The Red Bulletin FR 07/23

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WOUT VAN AERT

Le phénomène du Tour en route pour l’impossible, avec cœur et panache

FRANCE JUILLET-AOÛT 2023
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CONTRIBUTIONS NOTRE ÉQUIPE

UN PELOTON HORS NORMES

GIANFRANCO TRIPODO

Le photographe, installé en Espagne et publié par le New York Times, le Financial Times ou Rolling Stone, a réalisé notre cover story. « Une mission de rêve, car je suis un fan de cyclisme et Wout van Aert est l’un des meilleurs cyclistes du moment. Le voir en action, descendre et gravir les montagnes de la Sierra Nevada a été fabuleux. Il s’est montré désireux de bien faire. » Page 26

En couverture de The Red Bulletin ce mois-ci, Wout van Aert va-t-il remporter le prochain Tour de France ? Il peut se passer bien des choses d’ici le 23 juillet aux Champs-Élysées ; mais qu’importe, victoire ou pas, le coureur belge méritait notre coup de projecteur dans un entretien où il nous expose sa méthode, son mantra : contrôler le contrôlable. Et tout faire pour vous offrir du « spécial ».

Avec lui, dans son peloton hors norme, l’incroyable Kriss Kyle. Le rider BMX s’ennuyait à rouler sur la terre ferme, alors il a accroché un bowl à une montgolfère, pour s’éclater dans les cieux. Insane! Bien engagé aussi, le contest Red Bull Magnitude, qui voit les meilleures surfeuses de gros donner le max sur les monstrueuses vagues d’Hawaï.

Eaux toujours, du genre rapides, avec le photographe John Webster et son portfolio dédié au kayak, discipline toujours fraîche, qu’il documente comme personne. Côté culture, on a presque démasqué la beatkmaker Meel B, pour la première longue interview de sa fructueuse carrière.

Bonne lecture ! Votre Rédaction

EMMA BIRSKI

Collaboratrice de Libération et Technikart, la Parisienne a photographié des artistes comme Youv Dee, Hoshi ou L’Impératrice. Pour nous, elle a rencontré la productrice de rap en ascension Meel B. « C’était un réel plaisir de shooter Meel B, qui est une artiste féminine et complète que j’admire beaucoup. Le challenge de la photographier sans montrer entièrement son visage m’a bien plu. »

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TALENT DISCRET

Meel B dans un moment rare : un shooting photo dédié à elle seule. La productrice française de rap n’est pas du genre à se dévoiler. Une discrétion qui n’a d’égal que son talent déjà affirmé, mis au service des artistes les plus en vue de la scène.

Éditorial
THE RED BULLETIN 3 GIANFRANCO TRIPODO (COUVERTURE)

CONTENUS

juillet-août 2023

6 Galerie : des photos folles

12 La ville bubble-gum de Reisinger

14 Broodoo Ramses, sorcier du mix

16 Jonny Ensall et les fêtes perdues

17 Justyna Green ou l’art résilient

18 L’invasion des mini-forêts

20 Aboubakary Camara : l’esport est son combat

22 Maud Perrin : pour un ciel plus ouvert

24 Arnaud Assoumani : champion de la détermination

26
Wout van Aert, un cycliste spécial.
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Les reines du surf de gros en extase.

26 Wout van Aert

Plus spécial que les spécialistes, le Belge veut l’impossible.

38 Le but est le chemin

Quoi de plus beau qu’un portfolio kayak pour se jeter dans l’été ?

50 Pacemaker du rap

On lui doit les sons du meilleur rap actuel : rencontre avec Meel B.

58 Don’t look down

Un BMXer, un bowl, une montgolfière… Envolez­vous avec Kriss Kyle.

68 Immense

Au Red Bull Magnitude, les surfeuses de gros donnent tout.

77 Voyage : virée à Zurich, avec le designeur Yannik Zamboni

82 Musts du mois : soyez très frais

84 Gaming : FIFA au féminin

86 Comment : « atterrir » à 212 mètres d’altitude

87 Fitness : les magiciens de la Formule 1

88 Matos : tout pour l’outdoor

96 Ils et elles font The Red Bulletin

98 Image de fin : Matheron envoie !

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Cascade d’actions avec John Webster.
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Kriss Kyle, le rider ascensionnel. JOHN HOOK, GETTY IMAGES, EISA BAKOS, JOHN WEBSTER

Pump it up

8 juillet 1497 : Vasco de Gama quitte Lisbonne direction l’Inde. 18 octobre 2020 : ce site du Parque das Nações accueille sa première qualification pour les Championnats du monde Red Bull UCI Pump Track. Le lien ? Aucun. En pump track, les coureurs et coureuses dévalent un circuit de virages inclinés et de sauts en utilisant le poids de leur corps et les contours de la piste, et non leurs pédales, pour créer et maintenir l’élan. Le grand explorateur aurait-il atteint le Kerala sans ses voiles ? Aucune chance. redbullcontentpool.com

LISBONNE, PORTUGAL
HUGO SILVA/RED BULL CONTENT POOL DAVYDD CHONG

LE CAP, AFRIQUE DU SUD

Tuyautée

Lorsque Letícia Bufoni a commencé à l’âge de 9 ans, elle était la seule fille sur une planche de skate dans son quartier de São Paulo. Lors de sa tournée en Afrique du Sud en mars dernier, Letícia Pushes Mzansi, la sextuple médaillée d’or aux X-Games a transmis ses connaissances à la nouvelle génération par le biais d’ateliers. La Brésilienne a aussi trouvé le temps de se rendre au superbe musée d’art contemporain Zeitz Mocaa du Cap, surnommé le « Tate Modern de l’Afrique ». redbullcontentpool.com

SALZBOURG, AUTRICHE

Biou ailé

Quand les Flying Bulls passent audessus de nos têtes, les quidams tendent leur regard empreint d’admiration et d’envie vers le ciel. Formée en 1999, cette équipe de pilotes et technique a accès à des bijoux de l’aviation. Ici, le Cessna 337 Skymaster des Flying Bulls, un modèle unique doté d’une hélice push-pull, dans le ciel près de leur base à Salzbourg. flyingbulls.at ; redbullcontentpool.com

9 TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL, ZAJCMASTER/RED BULL CONTENT POOL DAVYDD CHONG

IDAHO, ÉTATS-UNIS

Home offce

Pendant la pandémie, les confinements et les quarantaines nous ont mis et mises face au mur. Au point que certaines personnes se sont essayées à les grimper, comme Spiderman. Le photographe Ben Herndon a, quant à lui, installé un mur d’escalade, dans son garage, chez lui dans l’Idaho. Sur son Instagram, Herndon a reconnu qu’il était important d’éviter les activités de plein air risquées qui pourraient peser sur les services d’urgence. « Mais il y a de nombreuses façons de se blesser sans bouger de chez soi », ironise-t-il. benherndon.com ; redbullillume.com

11 BEN HERNDON/RED BULL CONTENT POOL DAVYDD CHONG

ANDRÉS REISINGER

Les villes en rose

Avec ses étranges créations à toucher, mais intouchables, l’artiste numérique argentin évoque une réalité alternative que l’on pourrait souhaiter réelle.

Au coin d’une rue de New York, d’énormes touffes de fourrure débordent de la devanture d’un magasin comme des champignons duveteux. À Paris, un immeuble entier est enveloppé d’un linceul vaporeux. À Rome, une gigantesque bande de soie délicatement froncée enveloppe une porte. À Tokyo, une boutique est dévorée par une masse énorme, bombée et semblable à un berlingot de guimauve. À côté des photos Instagram de chacune d’entre elles, les contributeurs et contributrices posent des questions : « On peut voir ça où et pendant combien de temps ? ! », « Et s’il pleut ? »

Mais la météo ne sera jamais un problème pour ces créations surréalistes, œuvres et produits du projet du designeur et artiste 3D Andrés Reisinger, intitulé Take Over. Malgré leur aspect extraordinairement réaliste (et l’envie irrésistible de les toucher), personne ne les verra en vrai, car elles n’existent qu’en ligne.

Si l’audience a l’impression d’avoir été trompée, Reisinger se félicitera, car c’est exactement l’intention recherchée.

« C’est là tout l’intérêt, n’estce pas ? Il s’agit d’être un peu troublant, de se demander si le terme “réel” a une quelconque pertinence. »

Andrés habille un magasin londonien (en haut à gauche), invite une clientèle poilue en devanture d’un magasin à New York (en bas à droite), et veut rendre méconnaissables les rues de Paris (en haut à droite) ou d’ailleurs.

L’Argentin, né en 1990 et désormais basé à Barcelone, a adapté la personnalité de chaque installation virtuelle à son emplacement : Paris est « raffinée et assez minimaliste », Tokyo « amusante, divertissante et explosive », Rome « représente l’incarnation de nombreuses époques teintées d’histoire et de glamour ». Chaque œuvre est realisée dans le même rose tendre distinctif qui, selon Andrés Reisinger, « est la couleur de nos organes, quelque chose qui fait que tous les humains se ressemblent ».

Ce clin d’œil à la notion collective témoigne de sa conviction que l’art numérique permet de démocratiser un espace souvent exclusif et de supprimer les barrières pour y accéder, car tout le monde ressentira les images de la même manière, où qu’il se trouve : « Il est en effet possible d’utiliser l’art d’une manière qui puisse être appréciée par tout le monde, à partir d’endroits disparates. »

En fin de compte, en transformant des lieux physiques très reconnaissables en quelque chose d’hyperréaliste et tout aussi onirique, Reisinger brouille les frontières entre le numérique et le réel. Mais il considère surtout Take Over comme un exercice visant à remettre en question notre interprétation de la réalité ellemême : « C’est un drôle de mot, ajoute-t-il. Il limite considérablement nos perceptions et nos expériences. Pour moi, les hypothèses, les doutes, les questions et l’engagement des gens sont une véritable expérience partagée en tant que communauté de toutes les parties du monde. Que l’œuvre d’art soit tangible ou non devient un élément secondaire. Elle crée un moment que nous vivons tous ensemble, et il n’y a rien de plus réel que cela. » Allez voir les installations virtuelles de Take Over sur Instagram : @reisingerandres

12 THE RED BULLETIN ANDRÉS
REISINGER, MARK COCKSEDGE RACHAEL SIGEE

THE MOST CAPABLE RARELY GO IT ALONE.

THE MOST CAPABLE RARELY GO IT ALONE.

11.10.22
AUSTRALIAN OUTBACK @BFGoodrichTires 11.10.22

BROODOO RAMSES

L’art du Blend

Le DJ parisien partage quatre titres qui ont posé les fondations de sa signature sonore.

Anthony Kitambala, aka Broodoo

Ramses, 24 ans, est l’un des DJs parisiens les plus audacieux et remarquables de sa génération. Connu pour ses qualités d’ambianceur et ses sélectas envoûtantes qui mêlent aussi bien jersey et rap que house ou garage, la brutalité de ses propositions reste pourtant aussi douce que le groove de Barry White. Membre de la famille Rinse France (une radio en ligne), Broodoo Ramses ramène sur le dancefloor son identité noire et queer avec ferveur et allégresse. Le DJ sélectionne une poignée de titres qui ont façonné son art du mix. soundcloud.com/broodoo-ramses

Jimi Hendrix

Voodoo Child (1968)

« Quand j’étais plus jeune, mon père écoutait tout le temps le même CD de Jimi Hendrix. Je me suis demandé lequel c’était et j’ai vu qu’il s’agissait de Voodoo Child. La symbolique m’a fasciné et je l’ai profondément assimilé. Quand je faisais du break au collège, on m’appelait “B-Boy Brooklyn”. Et comme j’étais fasciné par la culture vaudou, j’ai voulu mixer Brooklyn et Voodoo, ce qui a donné Broodoo. »

XXYYXX

Set it Off (2012)

« Jusqu’à la fin du collège, je n’écoutais pratiquement que du hip-hop et du R&B. Lors d’une soirée en 3 e , une pote avait mis des sons de XXYYXX sur YouTube, et Set It Off est passé. Ça m’a mis une grosse gifle. C’était la première fois que j’aimais de la musique électronique. Et quand j’ai appris que les vocalises étaient des samples de Get if Off par Monica… J’étais époustouflé ! Le monde s’est agrandi direct. »

Zaza Twins feat.

DJ Kenny

Instru coupé techno (2009)

« La France ne méritait vraiment pas les ZaZa Twins. La première fois que j’ai écouté ce morceau, j’ai crié ! Produire une instru de logobi avec des drums à la DJ Arafat et des synthés style Depeche Mode en 2009 ? On ne se rend pas compte du génie de ces deux gars ! Toutes les personnes qui ont connu le mouvement logobi dans les années 2000-2010 captent. Cette prod m’inspire énormément. »

N.E.R.D

Bobby James (2002)

« Au lycée, je m’identifiais au personnage de Bobby. Je prenais conscience de ma queerness. Assumer qui j’étais signifiait partir loin de chez moi et trafiquer pour survivre comme BJ. Il souffrait et paradoxalement je l’enviais parce qu’il était libre. Je me vois toujours un peu comme lui, un gars qui cherche de l’argent pour financer ses rêves. Mais je ne suis pas un junkie et je ne me laisse plus me tyranniser. »

14 THE RED BULLETIN BENJAMIN MANGUELE MARIE-MAXIME DRICOT
Scannez le code pour écouter les mixes de Broodoo Ramses.

DETOUR DISCOTHEQUE

Sa vie est une fête

Ancien directeur de publication, Jonny Ensall a quitté les bureaux pour la fête en créant des soirées uniques dans les lieux les plus reculés du globe.

La vie de Jonny Ensall bascule en mars 2023 lorsqu’il décide de démissionner : il est alors au sommet de sa carrière et travaille comme directeur de publication à Londres. Pourtant, une idée le taraude depuis quelques années : « Je ne trouvais plus de sens à mon travail, dit-il à propos de ses ambitions passées. Petit à petit, j’ai compris qu’il était plus intéressant de faire un truc qui me plaise réellement. »

Quel est ce « truc » qui passionne Jonny Ensall et auquel il croit dur comme fer ? Detour Discotheque – la boîte de nuit éphémère la plus reculée au monde. L’idée est simple : un nombre limité de fêtards et

fêtardes, des boules à facettes et des DJs internationaux, tout ça réuni le temps d’un week-end pour une soirée disco improvisée dans un lieu magnifique, le plus loin possible de la civilisation.

L’idée lui est venue en 2018 lors d’un voyage professionnel en Islande : bloqué par la neige dans le village de pêcheurs de Thingeyri, il atterrit, un peu par dépit, dans l’une des soirées traditionnelles organisées à l’UNIBALL, un club fréquenté par la population locale. Ce fut un vrai coup de cœur : « Tout le monde venait y danser, et ça a été pour moi comme un déclic. J’ai toujours été fasciné par la musique des

années 70, quand on aimait encore danser ensemble, avec les autres. J’ai voulu faire la même chose, dans un décor féerique. »

L’idée ne le quitte plus : elle devient réalité quatre ans plus tard, en 2022, avec le premier événement de Detour Discotheque – organisé justement dans le petit village de Thingeyri. Une soirée magique à la lumière des aurores boréales, avec un nombre restreint de personnes participantes. Certes, les obstacles furent nombreux – comme cette boule à facettes, la plus grosse au monde, qui s’est avérée presque impossible à transporter – mais le jeu en valait la chandelle : « Quand on a fermé la boîte le samedi, on a assisté aux premiers rayons du soleil qui perçaient derrière un fjord. Le public était heureux, on a dansé ensemble toute la nuit. »

Ce Londonien de 37 ans est actuellement dans les préparatifs de la deuxième édition, qui aura lieu au mois de septembre sur l’île de Coll, en Écosse. Cette petite île de deux cents âmes va bientôt voir doubler sa population : autant de noctambules s’y retrouveront le temps d’un week-end, pour un programme chargé – découverte de la vie sauvage, marché local spécialement créé pour l’occasion – dont la soirée disco sera évidemment le point d’orgue. Quand on lui demande s’il regrette d’avoir quitté son job à plein temps pour se lancer dans le monde de la fête éphémère, Jonny Ensall n’hésite pas : « Je savais que je n’avais rien à perdre. Et même si personne ne se pointait à ma fête, je pourrais dire que je l’avais fait. Sur le papier, mon idée pouvait paraître un peu débile. Mais c’est justement ce qui fait sa force : la plupart des gens n’oseraient pas. Mais moi, j’y ai cru. » detourdisco.com

16 THE RED BULLETIN HAUKUR SIGURDSSON ZOE BEATY

Dessine-moi ta souffrance

Cette illustratrice londonienne utilise son art pour exprimer ce que les mots ont parfois du mal à dire.

