Un infini désir de nous (An infinite desire of us)

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UN INFINI DÉSIR DE NOUS KIKA NICOLELA


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preface, par la présidente du centre culturel escale du nord

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autour de voisins, par kika nicolela

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un infini désir de nous, par raya lindberg

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tropique du capricorne : la lumière aveuglante des corps marginaux, par alessandra monachesi ribeiro

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face à face, par carla zaccagnini

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ceci est inconfortable, par arpi kovacs et gabrielle moser

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réalité augmenté, par paula alzugaray

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l’humanité des images, par livia flores

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textes critiques en anglais

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liste des oeuvres presentées dans l’exposition

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biographie


KIKA NICOLELA UN INFINI DÉSIR DE NOUS Maison des Artistes, Bruxelles 28 février - 31 mars 2019 avec le regard de Raya Lindberg


3 PREFACE

La Maison des Artistes d’Anderlecht est née de la volonté des responsables politiques locaux de créer sur leur territoire un espace dédié à la diffusion et à la rencontre autour de la promotion des arts plastiques. Au fil du temps, cette maison a évolué et s’est transformée pour répondre aux missions du Centre culturel Escale du Nord qui y organise des expositions, des visites mais aussi des ateliers créatifs animés par des artistes, des conférences, des projections, des débats ou encore des projets socioartistiques. Depuis 2016, ce lieu a pu également bénéficier d’une nouvelle dynamique en s’inscrivant dans le cadre du contrat de Quartier Durable « Biestebroeck » pour y développer son projet « Manufacture d’art ». Celui-ci vise à favoriser la proximité avec les habitants et à encourager la curiosité et l’envie de construire, avec eux, nos activités. La démarche de Kika Nicolela, s’inscrivait donc parfaitement dans notre politique culturelle. Parallèlement à l’exposition qui lui est consacrée, un projet de création avec les habitants du quartier a vu le jour. Voisins est un travail qui a été mis en œuvre en amont de l’exposition. Tant dans son travail de plasticienne que dans cette démarche, c’est la rencontre, la relation avec l’autre qui passionne cette artiste d’origine brésilienne vivant à Bruxelles. A partir de l’échange d’objets personnels et des portraits et histoires qui ont été filmés, elle est parvenue à tisser du lien entre toutes les personnes qui ont participé à la vidéo. Associations, jeunes des écoles, habitants qui fréquentent la Maison ont été nombreux à se prêter au jeu. Tout cela est à découvrir à la Maison des Artistes! la Présidente du Centre Culturel Escale du Nord


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Voisins, 2019 image de production Maison des Artistes, Bruxelles




7 AUTOUR DE VOISINS Kika Nicolela

Imaginer l’autre. L’autre comme un territoire de mystère. Le partage d’affects. L’échange d’affects. Un marché où les objets incarnent les fictions de l’autre. Des portraits vidéo qui offrent des histoires inventées – ou pas vraiment. Entre le Toi et le Moi, un espace fertile, gros de possibilités.

Quand j’ai proposé la création de Voisins à la Maison des Artistes, dans le cadre de l’exposition monographique un infini désir de nous, je cherchais une fois de plus à explorer cet espace ambigu entre mon identité et l’identité de l’Autre. Il s’agissait également d’essayer de dessiner un portrait vidéo d’une communauté. Dans ce cas, la communauté d’Anderlecht, commune de Bruxelles marquée par la richesse de sa diversité culturelle et la pluralité de sa population d’immigrants. J’avais déjà travaillé avec l’idée de témoignage à partir des objets personnels, notamment dans Tidelands (2010) et Time-Lapse (2010), mais c’est la première fois que je proposais un vrai échange d’objets. Pour Voisins, j’ai choisi une série d’effets personnels, chargés de mémoires et d’affects. Je n’avais pas anticipé complètement l’effet de ce processus chez moi et sa signification. Chercher, choisir et mettre ces objets à disposition des autres, dans une espèce de brocante individuelle, c’était un processus à la fois révélateur et exténuant. C’est dans un état de vulnérabilité singulier que j’ai reçu les participants du projet pendant deux semaines, dans un studio créé à la Maison des Artistes. Ma première surprise : le nombre de personnes prêtes à vivre l’expérience. 32 personnes. Des parcours très variés. Des gens qui ont donné leur temps, leurs objets et leurs histoires, souvent dans un état de vulnérabilité aussi latent que le mien. Des personnes qui n’ont presque pas hésité à rester seules face à la caméra, avec rien d’autre pour leur soutenir que l’objet choisi dans leur main.

5-6 Voisins, 2019 installation, deux vidéos projetées sur socles et objets captures d’écran


8 Après, l’autre surprise : le pouvoir que les objets détiennent. Les objets que j’ai apportés sont devenus des réceptacles pour les souvenirs et le vécu d’un autre, d’un inconnu. En tenant ces objets-témoins liés à mon enfance, à mes rêves ou à mes échecs, ces objets qui ont appartenu à mon père, à ma grand-mère, à moi-même, les participants se sont laissés glisser vers leur propre passé. D’une façon puissante et instantanée, mes objets les renvoyaient à leurs douleurs, à leurs amours et à leurs histoires. Lors d’un précédent projet, Media Memory Collection, la chercheuse et psychanalyste Alessandra Monachesi Ribeiro a écrit un texte critique dans lequel elle souligne un élément essentiel de cette œuvre : quand nous plongeons dans les mémoires des autres, nous nous rendons compte qu’elles sont constituées d’une substance qui est commune à tous et par conséquence sans importance en soi. Elle continue en disant que plusieurs de mes œuvres explicitent ce manque d’importance intrinsèque, notre insignifiance en tant qu’êtres singuliers. Cette idée semble extrêmement dérangeante. Pourtant, Ribeiro développe son propos de manière fascinante à mes yeux : « le risque de l’image / mémoire récupérée est la révélation de cette banalité. Mais c’est aussi sa plus grande opportunité, car elle nous libère du poids de l’extraordinaire et nous permet de trouver, dans ce qui est le plus banal, quelque chose qui nous sensibilise face à l’autre. Et cela contemple dans sa fragilité la nôtre, nous présentant un miroir grossier, flou et imprécis pour nos propres fictions ». Si Voisins constitue un projet tout à fait différent de Media Memory Collection – le premier se concentre sur la collection d’objets, et l’autre sur la collection de vieux films de famille – il est vrai que ces deux séries abordent cette même question. Ce qui me touche le plus dans Voisins, ce sont les clichés que nous portons tous et auxquels nous nous accrochons comme à des trésors. Ils sont peut-être le signe de notre humanité et une façon de nous lier les uns aux autres. Alors que nous vivons un temps où, pour des raisons politiques, la fiction d’un Autre qui fait peur est construite de toute pièce, ce qui s’est révélé dans Voisins est déjà quelque chose de précieux.




11 UN INFINI DÉSIR DE NOUS Raya Lindberg

La caméra est cet intense vecteur de relations qui, alternativement, peut faire vivre, ou mourir, un monde et ses occupants. Dans Flickering où la flamme fragile d’une allumette fait apparaître et disparaître son visage à l’écran, Kika Nicolela pose d’emblée cette ambiguïté manifeste de l’image. L’échange entre soi et la caméra en quoi consiste-t-il ? Si l’on considère qu’il est cet espace interstitiel, où la configuration matérielle de l’espace et la réalité intime et sociale de l’individu se rencontrent, à quel type de transaction et de relation sommes-nous conviés ? L’espace « interstitiel » signifie qu’une frontière n’est pas une limitation stricte, avec un passage direct du dedans au dehors, mais plutôt un espace flou, où l’on n’est, ni chez l’un ni chez l’autre. Cette indétermination permet des expérimentations qui ne seraient pas possibles dans des espaces plus marqués. La métaphore de la lisière ; on n’est plus dans le bois, sans être déjà dans le champ, figure un espace, où se rencontrent des individus « hybrides », en train de fabriquer leur identité. Il s’agit dans ce cas de transition entre un état et un autre. Allumer le regard pour une durée limitée, même si elles en confessent le risque et la violence, les prostituées trans de la vidéo Tropique du Capricorne — dont le titre s’inspire de la ligne démarcation géographique entre São Paulo et Rio de Janeiro — leur permet de s’aventurer dans une zone d’expériences libre. L’espace-cadre mis en place par Kika Nicolela réinvente à la fois la limite (la chambre d’hôtel, le lit où s’allonger, le projet artistique, le tournage) et une situation nouvelle d’échange dans la rencontre, où l’interlocuteur n’est plus le client, mais une caméra. Accrochée au plafond, la caméra filme ainsi le corps à vendre, parce qu’il est d’abord un visage et une voix. Ce retour à une image, valorisée et valorisante, fomente une mise en scène du désir, non plus interrompue par le tempo de la passe, et la référence à la valeur économique de l’échange, mais concernée par la question extrême de l’utilité sociale des travailleuses du sexe, et de leur émancipation de la norme du genre. De sorte que la reconnaissance permise par l’image de l’individualité du sujet trans, augure sa possible réintégration sociale au sein de la société brésilienne.

