JUNKPAGE#65 — MARS 2019

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JUNKPAGE L A C U LT U R E E N N O U V E L L E -A Q U I TA I N E

Numéro 65 MARS 2019 Gratuit



Sommaire

4 EN BREF 12 MUSIQUES BLA NEF TUNNG JAAKKO EINO KALEVI CHRISTIAN OLIVIER RUFUS WAINWRIGHT SIDÉRAL PSYCH FEST BORDEAUX LAS HERMANAS CARONNI SUNN O))) DB CLIFFORD FESTIVAL NOUVELLE(S) SCÈNE(S) BERTRAND BELIN

20 EXPOSITIONS DANS L’INTIMITÉ DE ROGER BISSIÈRE ARCHITECTURE DU BAUHAUS CLAIRE FONTAINE BABETTE MANGOLTE—SPACES TO SEE LISIÈRES LA PARADE MODERNE, CLÉDAT & PETITPIERRE ANETTE LENZ DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE À PLAT L’HORIZON, BENOÎT GÉHANNE

34 SCÈNES PIÈCE D’ACTUALITÉ N°9-DÉSOBÉIR L’AUTRE RIVE BERLIN SEQUENZ WE WERE THE FUTURE PERIPÉ’CIRQUE UN PAYS DANS LE CIEL FISH MIND#4 LOUIS LUBAT RÉDA SIDDIKI FESTIVALS DE DANSE EN NOUVELLE-AQUITAINE

42 LITTÉRATURE 44 JEUNE PUBLIC 48 GASTRONOMIE JEAN-LUC ROCHA

Visuel de couverture :

Las Hermanas Caronni,

mardi 19 mars, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon [ Lire page 16 ] © Frank Loriou / Agence VU

LE BLOC-NOTES

de Bruce Bégout

C’EST DE FROID QUE LE MONDE VA MOURIR L’idée d’un développement durable de l’économie mondiale appartient à ce genre d’aspirations belles et compensatoires, dont la véritable fonction est en fait de masquer des intérêts plus profonds. Car, au fond, nul ne se soucie vraiment du futur, et la soi-disant attention morale tournée vers les petits-enfants à venir (et le monde qu’on leur laissera) se limite le plus souvent au choix égoïste des prénoms. Cela fait longtemps que le futur n’est plus l’objet d’une exaltation sacrée, d’un culte social. Les menaces technologiques, bactériologiques et climatiques qui pèsent de tout leur poids funeste sur le monde actuel nous préviennent contre toute robinsonnade futuriste. Certes, quelques pans de la recherche scientifique et technologique fondent encore quelque espoir dans l’avenir et, ici et là, une nouvelle innovation laisse augurer des avantages prochains et une amélioration possible de tel ou tel aspect de l’existence humaine. Mais ce sont là presque des gadgets isolés (voitures autonomes, maison connectée, nouveau traitement médical, etc.) qui ne modifient en rien l’impression générale d’une dégradation à long terme des conditions de vie. Ceux qui annoncent le pire à venir ne prennent pas beaucoup de risques. À chaque fois qu’un prophète de malheur s’est manifesté ces derniers temps, l’histoire n’a pas mis longtemps à lui donner raison. La lucidité à l’égard de l’Apocalypse imminente devient quelque chose de commun, et on n’y ferait même plus attention si son objet n’était si terrifiant. Tout le monde est à peu près persuadé d’une « fin mauvaise », et Günther Anders, s’il vivait encore, pourrait aisément se rendre compte du caractère banal de ses sombres prédictions sur la bombe, la catastrophe finale et le nihilisme. Je ne sais pas, d’ailleurs, s’il serait ravi de voir cette conversion massive des peuples à une conception apocalyptique de l’Histoire, car il resterait pour lui à savoir si cette prise de conscience prépare effectivement un revirement dans la manière dont les hommes utilisent avec une inconscience irresponsable la technique, les armes de destruction massive et les produits industriels, ou n’est qu’un subterfuge de plus pour éviter de faire quelque chose. « Hiroshima est partout », mais nulle part cependant n’est réellement mis en œuvre l’effort de changer de cap et de mettre fin à la machine infernale du productivisme moderne et à son alliance noire avec l’État et le Capital. Le caractère andersien de l’époque se signale également par sa conviction contreutopique d’un sauvetage conservateur de ce qui est, ou plus exactement de ce qui peut l’être. Comme le dit le philosophe allemand, parodiant Marx : « Jusqu’à présent les hommes n’ont fait que changer le monde, il faut maintenant le conserver. » L’heure n’est plus donc, en dépit de la révolution cybernétique, et même pour les hommes épris d’un renversement des choses, à la réalisation d’un idéal social, à l’invention du futur et à la synthèse de l’imagination et de la technique dans la cité utopique. À part dans les rêves de certains de leurs concepteurs (comme Elon Musk), les nouvelles technologies ne projettent au travers de leurs circuits et de leurs données numériques aucune société parfaite ; elles apportent simplement ici et maintenant quelques échappées loin de la réalité, sans que ce lointain ait une quelconque valeur critique ou paradigmatique pour le présent. Le monde virtuel représente une pure et simple fuite de la réalité présente dans un ailleurs ludique, et ne possède aucune fonction utopique. Il se situe dans une atopie absolue qui ne recouvre nulle ambition critique, nul dessein politique. La technologie elle-même ne fait plus appel qu’à une imagination intime, et si elle promet un certain progrès à venir, elle le monnaye seulement aux particuliers et le cantonne à la sphère privée. On comprend dans ces conditions qu’elle soit déconnectée de tout projet d’utopie sociale, et limite ses promesses aux individus assez crédules pour pouvoir se payer les rêves à portée de main qu’elle propose. Aussi, la grande majorité des Occidentaux se préoccupe-t-elle surtout de la conservation de ce qui peut être, dès aujourd’hui, sauvé et, par là même, acceptent les thèses d’Anders sur la nécessité d’un sauvetage de l’essentiel. L’époque est conservatrice par nécessité car tout changement, même social, fait peser sur elle la menace de sa disparition totale, sans fleur ni couronne.