Des illustrations aux couleurs vives, qui montrent une femme en train de vaquer à ses occupations : assister aux réunions de travail, s’asseoir dans un café, faire la cuisine… Agglutiné autour de son ventre, un amas étrange et effrayant d’énormes tentacules blanches et noires : lorsqu’elles resserrent leur étreinte, la femme semble se tordre de douleur. Lorsqu’elles se relâchent, leur présence se fait plus discrète –sans disparaître. Ce monstre, dessiné par Justyna Green, c’est la maladie dont elle a été récemment diagnostiquée et qui affecte une femme sur dix : l’endométriose.

Cette illustratrice de 35 ans utilise son art pour décrire avec une précision saisissante les tabous et les maladies qui nous affligent et dont on a parfois du mal à parler. Les illustrations colorées de cette artiste londonienne frappent autant par l’optimisme qui s’en dégage que par leur efficacité à transmettre un message.

Il y a quelques années, alors qu’elle entamait sa carrière, Justyna Green a commencé à ressentir des douleurs insoutenables chaque mois, dans les premiers jours de ses règles.

Pendant les deux ans qui ont suivi, elle se souvient avoir eu beau­

coup de difficultés à mettre des mots sur ses symptômes, car l’endométriose est encore mal connue et souvent confondue avec un « syndrome prémenstruel, en pire ». À l’hôpital, le personnel médical lui demande de noter sa douleur de 1 à 10 : « Je ne pouvais pas noter ma souffrance. C’était comme si un truc énorme s’était emparé de mon corps et de mon esprit. »

Pour essayer de faire comprendre aux autres ce qu’elle ressent, Green crée RAW, un projet rattaché à son site web et dont l’objectif est de montrer au grand public ce que c’est de vivre avec cette maladie. « Je me sentais seule face à ma souffrance. Quand j’ai commencé à dessiner mes symptômes, j’ai réalisé que ce mode d’expression pouvait traduire de manière très concrète ce qui est parfois difficile à dire avec des mots. De nombreuses femmes se sont reconnues dans mes dessins. »

Depuis le début du projet RAW, Justyna Green s’est intéressée à d’autres maladies et à des questions sociétales comme la solitude ou la question d’avoir des enfants : « Ce sont des phases de la vie où l’on se sent seule et vulnérable, alors qu’il n’y a rien de plus humain. J’essaie de faire comprendre l’idée que la souffrance fait partie de la vie et d’aider ainsi les gens à faire davantage preuve de bienveillance. Les aspects les plus douloureux d’une expérience humaine sont transformés en une histoire pleine de couleurs, une histoire que l’on peut s’approprier pour essayer d’en arrondir les angles, de la rendre plus digeste. » justynagreen.com

THE RED BULLETIN 17 SAM ROSE LOU BOYD
De haut en bas : la célébration des « surfeuses qui déchirent » ; la mise en évidence du manque de représentation dans les postes de direction ; la lutte contre l’image corporelle et l’estime de soi. Ci-contre : l’artiste.

MICRO-FORÊTS

Arbres de compète

Elles annoncent depuis quelques années la reconquête végétale des espaces urbains : les micro-forêts émergent en Angleterre.

C’est un petit carré de verdure, pas plus grand qu’un terrain de tennis, coincé entre les locaux de la BBC et le terrain de football des Queens Park Rangers, à l’ouest de Londres – et pourtant : pas moins de 600 arbres y ont été plantés.

Dans quelques années, cette friche sera métamorphosée en une magnifique (petite) forêt luxuriante : c’est le miracle des tiny forests. En à peine deux ans, ce sont près de 200 de ces micro-forêts qui ont été plantées outre-Manche dans le cadre du projet mené par l’association Earthwatch. Le but : utiliser chaque recoin disponible pour faire entrer la nature dans la ville, grâce à une méthode spéciale de crois-

La micro-forêt de Trym Valley (Bristol) a été plantée en février 2021 (en haut) ; des bénévoles de tous âges participent au projet.

sance accélérée. Louise Hartley, qui a mené l’un de ces projets, explique pourquoi il est important d’agir, même à si petite échelle : « On se sent démuni·e face à l’ampleur des défis auxquels notre planète est confrontée. Les micro-forêts apportent des résultats tangibles et immédiats face à la bétonisation des espaces, la hausse des températures et la perte de la biodiversité. »

Effet bonus : le havre de paix et le plaisir visuel qu’elles procurent, dans des espaces urbains surchauffés et bruyants. Mais pour qu’elles puissent survivre au milieu des villes, il est indispensable que ces micro-forêts poussent vite. « On utilise une méthode

spéciale mise au point par le botaniste japonais Akira Miyawaki dans les années 70, explique Louise Hartley. Les arbres sont plantés très près les uns des autres – tous les 30 centimètres environ. Ce plan serré favorise la compétition entre eux et donc leur croissance. Et nous choisissons des espèces d’arbres locales, car ils vont s’adapter plus vite au climat, au sol et à l’environnement, et ainsi pousser plus vite. Nous avons planté notre première microforêt à Oxfordshire en 2020 et aujourd’hui, la plupart des arbres ont déjà atteint leur taille adulte. D’ici cinq ans, on pourra se promener à l’ombre des arbres. »

Les micro-forêts se retrouvent aujourd’hui aux quatre coins du Royaume-Uni. Il faut dire que le concept est économe en termes financiers et humains : une équipe de vingt à trente personnes suffit pour la planter, et l’on compte suffisamment de volontaires pour assurer l’arrosage et l’entretien des premiers mois, en attendant que la forêt puisse s’auto-gérer.

Mais le premier avantage de ces touffes de verdure, c’est qu’elles peuvent s’immiscer un peu partout et transformer notre cadre de vie bétonné en un véritable vivier de faune et de flore. Elles se développent dix fois plus vite qu’une forêt « traditionnelle », et permet de réduire la température de 0,5 à 2 °C, ce qui est particulièrement bénéfique en zone urbaine. « Les feuilles tombées par terre vont créer un humus qui va enrichir le sol, certains arbres mellifères vont attirer les abeilles tandis que d’autres seront un havre pour les animaux et les oiseaux. »

Avec un objectif de cinq cents micro-forêts plantées au Royaume-Uni d’ici 2030, on peut se réjouir de revoir enfin un peu de vert (et de vie) dans les villes. tinyforest.earthwatch.org.uk

18 THE RED BULLETIN LEWIS PIDOUX, TINY FORESTS RACHAEL SIGEE

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Cardada Cimetta

Le père combattant

Considéré comme le boss de la communauté des jeux de combat en France, Aboubakary, fondateur de l’UFA, a réussi à créer un moment de partage pour les passionné·e·s.

Novembre 2022 à Paris. L’Ultimate Fighting Arena (UFA) rassemble plus de 1 400 fans de tous les jeux vidéos de combat pendant un weekend, pour s’affronter sur leurs jeux préférés. Parfois, la tension monte ; des attroupements se forment qui félicitent un player à chaque belle action réalisée.

Seuls ces attroupements indiquent que certains joueurs sont des champions reconnus dans le monde entier dans leur discipline. À l’UFA, il n’y a pas de distinction entre eux : les amateurs du dimanche jouent aux côtés des professionnels. C’est ça, l’esprit des jeux de combat. Plus qu’un tournoi, l’UFA est devenu un véritable moment de partage entre passionné·e·s, un « festival », comme le décrit son créateur Aboubakary Camara, surnommé « Abou ». Au cours de l’événement, ce dernier est aperçu en train de graviter entre les scènes. Pas le temps de souffler : il doit être là pour régler tous les soucis. « Même les détails sont importants pour moi, parce que c’est ça qui nous différencie des autres tournois ! »

Pour Abou, l’UFA est l’aboutissement d’une longue carrière. Il s’est battu pour faire naître cet événement en 2017. « Tu te dis qu’avec tes mains, t’as créé ça… Tu te sens utile. Qu’il y ait des gens qui ont passé un bon moment alors qu’ils avaient peut-être d’autres problèmes. Qu’ils les ont oubliés et ont créé de beaux souvenirs ! C’est hyper satisfaisant », s’exclame-t-il. Abou est un geek qui ne tient pas en place. Il est volontaire, plein d’idées et d’enthousiasme. Ce sont ces qualités qu’il met

au service de sa passion de toujours, les jeux de combat. Il commence à y jouer sur la Super Nintendo de son salon quand il est ado, dans les années 90, mais part très vite à la rencontre de sa communauté. Il dispute des tournois locaux sur Street Figher II, dans des hangars ou des salles d’écoles improvisées en arènes de combat pour l’occasion.

Dès 2007, Abou participe à l’organisation de tournois qu’il souhaite plus carrée et pro. « Abou, c’est le patron de toute la communauté des jeux de combat en France, estime son collègue de bureau de Gozulting, Luciqno. Il connaît tous les jeux et a l’œil pour savoir ce qui va marcher ou non. Pour l’UFA, il prend toutes les décisions. Nous, on est son bras armé. »

Abou affiche un sourire gêné : « Je ne dirais pas que je suis le patron ! Pas du tout. En revanche, oui, j’essaie de faire bouger les choses, de montrer qu’on peut faire de gros événements. Aujourd’hui, tu parles de compétitions de jeux vidéo, t’es obligé de citer la France ! On a cette réputation de public, d’ambiance… On a des gens comme Kameto qui viennent et transmettent leur passion au-delà du jeu », ajoutet-il humblement. S’il est devenu un pilier de l’esport, c’est grâce à un travail et une persévérance à toute épreuve. En 2012, il cofonde Game Line, car sa vision diverge du reste de l’association. À l’époque, la plupart des événements sont entièrement gérés par des bénévoles et manquent de professionnalisme. Abou ne veut pas s’en contenter.

« Je veux que les gens jouent dans les meilleures conditions, car c’est ça que je voudrais en payant ma place. »

Avec cette association, il fait la même chose, mais « en plus gros ». L’équipe passe d’événements régionaux à des nationaux, puis à l’international, avec un rythme intenable qui le motive à cofonder une boîte d’événementiel pour en faire son métier en 2016. Une décision qui n’est pas sans risques. « J’ai mis ma vie de côté, l’asso ne tenait plus parce qu’on faisait trop de trucs, se souvient-il. Le rythme, c’était presque du 24h/24. C’était beaucoup de pression, sans être toujours valorisé. Mais j’aimais ce que je faisais. » Abou s’associe alors avec deux associés pour fonder Ana Event. Ils obtiennent des missions, mais pas assez pour générer assez de revenus. Au bout de quelques mois, ses deux associés décident d’arrêter les frais, mais lui continue de tenter de faire sa place dans l’événementiel esport, malgré la précarité du milieu. « Cette période de ma vie était super dure. Mes proches m’aidaient pour payer mes loyers et la nourriture, j’allais à la banque alimentaire… Il y a des moments où j’ai pensé à reprendre mes études… » Il accepte toutes les missions qu’il peut à prix cassés. « Je voulais me prouver à moi-même que j’en étais capable. Le plus dur, c’est qu’on accepte de te laisser ta chance. Une fois cela possible, les gens sont revenus vers moi pour d’autres missions… Ça s’est débloqué d’un coup et depuis, ça ne s’est jamais arrêté ! » Pour lui, le jeu de combat est la meilleure porte d’entrée à l’esport. Pourtant, il fait partie des genres de jeux compétitifs les moins médiatisés. Mais la communauté impressionne par son énergie. À l’UFA, les joueurs se mêlent aux champions, qui échangent avec des tonnes de bénévoles passionné·e·s. L’UFA n’aurait pas le succès mondial dont il se targue aujourd’hui sans eux. « On dit que j’ai créé l’UFA, mais la vérité c’est qu’il existe grâce à un travail collectif, explique Abou. Ce sont tellement de personnes qui ont fait des nuits blanches pour que ça tourne ! Grâce à eux, on a créé le plus grand rassemblement des fans de jeux de combat en Europe. Il faut montrer qu’il y a un vrai intérêt et qu’il y a de belles valeurs à transmettre ! » Twitter : @GL_Abou

Aboubakary Camara
Texte EVA MARTINELLO Photo ELLIOT LE CORRE
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THE RED BULLETIN 21
« L’UFA existe grâce à un travail collectif. »

Un ciel pour toutes

Jusqu’à vous dire que vous n’en êtes pas une…

Oui et c’est assez révélateur. J’en avais tellement marre qu’on me prenne pour un mec, sous-entendu une fille ne peut pas voler à ce niveau-là, que je vole avec une voile rose ! Au moins je suis identifiable !

Être la première femme à passer des figures de référence, ça aide ?

Quand on googlise la Franco-Néerlandaise de 22 ans, on tombe en premier sur une vidéo qui a fait le buzz.

« C’était à Oludeniz en Turquie fin 2021, j’essayais une nouvelle manœuvre mais quand je l’ai enclenchée, je me suis emmêlée dans les suspentes. J’ai simplement dû tirer mon deuxième parachute de secours car le premier ne s’est pas ouvert. Rien de sensationnel quand on est pilote acro ! » La double championne de France de parapente acrobatique (2021 et 2022) classée meilleure mondiale en 2022, s’étonne que l’on parle plus de cet incident que de sa capacité métronomique à enchaîner les titres. L’athlète Suunto est aussi voire plus performante que les garçons dans un sport très récemment et rarement investi par les femmes…

the red bulletin : De quand date votre entrée sous les suspentes ? maud perrin : Je suis originaire de Chartreuse, grand fief du vol libre, et j’ai commencé à voler à 10 ans, avec mon père en tandem. Puis, j’ai fait mes premiers vols solo cinq ans plus tard. Je suis passée par toutes les étapes classiques de l’apprentissage et il y a peu, je suis retombée sur des vidéos de moi à cette époque : je me suis trouvée vraiment très mauvaise. Preuve que n’importe qui peut pratiquer ce sport !

Quand s’est fait le déclic de l’acro ?

Vers 17 ans, j’ai commencé à faire plus de volume, à me concentrer sur les figures et à aller régulièrement en Espagne, à Organyà, près d’Andorre.

Là-bas, c’est le paradis : le matin, je fais du vol rando, 1 h 30 de marche et retour en parapente et l’après-midi, je peux faire un run toutes les dix minutes, jusqu’à quarante vols par jour. L’hiver, je suis à Chamonix où à côté de la quinzaine de vols quotidiens, je fais du speedriding. Ensuite, il y a la demi-douzaine de compétitions qui se déroule principalement en Europe entre juin et octobre.

Pour arriver à faire un podium en Coupe du monde, quelle est la figure de référence ?

On est d’abord noté·e·s sur notre prestation d’ensemble : la chorégraphie, la technique et le posé. Mais dans ce tableau, les figures twistées avec des séries de rotations valent beaucoup de points. Comme le Stall to Infinity ou l’Infinity Tumbling.

Vous avez été la première à passer ces figures engagées, qui vous placent au niveau des hommes… En parapente, il n’y a pas tellement de différence entre les hommes et les femmes. Ça sollicite les organismes de la même façon. On passe tous par les mêmes phases de progression-régression-frustration, on essaie tous les mêmes figures, à tel point qu’il existe un classement mixte en parallèle d’un classement féminin.

Est-ce important de conserver un tel classement ?

Oui, c’est bien qu’on soit visibles, déjà qu’on est très peu, six ou sept contre une trentaine de garçons. Après, je trouve que l’ambiance est globalement bienveillante, peut-être parce que j’ai su choisir mon entourage. On m’a toujours considérée comme une athlète, pas comme une fille.

Ça fait qu’on est plus respectée, mais ça décrédibilise aussi la figure. J’ai lu sur les réseaux sociaux : « Oh, si elle a réussi un Infinity Tumbling, c’est qu’on peut le faire aussi ! » Je fais en sorte que ce genre de réflexions ne m’impactent pas. Et plus on excellera, moins on en entendra !

Il faut inspirer d’autres femmes ?

Oui, c’est important d’inciter d’autres filles à se lancer, à briser ces fameuses barrières psychologiques, et tout ce qu’on nous a inculqué depuis toute petite. Leur dire surtout que c’est un sport génial et accessible. Comme je le disais, quand je me revois à mes débuts, c’est une catastrophe ! Je ne suis pas différente des autres.

À côté du parapente, vous préparez vos arrières ?

Oui, je suis en formation de management à Grenoble, avec des cours étalés sur quatre ans, ce qui me permet de m’entraîner. Car même si les études de commerce sont un bon backup, mon principal objectif est de vivre de ma discipline, et ça commence à venir avec les sponsors.

Suunto est l’un d’entre eux. C’est envisageable aujourd’hui de voler sans montre ?

