The Red Bulletin FR 09/23

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AU RENDEZ-VOUS

En exclu avec ROMAIN NTAMACK vers son titre ultime ?

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CONTRIBUTIONS NOTRE ÉQUIPE

CETTE FOIS-CI, C’EST LA BONNE ?

ATIBA JEFFERSON

Le photographe basé à L.A. connaît Ryan Sheckler depuis plus de quinze ans. Il était présent lorsque le skateur a réalisé un kickflip historique au Costco Gap en 2008, capturant une image qui est devenue une couverture emblématique de The Skateboard Mag. Atiba est un insider des scènes skate, basket-ball et musique, et a collaboré avec des magazines et des marques comme Slam, Thrasher, ESPN, Supreme et Netflix. Page 64

La pression monte. La France s’apprête à basculer en mode rugby avec la Coupe du monde, et l’on comptera évidemment sur Romain Ntamack (en Une de ce numéro) pour nous livrer son plus beau rugby, et aller chercher un titre que les Bleus n’ont fait que frôler lors de trois fnales depuis le début de la compétition en 1987.

Et pendant ce temps, une autre Coupe du monde (de foot féminin) s’achève et on y aura certainement remarqué la joueuse américaine Trinity Rodman, en mode full energy. Dans son entretien exclusif avec The Red Bulletin, l’attaquante se montre inspirante au-delà du terrain.

Derrière ses platines, Crystallmess l’est aussi, créant des ponts entre le passé, le présent et le futur, et motivant une jeunesse positive à se bouger comme à penser.

Cette jeunesse que suit le photographe Erwan Blaszka, un transmetteur de l’esthétique du rap francophone et de ses plus ardent·e·s représentant·e·s, dont vous saurez apprécier le portfolio. On a rarement vu casting si hétéroclite.

Bonne lecture !

Votre Rédaction

WOLFGANG ZAC

Ce photographe évoluant entre Berlin et Los Angeles a réalisé les photos de notre article sur la star du foot US Trinity Rodman. Et il s’est placé directement dans sa ligne de mire alors qu’elle frappait le ballon. Résultat : un filtre d’objectif brisé et un bleu sous l’œil. Zac voyage sans cesse pour des marques comme Adidas ou Samsung et des publications telles que Vanity Fair ou Vogue.

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ÇA PASSE !

Champion du Top 14 avec Toulouse et atout de l’Équipe de France, Romain Ntamack met le photographe Little Shao à contribution. Prise de vue à Blagnac, au mépris du danger, lors de la production du nouveau jeu en ligne Red Bull Ultimate Kicker

Éditorial
THE RED BULLETIN 3 LITTLE SHAO (COUVERTURE)

CONTENUS septembre

2023

6 Galerie : des photos folles

12 Toutes au bar !

14 La playlist d’A2H

16 L’IA qui vous veut du bien

18 N’achetez plus, cueillez !

20 Beauden Barrett : dans la tête (bien faite) d’un All Black !

22 Charlotte Gainsbourg : à cœur et à porte ouverts

24 Noki : un top DA de l’esport

26 Romain Ntamack

Dix points de discussion avec le joueur français qui compte

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Visionnaire

Bien plus que DJane, Crystallmess écrit un futur positif et musical

44 Banger imagerie

Les visages au top de la scène rap française avec Erwan Blaszka

56 Made in USA

L’important pour la footballeuse new school, c’est de s’exprimer

64 Ryan Sheckler

Il s’est dédié à 100 % au skate et à ses travers, voyez sa renaissance

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La vision du rap d’Erwan Blaszka. ERWAN BLASZKA, ATIBA JEFFERSON, LITTLE SHAO

77 Voyage : natation de fond dans les eaux fraîches du UK

82 Gaming : passez en mode Jedi

83 Équipement : le Pac-Man Lego

84 Matos : un vélo ou rien

92 Fitness : mental combat

94 Comment : superbike bros.

96 Ils et elles font The Red Bulletin

98 Image de fin : restez en ligne

En exclusivité avec Romain Ntamack.
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Ryan air, le skate pour carburant.

MARSEILLE, FRANCE

Droit au but

Le bowl du Prado à Marseille est une institution mondiale. Présente dans le jeu Tony Hawk’s Pro Skater 2 en 2000, cette vague de béton à quelques mètres de la mer (bien avant le skatepark de Venice à L.A.) est devenue un mythe pour des générations de riders internationaux. Les 2 et 3 septembre, pour sa sixième édition, le Red Bull Bowl Rippers va y accueillir la crème du skate (40 hommes et 20 femmes). Le local Vincent « Joker » Matheron, grimé ou non, n’y viendra pas pour faire de la figuration. À suivre sur redbull.com

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TEDDY MORELLEC/RED BULL CONTENT POOL

AKTIOUBÉ, KAZAKHSTAN

Tutoriel

Dans l’école du B-Boying, le break a une signification opposée : c’est le moment où les leçons commencent. Votre tuteur est le B-Boy Lagaet, né en Martinique et basé à Paris, alias Gaëtan Alin, 35 ans – en train d’animer un workshop au Red Bull BC One Cypher au Kazakhstan, en mars dernier. Membre du crew néerlandais The Ruggeds et du crew portugais Momentum, le triple finaliste du RB BC One était dans ce pays d’Asie centrale pour transmettre ses connaissances et skills aux breakers locaux. En prélude à la finale nationale du Red Bull BC One Cypher organisée à Almaty, et remportée par le local B-Boy Create. Magistral. Plus de breaking ? Checkez la chaîne YouTube du Red Bull BC One

ROME, ITALIE

Du très grand art

Le street artist Piskv (ici au centre du terrain) a bien mérité une petite pause. L’Italien a été invité à redécorer le playground Scalo San Lorenzo, à Rome, dans le cadre du Red Bull Half Court, ce très frais tournoi de 3  contre 3. Il a trouvé l’inspiration dans un monument local : « J’ai inséré le contour du Colisée dans les formes de l’aire de jeu pour créer une identité forte, explique Francesco Persichella, alias Piskv. Un joueur se détache du Colisée en train de faire un dunk, l’action la plus célèbre du basket-ball de rue. » Showtime! Plus d’infos sur le Red Bull Half Court sur redbull.com

9 VICTOR MAGDEYEV/RED BULL CONTENT POOL, MAURO PUCCINI/RED BULL CONTENT POOL DAVYDD CHONG

SALT LAKE CITY, UTAH, USA

Fracassant

Le type en selle (ou plutôt hors selle), c’est Aaron Plessinger, champion 2018 de supercross et de motocross, qui a participé à la 17e manche de l’AMA Supercross Championship au Rice-Eccles Stadium, en mai dernier. Lorsqu’il a atterri enifn, le natif de l’Ohio, 27 ans, qui avait manqué les trois manches précédentes en raison d’une blessure, a pris la place de vice-champion devant une arène à guichets fermés (49 871  personnes). Quel retour en force ! redbullcontentpool.com

11 GARTH MILAN/RED BULL CONTENT POOL DAVYDD CHONG

Le bar est ouvert

C’est afin de remédier au manque d’options pour regarder les sports féminins autour d’un verre que Jenny Nguyen a décidé d’ouvrir The Sports Bra.

USA, il y a cinq ans, Jenny Nguyen et ses amies se retrouvent dans un bar pour regarder la finale du championnat de basket inter-grandes écoles (NCAA). C’est le seul jeu important ce soir-là, et pas un des 32 écrans du bar ne le retransmet. Nguyen et son équipe demandent au personnel l’autorisation de regarder le match.

En réponse, on leur donne une télé. Installées derrière le comptoir, elles commandent à manger et à boire, et assistent à l’un des matches les plus palpitants de l’histoire de la NCAA, l’équipe victorieuse marquant un tir à trois points à la dernière seconde. « Je me souviens de ce moment, on s’est mises à jubiler, raconte Nguyen. C’est là que j’ai réalisé que personne ne savait pourquoi on exultait.

On avait regardé le match entier derrière le bar, sans le son, et sans se poser de questions… »

Des années d’expériences de ce genre ont poussé la cheffe de 43 ans à ouvrir The Sports Bra. Situé à Portland, en Oregon, ce bar est dédié aux sports féminins. Il offre un espace qui « soutient et encourage les filles et les femmes dans le sport et au sein de la communauté ». Incroyable de

se dire que c’est le premier de ce type au monde.

Nguyen, diplômée d’école de médecine, a travaillé de nombreuses années dans la restauration. Elle est à la recherche d’une nouvelle direction à prendre dans sa carrière quand lui vient l’idée du Sports Bra. En février 2022, elle lance une cagnotte sur Kickstarter, en vue de concrétiser son projet. Le budget initial de 45 000  € est vite surpassé, et même doublé. « Je n’ai jamais été aussi sûre de moi, poursuit Nguyen, ex-basketteuse dans l’équipe universitaire jusqu’à une blessure du ligament croisé antérieur qui la force à arrêter. Je me demandais l’impact que ça aurait eu sur moi, enfant, de regarder plus de sport féminin à la télé. Il fallait que je fasse de cette vision une réalité. »

Depuis son ouverture en avril 2022, The Sports Bra ne refuse l’accès à personne ; l’honneur est donné aux sports féminins qui ne trouvent que peu de place dans les bars sportifs habituels. « 95 % des sports diffusés à la télé et dans les médias sont masculins. Mon bar met en lumière les 5 % restants et raconte les histoires qu’on n’entend jamais. Je ne parle pas que des femmes, mais de toutes les autres histoires sportives qui ne trouvent pas d’écho ailleurs : celles des athlètes non binaires ou trans… Un espace comme celui-ci est tellement important ; pas seulement pour la communauté féminine, mais pour l’ensemble de ces personnes sous-représentées. »

Jenny Ngyuen espère ouvrir des bars similaires dans d’autres États et pays. « Je suis témoin chaque jour de l’impact de ce que nous faisons, dit-elle. Un jour, un père est venu avec ses deux filles qui ne décrochaient pas les yeux des écrans. En passant à côté, il me touche le bras pour me dire ceci : “Merci d’offrir un endroit comme ça à mes filles.” C’est ça la raison d’être de ce bar. »

thesportsbrapdx.com

THE SPORTS BRA
12 THE RED BULLETIN DOROTHY WANG, SHANNON DUPRE LOU BOYD
La propriétaire Jenny Nguyen (en haut) ; à l’intérieur de The Sports Bra à Portland.

A2H

Le miel, le feu

Le rappeur et chanteur français revient sur quatre collaborations rap et R&B marquantes.

« Je fais partie d’une génération qui a voulu faire des ponts entre différentes ambiances musicales. » La preuve avec les derniers albums d’A2H (Une rose et une lame I et II), chacun divisé en deux parties, l’une très orientée vers la mélodie et une certaine douceur, et l’autre dans un format rap plus ferme, plus sombre. Mais c’est depuis L’amour (2018), que l’artiste multiple (MC, producteur, beatmaker, musicien...) bouscule les codes. S’il assure souvent lui-même la combinaison rap et R&B, le « miel god » a pris plaisir à vous commenter ses rencontres favorites entre artistes des deux genres. @a2hpalace

Scannez le code pour écouter l’album de A2H, Une rose et une lame II

Drake feat. Jhené Aiko

From Time (2013)

« Nothing was the same est un album qui m’a influencé, c’est sûrement un de mes disques préférés, c’est comme si ça m’avait donné l’autorisation de mélanger du rap et du R&B, sans craindre l’accueil du public. Le morceau From Time représente bien l’esprit de l’album : un instrumental minimaliste, juste une lead de rap, et une meuf qui chante, et envoie une topline de fou. Tout est hyper simple en fait. »

Rick Ross feat. T.I., Jadakiss, Erykah Badu Maybach Music III (2010)

« Cette collaboration me rend dingue tellement je l’adore, tant pour la production que pour le travail d’arrangement de J.U.S.T.I.C.E. League. Ces producteurs sont très forts, l’instrumental évolue à chaque changement d’artiste. Il y a un bridge absolument incroyable avant l’entrée de Rick Ross, et la chanteuse Erykah Badu adoucit le tout avec un refrain dément. »

Kanye West feat.

John Legend

Blame Game (2010)

« My Beautiful Dark Twisted Fantasy est un de mes albums favoris de Kanye, et il fait toujours ressortir le meilleur de John Legend. Blame Game est un titre exceptionnel. Alors que je ne trouve pas les albums de ce chanteur marquants, car il a peu de classiques à son actif, et qu’il ne brille pas en solo, mais dès qu’il collabore avec Kanye, à chaque fois, ça tire dans le mille. »

D’Angelo feat.

Method Man & Redman

Left & Right (1999)

« Method Man & Redman est une association dans laquelle je me suis vite reconnu, à travers les thèmes sur la weed et les filles, il y a un côté cour de récréation, avec toujours un haut niveau de rap, et un gage de qualité. D’Angelo, c’est un putain d’instrumentiste et de chanteur, c’est une référence ultime pour toute la scène neo soul, et même au-delà. C’est le saint-père du groove. »

14 THE RED BULLETIN HANOH SZPIRA HUGUES MARLY

THE MOST CAPABLE RARELY GO IT ALONE.

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AUSTRALIAN OUTBACK @BFGoodrichTires 11.10.22
AUSTRALIAN OUTBACK @BFGoodrichTires 11.10.22

Futur pacifste

Cette artiste londonienne invente un futur paradisiaque en s’inspirant du passé, et en s’aidant d’un logiciel d’IA de notre présent dystopique.

Enfant, Sienna O’Rourke, 31 ans aujourd’hui, était fan de science-fiction : elle regardait Star Trek, série phare des années 1960, et s’émerveillait de son esthétisme futuriste ainsi que du code moral du capitaine Kirk et de son équipe, qui semblaient tellement en avance sur leur temps avec leur souci d’égalité et d’équité pour tous. Une chose, pourtant, l’ennuyait : le manque de représentation des femmes à l’écran.

« Les histoires étaient sensas, mais ça restait un univers très masculin. » Trois décennies plus tard, O’Rourke propose une réponse à ce déficit avec Planet Fantastique (dont le nom est un hommage au titre anglais du film La planète sauvage, sorti en 1973), un projet d’intelligence artificielle qui reprend les idées des années 60 en les recadrant dans une perspective plus féminine.

L’univers de Planet Fantastique, constitué de couleurs pastel saturées et de lignes douces, est un endroit où le chic des années 60 harmonise avec des paysages d’un autre monde, teintés de kitsch, digne du cinéma de Wes Anderson. On y rencontre des icônes de football américain portant des casques couverts de fleurs en feutre, des superhéros sur leur 31 au supermarché, etc.

« Le rétro-futurisme des années 50 et 60 était une vision du futur comme simple projection de ce que nous sommes

aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est l’idée que les gens de l’époque imaginaient des sociétés utopiques exemptes d’actes racistes et de préjugés, et où le progrès servait à nous rendre la vie facile. C’était de la sciencefiction pacifiste. » De nos jours, les récits de fiction dystopiques ne tarissent pas ; le projet de Sienna O’Rourke, lui, pointe l’autre direction. « Il n’y a pas de correspondances entre l’époque que nous vivons et les projections fantasmées alors,

explique-t-elle. Il s’agit d’une alternative. Qu’est-ce qui aurait pu être ? »

O’Rourke a créé son projet avec l’aide d’une IA. Elle lui a soumis des consignes textuelles et visuelles qui lui ont permis de produire ce monde étrange et inquiétant. D’abord méfiante vis-à-vis de cette nouvelle technologie et de son utilisation controversée, Sienna O’Rourke a changé d’opinion à son sujet : elle pense désormais que l’art produit

Rêves utopiques : Sienna O’Rourke (ici imaginée par l’IA) a été influencée par les projections futuristes de la science-fiction des années 1960.
PLANET FANTASTIQUE
16 THE RED BULLETIN SIENNA O’ROURKE LOU BOYD

par les IA peut être adopté et utilisé au profit des artistes plutôt que de les entraver. « N’importe qui peut donner une consigne à une IA et en tirer quelque chose. La dimension artistique naît de l’interprétation de ce résultat et de la capacité à donner des indications précises. Je conçois qu’on puisse s’inquiéter, mais une IA ne peut rien produire dans le vide. En tant qu’artiste, il est possible de penser une IA comme un outil qui permet

d’étendre son champ d’action au lieu d’y voir une menace. Nous en sommes encore au balbutiement de cette technologie. Il y a une éthique à respecter. Les gens qui l’utilisent doivent le faire avec de bonnes intentions. »

Le futur de Planet Fantastique pourrait se voir à l’écran, sous forme d’un long-métrage de fiction. « L’énorme potentiel des IA réside dans la projection de quelque chose qui pourra, un jour, être créé dans la réalité.

Cela va révolutionner la manière de raconter des films dans l’industrie du cinéma. » Les nouvelles technologies rencontrent souvent une certaine forme de résistance de la part du public. Pas besoin de faire l’autruche : les IA existent, et elles vont se développer jusqu’à devenir de plus en plus userfriendly et intelligentes. Autant faire avec elles. « À tous points de vue, c’est une aventure fascinante », conclut O’Rourke. Insta : @planet_fantastique

THE RED BULLETIN 17
L’avenir est radieux : Planet Fantastique est un monde rétro-futuriste en tons pastel. « Ce qui m’intéresse, c’est l’idée que les gens de l’époque imaginaient des sociétés utopiques exemptes d’actes racistes et de préjugés, et où le progrès servait à nous rendre la vie facile. C’était de la science-fiction pacifiste. »

FALLING FRUIT

Servez-vous !

Cette base de données en open-source permet aux citadin e s de récolter les fruits disséminés dans leurs villes, reconnectant ainsi avec la nature.

Savez-vous d’où viennent les aliments que vous consommez ? Voilà une question à laquelle nous ne pouvons pas toujours répondre…. À l’époque des emballages et des supermarchés, produire, cultiver et récolter ses propres fruits et légumes semble être une activité encore trop marginale. Pourtant, un regard (et un nez !) averti suffit pour repérer un sureau en fleur le long de la route, un pommier ou un noyer dans les parcs publics ou de l’ail des ours lors d’une balade en forêt. La nourriture pousse partout et ne coûte rien. Falling Fruit, une base de données mondiale en libre accès créée par les fourrageurs Ethan Welty et Caleb Phillips, veut rétablir le lien entre les êtres humains et leurs vivres en répertoriant les plantes comestibles sur une carte, et en donnant aux gens les connaissances nécessaires

pour récolter les fruits dans leur environnement urbain.

