The Red Bulletin FR 03/24

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FRANCE MARS 2024

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FREERIDE²

LIBRE, CRÉATIF, À BLOC... TRACEZ AVEC LE DUO MANON LOSCHI ET MAX PALM



É D ITO R I A L

Contributions

PATRICIA OUDIT Spécialiste de l’outdoor et de l’aventure, la journaliste Patricia Oudit avance souvent en duo avec le photographe Dom Daher. Ensemble, ils se sont plongés dans les archives de Dom pour vous concocter un article sur le Freeride World Tour qui vous éclairera sur ses backstages et ses talents iconiques. P. 50

HUGUES MARLY

GERMAIN FAVRE-FELIX (COUVERTURE)

Journaliste indépendant basé à Paris, Hugues est passé par la radio Nova et on peut aussi le lire sur l’Abcdr du son. Il a ­ ccorde un intérêt particulier à la Culture et pour The Red Bulletin, il a rencontré l’artiste Josèfa Ntjam, qui l’a touché tant par ses convictions que par sa vision sans hiérarchie du monde des arts. P. 16

DEUX FOIS PLUS LIBRES Un duo d’athlètes, pour un effet miroir. Manon et Max, deux approches alignées du freeride. Pour ce Red Bulletin, les jeunes riders se sont offert une session pour le plaisir de nos yeux (et le leur), et rassasier à nouveau leur passion du ski. Leur approche pure, un sport libre, créatif et amusant, pourrait vous séduire. Ski encore, avec le Freeride World Tour, où les deux amis pourraient bien briller cette année. Une compétition d’élite où les riders doivent apprivoiser les faces les plus radicales. Ski toujours, avec le polyvalent Marco Odermatt, « roi des pistes », qui sait se mettre dans le dur, pour exceller au-delà de la normale. Les amoureux·euses de culture ne seront pas en reste avec une interview du rappeur-­ activiste US Killer Mike, et le portrait de Baloji, un MC devenu réalisateur, pour interroger sa propre histoire. Et bien d’autres talents encore. Bonne lecture ! Votre Rédaction

OUAFAE MAMECHE Quand Augure est sorti en salles, il était évident pour la journaliste d’aller discuter avec le réalisateur belge Baloji, elle qui écoute sa musique depuis son adolescence. « Nous nous connaissons depuis des années et ce lien a permis à Baloji de me parler en toute confiance de son nouveau film et de sa ­réception. » P. 62 THE RED BULLETIN

« J’ai pensé qu’immortaliser ce moment en freeride avec le reflet d’un miroir le démarquerait totalement. » Et Germain Favre-Felix, le photographe de notre cover story, avait raison. Page 28

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CONTENUS

70 G A L E R I E 6 P L A Y L I S T : J E W E L U S A I N 12 I C H I K O A O B A 14

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J O S È F A N T J A M 16 S A N T I A G O B O R J A 18 L I L I C R E U K 20 HÉROS & HÉROÏNES

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Devenir artiste demande du taf, mais c’est aussi du droit à l’erreur comme le montre la jeune chanteuse.

JAY RAWE

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Base Jump. Accident. Positiver. La nouvelle vie de Jay Rawe.

LE KAIJU

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L’artiste vous transporte dans son Paris XVIIIe, où sa queerness remet en question la notion locale de différence.

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V O YA G E : A L P I N I S M E D A N S L E S C A I R N G O R M S ( É C O S S E ) 79 G A M I N G : D E L’ U R L À L’ I R L 84 M A T O S : I L V A N E I G E R 86 R E C O : D I T E S E N F I N N O N 94

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Ave son film Augure, qui se déroule au Congo, le rappeur et réalisateur belge raconte nos sociétés.

F I T N E S S : S O Y E Z F O R Ê T 95 M E N T I O N S L É G A L E S 96 P O U R F I N I R E N B E A U T É 98

AGIR

KILLER MIKE

PORTRAIT

Qu’est-ce que la normalité d’un monstre du ski ? Travail et rigueur, pour faire suer ses adversaires.

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Dans les coulisses du Championnat du monde de ski extrême, grâce au photographe Dom Daher.

BALOJI

Un duo de freeriders prêt à se ­donner pour aller encore plus loin dans la liberté et la créativité.

MARCO ODERMATT

FREERIDE WORLD TOUR

PA RC O U RS

SUJET DE COUVERTURE

LOSCHI & PALM

PERSPECTIVES

DÉCOUVRIR

NEIL GAVIN, GERMAIN FAVRE-FELIX

ETHEL

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Le rappeur et militant US redonne leurs lettres de noblesse à celleux qui lui ont permis de garder espoir, et salue l’importance de la communauté. THE RED BULLETIN


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TAL ROBERTS/RED BULL ILLUME

DAVYDD CHONG


Portland, USA

LE RIDER DE L’AUBE Dans cette image de Tal Roberts, demi-finaliste (catégorie Lifestyle by COOPH) du concours Red Bull I­ llume, les arches gothiques du pont St. Johns surplombent Willis Kimbel. « L’idée a mis du temps à se concrétiser, car ce pont est très fréquenté et peu de skateurs étaient dispos pour une session à 5 heures du mat’, dit Roberts, mais Willis (un local, ndlr) est toujours chaud pour un shoooting. » En 2019, un skatepark DIY a été découvert sous l’extrémité ouest du pont, mais il a été démoli en raison de craintes structurelles. redbullillume.com

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Kamtchatka, Sibérie

VERS LA VAGUE

Chaud ou froid votre surf ? Sa recherche de « vagues jamais surfées auparavant » a conduit Guy ­Williment en Sibérie en 2022. Cette vue de drone des surfeurs Letty Mortensen, Fraser Dovell et Anton ­Morozov lui a valu une place en demi-­ finale du Red Bull Illume (Innovation by MPB). Pour éviter d’entrer dans l’eau (1°C) plus tôt que nécessaire, ils ont ­utilisé des icebergs comme marches géantes afin ­d’atteindre l’autre côté de la « plage ». Et la suite ? redbullillume.com


DAVYDD CHONG GUY WILLIMENT/RED BULL ILLUME, BRIAN SOLANO/RED BULL ILLUME

Maui, Hawaï, USA

DANS LA VAGUE Pendant ce temps, au Pe’ahi break (alias Jaws) sur Maui, le surf se pratique au ­soleil. « Ma perspective préférée est celle du ciel », explique le photographe US Brian Solano à propos de ce cliché de ­Billy Kemper, icône des big waves, « et mon pilote d’hélico, Nick, s’est positionné au-dessus du canal juste au moment où Billy tombait dans l’un des barrels les plus propres que j’aie vus à Pe’ahi ». Une place en demi-finale du Red Bull Illume (Energy) fut sa récompense. redbullillume.com

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Avoriaz, France

À VOS LIGNES ! Voyez le style de Thibault Magnin, qui a remporté le Red Bull Infinite Lines (Hommes) en 2023. Entre kickers, hips, step up, step down ou encore tables, le Red Bull Infinite Lines est une ­compétition de ski et snow All-Mountain Freestyle mixant terrain de jeu naturel et modules freestyle backcountry. Un line-up international de 24 riders pros (hommes et femmes) s’affrontera à La Rosière (Savoie) du 25 au 28 mars, pour y dessiner une ligne unique parmi une infinité de possibilités. redbull.com


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TEDDY MORELLEC/LA CLEF PRODUCTION/RED BULL CONTENT POOL


JEWEL USAIN

Update Le rappeur d’Argenteuil raconte son éveil émancipateur à travers quatre morceaux. Actif dans la scène rap français depuis les années 2010, Jewel Usain n’était qu’un jeune homme ordinaire avant de se rendre compte que son 35 heures et sa routine ne suffisaient pas à remplir sa vie. Celui qui, enfant, écoutait les gars de son quartier plutôt que les rappeurs déjà en place sortira des années plus tard, en 2021, Mode Difficile, un EP qui lui permettra de partir en tournée pendant deux ans. « Quand il y a une porte qui s’entrouvre, il faut saisir l’occasion. C’est un moment charnière où, soit on décide d’y croire pour de vrai, soit on regarde la porte se ­refermer doucement. » En 2023, il frappe un grand coup avec son album Où les garçons grandissent, fruit d’une confiance grandissante qui symbolise cette impression de stagnation, alors qu’en vérité, les choses avancent. « À partir du moment où on en prend conscience, on incarne cette évolution, et le changement s’opère », philosophe Jewel pour conclure.

Kery James

Chiddy Bang

Disiz

RaelSan (2011)

Thug Life (2007)

Out 2 Space (2012)

Spirales (2014)

« Je me souviens où j’étais quand j’ai regardé le clip pour la première fois. C’était à ma pause déjeuner au travail ! Son discours revanchard m’a directement parlé : “Faut qu’on s’ouvre l’esprit, faut que les pantins coupent les fils, prends la route et fuis...” C’était écrit pour moi. Si tu es un humain lambda, comme je l’étais, cette phrase te touchera. »

« “On s’aime donc on s’pardonne, tant qu’il n’y a pas trahison qu’entraîne mort d’homme”, cette phrase m’aide dans mes relations fraternelles. Pour rester connecté, ce que l’on a besoin d’entendre, c’est la vérité, les problèmes des gens. Si tout est centré sur toi, ça devient ­hyper néfaste. Quand je suis au quartier, on me vanne, même s’il y a une fierté pudique. »

« La première fois que je l’ai écouté, je courais, la nuit. Je ne me souviens pas où j’allais, mais je courais. J’ai eu un élan de larmichettes. C’était beau ce combo nuit et refrain très gospel. Je ne comprenais pas les paroles à l’époque et pourtant, j’ai saisi le message de l’élévation. Laisser en contre-bas les problèmes qui nous ont coupé les ailes à un moment donné. »

« J’adore le deuxième couplet, qui a un goût de plénitude à laquelle on a du mal à croire. Tu sais que tu te sens bien, mais ta vie te fait dire que tu peux ­retomber dans le pessimisme. La solution se trouve dans notre entourage et dans notre envie de vivre pleinement. C’est ce qui est en train de m’assaillir. J’ai envie de ressentir ce qui m’arrive, de prendre le temps. »

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THE RED BULLETIN

@LONYMOON.ROSE

Orelsan

MARIE-MAXIME DRICOT

Écoutez Où les garçons grandissent de Jewel Usain sur Spotify.


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Échappatoire fondamentale Rencontre avec l’artiste compositrice japonaise Ichiko Aoba, génératrice de confort et d’apaisement grâce à son folk nippon qui nous plonge directement dans des mondes fantastiques. Alors que l’Europe est en train de découvrir Ichiko Aoba, la compositrice japonaise, considérée dans son pays comme l’un des plus grands talents de sa génération, a déjà collaboré avec les artistes Haruomi Hosono et Ryuichi Sakamoto (1952-2023) – connus dans le monde entier comme membres respectifs du groupe de rock Happy End et du groupe pionnier de musique électronique Yellow Magic Orchestra – dont on ne mesure plus la richesse des œuvres. On la retrouve aussi sur la bande originale du jeu The Legend of Zelda: Link’s Awakening et pour cause, Ichiko maîtrise l’univers de la fantasy.

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La première fois que je l’ai rencontrée, c’était en 2020 via son album Windswept Adan, qui m’a tout de suite conquise. Un projet luxuriant qui lui permettra de percer à l’international en proposant cet album comme la bande originale d’un film qui n’existe que dans son esprit et qui se déroule sur deux îles ­fictives. Par exemple, le single Porcelain, qu’on retrouve sur l’album, est né de l’idée de représenter en musique les conditions météorologiques des îles Kerama où Aoba s’est rendue lors de ses recherches pour son scénario (en collaboration avec le producteur et compositeur Taro Umebayashi).

La deuxième fois que je l’ai rencontrée, en physique cette fois-ci, c’était à l’occasion du Pitchfork Music Festival Paris en novembre 2023, dans les loges de la salle Pleyel, juste avant son concert et en présence de son manager, qui nous a permis d’échanger pendant quelques minutes en traduisant nos propos. Entre-temps, elle avait déjà sorti la BO du film Amiko, réalisé par Yoko Yamanaka, le single meringue doll, et elle était devenue résidente de la radio internet NTS. Elle y anime une émission qui « plonge dans l’univers onirique du phénomène folklorique ambiant japonais ». Si le monde musical d’Ichiko favorise une certaine imagination nostalgique et tend à développer notre esprit créateur pour l’emmener dans des dimensions intimes, c’est probablement parce que l’artiste, qui a appris la guitare classique à 17 ans, a été bercée par le monde de Disney et de Ghibli enfant. Aoba fait preuve d’élégance et de volupté et agit sur notre fantaisie consciente, grâce à sa voix et sa guitare acoustique qui, ensemble, ralentissent le temps pour créer un moment magique de vulnérabilité. « Même s’il s’agit d’une expérience douloureuse qui vous donne envie de fermer les yeux, il y a quelque chose qu’on peut saisir en creusant davantage. La mission du créateur, c’est d’aller chercher cela et d’essayer de le ramener. En libérant l’expérience personnelle ultime, on peut la transformer en un lieu ouvert auquel tout le monde peut accéder. » Une fantaisie qui s’accompagne de croyances propres à chacun·e comme dans le rêve et l’illusion, et se dirige vers des pensées ou des émotions, certes qu’on ne maîtrise pas toujours, mais qui sont bénéfiques, si on se prête à l’exercice du laisser-aller. Par les temps qui courent, la musique d’Ichiko Aoba est une véritable bouffée d’air frais. IG : @ichikoaoba

KODAI KOBAYASHI, @ICHIKOAOBA MARIE-MAXIME DRICOT

ICHIKO AOBA

THE RED BULLETIN


Créatrice de sa propre magie, Ichiko aime s’adonner à des instants créateurs lorsque personne ne regarde.

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Plasticienne,­ ­musicienne, vidéaste, sculptrice et enseignante, Josèfa Ntjam privilégie la mise en réseau d’œuvres intimes et politiques.

JOSÈFA NTJAM

Changement de repères Dans un effort d’émancipation et de réappropriation de l’Histoire, l’artiste Josèfa Ntjam s’imprègne du monde digital, des archives et des sciences naturelles pour créer de nouveaux récits intimes et futuristes. À l’image de son expo personnelle et immersive Matter Gone Wild qui se tenait jusqu’à fin janvier 2024 à la Fondation d’entreprise Pernod Ricard à Paris, l’héritage de Josèfa Ntjam est pluriel et non hiérarchisé. « Ma mère est franco-allemande, mon père est camerounais, moi, je suis née en France (à Metz, en 1992, ndlr). Ce mélange raconte plein d’histoires différentes. J’ai grandi dans le 93. C’est la mise en commun de beaucoup de choses. » Une affaire de collage selon elle, qui est aussi une de ses pratiques artistiques. Encouragée par sa mère à faire du dessin et à prendre des notes pendant les visites au 16

Musée de l’Histoire de l’immigration et au quai Branly, la jeune artiste poussera les portes du conservatoire de musique du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis avant d’intégrer l’École Supérieure d’Art et du Design d’Amiens en 2012. Quatre ans plus tard, elle se rendra à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pour suivre le cours de remise en question des politiques culturelles, avant d’obtenir son diplôme d’expression plastique à École Nationale Supérieure d’Arts de Paris Cergy (ENSAPC) en 2017. Depuis, elle a exposé à Londres, Marseille ou Alfortville. Parmi les propositions ­artistiques qui l’ont marquée

À travers ses installations, l’artiste déconstruit les discours hégémoniques sur la notion d’identité. THE RED BULLETIN


Vue de l’exposition Matter Gone Wild, de Josèfa Ntjam à la Fondation Pernod Ricard, Paris.

à l’adolescence, Josèfa Ntjam, 32 ans, cite avec le même enthousiasme le documentaire Downtown 81 sur Jean-Michel ­Basquiat dans les rues de NewYork. Elle évoque aussi un concert du groupe rock Zone Libre aux côtés de la rappeuse Casey, avec laquelle elle partage un sens de l’éloquence au service d’un discours révolutionnaire. Celui-ci se retrouve dans l’une de ses vidéos empreinte de science-fiction : « C’est une question récurrente dans les cultures noires : aller dans l’espace, essayer de trouver un territoire dans lequel on pourrait évoluer, créer un autre écosystème, une forme de liberté. » Ce clip porte le nom de l’expo, et fonctionne comme un fil rouge dans cette matière devenue folle : l’artiste, avec des mouvements de danse inspirés du Krump, incarne une poésie percutante autour de son identité multiple et dénonce les violences policières. Comme dans un grand photomontage 3D, Lowres Adama, sur lequel on retrouve notamment Assa Traoré et son frère Adama, accompagné au sol d’un faux serpent fabriqué par Josèfa. De quoi faire le lien avec une autre de ses créations, un portrait réunissant son frère et leur grand-mère camerounaise : « Mon travail est relié à une actualité politique. Ma grandmère a dû lutter, son mari s’est fait tuer par les forces coloniales françaises. Mon frère pourrait être un Zyed, un Bouna, un Nahel. C’est aussi un jeune garçon racisé. Ce sont toujours les mêmes systèmes de répression. » Dans cette convergence des luttes, entre histoire occultée et actualité, récits familiaux et sociétaux, il y a la volonté de toucher le plus grand nombre. « Ça doit parler à ma famille, à ma génération, et à la prochaine aussi. Mais je vise aussi les personnes qui pensent ne pas être concernées par ces questions, c’est hyper important que mon travail arrive jusqu’à elles. » IG : @josefantjam

THE RED BULLETIN

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MICHAEL HUARD, MARC DOMAGE, NICOLETTICONTEMPORARY.COM

HUGUES MARLY

Mami, Josèfa Ntjam, 2023. Photomontage imprimé sur du plexiglas. Dans le cadre de l’exposition Matter Gone Wild.


