, mais sa véritable spécialité, c’est la Delizia al Cocco, succulent dessert composé d’une crème de coco nappée d’une bonne dose de Nutella. La vita è bella, surtout pour une accro des montagnes comme moi !

Plus d’infos sur Shauna Coxsey : IG : @shaunacoxsey ; redbull.com

Depuis le nord, prenez l’A2 pour arriver au Tessin par le tunnel du Gothard. Si vous passez par le col en été, n’hésitez à y faire une petite escale : situés à 2 000 mètres d’altitude, les flancs de la montagne sont un vrai paradis pour toutes celles et ceux qui raffolent du bloc. Les CFF propose des lignes directes jusqu’à Locarno depuis Zurich, Bâle ou Lucerne. ascona-locarno.com

PETITS CONSEILS

Tout le nécessaire pour faire du bloc

Équipement de base : chaussures d’escalade, sac de magnésie, brosse pour les prises et un ou deux crashpads. Pour vos randos en montagne, prenez de bonnes chaussures de marche, une veste, des vêtements imperméables et de quoi calmer la faim. Procurez-vous quelques guides de Claudio Cameroni, maître incontesté des pros du bloc tessinois. Toutes les voies les plus importantes de la région y sont recensées en détails.

VOYAGE
Promenade en famille au bord du lac Majeur.
Locarno Ascona TESSIN 80 THE RED BULLETIN
Berne Suisse STEFAN KUERZI SIMON SCHREYER

TOUJOURS PLUS HAUT, ENSEMBLE.

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album de Róisín Murphy s’appelle Hit Parade. Plus d’infos : roisinmurphyofficial.com

LA LOI DE MURPHY

Ex-chanteuse du duo électro Moloko, Róisín Murphy révèle ici quatre titres qui l’ont durablement marquée.

« Mon père la chantait souvent. C’était un excellent chanteur. Il jouait à un jeu avec moi, il me disait : “Nomme quelque chose, je parie que je connais une chanson à ce sujet.” Cette chanson particulièrement, qui a rendu Nat King Cole célèbre, est fantastique, surtout du point de vue d’un enfant qui lève les yeux vers un adulte qui la chante. Comme un conte de fées ! »

PULL UP TO THE BUMPER (1981)

« Je connaissais Grace Jones avant de connaître sa musique. Des amis avaient orné leur cheminée avec la pochette du vinyle de son album Island Life. À l’époque, je me demandais si c’était une vraie photo de personne ou une image de synthèse. Plus tard, j’ai vu le clip de cette chanson. C’était tellement cool ! Elle reste un vrai modèle pour moi. »

Retrouvez la playlist du Red Bulletin avec Róisín Murphy en scannant le code ci-contre.

Do you like my tight sweater? (trad. « Estce que tu aimes mon pull moulant ? ») C’est avec cette question aguicheuse (qui deviendra le titre de leur premier album, un an plus tard) que la chanteuse irlandaise Róisín Murphy accoste le musicien Mark Brydon lors d’une fête à Sheffield (Angleterre), en 1994. C’est ainsi que le duo de trip-hop Moloko voit le jour. Ils ont déjà vendu plus d’un demi-million d’albums quand Moloko se sépare en 2005. Depuis, Murphy s’est lancée dans une carrière solo et a sorti son sixième album, Hit Parade, produit par DJ Koze. « J’ai travaillé dans un studio imaginaire, dans l’espace aérien entre Hambourg et Londres, explique Murphy. Cela a favorisé une écriture plus intime des chansons. »

The Stooges I WANNA BE YOUR DOG

(1969)

« Quand j’étais enfant, j’ai vu Sonic Youth reprendre cette chanson lors d’un concert à Brighton, et le public était hors de lui. C’est un morceau tellement avant-gardiste. Plus tard, j’ai appris que si on l’écoutait uniquement du côté gauche, cela ressemblait à du jazz, et à du rock du côté droit. Les performances d’Iggy Pop en live sont une grande source d’inspiration pour moi ! »