Impossible de s’en passer : grâce à ma montre Suunto Vertical, je peux suivre en temps réel toute ma préparation physique entre vols randos et séances de musculation. Je peux voir ma progression. Le nouveau modèle a aussi pleins d’outils, dont un vario et une carto, qui permettent de se repérer dans l’espace. Je me demande si ça peut prendre en compte les G qu’on se prend dans les rotations… Je vais me renseigner !

Instagram : @maud.perrin

Maud Perrin
Texte PATRICIA OUDIT Photo NOA BARRAU
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La meilleure athlète mondiale en parapente acrobatique (ou acro) nous explique à quel point il est important que d’autres femmes investissent les airs.
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« Je ne suis pas différente des autres. »

Un cœur en or

Arnaud Assoumani, quintuple médaillé paralympique, est un homme porteur de valeurs et d’idéaux d’inclusion et d’égalité, qui vont bien au-delà de son handicap.

À l’approche des jeux de Paris 2024, l’athlète de 37 ans, spécialiste du saut en longueur et du triple saut, né avec un seul avant-bras, porte haut et fort son combat. Il espère, avec ses projets qui allient innovation, sport et art, changer le regard que le public porte sur le handicap. Rencontre avec l’homme aux prothèses futuristes.

the red bulletin : Arnaud, vous avez cinq médailles olympiques à votre palmarès, dont une en or, et deux titres de champion du monde. Pour la première fois lors de jeux de Paris 2024, il y aura une seule équipe de France, incluant les athlètes paralympiques… Est-ce un progrès ? arnaud assoumani : Oui, certainement. Néanmoins, avoir une seule équipe est normal à nos yeux, même s’il faut encore faire la distinction devant les médias, les entreprises, et les enfants pour leur expliquer.

Vous êtes un cas à part sur ce sujet…

Oui, car je suis à la fois intégré à la fédération d’athlétisme et à la fédération handisport. Il y a le Comité olympique et le Comité paralympique, ce sont deux marques différentes, et c’est aussi très politique. Par exemple, jusqu’alors, je n’avais pas le droit de porter le logo des JO, au risque de me faire virer du village olympique, mais pour la première fois on aura un logo unique ! Par ailleurs, nous n’avons du direct télé pour les jeux paralympiques que depuis 2014 pour les jeux d’hiver, et 2016 pour les jeux d’été.

Au quotidien, vous voulez sensibiliser les gens au handicap, en étant très proactif. Les futurs jeux olympiques sont-ils une opportunité en or pour véhiculer votre message ? Énormément de tabous persistent en France au sujet des personnes en situation de handicap, on ne se rend pas compte à quel point. Avec les JO 2024, on a l’opportunité de gagner dix ans d’avancée en termes de perception et de mentalités.

« Performer et changer les mentalités », voilà qui a toujours été votre état d’esprit. Être le meilleur, est-ce la condition sine qua non pour se faire entendre ? Malheureusement, la société est faite de telle sorte que si vous avez des résultats et que vous êtes crédible, on va vous donner la parole, alors qu’il devrait en être autrement. On est loin d’une égalité de traitement, car on est cachés le reste du temps.

Quelle est votre approche de la compétition ?

La compétitivité, à mes yeux, c’est quelque chose d’hyper sain, ce n’est pas fait pour écraser mais pour apprendre à s’améliorer. Ça permet de se recentrer sur soi, de comprendre qui on est à travers sa discipline, physiquement et mentalement.

Quels projets menez-vous pour inspirer les gens et lutter contre les discriminations ?

Je suis ambassadeur, aux Comores, de l’association PLAY International. Je les soutiens depuis de nombreuses années car ils ont un projet dédié à l’innovation sociale par le sport. Je suis aussi impliqué auprès de Diversidays, une association d’égalité

dans la tech (inclusion numérique, ndlr). Et j’ai mon projet entrepreneuriat social, Bras d’Or, Bras d’Art. Tout cela requiert beaucoup de travail et d’énergie, mais c’est nécessaire.

En quoi consiste Bras d’Or, Bras d’Art ?

Il y a deux volets dans ce projet. Le premier est avec Dimitry Hlinka, designeur (et lauréat du prix Bettencourt pour « L’intelligence de la Main », Dialogues, 2020, ndlr), dont le travail met en relation artisanat et innovation en vue de questionner le rapport au corps et la différence dans la sphère publique. Le second volet, c’est avec l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI – Les Ateliers, ndlr) et l’université de Chiba au Japon, avec qui l’on a établi un partenariat en 2021.

Quel en est l’objectif ?

Les étudiant·e·s doivent réfléchir à des solutions design et ergonomiques pour des personnes à qui il manque un membre, en travaillant dans un contexte donné, car une partie du handicap est avant tout situationnelle.

Comme lorsque l’on se blesse ou que l’on prend de l’âge ?

Tout à fait. Il y a toute une pédagogie et une déconstruction à faire sur ce sujet. Chacun et chacune d’entre nous peut se retrouver en situation de handicap à un moment de sa vie. Il faut pouvoir traiter les vulnérabilités des gens quelle que soit leur condition. Si l’on modifie l’environnement ou que l’on crée des objets inclusifs, on répond à la problématique d’un individu tout en améliorant les conditions de celles et ceux qui n’ont pas de handicap.

De quels objets parlez-vous ?

Ça irait du vêtement à la prothèse d’urgence, à 35 € au lieu de 1 000 €, en kit pour des zones propices aux catastrophes naturelles. Mais avant tout, on prendra la parole dès l’arrivée des JO, car c’est une formidable opportunité pour faire évoluer les choses. Pas juste pour les personnes handicapées. Les enjeux d’accessibilité touchent toute la population.

Instagram : @arnaudassoumani

Arnaud Assoumani
Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photo THÉO SAFFROY
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« On peut tous et toutes être en situation de handicap. »

TOUR DE FORCE

Comment le cycliste belge et altruiste

WOUT VAN AERT repousse et dépasse ses limites, en gardant le contrôlable sous contrôle. Et en se/nous faisant plaisir.

Texte PETER FLAX Photos GIANFRANCO TRIPODO
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Allez ! Le cycliste pro et flamand Wout van Aert, 28 ans, grimpe comme qui rigole une route en Sierra Nevada, Espagne.

Wout van Aert sort tout juste d’une séance de vélo de cinq heures avec 3 500 mètres de dénivelé sous une chaleur de plomb dans les montagnes de la Sierra Nevada, en Espagne. Mais il ne trahit aucune fatigue : pour le coureur professionnel belge, cette anodine séance d’entraînement sert simplement à entretenir et consolider sa forme. Et c’est justement le fait d’accumuler ce genre de sessions qui le rend si redoutable lors des courses les plus importantes du calendrier.

Nous sommes à la mi-mai, environ un mois après la fin de la campagne du coureur flamand dans les prestigieuses classiques du printemps. Mais pas le temps d’aller savourer un cocktail sur la plage : Wout s’est déjà remis en selle, encore et toujours à pédaler derrière le prochain objectif. Celui pour lequel van Aert vient de rejoindre ses coéquipiers de Jumbo-Visma, c’est la préparation au Tour de France, qui partira de la ville basque de Bilboa le 1er juillet prochain.

« Je n’aurais rien contre un petit tour à la plage, évidemment, mais on est en plein milieu de saison, explique van Aert, 28 ans, interrogé sur ses objectifs actuels. On recommence sérieusement à se préparer pour l’été. On ne s’entraîne pas de la même manière pour une course comme le Tour de France que pour les courses d’un jour. L’idée de ce camp est de développer une base solide pour tout l’été. »

Le cyclisme professionnel s’appuie sur des recettes éprouvées et l’une des tendances qui a défini l’ère moderne de ce sport est la spécialisa-

tion. Depuis les années 80, les enjeux sont plus importants. Les méthodes d’entraînement ont évolué. Dans chaque discipline, les courses majeures sont dominées par des coureurs au profil bien défini, qu’ils soient grimpeurs, sprinteurs, rouleurs ou puncheurs.

Van Aert fait partie de ces rares cyclistes qui ont tordu le cou à ce paradigme. Il apparaît sur la scène du cyclocross comme un vrai phénomène, aussi doué que travailleur, capable de remporter les championnats du monde dans une discipline qui exige autant de compétences techniques qu’une énorme puissance. Et il ne démérite pas.

Puis, au cours de ces cinq dernières années, Wout van Aert n’a cessé de repousser ses limites, relever de nouveaux défis et gagner des courses quel que soit leur profil, devenant une figure incontournable des classiques du printemps les plus impitoyables. Plus récemment, il a fait mainbasse sur le Tour de France, gagnant des étapes en défiant toutes les prédictions, autrement dit en battant les spécialistes sur leur propre terrain.

Van Aert, qui affirme que cette polyvalence exceptionnelle est venue naturellement, sans projet à long terme de passer l’année au plus haut niveau, pense que cette métamorphose ne s’explique pas uniquement par son talent ou ses efforts.

« Le plus important, c’est que je ne me fixe aucune limite. Je ne me dis jamais ça, c’est impossible, explique-t-il à propos de ses exploits à contre-courant sur le Tour de France. Je suis toujours resté ouvert, j’ai toujours voulu tenter des trucs. Beaucoup ne tentent rien parce qu’ils ne s’en croient pas capables. »

Wout van Aert
« La seule façon de découvrir les limites du possible est d’aller au-delà, dans l’impossible. »
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Arthur C. Clarke, écrivain-futurologue

Sur son bras gauche, un souvenir d’une chute à vélo quelques minutes avant notre prise de vue. Il a connu pire, et s’en est toujours remis.

Wout et ses copains de l’équipe Jumbo-Visma passent gentiment en mode Tour de France sous le soleil de l’Andalousie.
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« Le Tour, c’est la plus grande course au monde. »

Wout van Aert

Vers l’excellence

L’histoire de cette légende du cyclisme commence (comme tant d’autres) dans les Flandres, en Belgique. Van Aert naît et grandit à Herentals, petite bourgade près d’Anvers. Ici, le cyclisme est une véritable institution, largement plus populaire que le foot. Son père est un coureur amateur assez doué, le petit Wout participe à sa première course à l’âge de 6 ans. Une chute le fait arriver bon dernier, mais il a déjà contracté le virus de la petite reine.

Van Aert précise qu’il n’était pas du genre à accrocher les posters de ses cyclistes préférés dans sa chambre, mais avait tout de même quelques idoles, des légendes locales du cyclocross comme Bart Wellens ou Erwin Vervecken, qui se sont partagés cinq championnats du monde entre 2001 et 2007. « Quand je me suis mis au vélo, ces deux-là faisaient partie des meilleurs. Je les regardais tous les weekends à la télé, c’était super motivant, explique Wout. Et des fois, je les croisais même pendant que je roulais, ou je me mettais dans leurs roues à l’entraînement. Ce genre de trucs, pour un gosse, c’est magique. »

Van Aert, qui sort du lot dès son adolescence par son énorme puissance et son intelligence tactique, s’établit comme un talent de classe mondial en 2012 en finissant deuxième au championnat du monde de cyclocross junior qui a lieu cette année-là en Flandre-Occidentale. Il partage le podium avec un ado néerlandais nommé Mathieu van der Poel qui l’a battu de huit secondes. C’est le début d’une rivalité qui continue de faire des étincelles encore aujourd’hui et est déjà considérée comme l’une des plus grandes de l’histoire du cyclisme.

En grandissant, les deux ados vont dominer la scène du cyclocross mondial, se poussant continuellement vers l’excellence. À ce jour, van Aert est triple champion du monde et a remporté trois fois le classement général de la coupe du monde. Des statistiques qui ne permettent pas vraiment de saisir ce talent hors du commun qui aurait pu devenir la prochaine légende du cyclocross.

Mais rien ne s’est passé comme prévu. « Ce n’était pas vraiment un plan, c’est venu tout seul, expliquet-il à propos de sa transition vers le cyclisme sur route. Je me cantonnais au cyclocross mais j’ai fait une ou deux courses en ligne pour m’entraîner, et j’ai vu que là aussi, j’avais de bonnes sensations. Alors je me suis dit : “Et si je tentais les classiques printanières ?” »

Quand on lui demande d’expliquer la différence entre cyclocross et course en ligne, van Aert nous

fait un petit topo. « Une course de cyclocross dure environ une heure et on y va plein gaz dès le départ, commence-t-il. La plupart du temps, c’est une bataille contre soi-même, on essaie de faire la course le plus vite possible sans commettre d’erreur. »

Sur la route, c’est une autre histoire. « Ça peut durer six ou sept heures, poursuit-il. Il y a des portions plus simples, il faut bien se caler dans les roues des autres et garder des forces pour le final. Mais il y a toujours un moment où la course explose, donc on a besoin d’un plus gros moteur pour tenir en longueur. C’est plus une histoire de résistance à la fatigue. Le final se joue souvent en fonction de celui qui a en gardé un peu plus sous le capot. »

Ni les commentateurs ni les pros du peloton ne croyaient van Aert capable d’avoir assez d’endurance pour jouer les derniers instants des grandes classiques de printemps, surtout face à des pros de la route habitués à des distances plus longues et n’ayant pas participé à un calendrier de cyclocross intense entre septembre et février.

Ils se trompaient lourdement : au cours de sa première partie de saison sur route en 2018, van Aert termine dans le top 10 des grandes classiques d’un jour comme les Strade Bianche, le Gand-Wevelgem et le mythique Tour des Flandres. Il continue sa progression et 2020 est l’année de tous les records pour le Belge qui remporte les Strade Bianche et Milan-San Remo puis termine deuxième du Tour des Flandres et récolte l’argent au championnat du monde. En trois ans, il est passé de l’anonymat le plus complet à la reconnaissance internationale.

Wout avait déjà dépassé toutes les attentes, mais il allait encore confirmer l’étendue presque infinie de son potentiel lors de sa première participation au Tour de France.

Dix victoires sur le Tour

Van Aert explique hilare que celle-ci s’est faite « un peu par hasard » : un de ses coéquipiers de JumboVisma jette l’éponge peu avant le début de la course, le Flamand le remplace donc au pied levé sans préparation ni entraînement spécifique. Pourtant, le Tour 2019 démarre très bien. Lors de la dixième étape, van Aert entame le dernier kilomètre au sein d’un peloton réduit à une trentaine de coureurs et coiffe les purs sprinteurs au poteau pour s’imposer en tête.

Il va vite comprendre que remporter une étape du Tour vous fait entrer dans une nouvelle dimension. « C’est la plus grande course du monde, toute votre vie en est changée, dit-il. Quand on gagne, les médias vous sautent dessus de la ligne d’arrivée jusqu’à votre chambre d’hôtel. J’ai reçu des tonnes de messages et d’appels, comme si le monde entier me regardait. »

Mais l’euphorie prend brusquement fin quelques jours plus tard lors d’un contre-la-montre où van Aert accroche une barrière mal placée dans un virage et se blesse grièvement à la cuisse, ce qui l’oblige à mettre un terme à sa saison (il ne pourra remarcher qu’à l’automne). Une terrible chute qui a failli mettre fin à sa carrière. Par chance, il se rétablira complètement.

« Il faut se concentrer uniquement sur les choses que l’on peut contrôler. »
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« Porter le maillot jaune, c’était déjà réaliser un rêve de gosse. »

Ci-dessus : Wout est vert, le 20 juillet 2022, à Peyragudes, sur le 109e Tour.

Droite : le Jumbo-Visma Jonas Vingegaard (gauche) en vainqueur sur les ChampsÉlysées, accompagné de van Aert (centre) et Christophe Laporte.

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« Je ne me dis jamais : “Ça, c’est impossible.” »

Quatre ans plus tard, van Aert compte désormais dix victoires sur le Tour, un palmarès remarquable vu les différents profils d’étapes remportées et le fait qu’il roulait en plus comme domestique pour ses coéquipiers qui jouaient le classement général. Jumbo-Visma est l’équipe la plus dominante du cyclisme, l’équivalent de Red Bull Racing en Formule 1. Trouver un équilibre entre gloire personnelle et responsabilités au sein de l’équipe est donc tout sauf simple. Chaque fois que van Aert était sur le Tour, un de ses coéquipiers a fini sur le podium à Paris.

Quand on lui demande de citer ses victoires les plus mémorables sur la Grande Boucle, deux lui viennent aussitôt à l’esprit : la première lors de la onzième étape en 2021, marquée par une double ascension du légendaire mont Ventoux. Pour un coureur de son gabarit, plus connu pour sa puissance que pour ses talents de grimpeur, c’était un exploit d’extraterrestre.