9-10 Flickering, 2009 vidéo, 02min45sec captures d’écran


12 Ce va-et-vient de la séduction marchande, et non marchande, Kika Nicolela en fait l’expérience pour elle-même, dans What do you think of me? La possibilité donnée à des spectateurs finlandais de la filmer, tout en procédant à la description précise de sa personne, marque une autre frontière, faite de peur et de curiosité, dont le désir n’est pas exempt. Cette ligne aussi véritable qu’imaginaire, entre filmeurs et filmée, est concomitante d’un autre paradigme, celui de l’entre-soi familier, tel qu’il est remis en question par la présence d’un autre, a fortiori, étranger. Pour le souligner schématiquement, le Nord en vient à regarder le Sud, avec ses a priori culturels, ses affinités électives, la suprématie de son économie et de ses valeurs. Sauf que la domination préexiste également du côté de l’artiste, surplombant son public de son pouvoir démiurgique. Kika Nicolela, par le choix fragile de s’offrir telle une œuvre littéralement à voir, et à commenter, renverse le rapport — puisque c’est au spectateur de tenir la caméra et de parler — A parts égales, la variabilité des critères de la différence et de l’altérité, s’abîment en un « nous » qui s’invite, et qu’on pourrait résumer ainsi : « Que penses-tu de moi, quand tu y penses ? » Ce qui pourrait demeurer alors une confrontation conflictuelle apportée par le dispositif : regardeur regardé, engendre alors, parce qu’agencé autrement, une transformation du face à face de la rencontre, en un « penser avec » que Kika Nicolela induit chez son hôte. L’identité est cette définition de soi, que l’on peut affirmer et enfermer, ou en revanche dont on peut étendre les contours interminables, par l’exploration de ses bords. The Film that is Not There de Kika Nicolela figure une autre relation à soi, sous la forme propre au casting de cinéma. Ce circuit caché de la fabrication d’un film fait d’essais, de répétitions, et non de résultats, est également celui de la gymnastique de l’acteur : être une, et mille personnes à la fois. Cette démultiplication des identités, que l’acteur expérimente sans demeurer dans aucune, est accentué par les plans en miroirs dans la vidéo, faisant qu’est rendu tangible le heurt existant entre un acteur et son reflet, entre un personnage et sa conscience, entre une œuvre et sa représentation publique. Autrement dit, ce film n’est pas un film, et plus encore, il ne montrera pas, bien qu’il l’imagine, le chiasme entre la visibilité de la forme, et l’invisibilité de l’intériorité. Un film qui fuit finalement devant son objet— a fortiori le récit qui raconte le réveil dans un hôpital d’un personnage devenu amnésique — pour se déployer seulement à partir de son indice. Ce dernier marquant l’écart entre l’idée du film et sa réalisation,


13 mais également entre ce qui se voit, et ce qui se dit. Le texte joué dans des langues dont l’expressivité et la sonorité sont particulièrement non-apparentées: Le Portugais brésilien et l’Allemand participent de ce dédoublement de la réalité devenue une représentation. Il en est de la création esthétique, comme de cette question réitérée au public: aimes-tu ou pas ? Pour cette raison même, le musée, lieu emblématique du plaisir esthétique, Kika Nicolela pour Face à Face, en a fait le terrain d’une interrogation sur l’amour. Alors que leurs visages défilent à l’écran, des visiteurs pensent devant une caméra allumée à ce que signifie pour eux le sentiment amoureux. La présence de la caméra, amenée là, par Kika Nicolela, incite chacun à suivre son propre monologue intérieur, pendant que le ralenti des images sur l’expression de leurs visages, et le chant murmuré de leurs voix multiples, prend la forme vivante et élargie, d’un espace où présence et conscience, ne font plus qu’un. Partager ce qui n’est vu que par l’autre, et qui se révèle alors à soi, n’est-ce pas pouvoir assembler le dissemblable, révéler la concorde dans la discorde ? Dans le huis clos étouffant d’Actus, l’individualité de chacun des protagonistes est absorbée par le paradigme conjugal. Kika Nicolela recompose ainsi une existence ordinaire comme les pièces d’un puzzle d’images apparemment semblables, qui révèle des vérités contradictoires. Des scènes identiques peuvent ainsi se révéler sensiblement autres, suivant ce paradoxe, que du même, surgit parfois, du différent. À partir des gimmicks perpétuels du couple, Kika Nicolela, déroule alors l’envers du décor de nos vies banales, leurs fils secrets, tout en cherchant leurs points de raccordement. Qui sommes-nous? Des visages, des corps, des voix, des présences, des silences. Lorsque ne subsiste que la confusion de paroles lointaines, ce qui demeure au-delà des significations, est sans doute finalement ce moment performatif d’Actus, où ne se résout pas la question de savoir si c’est l’amour, ou le gâteau d’anniversaire, qui est gâté ou pas. Une autre des variations du théâtre intime amené par Kika Nicolela est le projet Voisins. Alors que leurs mains touchent des objets appartenant à l’artiste, ou leurs propres objets, des hommes et des femmes, laissés


14 seuls face à la caméra, se racontent à travers cette présence inanimée. Leurs histoires avec ces choses sont des morceaux mis à jour de leur vie intime. Elles construisent une sorte de mémoire commune entre l’artiste et son public : un « nous » infini, eu égard aux partages des objets, et des récits. Il en est de la vie qui nous entoure comme de notre rapport aux objets quotidiens, une insignifiance apparente. Celle-ci pose cependant, un préalable : un sentiment d’appartenance qui dit : « Je ne veux pas oublier ». Toutes les histoires dont nous sommes faits, et dont nous sommes les garants, se fondent sur une disparition inaugurale: d’un lieu, d’un être, d’un projet. Cet espace vide est le point de départ récurrent de la fiction, faisant d’une expérience vécue, parfois niée ou oubliée, un paysage de la mémoire indéfini, et complété, par le récit. Sur l’île de Daebu en Corée du Sud, la question est posée de savoir, comment une terre qui nourrit, est devenue une terre dévastée, où la mer n’arrive plus. Avec Tidelands Kika Nicolela a filmé les témoins d’un temps d’avant la construction de la digue, qui a transformé, non seulement le territoire de la mer, mais encore l’économie locale, fondée sur la pêche à pied. Pour ces travailleurs désormais mis au repos, il ne reste que les outils et les vestiges de la vasière. De cette grisaille, Nicolela a fait un documentaire méditatif sur le passage du temps, attentive aux marées ascendantes et descendantes, au vent matinal dans les roseaux. Pour faire barrage à l’indifférence dont elle est parfois l’objet, la nature s’est mise à rayonner ailleurs, et autrement. Kika Nicolela pour ces portraits des témoins de la déliquescence d’une île appauvrie par l’industrialisation, s’est attachée à filmer un piolet, une bassine, un râteau, des outils aux mains des témoins, ou à proximité, qui oppose leur précaire résistance à l’effacement progressif du passé. Construire une mémoire de la mer, est-ce comme se le demande un pêcheur, savoir où l’on devrait commencer une histoire, et où elle devrait finir ? Le même qui conclut que dans le doute, il reste des divagations, qui vont bien avec l’essence de la nature. Ce laisser faire malgré la barrière de la langue, offre sans doute, le meilleur des laissez-passer pour regarder une fois encore, pour Kika Nicolela, vers ce qui lui est aussi proche qu’étranger, intimement. Février 2019 Raya Lindberg est auteure et critique, enseignante en Philosophie de l’art et en littérature en école supérieur des arts en Belgique. Directrice artistique de espace p( )tentiel.




17 TROPIQUE DU CAPRICORNE: LA LUMIÈRE AVEUGLANTE DES CORPS MARGINAUX Alessandra Monachesi Ribeiro

Le tropique du Capricorne est une ligne imaginaire au sud de l’équateur qui crée, avec le tropique du Cancer, une zone géographique au cœur de laquelle le soleil apparaît à la verticale du sol au moins une fois dans l’année. Au-delà de ces lignes cela n’arrive jamais, ce qui fait qu’on n’y voit jamais le soleil au zénith. Les portugais disaient, à l’époque de la colonisation des « Indes », qu’il n’y avait pas de péché au sud de l’équateur. Sur la route du sud, à la rencontre du tropique du Capricorne et de toutes les richesses du « nouveau monde », tout était permis et pardonné, y compris l’adultère, le viol, la violence, l’assassinat, le massacre, le vol, le pillage et toute sorte de gestes condamnés par les consciences chrétiennes partout ailleurs. Au sud de l’équateur, au-delà de la limite de la loi, lorsque le soleil arrive au zénith, on se retrouve face… aux corps, les corps nus des « Indiens ». Ces corps nus troublent. Ces corps dénudés, dévoilés, dévoilent au fond les secrets du corps de ceux qui arrivent tout autant que de ceux qui se montrent nus. Empreints d’une morale religieuse qui inhibe tout ce qui a trait au corps, ils ont plus à découvrir et à dévoiler que ces Indiens nus… Les corps sous les tropiques offusqués par la lumière presque sans zone d’ombre en montrent tellement qu’on risque l’aveuglement. L’aveuglement sur ces corps, sur la vérité de ces corps nus et des nôtres. Que dévoilent ces corps dévoilés et « déviolés » sous les tropiques ? Nous voici devant une chambre, un lit, une caméra. Le lit. La caméra enregistre. Elle invite à s’y allonger et à parler. Que faire d’autre lorsqu’on nous capte dans la rue et qu’on nous offre de l’argent pour qu’on aille dans un hôtel d’une autre époque, dans une chambre de cet hôtel et qu’on y reste en toute solitude, ayant pour seule compagnie une caméra fixée sur le plafond et comme seule consigne celle de rester sur le lit ? Hier, c’était le colonisateur porteur de l’illusion d’avoir découvert un nouveau monde, qui existait bien avant qu’il ne le « découvre » qui, en posant le regard sur nos corps, nous a imposé la violence de le couvrir et de cacher tout ce qui était à nu. Là, c’est le regard froid et omniprésent de la caméra, notre nouveau colonisateur, qui s’y fixe et qui nous impose la violente consigne de nous dé-couvrir. Qu’auront-nous à lui montrer ?