« J’ai entendu ce morceau pour la première fois après que DJ Koze m’a envoyé un e-mail plein d’aplomb dans lequel il me disait : “Je suis le Mohammed Ali des producteurs, tu as besoin de moi !” Ça m’a intriguée, alors j’ai fait des recherches et je suis tombé sur XTC, à la fois délicat, profond et entraînant. Je me suis dit : “Carrément oui, je vais travailler avec toi !” »

ÉCOUTER
Le dernier DJ Koze XTC (2015) Hoagy Carmichael STAR DUST (1929) Grace Jones
82 THE RED BULLETIN NIK PATE FLORIAN OBKIRCHER

23-24 SEPTEMBER 2023

SIGN-UP: WWW.REDBULL.COM/POOLCLASH

SION, SWITZERLAND
ALAÏA BAY

L’HEURE DE LA SORTIE

Ils sont beaux, pleins de technologie, et font de la nature une zone de bien-être : cinq compagnons d’automne à chérir.

TEXTE ANNA KERBER

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Le compte à rebours a commencé : un an avant l’America’s Cup, Stromer lance une Alinghi Red Bull Racing Special Edition sur le marché. Le moteur de 820 watts permet de parcourir jusqu’à 180 km, en 4 heures. 9 999 CHF ; stromerbike.com

S’ÉQUIPER
84 THE RED BULLETIN
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Avec la technologie avancée du nouvel Amarok, l’aventure tout-terrain devient encore plus amusante. De plus, le pick-up peut accueillir à peu près tout ce dont les baroudeur·euse·s peuvent rêver. À partir de 50 544 CHF ; vw-nutzfahrzeuge.ch

Un vice… plein de force et de style.
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Dormez sur un plan incliné –et vous passerez une nuit de rêve !

COMME UN LOIR

Vous voulez mieux dormir ? Alors surélevez votre tête de lit ! Le biohackeur professionnel Andreas Breitfeld révèle sa dernière inclination.

Nous, les biohackeurs, faisons parfois appel à la toute dernière technologie pour améliorer notre vie, mais parfois aussi à des traditions ancestrales. Cette fois, il s’agit de la seconde option. Car l’idée de dormir incliné est probablement presque aussi vieille que le lit lui-même : les archéologues ont constaté que les lits des pharaons de l’Égypte antique étaient déjà penchés d’environ cinq degrés vers le haut au niveau de la tête –et cela remonte tout de même à quelque 5 000 ans.

Mais pourquoi faisait-on cela dans l’Égypte ancienne ?

Et pourquoi la plupart des biohackeurs dorment-ils avec la tête légèrement surélevée ?

L’origine de cette inclination est assez terre à terre : elle est liée à la bonne vieille gravité

DES LIVRES POUR S’ENDORMIR

Vous voulez aussi dormir incliné ? Avant de sortir vos connaissances en géométrie, votre compas et votre équerre – la tête devrait être positionnée environ 12 centimètres plus haut que les pieds, ce qui correspond à peu près à l’angle souhaité. Sortez deux pavés de 12 centimètres de votre bibliothèque et coincez-les sous les pieds du lit.

et à son effet sur l’ensemble de notre organisme. En effet, dès que nous nous couchons à plat, la pression sanguine augmente dans le cerveau et la circulation du sang et de la lymphe en souffre. Ce n’est pas tragique, mais un peu quand même.

Que fais-je donc en tant que biohackeur ? Je coince des cales sous les montants de mon lit, côté tête, et m’offre ainsi exactement ces 3,5 degrés supplémentaires qui s’avèrent particulièrement positifs selon des études de l’agence spatiale de la NASA.

Le psychologue, psychothérapeute et « professeur de sommeil » originaire du Vorarlberg, Günther Amann-Jennson, qui a créé un institut de recherche sur le sommeil et la bioénergétique à Frastanz, publie régulièrement des articles sur ce thème et recommande également aux dormeurs proactifs une inclinaison de 3,5 degrés. Alors, inclinez-vous et faites de beaux rêves !

Andreas Breitfeld est le biohackeur le plus connu d’Allemagne. Il se consacre à la recherche dans son laboratoire de Munich. Le biohacking englobe, pour simplifier, tout ce que les gens peuvent faire de manière autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.