Passionné de photographie, Santiago Borja est aussi pilote d’avion : un métier qui lui permet de capturer dans des clichés féeriques les humeurs de notre voûte céleste. Santiago Borja est ce qu’on appelle un chasseur d’orages : dès que le vent se lève et que la couleur du ciel se fait menaçante, il sort son appareil photo. Mais pas n’importe où : depuis le cockpit de son Boeing 767 cargo qu’il pilote entre l’Amérique du Nord et du Sud. C’est là, à 12 000 m au-dessus de la surface terrestre, qu’il capture des images spectaculaires d’amas nuageux et d’éclairs traversant le ciel dans une symphonie de couleurs à couper le souffle. Aussi impressionnants soient-ils, ces clichés sont toujours pris sans aucun risque – l’avion de Borja se trouvant en général à une vingtaine de kilomètres de la scène photographiée : « Je me trouve toujours en dehors de l’orage, il n’y a 18

donc aucun danger immédiat, explique ce pilote équatorien. Cela n’a rien d’effrayant. Vous êtes dans une zone très calme. Lorsque ça secoue un peu, je ne sors même pas mon appareil. » C’est en effet durant les pauses de l’équipage durant les vols long courrier que Borja s’adonne à sa passion. Pendant que ses collègues – toujours trois ou quatre – en profitent pour manger ou se reposer, lui sort son Nikon DSLR et scrute l’horizon. Si la ligne Panama-­ Colombie est particulièrement riche en formations orageuses, la vitesse de croisière du Boeing – 450 nœuds, soit 830 km/h – ne laisse à Borja qu’une petite fenêtre d’environ cinq minutes pour ses sessions – qui peuvent aller jusqu’à 200 ou 300 photos.

Le photographe et (plus haut) l’un de ses clichés de la foudre jaillissant des nuages.

THE RED BULLETIN

RACHAEL SIGEE

Objectif ciel

« Le mieux, ce sont les nuits sans lune, explique Borja. Et ­encore mieux, c’est la p ­ énombre totale car on peut utiliser une exposition très longue. » Une méthode qui va à l’encontre des « règles » de la photo, selon lesquelles un trépied est indispensable dans ces conditions. « Les éclairs dans le ciel agissent comme un flash, donc même en longue exposition, la lumière qui arrive sur le capteur est très brève. S’il s’agit d’un gros orage, les éclairs se succèdent à quelques secondes d’intervalle. Cela fait autant de chances d’avoir, à la fin, quelque chose d’intéressant. » De tels clichés lui ont valu la 3e place catégorie Paysages, 2016 au concours de Photographe Nature organisé par le National Geographic, ainsi que des contrats avec des météorologistes et des scientifiques – sans oublier les 140 000 followers de son compte Insta. «­ Il n’y a pas deux orages qui se ressemblent, et assister à de tels spectacles est une leçon d’humilité. On a parfois l’impression d’être sur une autre planète. » IG : @santiagoborja

SANTIAGO BORJA

THE STORMPILOT


Piercing the Sky, 2022 : « Je ne sais pas ce qui me plaît le plus dans cette image : la masse orageuse qui arrive à percer le plafond nuageux pour atteindre le soleil qui lui était dissimulé. Ou cette quiétude retrouvée, une fois le chaos de l’orage derrière soi. » THE RED BULLETIN

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Artiste de l’ongle Lili Creuk décore les ongles et livre un véritable travail de création, avec une préférence pour le bling. Et a osé, pour que d’autres osent à leur tour. « En 2018, j’ai fait les ongles de Nicki Minaj pour Elle USA, c’était mon deuxième shooting. Pas de chance, elle voulait quelque chose de très sobre, mais c’était super de bosser avec une star comme elle. Le soir, une fois rentrée chez moi, je me suis dit que c’était une journée de folie. » Fou, comme l’agenda de cette jeune femme très sollicitée. Dans son salon du IIe arrondissement parisien comme pour des prestations à domicile, on l’apprécie pour sa personnalité brute, elle qui ne fait pas de différence entre ses clientes, qu’il s’agisse de la chanteuse Angèle, de comptables ou de copines qui travaillent à La Défense. Pourtant, au départ de sa passion, Lili Creuk ne s’imaginait pas monter une entreprise autour du Nail Art. Passée par des études aux Beaux-arts de Caen, et une formation de prothésiste ongulaire vécue comme une révélation, 20

c’est seulement après un licenciement que Lili se lance en autodidacte dans cette pratique artistique. Depuis son petit ­appartement, elle reçoit du monde et rencontre un certain succès dans un contexte favorable : « J’ai eu de la chance de me ­lancer quand la demande

Lili Creuk : « Mon truc, c’est de m’exprimer à travers de petites toiles éphémères que j’ai fabriquées ou non. »

THE RED BULLETIN

LILI CREUK

NAIL ART

­ evenait conséquente, car les d Françaises voyaient cette pratique en Asie et aux USA, via les réseaux sociaux. » Pour mieux séparer ces ­espaces de vie et de travail, elle ouvre un premier salon à la fin des années 2010 grâce à un héritage, et partage le lieu avec d’autres filles des métiers de la beauté et du bien-être, un bon moyen d’élargir sa clientèle. Puis un deuxième, en 2020. Au-delà de son côté passionnée et débrouillarde, ce qui marque chez Lili Creuk, c’est sa confiance dans son travail : « On me dit souvent que je suis la reine du bling, mes ongles peuvent être très chargés, ça peut être vu comme kitch, mais pour moi c’est pas une insulte. » Ça serait même une source de fierté. Selon Lili, le nail art est plus qu’une simple question d’esthétique, c’est aussi une ­affaire d’estime de soi : « Mes clientes me disent qu’elles se sentent fortes avec des ongles. Ça booste leur confiance. » L’artiste, elle-même se nourrit de ces rencontres : « J’adore les filles qui osent et assument complètement qui elles sont. » Une source de motivation pour Lili qui doit souvent faire face à un manque de considération concernant son métier : « Il y a beaucoup de technique dans le nail art, mais je ne suis pas esthéticienne, c’est bien plus créatif, c’est de l’art, d’où mon signe en néon qui dit : It’s not just nails, it’s art bitch! Et c’est de plus en plus reconnu. » IG : @lilicreuk

HUGUES MARLY

Pour Lili Creuk, le nail art est un art qui affirme sa personnalité, jusqu’au bout des doigts.


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H É RO S & H É RO Ï N ES

EXPLORATION IS ALRIGHT

La chanteuse Ethel a quitté la France pour mieux y revenir. En multipliant les recherches musicales et développant son usage de l’anglais, elle affirme son style et son droit de chanter dans cette langue qui n’est pas maternelle. TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT

Née dans une famille où la musique est omniprésente, la chanteuse-auteure-compositrice, Ethel, 23 ans, a su forger au cours des années sa propre identité sonore influencée par des artistes comme Tyler The Creator et The Internet. Joueuse de batterie depuis ses cinq ans, Ethel a toujours préféré être en retrait malgré sa fascination pour les bêtes de scène que sont Beyoncé et Shakira. Souvent recluse, elle décide de sortir de sa chambre pour partir à l’aventure. Il lui aura fallu poser ses bagages en Angleterre pour prendre confiance en elle, pousser les portes des studios d’enregistrement et devenir celle dont elle se projetait l’image. À l’occasion de la sortie de son EP The Burden of Fever Dreams, qui raconte les états d’âmes et les pensées intrusives d’une adolescente, Ethel nous explique l’importance de son expérience de l’autre côté de la Manche. the red bulletin : Pourquoi as-tu quitté la France après ton bac ? ethel : Je suis partie en Angleterre pour faire des études de psychologie en y combinant ma passion de la musique, rencontrer des internationaux et apprendre la langue. J’ai toujours voulu écrire des chansons en anglais mais pour se sentir légitime de le faire, il faut un certain parcours et puiser ses inspirations ailleurs. Que s’est-il véritablement passé une fois installée là-bas ? J’ai rencontré beaucoup de producteurs et d’amis qui jouent de la musique dont du jazz. J’ai eu des résidences et je jouais toutes les semaines dans un restaurant italien. Et j’ai beaucoup écrit ! C’est là que j’ai découvert ma vocation.

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PHOTO VICTOR JACQUES SEBB

Si au début, tu chantais en français, tu as vite laissé ça de côté. D’ailleurs à quoi ressemblait ton premier morceau, qui n’est plus disponible en streaming. J’avais 18 ans quand je l’ai sorti. C’est un morceau que personne n’a envie d’écouter. (Rires) Je pense qu’il faut accepter son évolution donc je l’ai supprimé car c’est tellement loin de ce que j’essaie de construire aujourd’hui. Comment entreprends-tu cela ? Ça fait trois ans que je travaille sur mon EP The Burden of Fever Dreams. Je fais très attention à ce que je sors, tout est intentionnel. Je ne suis pas du genre compulsif et à faire des mixtapes. Sur cet EP, tu as collaboré avec le producteur français Banshee The Great, qui a lui-même travaillé avec Pop Smoke, Isaiah Rashad, Lil Uzi Vert. Comment vous êtes-vous rencontrés ? De retour à Paris, il m’a contactée après avoir vu mes covers de Frank Ocean et Teyana Tailor sur Instagram. Il venait d’avoir un placement pour Pop Smoke et voulait faire sa propre mixtape, sauf qu’on a fini par faire mon projet à la place. Êtes-vous restés en France pour produire The Burden of Fever Dreams ? En trois ans, on a fait pas mal de trips aux USA. L’idée était de rencontrer d’autres prods pour avoir un regard différent. On a exploré, eu des révélations et mûri. Je pensais pouvoir et vouloir faire du R&B, or ce n’est pas ce que je fais de mieux. Comment définirais-tu ton projet ? On est sur une forme libre dans les choix d’instrumentation et de paroles. On ne rentre pas dans les cases et je suis très fière. C’est probablement parce que dans mon parcours solitaire d’exploration musicale il y a eu énormément

de choses : Elliott Smith, The Band, ­D’Angelo, Erykah Badu, mais surtout Solange. Solange t’a poussée à sauter le pas ? Oui. Solange est une de mes plus grandes inspirations sur le plan musical et dans sa carrière. Elle n’a pas eu peur de recommencer à zéro, ce qui lui a permis d’être aux commandes de sa direction artistique. On a tendance à oublier qu’avant A Seat at the Table (2016) et When I Get Home (2019), il y a eu d’autres albums. As-tu l’impression qu’il n’y a pas de place pour ce que tu fais en France ? Peut-être, mais je pense que ça tient à la culture. En français, la variété et le folk fonctionnent très bien. Notre culture n’est pas soul, donc c’est compliqué. Après, des artistes comme Enchantée Julia maîtrisent très bien le R&B-soul à la française, qui est encore très niche. Il faut un certain background. Et puis, tout est catégorisé. Je n’avais pas envie d’être là-dedans. Est-ce que l’utilisation de ton single Andromeda, dans la BO de la série controversée The Idol avec The Weekend et Lily-Rose Depp, t’a aidée professionnellement ? Ce qui est compliqué quand on chante en anglais, c’est la légitimité vis-à-vis de soi et des autres, d’autant plus qu’on plonge dans un océan de compétition internationale. Même si c’est dur dans notre pays, j’ai persisté. Snoh Alegra est suédoise et ça n’a jamais été un statement, elle fait juste sa musique. Andromeda, ça a été un peu ça pour moi.

IG : @ethel.nass

THE RED BULLETIN


« Je pensais pouvoir et vouloir faire du R&B, or ce n’est pas du tout ce que je fais de mieux. » Ethel et Banshee ont composé une centaine de tracks pour se découvrir : « trucs nuls », rock, guitare-voix.

THE RED BULLETIN

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H É RO S E T H É RO Ï N ES

TOUJOURS DEBOUT

Lorsqu’un accident de BASE-jump a laissé Jay Rawe avec des séquelles qui ont changé sa vie, il a utilisé sa force mentale et son attitude positive pour trouver une nouvelle vocation, alimentée par l’adrénaline. TEXTE CHARLIE ALLENBY

the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer en BASE jump ? jay rawe : Gamin, à Bradenton, en Flo­ ride, mon grand-père avait une licence de pilote et m’emmenait voler d’un aéroport municipal à l’autre. J’ai toujours voulu pouvoir voler sans avion. Comment m’en

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approcher ? En BASE jump. Il faut de l’ex­ périence en parachutisme, alors à 21 ans j’ai passé mon AFF (Accelerated Freefall ­licence, ndlr), où je me suis fait des potes. En 2013, l’un d’eux a vu Miles Daisher, de la Red Bull Air Force, poster en ligne qu’il avait besoin de faire construire un toit sur sa maison en échange d’un cours de pre­ mier saut. Avec deux copains, on a sauté dans une bagnole, conduit de la Floride à l’Idaho, et avons construit ce toit. Huit mois plus tard, vous vous cassez le dos… Qu’est-ce qui a changé ? Après l’opération, je suis resté huit jours en soins intensifs avant d’être transféré en Floride pour une rééducation en hospita­ lisation. Un médecin m’a dit que je ne re­ trouverais peut-être jamais mes mouve­ ments. Dans mon esprit, c’était : « Je vais revenir à 100 %. Je vais sauter en BASE dans six mois. » Je ne suis pas encore à 100 % : je marche avec une canne et j’ai une attelle pour éviter que les orteils de mon pied gauche ne me fassent trébucher, car je souffre d’un pied tombant (incapa­ cité à bouger l’avant du pied, ndlr). Mais j’ai effectué un saut en BASE sept mois plus tard. Comment avez-vous testé le ski assis ? J’étais dans une mauvaise passe, je n’avais pas de travail, je buvais beaucoup et je travaillais dur à la salle de sport, mais je ne voyais pas de progrès. J’ai rencontré ma nouvelle petite amie et nous avons fait un voyage en voiture. Nous sommes allés dans l’Utah et ma mère et ma copine m’ont convaincu d’essayer le ski assis. Toutes les vidéos que j’avais vues mon­ traient des personnes que l’on traînait vers le bas de la piste, ce qui ne me don­ nait pas envie, mais j’ai vu une vidéo de (l’athlète paralympique canadien, ndlr) Josh Dueck en train de faire un saut ­périlleux arrière. Ce fut un déclic.

En quoi cela vous a-t-il aidé ? Cela m’a donné une raison de me lever et un esprit de créatif plutôt que de victime. De plus, le fait d’être la première per­ sonne à faire un 360 ° et la deuxième à faire un saut périlleux arrière m’a donné l’occasion de montrer qu’il y a un moyen de s’en sortir pour tous ceux qui se trouvent dans une situation similaire. Vous craignez de vous blesser à nouveau? Je pourrais m’asseoir sur le canapé, à ma­ ter les gens qui font cela et souhaiter être à leur place. Trouver un moyen de faire cela en toute sécurité et comprendre que je peux me blesser ne sera pas pire que de souhaiter le faire. Mener une vie épa­ nouie, c’est faire les choses que j’aime. Cela implique des risques, mais je fais tout ce que je peux pour ne pas aller trop loin. Vous avez été élu MVP masculin par les autres riders du Swatch Nines 2023. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? J’’étais le premier athlète de ski assis à être invité, je parlais au nom du métier et je devais montrer que les skieurs assis n’étaient pas plus handicapés qu’un skieur ou un snowboardeur. Lorsque j’ai été élu MVP, c’était comme être accepté. La suite ? J’ai différentes figures sur ma liste, dont le double cork 1080. J’aimerais aussi faire un saut assis-ski-BASE. Avant de me bles­ ser, je voulais apprendre à skier dans le seul but de faire un saut ski-BASE. J’ai trouvé un moyen de le faire en toute sécu­ rité, alors je vais tenter l’expérience bien­ tôt, dix ans après mon accident.

IG : @jayrawe1695

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THE NORTH FACE

Lorsqu’ils s’élancent du pont Perrine, dans la banlieue de Twin Falls, Idaho (USA), les BASE-jumpers ne disposent que de six secondes entre le saut et l’impact dans la Snake River, 148 mètres plus bas. L’Améri­ cain Jay Rawe, 24 ans à l’époque, connaît ce temps comme sa poche : c’est sur ce pont qu’il s’est fait les dents. Mais en mars 2014, c’est là que sa vie s’est effondrée. Alors qu’il tente un saut audacieux en se tenant sur les épaules d’un autre gars, Austin Carey, Rawe est déséquilibré. Il tente d’interrompre son saut et de revenir sur le pont, mais n’y parvient pas. En chute libre, ils réussissent à ouvrir partiellement leur parachute à la dernière seconde, atténuant légèrement leur chute et évitant la mort. Résultat pour Rawe : fracture éclatée de la vertèbre L1 et déchirure d’un ligament de l’os de la cheville. Il subit également une lésion du nerf périphérique L5 affectant ses fessiers, ses ischio-­jambiers et ses mollets. Au lieu de se morfondre, il essaie le ski assis, discipline dans laquelle on est assis dans un siège baquet attaché à un seul ski. Aujourd’hui, à 34 ans, Jay est au premier plan de la scène du ski assis freestyle. En avril 2023, il est devenu le premier skieur assis à participer aux Swatch Nines – un camp réservé aux meilleur·re·s skieur·euse·s et snowboardeur·euse·s au monde. Plus en forme que jamais, il veut inspirer les personnes en situation de handicap.