15-16 Tropique du Capricorne, 2005-2017 installation avec vidéo sur téléviseur vertical et lit, 30 min en boucle captures d’écran


18 C’est là que l’artiste Kika Nicolela invite quatre travesties, sur ce lit, dans cet hôtel, devant cette caméra. Dans ce quartier chaud et décadent du centre-ville de São Paulo, où la prostitution est l’activité commerciale du soir, dès que les boutiques sont fermées et que les rues se vident, siège cet hôtel baroque devenu décadent. L’artiste les invite à monter dans une chambre et à y rester, sur le lit, dans la seule compagnie d’une caméra qui va tout enregistrer. Le temps et le prix fixé, c’est un nouveau regard qui se pose sur le corps. Au lieu du « couvre toi » du personnage rassurant qu’elles ont pu construire tout au long de leur existence pour faire face à cette chambre d’hôtel, à ce lit, à cet argent qui paie le prix d’une soumission aux consignes et au désir de l’autre, elles se retrouvent dans un scénario presque « habituel » dans l’obligation de… se « dénuder ». Est-ce que ce n’est pas trop attendre ou bien trop demander ? Une fois la proposition acceptée et l’argent reçu, voici qu’elles s’y allongent, chacune à son tour, confrontées à la caméra et à la contrainte déstabilisante de faire et d’offrir ce qu’elles veulent. Comment se fait-il que cet autre omniprésent puisse commettre l’imposture de nous laisser « libres » de faire ce qu’on « veut » ? Que veut-on finalement ? Elles hésitent, intimidées. Elles essayent les masques, les gestes et les mots pour lesquels elles ont toujours été sollicitées. Sans bouger, sans dévier, sans indicateur de fonctionnement, le regard omniprésent reste là, impassible. Elles s’agitent, l’une trouve son échappatoire en appelant un pote au téléphone pour lui raconter l’inattendu de sa situation. L’extraordinaire les transpercent, leurs regards semblent percevoir le nôtre, voyeurs de l’autre côté de l’oeuvre finie et exhibée au public. Elles nous regardent droit dans les yeux de la caméra, nous, les voyeurs, les gens « bien » que nous sommes, confrontés à l’exhibitionnisme des marginaux et des exilés de la société, qui ne « méritent » pas notre considération et… elles parlent. La mise à nu c’est la parole de ces travesties et ce qu’elles dévoilent. Dépositaires de toutes sortes de zones d’ombre des gens « normaux », une espèce de poubelle en chair et en os pour tout sorte de déchets que chacun garde bien cachés dans un coin profond de son placard et de son désir inconscient, dans la chambre sombre de cet hôtel décadent elles font fonction de lumière des tropiques. Et ce qu’elles éclairent c’est la surprise, la violence, l’espoir et le désespoir du registre sexuel. Le sexuel, Freud l’avait déjà mis à nu, c’est lui le moteur du psychique, l’animateur de l’humain, le propulseur de toute quête de satisfaction, qu’elle devienne acte sexuel ou culture. Le sexuel c’est le combustible qui nous fait bouger, qui crée des demandes sans cesse, nous obligeant à inventer des réponses à ces demandes. C’est lui qui creuse en nous les marques et l’intensité de ces demandes qu’on appelle le désir, faisant surgir un relief plein d’immenses zones d’ombre dans lesquelles on dépose ce qui


19 du désir doit rester hors de portée. C’est ça l’inconscient, cette zone d’ombre où notre combustible se dépose en réservoir et en inspiration de toute action, de tout geste, de toute construction soit elle psychique ou tournée vers une action sur le monde. Ces travesties, analogues incarnées dans le corps d’un autre de cette zone d’ombre qui anime et qui agite notre psychisme, ces dépôts des déchets qu’on préférerait ignorer parlent. Elles parlent, celles qui n’ont jamais de voix ni de légitimité conférée à leur discours, celles qui d’habitude s’allongent, se taisent et subissent, parfois jusqu’à l’annihilation de leurs corps. Elles, « lieu » où on dépose le plus sombre, le pire et le meilleur de soi, deviennent une chose dont on peut disposer pour notre seul plaisir. Les travesties sont celles qui, de par leur marginalité, autorisent qu’on y dépose tout et qu’on dispose de tout. Et voici qu’elles apportent la lumière sur leur étonnement à propos du sexuel. Le sexuel freudien c’est l’enfantin, le pervers polymorphe du tout début avec lequel chacun / chacune construit l’étoffe de son corps, de son psychique, de son inconscient et de son désir. C’est le point de départ pour un parcours singulier qui mène chaque sujet à être ce qu’il est. Ce sexuel qui n’a jamais cessé de perturber les bonnes consciences depuis que Freud les a mises à nu, créant contre la psychanalyse toute sorte d’objection. Contre elles, les travesties, les objections se déversent dans l’abjection. L’abjecte de leurs corps ambigus dévoilant toujours l’ambigüité du sexuel qui ne se laisse jamais encadrer par l’organique. Il glisse autant qu’elles glissent sur les draps du lit de cet hôtel. Il s’agite, elles s’agitent, il convulsionne, elles convulsionnent, il angoisse, elles angoissent… Ces travesties incarnent la zone d’ombre du sexuel freudien. Et de ce fait, elles incarnent aussi la jouissance autre de Lacan, celle du féminin qui échappe à toute raison, à tout ordre, à toute symbolisation et à toute tentative d’encadrement. Elles échappent, le sexuel échappe, on échappe vers l’ombre dès que la lumière arrive pour tout éclairer. Sous le tropique du Capricorne, elles parlent de l’étonnement du sexuel. Les hommes, ceux qui les cherchent sur les trottoirs de ce centre ville, ils leur présentent le plus secret, le plus intime de leur zone d’ombre. Cela échappe à la pornographie où le sexuel apparaît prenant l’aspect du joli éclairage des divers désirs toujours satisfaits. Non, ce n’est pas de la pornographie ni la satisfaction complète des désirs au prix de l’objectification de l’autre. L’étonnement du sexuel c’est justement ce « plus », le « plus de jouir » lacanien qui tombe dans le vide, dans le « pas complet », dans le « pas satisfait », dans le « pas-toute ». Ce qui surprend c’est le sexuel dont le plaisir flirte avec la souffrance. Et c’est leur souffrance et l’extrême vulnérabilité de leur vide de sens que ces hommes déposent sur leurs corps. D’où leur étonnement.


20 Lorsque ces travesties se mettent à nu devant le regard sans pitié de la caméra de Kika Nicolela, elles dévoilent la souffrance, la solitude et le vide angoissant de ce sexuel censé être plaisir et bonheur. Elles donnent à voir leur plus intime ambiguïté, celle de leur corps, celle de leur sexe, celle de leur façon d’incarner le dépositaire du sexuel de l’autre, de l’ambigu du sexuel de l’autre, de son vide, de son manque, de sa quête sans fin. Et cela, pour les yeux voyeurs des gens « bien » ne peut provoquer autre chose qu’une troublante surprise. On est pris au piège d’aller chercher la satisfaction de nos désirs ailleurs, là où toute personne se permet de les déposer… et on revient touchés par l’humain de cette zone sombre de douleur, d’angoisse, de vide et de désespoir. Sous les tropiques où on s’attend à retrouver l’autorisation de mettre à nu toute zone d’ombre dans le but de la consommer, de la jouir, voici qu’on y arrive les yeux et la bouche grande ouverts et qu’ils brûlent. On brûle du fait de cette lumière aveuglante de ces corps nus, de ces corps dénudés et autant de fois violés pour notre seul plaisir. On brûle du fait de ces corps qui parlent, les premiers ayant été les corps parlant des hystériques de Freud. On brûle et ce n’est pas l’incendie fort agréable auquel on songeait. Cela brûle et ça fait mal. Sous le tropique du Capricorne, les dépôts de la jouissance de l’autre font incendie par leurs mots.




23 FACE A FACE Carla Zaccagnini

Les contenus de la dimension de l’amour, qui jalonnent les limites du compréhensible et du dicible, ont tendance à remettre en cause la validité de toute représentation artistique. Je pense encore à Fernando Pessoa et au poème dans lequel il se lasse des symboles et veut le bonheur concret de la couturière qu’il voit debout dans un coin, attendant le retour improbable du petit ami qui l’a abandonnée. Il n’y a pas de symboles à comparer avec la joie que seule elle pourrait ressentir si, fatiguée d’attendre, elle le voyait revenir. Cependant, une partie de cette joie, qui peut ne jamais être remplie, peut être devinée ou construite dans le poème de Pessoa. Lorsque Nicolela donne sa liste de questions aux visiteurs et les invite à y répondre devant une caméra, dans une salle réservée, mais toujours à l’intérieur de l’espace d’exposition, elle demande beaucoup. Et il y a plusieurs moments de suspension et de silence qui ponctuent les réponses. La vidéo montre seulement ces images silencieuses. L’un après l’autre, les visages des personnes interrogées se suivent pensivement, sans paroles, dans des moments de doute et d’hésitation agrandis et additionnés dans le montage. L’image montre ce qui n’est pas dit. Le son — qui sort d’une enceinte, parfois d’une autre — entrecroisent les réponses. Tout ce qui tente de définir l’amour, si l’amour libère ou emprisonne, si on aime, si un autre n’aime plus. C’est curieux comme les réponses résonnent et se répètent ; la somme des particularités conformant l’universel. Ou peut-être ce qui est appris en tant que valeur universelle façonne nos opinions et nos attitudes, même dans les domaines les plus intimes. Je me demande encore : et si Fernando Pessoa remettait le poème à la couturière pour qu’elle puisse l’envoyer à son petit ami si elle le voulait ? Et si il le laissait voler par la fenêtre pour qu’elle puisse le retrouver aussi et se reconnaître, surprise ? Serait-ce aussi une joie de voir sa vie de cette façon, vue de l’extérieur, importante pour un étranger comme le cycle du jour et de la nuit ? Est-ce possible ?