Son plan de départ était simple : participer à l’échappée du jour et advienne que pourra. Van Aert se contente de doser ses efforts. Mais petit à petit, il lâche un à un ses compagnons d’échappée et résiste au retour des cadors du classement général pour décrocher la victoire. « J’avoue que j’étais le premier surpris de pouvoir remporter l’étape comme ça », admet-il.

Seconde victoire mémorable, celle de l’année dernière lors de la quatrième étape, alors qu’il porte déjà le maillot jaune (celui de leader au classement général) depuis deux jours. « Porter le maillot jaune, c’était déjà réaliser un rêve de gosse pour moi, raconte-t-il. Mais on n’a pas l’habitude de voir le maillot jaune attaquer pour gagner une étape en solo. » C’est pourtant ce que fait le diable belge qui profite d’une côte très raide en fin d’étape pour lancer une attaque si tranchante que personne ne peut le suivre. Il s’envole vers la victoire en solitaire, et, ivre de joie, mime le vol d’un oiseau avec ses bras sur la ligne d’arrivée.

Van Aert emballe son Tour 2022 avec trois victoires d’étape, le maillot vert du meilleur sprinteur et le prix de la combativité qui récompense les attaquants les plus agressifs. Cerise sur le gâteau, son coéquipier Jonas Vingegaard arrive à Paris avec le maillot jaune sur les épaules. « C’est le genre d’accomplissement qui me rend le plus fier, déclare-t-il. Ça ne m’intéresse pas trop de gagner trois ou quatre fois la même course. Je préfère tenter de nouveaux trucs, relever des défis inédits. »

« Ik fiets focus »

Mais rien n’est jamais simple, même pour l’un des champions du monde les plus talentueux et les plus décorés. Cette année, les classiques du printemps l’ont mis face à de nombreux défis et à la maîtrise dont il fallait faire preuve pour les relever. Pas facile d’être toujours au top quand on vous attend au tournant et que l’on fait face à des adversaires aussi remarquables qui s’entraînent jour et nuit et luttent sans relâche pour la victoire. Il faut une grande force mentale. Encore ado, van Aert avait difficilement géré la pression lors du championnat et réalisé qu’il avait besoin d’aide.

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Wout van Aert
Vous risquez de revoir ce visage cet été si, fidèle à lui-même, Wout van Aert nous offre du « spécial ».

Wout

Il décide alors de consulter un coach mental, Rudy Heylen. « C’était moins facile pour moi à l’époque de gérer le stress d’un championnat, explique van Aert. L’une des plus grandes leçons que Rudy m’ait apprises est qu’il faut se concentrer uniquement sur les choses que l’on peut contrôler. Penser à la météo ou à ses adversaires est une perte d’énergie. J’ai donc commencé à me répéter ce mantra : Ik fiets focus (trad. Je pédale concentré, ndlr) pour me concentrer sur moimême plutôt que de me dire que c’est trop dur, qu’il reste encore cinq tours ou que j’ai fait une erreur. » Un coaching mental qui a énormément aidé van Aert à gagner des courses prestigieuses et à relativiser les courses qui ne se sont pas déroulées comme il le souhaitait, tout en restant concentré sur les choses qu’il peut contrôler, comme son sens tactique et sa générosité dans l’effort. En 2017, van Aert coécrit un mémoire sur son ascension au sommet du cyclocross qu’il intitulera Ik fiets focus. « Oui, c’est plus facile à dire qu’à faire », admet-il volontiers. Sa première partie de saison en est un parfait exemple : nul doute que van Aert restera connu dans l’histoire du cyclisme pour avoir cumulé en ce début d’année les résultats les plus impressionnants que l’on peut pour autant qualifier de « décevants ». Sur les cinq classiques auxquelles il a participé, van Aert a terminé troisième, premier, deuxième, quatrième et troisième. S’il a raté de peu les trois courses les plus importantes (Milan-San Remo, le Tour des Flandres et Paris-Roubaix), il était à chaque fois tout près du but, séparé de la victoire par quelques secondes ou un coup du sort, battu par van der Poel, son éternel rival ou par Tadej Pogačar, le nouveau cannibale. Dans chacune des ces courses mythiques, le trio étaient largement au dessus du lot.

« C’est toujours les mêmes qui se retrouvent dans le final, c’est vraiment très particulier », explique van Aert qui reconnaît la force de ses rivaux. C’est déjà énorme d’être là. Mathieu et Tadej sont deux athlètes exceptionnels.

La rivalité entre van Aert et van der Poel a fait couler beaucoup d’encre au printemps dernier. Filmés par les caméras alors qu’ils attendent côte à côté sur un canapé en coulisses la montée sur le podium à Milan-San Remo, la tension et le malaise entre les deux hommes sont palpables. Van Aert a par la suite concédé qu’il ne serait jamais ami avec son grand rival. Deux mois plus tard, en Espagne, il s’interroge sur la compétition et l’amitié dans les courses.

« Je pense qu’il faut respecter tous ses concurrents, surtout ses plus grands adversaires. C’est important de pouvoir se serrer la main après une course, parce que vos rivaux s’entraînent eux aussi à fond et se donnent à 100 % pour atteindre ce niveau.

Mais l’amitié, pour moi, c’est autre chose. Et je ne crois pas que je pourrais me battre contre un ami. »

Un sens profond de l’amitié et de la compétition qui se manifesteront quelques semaines plus tard lors du Gand-Wevelgem. Van Aert domine son sujet et s’échappe sur les cinquante derniers kilomètres

avec son coéquipier, le Français Christophe Laporte. Sous une pluie battante, les deux coureurs de la Jumbo-Visma résistent au retour des poursuivants et sur les derniers mètres, van Aert laisse son coéquipier franchir la ligne d’arrivée en tête. Plusieurs légendes du cyclisme belge critiqueront ce geste, estimant que les vrais champions ne devraient pas faire ce genre de cadeaux.

Mais van Aert se soucie peu de savoir s’il se retire avec un titre de Gand-Wevelgem (déjà remporté en 2021) en plus ou en moins. « Pour moi, c’est comme si on avait gagné la course ensemble. J’étais vraiment surpris que ça fasse autant jaser. On est très proches, Christophe et moi, se battre aurait eu un goût amer. Je pense que cette victoire comptait beaucoup plus pour lui que pour moi et c’était génial de pouvoir lâcher le peloton avec un coéquipier et de rouler à l’avant pendant 50 km. Je n’ai aucun regret. Pour moi, ça restera une journée inoubliable. » Sa plus grosse déception viendra deux semaines plus tard lors du Paris-Roubaix, sa dernière classique du printemps. Van Aert apparaît clairement comme le plus fort dans le peloton, mais victime d’une crevaison sur l’un des derniers secteurs pavés, il ne peut suivre van der Poel qui remporte une victoire éclatante en solitaire. Van Aert admet qu’il a d’abord trouvé sa troisième place « assez décevante ». C’est dur de subir une telle pression puis de perdre une course aussi cruciale à la suite d’une défaillance mécanique. Mais une semaine plus tard, après avoir pris le temps de réfléchir à ses priorités et à son mantra qui consiste à contrôler ce qui est contrôlable et à lâcher prise sur tout le reste, il a vu les choses sous un autre angle.

« Aujourd’hui, je suis fier du niveau atteint, déclare-t-il. Quand on est athlète, c’est essentiel de comprendre que tout ne se passe pas toujours comme prévu. Les choses que je pouvais contrôler, je les ai faites à fond. » (Évidemment, une semaine plus tard, plutôt que d’aller bronzer sur la plage, van Aert est parti faire un petit trip à vélo entre copains sur les chemins de Flandre et de Champagne histoire de rester actif sans toutefois contrôler ses watts). Notre entretien touche à sa fin, van Aert s’arrête et réfléchit à ce qu’il souhaite laisser derrière lui.

« Il me reste encore pas mal de grandes courses à gagner. » Mais il ne cherche pas à avoir la liste la plus longue sur Wikipédia ; il veut courir avec classe, cœur et panache. « J’aime vraiment les défis et tant mieux si on réussit quelque chose que tout le monde pensait impossible. Je veux qu’on se souvienne de moi comme de quelqu’un qui tentait des trucs extraordinaires.

»

Instagram : @woutvanaert

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« Je ne crois pas que je pourrais me battre contre un ami. »

LE BUT EST LE CHEMIN

Écume, vagues, rouleaux, remous… L’été invite à se rafraîchir.

Le photographe JOHN WEBSTER nous embarque avec lui suivre les kayakistes pros dans les eaux vives d’Amérique.

À pic Curacautín, Chili

Cette forêt paradisiaque est un must touristique. John a grimpé un chemin escarpé jusqu’à ce point de vue difficilement accessible, donc tranquille, et a ainsi pu photographier son pote Jan sans intrus dans le cadre.

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John Webster

Lessivée Payette River, Idaho

La North Fork Payette River est un coin encore relativement peu connu : 14 kilomètres de courant fort, des vagues toujours hautes, et beaucoup de boof (une technique pour se propulser par-dessus un obstacle d’un coup de rame), comme celui-ci, performé par Nouria Newman dans un virage en S. S comme superbe !

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« La route jusqu’à l’eau est longue et poussiéreuse. »
John évoque le trajet à travers des plateaux arides jusqu’à la rivière Bruneau (Idaho).

John Webster

Bananorama

Tlapacoyan, Mexique

Le kayakiste américain Evan Moore a promené son bateau à travers la quiétude des collines et d’une bananeraie de la région de Veracruz pour aller goûter aux eaux vives du Río Alseseca.

Temps mort

Salmon River, Idaho

Moment de détente méditative avant l’effusion : les guides de rafting Metta et Kyra, photographiées par un drone, s’apprêtent à accueillir un groupe d’intrépides pour leur apprendre à descendre une rivière sauvage dans les règles de l’art.

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John Webster
« Plus que de la vitesse ; c’est une symbiose avec la nature. »
John Webster sur son expérience globale du kayak, ici sur la rivière Futaleufú, en Patagonie (Chili).

Pont de bois

Boise, Idaho

Premier précepte : le chemin est le but, peu importe l’état du chemin.

Second précepte : le chemin qui descend le plus bas est souvent celui qui monte le plus haut. John a immortalisé les efforts d’un ami qui a tout donné pour atteindre le point d’entrée parfait d’une cascade.

« Easy : à l’atterrissage, il se redresse
coup. »
John Webster
d’un
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John Webster à propos des compétences de son pote Alec Voorhees, sur la Columbia River (Oregon).

Le photographe John Webster

Les eaux calmes sont profondes. Et les eaux sauvages font de grandes cascades. C’est précisément ce qui a fasciné John Webster, 32 ans, originaire de l’Idaho (USA), dès sa jeunesse. Il a d’abord travaillé pour de grands groupes comme photographe pro, avant de s’ennuyer ferme. À l’âge de 19 ans, John a entrepris ses premières petites expéditions photographiques aux abords de la Payette River, dans les environs de sa ville natale, Boise. « J’ai commencé à me lier d’amitié avec des kayakistes de renom en les photographiant lors de leurs descentes téméraires », raconte-t-il. Il a fni par s’aventurer lui-même sur les feuves des États-Unis puis du reste du monde. « J’aime capturer ces moments entre l’homme et la nature. Quelles sont les conditions de lumière ? Cette quête me fascine toujours autant. La quête de nouvelles voies en eaux vives. » webstermediahouse.com

Over the rainbow Columbia River, Oregon

Quelques secondes plus tôt, le kayakiste Dane Jackson se trouvait au-dessus de l’arc-en-ciel. Maintenant, il le rencontre à hauteur d’yeux. Pourtant, Jackson n’est pas le magicien d’Oz, seulement le magicien de l’Oregon.

Red Bull TV présente Wild Waters, un documentaire sur et avec Nouria Newman : redbull.com

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MEEL B, pacemaker du rap français

Si on connaît les grands noms qui font le rap français, il est plus rare d’être familier·ère de celles et ceux qui produisent leurs instrumentales. Un tournant se dessine depuis la deuxième moitié des années 2010 et pousse davantage les beatmakers au-devant de la scène. MEEL B , productrice des plus prometteuses de la scène actuelle et partie intégrante de cette évolution, nous partage sa vision du mouvement.

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Meel B au studio Atelier Fabrique, sous l’objectif de la jeune photographe Emma Birski.

Sans eux et elles, le rap n’existerait pas

Quand ils et elles ne produisent pas leurs morceaux, les rappeur·euse·s font appel à des producteur·rice·s qui composent la musique sur laquelle ces dernier·ère·s vont poser leurs couplets de seize mesures. Le travail d’un·e producteur·rice, dit compositeur·rice, consiste à assembler plusieurs pistes de sons, mixer et masteriser ces instrumentales. Il faut créer des sonorités particulières, trouver la bonne boucle de drum, fouiller dans les samples les plus rares et donc raffner les morceaux pour qu’ils deviennent le plus singulier possible. On peut produire avec des machines (synthés, boîtes à rythmes ou controller), de vrais instruments ou tout simplement avec un ordinateur, un casque et un bon logiciel. C’est comme ça que Meel B compose ses joyaux.

Des Guns à la trap d’Atlanta

Meel B, c’est la productrice que vous avez sûrement déjà entendue sans même le savoir. Si vous êtes adepte de la nouvelle scène et des new comers, ses prods et sa touche ne vous ont probablement pas laissé·e insensible. Reconnaissable entre mille, elle s’adonne autant à la trap music qu’à des morceaux plus aériens, voire ambiants. Née à Rouen, la mystérieuse normande a pourtant découvert le rap à l’adolescence. Avant ça, elle connaissait, dès son plus jeune âge la discographie de Bob Marley, des Guns N’ Roses et la soul de Tracy Chapman sur le bout des doigts. Les souvenirs de ces premières infuences remontent aux plusieurs jours de voyage écoulés dans une voiture direction l’Algérie (dont elle est originaire) avec ses cousins qui embarquaient quelques CD gravés pour tenir jusqu’à destination.

Surtout baignée au rock, c’est comme beaucoup d’entre nous qu’elle se met à écouter du R&B grâce à MTV. Les premiers clips de Chris Brown, Britney Spears et Usher la laissent bouche bée. Subjuguée par ces images, la suite logique l’emmène vers Snoop Dogg, 50 Cent et

« La prod, c’est un truc de geek. »

les harmonies de Pharrell Williams. Meel B se fond alors de passion pour le rap d’outre-Atlantique, et principalement celui d’Atlanta.

La capitale mondiale de la trap et de la super trap mais aussi tous ces acteur·rice·s (Outkast, André 3000, Migos, Gucci Mane) ne la laissent pas indifférente. Nous sommes en 2019 et sa première compo arrive à un moment de sa vie où elle s’essaye d’abord à la rédaction d’une chanson. Une couche d’autotune sur sa voix et un texte gravé à la va-vite lui donnent envie de poser le tout sur une instrumentale. « De base, et vraiment pour rigoler, j’ai fait un son. Il fallait que je cherche des prods sauf que je n’arrivais pas à trouver mon délire ou quelque chose qui me ressemblait. Il me manquait un truc dans ce que j’entendais, donc je l’ai faite moi-même. Une de mes amies productrices m’a dit de télécharger FL Studio (un logiciel de production musicale, ndlr), j’y ai fait mon son et j’ai complètement abandonné l’idée d’écrire et de chanter. Je n’en voyais plus l’utilité. J’ai adoré concevoir cette musique. Ça m’est apparu comme une révélation et, depuis, je ne fais que ça. Je me suis immédiatement trouvée et je me sentais plus à l’aise dans ce rôle. Et puis, pour être honnête, je n’avais pas beaucoup de choses à dire derrière le micro. »

Bien souvent, on prend une direction, une voie qui pourrait être la nôtre, quand fnalement, on va croiser sur ce chemin d’autres timides explorations qui deviendront notre domaine de prédilection. Meel B en est le parfait exemple : se tromper pour se trouver et mieux (se) comprendre.

Meel B
THE RED BULLETIN 53 STYLING: ROHAN MIRZA

Rap connexion

Alors elle produit, sans s’arrêter. « Tu sais, la prod c’est un truc de geek. T’as plus jamais envie de faire autre chose, t’es à fond dedans, tu t’enfermes pendant des jours et il n’y a que toi et ton ordi. Un peu comme quand tu joues à Call Of Duty »

Un jour en 2020, elle a l’excellente idée de poster un extrait d’une de ses dernières créations en story sur Instagram. Le jeune rappeur Khali tombe dessus et la contacte illico. La première rencontre s’organise assez rapidement lors d’une session en studio où ils enregistrent ce morceau fabuleux, Sans Peur. La Fève est présent, lui aussi. Il en profte pour écouter ce qu’elle fait, et décide à son tour de poser sa voix sur un des sons de Meel B.

