Memoire HMONP LEA BILLOT 2017

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LÉA BILLOT MÉMOIRE DE HMONP 2016-2017 École Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux Mise en situation professionnelle : Du 01/ 09/ 2016 Au 31/ 03/ 2017 Structure d’accueil MSP : Agence RANDJA Nom du tuteur d’agence : Farid Azib Nom du directeur d’étude : Laurent Goyou-Beauchamps

LA PRATIQUE DU CHANTIER : SCÈNE (ET) POLITIQUE



«Je vais être architecte», c’est la phrase que j’ai prononcée devant mes parents lors de la réception de la lettre d’acceptation au concours d’entrée de l’ENSPABX. Ce mot me paraissait aussi flou qu’il me rendait fière. Ce jour-là, je n’avais pas de doute mais pas non plus de définition à donner à mon futur métier. Ce qui n’était pas dérangeant car il semblait en réalité produire exactement le même effet quand je l’annonçais autour de moi. Enfant, je m’inventais des mondes, construisais des vies et au désespoir de mes parents, je détournais les objets. Si aujourd’hui, je regarde mon parcours avec un sentiment d’évidence, ça n’a pas toujours été le cas. Je voulais être comédienne, journaliste, psychologue et archéologue et j’aime toujours croire que c’est un peu être architecte. En tout cas, c’est ce qu’à révéler le bilan de compétence que j’ai fait à 17 ans. Cette rencontre a tout changé, architecte je serais.



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/Remerciements Je souhaiterais remercier Farid Azib pour la confiance qu’il a eu à mon égard lorsqu’il m’a confié ses deux projets et pour son désir de poursuivre l’aventure avec moi. Je suis conscience d’être arrivée lors d’une année complexe, tout aussi fructueuse en concours que mouvementée au sein de l’équipe. Il n’est pas toujours facile de tenir le cap, et cela n’a fait qu’enrichir mon expérience et me préparer à de nombreuses éventualités. Farid Azib, lors de nos conversations en chemin vers Bayonne, me communiquait sa vision des enjeux de notre profession. Tenir le projets face aux aléas et aux intervenants, est un objectif qu’il cherche à nous enseigner malgré les difficultés. Parce qu’il a su bien s’entourer, il est très agréable de travailler avec une équipe aussi dynamique et engagée. Même si mon travail a impliqué une pratique plus solitaire, j’y ai fait de belles rencontres et n’oublierai jamais mon passage dans cette agence. Optimiste et rêveur, j’ai appris auprès d’un architecte endurant et je lui souhaite des années plus calmes mais tout aussi riches de beaux projets. __ Egalement, je souhaite remercier Bruno Murawiec qui a fait partie des acteurs bienveillants de ma formation. Malgré sa charge de travail, il a toujours été présent à l’écoute. Je ne serais le remercier suffisamment pour ses précieux conseils et ses méthodes de travail qui m’aident quotidiennement. Nous parlions tout autant d’architecture, que d’art et de théâtre, animés par des passions communes. Honnête et franc, Bruno fait partie de ces architectes qui marquent leur passage par un engagement profond et une intelligente modestie. Fin pédagogue, j’espère que Bruno trouvera un équilibre satisfaisant dans sa pratique. __ Cette mise en situation professionnelle n’aurai pas été aussi riche, si Laurent Goyou-Beauchamps, mon tuteur, n’avait pas été là pour m’épauler. Malgré la distance, nous avons pu échanger, car Laurent sait prendre le temps. Je le remercie donc pour son écoute et espère que la finalité de ce mémoire reste à la hauteur de ses attentes.



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/Sommaire /Remerciements /Introduction

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1| L’architecture, récit du plaisir

p.11

- Mise en scène du rêve - L’envie de bâtir - Comprendre et dessiner la société

p.13 p.17

p.25

2| Politique de la pratique

p.31

- Au sein d’une agence - Déontologie et éthique: l’héritage - Kaléidoscope d’acteurs

p.33 p.45

p.53

3| Architecte en devenir - Transmission, trans-maîtres - Construire une démarche - Construire pour se construire

p.67

/Conclusion /Bibliographie /Iconographie /Annexes : - Organigramme agence - Les principaux projets de ma HMONP - Curriculum vitae - Fiches d’appréciations tuteurs et directeur d’études - Note de synthèse de l’ADE

p.69 p.73 p.81

p.86 p.88 p.89 p.90 p.92 p.96 p.98 p.103


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/Introduction

« Devenir architecte » était mon objectif en entrant à l’ENSAPBx, « m’affirmer architecte » a été le cap du projet de fin d’étude et « être architecte » est la responsabilité que je porte quotidiennement en m’orientant vers l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en mon nom propre. Au travers de cette mise en situation professionnelle, j’ai découvert une réalité dans une perpétuelle dichotomie : légèreté de la conception et engagement économique du concours, plaisir de la construction et responsabilité permanente vis-à-vis des normes constructives, optimisme de la commande public et calendrier du mandat... J’ai compris qu’il n’est pas évident de fédérer les intérêts personnels au services de l’œuvre collective mais que nous sommes dans une sphère où chaque acteur peut devenir un allié à condition d’avoir les outils. Fédérer une équipe d’architecte au sein de son agence, en communiquant, transmettant et anticipant, c’est notre rôle en tant que directeur. Orchestrer les « sachants » dans la conception d’un projet esthétique, technique et économique, c’est le rôle du mandataire. Puis il est nécessaire de travailler avec les élus et les futurs usagers pour réaliser un projet conforme aux attentes et produisant du rêve. L’architecte est un acteur autonome mais jamais seul. Réaliser ce mémoire m’a permis de faire le bilan de ma formation initiale et de celle reçue durant les sept derniers mois. Deux formations complémentaires et essentielles à la pratique totale de notre métier. Et en réalité, si l’apprentissage ne fait que commencer, je sors plus forte et plus déterminée pour assumer les responsabilités et les enjeux liés à notre profession. L’architecte produit le patrimoine de demain dans le respect de celui existant, il se doit de penser à tout et à tous et d’être le garant d’une conception précise de l’espace. Un rôle complexe à tenir qui nous rend humble et exigeant avec nous-même. Dans une introspection plus précise de cette année, je remarque que tout était lié. Au sein de Randja, j’assouvis mon envie de me mettre au service de l’art et de la société en lui dessinant des équipements culturels qui lui apporteront la réflexion, l’émancipation et le rêve. Je pratique, bien qu’encore frustrée par ce format, le chantier comme un engagement de chaque instant pour « maîtriser » le projet. Et surtout, je rencontre au plus près les risques et les relations du monde de la construction, poussés par des enjeux politiques et dirigés par ceux économiques.


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Je questionne alors mon futur métier dans ce microcosme du chantier, de la scène et de la politique : regroupant autant la politique d’agence que celle de la commune. Quelle place à l’architecte dans le rouage de la construction ? Quelles sont les risques et les richesses de la commande public ? Comment travailler dans l’intérêt commun si notre vision ne va pas au-delà de la réception du bâtiment ? Je choisis alors de vous apporter mes réponses par le prisme de mon parcours et de ma vision d’architecte et m’engage vers une pratique riche de ces questionnements et ouverte à l’étonnement. Dans un premier temps, en vous présentant ce qui me conduit jusqu’à cette formation et les fondements de mes ambitions d’architecte. Puis par la présentation de l’agence Randja et de son fonctionnement, j’exprime la confrontation aux réalités du projet dans son rapport au marché, à son économie et au travers de ses protagonistes. Et enfin, je souhaite exposer ce qui guide ma création et ma pratique d’architecte mais aussi mes espérances pour l’avenir.



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1| L’architecture, récit du plaisir Se construire avec passion, envie et grâce à des opportunités et des rencontres. Se construire au sein de la société par des interrogations et des confrontations au réel. Garder un pied dans l’expérimentation, le rêve, et la permanente découverte. Ce qui suit présente mes principaux désirs d’architecture qui m’ont conduite à suivre la formation HMONP et intégrer l’agence RANDJA : l’équipement de la scène, l’échelle 1 et l’analyse de la société.


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Lina Bo Bardi Théâtre Oficina Sao Paulo 1984


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/Mise en scène du rêve En lisant certains ouvrages sur le métier d’architecte et en écoutant nos nombreux intervenants lors des séminaires organisés par la formation, nous comprenons que notre profession d’architecte est difficilement définissable. Et si c’est le cas, c’est surtout parce que l’architecture et l’espace, qui sont les objets de nos études, sont des notions complexes. Alors l’architecte a mille casquettes, mille visages, comme il y a mille façons de travailler l’espace et de faire de l’architecture. « L’architecture c’est le vide, à toi de le définir. » Luigi Snozzi Pour moi, l’espace n’existe que parce qu’il est vécu, parce que l’être humain le traverse, l’imagine, et le construit. Nous sommes aussi capables de le représenter, de nous y projeter et d’en faire notre décor. Avant de savoir que je pouvais être architecte, soit dessiner des lieux, ou être constructeur, j’avais trouvé la solution en me transportant dans des espaces rêvés et en les partageant par le biais du théâtre. Une passion que je cultive depuis longtemps, tout d’abord sur scène et aujourd’hui dans la salle. Une passion surtout pour le lieu, cet espace où tout est permis. La liberté d’expression est totale, un exutoire des maux de la société, un lieu de catharsis de nos émotions étouffées. Les théâtres, les cinémas, les salles de spectacle communales, sont autant d’architectures qui permettent l’expression des arts de la scène et de la projection cinématographique. Mais ils sont surtout des espaces publics et politiques. Ils s’expriment dans ces lieux, la force du lien par le partage de la création. Nous nous retrouvons hors du temps, hors de tout lieu, ancré dans une réalité et à la fois projeté dans un nouvel imaginaire. J’apprécie alors l’interaction sociale qui s’y joue. Cela va bien au-delà du spectateur qui réagit à ce qu’il perçoit, ou de l’acteur qui transmet cette émotion, c’est un échange, de la participation. Il suffit alors de dire « nous sommes dans la forêt » pour que chacun y croit le temps de la représentation. Mais dans quelle forêt ? Dans toutes les forêts ! Dans celle que chacun s’imagine... Chacun y développe un regard, une attention et il en résulte souvent une réflexion...Produire une telle architecture c’est permettre l’exercice de l’Art sous tous ses formes. Bâtir le lien entre chacun dans la société sur un modèle juste et libre, socle de la cohésion. J’ai l’espoir et la croyance que la magie de ces lieux rende possible l’éveil de tous par la culture, les symboles, et la création. Il me vient alors des projets qui m’ ont touchée par leur naissance citoyenne, et leur pouvoir de rassemblement. Des espaces où l’architecture s’exprime simplement, presque par minimalisme ou par grande économie qui en font la force du lieu. J’admire la modularité du Grand Atelier du Lieu Unique de Patrick Bouchain, entièrement construit en matériaux de récupération. Le jeu avec la rue, les


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passants et la nouvelle vie que permet le Cineroleum d’Assemble Studio me donne envie de construire. Le Théâtre Oficina a été mon premier étonnement d’architecte face à cet équipement. Ayant pratiqué, des lieux traditionnellement configurés, je découvre qu’ils peuvent être réinventés. Sans se soucier des normes, et des contraintes acoustiques Lina Bo Bardi casse tous les codes classiques et nous offre l’essentiel : une scène en longueur, un décor naturel de ville et de végétation, des témoins sur des gradins qui se pencheront comme nous le ferions à notre fenêtre... Apprécier le théâtre, c’est aussi apprécier la scénographie. En tant qu’architecte nous la pratiquons chaque jour : mise en scène de l’usager, parcours, et décor de nos espaces de vie. Dans mon cursus à l’ENSAPBX, j’ai pu pleinement exprimer cet attachement. Transcendée par la pièce de Yukio Mishima, «Madame de Sade» écrite en 1965 et mise en scène par Jacques Vincey au TNBA de Bordeaux, j’ai alors choisi d’explorer les thèmes de la scène au travers de l’exercice d’écriture qui nous était donné en deuxième année. Puis, il nous était permis une grande liberté dans le sujet de licence d’atelier d’architecture, lorsque nous devions réaliser un complexe cinématographique d’art et d’essais et de théâtre aux Aubiers à Bordeaux. Nous nous confrontions aux premières normes de ces équipements publics avec pour fond de scène : l’architecture des grands ensembles. Et enfin à deux reprises, lors de workshops, ATK à Bordeaux et Lina Bo Bardi 100, j’ai eu le plaisir de participer à l’élaboration d’une exposition. Dans le premier cas, c’était une activité bénévole, complètement organisée et gérée par des étudiants. Nous avions réussi à faire venir deux étudiants de chaque école d’architecture de France, les pousser à réfléchir à un thème donné durant une semaine et enfin avoir la chance d’exposer au centre d’architecture d’Arc en rêve de Bordeaux. L’exposition ouverte durant quelques jours a permis de relancer ce workshop qui se transmet d’école en école. La seconde exposition fut réalisée en Allemagne lors de mon erasmus. A l’origine d’un partenariat avec la Pinakothek der Moderne et l’école Technique Universitaire de Munich, l’exposition LINA BO BARDI 100 retrace la production architecturale de cette architecte et ses idéaux. Nous réalisions les maquettes exposées, ainsi que participions à la réalisation de la mise en place du parcours. Aujourd’hui, être sur Paris, me permet de poursuivre cet enrichissement personnel beaucoup plus facilement, mais surtout d’être constamment stimulée. Le travail de l’espace est partout et à toutes les échelles. Les références citées plus haut, ou la pratique des expositions quelles qu’elles soient, permet de transmettre notre savoir-faire, de communiquer avec le grand public pour enrichir son quotidien. Rester curieux, cultiver nos intérêts, conserver une ouverture d’esprit, voici ce que je retire des préceptes de mes enseignants. Je me suis attardée sur ce sujet car il m’a aussi beaucoup influencée dans mes choix de pratique. L’agence Doazan et Hishberger associés a été nominée au prix de l’équerre d’argent 2012 pour son Pôle National des Arts du Cirque de la ville de AUCH et réalise de nombreux équipements ayant un rapport avec les arts du


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spectacle et du cinéma. Au sein, de celle-ci j’ai choisi de réaliser un stage de 6 mois cette même année. Une expérience très enrichissante, bien que je constate que je n’avais pas encore la maturité pour saisir tous les enjeux de la gestion d’agence, et du concours. Cependant, dans ce premier rapport avec le monde du travail d’architecte, j’ai eu l’opportunité de participer au concours du cinéma de Bayonne, lien direct avec mon parcours de HMONP, puisque j’en gère aujourd’hui le chantier. Cet élan pour ses lieux m’a conduite au sein de l’agence Randja qui manipule ces programmes. Elle est également la source d’une ambition future : construire un jour mon propre théâtre … Aujourd’hui ce programme, à l’image de son art, ne cesse de se réinventer. Pourtant les normes toujours plus exigeantes font travailler les architectes avec des experts : acousticien et scénographe. Le théâtre est un spectacle normé, car au-delà du rêve et de l’improvisation, tout est répétition et conception pointilleuse. Durant en effet cette année, j’ai eu la chance de côtoyer le vocabulaire technique des appareils et les dimensions précises du confort pour le public(AFNOR, et CST de l’image et du son). Ce sera alors un challenge de pratiquer l’architecture de Lina Bo Bardi avec des contraintes essentielles pour favoriser l’échange du rêve avec le public.


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RÊhabilitation d’une maison bordelaise phase chantier participation


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/l’envie de bâtir « L’acte de construire représente pour moi le cœur même de tout travail architectural.»1 La formation que nous recevons au sein de l’école pour devenir architecte n’inclue pas le rapport au chantier, à l’assemblage concret des matériaux, et aux échanges avec les entreprises. Cet apprentissage se fait « sur le tas », par expérience et en parallèle. En travaillant chez Randja sur deux chantiers je poursuis en réalité une évidence sur mon parcours. Côtoyer l’échelle 1 fut l’élément déclencheur de ma passion et la prise de conscience de la nécessité de réaliser ma HMONP. Dans une approche personnelle, j’ai fait la rencontre du chantier dans le cadre familial. Je ne savais pas qu’il y avait des architectes, ni même que construire un lieu de vie s’assimilait au sens noble d’architecture. Rénovation et construction neuve, observatrice et participante, les espaces de mon quotidien se multiplient et changent. Cette absence de permanence me donnait encore plus envie de m’enraciner et m’apprenait à m’adapter. Les projets changent au court d’une vie, notre parcours entraînent de nouveau besoin avec d’autres moyens. Ces nombreux projets de maisons de mon passé, m’ont entraînée à réaliser mon premier chantier personnel d’extension et de rénovation sur Bordeaux. Pleine d’assurance, je me suis lancée dans la démolition, l’isolation, le cloisonnement, mais nous avions aussi pris des ouvrages plus techniques comme l’électricité et la ventilation, laissant le gros œuvre, la charpente et la plomberie aux experts. Une année intensive. Forte de cette expérience, j’ai réalisé les limites de mes compétences devant l’intendance de l’administration, l’économie du projet, les délais du planning et surtout la synchronisation des étapes... J’ai refusé par la suite quelques demandes ne souhaitant pas risquer les économies d’une famille dans une aventures que je ne maîtrisais pas assez. Peu importe la taille du projet, la HMONP me paraissait indispensable, et j’avais le sentiment de manquer des opportunités. Dans mon parcours parallèle professionnel, j’ai portant déjà eu la chance de rencontrer des architectes sensibles à l’importance de la formation du chantier. Chez ADH, je me suis rendue de nombreuses fois aux réunions de construction du cinéma de Blaye. François-marie Lebrun de l’agence Métaphore m’a également exposé les difficultés de notre métier lors de nos visites sur place. Et enfin l’apprentissage le plus complet fut à l’Atelier provisoire, lorsque j’avais cette maturité et envie. J’ai partagé avec Hélène Soubiran, les rebondissements du Foyer jeune travailleur de Mérignac. Riche de conseils, j’ai compris durant cette expérience l’aspect catalyseur de cette phase de traduction unique d’un projet représenté en un lieu à vivre. 1

ZUMTHOR Peter « Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 11


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« Là où des matériaux concrets sont assemblés et édifiés, l’architecture imaginée devient une part du monde réel. » 2 Ce moment de l’assemblage est fort de sens pour moi. Assemblage de matériaux, de compétences, d’interaction humaines, le chantier se compose d’autant d’ingrédients, et de rouages pour former un monde. D’abords parce qu’il est en effet défini par un nom qui exprime à la fois une situation spatiale, le lieu du chantier, et une situation temporelle, la phase chantier avec notre mission DET. Si l’architecte est bien un chef d’orchestre de tout ce rouage par la nécessité de l’assemblage, le chantier reste encore le lieu où les machines ne peuvent pas remplacer la main de l’homme. Il y a bien deux mondes, celui des idées définies des phases ESQ au DCE, puis celui du concret de l’ACT au AOR. Alors le travail de l’architecture se construit à travers deux processus de chronotopes séparés : concevoir le projet et réaliser le chantier. Les compétences et les missions sont nettement différentes alors que nous parlons d’un même projet et d’un même site. Selon la notion de Chronotope de Mikhaïl Bakhtine, il constitue la matrice où les principales séquences temporelles indissociables de celle du temps d’une œuvre se croisent avec les dialogues, les rencontres et les événements. Les « généralisations philosophiques et sociales, idées, analyse des causes et des effets, et ainsi de suite, gravitent autour du chronotope et par son intermédiaire, prennent chair et sang... »3 Trouvant par mon expérience cette notion plus qu’applicable au chantier, je dirais donc que le planning et le site deviennent ces deux notions primordiales et indissociables qui font la base des interactions des acteurs, des conflits et échanges, mais aussi des relations avec son contexte. Nous travaillons avec une architecture située dans le paysage mais aussi dans la société et la politique. Il m’a suffi de lire le planning de chantier de l’OPC Eric Grossin du projet de cinéma à Bayonne pour comprendre que celui-ci aurait été différent ailleurs. Tout d’abords parce qu’un planning s’organise avec le calendrier politique en supportant la volonté de vouloir inaugurer à une date et sous mandat, parce qu’il prend en compte les saisons et le climat de la région lorsque cela implique le béton en structure, mais aussi parce les événements de la ville peuvent interférer avec les délais. Une semaine disparaît alors en juillet pour les célèbres fêtes de Bayonne. Outre l’absence incontestée des entreprises, il faut gérer les risques de la présence d’un chantier en cœur de ville pour les touristes et locaux venus célébrer. Le planning prend aussi en compte la poésie du temps des matériaux : la fabrication, l’assemblage, le savoir-faire de l’artisan, des prototypes et essais, mais aussi du temps de prise du béton et du séchage des peintures. 2 3