« L’idée de Falling Fruit m’est venue dans la cour de ma première maison, à Boulder, dans le Colorado, USA, explique Welty. Je venais d’apprendre comment fabriquer ma propre bière, et je voulais poursuivre en produisant mon cidre. Comme je n’avais pas assez de pommes dans mon verger, j’ai commencé à me renseigner pour voir où je pourrais en récolter davantage aux alentours. On m’a indiqué des pommiers chargés de fruits dont les branches pendaient au-dessus d’une piste cyclable. »

Cette quête n’était pas anodine. Welty planchait sur un rapport scientifique sur la quantité de nourriture qu’il serait possible de cultiver à Boulder, sur la base des parcelles disponibles, vierges de routes, d’immeubles, de constructions et d’arbres.

Récolte abondante : (de haut en bas) Jeff Wanner, président de Falling Fruit, cueille des mûres sur un trottoir de Boulder ; les fruits récoltés dans la ville en un après-midi.

Par le biais de son hobby, Welty a compris que les arbres de la ville pouvaient être une source de nourriture et pas seulement un obstacle à la culture d’autres produits.

« C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Caleb. Nous avions en commun le fait de fourrager, en comblant nos besoins personnels en matière de fruits recherchés. Mais nous ne voyions personne d’autres faire de même… Nous avons réalisé qu’il existait un espace et de la matière pour créer une carte interactive recensant toutes les espèces comestibles dans les zones urbaines. »

Pour la conception de l’appli, Welty et Phillips s’inspirent de leurs connaissances de la région, conjointement avec les registres officiels. C’est ainsi que Fruit Falling, en 2013, prend forme : ils cartographient les lieux et inscrivent les détails des périodes de récolte. « Au tout début, j’avais des versions papier de mes cartes, indiquant les endroits où il pourrait potentiellement y avoir des baies ou des fruits, et j’allais à vélo vérifier mes hypothèses… », raconte Welty.

Au fur et à mesure que l’appli grandit, une version digitale collaborative apparaît, se développant géographiquement dans plusieurs pays, chacun et chacune partageant les détails de sa moisson. La définition de la récolte urbaine a pris une certaine importance. On va même jusqu’à cacher des pots de kimchi comme une chasse au trésor ; les poubelles sont souvent citées comme source de nourriture.

Falling Fruit répertorient des lieux de récolte urbaine dans plus de 11 000 villes, grâce aux contributions de 20 000 personnes pour un total de 2,1 millions d’usagers. « On est encore très pudiques dans nos mentalités face à la récolte urbaine… Pourtant, les arbres de nos villes peuvent pleinement satisfaire nos papilles. » fallingfruit.org

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ROMAIN

Beauden Barrett

Dans la tête d’un All Black

Coupe du monde de rugby, équipe de France, évolution du jeu, valeurs et bravoure, l’athlète néo-zélandais Beauden

Barrett, toujours inspirant, se pose avec The Red Bulletin.

Désigné deux fois meilleur joueur de rugby au monde (2016 et 2017), le Néo-Zélandais Beauden Barrett, 32 ans, ambassadeur des montres Tudor, a participé à deux World Cups de rugby, dont une victorieuse en 2015 en Angleterre. Nous l’avions rencontré l’année précédente, et depuis, le All Black a fondé une famille, et vu évoluer le rugby vers des standards de fulgurance. On fait le point sur ce sport dont il est l’une des icônes internationales.

the red bulletin : Vous évoquiez en 2018 l’exemplarité dont doit faire preuve un capitaine envers ses joueurs. Père de deux enfants, vous devez veiller à être un exemple sur le terrain comme à la maison constamment, en fait ?

beauden barrett : J’aime à penser que c’est un comportement naturel, que je n’ai pas eu besoin de me forcer. Je ne suis pas parfait, personne ne l’est, et tu dois toujours essayer d’améliorer ton jeu. C’est juste un rappel constant, les kids te regardent. Il faut toujours bien se comporter en leur présence.

En 2019, nouvel entretien, et nous parlions de la Coupe du monde en France, le futur… Elle est toute proche désormais !

C’est tellement beau de participer à une World Cup. Ça n’est jamais la même chose. Tout comme un match de rugby n’est jamais le même. Je n’ai pas joué si souvent en France, mais à chaque fois que je suis venu chez vous, j’ai vraiment apprécié, et je sais à quel point les gens sont passionnés de jeu, surtout dans le Sud.

Vous la redoutez cette Coupe du monde ?

Ça va être la plus compétitive de tous les temps. Avec le niveau des joueurs, c’est génial pour le rugby, car aujourd’hui, tu as potentiellement huit équipes capables de la remporter Il va y avoir de l’action, des chocs. C’est ça que tu veux en tant que fan de rugby, ça va être dément.

Dès le match d’ouverture, avec un France vs. Nouvelle-Zélande… J’imagine à quel point ça doit être excitant pour l’équipe de France et ses fans. De notre côté, All Blacks, on a encore beaucoup de matches à jouer. J’espère être à même de jouer cette partie, mais j’ai retenu quelque chose du match d’ouverture de la World Cup 2019 au Japon, où nous avions battu l’Afrique du Sud, qui avait finalement remporté le titre : gagner le match d’ouverture ne signifie pas forcément remporter la compétition.

Est-ce que l’on sent vite, en début de match, que l’on va prendre le dessus sur l’adversaire ?

Tu peux voir ça dans ses yeux. Les yeux de tes adversaires te disent quelque chose, pour sûr. Ça n’est pas tellement une histoire d’intimidation, mais si tu enchaînes de bonnes phases, et eux des mauvaises, tu peux voir comment ils répondent. Je ne me focalise pas tellement sur les oppositions, mais surtout sur mon selfcontrol, c’est le plus important.

Comment est le rugby de 2023 ? Gosh ! Question très difficile… Aujourd’hui, tout est très clair en termes de cartons jaunes, cartons rouges. Une fois que tu as pu

« sortir » l’arbitre du jeu, et que tu peux faire basculer le jeu, que les ballons deviennent plus rapides, que la vitesse entre en jeu, vitesse de pointe, c’est là que ça se passe.

Si vous deviez citer des joueurs français qui vont vous donner du fil à retordre, lesquels seraient-ils ? Antoine Dupont, Romain Ntamack…

Qu’apportent-ils au rugby actuel ? C’est rafraîchissant de les voir jouer. Avec ces deux-là, on voit un jeu instinctif, ils passent en mode beast, ils vont ouvrir des lignes et littéralement transpercer des équipes. Ils savent passer en mode roue libre tout en respectant la structure de l’équipe. C’est un jeu d’opportunités, d’élans, de ballons rapides, et bam !… c’est parti. Limiter les opportunités de Dupont va être crucial.

Born To Dare (né pour oser, ndlr), est la philosophie des montres Tudor, soutien des All Blacks. Qu’est-ce qu’il faut être prêt à oser faire lors d’une World Cup ? Tu viens pour tout donner, et prendre des décisions courageuses, montrer de la bravoure. Tu dois toujours jouer avec cette limite du too much, pousser les limites, en respect des règles du jeu, de tes capacités, et de la structure établie de ton équipe, et c’est là que la magie arrive.

La bravoure entraîne-t-elle des erreurs ?

Si l’on ne faisait pas d’erreurs, le rugby serait si ennuyeux. Il faut être capable de passer à la suite.

Comment ?

On parle de capacité mentale, être capable de basculer. Si tu restes coincé dans cette phase d’erreur, d’échec tu es dépassé. Il faut passer à la suite, être suffisamment courageux pour laisser ce négatif derrière toi. Parfois, ça va être encore plus risqué, mais c’est ça le courage, l’esprit born to dare. Ça n’est pas donné à tout le monde. (rires) C’est une habilité mentale que tu dois travailler. Ton cerveau est un muscle, alors tu dois lui dédier du temps. Comme tu dédies du temps au fitness.

Instagram : @beaudenbarrett

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« Il va y avoir de l’action, des chocs. »

Gainsbourg for Ever

Traiter le mal par le mal : voilà comment l’actrice, dont la vie peut êter aussi sombre qu’un film, a appris à dompter sa pudeur et à surmonter les deuils. Bienvenue chez elle.

Peu d’actrices font preuve d’autant de courage dans leurs rôles que Charlotte Gainsbourg. Dans des films comme Antichrist ou Nymphomaniac, elle a porté sur le grand écran les fantasmes sexuels et extrêmement violents du réalisateur Lars von Trier, surnommé « l’enfant terrible du septième art ». La Française de 52 ans s’aventure aussi dans des comédies, comme récemment dans La vie pour de vrai au cinéma. Celles et ceux qui la rencontrent en personne sont pourtant étonné·e·s au premier abord car elle semble plutôt timide… Apparence fragile, voix et regards hésitants. Elle renferme bien plus de brutalité et de violence que cela, ainsi que Lars l’avait deviné.

Elle ne nie d’ailleurs pas vraiment son manque d’assurance. « Je ne me suis jamais sentie bien dans ma peau, je n’aime pas mon corps androgyne », confie-t-elle. Ses apparitions sur scène comme chanteuse « ne me semblent pas naturelles ». Lorsqu’elle produit sa musique – des morceaux pop mélancoliques, la plupart personnels mais calibrés pour les charts – c’est « un défi », car elle n’a « pas une haute opinion » de son talent.

Elle parle ouvertement de sa vulnérabilité : lorsque sa demi-sœur Kate Barry est tragiquement décédée en 2013, cela a été si traumatisant pour elle qu’elle a fui à New York, avec sa famille : « C’était la seule façon pour moi de survivre. » La mort de son père, le légendaire auteur-compositeur-interprète Serge Gainsbourg, en 1991, a été un choc qu’elle a essayé de surmonter pendant des décennies.

« C’est toujours aussi difficile pour moi, admet-elle. J’ai étouffé le processus de deuil en ne touchant à rien dans sa maison – même pas le contenu de son réfrigérateur. » Lequel abrite toujours un paquet de gâteaux Yes! intact, goûter iconique des années 80.

C’est d’ailleurs dans l’appartement de son père que la jeune Charlotte, 19 ans à l’époque, se réfugie pour surmonter la douleur de la perte, comme elle le confiait à Vogue : « Quand mon père est mort, j’ai compris que je ne pouvais pas aller au cimetière car il y avait toujours trop de monde, alors mon rituel était rue de Verneuil. Je voulais que l’endroit reste intact. » Cette maison, conservée en l’état tel un écrin à son chagrin, ouvrira ses portes au public le 20 septembre prochain. « Car il est temps de passer le relais », déclare-t-elle.

La vie de Charlotte Gainsbourg, avec son manque de confiance, ses traumatismes et ses deuils, est plus sombre que n’importe lequel de ses films dramatiques, pourrait-on penser. Mais bien au contraire ! Elle est parvenue à puiser vitalité et force précisément dans ses prétendues crises et faiblesses. « Comme je sais que je suis très timide, je me force exprès en avant. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller. C’est pour cette raison que je repousse constamment mes limites. Plus la limite est extrême, mieux c’est. » Flash-back en 2007. Un accident en faisant du ski nautique. Diagnostic : hémorragie cérébrale. Une opération compliquée a sauvé la vie de l’artiste, mais psychologiquement, elle était une fois de plus « absolument à bout ».

C’est justement lors de l’éprouvant tournage du scandaleux Antichrist, un an plus tard, qu’elle retrouve son équilibre intérieur : « Toute la souffrance et les cris dans les scènes ont été énormément libérateurs. C’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver. »

En 2020, elle a également décidé de faire face aux « fantômes du passé ». Elle a quitté New York avec sa famille – même si elle s’y sentait bien – et est revenue à Paris pour retracer son histoire familiale : elle a tourné Jane by Charlotte, un documentaire consacré à sa mère, Jane Birkin, qui nous a quittés le 16 juillet dernier. Parallèlement, elle a pris les rênes de la finalisation de l’ouverture de la Maison Gainsbourg, rue de Verneuil aux numéros 5 bis (la maison) et 14 (le musée). « Je rêvais aussi d’un piano-bar qui lui corresponde, et c’est l’autre surprise de ce lieu : le Gainsbarre. »

Si Charlotte Gainsbourg est si ouverte sur ses propres faiblesses, c’est aussi parce qu’elle a connu une énorme liberté dans son enfance. Notamment grâce à ses parents qui, par le biais de chansons comme Je t’aime … moi non plus, étaient le couple le plus en vue du show-biz français. Aujourd’hui, elle trouve que certaines choses de cette époque sont pour le moins discutables, mais elle souligne : « J’aime la liberté dans laquelle j’ai été élevée. Plus on nous impose de restrictions, plus c’est effrayant. »

C’est pourquoi elle continue d’affronter avec courage les expériences de la vie, aussi difficiles soient-elles. Cela implique notamment d’archiver les messages vocaux d’êtres chers, comme son père. « D’un côté, c’est cruel d’entendre sa voix comme s’il était encore en vie, mais en même temps, c’est un trésor. » C’est la voix douce d’une femme qui puise sa force dans ses zones de vulnérabilité : « Je repousse toujours mes limites. Plus elles sont extrêmes, mieux c’est. » Instagram : @charlottegainsbourg ; maisongainsbourg.fr

Charlotte Gainsbourg
Texte RÜDIGER STURM
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« Comme je sais que je suis très timide, je me force exprès en avant. »

Artisan de l’esport

Il est le directeur artistique de référence de l’esport en France. Son secret ? Mélanger les codes visuels du gaming avec d’autres influences, pour toujours avoir un coup d’avance.

Dès les présentations, il pose sa personnalité : « J’ai un peu hésité avant d’accepter de faire l’entretien, je ne savais pas trop si j’étais légitime pour ça. » Quelques minutes après le début de notre discussion dans un bistrot parisien, Noki préfère la jouer modeste. À regarder son CV et ses réalisations, on pourrait lui donner facilement tort : depuis 2020, Noki, alias François Pochez, pense et réalise tous les habillages visuels de la principale chaîne esport en France, OTP (One Trick Production) LoL sur la plateforme de streaming Twitch. Du logo de la chaîne en passant par les cinématiques d’introductions jusqu’aux décors de tous les plateaux, tous les éléments sur lesquels se posent les yeux de centaines de milliers de spectatrices et spectateurs quotidiennement viennent de l’esprit de ce directeur artistique originaire de Paris et aux influences larges : jeux vidéo, art contemporain, digital art et culture skate.

Depuis quinze ans maintenant, ce trentenaire œuvre en effet dans l’ombre pour donner à la diffusion de l’esport un habillage visuel digne des compétitions sportives grand public, à l’image du football et de la Formule 1. Le but ? Mettre autant que possible en valeur une pratique –le jeu vidéo – qui le passionne depuis son plus jeune âge. Et qui va très vite lui donner des perspectives. Alors qu’il est âgé de 13 ans, Noki allume sa Playstation 1 pour tester un nouveau jeu. Face à lui, l’écran s’allume et Wipeout 3, un jeu de course en 3D avec des vaisseaux futuristes, va lui mettre une grosse claque. Mais pas pour les raisons auxquelles on pour-

rait penser : « J’étais en train d’halluciner non pas par rapport au jeu, mais par rapport aux menus : les visuels d’introduction, la musique, tout l’enrobage graphique était dingue. Je me suis très vite dit : “Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est ça que je dois faire.” »

De fil en aiguille, Noki va alors intégrer des écoles d’art et de design – la prestigieuse Penninghen puis Intuit Lab à Paris – pour ensuite véritablement se lancer dans sa passion. À la fin de ses études en 2010, le jeune directeur artistique monte avec les frères Alexandre « Pomf » et Hadrien « Thud » Noci, ainsi que plusieurs autres amis une web-tv, O’Gaming, dédiée aux compétitions de jeux vidéo en ligne (notamment sur le jeu StarCraft) qui deviendra la plus importante en France. Pendant dix ans, il va donner une identité graphique à la chaîne, et participer à la montée en puissance de la diffusion de l’esport dans l’hexagone. Au point de remplir des salles comme le Bataclan en 2011 ou le Palais des Congrès en 2013 pour des compétitions. « Notre but c’était de rendre l’esport cool, se remémore-t-il, avant d’évoquer ses progrès dans son travail visuel au fil du temps. Il y avait un vrai truc de débrouille durant toute cette période-là, et on a beaucoup appris des gros studios américains. On s’est mis à recevoir les éléments visuels des éditeurs de jeux vidéos à partir de 2014 et ça m’a vraiment tiré vers le haut. Je recevais des fichiers Photoshop, je ne pensais jamais voir ça de ma vie au niveau technique. »

Depuis, le directeur artistique en herbe a bien évolué. Il est même devenu une pointure dans son

domaine. En rejoignant OTP LoL, chaîne esport ambitieuse lancée en France sur Twitch en 2020 et spécialisée sur le jeu League Of Legends, Noki a une idée bien précise en tête : mélanger l’univers visuel du jeu vidéo avec des influences extérieures. Porté par un amour de la 3D et des visuels futuristes, les décors et habillages de la chaîne, à mi-chemin entre plateaux télé et créations artistiques numériques, se marient très bien avec le penchant de Noki pour les nouvelles technologies, mais aussi pour d’autres influences graphiques. Un pas de côté créatif que l’on a notamment pu remarquer en août 2022 lors de la compétition de jeu de tir compétitif Rainbow Six à Berlin, pour laquelle Noki s’est inspiré d’une autre de ses passions pour concevoir la charte graphique : la musique électronique. Sur son temps libre, le DA nourrit en effet d’autres passions. Noki est DJ en dehors de son travail et skate et surfe régulièrement pour s’aérer l’esprit. Et aussi trouver de nouvelles inspirations : « Je vais voir pas mal d’expositions, je fais de la photographie, ce sont des choses qui me nourrissent. Je pense par exemple à l’art moderne : je vois des choses fantastiques dans des installations, et ça me donne envie d’essayer d’intégrer ces influences dans mon travail. Mon vrai challenge, c’est de faire des visuels qui rendent hommage aux équipes de esport, tout en intégrant ça dans le monde artistique actuel. »

Une ouverture d’esprit qui a permis à Noki de récemment collaborer sur un projet d’envergure : la conception de l’habillage visuel et du logo du Eleven All Stars, un match de football réel entre streamers venus de France et d’Espagne, qui s’est tenu en novembre 2022 avec une audience de 20 000 personnes.