« Une vie épanouie, c’est faire les choses que j’aime. » Le ski assis a permis à Jay de poursuivre sa passion pour les sports d’action après son crash.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

TERRIFIQUE MIGNONNERIE

Créature du club qui navigue dans les lieux les plus reclus du Grand Paris, la productrice et DJ de 27 ans, Le Kaiju, fait de la musique pour recoller les morceaux. Avec Cuteness, elle réconforte les cœurs dans un décor tumultueux. TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT

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pour pécho des meufs. » Un inconfort tangible qu’on retrouve dans trop d’espaces de fêtes, selon elle. La jeunesse de la productrice n’était pas toute rose : « On me traitait beaucoup de tapette, ça a été la source de beaucoup de victimisation et de harcèlement… Quand il y a eu un trop plein d’agressions et de pression, je me suis cachée avec mes TNs et mes capuches. J’étais totalement renfermée sur moi », me confie l’artiste. Le Kaiju se souvient d’une période salvatrice, son premier confinement à Brooklyn : «  Je n’avais plus de travail, j’étais face à moi-même et je me suis mise à écrire des chansons d’amour avec les garçons. Je recommençais à mettre du make-up parce qu’il n’y avait plus de monde extérieur.  » Des circonstances qui déclencheront chez la jeune adulte le besoin de faire son coming-out auprès de sa sœur, Eloi, dès son retour en France lors de la deuxième vague du Covid. Elle l’introduira à l’univers underground queer du Grand Paris et bien plus. « C’est elle qui m’a poussée à faire mes projets et qui m’a introduite au milieu queer. Elle m’emmenait au Carbone 17 (Aubervilliers, ndlr)… Elle m’a permis d’intégrer une communauté où j’étais vue. » Frappée par la relation du son et de l’espace, Le Kaiju se met en tête de faire de la musique qui rassemble l’ensemble de ses univers (jazz, hip-hop, queer, club, underground), pour ne plus avoir à fragmenter sa personnalité. D’autant plus qu’il y avait une place à prendre autour des musiques breakées : ghettotech, uk garage, footwork, sous-exploitées en France. « Pour moi c’était intéressant de les transformer dans nos espaces, car au-delà de la signature de ces musiques, tout ce qu’il y a autour est passionnant. C’est une expérience humaine et sociale où la scène devient un endroit d’horizontalité qui me permet de créer du lien avec des gens que je n’ai jamais rencontrés. »

Après un premier EP remarqué, ­ iolence, qui introduit sa réflexion autour V de l’environnement au sein duquel elle est parfois victime et parfois actrice, Le Kaiju nous livre son deuxième EP, Cuteness, qui semble adoucir toute la véhémence du monde. Ces projets semblent s’opposer mais, finalement, pourraient aussi ne faire qu’un. Tous deux s’inscrivent dans une continuité : un chemin qui mène à la rédemption sur lequel on croise le pardon et l’émancipation. L’artiste fait référence à la brutalité de son quartier, la Goutte d’Or, avant d’ajouter : « En passant mes nuits dans les clubs queer et les squats du Nord de Paris, je me suis rendue compte que le XVIIIe avait une âme très forte. Il y a beaucoup de diversité et de personnes qui subissent la violence institutionnelle. Quand je prends le métro à La Chapelle, si je peux être discriminée avec mon identité, les autres aussi. » Imprégnée par son quartier et victime d’agressions à Marx Dormoy, elle fera de cette station de métro un titre (sur l’EP Violence), afin de se réapproprier cet espace. Le son de Le Kaiju traduit l’anxiété qu’a produit sur elle le fait d’être tantôt persécutée, tantôt épanouie dans ce quartier qu’elle a choisi. « Ici, on se respecte malgré la violence », affirme-t-elle. Paris XVIII, un savant mélange entre l’immigration et la queerness : une relation à l’intersection de la dévotion et de l’agitation. « J’ai l’impression que notre communauté queer, dans ce décor chaotique, apporte beaucoup de lumière », laisse entendre la productrice. Cuteness bientôt disponible sur toutes les plateformes. IG : @le_kaiju MALO LE COLLINET

C’est dans le XVIIIe arrondissement, non loin de La Chapelle, que je rencontre Le Kaiju. Avec son énergie viscérale et sentimentale qui jaillit jusqu’auprès de celleux qui n’ont guère l’habitude de fréquenter les clubs et les squats arty de la banlieue Nord, elle offre une porte d’entrée à un monde empreint de désinvolture. Une bulle d’air pour les « monstres » (traduction littérale japonaise du substantif kaijū utilisé par l’artiste elle-même) de notre société, qui a le mérite de nous décloisonner : « Il ne nous enferme pas dans les cases trop prédéfinies. C’est un terme qui, aux oreilles des gens qui ne côtoient pas les milieux undergrounds, crée de la curiosité », précise la productrice. Née dans une famille d’artistes et initiée à la musique dès son enfance, Le Kaiju intégrera, après son bac, la Berklee College of Music (Boston, États-Unis), grâce à l’obtention d’une bourse, pour compléter sa formation de solfège rythmique et d’harmonie qu’elle avait suivi au conservatoire de Paris XVII. Là-bas, elle étudiera le sound design, la production électronique, la batterie jazz, avant de tomber dans le hip-hop en découvrant J Dilla. Mais Le Kaiju ce n’est pas simplement le jazz et le hip-hop. La culture club grandit en elle, comme une spore dans son environnement le plus optimal, et ensemble iels avancent main dans la main, depuis de nombreuses années : « Quand j’étais jeune, je faisais de fausses cartes d’identité pour aller voir Ben Klock et Marcel Dettmann au Rex Club ou à La Machine. » Bien que fascinée par la musique, l’ado se verra vite confrontée à une réalité qui est loin d’être la sienne : « Je sentais que je n’étais pas à ma place, parce que c’étaient des soirées très straight. Il n’y avait pas les interactions et la liberté que j’ai trouvées plus tard dans les lieux queer. C’étaient des mecs qui venaient

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« Ici, on se respecte malgré la violence. » Le Kaiju sur l’environnement dans lequel elle évolue : dur, queer, populaire et solidaire.

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MANON & MAX Leur quotidien est une quête de neige parfaite, de créativité et de plaisir, pour pousser plus loin leur ski freeride. MANON LOSCHI et MAX PALM pourraient être frère et sœur, mais c’est leur passion commune, poudreuse, qui les a réunis. Ils nous ­expliquent comment elle motive l’effort vers la performance. Texte PH CAMY Photos GERMAIN FAVRE-FELIX


Max Palm (en haut) et Manon Loschi sur le terrain de leur passion : une neige parfaite sur ­laquelle créer.

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Manon & Max

Manon Loschi

Les jeunes s’éclatent

Realis – A portrait of Max Palm, film dispo sur YouTube, montre le Swedish Freshman tout petit et déjà motivé à s’équiper avec le matos de son père (guide de haute montagne). Pour se jeter partout : d’un escalier, sur des skis, sur un skate, sur des skis sur un skate… Sa mère (monitrice de ski et trois fois vainqueure du légendaire Scandinavian Big Mountain Championships) adhère au concept : on ne stoppe pas Max. Comme lui, après des années à « apprendre le ski », puis le freeride à l’école Evolution 2 de La Clusaz, Manon Loschi intègre très jeune (14 ans) le Freeride World Tour

Rapide et sans contestation : selon la méthode freeride, la prochaine ligne se joue à chifoumi.

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Junior, structure internationale dédiée aux jeunes talents de la neige freeride et aspirant·e·s pros. Là où Max a su très tôt que ça se passerait uniquement sur la neige, Manon s’essaie à plusieurs disciplines : judo, danse hip-hop, équitation, et même poterie (« mon côté créatif », nous dit-elle, précisant qu’elle dessine régulièrement), mais s’ennuie dès qu’il faut « apprendre ». « Ce qui me plaisait, c’était de m’amuser avec les autres en pratiquant un sport, mais dès qu’il fallait rentrer dans un mode entraînement, je me lassais. » Avec le ski freeride, elle a la sensation de ne pratiquer qu’en mode plaisir. « Du pur ski, créatif. » Avec d’autres kids mis très tôt sur des skis. Des Lalo Rambaud, Astrid et Edgar Cheylus (sa bande) ; et des Max Palm. Les deux se côtoient dans ce Tour, genre de centre de formation pour freeriders d’élite, mais ne connectent pas plus que ça. « On se tirait la bourre, il y avait une euphorie de groupe », dit Manon à propos de l’ambiance. Les jeunes s’éclatent et assurent les compétitions du FWT Junior sans trop se mettre de pression. Pour Manon, l’intérêt pour le ski devient une « flamme » qui ne s’éteindra jamais. Celle qui lui donnera la motivation pour passer des steps, et accepter une dynamique plus contraignante, qui la mènera vers un « job » – qu’elle ne veut THE RED BULLETIN

LOUIS NAUCHE/RED BULL CONTENT POOL

igoler. Plaisir. Joie (hurler de). Passion. Le temps de deux entretiens distincts avec Manon Loschi (22 ans) et Max Palm (21 ans), voilà des mots que nous avons pu entendre des deux côtés. Discuter de l’une avec l’autre, et de l’un avec l’une, c’est changer de point de vue sur le sport professionnel et la nécessité de performance qui incombe au pro. C’est entendre une approche pure, comme leur neige, terrain de jeu qu’ils se plaisent à visiter dès qu’ils le peuvent, pour (dans l’ordre de leur préférence, semble-t-il) le simple bonheur d’une session entre potes, réaliser des photos d’action, le tournage d’une vidéo (qui augmentera leur visibilité auprès de la « scène ») ou une compétition (qui leur permettra de montrer encore plus et conforter leur place parmi les pros). Pour Manon, Française et native d’Annecy, habitant à Thônes, ça débute « vers 2-3 ans, un peu comme tous les gosses de la montagne qu’on met sur des skis très tôt ». Son père tient un shop de ski, d’abord à Thônes, puis à Manigod (le Manigod Ski Ride) et sa mère un hôtelrestaurant. Les fortes saisons sont donc pour eux synonymes de beaucoup de taf plus que de sessions ski. Du côté de Max, les parents sont Suédois, mais il naît à Nice, « par hasard », six semaines avant le terme. Après avoir vécu à Serre Chevalier, c’est à Chamonix que se pose la famille. L’hiver, Max passe pas mal de temps aux Arcs, tandis que Manon s’installe à La Clusaz, sa station de cœur.

« De la préparation physique et un certain mode de vie, c’est ce qu’il faut si je veux atteindre un meilleur niveau, pour être encore plus libre ! »



Manon & Max

« Ces années passées avec les potes m’ont donné de la force. »

c’était les copains, s’amuser, de la compé­ tition, certes, mais pas de pression. Il ­fallait progresser, bien sûr, mais je dirais que c’était 80 % de plaisir pour 20 % de pression. Toutes ces années passées avec les potes m’ont donné de la force, quand le ski est devenu un “boulot”, quand il a fallu travailler, aller à la gym… Sportif ou pas, à un moment, il faut bosser. Même dans un bureau, tu as tes séances de muscu à toi… »

Max Palm

Plénitude

pas nommer ainsi. Une approche plus routinière : fitness et entraînements, afin de s’améliorer « et prendre encore plus de plaisir ». Devenir pro, « c’est beaucoup de préparation, des sessions airbag, trampoline. De la préparation physique et un certain mode de vie… Je peux faire la fête, mais pas trop, je ne consomme pas trop d’alcool. Je suis plutôt rigou­ reuse. C’est ce qu’il faut si je veux atteindre un meilleur niveau, pour m’amuser encore plus, être encore plus libre sur les skis ! » Quand Max intègre le roster d’ath­ lètes Red Bull en Suède en 2021, le bon­ heur est partagé par la bande de futurs grands. « C’était juste fou », se remémore Manon. Et c’est ce même Max qui intro­ nisa sa pote parmi les athlètes de la même maison (côté France cette fois) le 1er octobre dernier à Annecy, en lui remettant par surprise son casque siglé du taureau rouge. Un symbole. Pour ça, Manon a bossé dur, épaulée par des pros : Cédric Bernard, son préparateur physique ; Seb Michaud, une légende du ski freeride, son entraîneur ; Antoine Rachel (dit « Choucas ») et Manu Pernet, ses entraîneurs freestyle. La jeune femme, passionnée et déter, sait endurer l’exigence de la salle de fitness, les rou­ tines à base de muscu, vitesse, proprio­ ception. Qu’importe, Manon est telle­ ment à fond de freeride qu’elle sait qu’elle doit passer par là pour augmenter ses performances, et rentrer des tricks encore plus audacieux. Une approche partagée par Max, qui, depuis qu’il a intégré le Freeride World Tour (voir notre article en page 50 dédié à cette compétition légendaire) se frotte au plus haut niveau, dans un cadre compétition plus exigeant. « La compète, c’est beaucoup plus d’attentes et de pression. Je n’ai jamais appris autant que ces dernières années… Avant, sur le Junior Tour, 32

Prendre du plaisir, se laisser prendre par l’envie uniquement, alimenter cette flamme qui te motivera à aller plus loin, c’est peut-être là l’approche la plus sin­ cère et évidente du sport. Celle qui vous permettra de tout surmonter ? Retour dans le film Realis : notre Max Palm est monté en puissance, et participe à son premier Freeride World Tour en 2022 en tant que Wild Card (concurrent invité sans passer par les pré-qualifications). Première étape qualificative sur l’étape inaugurale de Baqueira, en Espagne, en janvier. Le kid frappe très très fort d’en­ trée : premier double backflip de l’his­ toire du FWT, et première victoire sur cette compétition. Okay. Il n’est pas venu pour lancer des boules de neige sur les speakers. Mais sur l’étape suivante, c’est le crash. Blessure. Fin de saison. Max est dans le dur. Down. Des mois sans skier, à souffrir en rééducation, à la salle, à tirer la tronche en se faisant mal pour pouvoir rechausser ses skis. Et puis viennent ces jours de mai, immortalisés par une séquence vidéo remarquable, genre de définition visuelle de la plénitude. On y voit notamment Max reprendre le ski en compagnie d’un pote en snow. Nous sommes au nord de la Suède, à Riksgrän­ sen. La lumière est hallucinante. Max ne fait « que » glisser, quelques petits jumps, avec un pur flow, puis ça monte en puis­ sance, de plus gros sauts, un double blackflip. Cette lumière, ce soleil dingue, sont d’autant plus incroyables que la vidéo a été tournée en soirée… « En mai, au nord de la Suède, il fait jour 24h/24, explique Max. Cette séquence, ce sont mes premiers jours de ski après des semaines de rééducation. La neige est super, les sensations sont incroyables. C’est le bonheur, je hurle de joie. » Le plaisir simple et retrouvé de rider avec un pote. Et quand ce pote est Manon Loschi, alors c’est le top. Ces der­ nières années, les deux skieurs se sont rapprochés et sont devenus presque THE RED BULLETIN


« Je prends autant de plaisir à faire des virages dans de la bonne neige qu’à envoyer d’énormes jumps. » Max Palm THE RED BULLETIN

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Manon & Max

Du pur bonheur : pour la skieuse freeride Manon Loschi, il peut ressembler à ce backflip impeccable.

« Il n’y a pas de motivation à trouver, c’est facile. » Manon Loschi


Manon Loschi dans l’objectif de Germain Felix-Favre sous un tunnel de Chamonix.