ZUMTHOR Peter Idem,page 11 BAKHTINE Mikaïl «Esthétique et théorie du roman» - Paris Gallimard 1978 - p 391


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Au cours de cette pratique, je prends également conscience que notre rapport au site se perd durant toutes les phases intermédiaires du projet. Nous le découvrons lors de la visite de concours, invités par la maîtrise d’ouvrage à prendre conscience de ses dimensions, de son orientation, de ses points de vue, de ses voisins, de son histoire, de ses enjeux mais aussi de son atmosphère. Il devient source de conception, inspiration première en entrant en dialogue avec le programme. Notre travail est alors de mettre en lien : un besoin et un lieu. Ce n’est que bien plus tard que nous le retrouverons et qu’il sera alors notre paysage. L’histoire avec le site commence par nos premières intuitions. Nous projetons une ligne, une silhouette. Tout le travail alors se fait à partir de relevés. Digestion, conception, notre projet s’intègre minutieusement dans son contexte. Et le temps de la redécouverte arrive dans le monde du chantier où le lieu n’est plus figé, supportant l’agitation du changements… Dans le cas où nous construisons du neuf, c’est un peu intégrer de la vie humaine sur place. En rénovation, nous transformons la perception. Le visiteur, lorsque le projet est réussi, sera capable de comprendre le processus complet et l’histoire chronologique du lieu. La distance se fait entre l’architecte et le site au moment de la conception, mais pour le public, c’est la phase du chantier qui est une rupture temporelle et physique. Il est un moment de fracture dans la ville, dans le quartier, dans une parcelle et dans les habitudes de chacun. Bien qu’il annonce un changement optimiste par l’arrivée d’un projet, l’image de cette phase n’est pas toujours positive. Il peut constituer une privatisation d’usage ou une gêne dans environnement immédiat, en créant changement de déplacement et des nuisances visuelle et sonores. J’ai remarqué en effet lors de cette mise en situation professionnelle, l’intérêt du public pour le chantier. Les journaux locaux racontent son avancement, la mairie publie les dépenses, les commérages expriment l’atmosphère qui l’entoure. Aujourd’hui nous essayons de rendre le chantier plus ouvert et plus instructif. Les barrières pleines de chantier s’ouvrent par endroits pour laisser les passants devenir des spectateurs de cette agitation. Les non-initiés fascinés par les perspectives du futur projet, présentes sur les panneaux,donnent leurs avis. La ville de Bordeaux, grande ambassadrice actuellement de la transformation de son tissu urbain, a bien compris cet enjeu et offre à voir à ces habitants un ballet de grues de jour comme de nuit avec l’idée de l’artiste Jean François Buisson . Fière de son renouveau, elle cherche à mettre le chantier plus comme un événement que comme un traumatisme. Cette quête de la sensibilisation est poussée très loin par certains architectes, qui travaillent avec les futurs usagers mais aussi les futurs voisins à accueillir le projet en douceur. Patrick Bouchain et son réseaux Construire, organisent de nombreux évènements au cœur de cette phase longue et inconnue pour le public.


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Chantier Igny Réunion de synthèse superposer les corps d’état

un dessin, une contrainte, un responsable


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Chantier Bayonne Prototype BFUP Présentation au Bureau de contrôle

une ligne, une norme, une responsabilité


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Le chantier fait aussi parti des grands enjeux du réemploi dont nous sommes tous concernés. A la Biennale de Venise, le talent de l’architecte Alejandro Aravena a été de nous faire prendre conscience et de nous questionner sur les matériaux et leur avenir par la beauté que le réemploi permet. Loin d’une attitude moralisatrice, le choc se produit simplement devant la reconnaissance du squelette détourné des cloisons. Pour les jeunes architectes, le chantier est un monde inconnu et souvent exprimé dans la souffrance par les plus expérimentés, il devient même dangereux. J’ai côtoyé les risques du chantier pour m’en servir comme d’un apprentissage unique. Parce que la difficulté est d’aller au bout de son œuvre. Nous nous engageons dans une mission complète où il faut tenir la qualité du projet afin de signer une réelle conformité. Scène d’acteurs, je ressens le chantier comme une grande improvisation, où rien ne doit être vu comme un problème mais plutôt comme un défi pour la meilleure des solutions. Nous ne devrions pas négliger l’importance du suivi de chantier car travailler en son nom propre n’a plus de sens si nous n’avons plus la main. Cependant il y a un juste milieu dans le fait de garder le contrôle sur les choses comme sur le fait de les lâcher. Dans la question du contrôle, j’ai appris par mes expériences vécues et certaines déceptions que la confiance avait une limite. Les entreprises, à ma grande surprise, ne font pas toujours preuves de bon sens ou d’initiatives. En ne voulant pas rentrer dans ce rôle de co-contsructeur que je leur donnais par le respect que j’ai pour leur expertise, ils m’imposaient de prendre mon rôle de « maître » dans un rapport de sanction. Jouant de mon inexpérience dans les règles ou les contrats, ils cherchaient à faire du profit. D’autres souhaitent n’avoir aucune responsabilité et être de simples exécutants en attendant alors de moi des directives et une supervision. Rares sont ceux à qui j’ai pu faire comprendre que l’exigence de la qualité et de la conformité des règles de l’art était de penser construire pour soi-même. Je ne réceptionne pas un ouvrage si je ne veux pas le voir chez moi tous les jours... L’architecte pense à la cohérence globale du projet face à des entreprises qui ne se concentrent que sur leur lot et le contrat de leur limite de prestation. A l’inverse aussi dans le lâcher-prise la juste mesure est de rigueur : aujourd’hui le mission DET est très souvent sous-traitée aux constructeurs privés ou à une maîtrise d’œuvre spécialisée, ce qui entraîne également une importante perte de qualité au profit de la rentabilité économique. Ce phénomène est double lorsque monte le mouvement du participatif et de l’auto-construction, où l’architecte cherche sa place. A cause de la prolifération des réglementations et des métiers, la fabrique du projet est de plus en plus fragmentée, ce qui se multiplient en phase chantier, avec une difficulté à appréhender ce monde. Comme pour le monde de la création, j’observe une certaine rupture avec l’expertise des matériaux et la réalité du projet. Notre enjeu est de retrouver ce lien en permanence, ce contact avec la


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construction au plus tôt dans la réflexion. Aujourd’hui, après 7 mois chez Randja avec deux dossiers en cours de chantier, ma vision de celui-ci s’est affinée. Si j’avais déjà acquis les risques d’un projet de rénovation en terme d’économie et de technique, je ne connaissais pas ce rapport dans le marché public. La contrainte extrême des mesures qu’Autocad rend infiniment précises autant qu’abstraites puisque tout s’adapte sur place. Et si j’avais déjà pu avoir ce contact avec les ouvriers et la réalité des prix en étant aussi maîtrise d’ouvrage par le passé, je n’appréhendais pas le circuit des ordres de services, des situations de travaux, des travaux supplémentaires ou encore des mises en demeure...Je me suis rendue compte également du risque de l’engagement économique en phase concours qui se répercute en chantier sur la qualité. Mon indépendance sur les dossiers m’a permis une immersion complète. J’ai rencontré chaque intervenant de la maîtrise d’ouvrage à l’usager, qui m’a permis de réfléchir sur les enjeux de chacun, les complexités propres à mes projets, et interactions sociales changeantes en fonction de mon rôle. Au long de ce mémoire cette expérience sera présente dans chacun de mes thèmes.


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/Comprendre et dessiner la société Depuis quelques années, je suis en quête du sens de notre production. La place de l’architecte n’est pas remise en question mais par l’enseignement des erreurs de nos prédécesseurs et l’évolution de la société, nous devons nous demander si ce que nous produisons répond encore à la question. J’ai alors souhaité, durant le master, récolter les grandes problématiques de notre temps qui se reflètent clairement dans la production de notre époque. Nous avons alors été témoin de l’inauguration de nombreux mémoriaux et de la montée du terrorisme, de la question du migrant et de la précarité d’une catégorie de la population qui s’isole. Je notais que nos grandes réflexions sur l’écologie, le réemploi et le participatif n’étaient pas de l’ordre de la source mais du moyen. Elles seraient une deuxième étape à intégrer dans le projet, un filtre mais pas une genèse. J’ai avec mes derniers projets et mon mémoire de master, poussé ma réflexion à comprendre les besoins sociaux pour mieux les intégrer dans un espace : Le besoin de rassemblement et de recueillement face à un événement traumatisant, puis la légitimité de la place du migrant et la réponse spatiale de son accueil, pour finir avec un parcours de vie au sein d’un lien de mémoire comme Drancy. Au travers de ces analyses, je prends conscience de l’importance de la trace, de la mémoire et de la politique des espaces. En tant qu’architecte, je me dois d’avoir une position de sociologue pour remplir pleinement mon rôle. Réaliser un parallèle entre l’architecture et l’étude de la société c’est un peu faire la définition de la mémoire : l’avenir et le passé dans un seul instant, dans une fraction de présent où nous avons conscience d’un vécue en poursuivant une route vers demain. « L’architecture est une machine à ralentir le temps. »4 Dans la rédaction de mon mémoire de master, je questionnais la place les mémoriaux et de leurs pratiques dans notre société, la ville et la production architecturale. En quoi est-ce important de conserver les traces d’un passé douloureux que l’on pourrait légitimement avoir envie d’oublier ? Quelle est le discours véhiculé par le mémorial et les acteurs de ce phénomène ? Dans mes hypothèses, le mémorial est annoncé comme un geste politique. Il y est observé porte-parole de la société et fondateur d’une mémoire commune, rassembler autour du recueillement. Finalement, c’est au travers du regard du concepteur que le mémorial prend tout son sens. Entre symbole et parcours, il devient une expérience spatiale et émotionnelle. Tant libre que soumis à l’importance de la portée de l’histoire, l’architecte est constructeur de l’avenir, mais aussi un conservateur du passé et un gardien de la mémoire collective. 4

BEAUDOUIN Laurent «Pour une architecture lente» Edition Quinette 2007


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Cité de la Muette Drancy circulations verticales

« Il n’y a que deux grands conquérants de l’oubli des hommes, la Poésie et l’Architecture. Cette dernière implique en quelque sorte la première et elle est dans sa réalité plus puissante »1 RUSKIN John, «Les Sept Lampes de l’architecture» de G. Elwall, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1980, p. 187


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Mon rapport avec l’espace public comme support de pratique s’affine avec la question du migrant. Dans le projet de master, notre encadrant Kent Fitzsimmons, nous interroge sur le parcours, les besoins de cet individu mais surtout sur la prise en compte de cet usager devenue inévitable. Voir notre espace quotidien comme un espace d’accueil pose de vraie question sur le territoire et l’architecture. Nous avons alors produit des cellules de vie différentes et évolutives qui s’appuient sur la pratique de lieux communs à tous. 5 jours : l’urgence 5 mois : l’attente 5 ans : l’enracinement. Si l’espace-temps du migrant est instable celui de la ville est pérenne. Le migrant ne peut-il pas trouver une stabilité en se raccrochant à cette pérennité ? l’utilisation de prétextes de programmes universels, pour y lier des usages spécifiques au migrant. L’habitat est combiné aux services, spatialement relié. La dualité des usages doit être assumée. Ainsi, un espace « aquatique » avec un hammam, peut devenir lieu d’accueil de douche, une activité de loisir qui se combine avec un besoin primaire. De ce projet, j’ai gardé la nécessité de la mutualisation de l’habitat avec l’équipement. Je ne conçois pas que la production combinée soit simplement faite de locaux libres en RDC pour de futurs commerces mais qu’elle tende vers une réponse où le quartier se retrouve à l’échelle du village. L’équipement public a un programme clairement établi mais a cette capacité d’être un lieu ouvert à tous. Tel un espace urbain aux croisements des pratiques sociales, l’équipement est lui clos/couvert et régi par les lois de son usage. J’ai toujours été attirée par cette architecture. L’imaginer cohabiter avec la ville, voir comment elle transforme le paysage, influe sur la dynamique des lieux, comprendre la politique qu’elle supporte. Si le logement est essentiel et indiscutable, la prise en charge d’une architecture collective reste un acte tout autant démocratique. C’est le forum, le lieu des rassemblements, de la transmission et de l’éducation... Il n’y a que des cités dortoirs sans équipement. Si nous devions mettre en lien la pyramide de Maslow avec l’espace pratiqué, je dirais que la base de la pyramide est représentée par le logement et le secteur du tertiaire, mais que l’évolution des autres stades : Besoin d’appartenance, besoin d’estime, besoin de s’accomplir, se fait par la culture et les lieux de rassemblements. Un équipement apporte une qualité de vie à son quartier et fabrique du lien social. C’est aussi les raisons qui font que je vois la commande publique comme la sublimation de valeurs collectives et culturelles. « L’architecture, c’est le permanent »5 Enfin, mon parcours m’amène pour mon projet de fin d’études à intégrer, ces réflexions qui fondent déjà une démarche professionnelle. Je découvre une souffrance à Drancy mais surtout un potentiel inassouvi. La constance de la pierre 5

SNOZZI Luigi « le maire et l’architecte » conf 308 bordeaux le 27/10/2017


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Projet de fin d’Êtude Proposition de logement en cohabitation


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nous offre aujourd’hui un témoin d’une architecture utopique et humaniste en une dérive tragique. Lors de la Biennale d’architecture de 2014 à Venise, la maquette de la cité de la Muette est présentée sous le titre « Le grand ensemble d’habitation: Hétérotopie salvatrice ou lieu de réclusion ?». Aujourd’hui la question persiste, Drancy, ancien camp de concentration ou cité d’habitation ? La réponse est claire: les deux et à la fois ni l’une ni l’autre. Classée, habitée, commémorée, dans une forte période de retour sur la mémoire, la légitimité des habitants dans ses murs fait débat. Pourtant tout l’intérêt de la Muette est de réunir dans un même lieu et à tel degré de reconnaissance trois des valeurs traditionnelles du patrimoine: L’usage, l’histoire et la mémoire. Contraints de vivre dans un musée, soumis aux normes des constructions des années 30, les habitants perçoivent ce quartier pourtant comme un tremplin et un refuge. La cité HLM aux loyers les plus modérés de son département, abrite ancien sdf, primo-arrivants, ou personnes en réinsertion. Ainsi c’est une étape courte dans leur parcours résidentiel, un instant de reconstruction de soi et de son rapport à l’autre. Pour moi, la mémoire du lieu faisait patrimoine autant que le vivant et ont pris place dans l’enveloppe de béton du bâtiment. Je devais donc respecter autant l’idée humaniste du projet que la dérive du génocide qu’elle a abrité. «la permanence n’est pas ce qui nie la transformation, mais ce qui l’informe».6 J’ai alors conçu des façons différentes d’habiter, déclinant sous plusieurs degrés l’intime et le nécessaire combinés avec la rencontre et le possible. Un habitat qui s’appuie sur l’évolution de chaque individu. L’enveloppe de la Muette se poursuit dans sa dualité car le projet accueille aussi un lieu de mémoire. Il n’y a pas de négation de l’histoire dans le quotidien de la vie et je pense qu’au contraire s’éloigner de la réalité par peur de choquer crée plus un malaise qu’un simple fait. Ainsi la mémoire se vit, se frôle, se traverse, et s’insère dans l’existant laissant parler les murs, transformant la façade tout en respectant sa structure. Les séquences traitent du souvenir et du deuil mais aussi du long chemin vers l’acceptation afin d’orienter le regard du visiteur vers l’avenir. Je rêve d’un quartier uni autour du vivant et du souvenir, en paix avec la dualité de son histoire passée. Aujourd’hui ma réalité est tout autre. Je découvre la frontière entre la théorie de l’école qui nous permet de tout remettre en question et le monde de la commande et de son économie qui bouscule parfois le sens. Je confirme en revanche l’influence du projet politique et de ses enjeux sur l’architecture : prescrit par un pouvoir public en place et en réponse à une question sociétale.

6 «L’attitude des Chinois à l’égard de leur passé», in L’humeur, l’honneur, l’horreur. Paris, Laff ont, 1991, p. 35.



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2| Politique de la pratique Analyser la structure où nous sommes et nous mettre à la place de notre patron, font partie des objectifs de la HMONP. Nous devons comprendre les réalités économiques de notre profession qui s’exprime à plusieurs stades : la gestion d’une entreprise, les réalités de la prospection, ainsi que le coût d’un projet et le pourcentage du service. Ces derniers régissent beaucoup de comportement et de responsabilités au sein des acteurs. En tant que maître d’œuvre nous ne travaillons pas seulement pour notre maître d’ouvrage mais bien pour la société. Cela détermine notre éthique et notre politique de fonctionnement. Travailler chez RANDJA m’amène à comprendre chaque élément pour le situer dans un tout.


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Armelle Caron «les villes rangées» Paris

Mon chemin vers Paris ... «Il vient à l’homme qui chevauche longtemps au travers de terrains sauvages, le désir d’une ville.»1

CALVINO ITALO «les villes invisibles» p14 Edition Folio.