La jeune Rouennaise se veut très sélective quand vient le moment de choisir les artistes avec qui elle va collaborer. Faire du type beat (s’inspirer des hits du moment et produire une instru très proche en termes de tempo, sonorités et structure musicale), ça ne l’intéresse pas. Beaucoup de producteurs vont adapter leurs projets en fonction des artistes avec lesquels ils souhaitent travailler, et surtout, essayer

de se placer (envoyer directement leurs sons aux rappeur·euse·s ou au management en espérant être l’heureux·se élu·e) ; dans le cas de Meel B, ce sont les artistes qui viennent la chercher. Classe.

Je l’écoute avec une oreille attentive me raconter qu’elle peut passer six jours sur le même morceau sans se déconcentrer. Elle en a beaucoup, elle est surtout très calme. Un peu réservée devant un appareil photo, mais vite décontractée quand on se remet à discuter de sa façon de faire la musique.

Premiers mais pas derniers

Pour faire du Meel B, la recette n’est pas de toute simplicité malgré ce que peuvent laisser penser ses assemblages de pistes qui sonnent avec une fuidité merveilleuse. Des basses vibrantes et des drums mécaniques, irrégulières sont les quelques ingrédients nécessaires certes, mais il vous faudra surtout être Meel B. « Pour avoir sa propre touche, il faut du travail. Il n’y a pas de secret. Au début, tu fais des prods moyennes, puis seulement avec du travail, tu commences à faire des prods qui fonctionnent. Ça marche à la persévérance. Pour devenir ce qu’il est, Kaytranada n’a fait que bosser. »

Et si on connaît énormément de rappeur·euse·s francophones, on ne mentionne que trop rarement celles et ceux qui se cachent derrière les plus gros bangers. Notre entretien bascule sur Kaytranada (DJ et producteur canado-haïtien qui a révolutionné le monde de la production musicale, et qui a explosé aux yeux du monde avec son célèbre remixe de If I Was Your Girl de Janet Jackson, lors d’une Boiler Room. Il produira par la suite pour les plus grandes voix du R&B dont Mary J. Blige, puis la nouvelle génération), pendant un long moment, une de ses plus grandes inspirations, et voilà qu’elle se met à mentionner Therapy. Ce producteur bercé aux percussions et cuivres d’Atlanta, bien connu pour avoir ramené ces infuences en France et que j’admire tout particulièrement pour avoir produit, en 2012, l’album Futur de Booba. Ou l’arrivée de la trap dans le paysage musical français. Pour citer les premiers producteurs, beaucoup d’entre nous se remémoreront les classiques de DJ Mehdi. Des violons désaccordés en introduction à Tonton Du Bled avec 113, jusqu’à la french touch de son propre track, Lucky Boy. Mais on peut aussi compter sur Myth Syzer, membre du collectif Bon Gamin, qui a frappé fort avec son projet Bisous (2018) et ses guests prestigieux (Hamza, Doc Gynéco, Roméo Elvis, Lolo Zouaï), avant de s’imposer comme l’un des meilleurs beatmakers français. Cependant, il faut avouer qu’à part ces deux-là et quelques autres, on ne mentionne que très peu de compositeurs. Il faudra attendre la deuxième moitié des années 2010 pour assister à un tournant qui mettra davantage en avant ces créateur·rice·s de sons et les rendra essentiel·le·s.

Pourquoi ? D’abord parce qu’il sort de plus en plus de projets en solo de beatmakers sur lesquels sont invités des rappeur·euse·s, et non l’inverse, mais surtout grâce à une direction artistique modifée, modernisée et une argutie dans les propositions. En gros, les producteur·rice·s d’aujourd’hui se considèrent et

Meel B
« Pour avoir sa touche, il faut du travail. Il n’y a pas de secret. »
54 THE RED BULLETIN
« Peut-être que dans huit ans, je me mettrai à faire de la house. »
« Si je veux écouter la même boucle deux cents fois, il ne faut personne derrière. C’est mon intimité. »

sont considéré·e·s comme de vrai·e·s artistes et plus seulement comme des robots à morceaux.

Un monde à part

Toujours peu valorisé·e·s et clairement sous-estimé·e·s, on a tendance à penser que les rappeur·euse·s oublient que sans eux, la musique n’est plus. « En France, parmi les précurseur·euse·s de ce mouvement, on compte Ikaz Boi et Myth Syzer. Eux ont vraiment réussi à placer le producteur en tant qu’artiste et pas juste un gars que tu vas payer pour aligner trois notes. Ça, tout le monde peut le faire. » Puis, dans tout ce beau monde, débarquent Kosei, MoMo Spazz, Amine Farsi, Binkbeats, Junior Alaprod, Ryan Koff, Meel B… Bref un grand nombre de compos qui apportent cette fois une vision globale de la musique : la leur.

Ils sont de vrai·e·s musicien·ne·s, de vrais artistes et non plus de « simples » beatmakers. Ils vont même permettre aux rappeur·euse·s de proposer une autre image et dimension de leur musique, puisqu’elle redevient aussi celle de la personne qui produit et compose le morceau. Il y avait une époque où les producteur·rice·s s’adaptaient au rap ; on assiste depuis à un retournement total de situation où cette fois, ils et elles vont s’essayer à des identités qui ne sont pas les leurs.

Underground avant tout

Meel B veut changer la musique, rester loin du mainstream et être une artiste à part entière (ce qu’elle est déjà). Faire des prods de façon machinale en espérant que sa collaboration de rêve vienne à elle lui ferait questionner l’intérêt tout entier de faire son métier.

« Moi, ce qui m’intéresse, c’est le travail de recherche, créer mon identité, mon propre monde. Et je sens que cette nouvelle génération, c’est dans cette direction qu’elle va. »

Cette nouvelle génération, née après les années 2000, l’inspire beaucoup. Tou·te·s ont été infuencé·e·s par les mêmes choses, marqué·e·s par Young Thug et le Futur des années 2015 et 2016 et poussé·e·s par l’envie de rester underground. C’est ce que Khali, Zinée, La Fève, IRKO, Tif et j’en passe ont en commun.

Néanmoins, Meel B ne souhaite pas se cantonner à la France ou au rap tout court. Ses morceaux ont un potentiel international. Elle a aussi beaucoup d’ambition et aime le travail charnel. Par ailleurs, un projet sans voix – qu’on attend avec beaucoup d’impatience – est déjà en cours de composition. « Aujourd’hui, c’est ce que je fais, mais peut-être que dans huit ans, je me mettrai à faire de la house », glisse-t-elle au cours de notre entrevue.

Comme de nombreux·euses producteur·rice·s, Meel B est une touche-à-tout. Elle se transforme en ingé son quand il le faut, mais on peut aussi la voir sur scène de temps à autre derrière des platines. Ses DJ sets ressemblent à la playlist de ses titres likés sur Spotify. On y entend beaucoup de trap music, de Hamza (pour qui elle rêve de produire un jour), des morceaux diggés sur SoundCloud qui ne dépassent pas les trois cents écoutes et, si, vous êtes chanceux, un edit assez sublime de Drake et son Calling My Name.

Apercevoir Meel B, c’est un bien grand mot. Le plus souvent, elle se teinte de discrétion sous une paire de lunettes et une casquette rose pâle au style Y2K qu’elle trimbale partout. Elle ne se montre pas, jamais. « On est comme ça, nous les producteur·rice·s, ça n’est même pas forcé, on ne joue pas un rôle et on ne se donne aucun genre. Je crois qu’on aime bien se préserver. » D’ailleurs, certain·e·s pensent encore que derrière Meel B se cache un producteur et non une productrice. C’est peut-être mieux comme ça. L’écoute de son auditoire ne se voit donc pas infuencée, et elle ne subit aucun jugement de genre. Et comme beaucoup de femmes dans l’industrie du rap, elle trouve fatiguant de devoir justifer sa place dans un carcan majoritairement masculin. « On s’en fout, non ? », me lance-t-elle.

Elle contrôle son image en ne montrant pas son visage ; ce scénario n’est pas inconnu. Comme un Kekra sous son masque, ou les Daft dans leurs casques, Meel B se cache sous une chevelure aux boucles maîtrisées, châtain clair, qui lui arrivent jusque dans le bas du dos.

En plus d’être discrète, elle a besoin de composer seule. « Je ne peux pas être déconcentrée à ce moment-là. Si je veux écouter la même boucle deux cents fois, il ne faut personne derrière. C’est mon intimité. Auquel cas, je ne vais pas lâcher prise. J’ai besoin d’être dans ma bulle, d’explorer et d’essayer. Sortir de ma zone de confort. »

Plus d’une heure s’est écoulée au Red Bull Music Studios Paris, aux côtés de Meel B, qui nous a raconté sa fascination pour Kaytranada et a décortiqué quelques sons de Brodinski, pour se rendre compte, tout de même, que les producteur·rice·s reçoivent de plus en plus de reconnaissance, de crédits, de mentions et de visibilité. La scène actuelle, dans tout ce qu’elle nous offre, a bel et bien besoin d’artistes comme Meel B, une pacemaker – qui n’en est qu’à 20 % de sa carrière – et dont l’identité musicale affrmée soigne et guérit le rap francophone à grand coup de beats.

Instagram : @_meel.b

Meel B
THE RED BULLETIN 57
« C’est le travail de recherche qui m‘intéresse : créer mon identité, mon propre monde. »

On lui avait dit de ne pas regarder en bas ! En bon amateur de frissons, Kriss Kyle n’a évidemment pas résisté à la tentation.

DON’T LOOK DOWN

Rider sur son BMX une plateforme suspendue par une montgolfière à 640 mètres d’altitude ?

KRISS KYLE l’a fait. Rencontre avec un pro aussi à l’aise sur terre que dans les airs.

59 EISA BAKOS
Texte JESSICA HOLLAND

Depuis qu’il est arrivé au hangar à l’aube, Kriss Kyle est visiblement nerveux. Ses mains sont moites –malgré le froid qui règne en cette matinée ensoleillée de décembre – et il avoue avoir très peu dormi. Cet Écossais de naissance et champion international de BMX est en train de faire les dernières vérifications sur son engin, tout en essayant de se calmer et de se réchauffer un peu. Avec les premiers rayons du soleil, les collines du comté de Wiltshire (au sud de l’Angleterre) se couvrent soudain d’une douce lumière orangée : des couleurs féeriques et une météo de rêve pour cette journée très spéciale que Kriss Kyle attend depuis longtemps.

À vrai dire, cela fait onze mois qu’il guette les bonnes conditions météo pour se lancer. Et très exactement trois ans –alors qu’il arpentait les routes de son Écosse natale pendant les premiers confinements de la pandémie de Covid-19 –qu’il a eu pour la première fois cette idée un peu folle : faire du BMX suspendu dans les airs.

Certes, on peut dire que cet athlète de 30 ans s’y connaît, question défis sportifs – mais celui-là flirtait carrément avec

les limites du possible. Aussi, quand Red Bull lui a demandé s’il était sûr de vouloir le tenter, Kyle n’a pas hésité une seconde : « J’ai sauté sur l’occasion, » se remémore-t-il.

Trois ans, c’est ce qu’il aura fallu pour arriver jusque-là. Trois ans d’efforts surhumains, de calculs de toutes sortes, de négociations, de recherches, de déconvenues et de doutes… Mais en cette belle journée de décembre 2022, toute l’équipe du projet est sur le point d’être récompensée de ses efforts. Un bowl de skate – semblable à ceux

des skateparks, de la taille d’une petite piscine – spécialement conçu pour l’occasion a pu voir le jour : il va bientôt être attaché à la plus grosse montgolfière du Royaume-Uni pour être hissé dans les airs, à 640 mètres d’altitude. Un exploit qui résulte de la synergie de trois expertises : celle des ingénieurs de Red Bull Advanced Technology – plus habitués à travailler sur des bolides de F1 – celle de l’entreprise Cameron Balloons basée à Bristol et enfin l’expertise des amis de notre héros du jour, anciens riders de BMX reconvertis dans la construction

36 mois de préparation pour 36 minutes de film : tests préparatoires sur la base (haut) ; la route suivie par la montgolfière est minutieusement planifiée (à gauche) ; Kriss Kyle, prêt à décoller (ci-contre).

Kriss Kyle
60 THE RED BULLETIN EISA BAKOS,
DUGON
SAMANTHA SASKIA
« C’est le projet le plus difficile que j’aie jamais réalisé. »
62 THE RED BULLETIN
« Le parachute est là pour lui sauver la vie, pas les jambes ».

Pour Don’t Look Down, il a fallu créer un bowl de BMX suffisamment grand pour permettre à Kyle de faire ses figures sans sauter par-dessus bord, mais aussi suffisamment léger pour pouvoir être soulevé dans les airs par une montgolfière. Ce bowl devait être entièrement démontable, pour pouvoir être transporté et assemblé sur place, avec des pièces qui ne devaient pas dépasser un poids de 150 kilos et 3 mètres de diamètre, afin de les faire passer par les clôtures à travers champs. Enfin, il fallait que la structure soit assez solide pour supporter les mouvements du BMX et le choc des réceptions…

Dès le début du projet, Kyle en a parlé à son ami George Eccleston, spécialiste de ces structures : de cette conversation est né un premier prototype en bois, d’un poids de 6 tonnes. Après moults tests et modifications, les plans de la version finale ont été envoyés au Red Bull Advanced Technology (RBAT), le département hightech de Red Bull Racing. L’équipe du RBAT a décidé d’utiliser les mêmes fibres de carbone que celles de leurs voitures F1. Un premier moulage a été fait, sur lequel on a posé en couches successives des plaques de fibres de verre et des couches de résine. Une fois la structure terminée, les premiers essais ont montré qu’elle était beaucoup trop glissante : une couche rugueuse a donc été rajoutée pour une meilleure adhérence.

Jusqu’ici, tout va bien : Kyle savoure la stabilité rassurante de la nacelle (haut) ; sur le papier, ça paraît presque simple : le plan détaillé du bowl, attaché à la montgolfière (ci-dessus) ; une photo pour la postérité (ci-contre).

de rampes. Justement, le bowl qu’ils viennent de créer pour l’événement a été monté sur place : une arène sur-mesure où s’entrecroisent des fibres de nylon, d’osier et de carbone – en un mot, une petite merveille de solidité et de légèreté. Dans quelques instants, ce terrain de jeu de quelques mètres carrés va quitter le plancher des vaches. Mais avant cela, il faut le sécher entièrement au lanceflamme pour éviter la formation de verglas, car une fois en l’air, la température descendra à -12°C. De son côté, Kyle essaie de faire bonne figure, mais la tension est palpable : le dernier briefing de la veille, pendant lequel tous les risques éventuels (même les pires) ont été abordés, a été pour lui un dur rappel à la réalité. On lui a ainsi expliqué que le parachute qu’il porte sur lui – en plus d’un casque et de vêtements très chauds – ne le protégera que partiellement : 640 m d’altitude, c’est trop peu pour freiner s’il chute, mais c’est assez pour se faire mal. D’autant plus qu’il n’aura aucun contrôle sur le lieu d’atterrissage. Les mots ont été clairs : « Le parachute, c’est pour sauver sa vie, pas ses jambes ».

Si le parachute reste obligatoire pour des raisons de sécurité, son poids va obliger Kyle à contrebalancer ses mouvements – sans oublier le fait que les poignées du harnais risquent à tout moment de se prendre dans son guidon.