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Manon & Max

Max Palm i­ nséparables. Mais que veut dire pour eux ce fameux freeride, associé à tant de disciplines, et en l’occurrence à la leur, le ski ? Manon Loschi : « Là où le ski freestyle se pratiquera plutôt dans des snowparks, le freeride c’est du hors-piste, des barres rocheuses, des lignes cool, pas de règle. Le freerider, c’est quelqu’un qui s’adapte aux conditions, qui est créatif. On fait du freeride où on veut, on peut tailler un kicker à la pelle à un endroit, ça part plus en freestyle du coup. C’est une motivation, on s’amuse… En fait, il n’y a pas de motivation à trouver, c’est tellement facile. On rigole toujours… j’ai du mal à dire que c’est mon job ! » (rires) ; Max Palm : « Le freeride, c’est vaste. Chacun aura sa propre définition. Pour moi, ça ne veut pas dire être tout le temps à 150 %, à fond, à ne faire que des trucs énormes, je prends autant de plaisir à faire des virages dans de la bonne neige qu’à envoyer d’énormes jumps. » Les photos qui illustrent ces pages reflètent leur état d’esprit, entre pur ­plaisir et perf : une session exclusive à Val d’Isère et Chamonix pour The Red Bulletin avec le photographe Germain Favre-Felix, un talent très créatif. « Une bonne journée, avec de la neige fraîche, à trouver des trucs cool, nous dit Manon. On pouvait se chauffer à trickser direct, ou construire un kicker (genre de petit tremplin en neige, ndlr) à la pelle pour envoyer des tricks. En photo, tu te mets moins de pression que pour un film, en vidéo tu arrives avec des idées plus définies. » (Les films, nous en reparlerons.) Max : « Pour ces deux jours de shooting, on a enfin eu de la bonne neige en Europe. On était un peu fatigués en démarrant car on avait fait dix heures de voiture la veille depuis l’Autriche, puis trois le matin pour rejoindre le spot, mais une fois sur place, il faisait froid, il y avait de la neige, c’était cool. On a bien rigolé. » 36

Se coacher l’un l’autre

Rigoler, ingrédient essentiel d’un moment Manon/Max, un duo, qui, au-delà de l’action, se retrouve sur pas mal de notions, comme le précise Manon : « On a la même vibe, la même approche créative, inspirée du snow, on s’exprime ! On a les mêmes idoles, les mêmes inspirations, les mêmes goûts musicaux comme le rap nineties de Nas ou Biggie, le rock… On se fend la poire ! » Et, croyez-le ou non, quand il s’agit de décider qui va inaugurer une ligne impeccable, et donner le tempo de la prochaine séquence de ride, les deux décident très souvent à chifoumi (aka pierre-papier-ciseaux). « Quand il y a de la bonne neige, pour décider qui va faire la première trace, ou pour un saut, c’est la guerre, explique Manon. Alors on décide à chifoumi ! (Rires) On se balade et dès qu’on trouve un truc cool, on le fait, toi comme ça, moi comme ça sur le côté. On se hype ! » Au-delà de la neige et des lignes parfaites pour y dessiner leur meilleur freeride, les deux compères s’apprécient l’un l’autre pour cette dynamique commune qui les pousse à voir toujours plus loin. « Avec Manon, on se connaît depuis longtemps, depuis les Junior Tour, explique Max, et même si au début on était potes vite fait, on a appris à se connaître. Elle un mega spirit, de bonnes vibes. Elle sort du lot, par son style unique : elle est joueuse, elle s’inspire du snow et en met dans son ski, c’est hyper cool à voir. Je n’avais jamais vu une fille pousser autant

Annecy, le 1er octobre 2023 : Manon, folle de joie, rejoint les troupes d’élite des athlètes Red Bull.

son sport. Ça m’inspire à fond. Elle me fait progresser, je la fais progresser. » Pour eux, c’est bien l’envie d’avancer ensemble qui prime, sans l’ombre de l’idée d’un soupçon de concurrence. Max poursuit : « On n’est pas en compète tout les deux, c’est plutôt qu’on se coache l’un et l’autre. Je donne mes petits tips à Manon, et inversement. » Pour Manon, qu’importe que le partenaire de session soit un gars ou une fille, s’il est inspirant, c’est le top. « Dans mes références, je n’ai jamais fait de différence, j’admire des skieurs, qu’ils soient hommes ou femmes. Dans le backcountry, le freeride, j’aime celles et ceux qui font des trucs impressionnants, avec style, qui ont leur touche à eux. Je peux te citer Candide Thovex, Sean Pettit ou Sammy Carlson. »

Performance, créativité, style

Après avoir visionné des tonnes de vidéos inspirantes, Manon passe un cap important en intégrant le casting d’une vidéo réalisée par la skieuse française Coline Ballet-Baz, Recipe, publiée en 2023 (et dispo sur YouTube). Manon y ride dans un mode joyfull. Pourtant, ce que nous voyons à l’écran, est un gros step pour la Haut-Savoyarde. Elle prend conscience de ce que peuvent lui apporter « la production de vidéo, la création d’images pour montrer le ski ». « J’ai toujours aimé les petits projets vidéo perso, comme celle que j’ai faite au Japon quand j’avais 17 ans, mais là, je me suis retrouvée dans un projet avec des skieuses que j’admire, avec une vraie équipe de production. Quand j’ai assisté à la projection du film en salle et que j’ai observé la réaction du public, je me suis rendu compte de l’impact sur lui, à quel point les gens dans la salle kiffaient. J’étais en mode sourire non-stop. » (Rires) Une projo lors du High Five, festival annuel et mythique des films de sports de montagne tenu à Annecy chaque année. « Le High Five, j’y vais depuis que je suis gamine, en tant que spectatrice, en mode je demande des autographes aux riders des films. (Rires) Avec Recipe, je suis p ­ assée de l’autre côté ! » Autre beau projet dans la filmo de Manon, Double Trouble, conçu par Manon et son pote Alex Remonnay, film que l’on pourrait qualifier d’expérimental, surprenant en tout cas, où le ski est intégré à une narration qui vous embarque dans pas mal de délires. « Double Trouble, c’est une facette du freeride. Nous avions tout un concept au THE RED BULLETIN

THEO LEDRU

« Le freeride, c’est vaste. Chacun aura sa propre définition. »


Photo du haut : mais où est Max ? En bas à droite de l’image, perdu dans la neige. Ici : freeride avec Manon, comme si vous y étiez.


Manon & Max

« Avec Max, on a la même vibe, la même approche créative, inspirée du snow, on s’exprime ! » Manon Loschi


La bonne voie : fin janvier, Manon participera à son ­premier Freeride World Tour, LA compétition où évoluent le top des freeskiers pros.

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« Tout ce travail physique, ça te permet d’envoyer encore plus. » Max Palm


Manon & Max

départ, mais je me suis blessée après trois jours de tournage, et nous avons dû reprendre le tournage des mois plus tard… Alors on s’est plongé·e·s en mode écriture avec le réalisateur, Antonin Claude, et c’est parti sur un truc perché ! Double Trouble est la preuve que je ne me bride pas. » Manon enchaîne sur ses références ciné, des sagas Marvel à Nolan, en passant par Scorsese ou ­Tarantino. « Des films qui te retournent le cerveau, avec un twist à la fin ! » Pour les athlètes freeride, être présent·e dans un film, prendre part à sa conception et sa réalisation, revêt une importance souvent supérieure (et pour sûr différente) à la compétition. C’est bien dans les films qu’ils peuvent montrer toute l’étendue de leurs skills. Chaque projet vidéo d’envergure étant une étape de carrière assimilable à un titre. « Entre compétition et films, je choisis les films, dit Manon. La compétition c’est surtout axé performance, avec une contrainte : une face/un run. Là où les films sont un mélange parfait de performance, de créativité et de style. Je suis dix fois plus créative dans ce cadrelà. Et tu y ajoutes la musique, les effets de réalisation… C’est un process hyper intéressant. » Du côté de Max : « La compétition, c’est le côté athlète et résultats. La vidéo, c’est la concrétisation d’idées, de projets. Des idées, on en a tellement (ce que confirme Manon, qui nous dit tenir une note sur son smartphone, remplie d’idées d’histoires, de façons de filmer, ndlr) ! C’est là que je peux montrer ma vision du ski, là où il va exceller. En vidéo, tu peux montrer ta personnalité et tes

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« Au Freeride World Tour, je veux faire des runs qui m’inspirent, pas compter mes points. » Manon Loschi envies, c’est le vrai freeski. La compétition est trop restrictive, il y a des règles. Les vidéos, c’est incroyable. »

Être légitime

En attendant son prochain tournage, sur le même spot norvégien que celui de Realis, avec ses potes filmeurs Baptiste Sjöström et Felix Raffaelli, Max va se frotter à nouveau au Freeride World Tour, édition 2024, dès fin janvier en Espagne. Le skieur est impatient d’y retourner. Et pour cause, sur la dernière édition, après son retour au ski, Max a vécu des jours particulièrement éprouvants à l’approche de l’étape finale de Verbier, la face suisse mythique. Sans trop vous dévoiler l’une des séquences les plus saisissantes de Realis, nous y trouvons un Max en mode ­Kärcher (c’est-à-dire sous haute pression), incapable de se nourrir et pris

de tremblements à mesure que la ­compétition approche. Et qui ne pourra finalement pas se frotter à Verbier pour cause de météo. « Verbier, c’est la face la plus engagée de l’année en compétition, la face que je regarde depuis que je suis bébé, tous les ans, sur place, en spectateur. L’an dernier, quand cette étape finale en Suisse est arrivée, ce fut un gros choc : c’est mon tour ! J’allais enfin réaliser mon rêve, mais je n’étais pas bien. Et ça m’a mis une méga pression. Finalement, ça a été annulé… Ça m’a mis une claque… et la rage. » Et son passage forcé par la rééducation, relaté dans le film, l’a ouvert sur une approche plus « préparée » de sa discipline, lui offrant de nouvelles possibilités. « Tout ce travail physique, ça te permet d’envoyer encore plus, et de pouvoir encaisser de plus grosses chutes, donc de tenter de plus gros trucs. » Côte compétition et visibilité, le FWT et sa finale en Suisse, c’est le sommet pour un skieur ou snowboardeur. « Le line-up d’un Freeride World Tour, c’est impressionnant, explique Max. Depuis mes différentes participations, je commence à bien connaître la plupart des riders. Ils sont comme des mentors, des gens hyper gentils qui ont de l’expérience et te poussent. C’est fou de concourir contre tes idoles, mais cette année il y aura une bonne bande de jeunes, tout le monde aura sa chance. » Dans la bande, il faudra compter sur Manon Loschi, dont ce sera la première participation sur un FWT, après un ­cursus dans les Freeride World Qualifiers. « Vu de l’Europe, c’est la compétition freeride ultime, dit-elle. On s’y fait un nom, on y fait des rencontres, les gens vont s’intéresser à ta façon de rider. Y participer, c’est être super légitime. » Pour Max, on peut y « prouver que ton ski répond aux critères attendus. Mais c’est aussi un mélange de ta ­performance, d’une partie chance, et de ­facteurs que tu ne maîtrises pas ». Fidèle à son état d’esprit, Manon conclut : « Je veux y faire des runs qui m’inspirent, pas compter mes points. » Comme Max, elle prépare donc de nouveaux tricks dans son coin, espérant pouvoir les offrir au public et à « la scène » durant le FWT. Les faces de ­compétition Hommes et Dames y seront différentes, et nos deux freeriders ne pourront donc pas se défier à chifoumi. Qu’importe, ils vont bien rigoler. IG : @manon_loschi ; @maxx_palm 41


Le secret du roi des pistes Extrême, MARCO ODERMATT ? Pour rester un géant des pistes, ce champion du ski toutes catégories essaie d ­ ’infuser le plus de normalité ­possible dans son quotidien. Texte CHRISTOF GERTSCH

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Photos SANDRO BAEBLER

THE RED BULLETIN


Que ce soit dans la salle de musculation ou sur le glacier, Marco s’entraîne pratiquement tout le temps.


Marco Odermatt

L

orsque Marco s’entraîne dans la salle de fitness, c’est une éruption volcanique, un feu d’artifices, un orage qui éclate au-dessus de nos têtes. On a du mal à s’en faire une idée quand on le voit à la télé, tout emmitouflé dans son masque et sa combinaison de ski, mais c’est un sacré gaillard : 1,84 mètre pour 87 kilos. Notre entretien a lieu lors d’une radieuse matinée d’été. La saison froide est loin, sauf quand on s’appelle Marco Odermatt. Pour le plus grand skieur au monde, l’hiver approche vite (et même trop vite à son goût). Nous somme à Oberdorf, dans le canton de Nidwald, en Suisse. Marco grimpe les marches de la salle de muscu où il vient se torturer trois à cinq fois par semaine pendant la pause estivale. Il balance son sac dans un coin, branche son téléphone sur les enceintes, prend une profonde inspiration. « Pause estivale » ? Le terme est vraiment mal choisi. Voire même mensonger : ce que s’impose Marco pendant l’été est tout le contraire d’une pause. Certes, il n’y a pas d’épreuves en été alors qu’elles s’enchaînent les unes après les autres en hiver ; car notre homme ne participe pas à une, ni deux, mais trois disciplines : slalom géant, super G, descente. Pour le reste, « l’été est plus dur que l’hiver », lâche Marco en reprenant son souffle. Si peu de ses adversaires font preuve d’une telle polyvalence, ce talent n’a pas que des avantages : plus Marco enchaîne les épreuves, plus grandes sont ses chances de gagner le gros globe de la Coupe du monde (trophée qu’il a déjà remporté en 2021/2022 et 2022/2023). D’un autre côté, son temps de récupération entre chaque épreuve est toujours plus court. Entre mi-novembre, coup ­d’envoi officiel de la saison, et mi-mars, il ne participera pas à moins de trente compétitions, soit une tous les quatre jours en moyenne. Il passe son été à se préparer à ce qui l’attend en hiver. C’est son unique but : se sculpter un corps en béton. Si Marco Odermatt veut finir à trente reprises parmi les meilleurs cet hiver, il devra s’entraîner mieux que quiconque tout au long de l’été. D’accord, mais qu’est-ce que 44

Marco lors de l­’entraînement de Swiss-Ski sur les pistes près de Z ­ ermatt en s­ eptembre 2023.

ça veut dire exactement, « mieux » ? « Je pourrais le formuler ainsi, commencet-il. Quand je me lève le matin et que je dois aller à la salle de sport, je ne me dis jamais : “Youpi, je vais faire de la muscu aujourd’hui !” Je ne ferais jamais ça délibérément et c’est le premier truc que je bannirai de mon quotidien quand je mettrai un terme à ma carrière. » Évidemment, les programmes de muscu ne sont pas toujours aussi intenses : pour la plupart des gens qui vont s’entraîner pendant leur temps libre, c’est plutôt du genre écouteurs dans les oreilles, un peu d’échauffement sur le tapis roulant, quelques répétitions avec les haltères pour les bras et un peu de presse pour les

« La muscu, c’est le premier truc que je bannirai. »

jambes, sans trop s’épuiser non plus : il faut garder encore un peu d’énergie pour le boulot, les courses et la famille. En musculation, les phases d’intensité sont très courtes mais extrêmement brutales. M ­ arco essaie de les repousser le plus possible, mais après trois quarts d’heure d’échauffement, il faut bien finir par s’y mettre. Il commence alors par l’exercice dit de « l’arraché ». Petite démonstration : il saisit la barre au sol à deux mains, redresse le dos et regarde droit devant lui. Puis il détend d’un coup les jambes du bassin aux pieds et hisse la barre le long du corps. Quand il est au max, il change la direction de la barre, bascule celle-ci sur sa poitrine et « retourne » les poignets. Ses jambes amortissent légèrement la pression, son torse se stabilise. Nous sommes fin juillet, et il réalise quatre séries de sept répétitions pour cet exercice. Plus tard, il passera à cinq, puis réduira encore à trois. Plus la date fatidique de la Coupe du monde de Sölden (en octobre, qui a finalement été annulée THE RED BULLETIN


Marco pendant une courte pause. « La ­préparation en été est plus dure que l’hiver. »


Avant de s’élancer sur la piste, Marco prend quelques minutes pour répéter les gestes décisifs.


Marco Odermatt

Il devra pousser son corps jusqu’à ses limites sans jamais le détruire.

Marco en direction du Matterhorn G ­ lacier Paradise, la station de m ­ ontagne la plus élevée d’Europe, à 3 883 mètres.

cette année) approche, moins il fait de répétitions. À la fin, Marco ne fait plus qu’une seule fois chaque exercice mais rajoute plus de poids. Encore plus, précisons-le, avec tous les disques de 20 kilos qu’il monte en ce moment sur la barre qui pèse elle-même déjà 20 kilos. Il est capable de soulever 125 kilos à l’arraché, soit une fois et demie son poids corporel. Green Day, Rage Against the Machine, AC/DC résonnent dans les enceintes. Ses cheveux son trempés de sueur, son visage tordu par l’effort. Dents serrées, il grogne, émet des sifflements et crie de temps en temps un : « Allez, Marco ! », histoire de s’encourager. Empoigner la barre, redresser le dos, tirer la barre, basculer le poids, poser la barre sur sa poitrine.

C

e serait si simple de laisser tomber la dernière répétition. Personne ne le remarquerait, pas même Marco Kohler ni Yannick Chabloz, ses coéquipiers de Swiss-Ski, eux-aussi en pleine séance d’entraînement ce jour-là.

THE RED BULLETIN

Mais ce serait complètement stupide, car Marco serait le premier à en payer les frais à un certain moment de la saison, en hiver. Chaque série qu’il termine ne le rend pas seulement plus fort, mais lui apporte aussi encore plus de confiance en lui, parce qu’il sait qu’il ne s’est pas défilé. Une certitude qui lui a également permis de battre un record particulièrement remarquable la saison passée, celui des points lors de la Coupe du monde. Le précédent détenteur du record, Hermann Maier, « Herminator », avait marqué exactement 2 000 points lors de la saison 1999/2000 (une victoire en Coupe du monde rapporte 100 points). On pensait que cette performance ne serait plus jamais égalée. Marco l’a dépassée de 42 points. Après la dernière répétition, il laisse tomber la barre dans un fracas de métal, pousse un beuglement, boit un peu d’eau en arpentant la salle tel un lion en cage, puis se tourne à nouveau vers les haltères. Concentration. En musculation, même si l’on pourrait penser le contraire, la force

brute ne fait pas tout. Il faut scrupuleusement solliciter chaque muscle, maîtriser chaque fibre du corps et éviter de se blesser alors que toutes les circonstances sont réunies pour que cela arrive. Et c’est exactement ce qu’il exigera de son corps cet hiver dans la neige, il devra le pousser à ses limites sans j­ amais le détruire. Ne jamais perdre le contrôle. ­Jamais, jamais, jamais. Et pourtant, ­Marco est loin d’être obsédé par le b ­ esoin de tout contrôler. Nous y reviendrons. Quand on observe Marco se préparer à son prochain exercice (squats sur une jambe avec une barre à l’arrière de la nuque), on comprend petit à petit que pour devenir pro, il ne suffit pas seulement de bien savoir skier. Il faut aussi devenir un as de la musculation. Les mouvements sont si intransigeants et les poids si lourds que la moindre erreur de coordination peut anéantir le travail de tout un été. Cette matinée d’entraînement en force athlétique dure environ trois heures. Entre chaque session avec la barre, Marco intercale de petits exercices d’appoint : sauts avec les mains sur le banc, sauts accroupis en passant par-dessus le banc. L’un des exercices s’appelle Good morning, un exercice bien plus dangereux que son nom l’indique : il s’agit de muscler son dos avec trois disques de 20 kilos sur la nuque. Et pour finir, sessions d’entraînement avec son propre poid : muscle-ups sur une barre de tractions, nordic hamstring curls sur les espaliers, abdos sur les anneaux. À la fin, Marco vide deux bouteilles d’eau d’un trait et s’étend raide mort sur un tapis. Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que du corps de Marco. Intéressons-nous maintenant au second défi auquel notre champion doit faire face : sa tête. Pour être exact, elle ne représente pas vraiment un défi : elle est son capital, car c’est grâce à elle qu’il développe toute cette confiance et ce plaisir d’être un skieur de classe mondiale. Le défi, il est plutôt dans tout ce qui vient encombrer la tête. « Le ski, c’est comme la boxe. Sur les pistes 47


Marco Odermatt

­ lacées, notre corps reçoit pas mal de g coups violents, mais la pression mentale qui s’exerce sur nous tout au long de la saison l’est tout autant. Elle bouffe littéralement notre énergie, entre les voyages, les hôtels, les nouvelles destinations… s’ils ne sont pas mesurables, ce sont des facteurs bien réels, pourtant. » La comparaison avec Roger Federer est un peu maladroite : la discipline de Marco ­Odermatt n’a pas la même portée mondiale que celle de l’ex-tennisman. Pourtant, Marco est considéré comme une légende en Suisse, et selon un récent sondage, comme le sportif le plus populaire du pays. Contrairement à ­Federer, on ne le retrouve pas sur les plus ­célèbres courts de tennis du monde dix mois par an mais seulement en hiver sur les pistes de ski d ­ ’Adelboden, de Wengen ou de Val-d’Isère, nos destinations de vacances, en somme. Il n’habite pas à Dubaï mais à Beckenried, un village suisse comme tant d’autres. C’est un local.