Prochain numéro le 29 mars Suivez JUNKPAGE en ligne sur

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Inclus le supplément Escale du livre 2019. JUNKPAGE est une publication d’Évidence Éditions ; SARL au capital de 1 000 €, 32, place Pey-Berland, 33 000 Bordeaux, immatriculation : 791 986 797, RCS Bordeaux. Tirage : 20 000 exemplaires. Directeur de publication : Vincent Filet  / Secrétariat de rédaction : Marc A. Bertin  / Rédaction en chef : redac.chef@junkpage.fr / Direction artistique & design : Franck Tallon, contact@francktallon.com / Assistantes : Emmanuelle March, Isabelle Minbielle / Ont collaboré à ce numéro : Didier Arnaudet, Bruce Bégout, Marc A. Bertin, Cécile Broqua, Henry Clemens, Joëlle Dubois, Anna Maisonneuve, Henriette Peplez, Stéphanie Pichon, Jeanne Quéheillard, Joël Raffier, José Ruiz, David Sanson / Correctrice : Fanny Soubiran / Fondateurs et associés : Christelle Cazaubon, Serge Demidoff, Vincent Filet, Alain Lawless et Franck Tallon /  Publicité : Claire Gariteai, c.gariteai@junkpage.fr, 07 83 72 77 72 Sébastien Bucalo / Administration : Julie Ancelin 05 56 52 25 05, administration@ junkpage.fr   Impression : Roularta Printing. Papier issu des forêts gérées durablement (PEFC) / Dépôt légal à parution - ISSN 2268-6126 L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellés des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays, toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles sont interDjs et donnent lieu à des sanctions pénales. Ne pas jeter sur la voie publique.


STAGES

L’EBABX (école supérieure des beaux-arts de Bordeaux) propose 2 ateliers durant les vacances de Pâques, accessibles à tous et sur inscription (05 56 33 49 10). « Le portrait photographique », du 17 au 19 avril, consacré à la photographie numérique avec Claire Baudou, inscriptions les 25 et 26 mars, de 14 h à 19 h. « On dirait un corps », du 24 au 26 avril, modelage et techniques mixtes avec Amélie Boileux, inscriptions les 1er et 2 avril, de 14 h à 19 h.

Raphaël Bourelly & Sébastien Tixier, « Shan shui, de poussière, de béton et d’eau »

CLICHÉS

Artiste d’origine bordelaise, dont le travail a pu être vu à l’Institut Bernard Magrez en 2017 et dont le buste de Linné est installé au Jardin botanique, Lucie Geffré vit et travaille en Espagne où elle a été résidente à l’Académie de France à Madrid, la Casa de Vélazquez. Elle s’attache à peindre des présences silencieuses, qu’il s’agisse d’une figure humaine, d’un chien ou d’une théière. Son travail tourne autour de l’ambivalence présence / absence, elle cherche à établir un contraste et une tension entre abstraction et figuration, entre beauté et étrangeté.