21-22 Face à face, 2006 vidéo, 15min en boucle capture d’écran


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Face à face vue de l’installation Space Invaders, Gallery 1313, Toronto, 2007




27 CECI EST INCONFORTABLE Arpi Kovacs et Gabrielle Moser (extrait)

What Do You Think Of Me ? (Que pensez-vous de moi ?) a été créé lors d’une résidence à Turku (Finlande) en 2009, où l’artiste a demandé aux visiteurs d’une galerie de la filmer avec une caméra vidéo et de raconter leurs impressions en finnois. Leurs réponses vont de compléments sincères et ringardes à un exotisme vaguement raciste. Comme la barrière de la langue empêchait Nicolela de comprendre immédiatement leurs commentaires, elle se tenait devant chaque spectateur, complètement inconsciente de leurs perceptions et ne pouvant répondre qu’à leurs sourires, leurs rires et leurs autres gestes gênés. À son retour chez elle, l’artiste a fait traduire les commentaires en anglais et les a incorporés en tant que sous-titres à ce qui avait été filmé, qui nous est présenté de manière séquentielle et apparemment non édité dans sa forme finale. Les pauses qui ponctuent les commentaires rappellent aux spectateurs les circonstances absurdes qui structurent la rencontre. Pourtant, malgré la superficialité des interactions, certains commentaires restent réfléchis et mettent en avant la fonction du langage comme moyen principal d’interaction. La voix d’un jeune garçon qui semble avoir du mal à faire fonctionner la caméra, par exemple, est remarquablement sérieuse dans sa réponse: “Le Brésil, c’est ... je n’ai pas beaucoup d’informations sur le Brésil. Et je ne connais pas grand-chose à leur culture parce que nous n’avions pas encore eu ce cours d’histoire.” En revanche, les voix plus matures sont indirectes et déconcertantes dans leur ton. Une femme semble préoccupée de déterminer la “vraie nature” de Nicolela par son apparence physique, se demandant à voix haute si “peut-être nous sommes-nous rencontrées dans une autre vie”. Une voix masculine, d’autre part, semble désintéressée de tout, sauf de l’apparence physique de l’artiste, la décrivant comme noir et chaleureuse, “comme le café brésilien”. La documentation révèle habilement le rapport entre langage et pouvoir, ainsi que le rôle direct que le langage a joué — et continue de jouer — en inscrivant les notions coloniales de sexualité et de caractère national. La structure relationnelle de What do you think of me ? découle non seulement des interactions entre l’artiste et le spectateur de

25-26 What do you think of me ?, 2009 vidéo, 16 min en boucle capture d’écran


28 la galerie, mais également de l’enregistrement et de la reproduction de ces rencontres pour le spectateur de l’œuvre finale, qui réanime le geste original de Nicolela: la vulnérabilité. Bien que Nicolela occupe l’écran, sa voix est rarement entendue. Ce sont en fait ceux qui utilisent la caméra qui contribuent au récit qui définit la vidéo, et pourtant nous ne pouvons pas voir ses sujets quand ils parlent. Nicolela n’utilise pas de fonctions vidéo connues telles que la distorsion, la répétition ou les retards pour rendre les voix plus énigmatiques, mais permet aux limites du support de créer un déséquilibre gênant entre ceux qui peuvent parler et ceux qui ne peuvent être vus. Nous souhaiterions peut-être que les orateurs soient aussi exposés et vulnérables que l’artiste, mais la vidéo de Nicolela nie ce type de transparence et s’ouvre aux rencontres sociales parfois conflictuelles et inconfortables entre l’artiste et ses sujets, souvent non résolues.

Whatdo doyou youthink thinkof ofme me?? What vue de l’installation vue de l’installation Green, Green, Blue Blue ≠ ≠ White, White, Blackwood Blackwood Gallery, Gallery, Toronto, Toronto, 2013 2013




31 REALITÉ AUGMENTÉ Paula Alzugaray

Actus est un essai sur la circularité, un dispositif méta-critique, qui défie la condition immersive du cinéma. Dans l’installation audiovisuelle de Kika Nicolela, deux dynamiques discursives sont développées sur trois écrans. Sur l’écran plus large, un plan général présente un couple qui s’engage dans une discussion. La situation est filmée dans un plan-séquence qui favorise la perception de celle-ci par le spectateur en temps réel. La discussion se dirige vers un point culminant puis revient à la phase initiale. À chaque reprise du débat, la caméra adopte une attitude plus incisive et devient, dans son indiscrétion, un personnage. Dans le troisième cycle de discussions, elle devient agressive, sortant des limites du cadre conventionnel et rompant avec les projections imaginaires de l’espace cinématographique. La caméra en rotation plonge dans l’espace illusoire, le dévoilant complètement. En quittant le cadre, non seulement la caméra révèle le plateau de tournage mais également l’espace occupé par le visiteur. La circularité sert le discours : une relation vicieuse. Et la quantité de vernis à ongles rouges essayés par le personnage féminin est proportionnelle aux boucles que l’histoire fait. Avec cette manœuvre, l’artiste manifeste son intérêt pour les processus d’identification au cinéma : comment le spectateur se projette dans l’image. Le discours produit dans les écrans latéraux intensifie le questionnement sur la distance que nous gardons aux images. De retour à la condition sans équivoque de l’observateur, nous sommes plongés dans une grande intimité à l’image, inhabituelle dans la vie quotidienne. Dans l’élargissement des mouvements du visage des deux personnages — trois minutes converties en dix-huit par une caméra à grande vitesse — on atteint un champ de subjectivité qui n’appartient pas au réel, au fictif ou au documentaire.

29-30 Actus, 2010 installation avec 1 vidéo sur téléviseur et 2 vidéos sur cadre numérique capture d’écran


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Actus captures d’écran




35 THE HUMANITY OF IMAGES Livia Flores

The film that is not there – Le film qui n’est pas là. Personne ne vient sans en être averti, étant donné que le titre est annoncé dès le début : le film n’est pas là où il devrait être – sur l’écran d’une salle de cinéma, d’une télévision ou d’un ordinateur – ni ici où il pourrait être – un musée, une galerie ou tout autre lieu légitimé par l’institution artistique. Depuis quelques décennies, les expérimentations sur le déplacement qui redéfinissent l’image cinématographique sont les plus diversifiées. Le titre va au-delà : il ne dit pas qu’il n’y a pas de film, au contraire, il affirme son état de ne pas être en tant que qualité distinctive – le film qui n’est pas – soulignant à la fois l’absence de sa place constitutive et sa condition d’accomplissement. En d’autres termes, son mode d’être ne peut pas être circonscrit, mais il ne peut être confondu avec un mal être. Malgré les racines communes, ou, pour mieux dire, l’absence radicale de topos, la condition atopique dans ce cas ne porte aucune trace d’utopie – ni de surprise ou d’ironie. L’artiste du XXIe siècle est tout à fait conscient que sa responsabilité se limite à une fraction du travail, précisément à la partie antérieure au regard qui le constituera en définitif – le regard de l’autre. La double relation est au cœur du travail de Kika Nicolela. L’artiste ne renonce pas à son métier pour installer l’œuvre-film, elle le traduit dès le début sous la forme d’un dialogue virtuel entre têtes parlantes et têtes pensantes. Nous réfléchissons, lisons et discutons avec des images tout le temps. C’est ce que nous ferons explicitement ici, comme nous le faisons partout, mais sans le savoir. Le film-qui-est-pas-là compte avec l’implication mutuelle entre le spectateur et le travail, le voyeur et le modèle, le spectateur et le cadre, largement soutenu par l’expérience centenaire du cinéma et de ses développements. Intégrons-y des utilisations spectaculaires (et en miroir) des mécanismes de projection. Le travail emploie ses opérations de contrebande, ses détours subtils, à travers des brèches installées au cœur de cet appareil fonctionnel et extra-médiatique : la dérive même des jeux identitaires. Des image-nœuds. Un film planétaire, un feuilleton

33-34 The film that is not there #2, 2012 dyptique vidéo captures d’écran


36 international, un mélodrame interprété par différentes races, peuples et idiomes, tous à l’unisson, conscients du Théâtre tout puissant. Utopie ou ironie ? Comment saisir le sens dont la direction nous échappe ? nous qui sommes à la fois conscient et incrédule ? Nous savons très bien que tout cela est une mise en scène, mais quel désir intense d’établir la véritable version de cette fiction nous pousse à l’essayer à nouveau ? Pensée comme tentative et tentation – le vieux dictat de Nietzsche en prouve l’efficacité maintenant, en échange de rien, un simple drame banal sur fond sombre. Le contrepoint à l’atopique est le lieu commun, permettant la prolifération (à l’hôpital, en prison, dans la chambre) de non-lieux construits par le discours. Nous reconnaissons ce que nous ne savons pas ; tout résonne. Dans le périmètre angulaire installé à l’intérieur du palais moderniste, résonne peut-être le musée, l’hôtel de cette autre île déserte, dont la réalité est la langue. Tout ressemble à du déjà-vu. Rien n’adhère à rien. En vain, une motivation architecturale: oui, nous devons distribuer des espaces, restaurer des syntagmes cassés, pour rassembler les fils cassés. Mais la promesse de sortir de ce labyrinthe de miroirs inégaux n’est jamais remplie. Qu’il s’agisse d’un état vierge, chaque miroir divise – et multiplie. Nos images nous rendent confus. Chaplin le souligne gracieusement dans les premières scènes de The Circus, traduisant en gags le choc entre les deux versions de l’imaginaire proposé par Blanchot. Au point exact où ils se divisent, le non-sens trouve l’impossibilité la plus absolue de sens. “Le semblable, semblable au degré absolu, est à la fois perturbant et merveilleux. Mais similaire à quoi est-ce similaire? A rien”. Dans Six personnages à la recherche d’un auteur de Pirandello, les acteurs jouent le rôle d’acteurs et d’autres jouent des personnages. A la fin, Pirandello suggère l’utilisation de masques spéciaux et personnalisés, “fabriqués dans un matériau qui ne se ramollit pas avec la transpiration mais qui reste néanmoins léger (…) et façonné de manière à laisser à l’air libre les yeux, le nez et la bouche”. À partir de cette annotation, il serait possible d’imaginer des masques que le pouvoir d’adhérence rend indiscernables du visage qu’ils recouvrent. Le titre utilisé pour l’anthologie de son œuvre théâtrale, Naked Masks, semble résumer une série de questions et de paradoxes explorés par Kika Nicolela dans ses propositions esthétiques.