OPTIMISER
86 THE RED BULLETIN PERSONNELLE ANDREAS BREITFELD BRATISLAV ´nMILENKOVIC
HORS DU COMMUN theredbulletin.com RICARDO NASCIMENTO / RED BULL CONTENT POOL

PLACE AUX JEUNES ET AUX FEMMES

Voici comment Alinghi Red Bull Racing prépare l’élite de la voile suisse à la Youth & Women America’s Cup.

Dans un an, pour la première fois dans l’histoire de l’America’s Cup, des équipes exclusivement féminines s’affronteront. Pour la troisième fois, une compétition pour les jeunes aura également lieu. Alinghi Red Bull Racing sélectionne à cet effet les meilleures navigatrices et les meilleurs jeunes navigateurs et les jeunes navigatrices pour représenter la Suisse dans cette course d’élite. La Youth & Puig Women’s America’s Cup se déroulera parallèlement à l’America’s Cup à l’automne 2024 à Barcelone. Le foil est à l’ordre

du jour, et c’est une nouveauté même pour de nombreux athlètes expérimenté·e·s.

Phase 1 – Le dossier

La première étape a été numérique : les candidat·e·s ont envoyé des clips vidéo de leurs performances à la voile. Particularité : toutes les personnes nées après 1998 et détentrices d’un passeport suisse pouvaient postuler pour une place dans l’équipe. Soit 91 inscriptions au total.

Phase 2 – Mise en situation

Celles et ceux qui ont réussi à convaincre le jury avec leur

Sur les bateaux 69F Foiling, les athlètes montrent leur savoir-faire.

vidéo pouvaient monter à bord du bateau ; les qualifcations suisses ont eu lieu en été, sur trois lacs : le lac de Thoune, le lac des QuatreCantons (Brunnen) et le lac Léman (Genève). 69 candidat·e·s ont démontré leurs compétences individuelles et leurs capacités à travailler en équipe. Trois candidat·e·s ont reçu un « coup de cœur » de la part du comité de sélection et se sont assuré·e·s une place pour le dernier tour de qualifcation. « Le choix de ces trois favori·te·s, nous avons récompensé des comportements axés sur la performance avec une attitude positive au sein du groupe », explique Coraline Jonet, membre du jury.

Phase 3 : la fnale !

Toutes les infos sur le YWAC et le Final Qualifier à Barcelone du 9 au 13 octobre :

Les qualifcations fnales auront lieu entre le 9 et le 13 octobre, au large de Barcelone : six candidates pour l’équipe féminine et six candidat·e·s pour l’équipe jeunesse seront sélectionné·e·s parmi vingt au total. Elles et ils pourront alors représenter Alinghi Red Bull Racing à la Youth & Puig Women’s America’s Cup 2024 à Barcelone (dans deux catégories différentes).

S’ENTRAÎNER
« L’intuition joue un rôle non négligeable dans le recrutement. »
88 THE RED BULLETIN LORIS VON SIEBENTHAL/ALINGHI RED BULL RACING ANNA KERBER
Coraline Jonet, membre du jury

UNIQUE CLIMBING COMPETITION WITH THE WORLD’S BEST ATHLETES

VERZASCA DAM, SWITZERLAND 1-4 NOVEMBER FREE tickets

4 No v - live on Red bull TV

REDBULL.COM/DUALASCENT

QUEL AUTOMNE !

Les événements à ne pas manquer dans les mois à venir.

SEPTEMBRE DRIFT MASTERS

L’action du Drift Masters

European Championship (DMEC) s’approche de la finale. La saison a débuté en mai, en Irlande, la patrie du drift. La compétition a ensuite conduit les meilleur·e·s drivers au monde en Suède, en Finlande, en Lettonie et en Allemagne, avant que la grande épreuve de force ne se déroule en Pologne le 16 septembre. Voir en direct sur : redbull.tv