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/Politique de développement de l’agence Toujours optimiste face aux chances que la vie place sur notre route, je n’ai pas énoncé dans ma recherche d’emploi mon désir de réaliser ma mise en situation professionnelle me laissant en priorité la liberté du choix de la structure. Il était primordial pour moi d’obtenir de l’expérience mais dans de bonnes conditions. Mon passage à l’Atelier Provisoire, un an auparavant, a renforcé mes idéaux dans la méthode d’exercice de la profession d’architecte : patience, échange et écoute seraient mes maîtres mots. Nous avions ainsi décidé avec Farid Azib en commençant tout d’abords par un contrat de trois mois, de nous laisser du temps afin de nous découvrir et que je puisse m’adapter. C’est au terme de ce contrat et satisfait, qu’il m’a fait la proposition d’un CDD et l’opportunité de réaliser cette formation. La structure de Randja me paraissait en effet idéale. Composées, en septembre, de 11 personnes dont 9 architectes, l’agence, en plein développement, est une structure à taille humaine et permet de supporter des projets aux échelles variées. Pratiquement tous chefs de projet, nous devenons vite autonomes sur les dossiers et l’apprentissage par immersion directe est permanent. Une année d’autant plus enrichissante, que l’agence se trouvait avec 5 projets en phase chantier. Une agence que j’ai suivie « Comment as-tu connu Randja ?» Telle fut la première interrogation de Farid Azib, lors de notre première rencontre. Je dis première même si justement ce n’était pas la première fois que nous nous croisions. L’agence Randja a remportée en 2011, le concours du cinéma de l’Atalante de Bayonne, et c’est en troisième année à l’école d’architecture, lors de mon stage long à l’agence Doazan et Hirschberger (ADH) que j’ai participé à ce concours en tant qu’équipe concurrente. Farid Azib ne pouvait pas se souvenir sous nos casques de chantier mitraillant de photos, lors de la visite de site, que nous nous étions déjà vu. A l’issu du résultat, et impressionnée par leur réponse, j’ai continué de suivre la production de cette équipe, beaucoup plus restreinte à l’époque (4 architectes). Aujourd’hui, c’est tout naturellement que je me retrouve chef de chantier de ce projet depuis fin novembre. Si l’éléphant rose et le nom de Randja, nous transporte vers des contrées indiennes, ce n’est qu’un hasard. Farid Azib est d’origine Algérienne et sa famille est un élément moteur et fondateur de cette structure. Il crée, en 2007, une SARL, associés à ses frères de formations différentes, qui portera le nom de leur mère, en dernier hommage, et s’inspire des préférences de ses filles quant au choix du logo. Chez Farid Azib chaque décision est symbole, et l’investissement très personnel. Sa femme Annette Weisser, styliste de formation, a par ailleurs rejoint l’équipe depuis un an pour soutenir l’agence dans sa communication et l’élaboration des dossiers de candidatures. Depuis janvier 2017, soit dix ans après, Farid a décidé de


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racheter les parts de ses frères n’ayant qu’un rôle d’actionnaires, afin d’augmenter le capital de l’agence de 50 000 euros mais aussi d’avoir la capacité de proposer une association dans un futur proche à certains de ses collaborateurs. Monter une société à responsabilité limitée c’est permettre, d’avoir des investisseurs externes à la gestion de l’entreprise, mais surtout c’est pouvoir protéger ses biens. Si c’est la forme de société la plus utilisée en France c’est parce que sa création est simple, rapide et peu coûteuse. Au sein de l’agence, la gestion et la hiérarchie sont simples: Farid est l’actionnaire majoritaire et le patron. Chaque décision est donc prise par lui, étant en retour le seul responsable. En comparaison avec mes expériences précédentes au sein d’agence, la SARL chez ADH est constituée d’architectes, les décisions sont donc prises collégialement entre associés, et la répartition des résultats est libre, déterminant ensemble les dividendes possibles. En revanche, il peut y avoir une hiérarchie également au sein des associés puisque le pouvoir est proportionnel au capital détenu, ce qui bien évidemment diffère principalement avec le concept de SCOP rencontré à l’Atelier Provisoire. «1 associé = 1voix» les salariés sont associés majoritaires : une société coopérative et participative ou société coopérative ouvrière de production semble être la forme la plus démocratique que j’ai rencontrée. Ce sentiment de non hiérarchie au sein des

Façade de l’agence


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associés se reflètent aussi dans le reste du fonctionnement puisqu’ils ont le statut de salariés et que chaque voix compte autant qu’une autre. Lorsque nous devrons alors choisir un statut de société le jour où nous déciderons de pratiquer l’architecture en notre nom propre, la question ira au-delà de simples gestions des bénéfices mais plus vers une philosophie. Sous chaque abréviation de forme juridique SARL, EURL, SAS, ou par le choix de s’installer en libéral, cela révèle surtout une façon de penser la gestion d’entreprise, les relations avec les collaborateurs et l’investissement personnel et financier que nous allons y mettre. Une question donc importante qui détermine le début d’une nouvelle étape de vie. Boulevard Ménilmontant … Dans une agréable cour d’immeuble adossée littéralement au Père Lachaise, restent quelques anciens bâtiments d’atelier. Les lieux appartiennent à l’agence Castro-Denissof, grande agence parisienne connue et spécialisée dans l’urbanisme et le logement collectif. Randja y a investi par sous-location quelques mètres carrés, profitant des espaces communs : sanitaires, cuisine, et reprographie diminuant les coûts d’installation et de gestion.


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Au calme du cimetière, Farid Azib s’est installé en quelques jours avec un projet respectueux de l’existant, et entièrement démontable. Aucune saignée, absence de cloisons fixes, les réseaux passent sous un plancher posé et derrière le doublage bois des bureaux et des étagères. Si aucune cloison ne délimite les locaux de l’agence Castro- Denissof et la nôtre, c’est parce que cela s’effectue par la matérialité du sol et la gestion des flux. L’objectif étant de réaliser une perspective sur tout le lieu des anciens ateliers, permettant à la lumière de circuler et à la communication entre agence de se faire. Si l’espace ouvert améliore la communication, il perturbe aussi la concentration. Ne disposant pas d’un espace de réunion nous devons préparer nos collaborateurs à une éventuelle nuisance sonores. Cependant, cela peut enrichir chacun : pour les stagiaires, ils observent librement le déroulement de ses rencontres, pour les autres ce qui se dit est toujours un enseignement supplémentaire. Un seul matériau est utilisé, le bois de contreplaqué pour cette installation presque «éphémère». Installé depuis 3 ans, précédemment à Montreuil, Farid m’explique que c’est aussi bénéficier d’un réseau et d’une forme de parrainage que d’avoir cette grande proximité avec une agence reconnue, pérenne, et de presque de 30 salariés. Aujourd’hui lié d’amitié avec l’équipe, ils leur arrivent de candidater ensemble, bénéficiant mutuellement de références complémentaires. Les risques d’une croissance trop rapide... À sa création en 2007, le chiffre d’affaires de l’agence était de 197 830€. En 2014, il s’élève à 500 000 € et aujourd’hui, 10 après à 750 000 €. L’atelier Randja est en plein développement. S’il est évident que la charge de travail est importante et que l’équipe doit alors s’agrandir en conséquence, c’est une tâche ardue que d’anticiper les changements et savoir réagir pour s’adapter rapidement. Actuellement, il me semble évident, par le rythme soutenu du calendrier de chacun et les responsabilités attribuées, que l’effectif de l’agence et sa composition n’est pas en réelle adéquation avec la charge de travail. En un an RANDJA, à réaliser une dizaine de concours, environ huit affaires en cours et 5 chantiers. Chaque chef de projet traite ainsi deux affaires en permanence et fait place aux concours et faisabilités annexes. De plus mis à part, Bruno Murawec, seul salarié expérimenté avec 25 ans d’exercice du métier, l’agence est composée de jeunes architectes en pleine formation. Ce qui est un cadre idéal à une bonne intégration et dynamique d’équipe, mais se retrouve aussi être notre talon d’Achille. Très sollicité, Bruno a du mal à assurer son rôle de chef d’agence et de mener à bien ses chantiers. Pédagogue et désireux de transmettre, il sera durant ma mise en situation professionnelle un réel pilier dans ma pratique du chantier. La «multi-culturalité» de la composition de l’équipe se reflète dans la diversité des réponses architecturales. Le gérant considère ce choix comme une richesse. Le fait d’avoir des origines, des formations, des expériences et des cultures différentes nourrit la volonté d’échange, de partage culturel et social. Mis à part la double


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nationalité de Farid, il y a parmi les employés, trois italiens, une tunisienne, une allemande et un coréen en free-lance présent sur certains concours. Bruno est conscient de la nécessité de mettre à profit son savoir et de former ses collaborateurs pour le bon développement de l’agence. Cependant dans un contexte économique instable où les contrats à durée indéterminée se font rares notre génération s’adapte en faisant le choix de parcourir de nombreuses agences et de se créer un apprentissage diversifié. Une agence en développement comme Randja apporte beaucoup, mais demande aussi beaucoup : de temps, d’énergie, d’investissement, qui entraîne alors certains après un an à chercher une formule plus légère. Nous subissons donc un « turn-over » fréquent de jeunes architectes. L’investissement de la formation est alors vain. Comment maintenir la continuité des projets lorsque l’équipe est en permanente restructuration ? Comment assurer la pérennité d’un fonctionnement d’agence, lorsque les acteurs sont inexpérimentés et doivent être sans cesse formés ? Quels sont les outils qu’une agence puisse mettre en place pour garantir la transmission des projets ? Après avoir subi très fortement le phénomène de roulement sur les postes de création et administratifs cette année, Farid Azib cherche à fidéliser l’équipe en proposant des CDI, en cherchant des associés volontaires au sein de l’équipe et en souhaitant améliorer la méthodologie de l’agence. Nous proposer de réaliser la formation HMONP est aussi un atout. Pour garantir le développement de l’entreprise :il est important que les base de la gestion d’agence soit installée : être encore plus efficaces, organisés et compétents devient donc nécessaire. Au sein de Randja, nous fonctionnons par pôles. Lorsque je suis arrivée, nous pouvions en définir trois : un pôle administratif avec la gestion des candidatures, de la comptabilité de l’agence et des facturations des projets, un pôle créations avec les chefs de projet et les stagiaires et enfin un pôle direction avec Farid Azib et Bruno Murawiec nommé chef d’agence. Un système qui n’a pas tenu, remettant en cause les problèmes de transmissions d’expériences et de suivi des projets au sein de l’équipe, ainsi que la définition des rôles entre Farid Azib et Bruno Murawiec. Très peu d’outils sont mis en place pour assurer le dialogue et la transmission n’ayant tous que peu de temps pour les créer et les exploiter. Dans ce cadre-là, l’autonomie est une qualité primordiale. Entre jeunes architectes, nous nous soutenons dans cet apprentissage intensif et solitaire. Vu comme une chance de pouvoir être indépendant sur un dossier ou encore d’avoir l’entière confiance de notre directeur d’agence, nous sommes tout de même conscients que le manque de contrôle ou de directive puisse engendrer de grande problématique et qu’il sera pourtant seul responsable face à la maîtrise d’ouvrage.


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Bruno

Dhouha

Yvanie

Léa


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Aujourd’hui, en pleine restructuration d’agence, trois nouveaux pôles ont été annoncés : un pôle gestion d’agence comprenant autant la communication, que la gestion interne, un pôle chantier afin que les chefs de projets partagent leurs connaissances sur les problématiques, et un pôle étude pour les phases précédentes et concours. Farid Azib a choisi d’embaucher une personne extérieure, spécialiser dans la communication et le travail en entreprise pour réorganiser l’agence mais aussi continuer de la prospection des projets. Le bilan est le même : L’embauche de personnel confirmé, que ce soit dans le domaine de l’architecture, mais aussi de l’administration, se révèle nécessaire. Des erreurs par le passé se sont produites par manque d’expérience mettant l’agence en grande difficulté : chantier non réceptionné, études à refaire, erreur de CCTP, retards dans les facturations... De plus, nous sous-évaluons trop souvent les tâches administratives d’une telle structure et donc des besoins humains sur ce point. Cette nouvelle mesure de pôles étant trop récente, je ne suis pas capable de réaliser un retour critique sur son efficience. En arrivant, chez Randja j’étais donc curieuse de découvrir le fonctionnement d’une entreprise dirigée par un seule architecte. Je souhaitais évoluer dans une structure à l’échelle adaptée au dialogue, plus proche de l’artisanat de l’architecte libéral que de l’industrie d’une grande agence hiérarchisée et automatisée. Je remarque qu’il est complexe d’endosser toutes les responsabilités d’actions entièrement gérées par une équipe. Que lorsque le temps du contrôle n’est pas possible, le choix du collaborateur est l’essence même du rapport de confiance. Par ailleurs, la proximité permet bien évidemment le dialogue, cependant c’est un travail de tous les jours que de prendre le temps de la transmission d’informations.


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Stratégie de prospection différente selon le marché. Il est utopique de croire que s’inscrire à l’Ordre des architectes et écrire en gros titre notre nom sur la façade suffira à faire entrer les maîtrises d’ouvrage les mains pleines de projet. La prospection est tout un art, qui fait appel à la communication et ses divers outils, les réseaux et la rencontre. Si l’agence Randja a eu la possibilité de se développer rapidement ses dernières années, c’est parce que le travail de Farid Azib dans ce domaine est sans relâche. Rendez-vous programmés dans les communes et chez les constructeurs privés, soirées et salons organisés par les grandes entreprises de construction, conférences au pavillon de l’Arsenal et soirée d’inauguration, autant d’événements qui ponctuent le calendrier du directeur d’agence. Lors la formation HMONP, nous apprenons que 40 % de notre temps est pris par la partie administrative du métier (comptabilité, prévisionnel, …) ne laissant que 60% à la création, il semble que nous omettons le temps nécessaire de la prospection. A première vue, la prospection est une facette agréable du métier, mais il n’est pas toujours évident, même un verre de champagne à la main, de devoir se vendre… Très critiqué, ce comportement commercial me paraît être une facette de notre métier de plus en plus essentiel avec les difficultés économiques rencontrées. Les architectes voudraient être reconnus par leur talent, mais il faut pourtant bien que les communes reconnaissent les noms sur les dossiers de candidature. Ce phénomène est d’autant plus vrai sur Paris où les agences sont concentrées et la concurrence importante. D’après le Conseil National de l’Ordre des Architectes, en 2015, 32.6% des architectes se trouvent concentrés en îles de France, étant par ailleurs le plus grand pourcentage par région. Sans oublier les grands noms, de plus en plus choisis par les collectivités et les entreprises pour leur capacité de rayonnement,fermant toutes chances aux petites et moyennes structures d’atteindre certains marchés. Cette démarche fait échos aux inquiétudes d’Eric Wirth, président du conseil régional de l’ordre des architectes d’Aquitaine, qui reconnaît maintenant le poids des architectes stars comme Herzog et De Meuron ou OMA venus construire à Bordeaux. «La concurrence ne me fait pas peur, la préférence oui par contre.» La concentration des grands noms sur Paris ne laisse que très peu de place aux nouvelles agences en manque de référence, et pousse les agences comme Randja à candidater pour des projets très excentrés ou en province. L’agence réalise un cinéma à Bayonne, un technopole à Saint-Lô et continue des concours à Pau. Un sentiment d’envahissement des agences parisiennes ressenti par les locaux, un instinct de survie pour les autres.


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-Marché public Quels sont les enjeux d’une agence dépendante du marché public ? Aujourd’hui, le secteur du bâtiment reprend. Nous pouvons le lire partout dans les publications spécialisées comme le moniteur, 2017 sera une belle année. La crise économique en 2008 a en effet mis à mal le secteur de la construction changeant complètement la tendance avec un marché privé en hausse, et une modification dans la commande publique avec une baisse des constructions neuves relançant la rénovation. Le marché public qui intègre le secteur HLM, les collectivités territoriales, les commandes de l’État et des grandes entreprises publiques, est un secteur soumis à la situation économique du pays, et aux enjeux relatifs à la vie publique et politique comme la problématique du cycle électoral et du cycle de l’investissement. Les problématiques économiques du pays influent fortement sur notre profession, je le remarque aussi à une tout autre échelle car au sein de l’agence de nombreux européens diplômés postulent venant de pays plus en difficultés (ukraine, italie,…) très reconnaissants d’obtenir des stages en France. En moyenne sur la décennie 20007, la commande publique est notée à 27,9% du marché global français. Le marché public, beaucoup plus contrôlé, se base sur trois principes : liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures. Cette égalité des chances permet à tous de pouvoirs répondre à la candidature, quelque soit sa forme: les appels d’offres ouverts (AOO) et restreints (AOR). Il existe d’autres types de procédures que les acheteurs publics peuvent lancer lorsque certaines conditions sont réunies : la procédure négociée (en cas d’urgence par exemple ou d’appel d’offres infructueux), le dialogue compétitif (en cas de marché complexe par exemple sur le plan technique), la conception-réalisation, le concours,...Si chacun a le droit de candidater, les chances sont en réalité inégales. La sélection se fait sur les références fermant ainsi la porte aux petites et nouvelles structures. Les agences cherchent donc à se spécialiser et s’associer pour avoir une complémentarité des compétences. Elles participent à des concours libres en Belgique ou par le biais de nouveaux programmes comme les AJAP (le prix des Albums des jeunes architectes et paysagistes) ou encore développent des stratégies de communication fortes en cherchant à remporter des prix spécialisés. Les productions de l’agence par la récurrence des appels d’offres et nos références tendent à spécialiser Randja dans l’équipement culturel de la scène. Cinémas, salles polyvalentes de commune, et théâtres deviennent notre carte de visite. Des agences nous consultent maintenant pour cette spécialisation afin d’obtenir de plus gros marchés ou de changer de secteur. J’ai alors la chance de 7 http://www.constructif.fr/bibliotheque/2011-6/grands-chiffres-et-figures.html?item_id=3095


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travailler sur la commande d’équipements publics et privés, et des projets à échelles variées, et surtout de travailler sur des programmes de prédilection. Si l’activité aujourd’hui est incontestablement en hausse, la concurrence reste rude. Que devons-nous développer pour se démarquer ? Comment accéder à la commande du logement, lorsque nos références sont essentiellement de l’équipement ? Où se trouve la rentabilité entre équipement et logement ? -Marché privé Chez Randja, book en ligne, facebook et Linkedin sont des outils de communication employés pour véhiculer les actualités. Farid Azib, cherche sur les réseaux, comme de nombreuses agences, à représenter l’image d’une équipe dynamique, et très active. Je constate que dans le réseau parisien, cette méthode de publicité virtuelle, reste très efficace. L’agence a réalisé la rénovation des locaux de Grand Paris Aménagement, client très important sur le marché du logement public, puis a été retenue pour le concours du Pavillon de la maison de la Tunisie du centre universitaire de Paris. Au côté de grande agence comme TVK, ce concours nous a permis de signer des contrats de logement avec Bouygues, Nexity ou encore Ogic. Si le plaisir et le prestige de l’équipement reste privilégié chez Randja, nous ne négligeons plus la rentabilité de l’automatisme du logement. Afin d’accéder aux marchés publics du collectif, où l’expérimentation et les projets semblent plus proches des valeurs humanistes de notre profession, les références sont là encore nécessaires. Par le biais du marché privé, Farid espère les obtenir. Les projets privés de logements aident l’agence à enrichir son expérience, mais aussi à se maintenir financièrement. Emmener jusqu’au permis avec un carnet de détail dit «de prescriptions architecturales», les projets ne sont suivis en chantier que sur une mission de conformité et la phase du PRO n’est pas réalisée par l’agence. La rentabilité est donc totale. Mais le plaisir de l’expérimentation ? La qualité spatiale face aux contraintes économiques ? Tenir l’exigence face à la pression d’une maîtrise d’ouvrage experte et qui n’a que l’embarras du choix parmi les architectes ? La production architecturale de l’agence est pour le moment de 85% du marché public, mais avec l’acceptation de nouveaux contrats cela risque de changer. Un projet avec la compagnie de Phalsbourg est en cours et j’aurais peut-être la chance de découvrir les rapports avec une maîtrise d’ouvrage qui se dit ouverte sur la qualité de vie. Pour assurer la pérennité d’une agence, il est nécessaire de répondre à des appels d’offres, choisissant les candidatures en relation avec les références que l’agence possède déjà et de travailler à l’accession de nouveaux marchés. La dépendance n’est pas conseiller lorsque nous devons assurer son développement


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et les salaires de sept architectes. La stratégie de prospection que doit adopter une agence pour développer son activité est un travail parallèle à son fonctionnement. Être architecte directeur d’agence c’est avoir d’autre compétences que celui de l’artiste, ou du mandataire d’équipe, c’est aussi savoir tenir un prévisionnel, faire les bons choix d’embauches, et pouvoir avoir confiance en son équipe. Il n’est pas nécessaire d’être par ailleurs pédagogue, ou encore être un parfait commercial pour vendre une prestation de service aussi difficile que la créativité, mais il est nécessaire de savoir s’entourer des personnes capables de le faire. Dans les agences que j’ai parcourus j’ai remarqué les profils de ceux plus à même que d’autres de dialoguer avec les maîtrises d’ouvrages, les entreprises, ou de se vendre ensuite auprès des collectivités. L’important est de se connaître, points forts et limites, afin de savoir déléguer quand il est nécessaire. La sélection des concours se fait aussi sur leur rentabilité, que ce soit sur l’indemnisation ou le montant du projet. S’engager sur un concours, c’est autant prendre le risque de le perdre que de le gagner. La localisation, la complexité du lieu et du programme, le budget et le planning proposé doit être réaliste avec les moyens de l’agence sans que ce soit une mission impossible ou un fardeau.