Mais la véritable difficulté de cet exploit, le plus gros défi aujourd’hui pour Kriss Kyle, c’est évidemment l’instabilité extrême du bowl, qui va bouger à chaque mouvement du pilote. Lors des premiers essais réalisés à la fin de l’année 2021 à Glasgow, celui-ci était suspendu à une grue : surpris par ces mouvements de balancier créés à chaque passage de vélo, Kriss Kyle a d’ailleurs failli abandonner le projet. Il avait l’impression de rouler « complètement bourré » : sans point d’attache fixe, la figure la plus simple devenait un vrai challenge. Or, pour cet as du BMX, il était hors de question de faire simplement quelques aller-retours sur la rampe : Kriss Kyle s’était mis en tête de réaliser neuf figures – pas une de moins. « C’est le plus grand défi de ma vie, résume-t-il. Je ne crois pas avoir jamais réalisé quelque chose de plus difficile que ça. »

Parmi les tricks qu’il compte réaliser, un Fakie Front Flip : un départ en arrière, un arrêt sur la roue arrière et une rotation de 360 ° dans les airs avant un atterrissage sur la roue avant. La plupart des

Kriss Kyle
Un bowl qui porte chance
« Je crois que j’ai retenu ma respiration pendant toute la performance. »
THE RED BULLETIN 63 EISA BAKOS
« Le ballon est grimpé à 640 m et j’ai entendu : “On y va !” »
Big air : Kyle enchaîne les tricks, suspendu dans les airs. Dans la nacelle, son pote Dave ferme les yeux, trop anxieux.

pros du BMX auraient déjà du mal à le réaliser sur un bowl aussi étroit posé par terre : Kyle se compare volontiers à un gymnaste qui essaierait d’effectuer les figures les plus compliquées sur des barres sans cesse en mouvement. Autre trick prévu : un Ice Pick, une figure qui oblige Kyle à s’arrêter sur la roue arrière tout au bord de la rampe. Un faux mouvement, et il pourra tester l’ouverture de

son parachute… On ne peut s’empêcher, en évaluant tous les risques que ce jeune homme est prêt à encourir, de se demander pourquoi il s’inflige tout ça. Après tout, il vient de se marier, il adore ses chiens, sa petite maison et surtout la vie qu’il est en train de mener : une vie faite de vidéos, de voyages et d’aventures, où tout tourne autour de sa passion – le BMX. Mais Kyle est d’une ténacité à toute épreuve, pour sa dernière vidéo, il s’est cassé une côte en essayant de sauter d’un toit sur un arbre. Loin de s’arrêter là, il s’est relevé aussitôt et a retenté le même saut – à trois reprises.

Kriss Kyle a toujours été comme ça : à 14 ans, c’était déjà un mordu de BMX qui n’hésitait pas à dormir chez des potes ou à sécher l’école pour se rapprocher de l’Unit 23, un skate park de Glasgow situé à plusieurs heures de chez lui. À force de le voir débarquer aussi souvent, le propriétaire du park a fini par lui proposer

de dormir sur le canapé, et Kyle a commencé à squatter littéralement son skate park préféré. Il se souvient encore des nuits passées dans cet endroit : « Je sentais les rats qui me passaient dessus, mes fringues étaient sales et je mangeais des bonbons quand j’avais faim. Mais quand mes potes étaient là et qu’on s’éclatait sur nos vélos, c’était vraiment génial. » Au fil des années passées à vivre sur le skate park, Kyle a été rejoint par quelques-uns de ses potes, séduits par l’idée de vivre entièrement libres. Dave Summerson, qui a rejoint l’Unit 23 quand il avait 20 ans, se rappelle : « C’était assez dingue comme décision, mais ce fut la meilleure que j’aie jamais prise. »

Contrairement à Kyle qui était là pour le plaisir et non pour fuir un climat familial délétère, Summerson raconte avoir eu, comme d’autres amis communs, « une enfance assez difficile. » Ce qui l’attirait dans cet endroit hors du temps où il retrouvait toujours les mêmes têtes, c’était aussi la possibilité de se faire des amis. Ces jeunes qui ont un jour, comme lui, squatté le canapé de l’Unit 23 sont des frères.

Le gamin fauché qui ridait les rampes de son Écosse natale est devenu, au fil des ans, l’un des grands noms du BMX. Après avoir délaissé la compétition, Kriss Kyle est désormais connu pour ses vidéos extrêmes, dans lesquelles il se filme sur son BMX. Fidèle en amitié, il essaie toujours d’inclure ses potes aux différents projets : Dave Summerson, Jake Walters et George Eccleston – dont l’entreprise Monolith a conçu le fameux bowl – font partie du dernier en date, mais ce sont eux également que Kriss Kyle appelle encore à la rescousse dans les moments de doute et d’abattement.

En ce jour J, alors que Kyle grimpe dans la nacelle de la montgolfière en essayant tant bien que mal de cacher sa nervosité, c’est encore Dave Summerson qui est à ses côtés. Les brûleurs sont allumés : l’enveloppe se gonfle d’air chaud et la nacelle commence à quitter lentement le sol… latéralement. Ce qui donne lieu à une petite scène de panique au moment où la nacelle se dirige vers les voitures garées sur les côtés. Et puis soudain, elle s’envole pour de bon, majestueuse, entraînant avec elle l’arène fixée à 7 mètres sous elle. Tout le monde, dans ce petit coin de la campagne du Wiltshire, a les yeux braqués sur elle, les équipes au sol comme les automobilistes,

Kriss Kyle
Changement de perspective : à chaque réception, Kyle faisait tanguer l’arène – une situation cauchemardesque qu’il a su apprendre à maîtriser.
THE RED BULLETIN 65 EISA BAKOS
Tout le comté du Wiltshire s’arrête pour filmer la scène.

Kriss Kyle

de « cauchemar ». Kriss Kyle, pendant ce temps, accueille les bravos et les applaudissements avec cette réponse qui trahit son caractère à la fois humble et perfectionniste : « Je n’ai pas réussi à placer le Fakie Front Flip : il faut qu’on y retourne ! »

Ça paraît simple, dit comme ça, mais pour « y retourner », il faut attendre les bonnes conditions météo. Onze mois d’attente ont été nécessaires pour la première prise en décembre 2022. Cette fois-ci, l’équipe a de la chance : deux mois après le tournage, en février 2023, l’occasion se présente à nouveau. Un grand ciel bleu dégagé, un temps sec : c’est parti pour le deuxième essai ! Cette fois-ci, Summerson a préféré rester sur terre – on ne sait jamais.

qui se sont arrêtés sur le bas-côté de la route pour filmer l’imposante masse dans le ciel.

Kriss Kyle se souvient : « Avant que j’aie eu le temps de le réaliser, le ballon a grimpé à 640 mètres et c’est à ce moment que j’ai entendu : “On y va.” » Il descend alors dans le bowl et attend l’arrivée des hélicoptères. « Dans les premières minutes, tout est tellement calme, on n’entend rien. J’ai repensé au petit garçon que j’étais à 10 ans, quand je venais de commencer le BMX, à tous ces projets incroyables que j’ai pu réaliser grâce à ce tout petit vélo. »

Les hélicoptères arrivent : le spectacle peut commencer. Et quel spectacle ! « Je crois que j’ai retenu ma respiration pendant toute la performance. D’habitude, il y a toujours un moment pour se reposer entre deux tricks, mais cette arène était tellement compacte que je n’avais pas une seconde pour souffler. » La première fois que cette arène a été dévoilée, Red Bull avait convié d’autres riders à l’essayer. Kieran Reilly et Bas Keep se souviennent d’un terrain de jeu particulièrement ardu. Ce dernier avait déclaré, après avoir testé l’engin : « On a tous galéré là-dessus, parce qu’il faut sans cesse changer de direction. Mais c’est le bowl parfait pour Kriss : il a la rapidité d’une mouche ! »

Prisonnier dans cette arène qui se balance à présent dans les airs, Kriss Kyle a l’air effectivement de maîtriser chacun de ses mouvements : Andrew Laurence, qui pilote l’un des drones, a même du

mal à le suivre. Kyle, de son côté, s’applique à enchaîner la chorégraphie qu’il avait prévue : au moment de réaliser l’Ice Pick, pour lequel Kyle va devoir atterrir en équilibre sur la rambarde de protection au-dessus du vide, Dave Summerson détourne le regard, trop anxieux. Quand il entend les cris de joie qui s’élèvent de la nacelle, il sait que son ami a réussi. Kyle racontera plus tard avoir failli basculer de l’autre côté parce qu’il allait trop vite : « Je me suis dit ’hors de question que je le retente !’ Et puis j’ai entendu la voix de Matty Lambert, le réalisateur, qui me demandait de recommencer pour une autre prise… Au départ, j’ai pensé : “Non, non, non !” Mais de suite, après : “Et puis merde, on y va !” »

Autre occasion de se payer quelques sueurs froides : l’atterrissage – plus précisément le moment où la nacelle, au lieu de se poser tranquillement sur le sol, finit sa course par quelques rebonds terrifiants et manque de se renverser. Inutile de vous dire que Dave Summerson a embrassé la terre ferme en descendant, qualifiant l’instant qu’il venait de vivre

Une fois descendu dans le bowl, Kriss Kyle attaque son Fakie Front Flip d’entrée de jeu : au moment où il s’élance vers l’arrière, il ne peut s’empêcher de fermer les yeux – lorsqu’il atterrit, il entend des cris de joie au-dessus de lui : « Je n’arrivais pas à le croire ! J’étais tellement heureux d’avoir réussi à le faire – du premier coup. »

Don’t Look Down, le nom choisi pour ce projet hors-norme résume aussi la philosophie qui est derrière, et qui correspond à celle de Kriss Kyle : ne pas se fixer de limites, ne pas se soucier des lois de la gravité ni de toutes les contraintes que nous imposent les autres – ou les habitudes que l’on a. Pour Kieran Reilly, Kyle est un type « qui pense plus loin que les autres : il pense au-delà du BMX. » Et ce n’est pas un hasard s’il a voulu baptiser « Freedom » le vélo qu’il a conçu avec la marque BSD. « Il n’y a pas de règle, dans le BMX, dit-il. C’est un formidable moyen pour s’exprimer et se sentir libre, et ça, c’est la plus belle chose au monde. Ce sport a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. »

Encore aujourd’hui, alors que la première de son film approche, Kyle a encore du mal à réaliser ce qu’il vient de faire : « Franchement, je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible. Le fait de réussir ce défi m’a mis en appétit : après ça, je crois que je suis capable de n’importe quoi. » Ce garçon n’a décidément pas envie de se calmer. Son prochain projet se fera en VTT : à suivre ! La vidéo Don’t Look Down et les coulisses du tournage (avec soustitres en français) à visionner sur : redbull.co.uk/dontlookdown

« Le BMX est un formidable moyen d’expression. »
66 THE RED BULLETIN SAMANTHA SASKIA DUGON
Pas du genre à se reposer, Kyle pense déjà à son prochain défi : en VTT cette fois-ci !

zuerich.com/recreation

Escapade citadine pour personnes actives : Matteo a fait du vélo. Il a joué au ping-pong, appris à danser la salsa et tenté l légendaire épreuve de la poutre. À Zurich, des expériences urbaines particulières et des activités sportives en pleine nature permettent de s’évader.

la

Tentez

vous-même l’expérience !

Détente active, Zürich, Suisse.

68 FRED POMPERMAYER

« C’était la vague que je visualisais et pour laquelle je priais depuis que j’avais commencé à surfer à Jaws », déclare Izzi Gomez à propos de cet énorme tow-in à Pe’ahi, sur l’île de Maui (Hawaï).

Immense

Texte JEN SEE
Au RED BULL MAGNITUDE, les meilleures surfeuses de grosses vagues au monde recherchent la performance, mais pas que. Elles viennent aussi pour cette sensation magique et insaisissable que seul le surf de gros peut procurer.

n samedi matin du début du mois de janvier, Katie McConnell a pédalé sur son Beach cruiser peint en vert jusqu’à Waimea Bay, le légendaire break de grosses vagues du North Shore d’Oahu (Hawaï). Sur le porte-planche de surf de son vélo, elle a transporté sa planche gun de 10'0'' (305 cm), façonné par Gary Linden. Ce jour-là, McConnell a retrouvé des femmes du monde entier qui s’étaient rendues à Waimea pour la première session du Red Bull Magnitude, hiver 2022-2023.

Red Bull Magnitude, qui en est à sa troisième édition, met en vedette des surfeuses intrépides qui chevauchent les grosses vagues. Contrairement à une compétition de surf traditionnelle qui se déroule sur une seule journée, les femmes qui participent à Magnitude peuvent soumettre des clips vidéo de leurs vagues filmés à n’importe quel moment pendant les trois mois que dure l’événement. Magnitude

Uinvite les surfeuses à démontrer leurs compétences sur les grosses vagues de trois des spots les plus beaux et les plus redoutables d’Hawaï : Waimea Bay et Outer Reefs sur le North Shore d’Oahu, et Pe’ahi (également connu sous le nom de Jaws) sur Maui.

L’hiver dernier, 25 femmes ont soumis 66 clips vidéo. « Je suis vraiment contente de voir que Magnitude se développe et c’est formidable de voir davantage de femmes y participer, déclare McConnell, qui a remporté le titre de recrue de l’année de Magnitude 2022. Cela m’a définitivement ouvert plus de portes. » Les concurrentes de Magnitude viennent d’horizons très différents, et si quelques-unes peuvent surfer à plein temps, la plupart d’entre elles occupent des emplois de toutes sortes pour financer leurs rêves de grosses vagues. Ce qu’elles partagent, c’est l’amour des sensations que seul le surf sur les plus grosses vagues du monde peut leur procurer.

Les conditions nécessaires à la pratique du surf de grosses vagues ne sont réunies que quelques fois par an et, cet hiver, la saison a commencé lentement. C’est au moment où Pe’ahi a pris vie à la mi-décembre que les premières sessions ont été annoncées. « Nous avons eu droit à des journées de vagues lisses très chouettes, explique Skylar Lickle. Les deux derniers hivers ont été un peu difficiles. Avoir des conditions idéales a donc fait l’effet d’une bouffée d’air frais. » Skylar Lickle a grandi à Maui et a pris sa première vague à l’âge de 14 ans.

Les concurrentes du Red Bull Magnitude se rassemblent au Waimea Bay Beach Park sur le North Shore d’Oahu le 3 décembre 2022.

Red Bull Magnitude 70 THE RED BULLETIN ZAK NOYLE/RED BULL CONTENT POOL, CHRISTA FUNK/RED BULL CONTENT POOL

Katie McConnell, que l’on voit ici chevauchant une vague furieuse à Waimea Bay le 11 janvier 2023, a été nommée « recrue de l’année » à Magnitude 2022.

Magnitude invite les femmes à montrer leurs talents sur trois spots emblématiques.

THE RED BULLETIN 71

Red Bull Magnitude

Aujourd’hui âgée de 23 ans, elle a remporté le prix de la meilleure performance globale à Magnitude 2022 et fait partie d’une nouvelle génération de surfeuses de grosses vagues.

La vague que Lickle a surfée lors d’une forte houle le 17 décembre a démontré pourquoi elle est l’une des meilleures femmes dans le domaine du surf de grosses vagues. Assise sur sa planche à Pe’ahi, Lickle a pagayé jusqu’à un imposant pic de 12 mètres. Sa planche a tremblé sur la face de la vague, mais elle a gardé sa ligne et tracé un virage en souplesse. Bien calée sur sa planche, Lickle a gardé son sang-froid et a gagné le channel pour se dégager avec aisance. La vague monstrueuse a apporté à Lickle non seulement un souvenir pour la vie, mais aussi le titre de meilleur ride de l’édition 2023 de Magnitude.

Les houles de décembre ont également offert un nouveau départ à Izzi Gomez, quintuple championne du monde de stand-up paddleboard devenue surfeuse de grosses vagues accomplie. Une longue convalescence après une opération à la hanche l’a empêchée de participer à la saison 2021-2022 à Hawaï. À l’approche de son premier hiver de retour dans l’eau, elle s’est efforcée de retrouver la joie qu’elle ressentait auparavant avec le surf de grosses vagues. « J’étais au plus bas », confesse-t-elle. Elle est tombée dès sa première vague, ce qui ne l’a pas mise en confiance.

Mais le surf de grosses vagues, c’est avant tout tomber et se relever. Le 17 décembre, Gomez est entrée dans une vague propre à Pe’ahi et l’a chevauchée comme si elle ne s’était jamais absentée. « Je sentais que j’avais besoin de cette vague pour briser la glace en revenant à Jaws », déclare-t-elle. Elle a remercié Paige Alms de l’avoir encouragée à aller de

l’avant, et il était clair que cette vague signifiait beaucoup pour Gomez. « Je suis très émotive ; on peut voir à quel point j’étais fière et euphorique après avoir terminé le ride. »

Alms, l’une des meilleures surfeuses de grosses vagues au monde, est une habituée de Pe’ahi et en connaît le complexe line-up comme personne. Elle a passé de nombreuses heures à étudier le break, là où les vagues se déplacent et se courbent autour du récif de manière inattendue. La forme de la vague la fascine. « C’est la vague parfaite en forme de A que l’on dessine dans son cahier quand on est enfant », explique-t-elle. Deux fois championne du monde de grosses vagues, Alms a fait en sorte que pagayer dans des faces de 9 à 12 mètres semble facile dans de bonnes conditions. Sa régularité et son surf bien réglé à Pe’ahi en décembre lui ont permis de remporter le prix de la meilleure performance globale à Magnitude cette année. « La sensation que je ressens en surfant de grosses vagues, je ne peux l’avoir en faisant autre chose, dit Alms. Lorsque vous avez les pieds dans la cire de votre planche au sommet d’une vague de 15 mètres, l’émotion que vous ressentez sur une vague de cette taille est absolument hallucinante. »

En janvier, le Pacifique Nord envoyait une série de houles à Hawaï et créait d’énormes vagues à Waimea Bay. Le 11 janvier, Red Bull organise la première session Magnitude sur le célèbre spot. « J’ai retrouvé un bon nombre d’amies dans le line-up. Les conditions étaient assez bizarres, mais on s'est bien amusées », se remémore McConnell, pour qui pagayer dans des conditions extrêmes à Waimea ressemble à un rendez-vous relax au café. Bien que les femmes puissent filmer et soumettre des clips à tout moment, Red Bull fournit des équipes de sécurité et des vidéastes pour les sessions officielles de Magnitude.