37 Qu’il s’agisse d’expérimenter l’image de la chaleur d’une allumette allumée près de la peau (Flickering, 2009) ou de confronter côte à côte les micro-variations expressives de la jeune et mature Liv Ullmann (Poème de l’extase, 2006), comme si le ralentissement radical du mouvement pourrait contenir son “fonctionnement” dans la pellicule. Sous-cutané était le titre du film qui n’est pas là avant son existence. Sur les marges. Dans la série intitulée Distant Affinities, Kika s’expose au regard de l’autre en recherchant l’image-être en tant qu’étrangère (d’ailleurs) et nomade (de nulle part). Le film n’est peut-être pas là, mais la caméra est toujours là. Sa présence est explicite, inévitable, qu’elle soit un bouclier ou un prétexte pour le contact, négociant des subtilités, des menaces et toutes sortes de fantasmes – image fantasmatique, masques imperceptibles que nous imposons au non-moi. Les images de Kika Nicolela possèdent une propriété frappante : elles inversent le sens du regard, mais elles nous déplacent également de notre position. Nous sommes capturés par l’image de l’objet sur lequel la caméra est dirigée, mais invariablement un œil intérieur – que nous ne pouvons pas voir – se tourne vers lui : centre absolu, irradiation pure. Personnage principal, témoin et persécuteur. Voix sans corps. En otage de son pouvoir, nous lui prêtons le nôtre.


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The Thefilm filmthat thatisisnot notthere there vue vuede del’installation l’installation Prix PrixFunarte Funartede del’art l’artcontemporain, contemporain,Gustavo GustavoCapanema CapanemaPalace, Palace,Rio Riode deJaneiro, Janeiro,2012 2012



Tidelands, 2010 Mutating Landscapes installation avec trois projections série de 6 photos montées sur Dibond et plexiglass, 90cm x 30cm chaque vue de l’installation l’exposition Gyeonggi Creation Center, Ansan-si, South Korea Prix Extract, GL Strand, Copenhagen, 2014


41 TEXTES EN ANGLAIS FOREWORD the President of Centre Culturel Escale du Nord The Maison des Artistes (House of Artists) of Anderlecht was born out of the will of the local politicians to create on their territory a space dedicated to the diffusion and the encounter around the promotion of the visual arts. Over time, this house has evolved and transformed in order to meet the missions of the Cultural Center “Escale du Nord” which organizes exhibitions there, as well as tours and creative workshops led by artists, conferences, screenings, debates or socio-artistic projects. Since 2016, this place has also been able to benefit from a new dynamic by being part of the “Biestebroeck” Sustainable Neighborhood Contract to develop its “Manufacture d’Art” project. This project aims to favor the proximity with the inhabitants and to encourage the curiosity and the desire to build, with them, our activities. Kika Nicolela’s work was therefore perfectly in line with our cultural policy. In parallel with the exhibition dedicated to her, a project of creation with the inhabitants of the district was born. Neighbors is a work that has been implemented before the exhibition. Both in her work as a visual artist and in project’s approach, it is the encounter, the relationship with the other that fascinates this artist of Brazilian origin living in Brussels. From the exchange of personal items and the portraits and stories that were filmed, she managed to forge a bond between all the people who participated in the video. Associations, schoolchildren, inhabitants who frequent the Maison have been numerous to lend themselves to the game. All this is to discover at the Maison des Artistes! AROUND NEIGHBORS Kika Nicolela When I proposed the creation of Neighbors at the Maison des Artistes, as part of the monographic exhibition an infinite desire for us, I was once again looking to explore this ambiguous space between my identity and the identity of the Other. It was also about trying to draw a video portrait of a community. In this case, the community of Anderlecht, municipality of Brussels marked by the richness of its cultural diversity and the plurality of its immigrant population. I had already worked with the idea of testimony departing from personal items, specifically in Tidelands (2010) and Time-Lapse (2010), but this is the first time I proposed a real exchange of objects. For Neighbors, I also chose a series of personal objects of mine, loaded with memories and affects. I did not fully anticipate the effect of this process on me and its meaning. Searching, choosing and offering these objects these objects at the disposal of others, in a sort of individual flea market, it was a process both revealing and exhausting. It is in this peculiar state of vulnerability that I received the participants of the project for two weeks, in an improvised studio at the Maison des Artistes. My first surprise : the number of people willing to live the experience. 32 people. Different profiles, different backgrounds. People who offered their time, their objects and their stories, often in a state of vulnerability as latent as mine. People who have not


42 hesitated to stand alone in front of the camera, with nothing else to support them but the chosen object in their hand. Another surprise followed : the power that objects hold. The objects I brought became receptacles for the memories and experiences of another, a stranger. By holding these witness-objects related to my childhood, my dreams or my failures, objects that belonged to my father, to my grandmother, to myself, the participants let themselves slide into their own past. In a powerful and instantaneous way, my objects sent them back to their own pains, their loves and their stories. In a previous project, Media Memory Collection, the researcher and psychoanalyst Alessandra Monachesi Ribeiro wrote a critical essay in which she underlines an essential element of that work : when we dive into the memories of others, we realize that they consist of a substance which is common to all and therefore of no importance in itself. She goes on to say that many of my works explain this lack of intrinsic importance, our insignificance as singular beings. This idea seems extremely disturbing. However, Ribeiro develops her point in a fascinating way : “the risk of the image / recovered memory is the revelation of this commonplace. But it is also the greatest opportunity, since that frees us from the burden of the extraordinary and it allows us to rediscover, on what is more banal, something that sensitises us when facing each other. And that contemplates its fragility in ourselves, presenting us with a rough, blurry and inaccurate mirror to our own fictions.” If Neighbors is a completely different project from Media Memory Collection – the first focuses on the collection of objects, and the other on the collection of old family films – it is true that these two series address this same issue. What touches me the most in Neighbors is the clichés we all carry and to which we cling to as treasures. They may be a sign of our humanity and a way to bond with one another. Since we live in a time when, for political reasons, the fiction of a scary Other is often constructed, this is something quite precious. AN INFINITE DESIRE OF US (short version) Raya Lindberg Turning On/Off The camera is this intense vector of relationships that alternatively may keep alive or destroy a world and its inhabitants. In Flickering, in which the fragile flame of a match allows her face to appear and disappear on the screen, Kika Nicolela straightforwardly sets up the obvious ambiguity of images. Hitting on someone making furtive eye contact can be risky, as confessed by the transsexual prostitutes of Tropic of Capricorn. Yet here, their interlocutor is no more their client, but instead a camera hanging from the ceiling. This back and forth in the seduction process, Kika Nicolela experiments it also on a personal level in What Do You Think About Me? The possibility given to Finnish spectators to film her live, whilst describing her precisely, marks a boundary made of fear and curiosity, between what is familiar, or, on the contrary, estranged.


43 The possibility given to Finnish spectators to film her live, whilst describing her precisely, marks a boundary made of fear and curiosity, between what is familiar, or, on the contrary, estranged. Multiple mirroring Identity is the definition of the self opened or closed – by the possibility of exchanges in an encounter. The Film That Is Not There stages this space of relationships, through repetitive casting processes, specific to auditions. The hidden circuit of the making of a film usually mirrors the actors’ gymnastics : being one and a thousand people at a time. A compounding that is strengthened by a text carrying opposing sonorities and expressivity, regarding whether the actors interpret it in Portuguese language or in German language. How turning a museum audience into consenting actors of an investigation about Love? In Face To Face, the face of the spectator within the apparatus conceived by Kika Nicolela, shakens the frame, and shows how the presence of the camera prompts one to become a character of their own. An intimate theatre In the marital and stuffy closed setting of News, identical scenes appear to be dissimilar, emphasising the paradoxical idea that from the same, something different can spring up. Behind the scenes of mundane daily life, Kika Nicolela unrolls a secret thread, whilst searching for connecting points to fit together the mixed pieces of this jigsaw. In Neighbours, as their hands touch some of the artist’ belongings, men and women, confide their own memories to the camera. These intimate stories construct a shared Memory between the artist and her audiences : an infinite « us » at the heart of intimacy. TROPIC OF CAPRICORN: THE BLINDING LIGHT OF MARGINAL OF MARGINAL BODIES Alessandra Monachesi Ribeiro The Tropic of Capricorn is an imaginary line south of the equator that creates, with the Tropic of Cancer, a geographical area at the heart of which the sun appears vertical to the ground at least once a year. Beyond these lines it never happens, so that we never see the sun at the zenith. The Portuguese used to say, at the time of the colonization of the “Indies”, that there was no sin south of the equator. On the way south, reaching out the Tropic of Capricorn and all the wealth from the ‘New World’, everything was allowed and forgiven, including adultery, rape, violence, murder, massacre, robbery, looting and all kinds of gestures condemned by Christian consciences everywhere else. South of the equator, beyond the limit of the law, when the sun reaches the zenith, we are left facing ... bodies, the naked bodies of the “Indians”. These naked bodies are disturbing. These naked bodies, unveiled, reveal deep secrets of the body of those who arrive just as much as those who appear naked. Steeped in a religious morality that inhibits everything related to the body, they have more to


44 discover and to reveal than these naked Indians ... The bodies in the tropics offended by the light in an almost shadowless zone show so much that we risk blindness. The blindness on these bodies, on the truth of these naked bodies and ours. What do these unveiled and “deviolated” bodies reveal in the tropics ? Here we are facing a room, a bed, a camera. The bed. The camera records. The camera invites you to lie down and talk. What else can we do when we get stopped on the street and that we are being offered cash to go to a hotel of another era, in a room of this hotel and stay in all solitude, having for sole company a camera fixed on the ceiling and with the only instruction to stay on the bed ? In the past, it was the colonizer, the bearer of the illusion of having discovered a new world, which existed long before he “discovered” it, who, by looking at our bodies, forced us to violence to cover it and hide everything that was naked. There, it is the cold and omnipresent look of the camera, our new colonizer, that stares at us and which imposes the violent instruction to us to discover. What will we have to show ? This is where the artist Kika Nicolela invites four travesties, on this bed, in this hotel, in front of this camera. In this dodgy and decadent district of central São Paulo, where prostitution is the commercial activity of the night, as soon as the shops are closed and that the streets are getting empty, that this baroque and gone decadent hotel sits. The artist invites them to go up to a room and stay there, on the bed, in the sole company of a camera that will record everything. Duration and price set, a new gaze is now observing the body. Instead of the “cover up” of the reassuring character they could build throughout their lives to be able to face this hotel room, this bed, this money that pays the price of a submission to the instructions and the desire of the other, they find themselves in an almost “usual” scenario in the obligation to ... “undress”. Is it not expecting too much or else asking too much ? Once the deal is on and the money received, here they lie down, each in turn, confronted to the camera and the destabilizing coercion of doing and offering whatever they want. How is it that this other omnipresent can shams us into letting us “free” to do what we “want” ? What do we actually want ? They hesitate, intimidated. They try on the masks, the gestures and the words for which they have always been solicited. Without moving, without deviating, without operating hints, the omnipresent gaze remains there, impassive. They bustle around, one finds an escape route by calling a friend on the phone to tell him the unexpected situation she is in. The extraordinary pierces them, their eyes seem to perceive ours, peepers on the other side of the completed artwork and displayed to the public. They look us right in the eyes of the camera, we, the peepers, the “good” people that we are, confronted with the exhibitionism of the misfits and the outcasts of society, who do not “deserve” our consideration and ... they start talking. Exposure is the words of these travesties and what they reveal. Depositaries of all kinds of grey area of “normal” people, a sort of flesh-and-blood garbage bin for all kinds of waste that everyone keeps well hidden in a deep corner of his closet and his unconscious desire. In the darkness of this decadent hotel, they function as the light of the tropics. And what they do shed light on is the surprise, the violence, the hope and the despair of sexuality.