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ette image du sportif proche des gens a probablement disparu dans le reste du monde, mais en Suisse, elle a encore la dent dure, notamment pour ces deux disciplines bien de chez nous, la lutte et le ski. De grands sportifs, oui, mais pas trop grands : c’est une sorte de fierté nationale. Cela n’a jamais été le cas de Federer. Personne n’aurait osé l’aborder pour faire un selfie avec lui, lui taper sur l’épaule ou lui crier bonne chance. Mais quand on croise Odermatt, c’est différent. En Suisse, Marco Odermatt, qui a fêté ses 26 ans le 8 octobre 2023, est une icône nationale, au même titre que B ­ ernhard Russi dans les années 1970 ou ­Pirmin ­Zurbriggen dans les années 1980. Il fait partie de la culture locale, un surdoué du ski dont personne n’arrive à la cheville. Et de tous les athlètes, c’est lui qui a l’hiver le plus compliqué, car comme il remporte la plupart des compétitions auxquelles il participe, ses journées sont toujours plus longues, entre les attentes dans la cabine des leaders, les cérémonies de remise des prix, les conférences de presse, les contrôles antidopage. En été, il ne saute absolument aucun entraînement, pas même les jours où il a des engagements avec ses sponsors ou d’autres rendez-vous. Les ­dimanches, au lieu de se reposer, il part faire des randonnées avec sa compagne Stella ­Parpan, étudiante en médecine, du vélo avec ses collègues ou encore du ­wakeboard sur le 48

« Le ski, c’est comme la boxe : les coups p ­ ortés par les pistes sont violents. » lac des Quatre-­Cantons. Et pendant tout ce temps, il n’empêche jamais les gens de l’approcher, car il considère que c’est dans la logique des choses. « Ne vous méprenez pas ! », enchaîne aussitôt Marco, et l’on comprend que ce qui va suivre est essentiel pour lui. Il réfléchit longuement pour trouver les mots justes. « Quand tu es sportif professionnel, sans tes fans, tu n’es rien d’autre qu’un type capable de descendre des pistes de ski un peu plus vite que la moyenne. Ce sont les fans qui te font devenir celui qui touche les gens. » C’est beau et tellement vrai : concrètement, un·e sportif·ve professionnel·le n’accomplit pas grand-chose pour l’humanité comparé au personnel soignant ou aux agriculteur·rice·s. Un·e athlète poursuit avant tout des objectifs personnels, sans se soucier du destin du monde, mais cela change lorsque celle ou celui-ci devient source d’inspiration et qu’elle ou il partage ses moments de joie et de souffrance avec les autres. C’est grâce à ses performances que se noue ce lien si particulier, en entrant dans la vie des un·e·s et des autres. Pour Marco Odermatt, déjà élu « Sportif suisse de l’année » à trois reprises, en 2021, 2022 et 2023, ses fans viennent confirmer tout le bien-fondé de ses actions. Voilà pourquoi il ne lui viendrait jamais à l’idée de se plaindre de faire l’objet de trop d’attention. Si l’on ne discute pas un peu avec ses ami·e·s et ses proches, on ne se rend pas vraiment compte que toute cette proximité devient parfois un peu excessive, tant sa gentillesse et sa bienveillance sont grandes. Marco n’en est pas encore à éviter les foules, il va toujours assister au Züri-Fäscht, au foot ou à la lutte. Mais il s’est quand même fixé quelques règles. Premièrement : pas de selfies en soirée. Deuxièmement : au début de la saison de la Coupe du monde à Sölden, il invite tous ses ami·e·s et connaissances déjà présent·e·s à l’apéro. Il ne supporte pas

que l’on soit venu de si loin pour le voir et qu’on en soit empêché par les médias, la fédération, ou le reste du monde. Troisièmement : à l’exception des rendez-­vous officiels de la fédération et des conférences de presse après les épreuves, il limite les interviews au strict minimum. Il reçoit dix demandes par semaine, soit plus de 500 par an, mais n’en accorde plus que très rarement aux médias, environ dix par an. La règle la plus importante, et l’on entre petit à petit au cœur de tout ce qui fait sa personnalité, c’est que Marco ne veut pas se fixer trop de règles. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être obsédé du contrôle et devenir un grand skieur, évidemment. Ce serait absurde. Il suffit de penser à ces deux personnalités extrêmement méticuleuses, Didier Cuche et THE RED BULLETIN


Lors de l’entraînement d’automne, Marco teste l’équipement, mais aussi et s­ urtout lui-même.

Marcel Hirscher, le skieur le plus couronné de l’histoire. Mais ce n’est pas le genre de Marco.

A

u contraire, il est même persuadé qu’il se ­simplifie la vie en ne contrôlant pas chaque détail, en n’analysant pas chaque performance ­d’entraînement, en n’utilisant pas la dernière once d’énergie qu’il lui reste. Peutêtre serait-il encore un peu plus rapide s’il ne voyait pas sa psychologue trois fois par an, mais trois fois par mois. « Il y a tellement de choses sur lesquelles nous n’avons aucune influence en tant que skieurs. Ce n’est pas la peine d’essayer ». Cette manière de prendre les choses comme elles viennent est le fruit d’un travail conscient. Marco n’est pas un rat de bibliothèque, il préfère apprendre

THE RED BULLETIN

des gens qui l’entourent. Son père Walter, qui l’a entraîné à ses débuts et lui a longtemps préparé ses skis, lui a appris la maîtrise et l’analyse de ce sport. Sa mère Priska, peu passionnée par cette discipline mais proche des gens autour d’elle et soucieuse d’élever ses enfants dans l’altruisme, lui a inculqué des valeurs sociales. Sa grand-mère Thérèse, avec qui il a passé des journées entières dans le jardin, les forêts et la nature, lui a enseigné l’amour de la terre et des

« Ma règle la plus importante : pas trop de règles ! »

joies simples. Avec son oncle Paul, riche homme d’affaires et président de son fan club, il a affûté son ouverture d’esprit et sa curiosité. Marco Odermatt n’est pas devenu le meilleur skieur au monde en s’acharnant sur certains concepts ou en se concentrant obstinément sur des idées fixes, mais en laissant toujours suffisamment d’espace à sa vie en dehors du sport. Finalement, c’est un peu ça, son secret : il fait un peu de tout, mais jamais trop. Il mange sainement, mais ça ne l’empêche pas de dévorer un burger et des frites à l’occasion. Ce n’est pas un gros fêtard, mais il lui arrive de boire quelques bières. Marco a compris qu’il doit laisser de la place aux choses normales s’il veut accomplir des exploits sur la piste. IG : @marcoodermatt 49


FWT LES FACES CACHÉES DU

Xavier de Le Rue, Travis Rice, Elisabeth Gerritzen, Marion Haerty : toutes les stars de la glisse se sont frottées au Freeride World Tour, championnat du monde de ski extrême. Mais que se passe-t-il derrière leurs performances hors du commun ? Dans son doc What the FWT, le photographe DOM DAHER vous transporte backstage. Texte PATRICIA OUDIT 50

Photos DOM DAHER


Xtreme de Verbier : l’incroyable Enak Gavaggio s’offre le dernier run du Freeride World Tour 2019 pour le tournage de sa web série Rancho. Une prise de vue dont le ­photographe Dom Daher rêvait de longue date, et qu’il a pu sereinement réaliser hors compétition.

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FWT

Y

faire une perf, c’est y faire sa place. Même la ­légende la plus insaisissable du ski mondial, Candide Thovex, y a pris part en 2010. Impossible pour un·e athlète amoureux·euse des belles lignes d’échapper à ce qui constitue la plus grosse compétition de freeride au monde. Au départ, lors d’étapes organisées en Alaska, Espagne, Autriche, ou Suisse, 53 athlètes, les meilleur·e·s de la planète, réparti·e·s dans quatre catégories, ski, snow, homme et femme s’affrontent sur une ligne de une à deux minutes de leur choix juste repérée à la jumelle, en photo et en vidéo. Des faces à 50 ° dévalées à Mach 2 qui procurent un shoot d’adrénaline aux ­riders comme au public. Une machine à créer du rêve et des champions. Et au milieu du gigantesque barnum, il y a un Français, Dom Daher, photographe historique depuis la première étape en 52

2008. C’est lui qui, levé à l’aube, boule au ventre, doit ­rider en premier des faces à 50 ° quand la neige est « carrelage », après une montée de deux heures à skis de rando par – 10 °C, un sac de 20 kg sur le dos. C’est lui qui crame ou congèle à rester des heures derrière un rocher sans bouger pour shooter la bonne image. Celle qui sera envoyée à tous les médias du globe. Compilés, ses près de 200 000 clichés sont la mémoire vivante de ce circuit unique. Des coulisses qu’il fait vivre dans un film intitulé What The FWT et qui lui ressemble : fantasque et passionné. the red bulletin : Pourquoi avoir ­réalisé ce film ? dom daher : Pour remettre l’église au milieu du village. Montrer que derrière les images de champagne qui coule à flot, de poudreuse, d’exploits, de podiums, de ciel bleu, il y a un collectif hallucinant qui se déploie en coulisses pour que tout tourne. Au travers d’images

« Le freeride restera toujours le freeride, compétition ou pas. » THE RED BULLETIN


Il est venu, il a vaincu ! La ­légende française Candide ­Thovex au sommet du Bec des Rosses en 2010. S’il n’a pas ­gagné cette étape, il a pris la ­troisième place ex-aequo avec le Suédois Henrik Windstedt en skiant la face par le couloir le plus raide et après avoir sauté la mythique barre Voirol, et a remporté l’overall cette année-là (gauche). Le Français Xavier de Le Rue en 2009 sur l’étape de Palisades Tahoe (Californie). Il a fait le show en sautant la plus grosse barre de la face, d’une vingtaine de mètres. Quelques instants plus tard, la locale de l’étape, Jackie Paaso sautait la même barre ­devant un public scotché.


25 ans de l’Xtreme de Verbier : Dom Daher a pris cette photo imaginée par Nicolas Falquet et l’orga du FWT. Sur la crête, 25 légendes du Bec des Rosses éclairent la montagne avec une frontale, tandis que Jérémie Heitz trace la face avec une LED sur son casque en 7 min, contre 1 de jour.


FWT

« Les défis logistiques incroyables du FWT n’ont jamais cessé de m’impressionner. »

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« On parle souvent de la FWT family, et ce n’est pas un mythe. »

Nous voici au sommet du Petit Bec, le départ Dames de l’Xtreme de Verbier, la finale du Freeride World Tour, avec une vue plongeante sur les 7 000 personnes ­présentes dans le public. Pour garder vierge cette face au milieu de la station, Eddy, le gardien, veille, empêchant les gens de monter trois semaines avant la ­compétition.

Elisabeth Gerritzen, athlète suisse, désormais jeune retraitée du Tour, mais qui a laissé son empreinte en devenant championne du monde de freeride en 2021 et en gagnant par deux ­fois la ­finale du Freeride World Tour devant son public, à Verbier, en 2019 et 2021.

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L’un des membres de l’équipe des mountains ops (opérateurs montagne) en train de dérouler de la fibre optique reliant la production vidéo à la ­parabole satellite qui servira aux diffusions en direct.

Traditionnelle soirée de clôture au Pub Mont Fort de Verbier. En bonnet jaune, le skieur de Val Thorens, Thomas Diet, « Bichon » pour ses innombrables ami·e·s qui le regretteront aussi fort sur les skis que sur les dancefloors. THE RED BULLETIN


FWT

­ nimées, c’est plus parlant. Je voulais a vraiment mettre en lumière toute cette excellence, celle des travailleurs de l’ombre qui œuvrent à la réussite d’un événement itinérant hors-normes. Et aussi montrer la part moins visible des riders, leurs peurs, leurs émotions. Donner à voir sur grand écran comment tout ce petit monde arrive à faire avec des éléments a priori ingérables. Dans le film, chaque chapitre se clôt par : « Ce n’est pas comme ça que je vois les choses ». Ce serait quoi votre vision personnelle ? Ma vision, c’est justement tout ce que le public ne voit pas. En dix-sept ans, j’ai été le témoin privilégié d’exploits sportifs, certes, mais aussi de défis logistiques incroyables qui n’ont jamais cessé de m’impressionner.

Un mec qui assure : le snowboardeur pyrénéen Xavier de Le Rue vit depuis des années à Verbier. Il y a gagné trois fois l’Xtreme et a donné des sueurs froides au public avec des runs stratosphériques, tant par leur vitesse que par l’amplitude de ses sauts. Au même titre que d’autres Français comme Aurélien Ducroz, il a marqué l’histoire du Freeride World Tour.

LE FWT MODE D’EMPLOI 224 compétitions annuelles 7 500 licencié·e·s : c’est la partie i­mmergée du FWT qui fonctionne comme une pyramide. En bas, le FWT Junior, puis le FWT Qualifier, phases qualificatives pour ensuite monter sur le FWT Challenger, dont les meilleur·e·s évolueront sur le Freeride World Tour, l’élite.

721 000 followers sur Insta. 62 % de skieurs·euse·s, 38 % de snowboardeur·euse·s, soit 21 skieurs, 12 skieuses, 11 snowboardeurs, 9 snowboardeuses. THE RED BULLETIN

5 critères pour juger les riders : la ligne (le choix de l’itinéraire), le contrôle, la fluidité, la technique, les sauts (hauteur, type de saut et maitrise de la réception). Pour son édition 2024, le FWT passe par L’ESPAGNE (Baqueira Beret Pro), ANDORRE (Ordino Arcalis Pro), LE CANADA (Kicking Horse Golden BC Pro), LA GÉORGIE (Georgia Pro), L’AUTRICHE (Fieberbrunn Pro) et LA SUISSE (Yeti Xtreme Verbier).

Par exemple ? La capacité d’une équipe à produire des images que l’on fait normalement depuis un studio bien chauffé, sauf que là, ça se passe à plus de 3 000 mètres d’altitude, parfois dans la tempête. Pour avoir un live qui tourne le matin à 8 h 30, il faut monter et dérouler des kilomètres de fibre optique. La nuit il y a des gens qui, après avoir monté tout le matériel – console, écran, parabole satellite, etc. – dorment dans la montagne, et se réveillent toutes les trois heures pour aller mettre de l’essence dans les groupes électrogènes, afin que les ordinateurs continuent à tourner et que les écrans LED ne gèlent pas… Et qui, une fois l’installation finie, vont parfois devoir tout remonter dans une autre vallée, sur une autre face, parce que les conditions ont changé rendant le site de compétition trop risqué. Tout ça en quelques heures ! Il y aussi un staff, médical et sécurité, très efficace… Sur l’étape d’Andorre, l’an passé, un rider espagnol se crashe à 20 mètres de moi suite à un backflip raté, il tape fort la tête dans les rochers. Et il se passe seulement 37 secondes entre ma dernière photo où le gars chute devant mon ­objectif et le moment ou le toubib arrive sur lui ! L’équipe de médecins est composée d’urgentistes de haut-niveau qui savent réagir au quart de tour, c’est obligatoire dans ce genre de compétition où le danger est omniprésent. D’ailleurs, les gens du staff, guides et médecins, ont sur eux des photos de la face quadrillée, 57


Le Plagnard Julien Lopez fait aussi partie des Frenchies qui ont fait les belles heures du Championnat du monde. Ici sur l’étape de Chamonix, en 2013, alors qu’il envoie un de ses backflips légendaires.

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FWT

Son engagement sur les faces n’a eu d’égal que son combat pour l’égalité homme-femme dans le sport. La Franco-Suisse et désormais citoyenne du Liechtenstein, Anne-Flore Marxer, championne du monde de snowboard 2011, dans ses œuvres en Alaska.


Retour au Captain’s Choice Motel pour Anne-Flore Marxer, ici photographiée à la sortie du schoolbus qui a servi de transport pour les famille des riders lors de l’étape en Alaska (Haines) en 2016.

L’histoire du FWT résumée en une photo : son fondateur Nicolas Hale-Woods (« un charisme hallucinant », selon Dom Daher) a créé la première fédération de surf suisse qui a donné naissance au circuit mondial de freeride.