Un événement devenu entretemps le plus regardé en live dans l’histoire de Twitch en France avec plus d’un million de spectateurs. Noki sourit : « J’ai effectivement travaillé là-dessus. Je suis très discret, et je n’ai pas de book pour présenter mon travail. J’ai un peu un syndrome de l’imposteur, mais ça va venir. »

La modestie de Noki n’a peut-être que d’égal son talent. Tel est l’équilibre de ce DA.

Twitter : @Doc_Noki

Noki
Texte BRICE BOSSAVIE Photo GUILLAUME LANDRY
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« Notre but, c’était de rendre l’esport cool. »

L’esprit Ntamack

C’est le fils d’une légende du XV de France et en digne héritier, il en est devenu, à 24 ans, le taulier. Romain, fils d’Émile perpétue une lignée d’exception dans le rugby français. À quelques jours du coup d’envoi de la Coupe du monde, le demi d’ouverture nous plonge dans sa mêlée.

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Texte PATRICIA OUDIT Photos LITTLE SHAO & LA FABRIQUE VISUELLE Romain Ntamack en juillet dernier à Blagnac. Il sera au cœur de l’action et de l’attention lors de la Coupe du monde de rugby en France du 8 septembre au 28 octobre.

Chaud ? Vous pouvez désormais défier Romain Ntamack au jeu au pied grâce à l’activation en ligne Red Bull Ultimate Kicker

Le 8 septembre 2023, à 21h15, Romain Ntamack, sait où il sera : sur la pelouse du Stade de France, face aux All Blacks (NouvelleZélande) pour le match d’ouverture de la Coupe du monde de rugby. Affûté comme jamais, passes et jeu au pied d’une précision chirurgicale, temps de réaction d’un Kylian Mbappé avec qui il partage des qualités de meneur et la bonne vista. Il s’y prépare depuis des mois, même depuis des années, à ce rêve de gosse.

À 24 ans, Romain est un vieux briscard qui, avant même d’étrenner ses crampons sur le terrain, a fréquenté les vestiaires du Stade Toulousain, l’antre paternelle. « Je devais avoir 4 ou 5 ans. Il m’emmenait aux entraînements et je me souviens que je jouais avec ses coéquipiers et lui dans le vestiaire. » Quand on s’appelle Ntamack et qu’on passe son temps à faire des passes dans le jardin familial, forcément, si on ne les avait pas dès le début, on finit par avoir des gènes ovales et les pieds tout sauf carrés. À force de travail acharné, il n’y aura jamais l’once d’une ambiguïté sur sa présence au club, d’autant que chaque année, on ne lésine pas sur la sélection dans le saint des saints : « Chaque fin de saison, le club organisait des sélections qui permettaient de déterminer les joueurs des catégories de l’année suivante. Le simple fait d’être conservé représentait déjà un challenge. »

Très tôt, le prodige prend son envol, en mode surclassement : il est pris en équipe de France des moins de 17 ans en 2015 alors qu’il n’en a que 15, et encore

en 2017 avec l’Équipe de France des moins de 20 ans alors qu’il n’en a que 17. Un mineur qui joue en mode majeur et ce n’est que le début du refrain Ntamack : Romain fait partie de la génération 2018 qui a rapporté à la France sa première Coupe du monde avec les Bleuets, confirmant qu’il a le talent des grands, calme et réactif, précis et créatif, prompt à saisir la moindre brèche tout en élégante esquive.

Un an plus tard, en 2019, il est appelé en Équipe de France à l’occasion de la première journée du Tournoi des Six Nations contre le Pays de Galles,

Romain Ntamack
« J’ai été, dès le début et tout au long de ma carrière, soutenu et encouragé. »
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Inarrêtable face à l’Angleterre (humiliée 10 à 53) lors du Tournoi des Six Nations en mars.
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au Stade de France. « Grosse surprise : j’ai été titularisé dès le premier match et même si on a perdu à la fin, ça reste un souvenir exceptionnel. Surtout contre le Pays de Galles et ses joueurs que j’admirais depuis tout petit… »

Trois titres de champion de France avec Toulouse (2019, 2021 et 2023) et une victoire lors du Tournoi des Six Nations 2022, Romain est toujours surpris d’en être arrivé là. « Même si on se donne les moyens et qu’on fait tout dans l’ordre pour arriver à vivre ces moments-là, c’est toujours étonnant. »

Le 28 octobre prochain, à 21 heures, on espère voir Romain ne pas s’étonner d’être à nouveau sur la pelouse de Saint-Denis et deux fois 40 minutes plus tard, brandir la Coupe avec ses coéquipiers… En attendant, il s’ouvre et se confie sur dix thématiques, en exclusivité pour The Red Bulletin

Ses valeurs

« J’ai toujours grandi avec les valeurs du rugby grâce à ma famille, mais aussi grâce à mon club, le Stade Toulousain, mon club de cœur, dans lequel j’évolue depuis l’âge de 5 ans. Le rugby, ça a toujours été ma passion, le seul sport que je me voyais pratiquer, même si j’en ai essayé d’autres comme tous les enfants. J’aime son environnement, l’esprit d’équipe qu’il implique, le fait que l’on se batte les uns pour les autres. Ces valeurs de solidarité, d’entraide et de partage, je m’y reconnais entièrement, ça fait partie de mon éducation, je suis né dedans et ai été élevé avec. Elles n’ont pas fondamentalement changé, car elles sont transmises de génération en génération depuis des décennies. »

Ntamack
Romain
« En tant que membre de l’équipe de France, je pense qu’on a un rôle d’ambassadeur à jouer. »
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Inoubliable : Romain en fulgurance lors de la finale du Top 14 au Stade de France contre La Rochelle le 17 juin dernier. Cette action offrira le titre à son équipe de Toulouse.

L’esprit d’équipe

« J’ai la chance d’avoir un très bon entourage, que ce soient mes partenaires de jeu et mes proches. Mon intégration au sein du Stade Toulousain s’est faite assez naturellement, je suis un peu l’enfant du club… C’est très important d’avoir des personnes saines et bienveillantes autour de soi en dehors du terrain pour être bien dans sa tête, garder les pieds sur terre, penser à autre chose qu’au rugby. Tout cela aide à évacuer toute la tension, parfois extrême, associée à notre sport, surtout en cette année de grandes échéances. »

En famille

« Grands-parents, parents, frères, oncle : toute la famille a fait ou fait du rugby, et a toujours été derrière moi. J’ai été, dès le début et tout au long de ma carrière, soutenu et encouragé. Ça nous a plutôt bien réussi avec Théo, mon petit frère (de trois ans son cadet, il évolue au poste de troisième ligne au Stade Toulousain, ndlr). Être un Ntamack, ça veut dire avoir hérité des qualités de mon père mais aussi de ma mère (professeure d’EPS, ndlr), qui ont des personnalités très complémentaires. De mon père, je tiens les qualités physiques, de ma mère

« Beaucoup de joueurs marchent dans nos pas, ça fait plaisir. »
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En fanfare : coup de pied face à une banda lors de notre séance photo à Blagnac. Pas de panique, Romain est réputé pour sa précision.

le mental, le fait de ne jamais rien lâcher. Et d’avoir toujours cette bienveillance avec mes partenaires et les personnes qui m’entourent. Il y a aussi des choses qui nous distinguent : je ne joue pas au même poste que mon père (Émile Ntamack évoluait au poste d’ailier, de centre ou d’arrière, ndlr) : certes il courait plus vite que moi et était plus costaud, moi je suis plus un gestionnaire, l’aspect vision du jeu et stratégie faisaient moins partie des priorités de mon père, alors qu’en tant que demi d’ouverture, je pèse sur l’orientation du jeu. Malgré tout, c’est en regardant les matches avec lui et

en les analysant que j’ai pu progresser aussi vite à mon poste d’ouvreur, il savait que je voulais être numéro 10 et me donnait tous les conseils. »

Transmettre

« Ayant moi-même bénéficié de ces valeurs de transmission, j’ai voulu au travers d’un livre, Essai ! – Tome 1 Dans la cour des grands, publié aux éditions Michel Lafon, faire partager mon expérience aux plus jeunes, en racontant comment, à l’approche du collège, on m’a proposé de passer au stade supérieur et comment je me suis battu pour mériter cette place. Comment j’ai évolué, progressé, comment je me suis forgé en tant que sportif et jeune homme. Ce n’est pas une leçon de vie, mais en tant que membre de l’Équipe de France, je pense qu’on a un rôle d’ambassadeur à jouer et plus particulièrement cette année où notre sport va être sous le feu des projecteurs avec la Coupe du monde. Et si ça peut inspirer les nouvelles générations, inciter les joueurs à devenir meilleur, donner envie aux non-joueurs de s’y mettre… Le tome 2 va paraître le 7 septembre, la veille du début de la Coupe du monde. Un troisième tome est prévu un peu plus tard pour raconter la suite de ma carrière. »

Un goût pour l’innovation

« J’ai envie de vivre avec mon temps : l’immense majorité des gens, et en particulier les jeunes, passent beaucoup de temps sur leurs smartphones, ça m’a paru intéressant de développer cette appli (NTK Rugby Kick, ndlr) axée sur le jeu au pied et le tir au but. J’essaie, tout comme avec le livre, de partager ce qu’on m’a appris depuis tout petit. D’ailleurs, on l’a fait en famille avec mon père. On peut y retrouver quelques conseils personnels de jeu ou ceux d’anciens joueurs en vidéos ou en fiches, ça permet de s’auto-évaluer et de suivre

sa performance de manière régulière sur le terrain pour progresser… C’est vraiment conçu pour être ludique. À terme, on envisage de partager mes fiches de session avec les autres utilisateurs et utilisatrices de l’application et comparer. Dans les mois à venir, on va encore faire évoluer le concept. Côté digital, il y aussi l’opération qu’on lance avec Red Bull Ultimate Kicker*. »

Son évolution

« J’ai débuté le rugby à 5 ans, j’en ai 24 aujourd’hui ; en dix-neuf ans de carrière, il y a eu des grandes phases et des gros déclics. Jusqu’à l’adolescence, je jouais avec les copains, pour le plaisir, je ne pensais pas devenir pro comme mon père. L’une des étapes les plus importantes pour moi a été la période du lycée, qui voulait dire à l’époque l’intégration au pôle Espoir et l’entrée dans le haut niveau. D’un coup, on fait partie des meilleur·e·s jeunes de la région, d’autant qu’il y avait peu de pôles Espoir, une dizaine en France et on était dix par génération dans chaque région. Donc dix en seconde, dix en première et dix en terminale. Moi, j’étais en seconde. Et pour être parmi les dix, il fallait vraiment être bon toute l’année et sortir du lot. Ça faisait déjà un écrémage conséquent. Après cette section Sport-études, qui est déjà un premier pas vers le rugby pro, on commence les sélections de l’Équipe de France jeune, alors qu’on est âgé de 14 ou 15 ans, et on s’entraîne à côté du XV de France. Et ça fait forcément rêver : on se dit qu’avec du travail, on va pouvoir y arriver. Ensuite, on rentre en centre de formation du club, à faire les premiers matches en Top 14 et ça donne encore plus envie de travailler pour être toujours meilleur. Je pense à ma première sélection en Équipe de France des moins de 20 ans, j’en avais 17. C’était en 2017, j’étais encore au lycée et j’étais doublement surclassé car je jouais avec des joueurs Espoir et des pros (ce jour-là, Romain commence le match sur le banc de touche et s’attend à entrer en fin de rencontre. Mais Jean-Marc Doussain, qui est à l’ouverture, se blesse à dix minutes de la première mi-temps. Romain joue – et bien ! – durant 50 minutes avec toute sa famille, dont son père dans les tribunes, ndlr) J’étais le plus petit, tout comme six mois plus tôt quand j’avais remporté le Tournoi des Six Nations avec tous ces pros devant des stades mythiques pleins à craquer. Il y a aussi bien sûr le titre de Champion du

Romain Ntamack
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« Je ne laisse rien au hasard et j’ai la chance d’être bien entouré. »

monde des moins de 20 ans 2018 avec les Bleuets, en France : c’était la première fois que la France gagnait ce mondial. Je fais partie d’une génération qui a réussi ce doublé extraordinaire. Beaucoup de jeunes athlètes marchent aujourd’hui dans nos pas, ça fait plaisir. »

De la précision

« J’aime que les choses soient carrées, j’aime que tout soit clair. Peut-être parce que mon poste de demi d’ouverture exige cette précision… Si je passe à côté de mon match, l’équipe risque de le perdre, car tout le jeu tourne autour de mon poste. Ce qui fait qu’à chacune de mes interventions, à chaque prise de balle, c’est réglé au millimètre : je n’ai pas le droit à l’erreur, c’est difficile, mais stimulant, et c’est ce qui rend mon poste particulièrement intéressant. Cela me demande beaucoup d’entraînement, la capacité de me tromper aussi…

Mon caractère méticuleux, ma volonté d’être précis, ça marche aussi pour mon image publique. Là encore, je ne laisse rien au hasard et j’ai la chance d’être bien entouré. J’ai bien conscience que je peux faire des choses qui me correspondent et qui me plaisent. Pour le moment, tout se passe bien. »

Sa réactivité

« Difficile à expliquer… Quand on me demande, comme lors du match contre la Rochelle (le 17 juin dernier lors de la finale du Top 14, l’ouvreur a marqué un essai d’anthologie deux minutes avant la fin du match et fait remporter à son club, le Stade Toulousain, le 22e Brennus, ndlr) qu’est-ce qui fait que j’ai réagi comme je l’ai fait, je n’ai pas de réponse sensationnelle à fournir ! Dans ces moments-là, on ne réfléchit pas, et dans ce cas particulier, il restait très peu de temps à jouer, il fallait tout donner, être dans l’action. Je n’étais pas tout seul, j’avais mes coéquipiers à côté de moi qui me disaient que ce n’était pas fini, qu’on pouvait le faire. Eux aussi, ils ont tout donné, j’ai juste pensé à faire gagner l’équipe, et qu’on soit Champion, c’est tout ce qui m’importait. Ça relève plus du domaine du réflexe que de la réflexion. »

Demain… la Coupe du monde

!

« Ça monte en pression petit à petit. Je reviens d’un stage à Monaco (cet entretien s’est déroulé mi-juillet, ndlr) qui n’est pas vraiment une terre de rugby et il y avait pas mal de supporteurs et supportrices qui venaient nous voir aux entraînements. On sent une grande ferveur autour de l’Équipe de France et on espère être à la hauteur. Pour être présent au rendez-vous, on enchaîne les stages à un rythme très soutenu : deux semaines fin juillet à Marcoussis dans notre centre national d’entraînement, puis on part à Capbreton pour trois semaines en août. C’est là-bas qu’on va préparer les matches amicaux : on va affronter l’Écosse, les îles Fidji et l’Australie. J’avoue que c’est la partie la plus sympa du programme ! »

Après-demain…

« Je suis concentré sur la Coupe du monde, je préfère penser à bien la préparer. Et avant de la remporter, ce que l’Équipe de France n’a encore jamais réussi, il y a tellement d’étapes à franchir, on est nombreux à la vouloir cette Coupe et il y a d’autant plus de pression que ça se passe chez nous. Ce serait donc un peu présomptueux de s’avancer. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que je vais continuer à jouer au rugby, quoiqu’il arrive. »

*Un jeu en ligne développé avec Red Bull, où l’on peut confronter ses talents de buteur·euse avec ceux de Romain Ntamack.

Romain Ntamack
« Mon essai en finale du Top 14, c’est plus du domaine du réflexe que de la réflexion. »
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Pause énergisante durant notre shooting pour l’ambassadeur des montres Garmin.
@ParAmourDuRugby Société Générale, S.A. au capital de 1 010 261 206,25 EUR ‒ 552 120 222 RCS Paris ‒ Siège social : 29 boulevard Haussmann, 75009 Paris. Crédit photo : Inigo Brothers

VISIONNAIRE

Texte
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MARIE-MAXIME DRICOT Photos EMMA PANCHOT

Crystallmess envisage des avenirs possibles, en révisitant et en remixant les vestiges d’un temps passé et en les ramenant à la vie à travers ses performances et dj sets.

Crystallmess, née Christelle Oyiri, 30 ans, est une artiste multidisciplinaire française d’origine mixte – ivoirienne et guadeloupéenne – née en région parisienne, qui a grandi avec un amour pour le hiphop. Cette figure complexe de la scène électronique française (DJane et productrice) qui s’est frayé un chemin dans le monde des arts en France et à l’étranger : Paris, Los Angeles, Londres, Graz… est un pur produit de la classe moyenne. À travers sa musique et ses installations sonores, elle rend hommage à ses héritages avec un avant-gardisme surprenant tout en explorant les dynamiques sociales, ethniques et de genre au sein des souscultures. Avec ses selectas sur les ondes de Homer Radio by Frank Ocean, à New York (où elle n’hésite pas à introduire le rap français) et ses sets qui mettent le boucan sur les scènes des festivals, Christelle Oyiri participe à construire le monde de demain en créant des passerelles entre les cultures et les époques. The Red Bulletin l’a rencontrée.

Plurielle. C’est le terme le plus approprié à cette artiste complète qu’est Crystallmess. À la fois écrivaine, musicienne, DJane et productrice, celle qui a grandi en banlieue sud de Paris en écoutant DJ Quik, Mafia K-1 Fry et les Spice Girls utilise à sa guise tout type de médias dissonants et pourtant harmonieux pour créer et développer son esthétique si singulière. Grâce à sa musique, l’alien devient l’humain et l’inouï prend la forme de l’ordinaire, aussi bien au sein des institutions culturelles que sur les dancefloors des clubs ou en festivals, quand ce n’est pas sur les ondes radiophoniques. Si nombreuses de ses œuvres proposent une

réflexion autour des comportements culturels et de l’expérience de la diaspora africaine, dans un contexte post-colonial, c’est avant tout pour révéler des traumatismes qui, une fois exposés, tendent vers un futur plus enclin à une unité et à la compréhension de l’autre. Son projet Collective Amnesia: In memory of Logobi (2018) à mi-chemin entre le DJing et la performance, et sa pièce sonore Kiss & Tell (2020) en sont la preuve. D’un côté, on retrouve le récit d’une afro-descendante via la danse logobi, de l’autre, l’histoire d’un séjour en Guadeloupe, île natale de sa mère, où les temporalités se juxtaposent pour plonger dans son passé

familial. Afin de comprendre les dynamiques de Crystallmess, il semble nécessaire d’opérer un retour aux sources, de manière succincte, car je n’aurai pas assez de place dans The Red Bulletin pour tout vous conter. Vous vous doutez bien qu’avant de jouer au Berghain (club berlinois à la renommée internationale), pour la Boiler Room, et de se trouver à Lafayette Anticipations (fondation française d’art contemporain, design, musique et arts vivants) ou Hek Basel (la Maison des arts électroniques en Suisse), beaucoup de choses se sont passées.

