Lagalla

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lo gran festival (The Big Festival)

(The Big Festival)

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Aloha l’autoportrait 24 x 19 cm acrylique sur toile, 2006 collection privée

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H

étéroclite ou, plus précisément, hétérogène, Thierry Lagalla rend conviviaux les contraires : anecdotique/historique, prosaïque/poétique, figuration/abstraction, local/international… Il nous semble « être » chez Héraclite, le philosophe du logos. Avec ce Grec-là, on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. Avec cet artiste-ci, on ne se baigne jamais. Ici, tout nous échappe, Hic et Nunc sont dans un bateau, le réel sonne toujours deux fois, échos, glissements, chutes ou rebonds ; la Re, Re, Re, représentation. Depuis rose Sélavy, cet R se balade ; projeté par l’artiste, il ne cesse de ricocher, produisant, au passage, des œuvres collatérales. « L’origine du monde?- Ah non, c’est à côté. » nous répond un anus excentrique. Depuis cet à côté, Thierry Lagalla nous parle de : Nice capitale, des patates sœurs de lumière, du vide dans le seau, de la banane sans fin, d’une mortadella empaillée, d’un gòbi célébré à la sauce Las Vegas…autant de couples improbables qui vivent poétiquement leur union. L’art chez Lagalla est un véritable service hospitalier à l’ambivalence, ni d’antihèse, ni de succession. Une demeure croissante où, la figure et le langage vivent, avec ravissement, leur androgynie et leur simultanéité. G.B.

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ODILE BIEC & EVELYNE TOUSSAINT

Thierry Lagalla, ou l’artiste en ravi (au lit) Artiste, intellectuel, populaire. Thierry Lagalla réconcilie ces termes a priori antinomiques, par la collusion du familier et du quotidien avec la distance critique et l'invention poétique. Ses œuvres, ludiques et engagées, parlent de pouvoir, d'art et d'identités, en un langage hybride d'occitan, de nissart, d'anglais et de français. Le liant, c'est l'humour, la liberté créatrice du Witz venant dynamiter conventions et convenances dans des vidéos, des performances et des peintures qui sont autant de minuscules coups de théâtre aussitôt dégonflés. Dans les vidéos de Thierry Lagalla, on retrouve tous les codes du cinéma muet, les ratages et les finals en queue de poisson autant que les vidéo-gags télévisuels et leurs chutes désolantes. Ses peintures désacralisent la Peinture autant qu'elles témoignent d'une culture et d'un amour pour le genre, dans la plus grande économie de moyens et la démultiplication du sens. Il affectionne deux genres hyper-traditionnels, la nature morte et l'autoportrait, revendiquant une manière en de petites peintures gourmandes, avec force références à l'histoire de l'art. Ils y sont tous : Vermeer, Courbet, Cézanne, Van Gogh, Matisse, Mondrian, plus les néo et les post… sauf les très sérieux simulationnistes et autres postmodernes citationnistes (Madama-parpalhon ; Mi-sieu-totjorn-tri). Dans ces genres hypertraditionnels, donc, il introduit folklore et néofolklore, construisant avec ses origines, sa langue et son environnement immédiat, une attitude résolument post-identitaire (Le-ravi-au-lit ; Artistiquement-pointu ; Epinal ; Sardina-pintura ; Epinal-2). De même, dans le genre très éprouvé de la performance, il injecte quelque frottement, entre clownerie, poésie et autodérision.

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Jamais dans ses autoportraits (vidéos, peintures ou dessins), Thierry Lagalla ne rit, même avec une bougie d’anniversaire dans l’oreille (Jamai solet dau buòn (never really alone) 2), ou archi concentré, seul au monde avec ses deux doigts (jamai-solet-1). Le répertoire des modèles existants se trouve augmenté du style «sourcils tombants - regard fixe - bouche inexpressive». Après le «peintre en saint Luc» ou en Christ, après les portraits de fiers condottiere ou de puissants marchands et monarques, après les autoportraits en douleurs et fureurs qui jalonnent notre histoire de l’art, il faudra compter avec le Lagalla en bonnet de bain à fleurs bleues, portrait charge (en l’occurrence autoportrait charge) contre toute volonté de puissance, abus de pouvoir et autres banalités de nos soumissions à la domination, contre toute propension à la vanité (asperant-lo-delùbi). Le caviardage n’épargnera personne dans la dérision et l’autodérision (Ni-pute-ni-soumis-non15) et John Wayne s’y retrouvera le plus à l’Ouest possible (Auto-lo-+). La figure et le langage (Une-bonne-abstraction), les images d’Epinal et les photos de vacances (Epinal), Mondrian et Loréal se télescopent dans les peintures de Thierry Lagalla. Toute référence intempestive à Marcel Duchamp qui viendra au regardeur sera forcément pertinente. Le processus créatif devient jeu, private jokes (La-limaça-e-lo-bulo), exercice de style. D’autres références – Jarry, Queneau… – peuvent aussi être utilement appelées. Qu’est-ce que le jeu, sinon, comme l’écrivait Johan Huizinga, «Une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie, et d’une conscience d’»être autrement» que la «vie courante» .