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L’équipe fondatrice du team v­ idéo du FWT : au premier plan le réalisateur David Arnaud qui a mis en place la vidéo sur le circuit et qui a co-réalisé What the FWT avec Dom Daher. Aux côtés de David, Aurélie Morrison Gonin, fondatrice d’Alpine Media House.

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FWT

« L’hiver dernier sur Verbier, toute la face est partie en bas. Il y en a eu pour 150 000 euros de ­matériel enseveli. »

ambiance bataille navale. Si quelqu’un a perdu un ski en E6, les local heroes qu’on appelle les Ninjas qui sont de forts skieurs du coin, vont le récupérer, afin que rien ne traîne dans la face. Malgré une organisation béton, il y a des fois où ça dérape ? Je pourrais écrire un livre ! Une fois en 2017 au retour d’une étape, toute la régie du live a été confisquée à la douane, car on y avait oublié des poignées de sacs airbag (qui se déclenchent en cas d’avalanche et comporte un système pyrotechnique, ndlr) et une génératrice où il y avait encore des traces d’essence dans le moteur. Quel traitement vous ont réservé les douaniers ? On a eu une amende de 30 000 dollars et on n’a jamais revu le matos ! Autre plan lose : l’hiver dernier sur Verbier, la finale du circuit, et son apothéose avec le redoutable Bec des Rosses à rider, toute la face est partie en bas. Il y en a eu pour 150 000 euros de matériel enseveli. On en a retrouvé une partie, comme le podium ou la glacière de bouteilles de champagne heureusement intactes, six mois plus tard ! Le FWT évolue, il a même été racheté par la FIS (Fédération Internationale de Ski) l’an dernier, les athlètes sont de plus en plus forts, y a-t-il des choses qui ne changent pas ? Côté riders, l’évolution a été moins ­rapide que ce qu’on pensait. On a beaucoup plus de mouvements freestyle, on n’a pas la même exécution. Les faces sont parfois moins engagées, mais elles n’en sont pas moins belles. La vraie problématique, c’est d’avoir une diversité de lignes, originales. Je dirais que l’une des choses qui a le mieux survécu à l’évolution du Tour au fil des années c’est la fraternité qui unit les riders et le staff.

La Française Marion Haerty en 2017 en Alaska dans une ligne très engagée (typique de cet État) qui a dominé le circuit de 2015 à 2021, devenant quatre fois championne du monde de snowboard freeride. « Marion, c’est beaucoup de positif », dit Dom à son ­propos. En 2023, elle a sorti un documentaire sur une expédition de femmes au Népal. THE RED BULLETIN

On parle souvent de la FWT family... Et ce n’est pas un mythe ! À l’image de ces étapes en Alaska où on vit l’Amérique profonde, en autarcie, on joue au frisbee, on boit des canettes, on va rider tous ensemble… C’est un peu l’essence du FWT, cette histoire de communauté. Et c’est ce qui fait que le freeride restera toujours le freeride, compétition ou pas !

What the FWT, un documentaire à voir sur freerideworldtour.com et sur rts.ch 61


Une image du film Augure, prix de la Nouvelle Voix dans la catégorie Un ­Certain Regard, Cannes 2023.

Augure ou le réalisme magique Avec Augure, Baloji Tshiani propose un film choral où se mêlent magie et réalité. Loin des clichés sur l’Afrique, ce talent rare nous emmène au cœur d’un Congo haut en couleurs et en complexités, à l’instar de son réalisateur. Texte OUAFAE MAMECHE 62

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JOACHIM PHILIPPE, KRISTIN LEE MOOLMAN

BALOJI TSHIANI


Rap, danse, photo, stylisme, cinéma : à 45 ans, Baloji, né en RDC, est un talent à part issu de la scène belge.

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L

iège, Belgique, au milieu des années 1990. C’est là que Baloji commence son aventure artistique. C’est le rap qui attire le jeune adulte et sa bande de copains. Il fait ses débuts avec le groupe Starflam et participe avec trois albums à mettre la Belgique sur le devant de la scène. Au bout de presque dix ans, Baloji quitte le groupe en 2004 avant de sortir son premier album solo trois ans plus tard. Celui qui avait d’abord choisi d’arrêter la musique s’y est remis après avoir reçu une lettre de sa mère en 2006, vingt-quatre ans après leur séparation.

Tranches de vie

Né à Lubumbashi en 1979, au Zaïre (actuellement République démocratique du Congo), dans la région minière du Katanga, Baloji est kidnappé par son père à l’âge de 3 ans et emmené vivre en Belgique. Ne parlant que le kiswahili et devant désormais cohabiter avec une nouvelle famille, le petit garçon se renferme pour répondre au traumatisme 64

de cet exil forcé. Déracinement, intégration difficile, racisme ordinaire… les épreuves se succèdent pour le Congolais qui doit apprendre à composer avec une société étrangère qui ne veut pas de lui. Il quitte le foyer familial et l’école à 15 ans, naviguant entre la rue et le rap. À la suite d’un durcissement de la législation sur l’immigration, Baloji se retrouve sans papiers pendant trois ans, en centre de rétention fermé en 2001, avant d’être régularisé. Vingt ans plus tard, la loi sur l’immigration votée par la France – qui propose de supprimer l’aide médicale de l’État aux migrants – amène Baloji à faire un parallèle évident entre les deux pays : « Je me sens rescapé de la loi immigration et de ce racisme latent qui est très violent. Quand ils parlent aujourd’hui de retirer l’assistance médicale, ça veut dire que je n’aurais pas pu survivre, j’ai eu des caries et j’ai dû me faire opérer. » Toutes ces péripéties, Baloji les narre dans son premier album solo paru en 2007, Hôtel Impala, du nom d’un établissement possédé par son père au pays.

« Je me sens ­rescapé de la loi immigration et de ce racisme latent qui est très violent. » Dans un Congo imaginaire, seules ­l’entraide et la réconciliation permettront aux personnages de se débarrasser de la malédiction qui les envahit. THE RED BULLETIN

JOACHIM PHILIPPE

Baloji


Avec son esthétique, Baloji offre de nouveaux récits contemplatifs, ancrés dans les réalités du monde africain.

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Baloji

« C’était plus intéressant de parler du sujet qui me suivra toute ma vie, l’assignation à être sorcier, que du simple retour au pays natal. »

La lettre reçue par sa mère, qui désire reprendre contact après l’avoir vu à la télévision, lui dévoile des vérités méconnues, notamment sa véritable date de naissance. Né d’une union illégitime et portant un prénom de mauvais augure (« baloji » signifie « sorcier » en kiswahili), le jeune homme souhaite déjouer les présages qui le destinent à une vie maudite. Il nourrit ainsi la volonté de renouer avec son pays d’origine, en allant donner son disque à sa mère. Lorsque Baloji retourne en République démocratique du Congo vingt-cinq ans plus tard, son itinéraire est semé de

­ ésillusions face à la triste réalité du pays. d Il se rend alors compte de ses privilèges et du fossé qui s’est creusé entre les Africains et lui, devenu un « Afropéen », un Noir dans un monde de Blancs. Ayant grandi dans une culture européenne, il jouit de l’avantage de pouvoir voyager grâce à son passeport belge. Baloji se lance alors à corps perdu dans toutes formes d’art (rap, danse, photographie, stylisme, etc.). Il produit des albums aux sonorités et univers uniques et hétéroclites. Rap, afro-beat, jazz ou rumba congolaise, ses œuvres musicales n’entrent pas dans les cases prédéfinies par les industries occidentales, ni assez hip-hop ni assez world music. Et pour illustrer ses chansons, l’artiste réalise ses propres clips, devenant progressivement des courts-métrages (Kaniama Show ou Zombies), comme pour élargir l’espace d’expression pour ses histoires. Le cinéma est une suite logique. De ses expériences personnelles, Baloji en a tiré un premier long métrage, Augure, sorti en salles en novembre 2023.

La galerie du MoMu (Antwerp) accueillera l’exposition Baloji Augurism jusqu’au 16 juin 2024. La culture congolaise explore ses liens avec l’avant-garde européenne.

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Le film débute avec le retour de Koffi au Congo, accompagné d’Alice, sa future femme blanche enceinte, pour payer la dote traditionnelle et recevoir la bénédiction de sa famille. Mais le scénario bascule rapidement : « Je ne voulais pas parler d’un retour au pays natal, même si on me l’a beaucoup demandé, dit Baloji. C’était plus intéressant de parler du sujet qui me suivra toute ma vie : l’assignation à être sorcier. » C’est donc l’histoire de quatre personnages qui ont en point commun d’être considérés comme des « sorciers » par la société. Leur naissance ou leur parcours relèvent de la superstition ou de la déviance morale, cheminant ainsi hors des sentiers religieux ou de la bienpensance. « Les histoires africaines et européennes sont jalonnées par la peur de la sorcellerie et du pouvoir des femmes en général, dit Baloji. Je voulais me questionner sur ces thèmes. » Koffi possède une tache de vin sur le visage et souffre d’une épilepsie qui le fait convulser et saigner du nez. Dès sa naissance, il est rejeté par sa famille, étant l’exemple facile d’une possession par le diable. Sa sœur, Tshala, est une femme qui a choisi de s’épanouir hors des normes traditionnelles, en ayant une sexualité libre et assumée, et ne voulant THE RED BULLETIN

JOACHIM PHILIPPE, KRISTIN LEE MOOLMAN

Des histoires de sorcières


L’album Augure de Baloji est composé de quatre EPs, écrits du point de vue des quatre personnages du film.

« Il y a une forme de condescendance en Europe. Dès qu’il s’agit de codes africains, ils doivent forcément être réducteurs. » THE RED BULLETIN

pas d’enfants. Leur mère, Mama Mujila, a été forcée d’accepter toute sa vie les codes de la société, s’éloignant ainsi de son fils et se transformant en paria après le décès de son mari. Enfin, Paco devient un enfant des rues après la mort de sa petite sœur et le leader d’un gang de jeunes garçons habillés en rose. Le fil de l’histoire n’est pas un retour au pays, le seul rôle assigné aux enfants de la diaspora. Le scénario n’est pas non plus mené par un personnage blanc, comme cela a beaucoup été conseillé à Baloji lors de ses demandes de

­financement. Augure déconstruit donc les narrations liées à l’Afrique, nourries par un regard occidental pétri de ­colonialisme. « Je suis tous les jours confronté à des Européens qui me disent : “On ne comprend pas, c’est vraiment comme ça en Afrique ?” Il y a une espèce de condescendance ici. Dès qu’il s’agit de codes africains, ils doivent forcément être réducteurs, simplistes, monolithiques », déclare le réalisateur. De plus, loin des codes d’un cinéma naturaliste, lent et contemplatif, il s’agit d’un film rempli de couleurs, de 67


JOACHIM PHILIPPE

Au premier plan, l’actrice et danseuse rwandaise Eliane Umuhire (Tshala dans le film), basée en France. Au second plan, l’acteur congolais Marcel Otete Kabeya, qui interprète le rôle de Paco.

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Baloji

« Le cinéma est hyper conservateur et l’Europe est centrée sur ellemême. »

Otete Kabeya pendant le tournage en République Démocratique du Congo.

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f­ anfares, de costumes et de masques, qui bouleverse également les esthétiques. C’est d’ailleurs à cause de ces choix que financer Augure fut un parcours du combattant pour le réalisateur qui a essuyé bon nombre de refus de la part des commissions européennes. La narration proposée était trop éloignée des imaginaires stéréotypés servis par le cinéma jusqu’à lors : « Ils ont l’impression que l’Afrique est une culture laissée par l’Europe et qu’il n’y a rien d’autre qui peut exister à part ça. Le cinéma est hyper conservateur et l’Europe est centrée sur elle-même », ajoute Baloji. Avec un budget de 1,2 million d’euros – face à une moyenne de trois millions –, Augure a été tourné en vingt-trois jours, une durée ridicule face à la somme de travail nécessaire. « Personne ne s’attendait à ce qu’un film comme ça puisse exister. » Pourtant, la débrouillardise de Baloji, qui a tout imaginé, des costumes au maquillage, en passant par le choix précis des acteur·rice·s, a permis au film d’être salué par la critique. Les avant-­ premières mondiales et les prix se sont enchaînés pour le film et son réalisateur. Prix de la Nouvelle Voix au Festival de Cannes, lauréat en Allemagne, au Brésil, en Italie, tout en étant éligible pour la short liste du meilleur film étranger aux Césars et aux Oscars en 2024. Après Cannes, Baloji est retourné à Kinshasa : « C’est la première fois de ma vie que les gens ont prononcé mon prénom. Avant, ils l’épelaient pour ne pas avoir à le prononcer. Le dire, c’est comme l’invoquer dans ta vie. C’est génial et intéressant comment tu peux retourner le stigmate après des validations, et toute l’hypocrisie qui va avec. » Profondément politique, féministe et spirituel, tout en étant visuellement magnifique, Augure s’éloigne de l’exotisme qui rassure les Occidentaux pour offrir de nouvelles narrations au plus près de la réalité des Africains. En concert le 22 mars à la Gaîté Lyrique, Paris. IG : @baloji 69


L’HOMME DU PEUPLE Le rappeur et militant américain KILLER MIKE a consacré sa vie à se battre pour plus de ­justice et d’égalité. Il nous parle ici de ce qui compte le plus pour lui : aider sa communauté, ne jamais perdre espoir, et rendre hommage aux femmes de sa vie.

Texte WILL LAVIN 70

Photos NEIL GAVIN THE RED BULLETIN


Ange-gardien ? ­ ovembre 2023 : N Killer Mike, photographié pour The Red ­Bulletin à Kentish Town (au nord de Londres).


« Cet album est un ­hommage à toutes les femmes qui m’ont guidé dans ce projet. »


Killer Mike

L

a dernière fois que ­Killer Mike s’est rendu dans la capitale britannique pour un concert en solo, c’était il y a onze ans. Ce soir-là, nous le retrouvons à Londres dans le cadre du High & Holy Tour, la tournée de son dernier album, MICHAEL. Le rappeur américain de 48 ans, récompensé aux Grammy Awards, s’apprête à donner son premier concert hors des États-Unis : « Le Royaume-Uni a toujours occupé une place à part dans mon cœur, » confesset-il au TRB, alors qu’il prend la pose pour une session photo dans un studio de ­Kentish Town, au nord de Londres. « Les gens ici ont un certain sens du style et un côté passionné qui me plaît bien. » Mike, de son vrai nom Michael ­Render, habite toujours la ville qui l’a vu naître : Atlanta (Géorgie, USA). Marié et père de quatre enfants, il est non seulement rappeur et entrepreneur, mais aussi et surtout un vrai militant dans l’âme, élevé par ses grands-parents dans la vraie tradition du Sud américain. Très tôt, Mike découvre le rap – grâce à sa mère – et se met à écrire et produire ses propres morceaux, inspirés à l’époque par des types comme Ice-T, Run-DMC et leurs pairs. Après avoir été découvert par Big Boi – dont le duo OutKast est devenu l’une des légendes du rap d’Atlanta –, il sort son premier album Monster en 2003. Dans les années qui ont suivi, Mike – dont le surnom de « Killer » lui vient de sa capacité à « flinguer » les micros – s’est forgé une fan base de plus en plus nombreuse, avec des projets en solo ou en duo, comme celui qu’il a formé avec El-P en 2012, Run The Jewels, alors qu’il bossait sur son 5e album, R.A.P. Music. Une carrière plus qu’honorable, couronnée par trois nominations aux Grammy Awards en novembre dernier. Mais audelà de sa musique, c’est aussi pour son engagement politique et social que le rappeur américain s’est fait connaître, en s’exprimant de plus en plus souvent sur des questions qui lui tiennent à cœur : les inégalités sociales, les violences policières et le racisme systé-

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Atlanta dans les veines : Mike veut aider aujourd’hui la ville qui l’a forgé.

mique. Quand il prend la parole, sa verve et son éloquence laissent rarement indifférent. Il faut dire qu’il a de qui tenir : doté d’un franc-parler qu’il dit avoir hérité de sa mère Denise, Mike est devenu une figure centrale des manifestations qui ont suivi le meurtre de George Floyd, avec un discours mémorable proclamé aux côtés du maire d’Atlanta en 2020 et qui a fait le tour du monde. Aujourd’hui, le rappeur et militant américain continue d’inspirer les foules par ses textes et ses multiples projets sociaux. Il nous explique dans cet entretien d’où lui vient cette volonté de s’engager à tout prix et pourquoi il a mis si longtemps à se montrer à nu.

the red bulletin : Te voici loin de chez toi. En quoi Atlanta a-t-elle forgé l’homme que tu es aujourd’hui ? killer mike : Mon enfance a été merveilleuse. J’ai grandi avec mes grands-­ parents : mon père et ma mère étaient eux-mêmes des ados quand ils m’ont eu, mais ils avaient compris qu’il valait mieux pour moi que je reste chez mes grands-parents. D’une certaine façon, on a tous appris à devenir adultes en même temps. J’ai grandi à Collier Heights, une banlieue d’Atlanta créée dans les années 1940 par la communauté noire – pour la communauté noire. Toutes les couches sociales y étaient représentées : des plus pauvres aux plus riches, on avait tous la 73