Les visages présents dans l’alignement ce jour-là témoignent de la diversité des parcours des concurrentes qui participent à Magnitude. McConnell a étudié les forêts de varech sous-marines et les récifs tropicaux en tant que plongeuse scientifique. Makani Adric a surfé sa première vague à Waimea Bay à l’âge de 16 ans sur une planche empruntée à son père et est détentrice d’une ceinture marron troisième degré en jiujitsu. Keala Kennelly est une pionnière du surf féminin de grosses vagues. Kelta O’Rourke a obtenu son certificat de secouriste en milieu naturel l’hiver dernier et est diplômée en kinésiologie de l’Université d’Hawaï-Manoa. Felicity Palmateer a participé à l’émission australienne Survivor. Toutes sont liées par leur amour du surf.

Dix jours plus tard, l’Eddie Aikau Big Wave Invitational, l’événement le plus prestigieux du surf de grosses vagues, a eu lieu à Waimea Bay. Adric, Alms et Kennelly ont été parmi les premières femmes à y participer. « Quand j’étais plus jeune, je me disais que ce serait vraiment cool si les filles pouvaient surfer dans le cadre de l’Eddie », raconte Adric, qui a grandi sur le North Shore et a remporté le prix du public

Paige Alms a remporté le prix de la meilleure performance globale à Magnitude cette année.
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Makani Adric a grandi en surfant sur le North Shore et se met à l’eau dès qu’une houle anime la baie de Waimea.
THE RED BULLETIN 73 CHRISTA FUNK/RED BULL CONTENT POOL(2), JOHN HOOK/RED BULL CONTENT POOL
Michaela Fregonese, Maddie Anzivino et la juge du concours, Rochelle Ballard, partent surfer sur Jaws, le 25 janvier 2023.

La participation au contest Magnitude est de plus en plus importante. L’hiver dernier, 25 femmes ont soumis 66 clips vidéo.

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Les participantes à Red Bull Magnitude, (de gauche à droite)

Sarah Neukomm, Skylar Lickle, Momo Sakuma et Katie McConnell, partagent un moment de bonheur lors de la cérémonie d’ouverture, avant d’aller montrer qu’elles sont capables de surfer certaines des plus grosses vagues au monde.

à Magnitude 2021. Elle n’avait jamais imaginé que cela se produirait. « Nous avons fait quelque chose qu’aucune autre fille n’a fait. » Le lendemain, une équipe de femmes s’est rendue à Waimea pour la deuxième session de l’hiver de Magnitude. Motivée par la victoire de son collègue Luke Shepardson à l’Eddie, la sauveteuse de North Shore, Maddie Anzivino, a pris sa meilleure vague de l’hiver. « Voir quelqu’un d’aussi discret, cet outsider, un sauveteur en service, remporter l’Eddie a été une véritable source d’inspiration, dit-elle. J’étais dans de bonnes dispositions. »

À Maui, pendant ce temps, une session sauvage et venteuse se déroule à Pe’ahi. Gomez est partie tôt le matin et a rapidement réalisé que le vent était déjà de la partie. « C’était vraiment très risqué », dit-elle. Quelques heures plus tard, elle a décidé d’essayer le surf tracté (ou tow-in, ndlr)

Gomez n’avait aucune attente. « Je traversais une saison plutôt décevante. J’avais la tête dans le guidon. » En décembre, elle n’avait encore surfé qu’une seule vague à Pe’ahi. C’est alors que Shaun Lopez l’a tractée vers le west bowl, la section la plus abrupte de Pe’ahi. Totalement en contrôle, Gomez a ralenti sa descente qu’elle faisait tête première, et a effectué un virage afin de maintenir une ligne haute.

Alors qu’elle avait ralenti sa vitesse, l’épaisse lèvre de la vague a commencé à se replier sur elle. Puis elle a disparu, engloutie dans l’étreinte de l’océan. « J’ai eu l’impression que le temps s’était arrêté, raconte-telle. J’avais l’impression d’être coincée dans le rouleau et de regarder autour de moi en me disant que ce n’était pas possible. » En sortant du rouleau, Gomez n’a pu contenir ses émotions. Ce ride a valu à Gomez le prix du meilleur tow-in à Magnitude 2023.

« C’était la vague que je visualisais et pour laquelle je priais depuis que j’avais commencé à surfer à Jaws. Je m’en souviendrai toujours. »

Toutes les femmes qui pratiquent le surf sur grosses vagues ont une histoire. Fille de parents divorcés, Anzivino a grandi à Torrance, en Californie, et a trouvé dans le surf une communauté et une connexion. En 2018, Anzivino s’est mise à affronter les plus grosses vagues après le décès inattendu de sa mère, Shelly. « J’étais tellement brisée et perdue, et je voulais être dans l’eau, pas sur terre. » Elle se souvient encore de la première vague qu’elle a chevauchée à Waimea, un jour où les vagues atteignaient 7 mètres de haut. Elle a pagayé avec un ami et ils ont surfé la vague ensemble. « Mon sourire s’étirait d’une oreille à l’autre… Mon ami m’encourageait. »

Comme la plupart des femmes participant à Red Bull Magnitude, Anzivino serait de toute façon à la recherche de grosses vagues, que le concours existe ou non. « La sensation d’être sur une grosse vague est unique, précise-t-elle. Je n’ai pas commencé à le faire pour participer à cet événement ni pour être célèbre ; je l’ai fait pour cette sensation-là. » Red Bull Magnitude attire tant de surfeuses de grosses vagues à Hawaï pour la saison hivernale que des liens étroits entre elles ont pu se tisser. Anzivino a rencontré des femmes du monde entier qui partagent sa passion.

« Le surf de grosses vagues m’a permis de me sentir bien dans ma vie, et je me suis fait tant de nouvelles amies depuis que Red Bull Magnitude existe, s’exclame Anzivino. Toutes les filles qui surfent sur les grosses vagues le font pour la même raison : elles adorent cette sensation. »

Red Bull Magnitude 75 CHRISTA FUNK/RED BULL CONTENT POOL

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PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

ZURICH FOREVER

Visite guidée avec l’as de la mode Yannik Zamboni.

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Zurich est ma ville de cœur depuis que j’ai 16 ans ! », nous confie Yannik Zamboni, 36 ans cette année : ce natif de la région bâloise est devenu une véritable star après avoir remporté la dernière saison de Making the Cut, une émission de télé-réalité américaine conçue par Heidi Klum qui met en scène une douzaine de créateurs et créatrices de mode souhaitant se lancer dans le secteur. À la clé : un chèque d’un million de dollars – remporté par le designeur suisse, dont la carrière a décollé suite à cet événement. Mais s’il est désormais sollicité aux quatre coins du monde, c’est à Zurich qu’il se sent chez lui. Nous lui avons demandé de nous montrer les plus beaux endroits de la ville. C’est parti pour une visite guidée, en rollers !

Le circuit commence au cœur de la ville, devant le Kunsthaus de Zurich : il s’agit du musée d’art le plus important de Suisse depuis qu’il a été complété en 2011 par un nouveau bâtiment créé par l’architecte britannique David Chipperfield. La plupart des époques, allant du médiéval au contemporain (avec notamment l’une

des plus grandes collections au monde d’œuvres d’Edvard Munch), y sont représentées ; pour Zamboni, la nouvelle extension du musée est tout simplement magnifique : « Regardez tout cet espace, ces murs immenses ! » Bonus : l’emplacement du musée, idéalement situé au cœur du vieux Zurich, avec ses petites rues pavées qui invitent à la promenade. Celle-ci se poursuit en rollers.

Comme rien n’est jamais vraiment loin, dans cette ville à taille humaine, nous atteignons rapidement le prochain spot de notre circuit : le pont de Munster, qui offre un panorama unique sur la vieille ville et le lac de Zurich. On est tenté de s’arrêter un instant pour admirer le paysage, mais les petites roues de Yannik Zamboni sont déjà reparties.

PERSPECTIVES voyage
« Zurich est ma ville de cœur depuis que j’ai 16 ans ! Là où j’ai grandi, dans la campagne bâloise, il n’y avait rien pour les gens queer comme moi. »
Yannik Zamboni, couturier suisse
Une glace en bonne compagnie : Yannik et Anique Wild savourent la vie zurichoise. Ici au Frau Gerolds Garten.
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Maison Blanche, l’enseigne créée par Yannik Zamboni, est à retrouver au Big Pop.

« Direction le lac ! », lance-t-il. On le suit sans rechigner, tant la ville est connue pour faire honneur à son lac et à la rivière qui la traverse, la Limmat. Une chose qui plaît particulièrement à notre guide zurichois ? « L’eau est incroyablement propre ici, on peut en voir le fond. Non seulement on peut se baigner, mais on peut également jouer aux petits bateaux ou s’éclater en pédalos. »

Sitôt dit, sitôt fait : le créateur suisse enlève ses rollers et saute sur l’un de ces engins flottants pour une virée sur l’eau. Les rives du lac et de la rivière sont aménagées en Badis, des spots de baignade qui ont chacun leur clientèle et leur spécialité. Qu’on vienne en famille ou entre ami·e·s, pour un farniente ou une nage sportive, il y en a pour tous les goûts.

Avec ses plages gratuites, ses musées, sa vie nocturne, son offre gastronomique et sa nature omniprésente, Zurich est une ville qui conjugue tous les avantages d’une ville de 500 000 personnes… sans les inconvénients : pas étonnant que Zamboni ait décidé de s’y installer définitivement. Lui qui a grandi dans un petit village de 700 âmes apprécie la diversité et l’ouverture d’esprit des Zurichois : « Chez moi, je me sentais souvent différent et un peu perdu ; alors qu’ici, je retrouvais cette tolérance et cette diversité qui me manquaient. » Aujourd’hui, le designeur vend ses créations dans le magasin Big Pop, situé dans l’une des artères commerçantes les plus chères de la ville : la Bahnhofstrasse, prochaine étape de notre périple. C’est ici que se

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Zamboni fait un passage remarqué sur le pont de Munster, vêtu de ses propres créations.
THE RED BULLETIN 79
Tout roule pour Zamboni : ici devant le Kunsthaus.

concentre l’industrie du luxe à Zurich, avec les grands noms de la haute couture et de l’horlogerie : « Je ne passe pas vraiment dans le paysage, s’en amuse le jeune homme, mais je suis heureux de voir arriver dans ma boutique des gens qui ne m’auraient jamais découvert autrement. »

Les artistes alternatif·ve·s sont davantage représenté·e·s au Viadukt, considéré par beaucoup de locaux comme le spot commerçant le plus intéressant de la ville. Cette diversité d’inspirations et de styles est ce qui rend Zurich si fascinante. Quand on lui demande quelles sont justement ses sources d’inspiration, Zamboni est catégorique : les sujets sociopolitiques. « Je m’inspire de tout ce qui me semble injuste dans notre société. » Sa mode est faite pour les personnes qui se sentent différentes : « Je ne crois pas en la binarité des sexes. » Ce qui explique que les créations de sa marque Maison Blanche soient taille unique et unisexe. Notre promenade se poursuit sur les chapeaux de roues – au sens propre : on a d’ailleurs un peu mal aux pieds, mais notre guide ne semble pas près de se poser et tient à nous montrer l’autre face de Zurich. Direction Frau Gerolds Garten, un endroit insolite niché au cœur

Zurich en mode branché

1 Big Pop

Des boutiques pop up aux marques exclusives, comme Maison Blanche. Bahnhofstrasse 73

2 Im Viadukt

Un lieu de référence pour la mode alternative ou de seconde main. Viaduktstrasse

3 Frau Gerolds Garten

du quartier industriel, qui est à la fois un jardin urbain et une brasserie en plein air. « J’adore venir ici parce qu’on y découvre un aspect méconnu de Zurich, un côté un peu hors du temps. » Dernier conseil avant de clore cette visite guidée : la Rote Fabrik, un centre culturel installé dans une ancienne usine.

Cette journée zurichoise s’achève. On observe notre hôte retirer enfin ses rollers, et l’on se dit qu’il a de la chance de vivre dans une cité qui lui correspond si bien : multiple, fière de sa diversité et de son art de vivre.

Un Biergarten décalé au cœur du quartier industriel. Geroldstrasse 23

4 Le Kunsthaus

L’un des plus grands musées d’art du pays. Heimplatz 1/5

5 Location de bateaux Enge

Pédalo ou bateau-sauna : Zurich se vit aussi sur l’eau. Mythenquai 25

S’y rendre

Nichée au cœur de l’Europe, Zurich est facilement accessible en train. Une fois sur place, la ville se découvre à pied, en vélo, ou en rollers ! Plus d’infos : zuerich.com

L’eau est omniprésente : la Limmat traverse la ville.

Yannik Zamboni travaille sur une collection-capsule pour le département tourisme de la ville, en coopération avec le label Collectif mon Amour – à découvrir bientôt dans sa boutique, Big Pop.

Zurich Limmat Lac de Zurich 1 2 3 4 5 PERSPECTIVES voyage
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Une oasis au cœur du quartier industriel : le Frau Gerolds Garten.

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en juillet en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

RICARDO NASCIMENTO / RED BULL CONTENT POOL

Musts du mois

L’été approchant, voici notre sélection pour vous évader bien équipé·e, tout en restant au frais.

SUUNTO VERTICAL

LA montre d’aventure, pour les expéditions et trainings outdoor. Avec jusqu’à plus de 700 heures d’autonomie en activité, elle embarque cartes hors ligne gratuites, boussole, altimètre barométrique, météo, alertes orages et plus de 90 modes sportifs, de l’alpinisme à la course sur route.

799€ (titanium solaire)

DOMETIC PATROL 55

Avec cette glacière isotherme passive de 54 L, profitez plus longtemps de la glace lors de votre prochain séjour en plein air. Son couvercle porte-gobelet dispose d’un ouvre-bouteille et d’un support de canne à pêche. Elle est proposée en couleur bleu océan, gris, gris ardoise, orchidée et lagon. 399€; dometic.com

DEUTER SÉRIE CABEZON

Une sacoche de guidon, une sacoche de cadre et une sacoche de selle en deux parties, voici la série de bagages de vélo Cabezon de la marque Deuter, légère et étanche. Cette ligne est exempte de produits chimiques peret polyfluorés (nocifs pour l’environnement et la santé). Ici présentée en couleur noir/atlantique, elle est également proposée en noir/désert. Dès 80 € (pour la sacoche de cadre); deuter.com

PERSPECTIVES matos
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OXEYE TECH

Les chaussures de randonnée Oxeye Tech sont pensées pour la nouvelle génération d’explorateurs. Doté d’un extérieur protecteur en tissu ripstop, de semelles adhérentes et de semelles intermédiaires en EVA à haut rebond pour un meilleur confort et amorti, ce modèle polyvalent vous offre tout le maintien nécessaire sur sentier rocailleux ou mouillé. 130€; thenorthface.fr

PERSPECTIVES matos

0EASTPAK VARSITY

Cette banane dispose d’un compartiment principal, d’une poche résille sur le devant et de poches avant et arrière zippées. Sa sangle réglable à la taille vous permettra de la porter selon vos envies. Aucun produit d’origine animale n’a été utilisé pour fabriquer ce produit 100 % végan et 100 % nylon. 48€; eastpak.com

HELINOX MULTI BLOCK

Cette Beach Chair est dotée d’un piètement évasé l’empêchant de s’enfoncer dans le sable. Les zones en maille aérée du siège permettent de garder le corps frais et sec les jours de grande chaleur. Durable, compacte et légère, elle se replie dans un sac de rangement de 11,4 × 14 × 47 cm qui fait également office d’oreiller et pèse moins de 1 600 grammes. 169,95€; helinox.eu

THE RED BULLETIN 83 CM-PHOTODESIGN/CHRIS MÜLLER, TNF

«Tu es une fille, tu ne peux pas jouer à FIFA » Sara Guzo, streameuse Twitch de 21 ans, fait part de la haine qu’elle reçoit dans les commentaires et les DM sur la plateforme.