Dan Franck

PLUMES

Pour la cinquième saison des Éditeuriales, Grand Poitiers reçoit l’illustre maison Grasset. Au menu des rencontres : Dan Franck ; Olivier Nora (éditeur et PDG des éditions Grasset) ; Jean Bothorel ; Samuel Benchetrit ; Colombe Schneck ; Isabelle Carré ; Juliette Joste (éditrice) ; Carole Zalberg ; Jean Rouaud ; Jean-Marc Levent (directeur commercial) ; Guy Boley ; Chloé Deschamps (éditrice) ; Daniel Rondeau. Fondées en 1907 par Bernard Grasset, les Éditions Nouvelles ont publié en 1913, à compte d’auteur, le premier livre d’un certain Marcel Proust Du côté de chez Swann.

« Évanescence », Lucie Geffré,

du vendredi 8 mars au vendredi 26 avril, Airial galerie, Mimizan (40200).

www.airialgalerie.fr

www.ebabx.fr

18 expositions à la découverte de regards contemporains et singuliers. Depuis plus d’un quart de siècle, la manifestation a accompagné l’évolution de la photographie au rythme des révolutions techniques et stylistiques, en veillant à présenter les formes de photographies d’auteur les plus diverses. Du Rocher de Palmer à Cenon, à la salle capitulaire de la cour Mably, 11 lieux accueillent cette 29e édition et proposent aux visiteurs d’effectuer leur propre itinéraire. Itinéraires des photographes voyageurs,

du mardi 2 au dimanche 28 avril.

www.itiphoto.com

© Bourg Arts et vin

© Annabelle Roy

FUGACES

© J-F Paga

Lucie Geffre, Bleu outremer

Les Éditeuriales,

du mardi 12 au samedi 23 mars, Poitiers (86000).

Du 23 au 24 mars, c’est la 59e édition du Salon du disque de Bordeaux ! Ce rendez-vous, regroupant 80 exposants venus de toute la France et de l’étranger s’affiche comme la plus grande manifestation du Sud-Ouest dans sa spécialité. Avec plus de 2 500 visiteurs attendus, cet événement offre un moment de plaisir et de découverte et promet à chacun de trouver son bonheur dans tous les styles, des années 1950 à nos jours. Un incontournable pour tous les collectionneurs et autres amateurs d’occasion et de neuf, mais aussi de produits dérivés. Salon international du disque,

du samedi 23 (de 11 h à 19 h) au dimanche 24 mars (10 h à 19 h), Vélodrome - Parc des expositions.

www.salondudisquedebordeaux.com

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TANDEM

Dans cette carte blanche, il s’agit de complicité et d’amitié. Alfred, artiste associé de la saison culturelle 2018/2019 de la Ville d’Eysines, convie son ami JP Nataf pour un concert dessiné. En donnant vie à ses illustrations autour de rencontres aussi singulières que poétiques, Alfred prend un immense plaisir à sortir de l’intimité de sa table à dessin pour se confronter à l’improvisation et à la scène. À partir de chansons solo et de reprises des Innocents, Alfred improvise en dessins, avec la virtuosité graphique qu’on lui connaît. JP Nataf & Alfred,

jeudi 21 mars, 20 h 30, théâtre Jean-Vilar, Eysines (33220)

www.eysines-culture.fr

MAESTRO © Moviestore Collection

JUKEBOX

© Poley Luard

D. R.

www.poitiers.fr

JP Nataf et Alfred

© Raphaël Bourelly & Sébastien Tixier

© Lucie Geffre

{En Bref }

MACABRE

À la mort de leur père, Elias et Gabriel découvrent qu’ils ont été adoptés et que leur père biologique, Evelio Thanatos, est un généticien travaillant dans le plus grand secret sur une île mystérieuse. Malgré leur relation houleuse, ils décident de partir à sa rencontre. Arrivés sur cette île éloignée de la civilisation, ils vont découvrir une étrange fratrie et des origines inquiétantes. Il devient évident que, décidément, on ne choisit pas sa famille. Après le corrosif Les Bouchers verts, une irrésistible farce en hommage à L’Île du docteur Moreau signée Anders Thomas Jensen. Lune noire : Men & Chicken, mardi 5 mars, 20 h 30, Utopia.