Charte graphique de l’agence | Book | Dossier de candidature


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/Déontologie et éthique, l’héritage Depuis Octobre, en effet, je suis en charge d’un chantier d’une salle polyvalente dans la banlieue sud parisienne à IGNY, qui se trouve être un des premiers projets de l’agence mais toujours inachevé. Ce janvier 2017, le chantier a fêté ses deux ans de retards de réception. A juste titre, la relation avec la maîtrise d’ouvrage est plutôt tendue, et les entreprises, lassées, se désengagent complètement. Mauvaises gestions du chantier, oublis d’ouvrages dans le descriptifs, dépôts de bilans d’entreprises, relance de marché, succession d’OPC, compte prorata impayé, sinistres… La jeunesse de l’agence et l’inexpérience du chef de projet n’a pas permis de faire face aux aléas et malchances de ce délicat dossier. Les travaux supplémentaires et appels à la TRC (l’assurance «Tous Risques Chantiers») s’enchaînent alors que nous avançons doucement vers la réception d’un bâtiment à la façade bois déjà grisée. La nouvelle municipalité semble subir un héritage…N’ayant pas choisi le projet, elle ne nie pas rejeter catégoriquement les choix de l’architecte jusqu’à remettre grandement en question l’utilité du bâtiment, pourtant choisi à l’unanimité par leurs prédécesseurs. Arriver sur un tel dossier n’est pas chose facile. Encore aujourd’hui, j’ai du mal par mon manque d’exercice à tenir l’exigence, et plus nous nous approchons de la réception et des situations de travaux à 100% plus cela sera difficile. L’accueil glacial de la maîtrise d’ouvrage m’a fait bien vite comprendre que mon travail serait tout d’abord de regagner leur confiance, reformer une cohésion du binôme maîtrise d’œuvre/maîtrise d’ouvrage. Déçue, inquiète et liée pourtant contractuellement, la municipalité place l’architecte en grand responsable de tous les maux de ce dossier mais ne peut s’en séparer... Nous sommes maître de l’œuvre et devons aussi en avoir toute la maîtrise. La gazette de la ville publie régulièrement sur «sa bête noir » et tient à notre égard des propos diffamatoires. S’il est vrai que le dépassement du coût du projet va au-delà de la limite autorisée, il est tout de même important de décomposer un pourcentage et les responsabilités. Plus rémunérés depuis 2 ans, ce chantier devient un gouffre pour l’agence, et il m’est donc demandé de prioriser mes actions pour rentabiliser ma semaine en traitant des dossiers plus lucratifs. Cependant, couper l’hémorragie c’est aussi le finir rapidement, et comme un enfant en difficulté, il demande plus d’attention. Chargée vis à vis de mon responsable de respecter ses demandes, je suis aussi engagée vis à vis de mon client et des intervenants que je rencontre chaque semaine à tenir mes engagements.


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Que dois-je faire pour être en accord avec mes principes moraux, sans pour autant perdre toute vie sociale dûe à une surcharge du travail ? Faut-il lâcher prise, aller vers le renoncement de la qualité pour être rentable ? Quelle est ma vision, et la partagé-je avec les autres acteurs ? Plus encore, comment regagner la confiance de mon maître d’ouvrage ? Pourquoi et comment l’avons-nous perdue ? Quel sont les enjeux dans ce combat pour chaque partie ?

-Architecture politique ? Car combat il y a bien : Ricciotti en fait le titre de son livre. D’autres également dans leur discours ne mettrons pas l’aspect méditatif de notre métier en avant. «La désobéissance de l’architecte», «Contre l’architecture», ou encore «Faut-il pendre les architectes ?» n’augurent pas un traité sur la contemplation et la matérialité. Mais contre quoi combattons nous ? Il y a en effet une mise en garde à entendre : ce ne sera pas facile. Après 5 années de charrettes, de doutes, et d’exigence du corps enseignant, je pensais être préparée. « L’architecture naît de besoin réel, mais elle les dépasse. »8 Si le projet construit fait le lien entre le monde des idées et celui du réel, il est aussi un connecteur entre les élus et les citoyens. Un programme de salle polyvalente exprime un lieu de convivialité, de réunion, de partage. Il peut changer la vie d’une commune mais aussi le résultat des élections municipales. Lorsque nous candidatons nous mettons en avant la compréhension de ce geste politique fort. Intégrer la culture dans la ville, redynamiser un quartier, accueillir des personnes en difficulté se matérialise de façon pérenne par la construction d’un bâtiment qui devra être le signe visible de cette volonté politique. L’architecture contribue à transformer la ville, tout en affichant son discours. Les architectes sont alors les acteurs de cette transformation. Ils ne doivent pas répondre uniquement à des questions d’ordre programmatique mais également à des questions d’ordre symbolique. « L’architecture est toujours le reflet d’une politique d’une ville. Elle doit exprimer une pensée intellectuelle, sinon nous, architectes, nous ne serions que des décorateurs. Faire une ville plus agréable pour que les gens vivent mieux, c’est notre but. Quand on est architecte, on est toujours optimiste, parce que nous faisons des bâtiments et un bâtiment, c’est toujours optimiste. Puisqu’il est fait pour un monde qui veut vivre.» 9

8 SNOZZI Luigi « le maire et l’architecte » conf 308 bordeaux le 27/10/2017 9 HERZOG Jacques « l’architecture est un reflet politique » article Le POINT publié le 17/06/2016


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Définit par ses termes grecs «polis» et «techné», la politique se caractérise comme une science du gouvernement de la cité. Science d’un idéal, science théorique, la politique comme l’économie sont des enjeux qui s’expriment partout et en permanence dans chaque action. Notre société s’est construite ainsi, son développement nécessite une gouvernance et une gestion. Jacques Herzog sousentend que l’architecture n’est pas un reflet à l’échelle d’un pays mais qu’elle répond à un microcosme plus restreint et plus proche des citoyens. Cependant, l’objectif est le même partout : le bien-être commun. Cela fait 40 ans cette année, que le terme d’intérêt public est inscrit dans notre profession par la loi du 3 janvier 1977. Le terme intérêt public désigne un ensemble de valeurs et d’objectifs qui sont partagés par l’ensemble des membres d’une société. « L’architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. » Alors gouvernants et concepteurs n’ont pas le contenu précis de leur mission mais l’objectif commun. Pour avoir évoluée dans une ville aussi dynamique et entreprenante que Bordeaux, je remarque clairement l’impact de la politique d’une ville sur son paysage. Agrandissement, densification, embellissement, l’objectif du maire a été de rendre Bordeaux attractive à nouveaux et le pari semble réussi. Annoncée depuis deux ans comme étant la ville idéale, la mutation s’est accélérée pour accueillir les nouveaux habitants. Dans le cycle de conférence d’Agora 2016, un retour sur ces grands projets a été fait et nous avons abordé la relation toute particulière entre maire et architecte. La commande publique se raréfie et ses conditions se complexifient. Le glissement récent de la perte de la mission complète inquiète les concepteurs dans la qualité du projet final. De nombreux débats sont apparus devant le rôle de chacun, mais l’accord se trouve dans le rapport de confiance qui doit les unir et l’objectif du bien public. Les débatteurs se sont accordés sur un point : si le développement d’une ville se veut harmonieux, il ne peut se passer des architectes. Politiques, architectes et urbanistes partagent une même responsabilité : la cohérence du paysage urbain et l’héritage des générations futures. « Mais, au fil des années, j’ai davantage pris conscience de la responsabilité sociale de mon travail. […] A travers l’architecture, que puis-je apporter à la société ? »10 Les architectes ont un rôle tout d’abords économique, traduit par l’utilisation des ressources disponibles et humaniste matérialisé par le choix de l’amélioration des conditions de vie, du lien social, et l’insertion de la culture et du rêve. L’intérêt commun, ne fait pas appel à un consensus sur la question de l’esthétique. Même 10 Tadao Ando: «L’architecture est aussi affaire de spiritualité «Propos recueillis par Lydia Bacrie, publié le 31/08/2014 à 19:21 article l’express


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si cela fait partie du code de déontologie de Vitruve (honnêteté, convenance et esthétique), l’approbation totale est impossible. L’architecture doit simplement être singulière. Son champ d’étude étant tourné vers l’homme et l’évolution de l’architecture qui l’abrite, il doit alors penser en concepteur, en politique et en usager, étant lui-même un citoyen. Attractivité et singularité sont recherchées par les visionnaires mais il ne faut pas que cela dérive. Que le geste architectural devienne signature et que l’architecture soit utilisée comme média de communication. Si l’architecte apporte cette plus-value, très recherchée avec les «starchitectes», le projet doit aller au-delà de sa forme et de sa façade. La plus-value médiatique apportée par l’implantation d’établissement culturel d’envergure dans une région peut engendrer des retombées économiques importantes mais ce n’est pourtant pas l’objectif premier, ni l’éthique de l’acte de bâtir. L’architecture d’exception à sa place dans le paysage architecturale mais elle n’est pas une finalité. Le couple architecte/maire doit partager la même vision,sans pour autant avoir les mêmes enjeux. Par le projet, l’architecte fonde son indépendance. Car si l’architecture est politique Michelle Onfray précise bien qu’elle est « non politicienne, car elle n’obéit pas aux projets à courte vue des échéanciers électoralistes.» C’est alors dire, que si elle assoit une politique, elle s’engage sur une vision, une transmission a bien plus long terme que le temps du mandat. Sa volonté, son désir et sa folie sont de finir le projet quoi qu’il en coûte. Un combat qui passe au-dessus de tout. Pour le politique, son engagement dans la commande permet d’installer sa légitimité en tant qu’élu et le projet devient celui de la possible réélection. Dans le cas d’étude rencontré au sein de l’agence Randja, je découvre les risques de la non réélection au lancement d’une commande et l’héritage non souhaité d’un mandat. L’architecte n’a pas choisi son maître d’ouvrage et inversement. La nouvelle municipalité n’a pas choisi son programme et se place dans l’opposition politique concernant de la gestion économique de la ville. Le projet n’est plus une priorité et rendre des comptes sur son avancement lors des conseils municipaux est une pénible tache pour eux. Je constate alors que l’’intelligence collective par la dynamique de co-production n’est plus en place... Il est difficile devant les entreprises de tenir un discours cohérent, et nous subissons d’autres part bien plus fortement la longueur du circuit administratif de la commande publique. Aujourd’hui, encore, c’est une réelle lutte que de devoir fédérer chacun dans la mission, que seul l’architecte porte à ce stade : l’aboutissement du projet.


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-Le débat de la matière« Lorsque nous tendons à ce but, nous devons constamment nous demander ce que peut signifier un matériau donné dans un contexte architectural donné. Des réponses justes à cette question peuvent laisser apparaître sous un jour nouveau aussi bien la manière dont ce matériau est utilisé habituellement que ses qualités sensuelles et sa capacité à produire du sens. Parvenus au but, nous pouvons donner résonance et rayonnement aux matériaux. »11 Au-delà de l’engagement de l’architecte envers son maître d’ouvrage, il y a surtout la grande responsabilité qu’il a au regard de la cité. Les commanditaires sont rarement les bénéficiaires. Son travail sur le territoire nous l’avons vu précédemment engage une réflexion plus grande que l’ambition politique de son client. Ce qui touche à notre éthique se ressent dans notre travail quotidien et notre réponse spatial. S’il n’est pas toujours évident, bien qu’essentiel, de partager la même vision que son maître d’ouvrage, il est possible d’œuvrer à convaincre ce dernier sur les qualités de notre réponse. Nous devons le transporter au-delà du programme dans une proposition ouverte à l’avenir. Mais avant cela, nous sommes confrontés en tant que salariés à un tout premier interlocuteur avec qui nous devons également partager les convictions. Avant de parler en son nom propre, c’est agir pour une philosophie déjà écrite, au sein d’une agence. Lorsque nous parlons d’architecture, nous parlons autant de responsabilité que de liberté, d’expérimentation que de patrimoine, de société que d’individu. En choisissant l’agence Randja, je souhaitais travailler dans une agence où la signature du propos ne se tient pas juste dans une forme ou dans un matériau mais bien dans un usage, une réflexion sur l’intégration dans un site, ou la métaphore poétique. « Cet art n’a rien à voir avec la recherche d’originalité ou de formes intéressantes. Il s’agit de discernement, de compréhension et surtout de vérité. » 12 Même si je me reconnais dans de nombreux processus de production et dans la ligne de création de Farid Azib, il est aussi possible de le remettre en question. Il est complexe d’ignorer les mises en garde des expositions MATIERE GRISE et TERRE DE PARIS du Pavillon de l’Arsenal. Pleine de solutions, l’objectif est de nous faire prendre conscience des dérives de nos modes de construction et l’impact sur notre environnement. Briques, pierres, poutres, huisseries, dallages, tuiles, ardoises, ferronneries, de l’Antiquité aux années 1940, dans le bâtiment, les matériaux ont toujours connu une deuxième, voire une troisième vie. Autant de possibilité d’assemblages que donc de désassemblages. Le béton a changé la donne. 11 12

ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» page 10 ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» page 19


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Depuis, nous ne déconstruisons plus, nous éclatons, nous broyons les immeubles sans savoir quoi faire de ces montagnes de gravats. Sans blâmer la génération de Tadao Ando et d’Oscar Niemeyer qui nous ont aussi montrer l’aspect démocratique de ce matériau, il est important d’en faire une réévaluation. Peu coûteux, accessible à tous et partout, il permet des mises en œuvre toujours plus innovante et performante. Comment se placer devant ce marché concurrentiel ? Ne pas céder à la beauté de la matière lorsque cela ne fait pas du sens. Le dumping se répercute autant sur les architectes, sur les entreprises et leur sous-traitant, que sur notre environnement. Comment travailler à l’innovation sans céder au lobbying du binôme Holcim-Lafargue ? Ne pas céder à la solution de facilité et pousser notre exigence dans la réflexion avec ces acteurs de poids. Capable d’entendre que la construction d’un cinéma entraîne des contraintes techniques importantes en termes d’acoustique et de normes incendies, je ne l’étais pas assez pour accepter de baisser les bras si vite. Pourtant les limites d’une collaboration sont ainsi faites : porter un projet qui parfois nous échappe. En phase concours pour la restructuration du Foirail de Pau, je dessine alors en projet béton mais dicte au perspectiviste une apparence similaire au pisé. Schizophrénie du dessin et des convictions... « Forme et construction, apparence et fonction ne peuvent plus être séparées. Ils vont ensemble et forment un tout.» 13 Dans le projet du cinéma de Bayonne, j’ai la chance de voir que le concept du bar en rez-de-chaussée s’appuie sur la récupération de toutes les huisseries du bâtiment démolies pour en faire la façade intérieure des rangements. Il en sera de même pour le bois des anciens planchers qui retrouveront vie par empilement pour former la borne d’accueil. Une visite des ateliers sera faite pour constater de l’avancement de l’entreprise locale. Économie de matière, réemploi, matériaux sur site, si cela ne guide pas tous mes principes en matière de construction, je suis sensible à l’âme des choses et leur histoire. En faisant alors ce retour critique, et en discutant avec Farid Azib, il y a une contrainte que je n’avais pas pris en compte : l’économie du temps et du risque dans l’expérimentation. Réaliser les relevés des fenêtres, démolir avec soins, concevoir avec des matériaux non standardisés, adapter la mise en œuvre demande un temps non négligeable dans la conception et la réalisation. De plus Farid Azib cherche aujourd’hui à mettre à profit nos expériences et connaissances techniques dans la mise en œuvre de matériaux. Afin de rentabiliser le temps passé sur certains projets, nous réappliquons les mêmes procédés. Dans l’agence, l’apologie du béton sous toutes ses formes apparaît. 13

ZUMTHOR Peter « Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 26


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Tout d’abord sur le projet Atalante de Bayonne et l’extension de la ferme du Buisson de Noisiel, Les Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances (BFUP) composent les façades blanches, parfaite reproduction des maquettes de l’atelier. Les BFUP sont des matériaux à structure micrométrique présentant un fort dosage en ciment et en adjuvants, des granulats de faible dimension et une porosité réduite. Sous-forme de panneaux, la technicité des accroches et du dessin du calepinage demande une précision presque millimétrique qui impose une vigilence extrême en phase synthèse. Enfin en Normandie, sur les projets du Technopole de Saint-Lô et celui de la médiathèque de Bricquebec, nous retrouvons le béton sous la forme du GBE. Procédé dernièrement breveté, il répond à une demande des architectes dans la réalisation d’un béton apparent intérieur et extérieur, rendu possible par le coulage sur place et l’intégration de l’isolant en son sein. Nos images de concours ne sont pas encore de l’architecture. « Elles ne le deviendront que lorsqu’elles auront été confrontées à la réalité de la construction, sur laquelle vous devez acquérir une maîtrise aussi grande que sur celle des images. Elles ne prendront existence que si vous avez su trouver les matériaux adéquats, que si vous savez en concevoir les techniques de mise en œuvre, que si vous êtes capables d’en évaluer et d’en garantir les coûts ».14 Comme nous devons rentabiliser nos références en termes de programme et de normes, il est évident que la rentabilité s’applique aussi aux techniques de mise en œuvre, simplifiant ainsi le dessin et les détails. La mutualisation de la connaissance et la mise à profit des compétences permet l’efficience du travail en entreprises. Il est intéressant par ailleurs de soutenir une innovation, de se lancer dans l’expérimentation. Cependant, aujourd’hui plus que jamais, les architectes ne peuvent se dérober à la responsabilité du monde qui advient, et donc à la nécessité d’anticiper l’après du projet. Je pense alors que la conception va au-delà de la date de réception et que ma responsabilité va bien au-delà de la décennale. Ce n’est qu’une contrainte supplémentaire avec laquelle nous devons travailler. Nous devons penser à la transmission d’une architecture que nous produisons aujourd’hui et qui sera le patrimoine de demain. Les contraintes sont nombreuses sur un projet d’architecture, mais elles ne doivent pas contredire notre éthique, ni compromettre notre déontologie. Tout est une question de balance, de choix et de frustration, en somme de compromis. Le travail de la matière fait partie de l’essence de notre profession, il faut chérir l’engament de la vérité constructive qui se fait rare dans une économie de plus en plus tendue. Échantillons, prototypes, humidité, porosité, texture, ombres et lumières, respecter ses propriétés et procéder ...