Cette créatrice de contenu basée à Londres a commencé à jouer au ballon rond IRL à l’âge de sept ans. Lorsqu’elle a reçu sa première console trois ans plus tard, FIFA 12 était le jeu de prédilection. Au cours de la décennie suivante, Guzo a conjugué ses deux passions : sur le terrain, elle jouait en milieu de terrain pour les Millwall Lionesses. En 2021, lorsqu’elle a pris sa retraite, un ami l’a incitée à troquer les tacles pour le streaming.

C’est en canalisant l’énergie du jeu réel en réagissant aux hauts et aux bas de FIFA à l’écran que Guzo trouve un public sur Twitch. En septembre 2022, elle a signé chez SAF Global Gaming comme streameuse partenaire ; elle elle est devenue membre du EA Creator Network et, cette année, elle a été invitée à participer à un tournoi féminin de la FIFA Esports Champions League. Mais Guzo doit encore lutter contre les trolls.

« On s’habitue et on finit par les ignorer, dit-elle. Mais en tant que fille, pour être créatrice de contenu, il faut le vouloir. Les autres créatrices de contenus sont victimes de tant de haine… Ça n’encourage pas à faire comme elles. »

Les choses ont fini par évoluer dans le bon sens. La dernière version du jeu, FIFA 23, inclut pour la première fois les meilleurs championnats féminins anglais et français dans son mode Kick Off. Par ailleurs, l’attaquante de Chelsea et d’Australie Sam Kerr (ci-dessus dans son avatar FIFA) figure sur la couverture de l’édition Ultimate du jeu –une première en trois décennies d’existence du jeu FIFA

Tout cela est positif pour Guzo, qui évoque l’EURO féminin 2022, où un nombre record de 50 millions de per-

Égaliser les chances

Le football féminin a attiré l’attention du monde entier. Il est temps que les joueuses de FIFA soient reconnues.

sonnes ont assisté à la victoire de l’Angleterre sur l’Allemagne en finale, mettant ainsi fin à 56 ans de souffrance. « Le public a montré que les femmes sont douées pour le foot. Je pense qu’il en ira de même pour FIFA : en faisant connaître davantage de tournois féminins, elle obtiendra ce coup de pouce. »

En juin, Guzo se mesurera à onze autres qualifiées régionales et mondiales à Londres, à l’occasion du tout premier événement international féminin de la FIFA LAN. Par ailleurs, la FIFAe, la branche esports de l’instance dirigeante, a lancé sa campagne FameHerGame, qui vise à créer des opportunités

au niveau local et des espaces sûrs pour les joueuses de FIFA. Guzo espère qu’elle et d’autres joueuses et streameuses pros de FIFA pourront donner confiance aux jeunes filles qui souhaitent se lancer dans le jeu. Voici ses conseils.

Jouez à votre façon

Dans FIFA, chaque équipe dispose de formations et joueuses présélectionnées, mais Guzo explique qu’il est important de s’assurer que la tactique et la sélection des équipes correspondent à votre approche. « Si vous jouez plus lentement, assurez-vous que vous ne précipitez pas vos passes et que votre formation correspond à ce style », explique-t-elle. De même, si vous vous lancez dans le monde du streaming, trouvez un créneau qui vous est naturel. « Je suis quelqu’un de calme, mais quand vient le week-end et que je dois jouer à FUT Champs (FIFA Ultimate Team Champions, mode le plus compétitif du jeu, ndlr), je m’énerve. C’est toujours la faute du jeu, forcément, pas la mienne, mais ça me permet d’avoir un bon public. »

Maîtriser sa finition

Guzo joue trois heures par jour et utilise le mode de jeu FUT Division Rivals, basé sur les récompenses, pour affiner ses stratégies. Mais si elle veut acquérir une compétence spécifique, elle s’exerce dans l’arène d’entraînement du jeu. « Lorsque j’apprenais la finition synchronisée, je me servais de l’arène. Il suffit d’appuyer sur le bouton de tir une deuxième fois lorsque le pied du joueur touche le ballon, ce qui rend le tir beaucoup plus difficile à arrêter. » Mieux qu’un tir normal, mais il faut le synchroniser correctement pour éviter qu’il ne parte dans tous les sens.

Savoir s'ajuster

Le gameplay est modifié à chaque nouvelle édition de FIFA. Ce qui fonctionnait avant n’est pas garanti de marcher encore. « Dans FIFA 23, le jeu est plus lent, il faut donc s’adapter et faire preuve de patience. » En regardant les compétitions de FIFA, elle a pu constater comment les autres joueurs et joueuses avaient ajusté leur jeu, et contacté des pros pour parler de tactique. twitch.tv/saraguzo

PERSPECTIVES gaming
« Plus de FIFA au féminin serait un coup de pouce. »
Sara Guzo, streameuse Twitch
SCORER
84 THE RED BULLETIN CHARLIE ALLENBY

ATTERRIR Les ailes du désir

Łukasz Czepiela a réalisé un exploit inédit en posant son avion sur un héliport à 212 mètres de haut. Voici comment.

En mars dernier, Łukasz Czepiela s’est posé en avion sur l’étroite surface de l’héliport du Burj Al Arab à Dubaï. Mais le parcours du pilote est tout sauf conventionnel.

Né à Rzeszów, en Pologne, il a son premier coup de foudre à 6 ans en assistant à un spectacle de voltige. « Voler est devenu mon unique passion », raconte Czepiela, aujourd’hui âgé de 40 ans, qui passera le plus clair de son temps à tout apprendre sur l’aéronautique, jusqu’à l’obtention de son brevet de pilote de planeur à 15  ans. Après le bac, il espère intégrer l’armée de l’air polonaise mais celle-ci ne recrute plus et impossible de s’inscrire à l’université, la licence de pilote privé coûte trop cher.

Łukasz Czepiela se rend au Royaume-Uni pour financer ses études et trouve un programme au pair qui lui permet de trouver une place dans une famille en banlieue de Londres, près d’un petit aéroport. Il se renseigne sur les offres

d’emploi et commence une formation dans une boîte de maintenance et de réparation et passe un deal avec le directeur : 8 h de travail pour 1 h de vol, ce qui lui permet de décrocher son brevet de pilote privé.

Une astuce qu’il reprend pour s’entraîner comme pilote de voltige, sacrifiant son temps libre pour aider l’équipe civile, la Honda Dream Team, tout en bossant dans un magasin d’aviation pour financer sa licence de pilote professionnel.

De retour en Pologne, Czepiela participe à des camps d’entraînement et à des compétitions de voltige Red Bull et remporte notamment le championnat du monde Red Bull Air Race 2018 dans la catégorie Challenger. Mais son projet, Bullseye Landing, l’a amené à repousser les limites de l’aviation et de ses rêves !

Rêves d’azur

Łukasz Czepiela est habitué à atterrir sur des surfaces étroites. « Je me suis demandé

ce qui était encore plus difficile. Les coûts de vol d’un Carbon Cub sont trois fois moins chers que ceux d’un hélicoptère, et son atterrissage est très court. Alors j’ai décidé de le poser sur l’héliport le plus célèbre au monde. »

Obscures profondeurs

Il dessine la réplique exacte de l’héliport sur une piste locale avec une bombe de peinture puis réalise officiellement 650 atterrissages d’entraînement (et affirme en avoir

effectué officieusement « beaucoup, beaucoup plus »). Au bout de deux mois, il atterrit à chaque coup. Pourtant, il y a une chose à laquelle il lui est impossible de se préparer. « Lors d’un atterrissage à l’aéroport, on a une bonne idée de la hauteur. À l’approche de l’héliport, on passe de 200 m à 0. » Il a donc fallu faire confiance au processus : « On ferme les yeux et on se lance. »

L’esprit affûté

Czepiela est également commandant de bord pour Wizz Air. « Si mon Airbus se retrouve dans des conditions exceptionnelles à cause de turbulences, je suis capable de gérer cela, et pas seulement du fait de mon expérience : j’ai étudié la psychologie du sport, la méditation, et comment entrer dans un état de flow », précise-t-il.

Modèle modifié

Pour relever ce projet unique, il a fallu modifier l’avion. « Un modèle normal c’est comme tirer un caddie de supermarché. Si on freine brutalement, la queue commence à se relever » Les réservoirs de carburant ont donc été déplacés vers l’arrière pour une meilleure stabilité et le train d’atterrissage a été renforcé. « On a mis du nitro dans le moteur pour lui donner 50 chevaux en plus, ça me permettait de tirer l’appareil vers le haut en cas de courant descendant. »

Safe zone

Une piste d’aéroport commercial peut atteindre une longueur de 3,9 km, soit 900 m pour atterrir. L’héliport du Burj

Łukasz Czepiela, pilote de haute voltige

Al Arab mesure 27 m de long, pour un espace d’atterrissage de 4 mètres. Quand on s’approche à 24 km /sec, on a littéralement « une fraction de seconde » pour décider si on se pose ou pas. « Si j’étais trop court d’un mètre, c’était le crash, si je dépassais d’un mètre, impossible de m’arrêter à temps », explique-t-il. redbull.com/bullseye-landing

PERSPECTIVES comment…
« Si j’étais trop court d’un mètre, c’était le crash. »
86 THE RED BULLETIN MIHAI STETCU/RED BULL CONTENTPOOL, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL CHARLIE ALLENBY

Deux secondes. Le temps de lire cette phrase, plus de 120 000 recherches ont été effectuées sur Google, une abeille a battu au moins 460 fois des ailes, et les pilotes de F1 d’Oracle Red Bull Racing, Max Verstappen et Sergio Pérez, viennent d’effectuer un arrêt au stand. Dans un sport où les championnats du monde se décident désormais dans le dernier tour de la dernière course de la saison, les gains marginaux sont essentiels ; le temps qu’il faut pour changer les gommes peut être un facteur décisif pour la victoire… ou la défaite. Les mécanos de l’Oracle Red Bull Racing, un atout majeur dans la manche des pilotes de l’écurie : depuis 2018, ils ont remporté chaque DHL Fastest Pit Stop (arrêts au stand les plus rapides) en battant à chaque fois tous les records : les 1,82 sec d’arrêt au stand de Max Verstappen au Grand Prix du Brésil 2019 restent encore à battre.

Pourtant, le pit stop n’est ni la spécialité ni la fonction principale des membres de cette équipe : au nombre de vingt, ils travaillent comme mécaniciens, techniciens et même ingénieurs informatiques sur le paddock et ne font briller leurs qualités de ravitailleurs express que pendant les courses. Matt Caller, mécano en chef sur la voiture de Sergio Pérez, l’homme de 33 ans est l’un des quatre wheel gunner de l’équipe Oracle Red Bull Racing, soit dit celui qui enlève et remet l’écrou à l’aide d’un pistolet pneumatique dernier cri.

« Il ne faut pas forcément être en super forme ni super costaud pour travailler dans les stands d’arrêt, explique Matt Caller. Il faut surtout éviter de se blesser. J’essaie de conserver un tronc et un dos en bon état et je les muscle en faisant des étirements et du fitness pour éviter les tensions et les déchirures. Mais pour être le meilleur, il faut un corps et un esprit prêts à se

OBJECTIF

Top gunner

Membre de l’Oracle Red Bull Racing, Matt Caller explique comment fonctionne la meilleure équipe de ravitaillement de F1 au monde.

mettre au turbin en un éclair, vingt-trois week-ends par an. »

Flexible et créatif

Si l’intersaison permet de se fixer des objectifs personnels de remise en forme, tels que « prendre un peu de volume ou travailler son cardio », Caller estime que le plus important pour la saison (mars à novembre) est la flexibilité. Dans ce cas, l’équipe doit faire preuve de créativité pour travailler son cardio : une fois les couvertures chauffantes posées sur les voitures, les mécanos ont une heure de battement pour courir ou faire du vélo sur la piste. Certains en profitent même pour faire leurs propres concours pri-

vés : « Tous les week-ends, on a droit à une compète entre les coureurs les plus forts pour savoir qui fera le meilleur temps sur le circuit. »

Mémoire musculaire

Caller estime que l’équipe s’entraîne à faire 2 000 arrêts

au stand par saison (100 par semaine en pré-saison et entre 60 et 100 pendant un weekend de course). Une session dure environ 15 à 20 minutes en remettant les compteurs à zéro entre chaque séance : « On retourne tous au garage pour se positionner là où on serait à peu près. » Plus que la vitesse, l’objectif est d’être en parfaite harmonie. « On se met systématiquement dans des conditions de courses exactes, c’est comme une mémoire musculaire. »

Réaction en chaîne

Même si l’équipe fait des étirements et utilise des appareils de massage pour éviter tout incident éventuel avant la course, elle ne sait jamais quand il faudra bondir pour le premier arrêt au stand. « On peut se préparer mentalement, mais on sait qu’on ne sera prévenu que 15 secondes avant, on n’a pas vraiment le temps de s’échauffer, il faut juste y aller, réagir aussitôt, explique Caller, qui fait des exercices de respiration pour se détendre. Je respire en inspirant et en expirant très lentement pour faire baisser mon rythme cardiaque. » Puis il visualise un arrêt au stand optimal pendant les 10 à 15 mètres qui séparent le garage du stand. « Le temps d’arriver, on a déjà fait deux arrêts dans sa tête, donc le premier arrêt n’est plus le premier, mais le troisième. »

Faire mouche

Un wheel gunner doit faire preuve d’une grande précision pour s’assurer que le pistolet s’enclenche sur l’écrou du premier coup. Bien qu’il pense que les entraînements d’arrêt au stand l’aident à rester fit, Matt Caller s’est rajouté un exercice : il lance une balle de tennis contre un mur et la rattrape avec l’autre main plusieurs fois de suite. « Faire cet exercice avec un chrono et essayer d’être le plus rapide possible permet d’améliorer la coordination œil-main », explique-t-il. redbullracing.com

PERSPECTIVES fitness
« Pas le temps de s’échauffer ! »
Matt Caller, Flingueur d’élite de Formule 1
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DE haut, de gauche à droite : pantalon THRUDARK Strike, thrudark.com; chaussettes STANCE Sage Crew, stance.eu.com; casquette TERREX HEAT.RDY Five-Panel Graphic, adidas.fr; coupe-vent JACK WOLFSKIN Prelight, jack-wolfskin.fr; tee-shirt THRUDARK Force Velocity Technical, thrudark.com; short SALOMON Wayfarer, salomon.com
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Sac-à-dos ORTLIEB Packman Pro Two, ortlieb.com; lunettes de soleil OAKLEY BXTR, oakley.com; bouteille isotherme en acier inoxydable MIZU V8 800ml, mizulife.eu; montre solaire GARMIN Instinct 2S, garmin.com; chaussures de randonnée ON Cloudtrax Sensa, on-running.com
PERSPECTIVES matos
PERSPECTIVES matos
Couverture RUMPL Sherpa Puffy, rumpl.com; kit de cuisine complet BIOLITE CampStove, bioliteenergy.com
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#2 PIQUE-NIQUE
Vaisselle de camping SNOW PEAK Renewed Set L, snowpeak.com; fontaine à eau 11 L et robinet d’eau DOMETIC GO, dometic.com; pichet YETI Rambler, yeti.com; lunch box MIZU, mizulife.eu; fourchettes en titane, cuiseur anti-adhésif et assiette SNOW PEAK, snowpeak.com; couteau JAMES BRAND The Ellis Slim, thejamesbrand.eu; set de cuisine pour camp de base STANLEY Adventure, stanley1913.com; totebag COTOPAXI Allpa 60 L, cotopaxi.com
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PERSPECTIVES matos
PERSPECTIVES matos
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PERSPECTIVES matos
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PERSPECTIVES matos #4 BAIGNADE

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96 THE RED BULLETIN

Ça envoie du bois

Marseille a son OM, sa bouillabaisse, son bowl de skate et son Vincent Matheron. Les deux derniers listés sont indissociables. Le skateur de 25 ans, pote de Tony Hawk (voir leur cover commune de The Red Bulletin en 2021) s’est lancé gamin au fameux spot jouxtant la plage du Prado, pour devenir l’un des meilleurs riders au monde.

À un an de ses seconds JO et quelques semaines du Red Bull Bowl Rippers (les 2 et 3 sept. au… Prado), le voici en action au skatepark de Carry-le-Rouet (13) en one footed ollie, face à l’objectif de Don Grego. Suivez-le sur Insta : @vincent_matheron

Pour finir en beauté
Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 17 août 2023
98 THE RED BULLETIN GREG POISSONNIER/RED BULL CONTENT POOL
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