& 21 OCTOBRE BIG AIR CHUR

& 24 SEPTEMBRE RED BULL POOL CLASH

Malgré son absence de côtes maritimes, la Suisse s’est créée, ces dernières années, un hotspot sur la scène du surf avec Alaïa Bay. Le Red Bull Pool Clash est non seulement dans l’air du temps, mais il en rajoute une couche avec un format innovant. Les participant·e·s sont des surfeurs et surfeuses dilettantes. Deux sessions de qualification leur permettront de se hisser en finale. Qu’est-ce qui compte ? Les critères des sessions de qualification permettent aux participant·e·s de briller par leur flow (variation et créativité) et de célébrer ainsi leur propre style de surf. redbull.com/ch-fr/events/pool-clash

Des cascades spectaculaires, de la musique live et une atmosphère unique : la crème des skieur·euse·s et snowboardeur·euse·s montre son talent sur la plus grande rampe de freestyle de Suisse. Il y a suffisamment de possibilités de participer, par exemple dans le skatepark, en se régalant sur le boulevard ou lors de l’afterparty.

bigairfestival.com

SORTIR
Julia Duarte a fait sensation au Red Bull Pool Clash 2022.
23 20
Big Air Chur : show spectaculaire.
16
90 THE RED BULLETIN LISANDRA PIZZOLITTO, STADLERPHOTO.COM
Hotspot de la scène suisse du surf : toutes les infos sur le Red Bull Pool Clash ici.

OCTOBRE RED BULL CAMPUS CLUTCH

La finale suisse des studios de jeux ! Pour les meilleures équipes d’étudiant·e·s suisses, le voyage se poursuivra fin novembre à Istanbul. Les champion·ne·s Valorant y rencontreront des adversaires de plus de cinquante pays. redbull.com/int-en/ event-series/red-bullcampus-clutch

AU 17 SEPTEMBRE DIGITAL FESTIVAL

Finale mondiale de Dance Your Style 2022 à Johannesbourg.

Ici, les esprits pionniers rencontrent les cerveaux décideurs. La plateforme suisse dédiée au tout numérique, s’adresse autant aux têtes chercheuses qu’à celles qui vouent un culte à l’innovation. Pro du hacking, du management, de la science ou de la programmation, des ponts se construisent ici d’une discipline à l’autre depuis 2014. Qui le souhaite peut acquérir des connaissances de l’industrie, de la recherche, de l’économie et de la politique dans des ateliers, des masterclass ou des laboratoires. Le tout dans une ambiance décontractée de festival – dans la halle 550 à Oerlikon. hackzurich.com

NOVEMBRE

RED BULL

DANCE YOUR STYLE

Les B-Boys et B-Girls ignorent quelle sera la prochaine chanson du DJ… et doivent donc improviser. Sans préparation, ils et elles ont pour mission d’interpréter la musique dans leur style et, ainsi, convaincre le public. Tous les styles de danse de rue sont autorisés. À la fin, seuls les mouvements les plus bluffants et inattendus comptent. La finale mondiale de ce battle unique en 1 contre 1 aura lieu cette année à Francfort (Allemagne). redbull.com/danceyourstyle

OCTOBRE SWISS INFLUENCER AWARDS

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Un événement drôle et bouillonnant avec son lot de personnalités inspirantes. Le tout IRL. C’est aux Swiss Influencer Awards que l’on décide qui fait la loi en matière de numérique en Suisse. Les stars en ligne sont récompensées dans les catégories Entertainment, Sport, Lifestyle, Fashion, Travel, Beauty, Food, Family et Music. swissinfluenceraward.ch

AU 4 NOVEMBRE

RED BULL DUAL ASCENT

Le barrage de Verzasca accueille la seconde édition de cette compétition d’escalade unique en son genre : il s’agit de gravir une voie de 180 mètres de long. 24 stars de la grimpe parmi les meilleur·e·s au monde se livrent à une course au coude à coude. La championne de bloc Petra Klingler sera de la partie. redbull.com/ch-fr/events/red-bull-dual-ascent

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THE RED BULLETIN 91 CRAIG KOLESKY/RED BULL CONTENT POOL, ARMON RUETZ/RED BULL CONTENT POOL, STEFAN VOITL/RED BULL CONTENT POOL

L’ESPOIR EST ORANGE

Le célèbre écrivain américain T.C. Boyle a transposé l’un des thèmes les plus sensibles de notre époque dans son roman, Blue Skies, qui se déroule sur fond de crise climatique.