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LAJUS Pierre «Contruire le réel» D’A publié le 03/07/2012


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Lina Bo Bardi | Théâtre Oficina | Réunion de répétition

« Pour que les énergies convergent avec la vôtre, vous devez vous faire les organisateurs de cette chaine d’intervention qui conduit à l’œuvre architecturale.» Pierre Lajus


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/Kaléidoscope d’acteurs L’œuvre architecturale n’est pas le fait d’individus isolés et pourtant le public le perçoit ainsi autant dans l’œuvre saluée, que dans celle condamnée. En me confrontant à la réalité du chantier sur des projets d’équipement public, j’ai eu l’opportunité de rencontrer les divers intervenants de l’acte de bâtir. Si je ne voyais dans le terme mandataire, que la responsabilité ou le rôle de grand décideur, je découvre celui de connecteur. L’architecte est en réalité, un coordinateur de la circulation des savoirs. Dans l’histoire du métier, à l’ère du Moyen Age, l’architecte se trouve être d’abords un bâtisseur. Il est en quelque sorte un chef de chantier qui doit improviser car aucun dessin ne calibre le projet. Ce n’est qu’avec le Dômes de florence que Brunelleschi transforme son statut en auteur. Pour la première fois, un architecte dessine ce qu’il a l’intention de construire. Cette notion de la conception, ira audelà des réalités, l’architecte va rêver et le représenter. Une certaine dérive apparaît sous l’école des Beaux-arts puisque l’architecture ne devient que vue d’esprit. Il y a une perte des besoins, d’un contexte, tout est recherche esthétique. Vivement critiquée par la suite, cette architecture privilégie la beauté des proportions au détriment de l’usage et de l’usager que le Corbusier et le mouvement moderne cherche à retrouver. Aujourd’hui la conception se déroule dans un contexte plus complexe que jamais, en raison notamment du nombre croissant d’acteurs participant au projet. L’architecte s’intègre dans un réseau, où les autres abordent des disciplines connexes : paysage, urbanisme, ingénierie, scénographie, designer, graphiste ...Ses missions sont en permanence réécrites, il se trouve confronté à l’amplitude des outils convoqués, et à divers experts lui renvoyant le spectre de sa propre ignorance. Il devient un peu généraliste parmi des chirurgiens. Chacun responsable d’un organe, l’architecte est responsable du corps entier, de l’humain. Bâtisseur, auteur, penseur, puis coordinateur et demain ? Avec la perte du chantier que les architectes cèdent de plus en plus aux maîtrises d’ouvrages expertes, à des maîtres d’œuvres spécialisés et à des grandes entreprises de constructions, quel sera son rôle ? Et avec le désir de participation de nos générations où va -t-il prendre place ? Bien que cela nous rende plus humble, je reste intimement convaincu de la nécessité de l’architecte dans la société. Je suis par ailleurs optimiste car je crois aux capacités d’adaptabilité de notre profession. Immergée dans ce rouage et assurée que ce soit la clef, je décide de faire du dialogue le fondement de ma démarche professionnelle. Il faut y installer une méthodologie sensible afin d’obtenir une


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dynamique collective. Il est primordial selon moi qu’en tant que professionnel nous sachions nous adapter à note interlocuteur et que nous connaissions notre rôle dans cet échange de manière à pouvoir entretenir l’inertie. Le workshop ATK et les expositions par la suite que j’ai réalisé ont été de premières expériences en dehors de la conception en groupe au sein de l’école. Réussir à diviser le travail, à être efficaces tout en maintenant une bonne relation de collaboration avec différents acteurs., était essentiel pour mener à bien les projets. C’est un moment que j’ai toujours apprécié : la rencontre, l’énergie, l’organisation. J’ai découvert par la confiance de mon chef d’agence une grande liberté d’initiatives. Ceci implique d’avoir un engagement fort, une certaine diplomatie et d’anticiper en permanence. Je souhaite présenter dans ce qui suit, ma vision sur les rencontres de chaque intervenant. Tout au long, de cette mise en situation professionnelle, je me suis rendue compte des limites de prestations entre les entreprises, mais aussi les limites de responsabilité entre les concepteurs. J’ai compris aussi la nuance entre communication qui implique la transmission d’information et le dialogue qui lui attend une réponse. Pour que le projet soit la résultante d’une synergie, il faut employer différents langages. « L’étranger avait appris à parler la langue de l’empereur, ou l’empereur à entendre la langue de l’étranger. » 15

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CALVINO Italo «Les villes invisibles» p52 éditions folio.


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-Entre architectes Pour assurer le bon développement d’une entreprise d’architecture, il ne faut pas seulement être un bon architecte. Avoir un esprit créatif et comprendre les besoins de la société ne suffisent pas pour tenir son rôle de gérant. L’objectif d’une entreprise est bien d’être rentable, et dans le cas de notre métier cela passe par la vente d’un service de prestation intellectuelle. Le rapport au temps, bien que ce soit toujours difficile dans notre profession de le gérer et de le quantifier est la source même de la rentabilité. Nous sommes alors sur un calcul des honoraires par rapport à un montant et ce simple ratio dirige notre production. Si la loi MOP nous donne quelques pistes et que notre Acte d’engagement pose le planning, sans expérience il est difficile de savoir si nous serons capables de concevoir dans les délais et si ce sera rémunérateur. Après avoir vu plus tôt la gestion économique, par la prospection et la sélection de projets, j’aborde maintenant le management des créatifs. Étant seul dirigeant, Farid Azib doit, dans un modèle hiérarchique, optimiser la gestion interne en appliquant 3 concepts : communiquer, déléguer, anticiper. Communiquer : Si avoir un seul gérant permet de centraliser les informations, il est également l’unique interlocuteur à avoir entendu l’exactitude des demandes de la maîtrise d’ouvrage. Comme souvent dans la gestion d’informations, il y a omission, ce qui peut ralentir considérablement un projet. Ce n’est pas un manque de rigueur, mais une surcharge d’informations qui a du mal à être diffusée. Par manque de communication ou de gestion de l’information, le travail doit être réitéré pour introduire la ou les données manquantes. Chaque chef de projet voit sa production perturbée. Chez Randja cette problématique est récurrente. A l’Atelier Provisoire où l’organisation horizontale et le dialogue permanent faisaient partie des piliers de la structure, j’ai reçu un enseignement essentiel : Prendre du temps pour en gagner plus tard. Les principaux outils de communication sont la réunion d’agence et le planning partagés. Pas encore assez efficients, que pourrions-nous faire pour instaurer de la communication interne ? Accompagner Farid à chaque réunion ? Produire un carnet par dossier qui se transmet entre Farid et le chef de projet ? Nous avons mis en place des fichiers excel partagés permettant d’y inscrire l’avancement et les problématiques en cours. Déléguer : Concept complexe lorsque nous sommes architecte et seul responsable, il implique une grande confiance en ses collaborateurs. Au sein de Randja, mis à part dans la conception d’esquisse, Farid délègue facilement, pour ne pas dire un peu trop, car la question est à qui déléguons-nous ? L’équipe est composée de main d’œuvre jeunes ou étrangers, certes peu onéreuse et peu soucieuse de conditions de travail intenses, mais inexpérimentée ! Comment pouvons-nous déléguer sans former ? Il y alors un conflit des responsabilités, et de la prise de risque. Sur


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des projets d’équipement à plus de 3 millions d’euros, des détails techniques et des décisions de chantier, la confiance dans l’ignorance n’est pas un atout. Nous pouvons croire aux potentiels de chacun mais ne devons pas sous-estimer l’impact des erreurs. Le transfert de responsabilités ne s’applique peut-être pas légalement, mais ce n’est pas sans risque émotionnel pour un jeune salarié impliqué. Faire aussi le choix du salariat pour certain permet d’avoir des responsabilités à son échelle d’intervention et en rapport avec ses propres engagements et sa déontologie. Déléguer se fait donc avec mesure. Tout est limite de prestation à hauteur de ses compétences. Anticiper: Lorsque nous signons un contrat, le planning des rendus de chaque phase s’ajoute à celui de l’agence. Anticiper le travail s’appelle concevoir un prévisionnel. Toujours en mouvance, il permet de connaître les besoins humains de l’agence dans les prochains mois, de décider alors si nous pouvons accueillir de nouveaux projets ou si nous devons embaucher ou licencier. Toujours en tête, le gérant a une vision sur l’année. Paradoxalement le stress est constant, En période creuse, les échéances se tiennent sans problème mais l’argent ne rentre plus, et lorsque la charrette s’annonce l’effervescence de l’équipe rend chacun plus confiant en l’avenir. Dans un système d’arborescence du prévisionnel chacun par projet ou par personne détermine son plan de charge. Vouloir une autonomie sans expérience et sans transmission est illusoire. Devons-nous alors penser que Farid est simplement face à un non choix : prendre des personnes avec plus de pratique mais trop onéreuses pour l’agence ou ne pas prendre le temps de la formation mais moins déléguer ? Tenir ce rôle implique de connaître le management d’équipe dans tout son aspect relationnel et d’évaluation des compétences de chacun et d’instaurer une confiance mutuelle. Il est bien difficile de garder l’esprit libre pour la créativité...


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-Entre co-concepteurs La création architecturale n’est pas assignable à quelques individus mais elle est un processus collectif et itératif de mise en relation et d’intégration de point de vue. Pourtant par certains articles de la loi MOP (bas de page article 7) qui annoncent la maîtrise d’œuvre comme un groupement d’acteurs, la responsabilité est unique et englobe de nombreux enjeux du projet. Les craintes sur le nouveau logiciel BIM (Building Information Modeling) sont claires : la transdisciplinarité rend la question des limites de conception et de responsabilité floues. Tout l’enjeu est de savoir ne pas dépasser le champ de sa spécialité. Les bureaux d’études situent leur projet comme technique traitant d’aspect quantitatif, de calcul et de norme, intéressés par la question de l’usage et du confort. Au cours des chantiers, je remarque que l’architecte puisqu’il est mandataire, endosse des responsabilités qui sont pourtant hors de sa maîtrise. Nous devons donc être sans cesse vigilants et exigeants. Le rapport de confiance se fait sous contrôle. Pourtant, j’aime croire à une collaboration, où l’architecte resterait dans le domaine du doute, du questionnement lorsque l’ingénieur lui apporterait une certitude. Sur chaque visa, je ne m’engage que sur l’aspect esthétique et la conformité du rendu, mais pour bien comprendre ce que je lis, je dois avoir des rudiments dans chaque domaine afin de parler le même langage. Chaque décision technique a une influence esthétique et inversement, la collaboration est nécessaire. Sur mon chantier à Bayonne, la complexité du projet oblige le dialogue aussi entre les bureaux d’études de la MOE et ceux des entreprises. En phase d’exécution, ils doivent réinterpréter des plans du marché pour les adapter à leur savoir-faire, tout en restant dans les règles de l’art. Le dialogue, parfois complexe, demande à chacun de comprendre l’autre, ce qui est bien difficile lorsqu’on sait que les formations données aux architectes et aux ingénieurs sont très différentes. Les divergences de point de vue et la hiérarchie sous entendue, n’apaisent pas les conflits. Chacun revendique sa singularité et ne supporte pas l’empiétement sur sa mission : l’architecte a la démarche créative, les bureaux d’études l’expertise de la réalité constructive. Les désaccords se retrouvent aussi beaucoup dans le sujet épineux des honoraires et le fonctionnement du travail de l’architecte par charrette. L’objet n’est pas de s’opposer au sein même de l’équipe de maîtrise d’œuvre mais plutôt de se battre ensemble pour sensibiliser les maîtres d’ouvrages sur cette question de la rémunération et de l’économie générale du projet. Quant au culte de la charrette, l’architecte doit comprendre que les éléments techniques ne peuvent se réaliser dans la précipitation. Bien loin de penser que tous les rapports sont ainsi, la généralité me pousse à croire qu’il faudrait revoir les rapports en amont : ou de la formation de chacun ou dans la construction du


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projet par analyse précise du programme et des matériaux réalisés par les bureaux d’études. L’enrichissement de ma formation, chez Randja, a été de travailler sur des équipements publics de la scène. Ainsi à l’économiste et aux bureaux d’études fluides et structures s’ajoutent l’acousticien et le scénographe. La rencontre avec ce dernier fût d’ailleurs sur deux concours et il était intéressant de voir comment son expertise a permis de pousser l’ambition du projet plus loin.

-Entre bâtisseurs« Du commanditaire à l’ouvrier qui accomplit, plusieurs dizaines de « médiateur » participent au processus de construction : le message a le temps de s’altérer.» 16 Il existe deux modes de fonctionnement sur l’attribution des marchés de travaux : l’entreprise générale et la découpe en lots séparés avec une nuance sur l’allotissement en macro-lot. Dans le premier cas, l’organisation du chantier est automatiquement simplifiée, un seul interlocuteur pour plus d’efficacité et de centralisation des informations. Les entreprises du chantier ont de plus grande capacité à gérer les impondérables et imprévus, sans remettre en cause la marge ou le planning. En revanche, la voix de l’architecte est difficilement entendue. Par ailleurs, la cascade de sous-traitants dans ce modèle est plus importante et dilue les responsabilités et le dialogue. Cherchant à maîtriser ce circuit qui nous échappe, les pouvoirs publics proposent de nouvelles règles comme les cartes d’identification ou «la close Molière ». Dans le second modèle plus courant, l’allotissement fait intervenir une douzaine d’entreprises en moyennes, où les missions d’OPC et de synthèse prennent toute leur importance. J’exprimais plus tôt le regret, d’un dialogue plus punitif que créatif. Même s’il semble, d’après mes confrères, que ce comportement soit général, je dois le replacer dans le contexte du chantier chaotique d’IGNY. En appréhendant quelques peu mon arrivée dans un milieu masculin et sans expérience, je me rends compte que le challenge est de taille face un réseau d’acteurs hostiles. Mon utopie de départ a été de vouloir remotiver les entreprises à participer à la construction de ce chantier qui dérive en contentieux. Si mes rapports sociaux sont aujourd’hui justes et agréables, je n’obtiens rien sans menace, relance, et longue négociation. Suivre un chantier ne fait pas seulement appel à des compétences techniques ou d’organisation, la 16 CATSAROS Christophe «le lieu unique : le chantier, un acte culturel» édition acte Sud 2006 p 95


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personnalité de l’architecte doit être aussi compatible. Il faut savoir faire preuve d’autorité et de bienveillance pour se faire respecter. Pour rester des organisateurs de cette chaîne d’interventions qui conduit à l’œuvre architecturale nous avons besoin de nous faire des alliés parmi les entreprises. « De tous les dessins d’architectes, ce sont les dessins d’atelier que je préfère. Ils sont détaillés et objectifs. Ils s’adressent aux spécialistes qui donnent une forme matérielle à l’objet imaginé et sont libres de toute mise en scène associative de la représentation. Ils sont marqués par la certitude et l’assurance. Ils semblent nous dire : » Ce sera exactement ainsi.»17 Les entreprises tentent de rentabiliser leur intervention en proposant des solutions économiques souvent plus bénéfiques pour elles que pour le projet. Après avoir passé un temps de dessins précis en amont du chantier pour obtenir un travail esthétique et réalisable, il faut à nouveau se battre via des aller-retours de plans à viser. Quand les mots veulent en dire d’autre, quand les lieux se perdent ou quand les matériaux se superposent, le dessin règle la question que la langue n’arrivait pas à énoncer. Car dans le chronotope du chantier, nous y retrouvons la langue de l’architecte, la langue du BET, la langue de l’entreprise, autant de dialecte que le dessin traduit. La conception et la construction d’un espace dessiné et calibré est notre point commun. Nous le comprenons et le parcourons en le dessinant et redessinant, de l’esquisse aux plans d’exécution. Peut-être alors que la maquette BIM permettrait de mieux gérer cette problématique, toutefois j’émets des doutes quant à sa flexibilité, pourtant nécessaire dans la permanente conception du chantier. Certains oublis peuvent être récupérables, mais cela devient de plus en plus difficile lorsque l’on approche de la fin ou que le planning ne tient plus. De même que les relations se corsent aussi lorsque chacun souhaite enfin terminer le projet mais que l’exigence de l’architecte s’amplifie plus nous nous approchons des finitions du second œuvre. Chaque défaut devient une bataille à remporter grâce à de longues négociations. Dans cette mise en situation professionnelle, je ne suis pas seule, car d’autres acteurs participes à la synergie de la direction : l’assistant à la maîtrise d’ouvrage M.Cottreau et le pilote M.Le Reverend ont souhaité m’épauler dans cette apprentissage. Très peu présents sur le chantier, je n’ai en revanche pas eu d’échange significatifs avec le bureau de contrôle, les coordonnateur SPS et SSI. Bien consciente que lorsque je m’adresse à un représentant de la maîtrise d’ouvrage, 17

ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 18


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il m’a tout de même toujours été possible de questionner M.Cottreau sur ce dossier. Tout d’abords, parce qu’il est aujourd’hui le seul à avoir suivi le chantier depuis le début et ensuite parce qu’il met très difficile de connaître toutes les limites de mes responsabilités et mes devoirs...Ayant autant d’intérêt à voir le chantier avancer, notre collaboration est soudée. Cependant, il est clair qu’il n’a aucun pouvoir décisionnel, simple messager et conseil de la maîtrise d’ouvrage, ni aucun pouvoir directionnel du chantier. Et parce qu’il représente le commanditaire, je reste prudente à bien sélectionner ce que je souhaite transmettre même dans une volonté de transparence. M.Le Reverend est le 4ème OPC sur cette affaire, et le premier avec qui j’ai la possibilité de travailler en étroite collaboration. En tant que pilote, il s’engage sur les délais mais la limite sur la coordination est parfois complexe. J’ai appris que chacun à sa place dans ce rouage et qu’il ne faut pas oublier la sienne. La confiance n’est pas une vague contraire à la hiérarchie décisionnelle. En cas de difficultés et de responsabilités impliquées, l’organigramme régit à nouveau les rapports. A l’inverse, la hiérarchie n’exclue pas l’échange de conseils, le partage d’expérience...