Killer Mike

même couleur de peau. Ce à quoi le Black Power aspirait, c’était finalement ma réalité de tous les jours : c’est pour ça que je n’ai jamais eu l’impression d’être un citoyen de seconde zone, ou que certaines choses m’étaient inaccessibles. Bien sûr, je savais qu’il y avait un racisme systémique aux États-Unis et que j’allais me heurter à des obstacles de temps en temps, mais je savais aussi que si je m’accrochais, que j’étais qualifié, voire surqualifié, j’avais toutes mes chances. Et des opportunités à saisir, c’est tout ce que la vie te doit. Partant de là, il me fallait prendre les bonnes décisions. Pourtant, l’une des premières décisions que tu prends, en étant ado, c’est de devenir dealer. Pourquoi ? Parce que c’était l’évidence même : tout le monde autour de moi le faisait. Si tu voulais te payer des Jordan ou faire la fête, et qu’il te suffisait d’investir 50 dollars pour en faire 150, il était évident que tu allais le faire. On n’était que des gamins, incapables de comprendre les conséquences de nos actes. Ça t’a déjà attiré des ennuis ? Je n’ai jamais été en prison, mais un jour, à Allen Temple (une banlieue résidentielle d’Atlanta, ndlr), lorsque les vieux du coin ont commencé à se plaindre du fait qu’on squattait là pour dealer de la drogue, la police nous a donné une occasion de changer : ils sont venus nous voir en nous disant « Hey, vous savez que ces gens nous appellent à cause de vous ? Arrêtez de traîner par ici. » Après quoi ils nous ont donné une râclée, ont confisqué notre matos et nos chaussures, et sont partis en nous laissant là. Je me souviens être resté allongé par terre, à regarder le ciel en me disant : « Il faut vraiment que je change. » Tu as pourtant dealé jusqu’à ta vingtaine. Qu’est-ce qui t’a fait arrêter ? Ce fut une opportunité – grâce à OutKast, cette fois-ci. Quand j’ai reçu une avance sur mes gages, je me

s­ ouviens avoir couru acheter six kilos de weed. Big Boi s’en est aperçu et m’a dit : « Il est temps que tu réfléchisses à ce que tu veux devenir : un rappeur ou un trafiquant de drogues ? Parce qu’il est hors de question que j’investisse dans un type que je vais devoir, un jour, aider à sortir de prison. » D’un coup, tout a changé : j’ai tout détruit, tout arrêté – et je n’ai plus jamais regardé en arrière. Quand as-tu commencé le rap ? À l’âge de neuf ans. Ma mère n’avait que 16 ans quand elle m’a eu, alors c’est elle qui m’a fait découvrir sa musique : Kurtis Blow, Grandmaster Flash & The Furious Five, Whodini… Je me souviens que Roxanne Shanté (connue dans les années 80 pour ses battles de rap, ndlr) avait envoyé une photo dédicacée à ma mère : quand j’ai vu cette fille de 15 ans qui se mesurait à des mecs plus vieux qu’elle, je me suis dit : « Je peux le faire aussi. » Ton dernier album MICHAEL est celui que tu as « toujours voulu faire ». Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Quand le monde s’est arrêté pendant la pandémie de COVID et qu’on a vu tous ces gens mourir, j’ai réalisé que j’aurais pu être l’un d’eux – et que je ne voulais pas mourir avant de montrer aux gens qui j’étais vraiment. On me connaissait un peu grâce à OutKast, grâce au mouvement crunk, grâce à mon engagement politique et social – mais le public ne m’avait jamais rencontré en tête-à-tête, en solo. C’est pour ça que j’ai eu envie de leur dire, avant de partir : voilà qui je suis vraiment, et pourquoi je le suis. Tu es également connu et apprécié pour ton activisme : quand as-tu commencé à t’engager activement ? C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé : j’avais cinq ans quand ma grandmère m’a fait découvrir l’engagement politique. Lorsqu’Andy Young (­militant noir-américain des droits civiques, ndlr) a brigué la mairie d’Atlanta en 1980-1981, elle m’a emmené faire du porte-à-porte

« Je représente des gens qui sont libres depuis seulement une soixantaine d’années. » 74

avec elle : c’était le genre de femme à m’emmener aux conseils municipaux, aux réunions de voisinage. Et quand je lui disais : « Pourquoi je dois faire ça, Mama ? », elle me répondait : « Parce que c’est ce que tu es censé faire. Tu fais partie d’une communauté, tu es censé t’engager pour ceux qui n’en ont pas les moyens, aider ton prochain. » Quel type d’action est-il le plus ­efficace ? Il faut avoir un prolétariat vigilant – des citoyens qui fourrent leur nez dans les a ­ ffaires politiques. C’est tout. Mais ça ne veut dire qu’on s’engueule pendant des heures sur le prochain vainqueur des présidentielles. C’est un engagement ­local et concret. Ça veut dire : connaître les noms des procureurs et des juges de notre région, les noms de nos représentants locaux. Et ça veut dire aussi qu’on leur pose cette question : « Comment faites-vous pour faire parvenir l’argent de l’État à celles et ceux qui en ont ­besoin ? » C’est ce que ma grand-mère faisait. Face aux bouleversements du monde actuel, es-tu plutôt optimiste ou pessimiste quand tu penses à l’avenir ? Il faut que je reste optimiste parce que le pessimisme est si sombre et inquiétant que je n’ose même pas le regarder en face trop longtemps. Parce qu’il nous fait perdre l’espoir et l’envie de changer les choses. C’est ce que je vois maintenant lorsque des gens se font écraser et opprimer par l’État, sans rien faire contre ça. Je veux m’assurer que le Premier Amendement (de la constitution américaine, à savoir le droit à la liberté d’expression, ndlr) est respecté. Je représente des gens qui sont libres depuis seulement une soixantaine d’années. Et je n’ai pas l’intention de renoncer aux droits que mes ancêtres ont acquis au prix de leur sang, de leur sueur et de leurs larmes, juste pour ne pas déranger quelques-uns. Peut-on vraiment changer le monde ? On l’a déjà fait ! Cela fait seulement soixante ans que l’apartheid est aboli aux États-Unis. On appelle ça les lois Jim Crow parce que ça sonne comme un personnage de BD, mais c’était l’apartheid. Mes parents, qui sont nés en 1955 et 1959, ont connu l’apartheid. Donc je veux croire qu’on peut changer les choses, parce que j’ai vu des changements se produire dans ma vie. THE RED BULLETIN


« Pour moi, tout a changé le jour où j’ai découvert que j’adorais le rap. »


Killer Mike

Et si c’est vraiment trop hostile ? J’éteins mon portable, je vais à la pêche, je roules un pétard ou fais une virée en bagnole. Je mène la vie que je voulais avoir, alors j’accepte tout ce qui va avec. C’est pour cela que tu as voulu rappeler, avec l’album MICHAEL, à quel point tu es resté humain ? Exactement. C’est très important parce que les gens oublient qu’ils sont humains. Ils veulent se confondre avec leur idéologie, ou la meilleure version d’euxmêmes. Mais ça n’existe pas, la perfection : on peut juste essayer de s’améliorer. Il y a des jours où tout marche, et d’autres un peu moins. Je suis un être humain, mec : je suis capable de faire parfaitement les choses, comme de me planter. Je dis toujours aux gens : « Hey, je vais certainement faire une erreur un jour. Et si tu me pardonnes, on pourra se remettre en route ensemble. » C’est tout. Cet album est dédié à ta mère, Denise, et ta grand-mère, Bettie, toutes deux décédées. Pourquoi ? Il faut honorer ses ancêtres. Sur mon premier album aussi, même si c’était un peu maladroit. Mais maintenant que les gens me connaissent, je veux saisir cette occasion pour enfin rendre un véritable hommage à ma mère, ma grand-mère, les mères de mes enfants et mes tantes. C’est un album qui honore de nombreuses femmes, parce qu’elles m’ont guidé tout le long de ce projet. Pour Killer Mike, continuer en solo, ça signifiait montrer à son public qui il est vraiment.

Le discours poignant que tu as tenu à Atlanta en 2020, après le meurtre de George Floyd, a eu un retentissement international : cet instant a-t-il changé le cours de ta carrière ? Ce n’est pas comme ca que je vois les choses… Pour moi, tout a changé le jour où j’ai découvert que j’adorais le rap. J’étais ce gamin de neuf ans que l’on voit sur la pochette de l’album. Je n’ai pas ­besoin que les Noirs souffrent pour avoir du succès. En fait, je ne voulais même pas être là. C’est TI (un autre rappeur d’Atlanta, ndlr) qui m’a demandé de venir. Je n’ai dit que la vérité. Beaucoup se sont ralliés à toi à cette époque, certains t’ont critiqué : comment gères-tu le regard du public ? 76

« Les gens ont oublié qu’ils sont humains. » Je fais du mieux que je peux, c’est tout. Si les autres veulent faire les choses autrement, pas de problème. Mais je n’ai pas de temps à perdre à polémiquer : ce que les gens pensent de moi ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est de prendre soin de ma communauté et de m’assurer que les gosses après moi auront plus d’opportunités que moi.

Sur le morceau Motherless, tu parles de ta dépression après la mort de ta mère et de ta grand-mère : comment te sens-tu maintenant ? Je n’ai jamais pu jouer ce morceau sans pleurer, que ce soit une petite larme ou un vrai torrent. J’ai enfin compris que ­jamais elles n’allaient cesser de me manquer, c’est pour ça que je leur parle tout le temps. Ma mère et ma grand-mère font encore partie de ma vie au quotidien. Comment tourner cela en positif ? L’énergie ne meurt jamais : aujourd’hui ma mère est encore plus libre de m’aider à rester fort et motivé. Elle disait toujours qu’elle nous avait donné, à mes sœurs et moi, le meilleur d’elle-même. C’est pour cela que je me fiche de bosser comme un fou, de ne ralentir aucun de mes projets : je sais que j’ai une mission.

­killermike.com THE RED BULLETIN




PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

BRISEUR DE GLACE

ED SMITH/BERGHAUS MEDIA

MATT RAY

Alpinisme glacial dans les Cairngorms (Écosse)

L’aventurier Matt Ray et son guide Ron ­Walker scrutent le sommet du Cnap Coire na Spreidhe, dans les Highlands écossais.

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PERSPECTIVES voyage

« Si mon guide ou moi glissons, ou si le tapis de neige cède, nous serons entraînés vers cette bande de granit qui déchire la glace telle une rangée de dents acérées. »

J

e serre les deux piolets de glace enfoncés dans le mur de neige face à moi comme si ma vie en dépendait. Mes chaussures à crampons traversent la mince couche de glace. Nous sommes à plus de 1 000 mètres d’altitude, je cherche une prise tandis qu’un vent arctique balaie les éléments et transforme les flocons en une rafale de petites aiguilles glaciales sur mon visage nu. Je déplace un seul piolet à la fois afin d’avoir toujours trois points de contact dans la neige. Impossible de savoir à quel moment ces fines lames de métal perdront de leur adhérence. Mon baudrier est relié au poignet de mon guide d’infortune, Ron Walker, de Talisman Mountaineering, par une courte corde. Mais sa fonction est surtout symbolique, car si l’un de nous glisse ou que le tapis de neige cède, nous serons irrémédiablement entraînés vers la bande de granit qui déchire la glace telle une rangée de dents acérées avant d’être recrachés dans un gouffre béant. 80

Salut : Walker dans une cheminée de roche ; (haut) traversée du plateau des Cairngorms. THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES voyage

À vous de jouer Bien que situé dans une partie ­reculée des Highlands écossais, il est relativement simple de se rendre dans le parc national de Cairngorms grâce à des vols pour Inverness ou des trains directs pour Aviemore, base idéale pour toutes vos aventures avec ses nombreux hôtels (dont Glenmore Lodge, centre de formation dédié au plein air), ses guides de montagne qualifiés et ses stages ­d’alpinisme hivernal comme ceux dispensés par Ron Walker à Talisman Mountaineering. talisman-activities.co.uk

ED SMITH/BERGHAUS MEDIA

MATT RAY

Défi ultime : traversée d’une cheminée glacée à la force des crampons et des piolets.

Nous sommes début avril et je me trouve au cœur des Cairngorms, la chaîne de montagnes qui a donné son nom au plus grand parc national du Royaume-Uni. Abritant quatre des cinq sommets les plus élevés du RoyaumeUni, la chaîne est connue pour son escalade en rocher et en mixte, et aussi pour le « Munro-bagging » activité consistant à escalader tous les sommets écossais de plus de 3 000 pieds (914 mètres) de haut. Mais en hiver, le climat de toundra (températures répertoriées allant jusqu’à − 27 °C et rafales de vent atteignant les 283 km/h) attire uniquement THE RED BULLETIN

les mordu·e·s de conditions météorologiques extrêmes. Partis du centre de montagne de Cairngorm deux heures plus tôt, nous avons parcouru les huit kilomètres nous séparant de Cnap Coire na Spreidhe (1 151 m) à travers une couche de névé (neige glacée partiellement fondue puis regelée qui rappelle le glaçage d’un gâteau, tantôt lisse, tantôt battue par le vent). La couche durcie facilite notre progression, nous ne nous enfonçons pas dans la poudreuse jusqu’aux genoux à chaque pas. Mais plus nous montons, plus le risque augmente, le bulletin d’in-

fos écossais sur les avalanches indique que « sur ce genre de terrains raides et extrêmes, un risque d’avalanche est toujours possible ». Je n’en mène pas large. Après une descente en rappel sous un ouragan blanc et glacial dans un coin appelé les Corries du Nord, nous visons l’un des spots locaux secrets de Walker, une ascension sur roche, glace et neige compacte. Mais d’abord, nous devons traverser 70 mètres d’une paroi de neige complètement exposée. Certes, j’ai déjà fait de l’escalade en plein-air, mais mes randonnées de type « touristique » sur le littoral du Dorset me semblent bien lointaines. Manipuler cordes et autre matériel complexe emmitouflé dans plusieurs couches de vêtements high-tech tandis qu’une tempête de neige menace de me faire tomber d’une falaise est une autre paire de manches. Je suis dépassé. Je prends une profonde inspiration, et les nuages se dissipent au-dessus de nos têtes, laissant un rayon de soleil percer les cristaux de glace en suspension. Le spectacle sinistre se change en une boule à neige d’une beauté surréelle. Inspiré, je reprends ma progression et réalise soudain que nous sommes au pied de l’ascension finale. Walker construit un ancrage auquel nous attacher avec son matériel d’escalade, puis disparaît dans la tour de granit haute comme un immeuble de neuf étages. Me voilà seul, 81


PERSPECTIVES voyage Bienvenue dans le ­sauvage Avec ses 4 528 km², le parc national de Cairngorms est le plus vaste de tout le RoyaumeUni. Il contient quatre des cinq plus hautes montagnes du pays, Ben Macdhui (1 309 m), Braeriach (1 296 m), Cairn Toul (1 291 m) et Sgor an Lochain Uaine (1 258 m) et réunit un tiers de toutes les terres situées à plus de 600 m d’altitude. La région ne représente que moins de 2 % du Royaume-Uni mais abrite 25 % de ses ­espèces rares et menacées, dont les aigles royaux et les chats ­sauvages.

de roche à l’aide de piolets et de crampons me semble aussi incongru que précaire, et je dois maintes fois cligner des yeux pour trouver de bonnes prises à travers le blizzard. La route bifurque vers

« On se retrouve dans une scène digne d’une boule à neige. »

Répit : un soleil hivernal reçoit Ray au sommet de Cnap Coire na Spreidhe.

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une profonde fissure dans laquelle je dois glisser mon corps, donnant des coups de pied dans la neige et cherchant des rainures moins profondes dans la roche pour y planter mes piolets. Plus l’ascension se raidit, plus la neige s’effrite. Et la roche devient de plus en plus lisse, me forçant à enfoncer mes crampons dans des fragments de roche émoussée qui me trahissent dès que j’y prends appui. Chaque bouffée d’air glacial brûle mes poumons, mes pieds glissent constamment sous les lugubres échos du métal raclant la pierre. Je n’ai plus une once de force dans les bras et pense à ­jeter l’éponge, mais l’image de Walker me traînant dans ce goulet comme un sac de patates m’envoie un choc salutaire. Je brûle mes dernières forces en appuyant mes pieds de chaque côté de la cheminée, me persuadant que mes crampons me maintiendront pendant que je me hisse vers le haut. Quand j’atteins enfin le sommet, une immense vague de gratitude m’envahit. Parfois, c’est en défiant la tempête que naît la confiance. Journaliste et photographe de sports d’action et d’aventure, Matt Ray a ­affronté les terres gelées du monde ­entier, de la Norvège à la Colombie-­ Britannique. IG : @adventurefella ; son blog : adventurefella.com THE RED BULLETIN

ED SMITH/BERGHAUS MEDIA

ballotté par le vent glacial. Je n’ai jamais eu aussi froid de toute la journée et ne sens plus mes orteils. Alors que je commence à trembler de manière incontrôlable, trois fortes secousses sur la corde m’indiquent que c’est à mon tour de grimper. Je ne distingue plus mon mentor et dois donc me débrouiller seul avec mes modestes compétences. Je commence par grimper sur la partie exposée de la tour. « Accrocher » des morceaux

MATT RAY

Sueurs : les alpinistes focus pour ne pas chuter des centaines de mètres plus bas sous des températures avoisinant les − 18 °C.


HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en mars en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement. AARON BLATT / RED BULL CONTENT POOL

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PERSPECTIVES gaming

E

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quelques millimètres pour avoir plus d’adhésion et éviter de faire de l’aquaplaning. » Lors de la GT Academy, ces ajustements l’ont aidé à maîtriser les pistes détrempées, et passer les virages en douceur tandis que ses adversaires luttaient pour ne pas déraper.

Tracer sa propre voie

Du canapé aux podiums L’histoire de Jann Mardenborough, ou comment passer du virtuel au top des podiums dans la vie réelle.