The Red Bulletin a discuté avec lui de l’avenir de notre planète.

Alors que la Californie est actuellement en proie à une vague de chaleur, la propriété de Thomas Coraghessan Boyle à Montecito, près de Santa Barbara, jouit d’un climat relativement agréable, même l’été, grâce à sa proximité avec l’océan Pacifque. Aussi agréable qu’éloquent, l’écrivain de 74 ans – qui, avec sa casquette, sa veste en jean et son sweat à capuche, ne fait pas du tout son âge – nous accueille dans son bureau pour une interview à distance. Son 19e roman vient tout juste de sortir. Dans Blue Skies, l’auteur s’intéresse aux effets du changement climatique sur une famille californienne tout à fait banale. Un pressentiment glaçant d’apocalypse s’insinue subrepticement dans leur quotidien : les inondations, les décès causés par la canicule et les coupures de courant se multiplient ; des maisons brûlent ou sont dévorées par les termites. Cooper, le fls de la famille, entomologiste et écologiste engagé, ne comprend pas que l’humanité reste sourde aux avertissements de la nature. À l’opposé, sa sœur Cat cherche à se faire connaître en tant qu’infuenceuse et se procure un serpent géant en guise d’animal de compagnie et d’accessoire de mode.

Ce n’est pas la première fois que Boyle aborde le thème de la crise climatique avec toutes ses conséquences sociales et ses contradictions : en 2000, il a écrit son seul roman de science-fction. Il se déroulait en 2026. Et quand on le lit aujourd’hui, il ne relève malheureusement plus de la science-fction.

the red bulletin : Dans votre livre Un ami de la Terre, publié il y a déjà vingt-trois ans, vous aviez anticipé avec une remarquable justesse les catastrophes naturelles auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. Mais le monde n’a pas changé pour autant, malheureusement. Pensez-vous que les choses seront différentes cette fois-ci ?

t. c. boyle : (Rires) Mon but n’est pas de changer le monde. Je cherche simplement à l’interpréter en tant qu’artiste. Je voulais répondre à cette question : comment le changement climatique affectet-il la vie d’une famille tout à fait normale, de gens comme vous et moi ? Chez moi, par exemple, en ce moment, il y a des peintres qui travaillent et j’ai des électriciens dans ma cave. Nous essayons de maintenir notre vieille maison (Boyle vit dans une maison en bois construite en 1909 par le célèbre architecte Frank Lloyd Wright, ndlr) en bon

COGITER 92 THE RED BULLETIN VINZ SCHWARZBAUER

Thomas Coraghessan Boyle, né en 1948 d’un père chauffeur de bus et d’une mère secrétaire dans une petite ville près de New York, est devenu mondialement célèbre dès le début des années 1980 avec son premier roman Water Music. Il est aujourd’hui l’un des auteurs les plus lus au monde.

T. C. Boyle
THE RED BULLETIN 93

état afn de pouvoir la faire assurer. Le contrat que nous avions depuis trente ans a été résilié. La faute aux sociétés d’assurance, qui se retirent de la Californie les unes après les autres. Pourtant nous n’avons jamais eu de sinistre et nous ne sommes même pas dans une zone à risque d’incendie, mais pour eux, c’est du pareil au même.

On a vraiment l’impression que tout le monde parle de la catastrophe climatique, mais que personne ne fait rien pour l’éviter.

C’est vrai que c’est angoissant : que pouvons-nous faire à notre petit niveau ? Mais si, tous et toutes autant que nous sommes, nous essayions de réduire notre empreinte carbone, cela aurait certainement un impact positif dans les années à venir. Avant, avec ma femme, nous habitions à Los Angeles et nous devions sans arrêt prendre la voiture. Maintenant, nous vivons dans un village et la plupart du temps, elle reste au garage. Que ce soit pour les courses, pour aller à la poste ou au bar, nous faisons tout à pied. Ça aide. Chacun e peut apporter sa petite pierre à l’édifce. C’est vrai que dans l’ensemble, nous sommes quand même assez dépassés par la situation.