Façade bâchée de la parcelle du futur Cinéma de l’Atalante de Bayonne


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- Entre visionnaires Avant cette immersion dans le milieu professionnel, il ne m’était pas confié de responsabilité et si aujourd’hui je suis appelée «Chef de projet», je préfère l’interpréter comme une autonomie plutôt qu’une aptitude. Cela m’a permis d’avoir un contact direct avec les commanditaires ou encore de remarquer l’influence du pouvoir politique. Lors du dialogue compétitif du Foirail de Pau, nous avons souffert du calendrier électoral de cette présidentielle. François Bayrou, actuel maire de la ville, s’était lancé dans la campagne et plus nous le voyons sur les médias, moins nous avions de réponse sur les résultats des phases. Après des mois de silences où l’équipe de maîtrise d’œuvre doutait d’une suite, nous avons reçu le jour même de son ralliement à Emmanuel Macron les réponses que nous attendions. Le tout rendu depuis plus d’un mois, aujourd’hui je pense que nous n’aurons pas le nom du finaliste de ce concours tant que nous n’aurons pas celui des présidentielles. A Igny, je l’ai exposé plus tôt, la nouvelle municipalité a construit son discours d’offensive sur les erreurs de gestion et de jugement de ceux sous mandat. Notre projet de salle polyvalente en fait partie et bien que la population ne soit pas dérangée par ce projet, elle a choisi le parti de l’opposition. Finir le bâtiment avec une maîtrise d’ouvrage réfractaire a rendu chaque aléa plus sensible. Non-rémunéré depuis deux ans, chacun s’arme de ses avocats pour préparer les mémoires en réclamation. Et enfin sur un point plus positif, à Bayonne, notre maîtrise d’ouvrage supporte les retards de validation du bureau de contrôle face à la technicité nouvelle de la façade, située en zone sismique 3, parce que le projet ambitieux de ce cinéma est aussi très médiatisé. Lors de la démolition, une immense bâche recouvre la parcelle, imprimée de l’image de concours à l’échelle 1. Les habitants ont eu le loisir d’observer le devenir des quais de l’Adour durant plusieurs semaines. De plus, plusieurs fois par jour une photo est faite depuis l’autre rive dans le but de réaliser une vidéo de la construction. « Il n’y a pas de mauvais architectes, il n’y a que de mauvais maîtres d’ouvrage. » Je ne donnerais pas raison à l’avis généralisé de Lucien Kroll mais je peux comprendre une telle révolte. Travailler avec une maîtrise d’ouvrage public c’est rajouter une contrainte politique supplémentaire, et supporter le temps long de l’administration. Très nombreux élus, il est difficile de faire consensus. Si je pensais que les engagements du contrat devaient être tenu à double sens, j’ai le sentiment aujourd’hui qu’ils ne supportent pas d’échéances face à nos questionnements ou nos paiements. Toutefois, je trouve la communication plus intéressante et plus constructive. Certains maires deviennent des élus-bâtisseurs comme Alain Juppé


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ou comme le désir François Bayrou. Fascinés par l’architecture, désireux de laisser une trace dans l’histoire ou simplement attachés à la vie de leur commune, ils ont cette impulsion et acquiert une expertise. Ils savent nous communiquer une vision et exprimer leurs contraintes, qui nous permet d’avoir une meilleure écoute et aller plus loin dans le devoir de conseil. A ce stade le dialogue n’est plus compétitif mais constructif. « Le client est l’une des composantes fondamentales du process architectural ; c’est un désastre s’il ne se montre pas. (...) Dans tous les cas, il faut faire de son mieux pour qu’il soit là, qu’il joue un rôle actif et qu’il assume ses responsabilités. Il m’est parfois arrivé de dire que la formation du client est une partie du projet ; que le client qu’il soit là ou non- doit être un des objets du projet. Il doit aussi d’engager en y mettant toute sa passion, croire que l’évènement auquel il participe l’exprimera : ce qui demande de la part de l’architecte une grande force de persuasion – voire de séduction »18 Un devoir de conseil que j’ai trouvé absent dans ma rencontre avec les maîtrises d’ouvrages privées. Sans cesse dans des échéances très courtes, des demandes de plus en plus nombreuses, et des contraintes économiques au profit du moindre centimètre de surface, je vois dans le travail de l’architecte très peu de liberté. Lors d’une faisabilité, ma collaboratrice ma conseiller d’avoir «la pensée promoteur», qui ne laisse ni le temps, ni l’espace pour le doute, et l’expérimentation. Les relations dans la commande privée sont plus aiguisées et très commerciales, l’architecte ne se retrouve plus aux services de la société mais du bénéfice. Parce que mes rencontres n’ont pas été fructueuses avec ses acteurs et bien qu’ils nous permettent de tenir l’agence debout, je déplore que la commande publique se raréfie. Le fonctionnement en ZAC permet pour les communes de vendre des terrains aux promoteurs qui construiront donc de nombreux nouveaux logements et permettront alors financièrement, et pour les besoins de la vie de la ZAC, de construire un équipement. Devons-nous combattre ce monopole ? Persuadée qu’il faille lutter contre le mitage et le pavillonnaire, je remarque qu’à une échelle plus dense, notre cause devient la qualité du logement. Est-ce aussi que l’objectif n’est pas généré par les mêmes moyens ? Construire avec l’argent public nous donne-t-il de plus grande responsabilité vis à vis de l’intérêt communs ? Nous ne devons pas oublier que notre maîtrise d’ouvrage est bien notre client mais pas l’utilisateur. Et que le réseau s’allonge dans le privé avec une multiplication de l’accession de bien immobilier. L’entreprise achève ses ouvrages, le commanditaire réceptionne le projet puis le livre à l’usager ou au propriétaire.

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DE CARLO Giancarlo « Architecture et liberté» Ed du linteau Milan 2000 p 267


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-Entre citoyens« Selon mon interprétation, la participation ne consiste pas du tout à entendre les desiderata des habitants, mais à modifier son architecture afin qu’elle réponde à leurs besoins réels, bien différents de leurs besoins créés. Il y a une dimension pédagogique dans le métier de l’architecte qui ne doit pas être occultée et qui nécessite un peu d’humilité... »19 En lisant cette citation, j’ai repensé à la polémique du linge aux fenêtres ou de la bataille écologique contre le sèche-linge. Nous ne devons pas interdire les habitants de mettre le linge aux fenêtres à sécher et les contraindre en créant le besoin du sèche-linge, parce que cela enlaidi nos bâtiments. Nous devons prendre conscience que nous n’avons pas répondu à une question simple du quotidien. Et ainsi la dimension pédagogique est double : je permets une pratique, en échange je reçois un enseignement. Il ne faut pas négliger l’expertise du profane. Être totalement libre de sa propre création, n’est-ce-pas contraire à la pratique de la profession ? La question de la liberté n’est-elle pas permise dans un cadre, celui des attentes de la société ? Ne pas tenir compte des contraintes n’est pas la solution pour gagner la liberté de création car elles sont sources du projet. L’architecte a besoin de repères, de règles, à suivre ou à contredire. Je vois le projet comme un point de croisement de toutes les contraintes, qui en se rejoignant ainsi en un centre, s’annulent alors. Le défis n’est pas de tenir un lieu esthétique au détriment des pratiques dans une volonté pédagogique du « bon goût ». Il se trouve plutôt dans le fait de voir cette pratique comme essentielle et esthétique et de l’intégrer au projet. En tant qu’architecte concernée par le bien vivre, je pense que nous devons nous faire un partenaire de l’usager. Il sait mieux formuler la qualité de l’usage et les vraies contraintes du quotidien qui contribuent à une plus grande qualité architecturale. Une qualité qui sera mieux reconnue par les utilisateurs s’ils ont participé à son élaboration. Participer, c’est aussi prendre une responsabilité dans le résultat, ainsi mieux accepté en cas d’échec que s’il est imposé. Il y a toujours un risque : faire du logement pour « tous et pour personne »20 ou subir les contraintes de l’accessibilité lorsqu’elles ne sont pas engagées en amont dans le projet. Maître de l’œuvre, oui, mais dans quelles mesures ? Où est la limite ? Difficile de dicter le comportement ou le mode de vie à quelqu’un qui est pourtant conscient de ce qu’il souhaite ou non. Et en même temps nous avons aussi ce regard d’expert sur un éventail plus large d’expérience et notre but n’est pas seulement de répondre 19 20

DECARLO Giancarlo Entretien avec Thierry Paquot BOUCHAIN Patrick «Construire Autrement» Actes Sud l’Impensé 2006 p57


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Igny | espace de la rÊunion de chantier | 15 min avant qu’ils arrivent...


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à la demande dans le présent mais que celle -ci évolue avec l’utilisateur dans l’avenir. Comme pour la création, nous avons l’expertise de la projection en 4 dimensions. Du lien entre temps et espace combiné à la vie qui se joue au cœur. Notre rôle est alors d’accompagner. L’attitude est alors expliquer le processus mais aussi d’habilement convaincre. Ma rencontre avec les utilisateurs est tardive puisque nous sommes en phase chantier. Le projet et ses contraintes techniques n’est pas dans la capacité de supporter de grandes modifications. Les enjeux se font sur le choix des matériaux ou d’un équipement scénique adapté. Bien que des réunions se soient déroulés lors des phases précédentes et que l’outil de la maquette permette une réel projection, l’usager n’a pas les compétences pour visualiser le projet et lire les documents graphiques. Encore aujourd’hui certaines questions montrent un manque de compréhension du programme et de l’espace. D’autant que la longueur des plannings de conception, laisse le temps à l’usager de changer d’avis. Je pense que la pédagogie c’est autant apprendre à l’architecte le renoncement et le compromis, qu’à l’usager les limites du retour en arrière et du changement de prestation. Nous devons mesurer l’influence de l’architecture dans la représentation que la société a d’elle-même. Elle doit se reconnaître. Je pense que revenir à une idée de partage et de transmission du savoir est, aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Les architectes ont besoin de se concentrer à nouveau sur le projet et de dédier plus de temps à l’expérimentation. Il faut convoquer pour cela ne nombreux intervenants ou se spécialiser. La double casquette ? Architecte-urbaniste architecte-ingénieur, architecte-enseignant, architecte-designer, architecte-scénographe, architectesociologue …



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3| Architecte, en devenir. Et après ?... Ce sera une nouvelle aventure. Mettre à profit cette riche expérience du chantier en la poussant plus loin, vers une expérience participative ou des outils de dialogue de grande proximité. Etre face aux réalités et responsabilités de l’architecte c’est aussi comprendre la double crise de la matière : entre épuisement des ressources et accumulation des déchets. J’espère alors œuvrer à intégrer ses moyens dans le sens de l’intérêt collectif. La HMNOP me permettra de répondre aux opportunités futures, qu’elles soient dans l’enseignement, dans la recherche, dans le travail au sein d’une équipe ou dans celui de la création d’atelier, car j’ai pleinement compris le rôle qui est le mien et suit prête à l’exercer et le transmettre.


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Gravure de l’Allegorie du Bon architecte - Philibert de L’Orme

je transmets tu transmets il transmet nous transmettons vous transmettez ils transmettent


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/transmission, trans-maîtres « Il convient d’abord de leur expliquer qu’ils n’ont pas en face d’eux un maître qui pose des questions auxquelles il connaît déjà la réponse. Faire de l’architecture, se poser soi-même des questions, s’approcher de sa propre réponse avec l’appui du maître, la cerner, la découvrir, encore et toujours. C’est en nous même que réside la force d’un bon projet... »21 Je ne crois pas en l’idée du maître, de celui qui posséderait ce savoir suprême et qui domine un art. Je crois que nous avons tous une connaissance, une intelligence et que c’est une tournure d’esprit que de le développer et de choisir de le partager. Pour certains, le charisme, la chance et le talent les ont transportés vers une reconnaissance mais cela ne fait pas d’eux des personnes capables de passer le relais, de communiquer un savoir. Ils nous servent d’exemple, d’inspiration, et pousse notre exigence. Je préférerais être un accompagnant, un guide qui ne saurait pas non plus où nous allons mais qui y va avec optimisme. Construire est un acte de transmission optimiste. Si nous ne croyons pas en ce que nous faisons, au fait d’atteindre un objectif, d’améliorer la situation, pourquoi le ferions-nous ? Je suis optimiste. Je perçois le monde et les rencontres sous un angle positif. Néanmoins cela ne veut pas dire naïve. Il faut repenser au Philosphe Antonio Gramsci qui disait « Le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. ». L’intelligence ne réside pas seulement dans la connaissance, mais dans l’adaptation, dans l’expérimentation, le raisonnement et la recherche. Elle nécessite de connaître son ignorance et d’apprécier les chemins qui tendent vers le savoir. Sur ces chemins, les choix sont multiples mais pas solitaire. A travers les guides de mon parcours, j’apprends à développer une vision et une approche. A travers, les rencontres que je fais, je m’alimente des échanges positifs ou non, des questionnements que cela provoque. Alors le dialogue m’enrichit et enrichit l’autre et parce que je suis optimiste je sais que ce ne sera pas vain. Je souhaite étendre mon devoir de conseil et partager ce que j’ai reçu. Je souhaite transmettre. Sur la gravure de l’Allegorie du Bon architecte de Philibert de L’ Orme, « un homme sage» se tient debout avec trois yeux, quatre oreilles et quatre mains. Dessiner ainsi pour exprimer que l’architecte doit être conscient d’un passé, d’un présent et d’un avenir, doit être à l’écoute et produire rapidement avec beaucoup de sciences. Dotés de grandes capacités de perception et de l’expérience simultanée de trois divers temps, de L’Orme donne au 16 ème siècle des conseils encore valable aujourd’hui. Ce que je vois dans cette gravure, c’est le rouleau dans la main de l’architecte et le jeune homme devant. L’interprétation peut être multiple mais j’y vois un échange, un passage de relais, comme l’auteur le fait en nous donnant sa description du rôle 21

ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 65


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Exposition «Unfolded-Architecture» | Pablo RASGADO

« Ce qui importe, c’est moins le produit de la conception, à savoir le bâtiment construit mais plutôt l’étude du processus global qui y conduit et ses implications sur notre manière d’appréhender l’œuvre. »1 GAFF Hervé, «Qu’est-ce qu’une œuvre architecturale ?» éditions Vrin, France,2007, p 8


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de l’architecte. En groupe d’étude, en agence, face à des stagiaires, peu importe la rencontre, si ce qu’il se dit résonne en moi et m’évoque quelque chose, j’ai besoin de le partager. Peut-être que cela ne sera pas utile dans l’instant à mon interlocuteur ou peut-être jamais mais peut-être aussi que c’est une piste. Est-ce de la prétention que de le dire ou de l’égoïsme que de le garder ? Je n’aurais jamais prononcé le terme d’enseignement s’il ne m’avait pas été demandé par mes professeurs : un doctorat, du monitorat, autant d’opportunités qu’ils m’ont soufflé pour exploiter ce désir dès à présent. Les rencontres de personnes humbles et pédagogues dans mon parcours m’ont donné l’envie de transformer cette appétence en une pratique de l’architecture. Dans le cadre réglementer de la fonction publique ou à d’autres échelles, par des ateliers et peut-être même avec des « non-architectes », mon choix n’est pas fixé mais le chemin se dessine. Cette particularité me pousserait à avoir une exigence envers moi même pour les aider à aller plus loin. Une exigence tant dans ma propre formation, que dans la recherche d’un processus pédagogique. L’objectif étant, à l’image de ce que j’ai reçu, de leur faire prendre conscience qu’ils font partie d’un circuit d’héritage dans le temps, qu’ils laisseront une trace et qu’alors ce geste a de l’importance et doit avoir du sens. La transgression est permise si elle est réfléchie et justifiée. Il ne faut pas perdre de vue que nous produisons des œuvres, c’est à dire des objets résultant d’un travail, produit de l’esprit et du talent. Ce qui signifie un engagement et une aptitude à développer. Dans notre cursus, nous apprenons à explorer notre intuition créatrice et l’analyse du regard. On nous a donné à voir des potentiels et non des solutions, à exposer notre parcours plus que le résultat, pour nous pousser vers une émancipation intellectuelle. Je ne cacherais pas que ma rencontre avec L’Atelier Provisoire a transformé mon regard sur l’architecte mais aussi sur l’enseignant. J’ai vu dans cette équipe une réelle volonté de transmission, qui se reflète aussi dans leur savoir-faire professionnel. Ils appréhendent le métier sans prétention, sans vérité unique mais avec beaucoup de patience et d’espoir. Leur pratique fait preuve d’une intelligente modestie par la conscience de la beauté du patrimoine vivant et ordinaire. La beauté de la vie humaine qui en habitant les lieux les charge à sa manière.


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/Construire une démarche « L’acte créateur par lequel naît une œuvre architecturale va au-delà du savoir historique et artisanal. La confrontation avec la question du temps est au cœur de cet acte. L’architecture, au moment où elle naît, est liée d’une manière particulière au présent. Elle reflète l’esprit de ses inventeurs et apporte ses propres réponses à la question du temps par sa forme d’utilisation et son aspect, par son rapport aux autres architectures et par sa relation avec le lieu où elle se dresse. »22 Dans l’écriture de mon mémoire de master et la production de mon projet de fin d’études sur le site de Drancy, j’ai compris les notions de trace et de constance, mais surtout d’héritage. Prendre conscience que nous avons un héritage c’est prendre conscience que nous en serons un. Que laisserons-nous ? En choisissant de rentrer dans la profession par l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre, je prends avec moi, l’héritage des anciens pour leur faire honneur: autant qu’en espérant ne pas reproduire les erreurs, que de développer les belles réussites. Je ne crains pas la création : le patrimoine et l’innovation ne sont pas opposés puisque nous construisons aujourd’hui le patrimoine de demain Quelle est la nature de la relation entre l’architecture et le temps à l’échelle relativement petite d’une vie humaine, surtout si cet humain se trouve être un architecte ? La responsabilité de l’héritage. Si le processus de conception et les enjeux d’un projet se jouent bien avant la pose de la première pierre, ma responsabilité va au-delà de la date de livraison du bâtiment, au-delà de l’année de parfait achèvement, au-delà de la décennale. Je dois tenter de construire une œuvre évolutive ou qui acceptera la transformation. Cela pose la question de la trace donc de la réhabilitation, ou de son absence donc de la démolition, dans les deux cas c’est la question du réemploi. Je conçois à différente échelle de temps : la vie humaine, la génération, la vie d’un bâtiment et enfin celle de la planète. Les immeubles transformés de Lacaton-Vassal et la mise en garde de Encore Heureux avec le Pavillon circulaire annoncent une nouvelle ère de la construction. Nous ne savons pas si nous, les Hommes, sommes de simples invités sur cette planète ou au contraire si nous avons une mission de « jardinier » j’entends par là de gérants de l’espace, de maintien de l’équilibre. «Une chose est sure cependant : quand nous nous intéressons à l’espace en tant qu’architecte, nous ne nous occupons que d’une infime partie de cette infinité qui entoure notre planète. Mais toute construction marque un lieu dans cette infinité. »23 L’architecte a pour moi, ce rôle 22 23

ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 23 ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 22


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Façade Bayonne | instertion de concours | proportion idéale

« Elles ont l’air de faire naturellement partie de leur environnement et de dire «Je suis telle que tu me vois et ma place est ici.». La possibilité de concevoir des bâtiments qui pourront avec le temps faire ainsi corps avec la forme et avec l’histoire d’un lieu me passionne. »1 ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 17


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de créateur responsable de l’espace où nous vivons, ce qui implique une forme de respect. En tant qu’architecte future HMONP, je parle certainement de responsabilité qu’implique mon métier, et celle-ci en fait également partie. Au milieu des contraintes données couramment, telles que les normes, l’enveloppe budgétaire, la politique de la cité … il y a celle de l’écologie par l’impact de la construction. Régit par de nouvelles lois et des labels et sans se demander à qui cela profite, elle doit être pensée au cœur de la conception. Dans ma pratique future à court terme, je souhaiterais déjà avoir cette réflexion dans mes projets, sensibiliser mes collaborateurs pour que nous le prenions comme un enjeu, ou travailler avec des personnes qui sont déjà dans cette mouvance. Quelles sont les clefs de l’anticipation de l’obsolescence du projet ? « Un projet ne s’approprie réellement que dans le temps : si les matériaux peuvent s’user avec bonheur, le plaisir et le confort que les constructions offrent ne doivent cesser de se renouveler. Nous ne pouvons concevoir une forme, un objet, un bâtiment sans anticiper leur devenir pour qu’ils demeurent souples, riches de nouvelles potentialités, porteurs d’expériences de vie toujours à découvrir. L’inauguration signe un commencement, non une fin.»24

-le Regard La loi de 1977 annonce que la production de l’architecte se doit d’être en «insertion harmonieuse dans l’environnent.» L’harmonie pour Montaigne, c’est quand le faire et le dire vont ensemble. Quand donc notre engagement est vrai, il amène une architecture sincère. Quand du détail au grand territoire, nous convoquons le lieu comme point de départ de toute réflexion qui donne au bâtiment, résultant du paysage, une pertinence et pérennité. Le lieu devient matière, vécu comme une rencontre sensible entre le sol et le ciel où l’acte architectural en devient sa synthèse. Le projet est autant une opportunité territoriale, qu’architecturale et sociale. Nous devons chercher dans notre production à obtenir une harmonie pour co-habiter avec l’existant. La façade du cinéma de Bayonne de Randja est un bon exemple d’architecture intégrée dans son contexte. L’histoire des entrepôts est convoquée, les proportions sont équilibrées et à l’image de sa ville la façade sera blanche. Pourtant le projet est novateur et annonce clairement une modernité. L’équilibre entre les éléments est maintenu. Pour savoir faire cela, il faut avoir un regard bienveillant sur le « déjà-là » et prendre chaque contrainte comme énergie créatrice. « Il y a toujours des contraintes. L’architecture vit avec des contraintes, contrairement à l’artiste qui a toujours, malheureusement pour lui, l’épreuve de «la page blanche ». 24