Partie de rien

Christelle Oyiri n’a pas grandi dans un environnement propice à des cours de solfège le mercredi après-midi. Son apprentissage musical, elle l’a fait avec l’aide de ses frères et sœurs. Sans but précis. « Je me disais juste que j’aimais la musique et que j’avais envie d’en être entourée tout le temps », dit Crystallmess, alors qu’on la maquille pour notre shooting. Ce n’est qu’à l’aube de ses dixhuit ans que Christelle se rend compte que la musique qu’elle avait envie d’écouter, il n’y avait qu’elle qui pouvait la faire. Impossible d’attendre de ses chanteurs et chanteuses préféré·e·s de produire exactement les instrus qu’elle imaginait.

Prise de conscience. La jeune adulte qu’elle était avait quelque chose à dire : « Je n’avais pas réalisé que la next step, c’était faire de la musique. » C’est au cours de ses années au lycée, dans le garage d’une de ses copines où se trouvait une panoplie d’instruments, que Christelle expérimente le son pour la première fois, avant de partir aux États-Unis dans le cadre d’un séjour linguistique. Elle se souvient : « Je me suis retrouvée dans une famille incroyable à Harlem, qui faisait de la musique tous les soirs, alors que la plupart de mes camarades étaient chez des gens ennuyeux dans le Connecticut. Cette famille ne m’a pas nécessairement appris

Crystallmess
38 THE RED BULLETIN STYLISME: DAMESE SAVIDAN, COIFFURE: DREA, MAQUILLAGE: KENYA
« Le progrès n’est pas nécessairement occidental. Le progrès, c’est le progrès. »
« Je ne suis pas là pour mystifier la figure du DJ. Tout ce qu’on fait, c’est appuyer sur des boutons. »
Il y a quelque chose de spirituel dans la figure du DJ, qui relève de l’inexplicable, explique Crystallmess.

comment faire du son, mais je les observais pendant des heures. Ils avaient une MPC (un controller, ndlr) et la mère avait un frère, de seulement trois ans mon aîné, qui était producteur ! »

La suite logique était donc de commencer la production par ordinateur, chose que l’artiste en herbe a entrepris dès ses études supérieures à l’Université ParisSaclay spécialisée dans les Sciences de l’ingénierie et les Sciences humaines et sociales. « J’avais un module MAO (musique assistée par ordinateur, ndlr) à Orsay (91), on devait traverser la forêt et il y avait un gars qui nous apprenait à faire de la musique sur Cubase – un logiciel de production musicale contre-intuitif qui n’était pas du tout fait pour moi. »

Christelle n’hésite pas à rappeler qu’à l’époque, être DJane et productrice dans la musique électronique est tout sauf en vogue et les modèles sont quasi inexistants : « Je n’avais pas vraiment d’exemple à part DJ Storm, il y avait très peu de productrices. Même Miss Kittin, je ne savais pas si elle était productrice ou si elle chantait juste. C’était Miss Kittin & The Hacker. Si on ne creusait, pas on ne le savait pas. Quant à Björk, son côté vocaliste avait le dessus sur le reste de ses skills. J’ai mis du temps

à me lancer pour cette raison, jusqu’au moment où j’ai rencontré ma propre communauté, où je me suis sentie normale. »

Les penseurs

Ambitieuse sans peur. Christelle, qui deviendra Crystallmess, continue son apprentissage et commence à partager ses productions ainsi que ses recherches sonores entre 2015 et 2016, grâce au collectif NON Worldwide, qui se définissait comme panafricain, sans frontière et opérait dans la musique électronique. Les trois fondateurs, qui venaient de pays différents : Chino Amobi (Nigeria et USA), Melika Ngombo (Belge d’origine congolaise) et Angelo (Afrique du Sud), se sont rencontrés sur Internet. Leur objectif : créer un label de musique proposant des performances et des événements pour connecter les artistes. Ce qui a plu à Christelle, c’était avant tout l’inclusion de l’art contemporain dans la pratique du DJing, la production musicale et la pensée critique.

Pour elle, c’était « plus qu’un délire de communauté raciale », elle n’est pas « obsédée par ça » ; mais il s’agissait d’une « communauté de pensée qui partageait la même vision esthétique, basée entre

autres, sur la dystopie ». La pensée critique semble être omniprésente dans les propositions artistiques de Crystallmess, car au-delà du collectif NON Worldwide, les théoriciens Mikhaïl Bakounine (Russe) – spécialiste de l’anarchisme –et Abdullah Öcalan (Kurde) – dont les écrits abordent la question de l’anarchisme, du municipalisme au MoyenOrient et le rôle des femmes dans le démantèlement d’une société qui oppresse les femmes – ont su éclairer sa trajectoire. « Au lieu de penser le féminisme comme une problématique résiduelle, pour Öcalan, ça devient une problématique qui libère l’ensemble de la société et pas seulement les femmes. Je pense que ce sont des choses qui m’ont beaucoup aidée à me sentir bien dans mes baskets en tant que femme dans la musique électronique. Ça m’a donné des clefs d’écriture et de lecture. Le fait qu’il s’agisse de théoriciens qui ne viennent pas d’Occident m’a rassurée dans le fait que le progrès n’est pas nécessairement occidental. Le progrès, c’est le progrès. Ça m’a permis de me projeter et de me dire qu’un autre futur est possible. »

Un futur que Crystallmess bâtit chaque semaine avec ses sets issus d’une autre galaxie, mélangeant techno, jersey, UK garage, rap et afrobeat, en se confrontant à différents publics venus se défaire de leurs maux dans des clubs, parfois à taille humaine, parfois gigantesques. De toute manière, elle n’a pas le choix, c’est aussi ça être DJane affirme-t-elle : « Quand tu es DJ ou DJane, c’est ton devoir de faire danser l’audience. C’est interactif par défaut, tu ne peux pas jouer que pour toi. C’est-à-dire que si tu ne fais pas danser les gens ou si tu n’es pas dans l’interaction avec eux, via les tracks et la façon dont tu bouges, la question de la réception du public s’impose à toi. Sauf peut-être pour un DJ d’ambient. »

Mythe

Alors que les œuvres passées de Christelle Oyiri rendent hommage aux cultures afrocaribéennes, l’artiste entend aujourd’hui prendre un nouveau tournant : « J’essaye de créer mon empreinte et pas nécessairement de référencer les gens qui sont arrivés avant moi, mais de moi-même devenir une référence à un moment donné. » En opposition à sa old version d’elle-même et l’utilisation du terme « hantologie » (ou science de la hantise, mouvement culturel et artistique apparu au début des années 2000 caractérisé

Crystallmess
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par des œuvres conçues à partir d’éléments du passé, qui agissent comme des médiums pour exprimer une époque révolue, soit une sorte de nostalgie des futurs perdus) dans son vocabulaire, qui lui a permis de donner un sens à son histoire, celle de sa famille et d’expliquer son étrangeté aux yeux du monde tout en inscrivant sa musicalité dans un espacetemps, Crystallmess veut construire sa propre mythologie. À cela, elle ajoute : « Je ne suis pas là pour mystifier la figure du DJ. Tout ce qu’on fait, c’est appuyer sur des boutons, go up and down, on saute partout, donc calmons-nous. »

Cependant, il y a dans cette profession un côté spirituel, parce qu’en y regardant de plus près, le public lui confie sa vulnérabilité. Il attend d’être guidé, que quelque chose se passe. Pour Crystallmess, le concept du care (le soin, en anglais) est intrinsèquement lié à la figure du DJ : « Les gens viennent sur le dancefloor pour se libérer, pour mettre leurs problèmes de côté. Dans mon rôle, je suis initiatrice de mouvements et de désinhi-

bition, je favorise la réconciliation entre l’âme et l’esprit. C’est très intrigant, car les gens dansent en me regardant littéralement appuyer sur des boutons, et ça les rend heureux. » C’est en effet un case study. Si le single Last Night a DJ Saved My Life, du groupe Indeep sorti en 1982, existe, c’est bien pour une raison ! Toutefois, jouer des sets en clubs et en festivals face à différents publics underground ou mainstream n’est pas une mince affaire. Parfois l’euphorie et l’extase sont au rendez-vous, tandis que certaines fois, il est impératif de s’adap-

ter, de prendre le temps d’analyser celles et ceux qui tapent du pied, dansent et sautent devant le DJ booth, pour relancer la machine. Tel fut le cas les vingt premières minutes de son set au festival We Love Green au Bois de Vincennes (juin 2023), où elle a joué de la jungle face à un public non averti.

Selon Crystallmess, ces instants cafardeux peuvent se maîtriser si le DJ joue sur la familiarité pour recréer du lien avec son audience : « Il faut choisir des tracks qu’on connaît très bien, pour s’amuser avec les drops, la tonalité, les variations vocales, la construction du titre, ce qui nous permet de vraiment s’amuser. » En effet, avoir énormément de sons sur sa clé USB, c’est cool, mais savoir les dompter reste préférable.

De la rave au mainstream

« J’aime trop l’underground. » Si le but d’un ou une artiste est d’évoluer, d’avoir du succès et d’expandre son talent auprès de nouvelles personnes, il ne s’oppose pas à la volonté ne pas oublier d’où l’on vient. Pour l’artiste au rayonnement contagieux, c’est un véritable challenge de trouver un juste milieu entre ses racines underground et le mainstream, notamment depuis sa performance pour l’auteur-compositeurinterprète Frank Ocean, au festival méga mainstream Coachella en avril de cette année (Californie, USA), qui l’a propulsé sous le feu des projecteurs et attisé la curiosité de l’industrie. Sa rencontre avec le chanteur dont les fans attendent un nouvel album depuis 2016 a eu lieu il y a un an déjà. Son équipe l’avait contactée pour lui proposer d’être résidente de Homer Radio, une émission hebdomadaire sur Apple Music, lancée par Frank en 2022. Ni une ni deux, Crystallmess accepte la proposition : « Forcément, j’ai dit oui, la question ne se posait pas. On me demandait de faire quelque chose que je faisais déjà, car je suis aussi sur la webradio londonienne NTS, sur laquelle j’ai une émission, Unleashed. J’y invite des artistes français·e·s à s’exprimer, tout niveau de carrière confondu, car ça permet d’échanger nos visions, c’est très important ! »

La différence avec Homer Radio, c’est que sa diffusion via la plateforme de streaming où le public est plus jeune permet de connecter avec une audience qui a l’habitude d’avoir des playlists portées par des algorithmes, et donc de jouer de la musique différenciante en élargissant leur spectre musical, et créer une conver-

« Il faut faire croquer celles et ceux qui donnent de la force au quotidien. »
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sation. Sur cette radio outre-Atlantique, Crystallmess n’hésite pas à passer des gros bangers de rap français, un genre qu’elle affectionne particulièrement. Selon elle, « il faut représenter, c’est primordial ». Et l’artiste y voit une opportunité de faire gagner des streams aux artistes français·es en partageant diverses formes de rap au reste de la planète. « Il faut faire croquer celles et ceux qui donnent de la force au quotidien », comme elle le dit.

Spécial

Transmettre et partager la connaissance via la musique. Deux actions que l’artiste d’origine ivoirienne et guadeloupéenne mène avec cœur et passion, bien qu’elle admette ne pas tout comprendre à la scène rap actuelle : « C’est très intéressant même si j’ai du mal à suivre. Il y a tellement de sous-genres maintenant. »

Elle m’explique que sa petite sœur écoute de la plug, « un genre de rap français où les gens chuchotent. A priori, La Fève, c’est de la plug, mais pas vraiment », convient-elle. Au sein de cette nouvelle scène, on retrouve ThaHomey, dont elle apprécie le rap offbeat (en décalé) à la sauce Détroit. La propagation de jeunes rappeurs et rappeuses offre un large éventail de musique rap avec du bon et du mauvais. Mais il faut reconnaître que la nouvelle génération qui tente de faire sa place face au rap mainstream (SDM, Niska, Ninho) « est vive et elle n’hésite pas à prendre des risques, surtout dans l’underground », affirme Crystallmess en citant le rappeur Rad Cartier originaire d’Orléans.

D’autre part, « depuis le succès de Laylow, les rappeurs ont compris que suivre le mainstream c’est cool, mais être soi-même c’est ce qui va consolider une vraie fanbase et préserver leur sanité, appuie Crystallmess. À force de trop vouloir rentrer dans un moule, on perd son identité réelle. Comme toutes celles et tous ceux qui ont commencé à faire du Jul sans être Jul, ou du PNL. Absurde ». Crystallmess aura toujours une réflexion sur le rap français (style, attitude, conversations…) car elle trouve dans ce genre un esprit compétitif et une notion d’excellence. Elle n’omet pas l’envie de produire pour cette scène dans un futur prochain ou lointain, tout comme l’arrivée d’un projet d’ici 2024. Suspense. Pour les plus impatientes et impatients, vous pouvez toujours écouter ses derniers tracks Last train to chaos + Girl with an eagle eye et Issa Revenge (ft. Nadsat), ou bien, le titre

Kesh sorti en mars 2023 sur l’album Al Hard, de Sabrina Bellaouel. Un extrait d’une performance que Christelle Oyiri avait fait à la fondation Cartier en septembre 2021, à l’occasion de la Soirée Nomade de Lafawndah & Friends, intitulé Fanfare for the Warriors. Un titre qui expose ses observations sur la société après Covid (période de deuil collectif), où l’on retrouve une fois de plus la thématique de la spiritualité.

En attendant la sortie de ce projet mystérieux évoqué plus haut, Crystallmess a pour objectif de continuer à bâtir des relations entre les artistes du coin et à l’international. Donner de la force. « Être un pilier d’une façon ou d’une autre. » Et surtout mener à bien des projets d’envergure avec des personnes qui ont les moyens parce que « faire des choses de bric et de broc, ça va bien cinq minutes », en gardant en tête le souci de préserver son esprit et sa vie intime sans laquelle elle ne pourrait créer : « Je ne veux pas m’épuiser, je veux sauvegarder ma vie intime. Il faut prendre le temps de vivre, si on ne fait que travailler, on n’a rien à dire finalement. »

Bâtir le monde de demain est un travail de longue haleine, qui requiert énergie et patience. Pour Christelle Oyiri, la clé est de « rester dans l’amour et le partage, avec juste ce qu’il faut d’ego, pas trop. Il n’y a que ces trois ingrédients qui rendent cela possible ».

Instagram : @crystallmess

Crystallmess
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« Il faut prendre le temps de vivre, car si on ne fait que travailler, on n’a rien à dire finalement. »

HAMZA

19 février 23, Paris

Clip Codéine 19

Moment très important pour moi sur ce tournage d’un clip, car il immortalise le lancement de l’album d’Hamza, Sincèrement. Un honneur pour moi.

BANGER IMAGERIE

Erwan Blaszka, 25 ans, photographie le meilleur de la scène rap. Sur des clips, lors de shows ou dans sa vie perso, il rencontre et transmet l’émotion des artistes.

Texte MARIE-MAXIME DRICOT

KERCHAK

Avril 2023, Paris

La Cigale

J’ai beaucoup apprécié cette rencontre avec Kerchak et plus particulièrement les photos que nous avons réalisées ce soir-là. Cette retouche et ce grain le représentent bien.

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DAMSO

Avril 2022, Paris

Clip Fumée Épaisse

Autant vous dire que la veille du tournage de ce clip réalisé par Victor Boccard, je n’ai pas dormi. J’étais tellement impatient à l’idée de collaborer avec Kobo et Damso, lesquels étaient hyper à l’écoute. J’ai pu faire des clichés qui resteront inscrits dans mon parcours photographique.

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SAINTÉ

Novembre 2022, Los Angeles

J’étais de passage à Los Angeles pour un job, et De Mauvais Goût, une amie qui fait du design, m’a présenté le rappeur britannique Sainté alors qu’on chillait ensemble dans un appartement. De suite, il m’a proposé de shooter sa marque de vêtements Always do what you should do En mode impro, mais c’était génial.

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S.PRI NOIR

Avril 2021, Paris

Clip Juicy feat. Sean

Les clichés de S.Pri Noir et Sean marquent le début d’une belle aventure au sein de l’industrie musicale. C’est avec ce clip que je réalise ma première pochette de single intitulé Juicy, pour ce rappeur à l’aura incroyable.

ICHON

Mai 2023, Paris

Clip T’étais pas là, en collaboration avec BRÖ

Une photo exclusive pour un plan unique qui recontextualise tout l’imaginaire du projet : un gros tournage avec les réalisateurs Jeanne Sigwault et Oscarito Castro. Une journée forte en émotions, beaucoup de plans exécutés. Pour ma part, j’ai voulu immortaliser chaque seconde pour préserver les mécaniques de réalisation.

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SCH

26 février 2022, Paris Fashion Week

Je me souviens de ce défilé de Jean Paul Gauthier comme si c’était hier. Il y avait des fans partout et je m’étais glissé là où les berlines s’arrêtent. Au moment où SCH est apparu, j’ai pu prendre quatre photos. Trois complètement floues et une parfaite. Je l’ai publiée sur Insta, un membre de son équipe m’a contacté et quelques minutes plus tard, on la retrouvait sur le compte perso de SCH.

Erwan Blaszka

LE JUIICE

Avril 23, Paris

Clip BOO

Le Juiice est une amie avec qui je collabore depuis un certain temps, et j’espère que cela s’inscrira dans le temps. On adore se voir et échanger pour établir des plans sur la comète. Nos photos ont marqué nos carrières !