Entrer dans la zone

Selon Jann, il faut plus que de simples compétences pour briller sur un circuit : « Le plus important est le mental et l’état d’esprit quand on est dans la zone. » GT est un jeu immersif qui permet de développer un certain sang-froid face à des distractions aussi minimes que quelqu’un entrant brusquement dans votre chambre, et d’apprendre à avoir les bons ­réflexes et à garder le contrôle lorsque certains dangers comme un véhicule qui vous frôle de trop près viennent ­perturber votre rythme.

Royaumes détrempés

Adversaire redoutable, la météo modifie les conditions de piste et exige des ajustements du tac au tac. Grâce à GT, Jann

Optimiser le contrôle

« L’aspect mental est ­déterminant. »

Le réalisme de GT en fait un ­ space d’entraînement idéal e pour ballets mécaniques : grâce à sa maîtrise du jeu ­vidéo, Jann dispose d’un avantage au niveau de la configuration des véhicules : à ses ­débuts à la GT A ­ cademy, au ­volant d’une puissante Nissan GT-R, il a reproduit certains ajustements issus de ses sessions virtuelles. « Avec GT, on apprend les réglages comme le poids du véhicule, la tension des ressorts et le réglage de la barre stabilisatrice », précise-til, ajoutant qu’un volant à entraînement direct (volant de ­simulation monté directement sur moteur) peut améliorer le réalisme de GT grâce à un plus grand niveau de rétroaction notamment au niveau du couple et permet d’affûter sa conduite dans la vie réelle.

Jann Mardenborough, pilote

granturismo.movie

a développé un sens aigu du décryptage météorologique, parfaite préparation aux courses imprévisibles dans la vie réelle. « Du sec au mouillé, le temps au tour est d’environ 12 à 15 secondes plus lent. S’il tombe des trombes d’eau, il faut rehausser la hauteur de conduite du véhicule de

THE RED BULLETIN

BABAJIDE OSIKOYA

COURSES

La trajectoire de course, c’est la touche finale du peintre sur la toile de la piste. « GT propose une trajectoire de course générique et un rapport de vitesse en conséquence, mais ça ne fait pas tout. Pour connaître sa trajectoire de course, il faut enchaîner les tours en continu. » Fort de ce mantra, il décide de suivre une trajectoire de course atypique découverte par hasard lors d’une course réelle sur la piste du Fuji Speedway au Japon. « Il y avait une bande de béton après la ligne blanche du circuit qui offrait une bonne adhérence. J’entrais dans le virage un à 260 km/h, et en tournant le volant, ma roue avant gauche a accroché cette bande de béton et m’a fait prendre parfaitement le virage. J’étais en tête des chronos. »

GORDON TIMPEN/SONY

n matière de jeux vidéo de simulation de course, la série Gran Turismo (GT) remporte la palme. Lancé en 1997, ce jeu légendaire offrait aux détenteurs de la toute première Play­Station une expérience de conduite immersive jusqu’alors inégalée. Après plus de 90 millions d’exemplaires vendus dans le monde, GT, qui en est maintenant à son 7e opus, est autant apprécié des gamers que des fous du volant. Mais pour Jann Mardenborough, GT revêt une signification encore plus particulière : ce jeu a tout simplement changé sa vie. Né à Darlington et élevé à Cardiff, le gamer a déjà passé plus de 10 000 heures sur GT quand, à l’âge de 19 ans, ses compétences lui ouvrent les portes du métier de ses rêves. Sans aucune expérience en tant que pilote dans la vie réelle, Jann participe à l’édition 2011 de la GT Academy, une compétition cofinancée par Sony et Nissan qui attribue un contrat de pilote professionnel au meilleur joueur de GT. « J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment, dit-il. Je savais que je voulais devenir pilote de course. Quand l’opportunité s’est ­présentée, j’ai tout donné. » En mettant en pratique les leçons du jeu, Jann s’impose parmi 90 000 participant·e·s dans le monde virtuel puis sur un véritable circuit et décroche ainsi un contrat professionnel avec financement à la clé. Désormais, à 32 ans, il s’est hissé sur la première marche du podium du Championnat d’Europe de Formule 3, GP3 et GP2, et a même terminé 3e des 24 Heures du Mans en 2013. Aujourd’hui, il participe aux ­Super Taikyu Series au Japon. De gamer à pilote : un parcours incroyable qui a inspiré le film Gran Turismo, long-­ métrage sous octane évoquant comment les jeux vidéo, en ­développant le mental, les ­capacités d’adaptation et la finesse technique, peuvent booster le succès IRL.



PERSPECTIVES matos

Que tombe la neige Une sélection de produits de la tête aux pieds pour assurer dans le blanc, au sec et en toute sécurité.

ON VOUS SUIVRA À LA TRACE VANS ULTRARANGE EXO HI GORE-TEX MTE-3 Un modèle muni d’une technologie adaptée à toutes les conditions météo la plus avancée sur le plan technique, y compris l’imperméabilité respirante GORE-TEX pour rester au sec, l’isolation 3M ThinsulateTM pour être au chaud et une semelle extérieure MTE-3 dotée du composé en caoutchouc All-Trac pour rester bien en place. 210 € ; vans.fr

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PERSPECTIVES matos

− DE SUPERFLU + DE PERF

MAMMUT EIGER FREE ADVANCED HS Légère et ultra performante, c’est la veste idéale pour accompagner les sorties freeride les plus ­difficiles ! Cette hardshell est ultra résistante, souple, compacte et parfaite pour toutes les conditions météorologiques. Respirante, imperméable, elle offre une totale liberté de mouvements, mais reste suffisamment ample pour les descentes dans la poudreuse. 760 € ; mammut.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES matos

POUR FLEX SUR LES PISTES

PATAGONIA TOURING RED ALPINE SUIT Modèle révolutionnaire pour les objectifs ambitieux en montagne, l’Alpine Suit vous protégera de la tête aux pieds sans restreindre vos mouvements. Fabriquée dans une matière GORE-TEX 3 couches 100 % recyclée, imperméable et respirante, elle assure une protection intégrale contre les intempéries et respecte l’environnement sans sacrifier la qualité. 1 000 € ; eu.patagonia.com

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PERSPECTIVES matos

CHAMP VISUEL OPTIMAL

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PERSPECTIVES matos

PROLONGER LA SURVIE

DB DB’S BACKCOUNTRY SAFEBACK SBX La première veste d’avalanche au monde intégrant le système de survie SBX dans une veste bien équilibrée et facile à utiliser pour les adeptes du ski et du snowboard en backcountry. Une haute sécurité et un design fonctionnel en montagne qui déclasse tout ce qui s’est fait à ce jour et pour cause, Safeback SBX, lauréat de l’ISPO Award en 2022, est le premier système de ce type à fournir activement de l’air aux victimes d’ensevelissement dans la neige. 599 € ; eu.dbjourney.com

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PERSPECTIVES matos

NO MORE TETRIS

THULE MOTION XT Disponible en plusieurs tailles et coloris, le coffre de toit Thule Motion XT au design spacieux offre une capacité de chargement généreuse pour emporter un maximum de vos affaires ! Grâce à sa forme aérodynamique pensée pour vous assurer des voyages plus économes en carburant sans compromettre la capacité de stockage et son design spacieux. À partir de 650 € ; thule.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES matos

UN RÉGAL DE POUDREUSE

ANON M5 S Le masque Anon M5 S dispose d’une forme révolutionnaire combinant le meilleur des deux mondes, un verre aux formes cylindriques avec la performance de la technologie torique, pour obtenir un style élégant et moderne. Développés pour les sports de neige, les écrans PERCEIVE dont il est équipé, accentueront encore plus les couleurs et amélioreront les contrastes. Un résultat impressionnant qui renforce la perception de profondeur. 320 € ; burton.com/fr/fr/c/anon

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PERSPECTIVES matos

NE L’OUBLIEZ JAMAIS

CAIRN SHUFFLE MIPS Descente les yeux fermés, ou presque. Véritable concentré de technologie, le Shuffle Mips (Multi-Directional Impact Protection System) est pensé pour vous offrir le meilleur de la sécurité tout en sublimant votre style sur les pistes. Oui à une réduction de risque de blessures cérébrales en cas de choc oblique. 149,99 € ; cairn-sport.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES comment… ­criteria – qui nous incitent à la rupture – et de l’autre, un engagement préalable : on se fait la promesse de passer à l’acte. » Cette combinaison peut s’appliquer aussi bien à notre façon de jouer en bourse qu’à un projet de bifurcation pro. En bourse, on peut fixer à l’avance des seuils de valeur à ne pas d ­ épasser : si une action descend en-dessous de cette valeur, elle est automatiquement vendue.

Fixer un délai

Annie Duke, ancienne joueuse de poker et docteure en psychologie, nous apprend comment ­renoncer au bon moment.

En 1992, alors qu’elle e ­ st sur le point de terminer son doctorat en psychologie cognitive, Annie Duke tombe malade. Elle se retrouve bloquée chez elle. c’est à cette époque que son frère, grand joueur de poker, l’initie au poker dans les moindres détails. Ce gagnepain temporaire devient une passion, et elle aménage à Las Vegas pour passer pro. « Jamais je n’aurais en­ visagé cette carrière si je n’avais pas été obligée de faire une pause », raconte-t-elle. Après avoir pris sa retraite de joueuse en 2012, elle reste aujourd’hui la cinquième femme la mieux dotée du monde, avec une c ­ agnotte totale de plus de 4 millions de dollars. A ­ ujourd’hui, Annie écrit des livres et conseille les gens sur la prise de décision : 94

le fait qu’elle ait dû arrêter un projet pour se lancer dans un autre lui a donné le goût du changement. Raccrocher au lieu de s’accrocher ? « C’est une éventualité à ­garder dans notre tête, et que nous n’envisageons pas assez souvent. » S’il est salutaire de savoir qu’on peut, à tout moment, ­renoncer à quelque chose qui ne marche pas, pourquoi est-ce si difficile à faire ? « Parce le renoncement est vécu comme un échec, ­répond Duke. On ­attend de ne pas avoir d’autre choix que de partir. » Lorsqu’on se lance enfin, on regrette de ne

pas l’avoir fait plus tôt. Voici les conseils d’Annie Duke pour agir.

Connaître ses limites

La première règle, avant de changer de voie (ou de vie), c’est « d’accepter le fait qu’on ne va pas voir les signaux d’alerte ». Au contraire, à chaque signal nous disant de quitter une situation néfaste, notre réaction est souvent de s’y impliquer encore plus – c’est « l’escalade d’engagement ». Il faut au contraire « s’imaginer quelle serait notre décision s’il s’agissait d’une toute nouvelle situation ». Un exemple : nous avons accepté un job avec un chef très sympa, qui est un jour remplacé par un chef colérique et malveillant. Aurions-nous pris un job p ­ roposé par ce dernier ?

Savoir killer

« On associe le renoncement à l’échec. » Annie Duke, décisionnaire

Pris·e dans une situation néfaste mais familière, il est difficile de penser rationnellement. Mais on peut identifier les signaux d’alerte et s’engager à se défaire de cette situation. « On a d’un côté les kill

Se faire aider

« Certaines personnes autour de vous sauront mieux évaluer votre situation perso, estime Duke. Nous avons tendance à donner des conseils aux autres plutôt qu’à réfléchir aux siens. » Psychologues, mentors, proches, ces coachs du changement peuvent vous aider à tenir vos engagements et définir vos kill criteria.

Positiver

Au lieu de se concentrer sur ce que nous allons perdre, il faut changer de perspective et réfléchir au contraire à ce que cela va nous coûter de rester bloqué·e dans une situation. À quoi d’autre pourrions-nous consacrer notre temps ? « Si votre situation personnelle ne vous convient pas, ne devriez-vous pas au moins tenter de vivre quelque chose d’autre ? »

Quit. La stratégie des leaders : l’art de renoncer au bon moment, éd. Alisio ; annieduke.com THE RED BULLETIN

ISABELLE ARON

Nouveau départ

SHUTTERSTOCK

PRENDRE UNE DÉCISION

Il est important de se d ­ onner un délai avec une date-butoir, au-delà de laquelle la décision doit avoir été prise : trois mois avant de quitter ou non son job, peut-être un an pour un ­mariage. « Les kill criteria impliquent aussi de réfléchir à la vie qu’on voudrait avoir. Et de définir ce qu’il faudrait faire pour y arriver. On se donne un délai pour prendre sa décision, sans attendre d’être sûr·e à 100 %, car dans ce cas, il est déjà trop tard. »


PERSPECTIVES fitness

GETTY IMAGES, TFBI

JESSICA HOLLAND

L

e début d’une nouvelle saison est le moment idéal pour améliorer sa santé, mais pas forcément dans une salle de sport. Se promener en forêt peut déclencher toute une série de bienfaits physiologiques, notamment une amélioration de la fonction immunitaire, une régulation de la tension artérielle, une réduction des hormones de stress, une amélioration des fonctions cognitives et une résistance accrue aux douleurs chroniques. Au Japon, le shinrin-yoku, sylvothérapie ou bain de forêt, se p ­ ratique déjà depuis des décennies. Gary Evans et Olga Terebenina, cofondateur·rice·s de l’Institut des bains de forêt, un organisme de recherche britannique, supervisent la formation des guides de bains de forêt et organisent des séances de groupes dans des parcelles boisées. « Vous vous tenez debout sur un étroit chemin où la lumière du soleil passe à ­travers les branches, explique Evans en décrivant une séance typique. Il y a des ifs, des chênes verts, des bouleaux argentés ; de la mousse et du lichen pendent des arbres. Je demande aux gens du groupe de regarder autour d’elleux les oranges, les rouges, les jaunes, la vaste gamme de verts, ainsi que les blancs, les bruns, les noirs et les gris. C’est comme ça que le stress s’estompe et qu’on commence à ressentir un lien différent avec l’environnement et les personnes qui nous entourent. Lorsque l’on se trouve sous un arbre, on a l’impression d’être pris·e dans les bras. Il arrive aussi que l’on verse des larmes de tristes ou de joie, car on libère des émotions. C’est tout simplement magique. » Voici les conseils d’Evans pour se ­sentir bien en forêt...

En toute simplicité

« Lorsque vous marchez ou faites du vélo dans les bois THE RED BULLETIN

« Il est plus naturel de respirer à partir du bas des poumons, en utilisant le diaphragme, explique Evans. En forêt, en respirant à pleins poumons, vous inondez votre corps d’oxygène et de molécules bénéfiques présentes dans l’air. » À la maison aussi il est possible de reproduire certains de ces effets en diffusant des huiles essentielles contenant de l’alpha-pinène, du cinéole et du d-limonène – des substances chimiques que l’on trouve dans le pin ­sylvestre, les écorces d’agrumes et l’eucalyptus.

Commencer petit

RESPIRER

L’appel de la forêt Une bonne santé n’est pas forcément synonyme de séances de gymnastique et de régime. De plus en plus d’études font l’éloge de la sylvothérapie.

Evans recommande de s’efforcer de prendre un bain de forêt au moins deux heures toutes les deux semaines, et indique que l’endroit idéal est une grande forêt ancienne mixte, en raison de la diversité de sa flore et de sa complexité. Toutefois, il ajoute : « Le principal, c’est de trouver un espace facilement accessible pour s’y rendre souvent. Ne négligez pas ce qui se trouve à votre porte ; vous obtiendrez les mêmes avantages en allant dans un parc municipal. Vous vous surprendrez même à vouloir le faire plus souvent. »

Écouter pour faire de l’exercice, vous cherchez à élever votre rythme cardiaque », explique Evans. Mais l’objectif du bain de forêt est de faire baisser le rythme cardiaque et la tension artérielle. « Bougez lentement. Trouvez un endroit où vous asseoir. Absorbez l’atmosphère. Cela stimule la branche parasympathique du système nerveux. Connectezvous de la manière qui vous semble la plus agréable et la plus relaxante possible. »

Respirer à fond

Lorsque nous sommes sous pression, nous respirons rapidement, en utilisant la partie supérieure de nos poumons.

« C’est très ­libérateur. » Gary Evans, expert en sylvothérapie

« La pleine conscience peut améliorer l’expérience », dit Evans, mais il conseille de ne pas écouter autre chose que les bruits de la forêt. Sauf si c’est pour parer au niveau sonore d’un parc bondé. « Écoutez plutôt les oiseaux et la bande sonore naturelle de la forêt, réjouissez-vous de la chaleur du soleil sur votre peau, caresser la mousse des arbres en vous concentrant sur la beauté qui vous entoure. Cela peut vous aider à clamer les frustrations d’un esprit préoccupé. La pratique de la pleine conscience n’est pas un exercice facile, mais avec le temps, cela devient plus naturel. »

tfb.institute 95


M E N T I O N S L ÉGA L ES

The Red Bulletin Autour du monde

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P O U R FI N I R E N B E AU T É

Du pur Nouria

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 14 mars 2024

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THE RED BULLETIN

EMILE DOMINE ©AADO MEDIA

Quand la kayakiste Nouria Newman part en mission, c’est à couper le souffle. Cette fois, c’est au Pakistan que la Française s’est aventurée, avec des amis d’enfance, Jules et Maël, pour 150 km, sur le fleuve Indus, entre Skardu et la confluence avec la rivière Gilgit. Vous voyez ici la championne du monde (et plus encore) dans le dur, dans la gorge du Rondu. « Avant d’y aller, on a vu des images, et on espérait tous que ça ne serait pas aussi gros en vrai, dit Emile Domine, spécialiste des productions médiatiques en milieu hostile. Ça l’était encore plus, bien plus. »


OURONS POUR CEUX DÉFIE QUILANE LE LIGNE PEUVENT D’ARRIVÉE PAS

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