ENCORE HEUREUX «Envisageons l’avenir» - Article Page Web


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Les architectes sont heureux de ces contraintes, même s’ils s’en plaignent. »25 En effet, à l’instar de l’artiste nous produisons une œuvre, cependant seul la valeur esthétique et l’émotion qui en résulte nous lient. L’artiste se décharge de bien des engagements envers la société car son objectif n’est pas de faire consensus, ou de répondre à un besoin. L’art est présent pour questionner, bousculer et s’affranchir. Proche de l’architecture, il reste la question du sens et de l’utile qui les sépare. Et sur ce dernier point c’est avec l’artisan que l’architecte se comprend. Auteur également, l’artisan suit les règles d’un art établi et applique un savoir-faire. Si l’architecte a une expertise, la confrontation au réel toujours nouveau lui impose d’adapter sans cesse sa méthode. Cela lui demande de l’improvisation par rapport au contexte. L’architecte est alors un peu artiste et artisan, en quête d’harmonie et de sens. Pour cela il développe un processus créatif. Une conception projetée qui doit avoir une compréhension du lieu, de la société et de son contexte. Qui? Quoi? Comment? À qui? Dans quel but ? Où ? Quand ? Pourquoi? Combien? Et dans quelle durée? « L’architecte, ce n’est pas seulement le grand geste, c’est la bonne réponse à la question.»26 Aujourd’hui je me laisse guider lors d’un projet par trois concepts qui fondent ma démarche de processus : le souvenir, la lecture et l’étonnement. Le souvenir, parce que nous pratiquons en permanence et depuis toujours l’espace, alors notre regard a capté des lieux, des atmosphères, des situations, qui deviennent notre source d’inspiration. Le dessin d’architecte est l’évocation projetée d’un objet absent, mais il est latent. Nos sensations et notre compréhension sont enracinées dans le passé. Elles incarnent nos représentations de chaque usage, de chaque pratique, et comme elles sont à la fois communes et personnelles, elles seront comprises par tous mais appartenant à notre mémoire. « Quand je travaille à un projet, je suis à nouveau plongé dans des souvenirs anciens et à demi oubliés... »27 Le souvenir fait appel à l’inspiration et non à l’imitation, à la représentation et non à la reproduction. La lecture, par le développement d’un regard dans le présent. L’attention aux choses et aux réalités sociales se développent avec la curiosité de savoirs multiples en dehors de l’architecture qui alimentent notre projet. Sur le site, comme aux quotidiens, il faut chercher les signes. Dans une pièce de théâtre, lors d’une exposition, devant une œuvre, tout peut faire sens et projet mais il faut en avoir la lecture et l’analyse. Il faut alors faire rapprocher les éléments entre eux, jouer des paradoxes, faire connecter les usages et le images. 25 26 27

HERZOG Jacques « l’architecture est un reflet politique » le Point 17/06/2016 SMETS Bas, commissaire général de la Biennale Agora 2017 ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 8


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L’étonnement est le moteur. Je suis ouverte à l’étonnement depuis qu’il est devenu source de mes derniers projets. Étonnée lors d’une balade par la découverte du jardin suspendu des douves de Bordeaux, qui devient site d eprojet d’habitat pour les migrants. Étonnée devant l’inaction du pouvoir public face à la situation de la cité de la Muette, qui sera source de mon sujet de dîplome. Étonnée par une maison accolée aux camps de Dachau qui me poussera à questionner le programme du mémorial. Étonnée par le potentiel inasouvie d’une maison bordelaise, qui fera mon lieu de vie. Parce que je ne crois pas au hasard, je suis guidée par la spontanéité. L’émotion face à une découverte. C’est un peu garder un esprit d’enfant. Mais pour tout cela, il faut du temps. Le travail en agence est chronophage et nous prend en otage. Si j’insiste sur cette évidence c’est parce que certains pensent que le temps est un bien nécessaire et que d’autres ne voit dans le temps que l’argent. Après cette mise en situation professionnelle intense en termes de rythme à la journée et d’apprentissage sur les chantiers, il m’en restait peu de temps pour la création. Et prendre le temps dans une ville comme Paris c’est se battre contre les parisiens. « L’architecte doit savoir attendre, c’est le seul moyen d’être créatif. Ce métier est un mélange de technique et de spiritualité, de créativité aussi. »28 Le temps incompressible de la réflexion le temps du doute, du recul, de la liberté et de la respiration, de l’errance comme nous prendrions le temps pour nos outils de croquis et de maquette, l’ennuie en est un aussi.

-L’ écouteL’architecture est « une enveloppe, un arrière-plan pour la vie qui passe, un subtil réceptacle »29 Se confronter à sa construction, c’est se confronter à la vie. Et être un observateur assidu de la société pour laquelle nous sommes amenés à construire. Dernièrement en réaction à certains modèles de la mondialisation et des nouvelles technologies, jugées hors d’échelle, les termes de « local », « circuit court », « sollicitude » traduisent un vrai besoin de se ré-ancrer dans un existant à l’échelle humaine. La culture commune autour d’un mode d’habiter et d’un mode de production change pour un épanouissement collectif réussit. Comment l’architecture peut-elle recréer du lien entre les humains et répondre à leur quête d’écoute ? La société nous demande de prendre en considération de manière plus forte son opinion, ses engagements économique et écologique. Les termes de participatif, 28 PIANO Renzo «La Désobéissance de l’architecte», Conversation avec Renzo Cassignoli, edition Arléa n°138 p16 29 ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture»,Edition Birkhäuser 2010p12


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Prototype de livret pour le projet de VIM | Réaliser lors de mon stage à l’Atelier Provisoire


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de concertation, co-construction...apparaissent. Ces notions sont aujourd’hui très travaillées et engagées dans le logement, car à plus forte raison c’est une vision très personnelle qu’est l’acte d’habiter. Je l’ai observé lors de mon stage long à l’Atelier Provisoire avec le projet VIM en partenariat avec Aquitanis. Maquettes, prototype de livres, esquisses, tous les outils ont été étudiés pour développer le dialogue avec les futurs habitants. En revanche, ce raisonnement semble presque absent dans l’acte de construire de l’équipement public. Seuls quelques précurseurs, comme Patrick Bouchain, se lancent dans cette démarche très en marge de travailler la conception mais aussi le temps de la construction en très grande collaboration avec les futurs utilisateurs du lieu. Le projet devient un objet sur mesure à la vie de la commune, du quartier, soit par un inachèvement volontaire, soit par des ateliers de dialogues très complets. Ce type de démarche a fait apparaître un nouveau terme : La maîtrise d’usage. Ce nouvel acteur s’inscrit dans le binôme traditionnel de maîtrise d’œuvre/ maîtrise d’ouvrage dans l’intention de mettre en avant les pratiques propres à l’utilisateur final. Face à ce groupement, nous pensons tous concevoir le projet pour chacun, mais ce ne sont ni les architectes qui en seront les utilisateurs, ni même les élus présents le temps d’un mandat. La notion de « client » a qui nous avons un devoir de conseil, une obligation de résultat et une responsabilité c’est alors bien la société, tant dans la définition du collectif que de l’individualité. L’architecte doit partager la conception et le rêve de l’espace de nos vies.


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Chantier Ouvert au public | Le point haut | Agence Construire


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/Construire pour se construire A la veille d’entrer définitivement dans le monde professionnel, je souhaiterais faire un retour sur l’expérience qu’a été pour moi, la formation à l’habilitation à la maîtrise d’œuvre. Si je suis riche de mes stages longs précédents, il est vrai que l’année passée au sein de Randja m’a beaucoup apportée. Elle fut non seulement intense par le rythme soutenu que nous avons au sein de l’agence mais surtout par le permanent questionnement que demande l’engagement que je m’apprête à faire : être architecte en mon nom propre. Chaque information que je collectais, suscitait de nouvelles réflexions : est-ce ainsi que les agences fonctionnent ou est-ce propre à celle-ci ? Y-a-t-il de meilleure méthode ? Comment aurais-je répondu à ce concours ? Combien de projets en moyenne peut suivre un architecte et cela dépend–t-il de la structure ? Comment arriver à mesurer le temps dédié et à le traduire en honoraires ?... Réaliste sur le fait que mes réponses viendront avec le temps et l’expérience, il était utile de remettre tout cet enseignement en perspective. C’est la pratique et la répétition des tâches qui permettent de savoir comment les estimer et les hiérarchiser. Savoir gérer son temps nécessite aussi de bien se connaître et de comprendre ses limites. Le défi est de taille : Réussir à mener à bien un projet pendant de longues années sans que l’idée initiale ne soit corrompue ou dénaturée. Au démarrage de la mise en situation professionnelle, nous percevons notre enseignement reçu durant 5 ans comme insuffisant. Puisque cette formation ne se fait pas par alternance, le choc est plus violent entre les deux mondes. Et il est d’autant plus intense que nous avons le sentiment que tout ce que manipule un architecte au quotidien nous est inconnu. Mais en réalité, nos années d’études ne sont pas compressibles. La compréhension de l’espace, l’éclosion de l’architecte en nous et de notre sensibilité a besoin de plus de temps et d’un cadre d’expérimentation que permet l’école. A l’inverse, les normes, les règles, et les automatismes s’apprennent in situ et bien plus rapidement. Nous sommes formés à nous questionner, à créer, nous projeter, à rêver mais le reste se fera par l’expérience de la vie, de la pratique et de nos erreurs. Très vite, lorsque nous en prenons conscience, les deux mondes, celui de la théorie du projet et celui du métier, fusionnent et fonctionnent ensemble. Cela peut se faire progressivement ou brutalement.


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-Formation inversée Commencer par deux projets en chantier, et qui plus est deux chantiers arrêtés, n’était pas la vision que je me faisais de mon apprentissage. Il semble en effet naturel de suivre étape par étape les phases des projets s’éloignant de l’esquisse vers la construction. J’ai alors le sentiment d’avoir durant cette année reçue une formation inversée : Construire pour apprendre à concevoir. Prendre tout de suite conscience des matériaux, de leur économie, de leur mise en œuvre et de leur épaisseur me permettra de mieux les dessiner. Connaître les risques que je rencontre, me permettra de mieux dialoguer et anticiper. Car le meilleur moyen d’apprendre à construire est inévitablement sur le chantier, au contact des entreprises. Puisque j’ai rencontré dans ses dossiers des cas très particuliers des dangers du chantier, je serais également plus forte pour y faire face si cela se reproduit. Le contentieux, les constats contradictoires, les réunions avec l’expert de la MAF sont autant regrettables qu’ils m’ont été profitables. Avec les dépôts de bilans des entreprises et les nombreuses malfaçons, j’ai compris que nous ne sortons pas gagnants à prendre les « moins-disantes » du rapport qualité-prix du règlement de consultation., ou à tirer les prix de la construction. L’architecte garant du budget du maître d’ouvrage, doit respecter le marché global sans altérer la qualité du projet et sans dépasser le calendrier fixé, au risque de devoir rendre des comptes. Le budget a été fixé très tôt, en concours et en APD, et si nous décidons de le «serrer» un peu, l‘impact en appel d’offre et en chantier est incontournable. Par ailleurs, je souhaite en retirer une méthodologie et des outils. Pour assurer une attitude sur le chantier, il faut être très rigoureux dans la rédaction et la mise à jour des éléments mais surtout il faut avoir des descriptifs cohérents et une rigueur sur la synthèse. Bruno Murawiec, m’a enseigné l’importance de l’ordre des pièces du marché qui régit, en cas de conflit, toutes les décisions. La rédaction des cahiers de clauses techniques particulières ne doit pas se réaliser dans la précipitation. Les erreurs récurrentes des CCTP témoignent du manque de relecture des équipes entraînant une gestion du chantier chaotique. Il détermine notre volonté architecturale et engage chacun à le respecter. Laurent Villette, architecte et enseignant, expose ce cahier comme étant le script de notre jeu d’acteur sur la scène du chantier. Tout repose sur sa qualité, qu’il soit délibérément ouvert aux propositions, exposant simplement un résultat ou à l’inverse cadre les réalisations par une grande précision de description. Il faut «dire ce qu’on veut atteindre, et non ce qu’il faut exécuter» 30 Il instaure un contrat de notre exigence et de la qualité architecturale avec l’entreprise. La répétition du problème constaté par des collaborateurs, soit absence d’ouvrage ou incohérences totales, me pousse 30

BOUCHAIN Patrick «Construire autrement» Acte Sud l’impensé 2006 p 65


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à croire ironiquement que le vrai nom de ce document soit Copié Collé Tout Projet…Nous essayons alors en interne de tenir un document partagé où chacun diffuse les points sensibles qu’il a rencontrés pour améliorer la vérification dans les projets suivants. La particularité de cette phase se trouve aussi dans l’interaction sociale permanente, qui m’a obligée à faire un travail aussi sur ma personnalité. J’ai appris à m’imposer tout en créant une relation de confiance et d’échange. Qu’il faut savoir faire preuve d’autorité mais de juste impartialité pour régler les conflits entre l’ensemble de partenaires. Je n’ai pas eu le choix que de négocier, acter des décisions rapides, de trouver des solutions et de faire des compromis parfois. Nous devons avoir une vision globale et très détaillée du projet, même lorsque nous ne l’avons pas conçu. Je pense alors qu’il n’est pas avantageux de sous-traiter cette mission. Le retour des expériences n’existerait pas ; le cercle vertueux de la connaissance et de l’expérience, est rompu dès lors que la pratique du métier est divisée en deux. Et c’est pourquoi, je ne souhaite pas m’y spécialiser. Si je suis consciente qu’avoir eu une première expérience dans ce domaine est un atout, j’aspire maintenant à retourner dans la conception. Cependant, lorsque je repartirai dans ce milieu, j’aimerais réussir à mieux contrôler le temps que nous passons sur cette phase. Société de l’urgence, ne plus le consommer, ne plus courir derrière. En effet, à l’ère du numérique et de l’instantané, je ne suis pas aussi certaine que nous économisions notre énergie. Il n’y a plus d’espace pour la réflexion ou encore l’attente, ne permettant pas aux problèmes de se régler simplement et naturellement. De laisser parfois même les autres acteurs trouver eux -même la solution, au contraire nous les infantilisons. Je souhaiterais également avoir la chance d’appliquer d’autres méthodes d’échanges avec la maîtrise d’ouvrage et les entreprises. A différentes phases du projet c’est une alternance de communication ou de dialogue qui doit être mis en place avec les différents protagonistes. Durant la conception, nous devons avoir avec la maîtrise d’ouvrage une réelle écoute, par la suite lors du chantier, elle attend de nous un rôle différent. L’ échange devient unilatéral. Dès lors, notre devoir de conseil est aussi un devoir de communiquer ce qui se déroule sur le projet afin de conserver la confiance et garder une transparence. J’ai une grande croyance dans le dialogue et dans l’action collective pour «faire projet». Convaincue par mon expérience opposée, que l’implication du commanditaire dans le chantier permet de débloquer plus rapidement des situations, ou d’entretenir de bons rapports malgré les aléas. Cette conviction est confirmée, lorsque je vois que de nombreuses agences d’architecture se lancent dans ce mouvement: chantier ouvert au public, coconstruction et participatif, ateliers de dialogue avec les usagers... Autant de possibilités de réinventer notre métier, d’enchant(i)er le réel.


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-En mon nom propre ? Avoir réalisé mon apprentissage dans une agence en essor, m’a montré d’une part les difficultés de la prospection, de la gestion interne lorsque les bases ne sont pas posées et d’autre part la nécessite de pérenniser une équipe. J’ai découvert les risques d’une croissance trop rapide : beaucoup de commande et très peu de réalisations abouties. De plus, en faisant cette formation, nous analysons le monde en entreprises et j’avoue qu’elle m’a permis de me mettre à la place de mon patron et de mieux comprendre ses responsabilités plutôt que de rester à l’échelle du salarié. Sans vouloir dresser un bilan catastrophique, l’agence a connu une année complexe et est aujourd’hui en restructuration. Je ne sais pas si les nouvelles méthodes vont aboutir mais il était très enrichissant de participer à l’évaluation des problèmes, de réaliser un audit et de chercher des outils ensemble. A contrario, le manque de stabilité de la structure, de transmission et de temps ne m’a pas enseigné que des outils efficients pour ouvrir mon agence, mais plutôt des erreurs à ne pas commettre. J’ai le sentiment d’avoir manqué de conseils précieux sur ce point et que les cours de l’école ne peuvent donner puisqu’ils relèvent d’un cas particulier. En revanche, je suis au courant de programmes qui aident les structures comme les Albums des jeunes architectes et paysagistes AJAP. Elle offre aux lauréats un parrainage, composé de grands maîtres d’ouvrage publics et privés, en leur facilitant l’accès à la commande et en les aidant à faire connaître leur travail. Et il a aussi la pépinière « Échelle Un » créé au sein de l’Ecole d’architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée qui permet un soutien à la création et au développement d’entreprises d’architecture. Ce soutient se fait par la mise à disposition d’un espace de travail dédié et équipé, d’un accès aux ressources de l’école (atelier maquette, bibliothèque, reprographie), et de conseils dispensés en partenariat avec le Syndicat de l’Architecture et à un cycle de formation autour de quatre thèmes : la gestion financière, les systèmes de production, la prospection et l’organisation. Et bien sûr la maison de l’architecture, le 308 de Bordeaux qui apporte un calendrier de formation très riche. Consciente de mes limites, il y a un an, j’ai alors souhaité suivre cette formation. Je voulais être libre d’être architecte quelque soit le format. Libre d’accepter une opportunité, de retourner dans le salariat, de tenter l’autoentreprenariat … Sans la HMONP ce n’était jamais un choix. J’ai reçu un savoir professionnalisant qui se veut pouvoir orienter les architectes en aspiration d’autonomie de manière à exercer en toute connaissance de cause et avec les armes suffisantes. Je repars consciente de mes responsabilités, mais surtout grandi en confirmant mon orientation. Je repars aussi plus militante, autant pour ma profession que dans mes futurs projets. Il sera alors temps, que je me questionne sur l’envahissement du marché privé, les problématiques du dumping social, et que j’expérimente mes nouveaux désirs. Cette aventure ne se fera en tout cas pas seule.


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Pour moi, travailler à plusieurs me semble indispensable. En groupe, les forces imaginatives sont décuplées. J’aspire à une association proche avec quelques amis, mais cela doit passer par quelques expériences supplémentaires de la pratique et l’obtention de la HMONP pour tous, évidemment.