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TRAVIS SCOTT

28 mai 2023, Monaco

Lilly’s Club

Ce showcase de Travis Scott en marge du Grand Prix de F1 était un moment très impressionnant, la chaleur était palpable et les gens étaient dingues de voir cet artiste américain. L’énergie était tellement folle que chaque seconde de son show était à couper le souffle. Je trouve que cette photo reflète bien l’euphorie et la joie que l’on a vécues.

CHILLA

Mai 2022, Paris

Clip Cauchemars

J’ai rencontré Chilla à une release party de Le Juiice. Nous avons discuté et le courant est passé instantanément. On a échangé nos contacts et peu de temps après, nous avons recréé la magie de nos premiers instants (sur ce clip réalisé par Loïc Ougier) à travers cette photo, dont nous sommes absolument fans elle et moi.

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Erwan

LE DIOUCK

Avril 2022, Paris

Cette photo est issue d’un shooting improvisé après une fête. Nous avons accédé au toit de l’appartement dans lequel nous étions et nous avons réalisé une série de photos avec une teinte bleutée. Cette couleur est à l’image de la confiance que Le Diouck m’a donnée.

KING COMBS Décembre 2022, Los Angeles

Cette photo a été prise juste avant un concert de King (Christian) Combs à L.A., alors qu’il était en pleine concentration. Dix minutes plus tard, la foule était en feu… Il est même descendu dans le public, c’était fédérateur !

Le photographe ERWAN BLASZKA

THEE DIAN

Janvier 2021, Paris

Pour réaliser cette photographie, je me suis inspiré de la pochette de l’album In The Zone, de Britney Spears, dont le mood et la colorimétrie matchent avec l’ADN de Thee Dian.

Directeur artistique et photographe autodidacte, Erwan Blaszka, s’est formé dans les travées du festival de Cannes alors qu’il n’était encore qu’adolescent. Son ambition et son amour pour le rap le conduiront par la suite à s’insérer dans ce milieu, où la précarité et le manque de visibilité des photographes sont encore trop présents. Mais grâce à ses clichés entre ombre et lumière, le photographe originaire de Normandie capte des instants de vérité du rap game qui feront sa renommée. Si son art s’inspire du travail de Robert Doisneau, Erwan Blaszka trouve sa singularité avec ses portraits qui soulignent l’humanité et le mystère propre aux rappeurs et aux rappeuses, afn de les inscrire dans un moment d’authenticité : le grain est au service de l’émotion. Et, pour remercier celles et ceux qui le soutiennent depuis une dizaine d’année (Hamza, Le Juiice, Leto, Chilla, SCH, Lala &ce, Kalash Criminel, Vicky R, etc.), le photographe tant apprécié du rap, a lancé en avril 2023, la soirée « Merci d’être passé ».

À mi-chemin entre musique, mode et cinéma, cet événement rend hommage aux artistes et favorise les rencontres entre les talents qu’il photographie.

Instagram : @erwanblaszka

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Erwan Blaszka

MADE IN USA

L’AVENIR DU FOOT FÉMININ EST ARRIVÉ. SON NOM ? TRINITY RODMAN.

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Texte PETER FLAX Photos WOLFGANG ZAC

« Je pense que ma personnalité se reflète dans ma façon de jouer », explique Trinity, photographiée à Springfield, Virginie (USA), le 24 avril dernier.

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Pleine face : notre photographe a dû remplacer un filtre d’objectif brisé peu après avoir pris ce cliché.

J

anvier 2023, Nouvelle-Zélande. L’équipe nationale féminine américaine de foot entame officiellement sa campagne pour la Coupe du monde 2023 par une rencontre avec les co-organisateurs de cet événement majeur. Les Américaines ont beau avoir dominé la possession en première mi-temps, le score est toujours nul. Pour rebooster le jeu et sortir de l’impasse, leur entraîneur entame la seconde mi-temps avec quatre remplacements.

Trinity Rodman rentre sur le terrain. Six minutes plus tard, la jeune attaquante (encore âgée de 20 ans à l’époque) reçoit une passe parfaite alors qu’elle évolue sur le côté droit. Une défenseuse néo-zélandaise lui colle son flanc gauche, incitant la joueuse à se diriger vers le corner. Mais Trinity vire brusquement à gauche, recule et s’offre assez d’espace pour toucher le ballon du pied droit puis l’envoyer dans la surface de réparation du pied gauche alors que sa coéquipière Mallory Swanson fonce vers le but. En l’espace d’une seconde, la balle passe du pied de Rodman à la tête de Swanson pour aller se loger au fond des filets.

À peine vingt minutes plus tard, Rodman est à l’origine d’une autre combinaison magique. Sa coéquipière Lynn Williams est bien placée à l’entrée de la surface de réparation. Rodman lui adresse un centre enveloppé qui trompe la défense, Williams récupère de la tête et envoie la balle dans le petit filet. Véritable vivier de talents, l’équipe américaine déjà détentrice des deux dernières Coupes du monde conclut le match sur le score de 4 à 0.

On peut logiquement se poser une foule de questions sur Trinity Rodman (elle est si jeune et sa carrière professionnelle ne fait, après tout, que commencer) mais ce que ni fait aucun doute, c’est son aura et cette capacité à créer des occasions à partir de rien et faire bondir les fans de leurs sièges. En somme, à mettre en valeur la grâce aérienne et l’émotion du jeu.

Il suffit de penser à ce qu’elle a accompli depuis ses débuts : intégrer la National Women’s Soccer League (la ligue professionnelle américaine de football féminin) sans jouer un seul match universitaire et conclure sa première saison chez les Washington Spirit avec le titre de recrue de l’année, réaliser une passe décisive qui a permis à son équipe de remporter le championnat de la NWSL, signer l’an dernier une prolongation de contrat à sept chiffres avec les Spirit, ce qui en ferait, selon les rapports, la joueuse la mieux payée de toute l’histoire de la NWSL. Et pour sa troisième saison, elle tente de mener les Spirit vers une victoire aux championnats nationaux et de participer à la Coupe du monde.

C’est une soirée d’avril grise et pluvieuse dans le stade de l’Audi Field (Washington). Abrité sous des sacs plastiques, le public grelotte mais le match continue entre les Washington Spirit et les Houston Dash. Rodman est omniprésente sur le terrain à la recherche d’une occasion. Au cours des 25 premières minutes, elle provoque deux corners et réalise une superbe passe qui permet à l’une de ses coéquipières de tenter un bon tir au but. Elle est la plus rapide sur le terrain et maintient une pression constante, même en défense.

Deux jours après ce match cataclysmique, Rodman s’entraîne dans un immense gymnase souterrain de la banlieue de Virginie, jonglant sous une caméra aérienne qui capture des images à 360 degrés, dribblant entre des plots avec une fluidité déconcertante, un créateur de contenu essoufflé trottant à ses côtés. Discrètement assise dans un coin, sa mère Michelle montre à un journaliste de vieilles vidéos Facebook révélatrices du talent de Trinity. Dans l’une d’elles, publiées en août 2011 (la gamine à la queue de cheval avait donc 9 ans), Rodman dribble et dépasse plusieurs défenseuses. On lui crie de tirer du pied gauche, mais c’est du droit qu’elle place le ballon dans le petit filet.

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Trinity Rodman

Trinity Rodman

« Elle a commencé le foot à l’âge de 4 ans, se souvient Michelle. Même à cet âge-là, elle était déjà très déterminée. Elle sortait du terrain au bord des larmes et criait : “Maman, pourquoi est-ce que personne d’autre n’essaie de gagner ? On doit marquer un but.” »

Michelle pense que cette volonté de dominer sur la pelouse est une réponse directe au chaos ambiant en dehors du terrain. Ceux qui ont suivi son parcours savent qu’elle est la fille de Dennis Rodman, une légende du basket américain. Parler du passé, du présent ou de l’avenir de cette relation ne l’intéresse pas, elle préfère se concentrer sur sa carrière et sur toutes celles et ceux qui l’ont soutenue : sa mère, son petit frère DJ et sa sœur aînée Alexis.

Michelle précise que Trinity a eu tout sauf une jeunesse facile, confrontée à la cruauté des autres filles de son âge et aux jugement de ceux qui pensaient qu’elle menait une vie d’athlète privilégiée, allant probablement d’une séance d’entraînement à sa villa de luxe ou quelque chose de similaire. Mais la réalité était tout autre. Ses enfants, Michelle les a élevés à Newport Beach (Californie) seule, à la sueur de son front, d’appartement en appartement.

La famille a ainsi vécu quelques temps dans un motel, dormant dans la même pièce et se contentant pour tout repas de plats surgelés réchauffés au micro-ondes. Michelle essayait de voir les aspects positifs de la situation (les gaufres que Trinity et DJ pouvaient se

préparer au petit-déjeuner du Comfort Inn tous les matins, les baignades dans la petite piscine avant l’école, les batailles d’oreiller après le dîner). « J’essayais de les maintenir constamment occupés, de faire en sorte qu’ils restent concentrés sur leurs objectifs », explique-t-elle.

Pas étonnant donc que le ballon rond soit devenu un refuge pour Trinity : « En grandissant, les gens ne savaient pas vraiment ce que ma famille et moi traversions, raconte-t-elle. Ils ne savaient pas ce qu’on avait ou ce qu’on n’avait pas. Mais sur le terrain, plus rien n’avait d’importance. Fini les histoires d’argent, de famille ou la grisaille du quotidien. Il n’y avait plus que le foot : le ballon, le terrain et moi. Sur le terrain, j’étais toujours heureuse. Et ça n’a pas changé. »

À l’âge de 10 ans, la carrière sportive de Trinity Rodman entre dans une nouvelle dimension. Sa mère l’emmène passer des essais pour les Southern California Blues, club de foot junior réputé de la région de Los Angeles, vivier numéro un du talent footballistique made in USA. Ses avantages athlétiques et sa niaque impressionnent les

entraîneurs. Rapidement sélectionnée, elle restera dans l’équipe jusqu’à sa majorité.

Pour résumer sobrement sa progression en tant que footballeuse junior : elle a tout déchiré, contribuant largement à propulser son club et deux autres équipes de lycée vers les sommets. Elle reçoit son premier ticket pour jouer dans l’équipe nationale à l’âge de 13 ans puis participe aux équipes U-16, U-17 et U-20. Lors des championnats CONCACAF U-20 de 2020, qui regroupent des équipes d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes, elle marque 9 buts en 7 rencontres. Son équipe terminera le tournoi invaincue, prouesse à laquelle la jeune Trinity a largement contribué.

Après le lycée, Rodman s’inscrit à l’université de l’État de Washington, mais ne pourra pas disputer son premier match universitaire : la saison est annulée suite à la pandémie. Les règles de la NWSL interdisent aux lycéens de participer au draft (processus par lequel les équipes professionnelles sélectionnent de nouveaux et nouvelles athlètes), mais Trinity n’est plus concernée. Le 13 janvier 2021, elle est recrutée par les Washington Spirit et devient la plus jeune joueuse jamais sélectionnée dans l’histoire de la ligue. Elle a alors 18 ans.

C’est le début d’une longue série de premières pour Trinity. Quelques mois plus tard, elle dispute son tout premier match pro et récupère adroitement une longue passe pour l’expédier au fond des filets. C’est la plus jeune joueuse à marquer en ligue. Promue titulaire pour le match suivant, elle achève la saison en tête de la ligue en termes de passes décisives. « Honnêtement, jusqu’ici, ma première année a été la plus simple, admet-elle. Personne ne savait ce que je valais vraiment, donc je n’ai jamais subi trop de pression. »

Mark Parsons, son entraîneur actuel, est subjugué par cette combinaison de talents dont Rodman fait preuve sur la pelouse. « Je pense qu’elle a toutes les qualités pour devenir un véritable ovni dans le football féminin », assure-t-il, énumérant tous les atouts que sa jeune star apporte à l’équipe. Ses incroyables capacités athlétiques, son esprit de compétition, ses compétences techniques, ses prises de décision intuitives, son éthique de travail. « C’est très rare de trouver une joueuse réunissant toutes ces qualités, surtout à son âge. »

Trinity a fait ses débuts en équipe nationale lors d’un match amical contre l’Irlande en avril. Victoire 1-0 pour l’équipe américaine détentrice des deux dernières Coupes du monde.
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« Sur le terrain, j’étais toujours heureuse. Et ça n’a pas changé. »

À ses heures perdues, Trinity aime peindre et dessiner. « C’est comme le foot, précise-t-elle. C’est une manière de s’exprimer au-delà des mots. »

Parsons décrit les innombrables défis que pose Rodman aux défenseuses adverses. « Elle peut leur coller au train, mais elle peut aussi dribbler vers leur gauche ou leur droite, tirer des deux pieds, faire des passes et des combinaisons avec ses coéquipières. C’est une attaquante, elle veut marquer, mais elle sait aussi qu’elle peut offrir des occasions faciles. »

Chez les pros, toutes les joueuses sont extrêmement engagées, mais selon Mark Parsons, Trinity a un petit truc en plus, une motivation qui vient de l’intérieur. « Même quand on n’a pas le ballon, Trinity court, presse et attaque comme si sa vie en dépendait », déclare-t-il. Et ce n’est pas quelque chose qui se joue uniquement sur le plan physique. Parsons se rappelle du vol de retour à Washington après un récent match à

Orlando, et décrit comment Trinity a passé son temps à regarder une rediffusion du match qu’ils venaient de terminer. Deux fois.

L’un des plus beaux aspects du foot est cette liberté qu’il offre aux athlètes. Bien sûr, il y a tout un tas de règles et le terrain est délimité par des lignes blanches près desquelles les entraîneurs à l’affût vous accablent de conseils, mais malgré tout cela, les joueuses les plus talentueuses ne manquent pas d’occa-

sions d’improviser et de s’exprimer artistiquement.

Et bien entendu, Rodman est une artiste, dans tous les sens du terme : à ses heures perdues, elle adore peindre, même si elle n’en a plus beaucoup l’occasion, équipe professionnelle et équipe nationale obligent. Trinity avoue avoir pris « une multitude de cours d’art » et ne voyage jamais sans son carnet de croquis, dessinant des animaux, des figures abstraites ou des portraits de gens qu’elle rencontre. « J’adore ces esquisses au crayon, glisse-t-elle. Je peux dessiner tout ce qui me passe par la tête, même si ce n’est pas parfait. J’adore ça. »

Et il y a incontestablement une dimension artistique dans sa manière de jouer au foot. Est-ce parce que ses pieds et son esprit bougent un peu plus vite que les autres ? Elle a parfois des éclairs de créativité qui transforment des séquences de jeu ordinaires en instants de pure magie. Une vidéo YouTube, intitulée sans ironie Trinity Rodman Soccer Highlights That Will Blow Your Mind! (trad. Les meilleurs moments de Trinity Rodman qui vont vous clouer le bec !), souligne cette touche personnelle qui sublime son jeu. Elle court après des ballons qui semblent hors de portée, dribble entre plusieurs défenseuses impuissantes et réalise des passes en profondeur démentes pour ses coéquipières, comme si elle avait déjà pressenti tous les angles avant même de recevoir le ballon.

« Ces trucs que je fais pendant les matches, je ne les travaille pas à l’entraînement, répond Rodman interrogée sur cette incroyable créativité sur le terrain. Ça arrive tout seul, en fait. Dès que le match commence, mes pieds se mettent aussitôt en mouvement. »

À l’heure de passer sous presse (au moment du lancement de la Coupe du monde), Rodman a intégré l’équipe féminine américaine. La plupart des experts du ballon rond estiment qu’elle possède toutes les qualités pour faire durablement partie de cette équipe, la plus titrée avec quatre trophées. Trinity fait face à de grosses attentes : sera-t-elle sélectionnée, voire titulaire à 21 ans ? Va-t-elle marquer et prouver son talent au monde entier ?

Si Trinity se pose ces questions, elle ne s’étale pas dessus. Sa mère, qu’elle considère comme sa « meilleure amie », affirme qu’elles parlent de presque tout, mais rarement de la Coupe du Monde. Pourtant, Trinity ne mâche pas ses mots

« La meilleure façon de gérer la pression, c’est de l’ignorer. »
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« M’autoriser à faire des erreurs a aidé mon jeu et mon équilibre mental », estime-t-elle.

quand on lui demande les différences entre l’entraînement avec ses coéquipières des Spirit et celui avec les légendes de l’équipe nationale. « Il est clair que de jouer avec les Spirit a quelque chose de très rassurant », explique-t-elle, car elles ont une relation très intime et qu’elle est capable, la plupart du temps, de comprendre ce que tout le monde pense sur le terrain.

Jouer avec l’équipe nationale est complètement différent. « Le niveau est tout simplement super élevé, souligne-t-elle, précisant que la plupart des meilleures athlètes de l’équipe jouent ensemble depuis plus de dix ans. C’est un environnement relativement nouveau pour moi. Pour commencer, je dois évaluer un peut tout ça ; j’ai besoin créer des liens, puis

de comprendre comment les autres fonctionnent sur le terrain. »

Une chose qu’elle a rapidement intégrée est l’intensité de chaque seconde de jeu pour ces icônes américaines du foot.

« Forcément, jouer aux côtés d’Alex Morgan, de Megan Rapinoe ou de Becky Sauerbrunn a quelque chose de surréaliste, s’exclame-t-elle. On reconnaît vite celles qui sont là depuis longtemps à cette détermination et cette volonté indomptable dans leur jeu. » Oubliez les matches amicaux ou les entraînements détendus.