Pour certain·e·s, les avertissements sur les effets du changement climatique ne seraient qu’une hystérie alarmiste de fn du monde, attisée par des médias qui veulent faire le buzz. Que répondez-vous à ce genre de personnes ? La crise climatique est bien réelle, pas besoin d’un grand débat sur le sujet. Ceux qui nient cette réalité aujourd’hui, ce sont les partis de droite, parce qu’ils veulent protéger l’industrie pétrolière et tutti quanti. C’est vrai que les médias en font des tonnes à ce sujet pour faire vendre, je suis bien d’accord. Mais cela ne doit pas occulter le fait que nous sommes bel et bien confrontés à une crise qui met nos vies en danger.

On ressent parfois une grande impuissance et une grande colère dans votre roman. Je cite : « Ce sont les consommateurs de viande qui ont détruit le monde, qui ont entretenu le carnage dans les abattoirs, en attendant au drive du McDo, moteur en marche, que leur viande soit grillée et que l’air soit pollué. » Êtes-vous vraiment si en colère que cela ?

Oui, je suis carrément furax. Mais n’oubliez pas que ce n’est que le point de vue d’un personnage de mon roman. En l’occurrence, c’est Cooper, l’écologiste, qui nous fait la morale. Ottilie, sa mère, me ressemble étrangement. Elle vit en banlieue et tout ce qu’elle veut, c’est faire de son mieux pour préserver le monde. Et puis, il y a Cat, la flle. Tout cela lui passe complètement au-dessus de la tête... et elle n’est pas la seule. Elle s’achète un serpent géant – une espèce invasive à qui l’on doit d’ailleurs la destruction des Everglades en Floride – en guise d’accessoire de mode. On a donc trois points de vue différents : celui d’une personne ignorante, celui d’une personne informée et inquiète, et celui d’une personne qui, dans sa rage de voir les autres ignorer les signes avant-coureurs, va beaucoup trop loin.

Quelles sont les chances pour que les générations futures disposent encore d’un monde viable, disons d’ici 100 ans ?

À mon avis, la civilisation n’aura sans doute pas encore disparu, mais il n’en restera pas grand-chose. La biodiversité a déjà tellement souffert. Toutes les espèces fascinantes de ce monde sont vouées à être réduites au rang d’animaux d’élevage. Tous les autres animaux qui ont besoin d’un environnement spécifque disparaissent, y compris les papillons monarques orange et noirs. Même si je dois dire qu’ils ont fni par revenir quand j’écrivais Blue Skies. Ils semblaient au bord de l’extinction, mais fnalement, ils sont toujours là. J’ai donc retrouvé un peu d’optimisme en ce qui concerne la survie des papillons monarques. Et d’ailleurs, lors d’une récente tournée littéraire à Berlin, j’ai félicité les élu·e·s de la ville pour avoir décidé de ne pas engazonner les terrepleins centraux des autoroutes et de les laisser simplement en friche. Il y pousse donc maintenant des mauvaises herbes et des feurs sauvages dont les insectes ont besoin comme habitat. Tous les animaux ont besoin de plus d’espace vital.

Dernièrement, l’UE a adopté, à une courte majorité, une loi sur la restauration de la nature. Je trouve cela génial ! Vraiment ! Il faudrait plus d’initiatives de ce genre.

COGITER
94 THE RED BULLETIN
« MON BUT N’EST PAS DE CHANGER LE MONDE. »

Que faudrait-il faire pour redresser la barre ?

Hmm… Je pense qu’il faudrait réduire la population mondiale. Drastiquement. Quand on m’avait posé cette question pour la première fois en 2000, lors de la sortie de mon livre Un ami de la terre, j’avais répondu : si vous êtes un·e écologiste vraiment engagé, mettez-vous sur le tas de paillis dans le jardin. Ensuite, recouvrez-vous de quelques feuilles et tirez-vous une balle dans la tête. Pour faire clair : le problème, c’est nous.

Avez-vous déjà un thème pour votre prochain roman ?