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/Conclusion

Du rêve, de l’ambition, du dialogue, des responsabilités

Grâce à mon parcours, développé au sein d’agences pédagogues et productrices d’une architecture réfléchie et humaine, je me sens engagée à poursuivre cet héritage. L’Habilitation à la Maitrise d’Œuvre en son Nom Propre nous a été présentée comme un droit d’exercer. Elle juge de la faculté d’un jeune professionnel à assumer les responsabilités inhérentes à la profession d’architecte, et mesure la capacité de ce dernier à se questionner sur les problématiques de son métier. Ce rapport tente donc de s’interroger sur le rôle et les compétences à acquérir lorsque nous envisageons de créer notre agence... Durant cette année, et par la richesse de mon expérience, j’ai choisi de questionner notre place dans le réseau de la commande public et plus particulièrement dans les rencontres en chantier. J’ai orienté ma réflexion dans la production scénique, étant tout d’abord, passionnée par ce programme, puis la référence majoritaire au sein de l’agence RANDJA. Sans mauvais parallèle, l’habilitation à la maitrise d’œuvre en son nom propre a été pour moi comme la réalisation d’une mission de synthèse ou d’un plan de recollement : superposer les calques de compréhension de la création d’un projet, du réseau d’acteur, des enjeux de chacun, de l’économie, du planning … Et comprendre alors qu’au centre de tout ceci le projet en est la résultante. L’architecture est un exercice complexe qui nécessite de porter l’attention sur les différentes dimensions sociales, politiques, esthétiques de la création de l’espace. La richesse du métier d’architecte se définit autant par la grande diversité de domaines d’application, que les différentes casquettes que nous devons endosser. Il est alors essentiel pour moi de pouvoir maîtriser mon entrée dans la profession réglementée et d’être capable de m’épanouir en détenant toutes les compétences nécessaires. Aujourd’hui, je rêve d’une architecture conçue et construite collectivement, où chacun peut apporter et partager son savoir et son expérience. En lien avec le contexte environnant, avec la mémoire du lieu, et avec les personnes qui l’habitent. Une architecture située, qui valorise les ressources existantes et le déjà-là. Le programme doit faire sens, alors j’aspire à rencontrer des maîtrises d’ouvrages ouvertes aux questions de l’intérêt communs et de l’héritage que nous laisserons. Nous devons produire des lieux singuliers par la maitrise de l’espace de sa capacité à créer du lien et de son impact sur l’environnement au long terme. J’aspire à développer, une architecture modulable, qui continuera d’évoluer, de se transformer et de s’approprier. Je l’ai bien compris, au-delà de conception artistique notre métier a une responsabilité permanente, à toutes échelles de projets et de


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temps. Par ailleurs je souhaite faire du dialogue et de la transmission, le fondement de ma démarche professionnelle. Le devoir de conseil imposé à l’architecte est, pour moi, une évidence. Savoir expliquer, convaincre, écouter, partager, et surtout comprendre, sont des aptitudes nécessaires à notre profession. Si nous choisissons de le développer au service du bien commun ou de la diffusion du savoir, nous arriverons à former un tout cohérent, lisible aussi bien par la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’usage, ou les entreprises. En entrant dans la profession je m’engage à respect mon patrimoine et à le confronter à l’innovation et les nouveaux besoins de la société. Mon rôle est alors de réinventer ses lieux, d’apporter le nécessaire et d’y ajouter l’imaginaire. L’architecture est un acte politique et un art majeur mis au service de l’intérêt général et de la qualité des régions et territoires urbains et ruraux. « Je regarde attentivement le monde construit et dans mes réalisations, j’essaie de reprendre ce qui me paraît précieux, de corriger ce qui dérange et de recréer ce qui nous manque. » 1 Je prendrai, alors, l’harmonie et la tenue des projets développés chez RANDJA. J’y ajouterai les moyens appris dans la gestion de la prospection et ceux créés ensemble dans le management des équipes. Puis je m’inspirerai de l’acte social et les relations créatrices avec la maîtrise d’ouvrage observés à l’Atelier Provisoire. Entièrement investie dans les agences que je traverse, je ne suis épanouie que dans une structure horizontale où l’échange est permanent. Dans chacune d’elle, j’y ai vu la nécessité des outils : Croquis, maquettes, carnet, références, concept, images … et j’espère continuer d’en développer. Mon intérêt est précis car je sens avoir le désir de l’enseignement ou de la création en atelier. Élargir mon champ d’étude, ne fera qu’enrichir ma production et inversement mettre à profit mes outils quotidien de création me permettra de les expérimenter dans un travail parallèle.

ZUMTHOR Peter «Penser l’architecture» Edition Birkhäuser 2010 page 24


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/Bibliographie Ouvrages complets -ZUMTHOR Peter « Penser l’architecture»,Edition Birkhäuser 2010 -BOUCHAIN Patrick «Construire Autrement» Actes Sud l’Impensé 2006 -CALVINO Italo «les villes invisibles» Edition Folio. -PIANO Renzo «La Désobéissance de l’architecte», Conversation avec Renzo Cassignoli, edition Arléa -TAPIE Guy «Les architectes: Muatations d’une profession»- Edition L’harmattan collection Logiques sociales

Extrait : -BAKHTINE Mikaïl «Esthétique et théorie du roman» - Paris Gallimard 1978 -BEAUDOUIN Laurent «Pour une architecture lente» - Edition Quinette - 2007 -GAFF Hervé, «Qu’est-ce qu’une œuvre architecturale ?» éditions Vrin, France,2007 - RUSKIN John, «Les Sept Lampes de l’architecture» de G. Elwall, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1980 -SNOZZI Luigi « le maire et l’architecte » conf 308 bordeaux le 27/10/2017 -DE CARLO Giancarlo « Architecture et liberté» Ed du linteau Milan 2000

Web : -Conférence Agora «La ville, le maire, et l’architecte», Cycle de conférence au 308, -LAJUS Pierre «Contruire le réel» D’A publié le 03/07/2012 -ANDO Tadao «L’architecture est aussi affaire de spiritualité» Propos recueillis par Lydia Bacrie, publié le 31/08/2014 à 19:21 article l’express -COURENT Mireille « Tenuitas cum bona fama : ethqiue et architecture dans le De architecetura de Vitruve» 2011 revue cahiers des études anciennes XLVIII -SMETS Bas, commissaire général de la Biennale Agora 2017 -ENCORE HEUREUX «Envisageons l’avenir» - Article Page Web -HERZOG Jacques « l’architecture est un reflet politique » le Point 17/06/2016


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/Iconographie Sauf mention ci-après, les illustrations de ce mémoire (photographies,plans..) sont issues d’archives personnelles, ou de l’agence Randja. p.12 Lina Bo Bardi - vue de l’intérieure http://archeyes.com/teatro-oficina/ p.32 Armelle Caron « les villes rangées» Paris https://lesmoyensdubordartotheque.wordpress.com/2014/11/24/armellecaron/ p.52 Lina Bo Bardi - Théâtre Oficina - vue d’en haut - répition http://archeyes.com/teatro-oficina/ p.68 Allegorie du Bon Architecte de Pilibert de L’Orme- 1568 http://unurthed.com/2007/08/ p.70 Exposition «Unfolfed- Architecture»- Pablo RASGADO http://www.artnet.com/magazineus/reviews/bradley/art-berlincontemporary-9-20-11_detail.asp?picnum=8 p.80 Chantier Ouvert au Public - Le point haut - agence construite - affiche évenement http://www.thibautc.fr/portfolio/point-haut-lieu-de-creation-urbainel


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AGENCE RANDJA

de gauche à droite de haut en bas

Farid Azib _ gérant Architecte DPLG – né en 1970 Fraco-Algérien - Directeur d’agence Annette Weisser _ CDD Styliste – née le en 1977 Allemande - pôle candidature Bruno Murawieck_CDD Architecte DPLG – née le 22 juin 1962 Français - Chef de projet et chef d’agence Dhouha Hamdi_CDI Architecte HMONP – née en 1988 Tunisienne - Chef de projet Emanuele Romani _ CDD Architecte HMONP – né en 1985 Italien - Chef de projet Francesca Coden _ CDD Architecte HMONP – née en 1988 Italienne - Chef de projet Francesco Andreozzi _CDD Architecte ADE - Né en 1989 Italien- Assistant chef de projet Yvanie Wilheim_CDD Architecte ADE - née en 1990 Française - Assistante et Chef de projet Léa BILLOT _CDD Architecte ADE- née en 1990 Française - Assistante et Chef de Projet Matéo Unanimo - stagiaire Alexandra Walter- Assitante de direction Raphaël Estival - stagiaire

/Organigramme


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/TWIST

Lieu : Igny (91) Maître d’ouvrage : Ville d’Igny Programme : Construction d’une salle polyvalente de 400 places Surface: 800 m2 Coût: 3.27 M € Concours : projet lauréat Livraison : mars 2016 Mon rôle : Suivi du chantier - mission complète et synthèse

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/FRAME

Lieu : Bayonne (64) Maître d’ouvrage : Ville de Bayonne Programme : restructuration des salles existantes, construction d’une nouvelle salle, d’un restaurant et d’un café-concert Surface : 1 900 m2 Coût : 2.95 M € Concours : projet lauréat Livraison : Mars 2017 Mon rôle : Suivi du chantier à distance - déplacement 1/ mois - synthèse

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/GRIMP

Lieu : Briquebec (50) Maître d’ouvrage : Communauté de commune du coeur du Cotentin Programme: Construction d’une antenne de la maison des services publics intercommunale et d’une médiathèque communale Surface: 786 m² Coût : 2,41 M€ Concours: lauréat octobre 2016 Mon rôle : Participation à la conception

/FOIR

Lieu :Pau Maître d’ouvrage : Ville de Pau Programme : Réhabilitation du marché Foirail en cinéma et théâtre. Surface: 1700 m2 Coût: 4 M € minimum Concours : Dialogue compétitif rendu fin mars 2017 Livraison : en attente de résultat Mon rôle : Participation à la conception


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/FORT

Lieu : Saint Lô (50) Maître d’ouvrage : Saint Lô Agglo Programme : Construction de la maison du technopôle Surface: 1650 m² SDP Coût : 3.4 M€ Concours : projet lauréat Livraison : Automne 2018 Mon rôle : Participation à la conception en APD et Réalisation du permis de construire


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F O R M AT I O N 2016 :

Diplômée ENSAPBx - Mention Recherche obtenue avec les félicitations du jury.

2013-2014 :

Master 1- Erasmus Allemagne Université Technique de Munich ( TUM)

2009-2013 :

Licence - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage Bordeaux.

2008-2009 :

Ecole de design CREASUD à Bordeaux.

2008 :

Bac Scientifique​ Lycée Jauffré Rudel de Blaye

LÉA BILLOT

COMPÉTENCES Anglais B2 Allemand B1.2

06 35 35 65 72

Autocad Photoshop Illustrator Indesign Artlantis Sketchup Vectorworks

APTITUDES

WORKSHOP ET EXPO

Réfléchie Autonome Déterminée Prévoyante Passionnée

​2014 à MUNICH

05 08 1990 15 rue Goubeau 33800 Bordeaux http://leabillot. w i x . c o m / archit e c t e

leabillot@live.fr

- LINA BO BARDI EXPOSITION

- WORKSHOP MEMBRANE STRUCTURE

2012 à BORDEAUX

ATK WHORKSHOP -Organisatrice et directrice du pôle Sponsoring : financement du projet dans son intégralité. -Réalisation de l’exposition à Arc en rêve (CAPC de Bordeaux)


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EXPÉRIENCES PRO AGENCE RANDJA - Paris 1 an -Suivi du chantier de l’extension et de la réhabilitation cinéma Atalante de Bayonne synthèse et adaptation architecturale en phase rénovation -Suivi du chantier de la salle polyvalente d’Igny Mission complète( situation de travaux, compte-rendu, ...) et gestion des sinistres. -Concours dialogue compétitif du Cinéma-Théâtre Foirail à Pau. -Permis de construire du Technopole de St Lô.

2016

CHANTIER MERZEAU -Rénovation et extension d’une maison dans le centre de Bordeaux. -Projet, demande préalable et chantier avec participation.

2015

Février-Août ATELIER PROVISOIRE - stage 6 mois -Participation suivi du chantier du Foyer Jeunes Travailleurs Mérignac. -Phase Pro sur le Multiple Rural de Preignac. -Permis Modificatif / Maquettes et autres missions.

2012

Septembre-Février ADH -DOAZAN-HIRSCHBERGER- stage 6 mois -Participation au suivi du chantier du cinéma de Blaye. -Étude des 55000 Hectares de Bordeaux. -Concours du cinéma de Bayonne. ​ oût A R-STUDIO - J.E Roebben - stage 1 mois -Permis de construire maison individuelle. - Conception de maisons passives préfabriquées. -Architecte conseil au salon «Confor expo».

2011

Septembre MÉTAPHORE- stage 1 mois -Réponse aux appels d’offre. -Participation aux réunions de concertation et comité de pilotage.

2010

Février A2M - ASSISTANCE MAINTENANCE MÉTALLURGIE – Stage ouvrier


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L’intégration de Léa au sein de notre structure s’est faite tout naturellement, elle est formidable dans son travail et dans sa capacité à fédérer l’équipe. Quelle belle surprise cette capacité à intégrer, comprendre des complexités, puis à trouver les moyens, les actions pour les résoudre. Cette formidable aptitude chez une jeune collaboratrice l’a orienté sur deux chantiers difficiles, le cinéma de Bayonne dans sa région l’Aquitaine et Igny en région parisienne. Son implication dans les projets est totale. Nos maîtrises d’ouvrages louent son professionnalisme, son énergie, sa force de persuasion pour faire avancer des situations délicates voire parfois conflictuelles. Nous l’avons prolongé, c’est dire la confiance que nous lui portons ! Elle est intelligente, organisée, déterminée, cette force est une chance pour l’agence. Nous ne désarmons pas à la convaincre de rester chez nous à Paris. Léa découvre son métier, ces longueurs administratives, les contraintes des programmes jamais arrêtés, elle ne se décourage pas et continue à insuffler l’énergie nécessaire pour que nous aboutissions à de très beaux projets ! Nous sommes heureux de la compter parmi nous.

Farid Azib Directeur d’agence RANDJA


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/Fiche d’appréciation des tuteurs

Je n’ai pas directement collaboré avec Léa sur un projet. Toutefois, j’ai pu constater que, malgré sa courte expérience professionnelle, elle comprenait étonnamment vite et bien les situations pourtant complexes, voire décourageantes, dans lesquelles elle était contrainte d’évoluer pour assumer les responsabilités excessives, au regard de son expérience, qui lui avaient été confiées, et auxquelles elle ne s’est pas dérobée. Elle le doit à son implication totale dans le travail, là où elle aurait pu se contenter de rester en retrait – ce qui aurait été compréhensible. Elle le doit surtout à sa capacité de s’interroger en permanence pour comprendre les enjeux, même cachés, de chaque situation et trouver des solutions pragmatiques. Il lui reste selon moi à acquérir des méthodes au lieu d’avoir à les inventer à chaud, peut-être en collaborant dans une agence bien structurée et à accumuler de l’expérience, notamment des phases de conception. Il sera alors peut-être temps de réinvestir dans un exercice personnel l’ensemble de ses qualités et de ses acquis. Bruno Murawiec Chef d’agence RANDJA


Fiche d’appréciation générale – Directeur d’études 100

Laurent GOUYOU-BEAUCHAMPS – Directeur d'Études HMONP – ENSAPBx – 2016-2017

Léa BILLOT

– Agence Randja – Paris

Les premiers contacts que j'avais eu avec Léa en juin 2016, au moment où nous nous posions encore la question de savoir si elle pouvait réaliser sa formation HMO dans mon agence (ce qui n'a malheureusement pas été possible…), m'avaient laissé tout de suite une très bonne impression sur sa personne : Finesse, intelligence, ouverture d'esprit, volonté… ; Je ne m'étais pas trompé ! À défaut d'être son tuteur, elle m'a demandé de bien vouloir être son Directeur d'Étude, ce que j'ai bien entendu accepté immédiatement. Si je n'ai pas pu observer les qualités personnelles et professionnelles de Léa au sein de mon agence, les nombreux échanges que j'ai pu avoir avec elle en tant que Directeur d'Études m'ont permis de confirmer la formidable aptitude de Léa à s'impliquer totalement dans le travail qui lui a été confié par l'agence Randja et à assumer sans réserve les lourdes responsabilités auxquelles elle a été confrontée ! Les commentaires de son tuteur et d'un des collaborateurs de l'agence me l'ont confirmé : L'agence Randja lui a confié, entre autre, le suivi de 2 chantiers très difficiles à gérer compte tenu des problèmes rencontrés sur ces chantiers depuis plusieurs mois : Léa, par son opiniâtreté et sa volonté, son professionnalisme et sa force de persuasion, a tenu le cap pour tenter de résoudre des situations difficiles, en ayant l'intelligence de s'appuyer sur les personnes (représentants de la maîtrise d'ouvrage, OPC,…) qui pouvaient l'aider et la soutenir tout au long du suivi de ces chantiers. Léa a en effet une grande capacité à prendre du recul face à toutes les situations qu'elle rencontre et à s'interroger sur celles-ci pour en comprendre les enjeux et envisager les modes de résolution. Durant cette année de formation, j'ai pu de mon coté voir à quel point Léa sait se questionner en permanence sur l'engagement qu'elle s'apprête à faire en se lançant dans le métier d'architecte ; Au travers des échanges que nous avons eu plusieurs fois sur son expérience parfois difficile dans l'agence Randja, elle s'est posé des questions et a porté en même temps un regard critique et pertinent sur ce qu'elle vivait au sein de cette agence et sur ce qu'elle souhaitait vivre plus tard dans sa propre agence.

École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux 740 Cours de la Libération – CS 70109 – 33405 Talence cedex T +33 (0)5.57.35.11.00 – F +33 (0)5.56.37.03.23 – ensapBx@bordeaux.archi.fr – www.bordeaux.archi.fr


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/Fiche d’appréciation du Directeur d’études


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En janvier 2016, je me suis confrontée au réalité de la construction dans un projet personnel d’extension de maison. Si l’enseignement reçu auparavant m’a permis d’avoir un regard sur le monde, et sur l’espace, je n’étais pas prête à rencontrer, seule, les réalités de mon métier. Je ne possédais pas la mesure du travail administratif et des responsabilités qu’il énonce. Ce fut une confrontation intéressante et à la fois déstabilisante : Apprendre rapidement et seule sur le terrain à mettre en application les conseils reçus dans mon enseignement et mes stages, mais aussi me rendre compte de certaines difficultés et subtilités de la profession dans l’exercice de la maître d’œuvre. Pour ne plus subir le projet mais bien le diriger, pour ne plus me contraindre par mon ignorance, je décide de suivre cette formation. Il était alors essentiel pour moi de pouvoir maîtriser mon entrée dans la profession réglementée et d’être capable de m’épanouir en détenant toutes les compétences nécessaires. En faisant le bilan, je dirais que cette formation m’a apporter bien plus. je n’ai pas simplement acquis des compétences me permettant de faire mes premier pas dans le lancement d’une entreprise, mais j’ai aussi réalisé un retour critique sur la profession complète. Je confirme alors ma volonté de participer à l’acte de construire notre environnement en portant le titre d’architecte. Au sein de l’agence RANDJA, j’ai côtoyé une équipe jeune et dynamique,prête à partager son expérience et dans une totale implication dans la profession. A échelle humaine,l’agence permet alors de s’intégrer au mieux mais surtout d’échanger sur nos visions du métier en tant qu’architectes. La restructuration de l’agence durant mon année de mise en situation professionnelle m’a donné l’occasion de questionner les outils de la gestion d’agence pour améliorer notre travail et le rendre plus rentable. Farid Azib, le gérant, a été bien plus enclin à nous exposer les enjeux du management, de la facturation, du prévisionnel et du plan de charge qui assurent la pérennité d’une agence. Dans un autre cadre, au travers de mes projets principaux, se trouvant en chantier, j’ai saisi les réalités brutales de l’économie de la construction et de la réglementation. Que ce soit pour la synthèse d’une façade innovante, le respect des normes d’un cinéma, ou les risques de la mission EXE, je découvre que chaque trait dessiné est un pas vers la responsabilité. Le risque est omniprésent mais il faut savoir l’anticiper.


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/Note de synthèse de l’ADE

En parallèle, je prends conscience, des enjeux politiques qui influent sur une agence complètement dépendante du marché public. Aujourd’hui l’agence se tourne de plus en plus vers le privé pour assurer une indépendance financière et pouvoir pérenniser des postes. Déterminée à me diriger vers une conception responsable de l’espace et d’assumer le projet en tant qu’auteur, j’espère poursuivre ma formation vers des modèles inconnus : le réemploi, le participatif ou encore la création d’atelier d’accompagnement. Sans aucun doute, la HMONP est une formation qui me permettra par la suite d’être libre, et prête à saisir toutes les opportunités que la vie m’offrira. Léa BILLOT





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