« Mais c’est justement tout ce qui en fait le sel, poursuit Rodman. C’est l’équipe nationale, on n’est pas là pour se faire des copines. Notre but est d’améliorer mutuellement nos performances

et on y travaille dur (voire même plus dur) les unes contre les autres que contre nos véritables adversaires. »

Mark Parsons, son entraîneur chez les Spirit, se fend d’un sourire appréciatif en entendant cette réflexion et y voit une certaine progression chez Rodman. « L’année dernière, son impact était plus irrégulier, analyse-t-il. Parfois, c’était juste la meilleure joueuse de l’équipe, puis elle disparaissait, puis elle revenait. Cette année, elle a été beaucoup plus régulière. Mais c’est complètement normal pour une jeune joueuse. »

Même si Trinity se force à être encore plus régulière et impitoyable lors des matches et des entraînements, elle n’oublie pas pour autant de s’amuser. Ce n’est pas parce que l’on fait preuve de sérieux dans ses performances qu’il ne faut pas s’amuser, estime-t-elle. Un esprit que traduit bien l’attitude de Trinity Rodman sur les réseaux sociaux. Que ce soit sur Instagram ou surtout sur TikTok, Rodman est toujours disponible et aime s’amuser. « Me faire taire, c’est mission impossible, dit-elle en riant. Je passe mon temps à danser et chanter dans les vestiaires. J’adore raconter des blagues et taquiner les autres. »

Une approche qui l’accompagne également lors de ses préparations pour les grands matches, où on la verra plus souvent filmer une danse pour TikTok que méditer dans le silence. « Je sais que beaucoup d’athlètes aiment passer ces moments avec des écouteurs, super concentré·e·s, observe-t-elle. Pour moi c’est l’opposé. Je dois garder une certaine insouciance et écouter de la musique, je joue mieux quand je ne me prends pas la tête et que je ne m’isole pas trop du monde. J’ai besoin de me sentir connectée aux autres. » Elle poursuit : « La meilleure façon de gérer la pression, c’est de l’ignorer. Chacun·e son opinion, moi je sens que je ne suis pas arrivée là par hasard. Les pressions externes ne font qu’augmenter mes propres attentes et commencent à influencer chaque détail de mon jeu. »

Difficile de se fixer des standards très élevés tout en occultant les choses qui pourraient renforcer ses propres attentes. Je lui demande donc de m’expliquer la différence. « Je pense que le meilleur moyen de devenir la numéro un est d’échouer de temps en temps, confiet-elle. M’autoriser à faire des erreurs a aidé mon jeu et mon équilibre mental. » Instagram : @trinity_rodman

Trinity Rodman
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QUI SUIS- JE ?

Le skateur star

RYAN SHECKLER a rencontré un type incroyable : lui-même.

Sheckler photographié à San Juan Capistrano, Californie : « La vie est dure car on est là pour apprendre.
»
TEXTE PETER FLAX PHOTOS ATIBA JEFFERSON
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Sheckler s’est servi de tendeurs super puissants pour s’envoler par-dessus des obstacles qu’il dévalait par le passé.

ur de décider où commence l’histoire de Ryan Sheckler et de son long chemin vers la sérénité.

Peut-être par ce moment à Pomona en Californie où il se tord et hurle de douleur au bas d’immenses marches en béton après une chute terrible qui lui a brisé os et tendons. Une chose est sûre : cette force qu’il a de se remettre sur pied après s’être brisé le cou fait partie intégrante de son histoire.

Peut-être que tout a commencé par son second séjour en cure de désintox. Sheckler était sobre depuis un bon bout de temps et s’était dit qu’il pouvait boire avec modération. Grave erreur. Mais cette fois, un déclic s’est produit en lui, un profond désir de changement, et cette personnalité très publique qui a passé près de vingt ans à se sentir assez paumée a remis sa vie sur les rails.

Ou peut-être son histoire commencet-elle alors qu’il nous ouvre sa porte, un bébé de 19 jours au creux des bras, les yeux marqués de cernes. Évidemment, sa femme et lui ne doivent pas beaucoup dormir en ce moment, et pourtant son regard trahit une certaine quiétude, comme s’il allait se lancer dans un saut énorme et qu’il savait qu’il allait le réussir. Finalement, il est dans son élément. Celui que ses potes et ses fans surnommaient

Dparfois « Sheck Daddy » n’a pas volé ce titre. Oui, la structure du prologue de cette histoire est encore un peu floue mais les contours de son voyage et surtout ceux de sa destination sont très nets.

Ryan Sheckler est sur le bon chemin. « Jusque là, mon identité et ma vie même étaient entièrement liées au skate, explique-t-il tandis que sa fille, Olive, sommeille dans un siège à bascule. Je ne m’étais jamais demandé qui était Ryan en tant que personne. Quand je l’ai fait, un tas de portes se sont ouvertes et toutes ces situations qui me prenaient de court sont devenues super gérables. » Sheckler, célèbre dès son plus jeune âge parce qu’il skatait les trucs les plus hardcores et se comportait comme une superstar, a regardé en lui et découvert des besoins insoupçonnés. Sobriété. Foi. Mariage. Paternité. Équilibre. Et le plus important sans doute : une sérénité qui saute aux yeux quant on le voit tenir son bébé dans les bras et lui murmurer à l’oreille. Et aussi quand il fait du skate, pour traitésle plus grand bonheur de ses fans. Même si ça fait un bail que Sheckler n’a plus rien à prouver, il s’est libéré et peut s’exprimer d’une toute autre manière. Un grand nettoyage de printemps physique et métaphysique qui lui a permis de réinventer sa carrière de skateur. Ce vétéran

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« De temps en temps, il faut se prendre une bonne vautre pour se réveiller. »

« Je n’ai pas besoin de me fringuer différemment, ni de skater différemment, dit Sheckler. C’est comme ça que je skate. »

de 33 ans qui était au top pendant vingt ans a aidé pas mal de chirurgiens à financer les études de leurs gosses et provoqué autant les foudres que l’amour de la communauté des skateurs et skateuses (comme tous les pros) voit les choses plus clairement et a trouvé un nouvel élan.

« La paix intérieure renforce la confiance en soi, explique David Reyes, un des meilleurs potes de Sheckler. Avec la paix intérieure, on est dans l’instant présent. Il a toujours été une vraie tête brûlée, un mec né pour se jeter dans le vide et prendre des risques, mais maintenant, Ryan skate avec une confiance en lui que je ne connaissais pas encore. »

À l’heure d’imprimer ce numéro, il peaufine encore une ambitieuse session de skate et un documentaire retraçant son parcours mouvementé : Rolling Away. Deux projets qui devraient sortir en juillet, l’aboutissement de trois ans de travail retardés et influencés par la pandémie, un accident qui aurait pu signer la fin de sa carrière, une rééducation et des hauts et des bas variés, la vie, quoi. Fidèle à sa nature perfectionniste jusqu’à l’obsession, il essaie de finaliser quelques nouveaux tricks, dont un qui pourrait bien finir au panthéon du skate. Rassurez-vous, ce bonheur familial et existentiel n’a pas calmé sa soif d’explorer les limites de la physique et du courage. En fait, il est encore plus libre et prêt à tout donner.

On arrive à ce moment où l’auteur est censé énumérer quelques repères biographiques pour aider le lecteur à situer le sujet dans un certain contexte de vie. Mais rares sont les athlètes et artistes qui ont autant vécu sous le feu des projecteurs dès leurs plus jeunes âge. « Il a été vulnérable toute sa vie et tout le monde pouvait en profiter », explique Reyes. D’une certaine manière, malgré son immense talent qui l’avait

« Le skate, c’est une liberté d’expression », s’exclame Ryan Sheckler.

propulsé au sommet, il est devenu l’un des précurseurs des stars de la téléréalité moderne, comme Kim Kardashian, célèbre pour être célèbre. Pour le meilleur ou pour le pire, les grandes étapes de son adolescence se sont déroulées sur MTV. (Si vous êtes trop jeune pour vous en rappeler, tapez Life of Ryan sur Google. En fait, non, ne le faites pas, ça vaut mieux.)

Pour les avides de contexte, voici un résumé express : premier kickflip à 6 ans. Sponsorisé un an plus tard. Première de ses sept médailles aux X Games à l’âge de 13 ans. Puis les émissions de téléréalité, les pubs, la célébrité, les millions de dollars. Il skate à fond, remporte un tas d’épreuves, publie des vidéos de malade, pilote des jets privés, collectionne les voitures de sport, fait la teuf et polarise la culture skate. Un ado superstar qui vit à

cent à l’heure sans garde-fou ni mode d’emploi, la fureur de vivre avec une attitude Rien À Foutre en majuscules. (Dans une interview accordée en 2011 au magazine ESPN, il règle ses comptes avec les fans de skate : « Je veux leur donner encore plus de raisons de ne pas m’aimer. ») Mais malgré tout, même quand on se moquait de lui en l’appelant le Justin Bieber du skate, ses pires détracteurs devaient bien reconnaître que ses vidéos étaient incroyables. On parle encore de son kickflip de 2008 au Costco Gap Laguna Niguel, où il saute une barrière avant un drop monstrueux de 3,5 mètres avec une facilité insolente.

« Au cours de sa vie, il a réussi pas mal de tricks, ce qui lui a valu une résonance énorme. Il a une éthique de travail monstrueuse, lâche Ira Ingram, son caméraman de toujours. Il sait se faire souffrir

Ryan
Sheckler
« La paix intérieure permet de ne plus se soucier de ce que les autres pensent de soi. »
THE RED BULLETIN 69
David Reyes

« Je pense que je suis toujours curieux, et toujours accro à la montée d’adrénaline », reconnaît Sheckler.

pour réussir un trick. Il peut skater jusqu’à avoir les jambes en miettes. »

Quand on lui demande d’expliquer cette relation d’amour vache avec le bitume, Sheckler fait la grimace. « C’est magique quand ça roule, dit-il, faisant référence à ce moment euphorique où l’on réussit enfin un trick. Mais tout le reste c’est juste un divorce brutal, tu vois? C’est dur. Je faisais le compte l’autre jour : une douzaine d’os brisés, tellement de ligaments déchirés que j’en perds le compte, six grosses opérations chirurgicales et des commotions cérébrales. Tout n’est que douleur. »

Sheckler est passé par le cycle de la blessure, de l’opération et de la guérison assez souvent pour en connaître l’impact provoqué sur sa santé mentale. « Au total, j’ai dû passer cinq ans à me rétablir, résume-t-il. C’est le moment où mon esprit commence à dérailler et que je me pose des questions. Suis-je fait pour ça ? Est-ce que j’en ai envie ? Qu’est-ce que je fous ? Et ces questions sont très difficiles, surtout lorsqu’on est déjà à terre et que l’on ne peut rien faire. »

Dans Rolling Away, des légendes du skate tentent de décrire cette relation abusive avec le bitume.

« Le skate vous massacre le corps, sort Geoff Rowley, pionnier du skate en Grande-Bretagne qui a lui aussi eu sa dose de déboires. Et il s’effrite comme sous les coups d’un marteau et d’un burin. »

Le légendaire Tony Hawk, (invité surprise à la fête d’anniversaire des 6 ans de Sheckler) réfléchit lui aussi à l’engagement qu’exige le skate pro. « Quand on commence, il y a cet espèce de moment de révélation et ce seuil où on se fait vraiment mal pour la première fois, explique ce monstre sacré qui a fait lui aussi le bonheur des chirurgiens. C’est le moment où l’on se demande si on est suffisamment accro à ce sport pour continuer. »

Comme le montre le documentaire, Ryan Sheckler a subi deux graves bles-

Ryan Sheckler
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« Pendant longtemps, j’allais à un train d’enfer. Mais j’ai finalement appris à ralentir. »

En mars 2020, il se rend au siège de Red Bull USA à Santa Monica pour finaliser le plan de son projet et du documentaire le concernant, gonflé à bloc, prêt à se lancer.

sures qui ont mis sa détermination à l’épreuve ces cinq dernières années. Premier accident en 2018 à Pomona, une tentative de slide sur la rampe en ciment d’un escalier de 18 marches. Sheckler s’est rétamé au sol, les os et les tendons de sa cheville gauche en miettes et une vertèbre fracturée. « Je n’en parle pas trop parce que c’était traumatisant, confie celui qui allait devoir retourner sur le billard. Mais cette chute a été un catalyseur : elle m’a poussé à m’immerger totalement en moi. »

Dans son esprit, le voyage qui le mènerait à la sobriété, à la bible, à sa femme, à un bébé et au skate avec une lucidité et une joie renouvelées a commencé là, à Pomona, alors qu’il se tordait de douleur.

Sheckler savait ce qui l’attendait : la souffrance, les séances de kiné éprouvantes, le doute qui s’installe. Tout ce qu’il pouvait faire était de récupérer et de s’entraîner jusqu’à l’obsession pour être prêt à repartir skater dès qu’il le pourrait.

L’opportunité s’est présentée plus tôt que prévue. Cette même année 2018, ses collègues pros Red Bull Zion Wright et Jamie Foy l’invitent pour un trip à Taïwan. Il n’est pas entièrement remis mais est bien dans sa tête et dans sa peau et finit par réussir toutes sortes de tricks. La cerise sur le gâteau ? Un taildrop ultra dangereux depuis un pont de Taipei sur un quarterpipe entre deux voies d’autoroute. « Il avait jamais osé faire un truc aussi flippant, déclare Ingram, qui a filmé cette séquence. Mes mains tremblaient littéralement, j’ai dû m’appuyer contre un mur pendant que je filmais. »

Même les plus grands étaient sciés. « Un seul mot me vient à l’esprit en voyant ce taildrop : psycho, lâche Paul Rodriguez, alias P Rod, ancien coéquipier de longue date de Sheckler au sein de Plan B. C’était un truc de malade. »

Sheckler était de retour. Petit à petit, il a compris qu’il était mentalement et physiquement prêt à refaire parler de lui.

Mais voilà : c’est la veille de la fermeture de ce bureau, et du monde entier : la pandémie allait changer la vie telle que nous la connaissions jusque-là. Par la suite, plus rien ne s’est passé comme prévu. Chez Ryan Sheckler, le vaste espace de séjour est rempli des preuves de son changement de vie radical. Son épouse Abigail est assise dans le salon, leur fille Olive dort à côté. Une bible ouverte orne la table de la salle à manger, une autre plus cérémoniale est exposée dans le salon, sous une représentation de Jésus-Christ (près d’une grande photo encadrée en noir et blanc de Sheckler skatant sur une autoroute bondée, une touche un peu plus laïque).

Abigail a accouché à domicile le 3 mars 2023, un an jour pour jour après leur mariage. « C’était un peu flippant quand Olive est née », avoue Abigail. Ryan confirme : « Elle n’a pas respiré tout de suite, moi non plus. Elle tenait déjà de son père. La naissance a été très bizarre, mais dans un sens positif, en fait, c’est le truc le plus dingue que j’aie jamais vécu. » Il échange un furtif sourire avec sa femme et ajoute qu’il espère en avoir « encore quelques-uns ».

Quand il parle de son bébé, de son dévouement à la foi et de ses récentes expériences en matière de sobriété, il aborde ces sujets sensibles avec simpli-

cité. Sheckler n’a pas peur d’être honnête et vulnérable en parlant de ses luttes et de ses révélations et ne cherche ni à prêcher ni à dramatiser. « J’essaie de vivre en donnant envie, pas en faisant de la pub. Je ne veux pas dire aux gens qu’ils doivent aller à l’église, ni leur faire avaler n’importe quoi. Je veux juste être fidèle à moi-même, être un homme d’action. » Sur l’écran plat du salon, une chaîne passe du rock chrétien. Pour Ryan, il n’y a aucune contradiction entre le fait d’écouter des ballades chrétiennes et de skater comme un punk, ni d’incohérence entre le fait d’étudier le Nouveau Testament avant de se jeter à l’assaut du béton sur sa planche. On ne peut pas vraiment lui donner tort.

Son pote David Reyes en tête, qui martèle que la culture skate est bien plus ouverte aux pros comme Sheckler lorsqu’ils sont fidèles à eux-mêmes. « Je l’ai dit à Ryan et aux autres vétérans. Les fans veulent vous voir être vous-même. Dans le cas de Ryan, ils veulent voir son kickflip et son kickflip indy, c’est tout. On juge beaucoup moins, aujourd’hui. »

Sheckler n’a aucune gêne ni aucune honte à parler de sa lutte contre l’alcoolisme. La culture du skate a toujours eu un côté fêtard, comme si c’était craignos de parler de sobriété. Sheckler s’en fout de tout ça. Il veut juste partager sa propre expérience, sans forcément donner des conseils aux autres.

« Quand j’ai commencé à filmer ses sessions, c’était une autre époque. Il avait un style de vie super festif à côté du skate, explique Ingram, précisant qu’il était (et est toujours) fréquent que les skateurs commencent à descendre des bières avant la fin d’une session. Tout ce que je peux dire, c’est que je ne l’ai jamais vu aussi heureux. » Il suffit de passer un peu de temps avec lui pour s’en persuader. « Pendant longtemps, j’allais à un train d’enfer. Maintenant, j’ai appris à ralentir. Je ne pensais qu’à la teuf, et puis j’ai fini par être mal dans ma peau avec toutes les blessures. Je pensais que la solution pour aller mieux était de picoler. Mais l’alcool fait encore plus déprimer et je me suis enfoncé. Les gens que j’aimais s’inquiétaient, c’était injuste pour eux comme pour moi. J’étais prêt à changer. Prêt à admettre que je ne contrôlais plus ni ma vie ni ma conso d’alcool. »

Sheckler a fait la couverture de notre magazine en juillet 2014. Il étudie son ancien « moi » sur l’exemplaire qu’il a conservé. Il y a un regard lointain dans

« Jusque-là, mon identité et ma vie même étaient entièrement liées au skate. »
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« J’avais sûrement une bonne gueule de bois », dit Sheckler de cette photo de 2014.

ses yeux (accentué par le maquillage).