45 The sexual, Freud had already laid bare, is the engine of the psychic, the craftsman of the human, the thruster of any quest for satisfaction. A satisfaction that may either become a sexual act or culture. The sexual is the fuel that shakes us, which creates endless pleas, forcing us to invent answers to these pleas. It is it that digs in us the marks and the intensity of these demands that we may call desire, bringing out a relief full of tremendous grey areas s in which we stash the part of these desires that must remain out of reach. This is the unconscious, the grey area where our fuel stash becomes a tank and an incentive for any action, any gesture, any construction, may it be of psychic nature or action oriented on the world. For these transvestites, analogous incarnated in the body of another of this grey area which animates and which agitates our psyche, these sediments that we would prefer to ignore. They are talking, those who never have a voice or legitimacy conferred on their speech, those who usually lie down, keep silent and suffer, sometimes until the annihilation of their bodies. They, a “place” where one stashes the darkest, the worst and the best of oneself, become something that can be disposed of for our sole pleasure. Transvestites are those that, because of their marginality, allow us to deposit everything and that we dispose of everything. And here they shed light to their astonishment about the sexual. The Freudian sexual is the childish, the polymorphic pervert from the limen with which each / everyone builds the fabric of his body, his psychic, his unconscious and his desire. This is the starting point for a singular journey that leads each subject to be who he is. This sexual that has never ceased to disturb the good conscience since Freud laid them bare, creating against psychoanalysis any kind of objections. For the transvestites, objections flow into abjection. The abject of their ambiguous bodies always revealing the ambiguity of the sexual that never lets itself be framed by the organic. It slips as much as they slip on the bed sheets of this hotel. It’s fidgeting, they are fidgeting, it convulses, they convulse, it gets anxious, they get anxious. These travesties embody the grey area of ​​the Freudian sexual. And because of this, they also embody the Lacanian Jouissance, that of the feminine escapes all reason, all order, all symbolization and any attempts at being framed. They escape, the sexual escapes, we escape towards the shadow as soon as the light arrives to enlighten everything. In Tropic of Capricorn, they speak of the astonishment of the sexual. The men, those who look out for them on downtown curbs, open up to their most secretive, their most intimate grey area. It escapes pornography, where the sexual manifests itself as the pretty lighting of the various still unsatisfied desires. It is neither pornography nor the complete satisfaction of desires at the cost of objectification of the other. The astonishment of the sexual is precisely this “extra”, the Lacanian “ extra sexual pleasure” that falls into the void, the “not complete”, the “not satisfied”, the “not quite”. What is surprising is that the sexual pleasure flirts with suffering. And it is precisely their suffering and the extreme vulnerability of their emptiness of meaning that these men stash on their bodies. Hence their astonishment. When these travesties are exposed to the pitiless gaze of Kika Nicolela’s camera, they reveal the pain, the loneliness and the anxious void of this sexual that is supposed to be pleasure and happiness. They show their most intimate ambiguity, that of their body, that of their sex, that of their way of incarnating the depository of the sexual of the other, of the ambiguity of the sexual of


46 the other, of its void, of his lack, of his endless quest. And this, in the peeping eyes of “good” people, can only provoke an uncanny surprise. We are trapped into looking for satisfaction of our desires elsewhere, where anyone can put them down ... and we come back moved by the human of this grey area of ​​pain, of anxiety, of emptiness and of despair. In the tropics where we are expecting to regain the authorization to expose any of this grey area in order to consume it, to enjoy it, there we come, eyes and mouth wide open and they burn. We burn because of the blinding light of these naked bodies, these bare bodies, raped again and again for our only pleasure. We burn because of these talkative bodies ; the former having been the talking bodies of Freud’s hysterics. We are burning and yet it is not the pleasant fire to which one thought. It burns and it hurts. Under the Tropic of Capricorn, the deposits of the jouissance of the other ignite with their words. FACE TO FACE Carla Zaccagnini Contents of the love dimension, which punctuate the limits of the understandable and utterable, tend to put in check the validity of any artistic representation. I think, again, about Fernando Pessoa and his poem in which he feels tired of symbols and wants the concrete happiness of the seamstress who he sees standing on the corner, waiting for the unlikely return of the boyfriend who left her. There are no symbols that can compare to the joy which only she might feel in case, tired of the waiting and the surprise, she saw him coming back. However, something of that joy, which may never be fulfilled, riddles or builds itself on Pessoa’s poem. When Nicolela gives to the visitors her list of questions and invites them to answer in front of a camera in a reserved room, within an exhibition space, she is not demanding little. And there are many moments of suspension and silence stitching the answers. The video shows precisely those images. One after another, the faces of the interviewees looking thoughtful, without words, in moments of doubt and dilated hesitation summed in the edition. The images show what is not spoken. The sound – which sometimes comes from one speaker, sometimes from the other – overlaps the answers. Every attempt to define love, whether yes or no, whether it sets free or imprisons, whether someone loves, whether another no longer loves anymore. It’s curious how the responses echo, are repeated and reverberated ; we see the sum of particularities settling the universal. Or perhaps what we learn as a universal value shapes our views and attitudes, even in the more private fields. I still wonder : what if Fernando Pessoa delivered the poem to the seamstress so, if she wants so, she could send it to her boyfriend ? What if he left the poem fly from the window so that she could also find it and recognized herself in it, surprised ? Would it be a joy as well, to see her own life that way, from outside, important to a stranger like the cycle of the day and night ? Would it be ? THIS IS UNCOMFORTABLE Arpi Kovacs and Gabrielle Moser (excerpt)


47 The piece What do you think of me ? was originally created during a 2009 residency in Turku, Finland where the artist asked gallery goers to film her with a video camera and to narrate their impressions of her in Finnish. Their responses range from sincere and cheesy complements to racially charged exoticism. Since the language barrier prevented Nicolela from immediately understanding their comments, she stands before each spectator completely unaware of their perceptions and only able to respond to their smiles, laughter and other outwardly physical gestures. When she returned home, the artist had the comments translated into English and included as subtitles to the footage, which is presented sequentially and seemingly unedited in its final form. The pauses that punctuate the comments remind viewers of the absurd circumstances that structures the encounter. Yet, despite the superficiality of the interactions, certain comments remain thoughtful and point to the function of language as a primary means of interaction. The voice of a young boy who seems to struggle with operating the camera, for instance, is remarkably earnest in his response : “Brazil is… I don’t have much information about Brazil. And I don’t know much about their culture because we haven’t had it in history class yet.” In contrast, the more mature voices are indirect and disconcerting in their tone. One woman seems preoccupied with ascertaining Nicolela’s “true nature” through her physical appearance, wondering aloud if “maybe we met in another life.” A male voice, on the other hand, seems disinterested in anything but the artist’s physical appearance, describing her as dark and warm, “like Brazilian coffee.” The documentation cleverly reveals the relationship between language and power, as well as the direct role that language played – and continues to play – in inscribing colonial notions of sexuality and national character. The relational structure of What do you think of me ? is derived not only from the interactions between artist and gallery goer, but also through the recording and replaying of these encounters for the viewer of the final work, which reanimates Nicolela’s original gesture of vulnerability. Although it is Nicolela who occupies the screen, her voice is rarely heard. Instead, it is those who wield the camera who contribute to the video’s defining narrative, and yet we cannot see her subjects as they speak. Nicolela does not employ familiar video tropes such as distortion, repetition, or delays to make the voices more enigmatic, but instead allows the limits of the medium to create an awkward imbalance between those who can speak and those who can only be seen. Though we might wish the speakers could be as visually exposed and vulnerable as the artist, Nicolela’s video denies this kind of transparency and is instead open to the sometimes conflicting and uncomfortable social encounters between the artist and her subjects that often go unresolved. AUGMENTED REALITY Paula Alzugaray Actus is an essay about circularity ; it is a meta-critical apparatus, which defies the immersive condition of cinema. In this installation by Kika Nicolela, two different speech dynamics are presented in 3 screens. In the central projection, a couple engages in a discussion. This situation is filmed in a long take, with allows the spectator the perception of the events in real-time. The discussion grows to the climax and then it goes back to its beginning. Each time the discussion restarts the camera assumes a more inquisitive role, and in its indiscretion, becomes a character itself. In the third round of discussions, the camera becomes aggressive ; it slides and escapes from the limits of conventional framing and breaks the illusion of imagined filmic space. The rotating camera completely unveils this illusional space. Going off frame, not only the shooting set is revealed, but also the installation space in which the spectator is placed. The circularity serves the speech