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Double page précédente : Vue de l’exposition Double-Bind Villa Arson, 2010 Ci-dessous : Le ravi au lit 24 x 19 cm acrylique sur toile, 2006

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Vue de l’atelier 27 x 19 cm acrylique sur toile, 2006 collection privée

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Les jeux de langage de Lagalla sont sans appel, d’audacieuses connexions en associations faussement incongrues et réellement engagées (Santa-ni-touche ; Allez les Verts), car «Le langage est également le lieu où nous pouvons exprimer avec le plus d’efficacité notre désaccord envers notre destin, cela par le maniement des tropes, des jeux de mots, des résonances parodiques, et en faisant jouer les énergies des langues vernaculaires contre les terminologies des langues vénérées. (…) Le langage est le seul moyen de contourner l’obstacle du langage» . Ainsi, le vocabulaire de Thierry Lagalla emprunte indifféremment au trivial comme au conceptuel, sans faire jamais fonction d’autorité. Ces drôleries tumultueuses, ces images à tiroirs, ces petits formats monumentaux, maintiennent le quiproquo entre high and low. C’est la fenêtre ouverte de Matisse sur le Nice de tous les jours (Vue de l’atelier). Tout cela est très philosophique, donc, version Diogène plutôt que Heidegger, l’ainsité zen plutôt que l’indicible de l’être de l’étant. Les protagonistes de cette sagesse populaire sont tour à tour sardine, moule, poulpe, truite, salami, ravi ou pomme de terre (C’estjustement ; Despi-quand-sies-una-trutta ; Locamponiat ; Tantifla). Nos plus hautes valeurs et nos plus grandes émotions, nos idéaux et nos aspirations les plus nobles comme notre esprit de conquête et de compétition, se trouvent ici épinglés avec une tendresse féroce. Même l’amour, le sexe et la mort (ecom’aquò-t-plas ; _je_vous_ai_... ; l’origine-dumonde ; vanità-au-lapin ; le-temps-(la-fuite)…) sont emportés dans un délire énorme, rabelaisien, où l’absurde rejoint l’essentiel (Le-ravi-au-lit), en une atteinte au bon goût qui se révèle de salubrité publique.

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Décalage et incongruité structurent ce discours déjanté (Pschiiiit ; tantifla ; Voler…) qui pourrait permettre de supporter ce quelque chose du sentiment tragique de l’existence, cette lucidité fondamentale, que l’artiste en ravi garde «sous le pied» (Vanità-au-lampadari ; Tanta-chìqueta-ai-talons ; Lo-can-de-starita ; Le-vide-dans-le-seau ; Vanità-cen-que). Comme l’écrit S. Batibeuil : «Prenez la réalité, transformez-la en tapis, installez-le au beau milieu d’une pièce, faites entrer l’homo sapiens sapiens puis regardez- le se prendre les pieds dans le tapis. Figure première du burlesque, déclinée à l’infini par Thierry Lagalla, mise en abîme de la vanité. L’humain chute et se relève pour mieux retomber, à notre plus grand plaisir. […] si quelque chose peut être filmé, c’est la chute (l’estramasse) tout le reste, c’est du remplissage»

1 Jacques Rancière le rappelle, «On sait quelle place le concept de jeu tient dans les propositions et les légitimations de l’art contemporain. (…) Le ludique (est) un peu partout à l’honneur pour caractériser un art qui aurait absorbé les contraires : la gratuité du divertissement et la distance critique». Jacques Rancière. Malaise dans l’esthétique. Paris : Galilée, 2004, p. 42 2 Johan Huizinga, cité par Colas Duflo, «Jeu», in Dictionnaire des concepts philosophiques (sous la direction de Michel Blay). Paris : Larousse / CNRS Editions, 2006, p. 455 3 Richard Poirier. The Renewal of Literature : Emersonian Reflections. New York : Random House, 1987, p. 72. Cité par Edward W. Said. Humanisme et démocratie. Paris : Fayard, 2005, p. 65

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- Rien n’est aussi vaste que les choses vides. F. Bacon - Non, je plaisante. T. Lagalla

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Page précédente : Vanité purée 24 x 19 cm acrylique sur toile, 2008 collection privée Ci-contre : Vanité aux épinards (Perqué li a quaucarem, pusleu que ren ?) Pourquoi y a-t-il quelquechose plutôt que rien ? 19 x 24 cm acrylique sur toile, 2008 collection privée Ci-dessous : Vanité pomme-banane 19 x 27 cm acrylique sur toile, 2010 collection privée

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