« On dirait que j’essaie d’être une personne que je pense que les gens veulent que je sois. Comme si j’essayais d’être un dur à cuire ou que je ne savais pas qui je voulais être. À ce stade, je me sentais comme une marionnette. J’allais où on me disait d’aller. Et je pense que c’est là qu’une grande partie de mon problème d’alcool a commencé : j’essayais juste de m’échapper, de trouver un truc pour calmer ce boucan dans ma tête. »

Aujourd’hui, c’est une autre personne, entièrement dévouée à sa famille et à sa foi. Il mange mieux, s’entraîne de manière plus ciblée, dort mieux, bref, tout ce qu’il faut pour pouvoir donner le meilleur de lui-même. « Ce qu’il est aujourd’hui c’est tout le contraire de ce qu’il était il y a cinq ans, affirme Reyes. Il est vraiment épanoui et c’est parti pour durer. Il n’a rien à prouver, il sait ce qu’il doit faire parce qu’il sait ce qu’il aime. » Dans le même esprit, Sheckler s’engage de plus en plus dans un

rôle de mentor et propose aux jeunes skateurs et skateuses le genre de conseils que personne ne lui avait donnés. Il a créé une marque, Sandlot Times, ce qui lui permet d’être dans une approche pus formelle avec les jeunes talents et de partager son expérience avec les générations futures. Quand on lui demande ce qu’il pense de son héritage, Sheckler répète qu’il ne veut pas parler de son propre style de skate. « Honnêtement, je m’en fous un peu de ce que je lègue. C’est un

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« J’ai hâte de voir tout ce que je vais apprendre d’Olive », raconte Sheckler, sa fille de 19 jours dans les bras.

truc plutôt égoïste. Si on parle de moi, je veux que ce soit comme d’un type qui a aidé les autres à réussir et à libérer leur potentiel. C’est comme ça que je voudrais qu’on se souvienne de moi. »

Sur un plan personnel, Ryan est heureux d’avoir trouvé un sens à sa vie et la paix intérieure. Et il sait que cela a complètement changé sa manière de skater. Il est en meilleure santé, plus épanoui, vit dans l’instant présent et voit plus clairement l’importance du sport dans sa vie. Pour les gens qui le regardent skater jour après jour, l’impact est plus qu’évident.

« Ryan a toujours suivi son propre chemin, ses sessions parlent pour lui, sort Ingram, qui en a vécu plus que n’im-

porte qui d’autre. Après, son niveau actuel est complètement dément. » Ses prochaines vidéos de skate et Rolling Away sont autant d’indices que Ryan a encore quelque chose à prouver, non pas aux fans ou à la postérité, mais à luimême. Cela fait plus de trois ans que ces projets ont vu le jour, et leur réalisation a demandé plus de persévérance qu’il ne l’aurait cru.

Les premières semaines de tournage ont démarré au début de la pandémie, il a donc fallu improviser. Sheckler et Ingram ont dégoté des spots bien isolés pour filmer. Au final, quelques mois intenses niveau production avec des séquences de très bonne qualité à la clé.

74 THE RED BULLETIN TIM AGUILAR
« Impossible de laisser tomber, c’est comme ça que je suis devenu skateur et c’est pour ça que je continue. »

« Son niveau actuel est complètement dément. »

Mais ce départ en fanfare s’est arrêté abruptement et douloureusement trois mois plus tard à National City, en Californie. Sheckler avait imaginé un trick bien corsé et très dangereux qui devait conclure la vidéo en beauté, mais avant même d’avoir pu se lancer, il s’est pris une vautre terrible alors qu’il s’échauffait avec un trick plus simple : il a sauté au-dessus d’un escalier avec des rambardes métalliques de chaque côté et atterri lourdement sur un talus de béton en pente. Son genou gauche a reçu tout l’impact. Fidèle à lui-même, Sheckler a déclaré avoir l’impression que « sa jambe était complètement morte » avant de continuer à skater et à réussir même pas mal de tricks. Aujourd’hui, il admet qu’il était dans un état de déni total : il n’a passé une IRM de l’articulation qu’un mois et demi après avoir skaté pendant six semaines avec une attelle au genou.

C’est là que Sheckler a appris qu’il s’était complètement rompu le ligament croisé antérieur. Il est donc retourné chez le chirurgien et chez le physiothérapeute et les doutes sont apparus. « Ryan n’est pas vieux, loin de là. Mais une déchirure du ligament quand on a la trentaine, ça peut mettre fin à une carrière de pro », déplore Ingram.

Ryan s’est jeté dans la rééducation pour être sur pied le plus vite possible, a intensifié les séances de muscu pour augmenter sa masse musculaire et se bâtir une armure corporelle. Il faisait tout pour rester occupé, car il lui a fallu quatorze longs mois avant de pouvoir recommencer à faire de vrais tricks. Une période très difficile pendant laquelle il a en plus perdu sa grand-mère. « C’était ma meilleure amie », confie-t-il. Autant de raisons de se jeter un verre, mais il n’a pas craqué.

Quand il est retourné sur la planche, il avait expérimenté beaucoup de changements positifs. Sobre et consciencieux, il allait à l’église et faisait un tas de trucs de manière beaucoup plus posée. Et il s’est mis à faire des tricks en repoussant ses propres limites. Ira Ingram explique que Ryan Sheckler s’est mis à faire des figures avec des tendeurs, ce qui lui permet de remonter les obstacles qu’il descendait par le passé. « En fait, on utilise des tendeurs qu’on ne trouve pas dans le commerce parce que c’est super dangereux, explique Ingram. Avec ça, Ryan peut faire du 40 ou 50 km/h. Physiquement, c’est super intense, comme s’il s’éjectait d’un canon. »

La vidéo est presque terminée, mais Sheckler travaille encore sur un trick, un énorme saut du côté de San Diego. Peutêtre qu’il l’aura réussi au moment où vous lirez ces lignes. « J’espère réussir ce dernier trick, je crois vraiment que je peux y arriver. C’est clair que ça me fait flipper, mais c’est une bonne peur. Impossible de laisser tomber, c’est comme ça que je suis devenu skateur et c’est pour ça que je continue. »

Reyes a vu l’endroit. Il connaît bien ce genre d’obsession : dur de laisser tomber un trick dont on sait que ce sera la conclusion parfaite d’une vidéo. « C’est exactement la vibe de ce spot : pour bien finir une vidéo, il faut conclure sur le truc le plus dingue qu’on aie jamais fait. »

Sheckler reconnaît que cette quête provoque les mêmes sensations que n’importe quelle autre addiction, avec d’une part cette ivresse de réussir une figure super difficile et d’autre part tous ces chamboulements et ces moments de tension antérieurs. « Je suis toujours curieux et toujours accro à cette montée d’adrénaline, explique-t-il. À l’ensemble du processus. C’est mon moteur. Et il y a aussi la musique que je vais écouter pendant le saut. Parfois, je n’écoute pas de musique ; parfois, c’est une chanson en boucle. Tout est très différent et il est très difficile de calculer quel est le bon jour pour le faire. Tout n’est que supposition, un peu comme la loterie. »

Notre riche journée avec Sheckler touche à sa fin. Sa femme berce le bébé et sa mère, qui l’aide à gérer ses différents business, envoie des emails dans un coin de la salle à manger. Ryan a passé une partie de la nuit à somnoler sur le sol de la chambre d’Olive. Mais il se sent plus vivant que jamais, car les choses se sont bien mises en place. Finalement, il voit cet accident à Pomona comme une bénédiction qui lui a permis de se réorienter dans une meilleure direction, dont les bénéfices sont tout autour de lui.

« Je me dis que j’aurais pu rater tout cela, dit Sheckler en désignant du bras sa famille et toutes ces choses que l’on ne voit pas mais que l’on ressent en soi. J’aurais pu passer à côté de cette vie-là. En changeant une petite chose, j’ai tout changé, et j’ai à nouveau une vie bien remplie. » Il marque un temps d’arrêt avant de préciser : « En fait, c’est la première fois que j’ai une vie bien remplie. »

Instagram : @shecks

Ira Ingram, son caméraman de toujours.
THE RED BULLETIN 75
Ryan Sheckler

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PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

TESTER L’EAU

Natation de fond au Lake District, Royaume-Uni
77 HENRY HUNT CHARLIE ALLENBY

Mes pieds glissent sur des cailloux de la taille d’un œuf de Pâques alors que je cherche à me stabiliser. Je me cogne les orteils sur une pierre impitoyable, mais la température glaciale de Rydal Water les a déjà engourdis en quelques secondes. Au lieu d’une douleur fulgurante, la seule gêne est une sensation de brûlure sur toute peau nue non couverte par ma combinaison de plongée. Je veux sortir de cette situation et m’immerger complètement, mais l’eau est encore trop peu profonde. J’attrape le sac sec flottant qui contient toutes mes affaires et je continue à avancer lentement et maladroitement vers les zones profondes.

Avec des températures au sol avoisinant les 7 °C et une eau à peine moins froide, le deuxième plus petit lac du Lake

Allenby et MunroBennett plongent dans le Rydal Water (page précédente) et s’échauffent avec l’ascension du Loughrigg Fell (ici).

Des trains directs depuis Londres, avec correspondances pour Windermere. Mais c’est en voiture que l’on accède le mieux au parc.

District (nord-ouest de l’Angleterre) peut sembler un drôle d’endroit pour faire trempette au début du mois d’avril. Mais je suis ici pour m’essayer à la natation de fond, un mélange de randonnée et de natation en eau libre. Ce sport a été imaginé par deux frères du Yorkshire qui voulaient que les rivières et les lacs qu’ils rencontraient au cours de leurs expéditions soient une opportunité plutôt qu’un obstacle. Ils ont créé le RuckRaft, un flotteur de remorquage et un sac sec en deux parties, compact

et léger, qui vous permet de vous rendre d’un point A à un point B, sur terre et sur l’eau, sans la moindre contrainte.

Mon guide local, Lauren MunroBennett, entraîneuse de natation en eau libre, m’indique une rive située à environ 200 mètres. Passionné de course à pied et de cyclisme, j’ai ajouté ces dernières années la natation et les triathlons à mon CV, mais alors que cette distance constituerait normalement un échauffement, les conditions froides rendent même la respiration difficile. Plongeant sous l’eau, je commence mon crawl, reconnaissant de la flottabilité supplémentaire de mon RuckRaft, mes pieds étant maintenant aussi réactifs que deux parpaings.

Avec une superficie de 2 362 km² –à peine plus petit que celle du Luxembourg – le Lake District est connu pour ses conditions changeantes tout au long

PERSPECTIVES
voyage
« Plongeant sous l’eau, je commence mon crawl, reconnaissant de la flottabilité supplémentaire, mes pieds étant désormais aussi réactifs que deux parpaings. » Charlie Allenby, écrivain spécialisé dans l’aventure
78 THE RED BULLETIN HENRY
HUNT

PERSPECTIVES

voyage

de l’année. Au moins, cela ajouterait un peu d’ambiance au programme d’aujourd’hui : une boucle de 12 km de randonnée et de natation comprenant l’ascension du Loughrigg Fell et la traversée de Rydal Water en canoë avant de revenir au point de départ.

Lauren Munro-Bennett nous rejoint en voiture au départ du sentier, son camping-car de fortune se frayant un chemin dans les ruelles étroites bordées de murs de pierres sèches. On me remet un kit de natation de fond, que je range soigneusement dans mon sac de jour avec des couches supplémentaires et une combinaison. Je suis agréablement surpris par sa légèreté et sa compacité.

Après avoir emprunté un chemin équestre, le sentier ne tarde pas à grimper sur les contreforts du Loughrigg Fell. Le Scafell Pike (978 m) apparaît comme

Changement de cap : Allenby prépare son RuckRaft pour la nage en eau libre.
THE RED BULLETIN 79
Sous la surface : des températures de 7 °C rendent la nage difficile.

un dos d’âne par rapport au plus haut sommet de la région mais son ascension n’est pas sans difficultés : le sentier parsemé de blocs rocheux devient gras dans la brume, avec une pente qui s’apparente davantage à une chute d’eau presque verticale qu’à un sentier de randonnée. Bientôt, il n’est plus possible de voir qu’à 10 mètres.

L’acide lactique me brûlant les mollets, nous atteignons l’éperon rocheux qui marque le sommet de 335 mètres, dont le poste de triangulation a été renversé par une tempête l’hiver dernier. En raison des conditions, il n’y a pas de vue panoramique à admirer en guise de récompense et, compte tenu de ce qui est arrivé à la dernière chose qui s’est attardée trop longtemps sur le sommet exposé, j’ai hâte de continuer à avancer.

Nous descendons le long du versant nord-ouest de la montagne et le sentier s’éloigne de façon aussi spectaculaire qu’il s’est élevé. La brume environnante rend difficile l’évaluation de la distance parcourue, et je dois regarder à deux fois lorsque Grasmere apparaît : mes sens sont convaincus que son petit lac est une continuation du nuage.

Notre chemin longe le fleuve Rothay, qui relie Grasmere à Rydal Water, et mon esprit s’agite. J’enfile ma combinaison de plongée et dissimule mon matériel de rando dans le sac étanche, prêt pour ma première expérience de natation d’un point à l’autre.

Malgré la température rebutante, après quelques minutes de barbotage, mes membres froids se dégèlent et je trouve mon rythme alors que nous nous frayons un chemin à travers l’eau.

Anatomie d’un RuckRaft

La remorque en deux parties, un must de la natation de fond.

Le flotteur en U a été inspiré par les bateaux à membrures, ce qui lui permet de rester stable et aérodynamique avec une charge max. de 15 kg.

Le sac sec a une capacité de 120 litres, ce qui est suffisant pour un trip d’aventures multimodales.

La valve à deux voies permet de le gonfler à la bouche en 30 secondes. L’ensemble pèse moins d’un kilo et se réduit à la taille d’un sac de couchage.

Les matériaux de qualité marine et les coutures soudées résistantes le rendent adapté aussi bien à la haute mer qu’aux eaux fluviales.

La pluie s’interrompt brièvement, mais la brume s’accroche rapidement sur les pentes boisées de Nab Scar, un col situé sur la rive nord du lac.

Je suis sûr de pouvoir continuer, mais le risque d’hypothermie augmentant, Munro-Bennett souhaite vivement que je sorte. Une fois le point de sortie atteint, c’est plus facile à dire qu’à faire. On dirait que la base de mes jambes sont des moignons et je trébuche sur les galets légers du rivage avant de m’effondrer sur un rondin. Alors que je tâtonne pour remettre mes vêtements secs le plus rapidement possible, la circulation commence à revenir et le sol sous mes pieds se transforme en charbons ardents.

En continuant la boucle de randonnée, la douleur s’estompe rapidement et je me retrouve avec le sentiment de chaleur et d’endorphine dont parlent les nageurs en eau libre qui s’adonnent à leur discipline toute l’année. Désormais converti au concept de la natation de fond, je commence à planifier d’autres aventures tempérées et sans obstacles... Charlie Allenby est un écrivain londonien spécialisé dans la course à pied, le cyclisme et l’aventure. @charlie.allenby

PERSPECTIVES voyage
Double protec’ : deux bonnets de bain pour se protéger du froid intense.
80 THE RED BULLETIN HENRY HUNT
Dans l’eau pour nager : Allenby et Munro-Bennett s’élancent dans l’étendue froide de Rydal Water.

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en septembre en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… vous connaissez sans doute le reste. En ce qui concerne les jeux vidéo, le monde des seigneurs Sith et des stormtroopers du réalisateur George Lucas a été une inépuisable source d’inspiration créative, engendreant plus de cent jeux vidéo, simples jeux d’arcade 8 bits ou de jeux plus récents aussi élégants et cinématiques que les films eux-mêmes.

Star Wars Jedi: Survivor se situe résolument dans ce dernier camp. Dans ce jeu d’action-aventure à la troisième personne, le joueur contrôle le chevalier Jedi Cal Kestis qui, avec ses amis, se bat pour survivre à l’oppression tyrannique de l’Empire galactique. Une partie essentielle du jeu consiste à se battre contre des adversaires de toutes formes et tailles. Et qui dit Star Wars, dit sabre laser comme arme de prédilection.

Obsédé par Star Wars depuis qu’il a vu l’Épisode IV –Un nouvel espoir, à l’âge de trois ans, Kenny De Bellio a passé des mois dans son jardin à « brandir un sabre et à se prendre pour un Jedi ». À cinq ans, il a commencé à étudier les arts martiaux, faisant naître l’intérêt qu’il éprouve depuis pour cette discipline et sa carrière d’enseignant.

En 2017, De Bellio a décidé de combiner ses deux grandes passions en fondant First Strike Lightsaber Combat Simulations, un club situé à Rochester, dans le Kent en Angleterre, qui enseigne un mélange d’arts martiaux et de techniques de combat au sabre privilégiées par les Jedis. Mais qu’en est-il du combat au sabre laser dans la vie réelle ?

Et quelles sont les astuces nécessaires pour réussir ?

Écoutez le maître

Connaître sa forme

Il existe sept formes de combat au sabre laser, chacune étant progressivement plus difficile. Le point de départ

FORCE En mode Jedi

Kenny De Bellio, spécialiste du sabre laser, explique comment parfaire son combat à l’épée.

est le Shii-Cho, qui consiste à tenir son sabre à deux mains.

« Il s’agit d’une forme défensive qui fait appel à la retenue, au contrôle et à la discipline, explique De Bellio. Le Shii-Cho est ce qu’Obi-Wan Kenobi aurait pu utiliser pour se défendre contre le Côté obscur. Tout le monde peut utiliser n’importe quelle forme, mais certaines se prêtent davantage au Côté obscur – par exemple, la forme V, ou Djem So, est le style utilisé par Dark Vador dans Rogue One et Un nouvel espoir. Il s’appuie sur la force et l’attaque, ce qui correspond au Côté obscur. Il n’y a pas de finesse, que de la violence. »

Tout dans les hanches

« La maîtrise du jeu de jambes et du mouvement du corps est fondamentale, déclare

De  Bellio. Si votre jeu de jambes n’est pas bon, vous ne parviendrez pas à maîtriser les techniques. » Pendant ses cours, il demande à ses élèves de commencer sans sabre laser. « Parfois, on met un sabre laser dans les mains de quelqu’un et les mouvements de son corps disparaissent complètement. Vous devez être capable d’esquiver ou

de pivoter hors de la portée de votre adversaire. J’encourage les gens à se déplacer avec leurs hanches plutôt qu’avec leurs pieds – quand les hanches tournent, les pieds suivent. »

Voir double

On pourrait penser qu’un sabre laser à deux lames (également appelé « saberstaff ») comme celui utilisé par Dark Maul dans La Menace fantôme offre une puissance double, mais ce n’est pas forcément le cas. « En combat réel, une seule extrémité du sabre est en contact avec l’adversaire à un moment donné, explique De Bellio. Si vous combattez avec deux sabres, vous avez deux fois plus de chances de vaincre vos adversaires. » Mais deux ne valent pas toujours mieux qu’un. L’inconvénient du dédoublement est qu’une de vos mains sera vraisemblablement plus faible que l’autre, ce qu’un adversaire peut utiliser à son avantage : « Tout le monde a un côté faible, et vous serez en mesure de le repérer – ils mettront leur pied le plus fort en avant. » Si vous affrontez un adversaire équipé de deux sabres laser, orientez-vous vers son côté faible : « Celui-ci sera moins efficace ; vous les forcerez donc à attaquer avec cette main. » Cela augmente également les chances de les désarmer.