Je travaille dessus en ce moment, mais je ne peux pas encore vous en dire plus. En revanche, j’ai écrit des nouvelles après avoir terminé Blue Skies. L’une d’elles a été publiée dans le New Yorker à l’automne et l’autre vient de paraître dans Esquire. Vous savez, quand on écrit un roman, on est focalisé sur un thème et sur le point de vue de nos personnages. On n’a pas vraiment la possibilité de réféchir à tout ce qui peut bien se passer autour. C’est pour cela que j’écris des nouvelles, pour parler aussi de l’actualité. Par exemple, dans la nouvelle qui est actuellement dans Esquire, The Sanctuary (trad. le sanctuaire, ndlr), il est question de la mainmise fasciste délirante de Trump et de ses condisciples sur les États-Unis. Petit détail en passant : dans l’histoire, il y a une femme qui porte une casquette MAGA (Make America Great Again, ndlr)

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?

Euh, laissez-moi réféchir... C’était The Candy House, de Jenny Egan. Je suis un grand fan de son travail et je l’apprécie aussi beaucoup à titre personnel. Je lis également un peu de la non-fction. Comme des livres sur le barrage Hoover ou le feuve Colorado, qui nous approvisionne justement en eau ici. Nous nous battons en ce moment pour préserver ce feuve qui va jusqu’en Californie. Cela fait partie de mes recherches pour mon nouveau livre.

Quel était votre livre préféré étant enfant ?

J’aimais bien les histoires avec des animaux, comme Big Red, par exemple, qui parlait d’un chien. J’adorais les livres qui mettaient en avant le point de vue des animaux. Pas vraiment du genre de Winnie l’Ourson. Il y en avait un qui s’appelait The Key Deer (le cerf des Keys, ndlr). Je devais avoir onze ou douze ans quand je l’ai lu. Cela parlait de cette espèce particulière de cerfs endémiques de l’archipel des Keys, une sous-espèce de cerfs nains.

« NOUS SOMMES BEL ET BIEN CONFRONTÉS À UNE CRISE QUI MET NOS VIES EN DANGER. »

Vous voyez, ça m’a marqué. Aujourd’hui encore, le point de vue des animaux me fascine.

Pourriez-vous envisager d’avoir un python comme animal de compagnie ? Non, parce qu’il n’aurait pas sa place ici et parce que c’est stressant pour l’animal d’être gardé dans un terrarium comme animal de compagnie. Les pythons devraient être dans la nature, mais pas en Floride, plutôt au Myanmar, d’où ils sont originaires. Si je n’étais pas devenu écrivain, j’aurais aimé être biologiste en environnement. Quand j’étais petit, j’étais absolument fasciné par les poissons. Un aquarium, c’est d’ailleurs l’un des rares types d’élevage où les animaux se sentent bien, car ils ne se rendent pas compte qu’ils sont enfermés. Mais ils ne peuvent pas en partir. J’ai résolu le problème ici en 1999 : armé d’une pelle et d’une brouette, j’ai creusé un étang de trois mètres de profondeur et six mètres de large sur mon terrain. Il abrite maintenant des poissons et des grenouilles, et c’est aussi une source d’eau pour tous les animaux qui vivent dans mon jardin. Donc je n’ai pas vraiment besoin d’avoir des animaux de compagnie. Nous avons des chouettes qui nichent dans les arbres. Je les entends la nuit, et cela me rend très heureux. Nous avons aussi des colibris. Je poste sans arrêt des photos d’eux sur Twitter. Il y a un mois environ, j’en ai photographié un qui était assis sur son nid, il devait faire la taille d’un dé à coudre. Si j’ai réussi à le voir, c’est uniquement parce qu’il était assis devant la fenêtre de ma cuisine, à cinquante centimètres de moi, bien protégé de nous et de tout le reste dans son épais buisson. Mais j’ai quand même réussi à le voir et à le prendre en photo. C’était vraiment magique.

Le livre Ce roman décrit la vie d’une famille californienne en pleine crise climatique : papa médecin, maman femme au foyer, fils entomologiste et écologiste, fille influenceuse. Elle s’offre un serpent géant comme accessoire de mode.

THE RED BULLETIN 95

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98 THE RED BULLETIN NICOLAS MAHLER
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