48 in a vicious relationship. And the amount of red nail polish tried by the woman is proportional to the amount of loops in the story. Through this maneuver, the artist express her interest about identification processes in film, about the spectator’s self-projection in the image. The speech constructed by the two side screens intensifies the questioning about the distances in our relationship with the image. Back to the unequivocal position of voyeurs, we’re launched to an intimacy degree towards images that is most uncommon in everyday life. By amplifying the facial expressions of the two characters and the time – 3 minutes turned into 18 with the use of a high-speed camera – this work achieves a dimension of subjectivity that does not belong to the real, the fictional nor the documental. THE HUMANITY OF IMAGES Livia Flores The film that is not there. Nobody comes unwarned, the title let it be known, from the very beginning : the film is not where it should be – on the screen of a movie theater, TV or computer – nor here where it could be – museum, gallery or any other venue legitimated by the art-institution. For some decades now sheltered there are the most diversified experiments of displacement and resignification of the cinematographic image. The title goes beyond : it doesn’t say there is no film, on the contrary, it affirms its state of not being as a distinctive quality – the film that is not – stressing at once the absence of its constitutive place and its condition of accomplishment. In other words, its mode of being is not able to be circumscribed, but it cannot be mistaken as an ill-being. Despite the common roots, or, better saying, the radical absence of topos, the atopical condition in this case doesn’t carry any trace of utopia – nor of surprise or irony. The 21st century artist is completely self-conscious that his responsibility is limited to a fraction of the work, exactly that part prior to the regard that will ultimately constitute it – the regard of the other. The dual relationship is at the core of Kika Nicolela’s work. The artist doesn’t give up her métier in order to install the film-work, but from the very beginning she conveys it as a virtual dialogue between talking heads and thinking heads. We think, read and talk with images the whole time. This is what we will explicitly do here, as we do everywhere, but unaware of it. The film-that-is-not-there counts with the mutual implication between spectator and work, voyeur and model, viewer and frame, largely supported by the centenary experience of cinema and its developments. Let’s include in it spectacular (and specular) uses of projection mechanisms. The work employs its smuggling operations, its subtle detours, through gaps installed in the core of this functional and extra-mediatic machinery : the very driftage of identitary games. Knot-images. A planetary movie, an international soap-opera, a melodrama performed by different races, peoples and idioms, all in unison, aware of the Great Drama. Utopia or irony ? How to grasp the meaning whose direction escape us; we who are at once aware and unbelieving ? We know quite well that the whole thing is a staging, but what intense desire to establish the true version of this fiction propels us to try it once again ? Thought as attempt and temptation – Nietzsche old dictate demonstrating its efficacy now, in exchange of nothing, a mere banal drama on a dark background. The counterpoint to the atopical is the commonplace, allowing the proliferation (in hospital, in jail, in the room) of non-places built by discourse. We recognize that which we don’t know ; everything resounds. In the angular perimeter installed inside the Modernist palace, reverberates, perhaps, the museum, the hotel of that other deserted island, whose reality is language. From our position as spectators (our role ?), we guess some kinship with the fugitive-prisoner of Bioy-Casares’ The Invention of Morel.


49 There, as here, the price paid for atemporality is repetition, deaf dialogues, the hallucination of the different in the similar. Or the contrary. Everything seen is déjà vu. Nothing adheres to anything. In vain, an architectural drive : yes, we need to distribute spaces, to restore broken syntagms, to gather losing threads. But the promise of rescue from this labyrinth of unequal mirrors is never fulfilled. Whether pristine it may be, every mirror divides – and multiplies. Our images confuse us. Chaplin gracefully points this out in the initial scenes of The Circus, translating into gags the shock between the two versions of the imaginary as proposed by Blanchot. In the exact point when they bifurcate, nonsense finds the most absolute impossibility of meaning. “The similar, similar to the absolute degree, is both perturbing and wonderful. But is it similar to what ? To nothing.” In Pirandello’s Six Characters in Search of an Author, actors play the role of actors and others of characters. To the last, Pirandello suggests the use of special, customized masks, “made of a material that doesn’t soften with sweat and is nevertheless light (…) fashioned and cut in such a way that leaves out the eyes, the nose and the mouth”. From this annotation it would be possible to imagine masks which power of adherence turns them indiscernible from the face they cover. The title used for the anthology of his theatrical works, Naked Masks, seems to synthesize a series of questionings and paradoxes explored by Kika Nicolela in her aesthetical propositions. Whether experimenting the very becoming-image from the heat of a lighted match next to the skin (Flickering, 2009), or side to side confronting expressive micro variations of the young and the mature Liv Ullmann (Poem of Ecstasy, 2006), as if the radical slowdown of the movement could contain its “functioning” while pellicle. Subcutaneous was the title of the film with no place before its existence. On the edge. In the series entitled Distant Affinities, Kika exposes herself to the other’s regard investigating the being-image of her own condition as a foreigner (from another place) and nomad (from no place). The film may not be there, but the camera is always there. Its presence is explicit, unavoidable, whether as safeguard or a pretext for contact, mediating subtleties, menaces and all kinds of fantasies – phantasmatic image, imperceptible masks that we impose on the non-ego. Kika Nicolela’s images possess a striking property : they invert the direction of the regard, but they also displace us from our position. We are captured by the image of the object to which the camera is pointed, but invariably an inner eye – which we are not able to see – turns to it : absolute center, pure irradiation. Main character, witness and persecutor. Bodiless voice. Hostage of its power, we lend to it our own.


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53 LISTE DES OEUVRES PRÉSENTÉS DANS L’EXPOSITION

VOISINS 2019, installation, deux vidéos projetées sur socles et objets Il s’agit d’un projet relationnel à partir d’échanges d’objets personnels avec les habitants du quartier d’Anderlecht. Pendant deux semaines, Nicolela a occupé une salle de la Maison des Artistes, qui est devenue à la fois un espace d’échanges avec les participants et un espace de tournage. Elle a disposé, comme dans une brocante, des objets personnels de tous types, mais qui ont tous une grande signification pour elle. Ces objets sont là pour être échangés avec les habitants du quartier : chaque personne peut choisir un objet, en échange contre un autre objet – de préférence, un objet aussi personnel et important. Une fois choisi l’objet que la personne va ramener chez elle, Nicolela l’invite à participer à un tournage vidéo, dans lequel la personne doit raconter l’histoire derrière cet objet. S’opère un mélange de mémoires personnelles suscitées par l’objet, et de fiction suggéré par lui. L’artiste a réuni les portraits/histoires dans un diptyque vidéo en boucle, projeté sur des socles où sont disposés les objets qu’elle a reçus pendant les échanges.

PRINCIPES DE PRINCESSE or how to kiss a frog 2017, installation avec vidéo en boucle, série de photo collages, renard empaillé et feuilles de livres Cette série nait de l’enregistrement vidéo d’histoires de princesses inventées par des filles de 6 à 7 ans vivant à Bruxelles, et fréquentant une école à Neder-Over-Heembeek. Ce sont des enfants avec des antécédents culturels et des origines variées. L’artiste s’intéresse à ce que signifie pour elles la figure de la princesse – quelle est son image, quel genre d’actions mènent-elle et quels sont ses objectifs ? Mais également comment s’articule leur imaginaire dans la narration.

51-52 Principes de Princesse or how to kiss a frog, 2017 installation avec vidéo en boucle, série de photo collages, renard empaillé et feuilles de livres vue de l’installation Bruxelles, Terre d’Accueil?, Musée Juïf de Belgique, Bruxelles, 2017


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THE FILM THAT IS NOT THERE #2 2012, dyptique vidéo, 13min en boucle Dans la série The film that is not there (Le film qui n’est pas là), l’artiste invite 150 acteurs de 4 pays à participer à un casting, leur fournissant des scènes d’un scénario de long métrage qu’elle a écrit. Elle a ainsi créé une vaste base de données d’acteurs interprétant les mêmes scènes. En utilisant tous les visages et interprétations des mêmes scènes dans différentes langues, le projet propose une réflexion sur le récit, la représentation et la fiction.

ACTUS 2010, installation avec 1 vidéo sur téléviseur et 2 vidéos sur cadre númerique Un couple emprisonné dans une discussion sur un gâteau d’anniversaire et des vernis à ongles. Actus explore les frontières floues entre la réalité et la simulation. Le temps et l’espace de la représentation est manipulé afin de provoquer une fissure dans la relation par ailleurs stable entre le spectateur et le spectacle.


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TIDELANDS 2010-2014, vidéo, 62min L’eau, le sol, les barques échouées déclinent leurs nuances de gris. Le ciel et ce qui reste de la mer se rejoignent. L’édification d’une longue digue-route en Corée du Sud a isolé l’île de Daebu et transformé les paysages. Un lac artificiel a été construit pour promouvoir l’industrie locale et la croissance urbaine. Le milieu maritime ne vit plus. Reste la vase. Les habitants, des pêcheurs surtout, ont vu leur condition se détériorer. Face caméra, sobrement, ils témoignent du passé, du temps où ils pouvaient bénéficier des ressources des îles. Aujourd’hui, l’équilibre écologique est rompu. Les plans contemplatifs des lieux sont associés aux visages graves et aux paroles lucides de ceux qui demeurent.

MUTATING LANDSCAPES 2010, série de 6 photos montées sur Dibond et plexiglass, 90cm x 30cm chaque Mutating Landscapes (Paysages Mutants) est une série de photos prises sur l’île de Daebu (Corée du Sud). Elles explorent la qualité onirique des paysages naturels de cette île - des paysages en mutation constante, soit par des processus naturels (mouvements des marées), soit par une intervention humaine (travaux de construction) - qui se présentent uniques à chaque instant. Avec la vidéo Tidelands, la série de photos étudie la mémoire, le passage du temps, le changement et l’endurance.


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WHAT DO YOU THINK OF ME ? 2009, vidéo, 16min en boucle Au cours d’une résidence d’artiste à Turku, en Finlande, l’artiste brésilienne Kika Nicolela invite la population locale à la filmer et à la décrire. L’artiste se soumet à l’analyse du spectateur avec les observations visuelles et verbales des personnes détenant la caméra. Cette vidéo fait partie de la série Distant Affinities, qui traite des stéréotypes culturels et de l’identité.