Bouger sans cesse

Lorsque De Bellio organise des séances de combat en équipe, les participants se retrouvent inévitablement en infériorité numérique. « Il n’est pas rare que le combat se termine à un contre quatre, explique-t-il. Parfois, c’est le joueur solitaire qui l’emporte – les chances sont contre lui, mais c’est faisable. Restez en mouvement et essayez d’éliminer les autres un par un, en ciblant d’abord les éléments les plus faibles. Si vous restez statique, vous ne pourrez pas gagner. »

PERSPECTIVES gaming
« Pas de finesse dans le Côté obscur, violence only. »
K.
De Bellio, maître en sabre laser
(Jedi)...
82 THE RED BULLETIN ISABELLE ARON

Dans un monde de contenus téléchargeables et d’esport, il est rafraîchissant de revenir aux racines du gaming, à une époque où, au lieu de jouer en ligne, on faisait la queue pour avoir son tour sur un jeu d’ar cade. En 1980, des millions de personnes deviennent adeptes de Pac-Man – que l’on pourrait décrire comme un mini Baby bel déballé auquel il manque rait un bout – contrôlé à l’inté rieur d’un labyrinthe, avalant des pac-gommes tout en évi tant ou éliminant les fantômes multicolores Blinky, Pinky, Inky et Clyde. Quarante ans plus tard, Pac-Man est consi déré comme l’un des plus grands jeux de tous les temps, mais il est aussi difficile de trouver une version d’arcade originale que d’atteindre le 256 e niveau du jeu. LEGO, qui l’a bien compris, a créé une version pour les incondition nel·le·s. Faisant partie de la série LEGO Icons, le jeu d’ar cade Pac-Man est une recons titution de 2 651  briques, avec un joystick mobile, un mon nayeur éclairé et un méca nisme de remontage qui simule le frisson de la poursuite dans le labyrinthe mécanique. De plus, le meuble ne mesure que 32 cm de haut, vous n’aurez donc pas à réorganiser votre salon pour l’accueillir. lego.com

PERSPECTIVES équipement CONSTRUCTION Faire bloc

Les créateurs du jeu, Bandai Namco, ont révélé à LEGO que la couleur du Pac-Man était inspirée de leurs briques jaunes.

Retournez à vos classiques avec le jeu d’arcade Pac-Man de LEGO.
THE RED BULLETIN 83 BANDAI
NAMCO ENTERTAINMENT INC CHARLIE ALLENBY

L’échappée permanente

Les vélos et accessoires pour gravel et VTT les plus cool du moment.

CERVELO ASPERO

Le gravel évolue : de plus en plus de cyclistes délaissent les gros modèles bourrés de fixations pour sacoches et bidons typiques du bikepacking au profit des versions tout-terrain plus rapides. Cervélo a conçu l’Aspero pour celles et ceux qui préfèrent juste transporter leur carcasse. La géométrie du cadre en fibre de carbone léger, rigide et aérodynamique reprend les caractéristiques propres aux vélos de course. Chaque monture dispose d’un large éventail de composants individuels, de pneus Panaracer 38c souples et d’une fourche à deux positions pour monter différentes tailles de roues.

À partir de 2800 €; cervelo.com

PERSPECTIVES matos 84 THE RED BULLETIN

1. DU GRAVEL SINON RIEN

Sous leur aspect rétro, les VR90 renferment des trésors de performance ultramoderne.

Ne vous laissez pas berner par la touche vintage des lacets : les chaussures VR90 sont avant tout au service de la performance. Tige en composite mesh et microfibre, semelle en fibre de carbone Easton : cette chaussure est aussi rigide que légère et offre un transfert de puissance exceptionnel pour tout cycliste de gravel qui se respecte. La semelle Vibram vous garantira une parfaite traction si vous devez descendre de vélo sur les terrains compliqués. Dotées d’un support de voûte plantaire réglable et d’une tige respirante, les VR90 associent du confort à votre perf’. 270 €; giro.com

GIRO EMPIRE VR90
PERSPECTIVES matos THE RED BULLETIN 85

2. AU BONHEUR DU TRAIL

SANTA CRUZ TALLBOY

Il n’est pas devenu un classique incontournable par hasard. La mise à jour 2023 modifie la formule sans oublier ce qui en a fait son succès. Réactif, stable, rapide, fiable, la polyvalence du Tallboy fait pleuvoir les superlatifs. Ce vélo de trail est aussi à l’aise en descente qu’en montée et d’une agilité à toute épreuve sur les sentiers techniques, notamment grâce à la géométrie équilibrée et à la suspension VPP signée Santa Cruz. Ses roues de 29 pouces et son cadre en carbone ultraléger (avec boîte à gants intégrée dans le tube) en font le pote idéal des descendeurs d’attaque. Dès 7200 €; santacruzbicycles.com

Le Tallboy est aussi à l’aise en descente qu’en montée, et d’une agilité à toute épreuve sur les sentiers techniques.
PERSPECTIVES matos 86 THE RED BULLETIN

CRANKBROTHERS M19

Il faut être clair, le M19 est aux vététistes ce que le couteau suisse est aux campeurs. Véritable icône du genre, cet outil multifonction est équipé de tout ce dont le cycliste tout-terrain aura besoin, ni plus ni moins. Conçu en acier haute-résistance, il propose trois tournevis, sept clés allen, un dérive-chaîne polyvalent, deux clés Torx et quatre clés à rayons. Embouts d’une longueur parfaite et poignées latérales pour un maniement facile même en cas de pluie ou si vous portez des gants.

Il tient bien en main et vous pourrez compter sur lui quelles que soient les circonstances. 33 €; crankbrothers.com

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PERSPECTIVES matos

3. PRÊT ET PRÊTE POUR L’AVENTURE ?

MARIN NICASIO+

Vers le bitume et au-delà ! Le Nicasio+ est le vélo d’entrée de gamme idéal pour votre première introduction au monde du gravel. Son cadre en acier n’est pas le plus léger, mais il est robuste, dynamique et stylé avec ses formes classiques. Généreusement équipé de roues 650B, de larges pneus 47c et d’une transmission 1×9 simple et efficace, son cadre propose de nombreuses fixations pour porte-bidons, sacoches, garde-boue et porte-bagages si vous décidez de vous lancer dans des expéditions plus ambitieuses. Un vélo parfait pour découvrir l’univers du gravel. À vous de décider sa destination. 960 €; marinbikes.com

Abordable et ludique, le Nicasio+ est parfait pour vos premières explorations hors des sentiers battus.
PERSPECTIVES matos 88 THE RED BULLETIN

SACOCHE POUR VÉLO TOPO DESIGNS

Une pratique régulière du vélo implique un équipement adapté, autant pour se balader que pour se rendre au boulot ou faire ses courses. Élégante et imperméable, cette sacoche de guidon versatile offre assez d’espace pour emporter un casse-croûte, des outils, une veste légère et un portable. Fabriquée dans le Vermont à partir de matériaux recyclés, elle est pourvue d’une toile épaisse facile à nettoyer, d’une bandoulière amovible pour l’emmener partout et de sangles à l’avant pour attacher vos lampes et autres accessoires. Si vous vous mettez sérieusement au bikepacking, il vous faudra un modèle plus technique, mais pour de petites sorties de trail ou au café du coin, c’est la sacoche idéale. 44 €; topodesigns.com

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PERSPECTIVES matos

4. ADRÉNALINE EN MODE ENDURO

NORCO SHORE 2

Avec son cadre en aluminium à géométrie progressive et son débattement de 180 mm, le Norco Shore 2 vous permettra de dévaler les sentiers les plus tortueux à toute allure et en toute confiance et vous profiterez d’un confort sans nuages même sur les terrains les plus accidentés. Ce n’est pas vraiment un poids plume mais un char d’assaut agile et obéissant. Et vous serez bluffé·e par sa versatilité et son généreux pédalage en montée. Son système de suspension Horst-Link à point de pivot virtuel est assez complexe à décrire, mais vous allez l’adorer quand vous rebondirez en souplesse en descente. 4200 €; norco.com

Avec le North Shore 2, vous dévalerez les sentiers tortueux en toute confiance et en toute stabilité, pour un ride d’anthologie…
PERSPECTIVES matos 90 THE RED BULLETIN

PÉDALES

PERSPECTIVES matos

NUKEPROOF HORIZON PRO SAM HILL ENDURO

Vous cherchez une pédale offrant le parfait équilibre entre adhérence, soutien, force, contrôle et taille pour vos grosses sorties d’enduro ? L’Horizon est faite pour vous. Forgées et usinées en aluminium léger, ces pédales offrent une large surface et une forme concave pour un meilleur positionnement des pieds ainsi que dix picots par côté pour un grip maximal et un coup de pédale impressionnant dans les descentes. Grâce à son élégante finition (mate sur les côtés et brillante sur le dessus et le dessous), vous aurez la classe même pendant vos pauses. 124 €; nukeproof.com

THE RED BULLETIN 91

DÉBLOQUER

Le pouvoir de l’esprit

Vous avez du mal à donner le max dans votre sport ? Comme cet athlète pro l’a découvert, la réponse peut être d’ordre mental, et non physique.

Même si, vu de l’extérieur, la vie d’un athlète pro a l’air fun, la réalité l’est souvent moins. Des heures passées à s’entraîner, à se perfectionner… Luke Doherty est bien placé pour le savoir. À 11 ans, il s’est donné comme objectif de devenir un joueur de rugby pro. « Je m’entraînais tous les jours, et je jouais dans trois équipes différentes par semaine. » Il était doué. Et jouait aussi dans l’équipe d’Angleterre des moins de 18 ans. Jusqu’à ce déclic : « Je venais de jouer un match pour l’Angleterre, et le lendemain, je me suis levé en me disant que je n’avais plus du tout envie de jouer. Ma motivation s’était évanouie. J’étais cramé. »

Doherty arrête le rugby à 20 ans. Il aborde ses études comme son sport : de manière entière. Avec deux diplômes de droit en poche, il réalise qu’il s’épuise à nouveau. C’est

alors qu’une visite fortuite au centre bouddhiste de Londres change sa vie. « J’ai réservé une session de pleine conscience avec un ami, en me disant que ce n’était pas pour moi.

Sauf que lors de la session en question, j’ai éprouvé un soulagement immédiat : je me suis senti plus léger, avec l’esprit plus clair, plus équilibré intérieurement. » Sans s’en rendre compte, il utilisait le sport comme un exutoire : « J’avais refoulé mes émotions, mais elles m’ont rattrapé. Je devais faire face à ce qui alimentait ma soif de réussite. »

Luke Doherty a fait des recherches sur la manière dont la méditation peut calmer le système nerveux, aidant le mental à atteindre un état de flow nécessaire pour exploiter son plein potentiel. Aujourd’hui, à 35 ans, il gère

son entreprise de coaching, intitulée Mindful Peak Performance. Il partage ici les changements positifs que la pleine conscience peut apporter à la performance.

Identifier les triggers

Les athlètes refusent souvent d’admettre qu’ils sont vulnérables, pourtant, des attentes irréalistes leur donnent l’impression que tout dépend de leur succès. Afin d’établir une

connexion plus honnête avec eux ou elles-mêmes, Doherty les aide à localiser les sources de pression dominantes : « Est-ce que ça a à voir avec le sport ? Est-ce que ça s’active le jour de la performance, ou la nuit précédente ? » Suite à quoi il développe une série d’outils à activer quand les triggers se mettent en route.

Réduire la pression

La pleine conscience aide à débloquer une performance qui pourrait être retenue par nos mécanismes de défense naturelle. Doherty a travaillé avec l’équipe de pros anglais en vue de les aider à mieux connecter leur corps avec leur esprit, et non pas avec leurs commentaires ni leurs jugements, leur permettant de lâcher prise. « L’idée, c’est de tenir les pensées anxiogènes à distance afin de performer l’esprit libre. »

Le test de respiration

« La pratique de la méditation ne peut pas se faire en lisant un manuel », dit Luke Doherty. Une méditation se divise ainsi : on compte chaque respiration jusqu’à cinq, puis on recommence en se concentrant sur le souffle, puis sur le rythme naturel de sa respiration avant de prendre conscience des endroits où on la ressent dans le corps. « À chaque fois que votre esprit vagabonde, faites le revenir à votre respiration. »

Le pouvoir des trois

Doherty ne jure que par une micro-méditation de trois minutes avant son entraînement, pour l’aider à se décharger du stress de la journée et reconnecter avec son corps et ses émotions. Les exercices de pleine conscience sont aussi utiles après l’effort : « Cinq minutes de méditation font toute la différence pour relâcher la pression et se défaire des pensées limitantes, négatives et critiques. Ainsi, le corps récupère et guérit plus rapidement. » mindfulpeakperformance.com

PERSPECTIVES fitness
« Une méditation de 5 min fait toute la différence. »
Luke Doherty, coach
92 THE RED BULLETIN
PJ BAUDOIN, SAM ROBERTS HOWARD CALVERT

GAGNE UNE RENCONTRE AVEC ROMAIN NTAMACK.

PILOTER Rivalité sur deux-roues

Tim et Tom Neave, pilotes du Championnat britannique de Superbike, expliquent ce qu’il faut faire pour battre ses concurrents les plus proches.

Capable d’atteindre 320 km/h, une moto superbike suralimentée peut rivaliser avec les performances des prototypes en MotoGP. Tenir bon dans les lignes droites, les épingles à cheveux et les chicanes demande beaucoup de force et de technique. Même si les compétences pour gagner sont uniques, chaque pilote a sa particularité, comme le prouvent les frères jumeaux Tim et Tom Neave, 28 ans, coureurs du Championnat britannique de Superbike.

C’est par hasard que les jumeaux de Saxby, ville située au centre du pays, ont découvert leur talent pour la moto. Leur grand-père achète « une demi-moto » – « demi » parce qu’elle était toujours cassée –aux frères qui se destinaient à suivre les traces de leur daron fermier. Jusqu’à ce que le pilote de moto Pete Boast emménage dans l’une des

treize maisons du village. Leur père suggère que le pilote pourrait peut-être réparer leur moto… Boast leur donne un coup de main et remarque que Tim avait une prédisposition naturelle.

À l’époque, le vétéran du deuxroues était organisateur du Championnat britannique de short-track – une variante de la course de flat-track, une discipline similaire à la course sur piste, mais avec des freins – et il invite le kid de 14 ans à participer à une course.

Tim remporte cette course puis devient champion junior dès sa première saison, sous les yeux de Tom. « Papa et maman voulaient que nous fassions des sports différents, explique Tom. Ils ont acheté à Tim une Honda CRF150 et à moi un fusil pour faire du tir au pigeon d’argile. » Mais au bout d’un mois, Tom brûlait d’envie d’essayer lui aussi. La saison

suivante, il a sa chance, remportant les rangs juniors, comme son frère. Aujourd’hui, les frères Neave s’alignent ensemble au Championnat britannique de Superbike ; c’est la première fois en 35 ans d’histoire que des jumeaux s’affrontent sur la piste. Ils partagent leurs skills avec The Red Bulletin

Observer et apprendre

Alors que Tom est passé au British Superbike une saison avant lui, Tim pense que le fait d’avoir vécu les épreuves et les tribulations de son frère a joué en sa faveur lorsqu’il est passé lui-même à la vitesse supérieure. « J’étais rodé sur

le plan émotionnel. J’ai vu à quel point l’année a été difficile pour Tom. J’ai presque l’impression d’avoir déjà vécu une année en Superbike. »

Libérer son esprit

Chaque frère s’entraîne avec un coach différent pour la forme physique et la nutrition. Tous deux se concentrent sur l’aspect mental de la course. L’entraîneur de Tom lui a donné des mécanismes d’adaptation pour l’aider à se détendre. « Chaque jour, je m’allonge pendant 30 minutes, je ferme les yeux et je travaille de la tête aux pieds, en créant une tension dans différentes parties de mon corps pendant cinq secondes avant de la relâcher. Le relâchement vous donne une sensation de lourdeur, vous vous y enfoncez et cela vous vide la tête. »

Lenteur et régularité

En tant que jumeaux monozygotes, les deux hommes ont des positions de conduite similaires, mais l’application peut faire la différence. « Tom a toujours été beaucoup plus rapide que moi aux courses sur route, mais il a chuté plus souvent que moi à ses débuts, explique Tim. J’ai adopté une approche plus méthodique – il m’a toujours fallu un peu plus de temps pour jauger la vitesse et la confiance, mais lorsque je les ai trouvées, les résultats étaient au rendez-vous. »

Gérer ses émotions

Perdre contre son plus proche rival est difficile : « J’adorais et je détestais être battu par Tom », confie Tim. Mais il s’en sert aujourd’hui comme d’une motivation supplémentaire. « Nous avons tous deux atteint une maturité qui nous permet d’être heureux de la réussite de l’autre, de nous serrer la main et d’apprécier le fait que le meilleur a gagné. La rivalité est réelle, mais elle fait ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous et nous pousse constamment à aller de l’avant. »

britishsuperbike.com

PERSPECTIVES comment…
« La rivalité entre jumeaux se situe à un autre niveau. »
Tom Neave, pilote de Superbike
94 THE RED BULLETIN BELSTAFF CHARLIE ALLENBY

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96 THE RED BULLETIN

Une balade

Le slackliner estonien Jaan Roose entre dans l’histoire à deux reprises au cours d’une seule traversée en mai 2023, en réalisant une highline de 680 m entre les rochers de Nkadorru Murto au Kenya – la première highline jamais réalisée dans le pays, et la plus longue d’Afrique. Les deux rochers sont connus sous le nom de « Chat et Souris », le Chat s’élevant à 151 m au-dessus du sol et la Souris à 195 m. Il a marché 58 minutes contre des vents latéraux soufflant jusqu’à 30 km/h, sur une ligne de 2 cm de large et près de 600 m de long. Respect.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 14 sept. 2023.

Pour finir en beauté
98 THE RED BULLETIN MIGWA NTHIGA/RED BULL CONTENT POOL
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