FLICKERING 2009-2019, cadre numérique avec vidéo en boucle et filtre miroir sans teint Nouvelle version d’un projet vidéo de 2009, dans lequel l’artiste explore son propre visage avec l’aide d’une allumette. Pour l’exposition un infini désir de nous, cette vidéo est présentée dans une boite, où il y a une surface semiréfléchissant devant le cadre numérique, pour permettre au spectateur de voir la vidéo mélangée à son visage quand l’allumette est allumée ; une fois que l’allumette s’éteint, la vidéo disparaît et le spectateur voit seulement son visage.


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TROPIQUE DU CAPRICORNE 2005-2017, installation vidéo avec projection vertical et lit

FACE À FACE 2010, vidéo, 15min en boucle

Quatre prostituées transsexuelles sont amenées dans une chambre d’hôtel la même nuit. Une à une, elles sont invitées à s’allonger sur un lit et à interagir librement avec une caméra fixée au plafond. Dès le début, elles se présentent comme des professionnelles du sexe qui essayent de survivre dans un pays extrêmement transphobe – aujourd’hui, nous avons des études que montrent que le Brésil se trouve en tête du classement des pays avec le plus d’homicides de personnes transgenres dans le monde. Alors que le film progresse, ces femmes trans partagent avec la caméra leurs histoires, leurs fantasmes, leurs questionnements et leurs expériences dans les rues de São Paulo.

Face à Face est le résultat d’une installation vidéo, dans laquelle différents visiteurs du musée répondent à cinq questions concernant l’amour. Ils sont seuls avec une caméra vidéo, face à leur propre image sur le moniteur. Les questions, écrites sur un papier, approchent différents aspects de l’amour. Les personnes interrogées réagissent de différentes façons : ils passent par des états d’hésitation, d’angoisse, de nostalgie, d’euphorie, de questionnement. L’image vidéo est composée de ces moments intimes de réflexion, distendues par le montage. Sur la piste audio, des voix se mélangent et se chevauchent, les idées sont parfois répétées, parfois aussi elle se contredisent. Les chuchotements forment un mantra presque indistinct, un écho des pensées, des expériences et des conceptions (ou des clichés) personnels sur l’amour.


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59 BIOGRAPHIE Kika Nicolela est une artiste, cinéaste et commissaire indépendante, brésilienne basée à Bruxelles. Ses œuvres comprennent des vidéos, des installations vidéo, des performances, des documentaires expérimentaux et de la photographie. Elle a participé à plus d’une centaine d’expositions individuelles et collectives dans le monde entier, notamment : Biennale de L’Image en Mouvement (Argentine), Biennale Kunst Film (Allemagne), Biennale du Mercosur (Brésil), Ventosul Biennale de Curitiba (Brésil) et Biennale de Video et Arts Médiatiques (Chili). Ses vidéos ont été présentées et récompensées dans des festivals de plus de 40 pays, tels que le Festival International du Film de Milan, le Festival International du Film de Bilbao, Videoformes Festival International d’Arts Numériques et Japan Media Arts Festival. L’exposition à la Maison des Artistes un infini désir de nous est la première exposition à caractère monographique de l’artiste en Belgique. Plus info sur son site: www.kikanicolela.com. DISTINCTIONS (sélection) Nominée pour EXTRACT IV - Prix du Jeune Art. Copenhague, Danemark, 2014. Meilleur Vidéo. FIVA Festival International Videoart. Buenos Aires, Argentine, 2012. Prix pour des Projets d’Arts Visuels du Conseil des Arts de São Paulo, 2012 et 2006. Prix FUNARTE d’Art Contemporain, Brésil, 2011. Prix d’Exposition à l’Étranger, Fondation Biennale et Ministère de la Culture, Brésil, 2010. Meilleur vidéo. Vidéoformes New Media & Video Art Festival, Clermont-Ferrand, France, 2007. Nomination Meilleur Film. Japon Media Arts Festival, Tokyo, Japon, 2003. EXPOSITIONS INDIVIDUELLES (sélection) Un infini désir de moi. Maison des Artistes, Bruxelles, Belgique, 2019. só um desejo de nitidez ampara o mundo. O Sítio Gallery, Florianópolis, Brésil, 2019. Traces. Casa do Brasil, Bruxelles, Belgique, 2016. Tidelands. GL Strand, Copenhague, Danemark, 2014. Domitilas. Musée de la Ville de São Paulo, São Paulo, Brésil, 2014. Vestígios. Musée de L’Image et du Son, Campinas, Brésil, 2013. The Film That Is Not There. Gustavo Capanema Palace, Rio de Janeiro, Brésil, 2012. Tidelands. MIS - Musée de L’Image et du Son, São Paulo, Brésil, 2010. Cinema de Artista: Kika Nicolela. Museum of Modern Art, Salvador, Brésil, 2010. Distant Affinities. Titanik Gallery, Turku, Finlande, 2009. Windmaker. Sesc Vila Mariana, São Paulo, Brésil, 2007. Face à Face. Centro Cultural São Paulo, São Paulo, Brésil, 2006. EXPOSITIONS COLLECTIVES (sélection) Wunderground. Verbeke Foundation, Gant, Belgique, 2018. Digital Contemplation. Abbaye de Villers-la-Ville, Belgique, 2018. Sex in the City. Les Halles St-Géry, Bruxelles, Belgique, 2017. Memory Leak: Views From Between Archiving and Memory. La Capella, Barcelona, Espagne, 2015.


60 Montage Express. Oi!, Hong Kong, 2016. WEPORN. Levy.Delval Gallery, Bruxelles, Belgique, 2016. Adventures in the Other Screen Trade. Spike Island, Bristol, Royaume-Uni, 2014. An Infinity. Atopia, Oslo, Norvège, 2013. Kika Nicolela and Thomas Israël. Summerhall, Edinburgh, Ecosse, 2013. Red, Green, Blue ≠ White. Blackwood Gallery, Toronto, Canada, 2013. Traversées : entre villes et déserts. Redbrick Warehouse, Yokohama, Japon, 2013. Videoakt International Videoart Biennial. Institut Français, Barcelona, Espagne, 2013. Biennale of Moving Image. Buenos Aires, Argentine, 2012. Male / Female. Musée Oscar Niemeyer, Curitiba, Brésil, 2012. Movement. Vetlanda Museum, Vetlanda, Suède, 2012. Manipulated Image. Torrance Art Museum, Los Angeles, États-Unis, 2012. Ventosul, Biennale de Curitiba. Curitiba, Brésil, 2011. Biennale of Mercosul. Porto Alegre, Brésil, 2011. Around the World in 80 Hours. LOOP, Seoul, Corée du Sud, 2011. L’Oeil Sur les Rues. Parc de La Vilette, Paris, France, 2011. Facing the Artwork. Werkleitz Centre for Media Art, Halle, Alemagne, 2011. A Century of Artists’ Films. Theatr Mwldan, Cardigan, Royaume-Uni, 2011. 6 Billion Others. MASP Musée d’art de São Paulo, São Paulo, Brésil, 2011. Contextual Face. Kharkov City Art Gallery, Kharkov, Ukraine, 2011. What on Your Mind?, The World Bank, Washington, États-Unis, 2011. Highlights from the Cologne KunstFilmBiennale in Berlin. KW Institute for Contemporary Art, Berlin, Alemagne, 2010. Island. Gyeonggi Creation Center, Ansan, Corée du Sud, 2010. Rain of Down. Pärnu Artmuseum’s Linnagalerii, Pärnu, Estonie, 2010. This is Uncomfortable: Relational Dissonance in Recent Video. Gallery TPW, Toronto, Canada, 2010. Living Spaces. Maktab Anbar, Damascus, Syrie, 2010. RED: The Gendered Color in Frames. Photon Gallery, Ljubljana, Slovénie, 2010. Kunst Film Biennale. Museum Ludwig, Cologne, Alemagne, 2009. New Filmmakers Series. Randall Scott Gallery, New York, États-Unis, 2009. Loop Diverse. Galeria Dels Àngels, Barcelona, Espagne, 2008. Situ/Ação Aspectos do Documentário Contemporâneo. Galeria Vermelho, São Paulo, Brésil, 2006. Kunst Film Biennale. Museum Ludwig, Cologne, Alemagne, 2005. Biennale of Video and New Media. Santiago, Chili, 2003. RÉSIDENCES D’ARTISTE (sélection) Gyeonggi Creation Center, Corée du Sud, 2010. Objectifs, Singapour, 2011. Rote Fabrik, Suisse, 2011. LIFT liaison des cinéastes indépendants de Toronto, Canada, 2012.


Une publication réalisée par Escale du Nord, Centre Culturel d’Anderlecht, avec le soutien du contrat de Quartier Durable Biestebroeck et la Commune d’Anderlecht. A l’occasion de l’exposition un infini désir de nous de Kika Nicolela, du 28 février au 31 mars 2019, à la Maison des Artistes. www.escaledunord.brussels projet graphique et photographies Kika Nicolela textes Kika Nicolela, Raya Lindberg, Alessandra Monachesi Ribeiro, Carla Zaccagnini, Arpi Kovas & Gabrielle Moser, Paula Alzugaray et Livia Flores. traductions Nadège Derderian et Kika Nicolela L’artiste voudrait remercier : l’Echevin de la culture, Fabrice Cumps ; la Présidente du Centre Culturel Escale du Nord ; le Directeur du Centre Culturel Escale du Nord, Vincent Bouzin ; le Collège des Bourgmestre et Echevins d’Anderlecht ; l’équipe d’Escale du Nord et de la Maison des Artistes. Elle remercie aussi Thomas Israel pour son regard critique et généreux. Kika Nicolela exprime sa gratitute envers tous les participants de ses œuvres, et particulièrement aux habitants d’Anderlecht qui ont participé à Voisins.

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.




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