www.lunenoire.org

Le trajet de Riccardo, depuis sa naissance à Rome en 1956, est sinueux et rectiligne. Sinueux car le contrebassiste s’est frotté à toutes les musiques : du jazz à la musique contemporaine, de la musique de film au folklore. Rectiligne car c’est la même énergie amoureuse qui l’entraîne dans toutes ces aventures, la même éthique, la même subtile intelligence du monde. Tout cela avec humour, élégance, virtuosité, éclectisme, humilité. Dans le panthéon de ce fan de Chet Baker : entre autres John Coltrane, Gyorgy Ligeti, Claude Debussy, Gustav Mahler, Toru Takemitsu… Quintet Riccardo Del Fra, vendredi 5 avril, 20 h 30, château de la Citadelle, Bourg-sur-Gironde (33710).

www.bourgartsetvins.com



NIPPON

TEENAGE

Le madd-bordeaux consacre une exposition à un mode d’éclairage devenu, au fil des siècles, constitutif de l’identité culturelle du Japon et dont la fabrication a été reconnue « artisanat traditionnel » par le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Il s’agit des chōchin, ces lanternes constituées d’une structure en bambou recouverte de papier, que la légèreté semble condamner à une vie éphémère. À travers objets, estampes, photographies et films, l’exposition présente leur fabrication et l’évolution de leur usage, leur place dans la mythologie et les rituels japonais, et leur adoption par les designers depuis les années 1950.

LEURRES

Florilège d’œuvres de la collection du FRAC Poitou-Charentes, « Supermarché », initiée et coordonnée par le Réseau d’Éducation Prioritaire de Terresde-Haute-Charente, est le fruit d’un partenariat entre le FRAC PoitouCharentes, la commune de Terresde-Haute-Charente, le collège Jean-Michaud et la DSDEN16. À lieu singulier – la salle audessus du marché de la commune de Terres-de-Haute-Charente –, présentation inédite : l’exposition met en jeu le mode de présentation des œuvres et sème le doute entre lieu d’exposition et lieu de vente.

Dj Greem

TROPHÉES

Le 28 mars, c’est la remise des prix du Palmarès Régional d’Architecture en NouvelleAquitaine [PRAd’A], dans le cadre du salon Architect@Work, à Bordeaux, décernée par un jury présidée par Bita Azima Khoï. La soirée se poursuivra avec un dj set de GREEM, (Hocus Pocus, C2C). Cette deuxième édition du [PRAd’A] est organisée par le 308 – Maison de l’Architecture, en association à l’Ordre Régional des Architectes, en partenariat avec les Maisons de l’Architecture du territoire (Limoges, Pau & Poitiers) et avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.

« As movable as butterflies Les chōchin du Japon »,

« Supermarché »,

du lundi 4 mars au vendredi 12 avril, marché couvert - Terres-de-HauteCharente, Roumazières-Loubert (16270).

© Ben Lorph

Rob Pruitt, Un carton de Dasani

© Vincent Cadoret

Fabricants de lanternes en papier dites chōchin peignant, début du xxe siècle

© New York Public Library - D. R.

© Galerie Air de Paris

{En Bref }

jusqu’au dimanche 19 mai, musée des Arts décoratifs et du Design.

madd-bordeaux.fr

www.frac-poitou-charentes.org

De son amour inconditionnel de MacGyver (le héros multifonctions au couteau suisse multi-lames de la télévision des années 1980 et 1990) au concert de NTM en passant par la découverte du théâtre comme un espace de liberté, Énora Boëlle retrace dix ans de son adolescence avec ses angoisses, ses rêves et ses premières désillusions. Seule en scène, avec tendresse et autodérision, dans un espace nu, elle active les souvenirs, corps et parole mêlés pour essayer de comprendre quelles en sont les traces qui subsistent alors dans notre corps d’adulte. J’ai écrit une chanson pour MacGyver, Le joli collectif,

jeudi 21 mars, 20 h 30, médiathèque Jacques-Ellul, Pessac (33600).

www.pessac.fr

Architect@Work, jeudi 28 mars, Parc des expositions de Bordeaux-Lac

Étouffées et contraintes par le poids de normes écrasantes, ces « incorrigibles et rebelles » des siècles derniers ont fini actrices de changements sociaux. Dévoilant des figures féminines jugées immorales de 1840 aux années 2000, « Mauvaises filles » s’appuie sur une scénographie dynamique. À côté de saisissantes photos d’archives, l’exposition invite à un jeu de l’oie incarnant diverses « personnalités » (vagabonde, fille-mère, fugueuse, crapuleuse…) et lieux de perdition (fête foraine, guinguette), de coercition (internat, prison), de soumission (maison close, foyer).

« Mauvaises filles - Incorrigibles et rebelles xixe-xxie siècles », jusqu’au dimanche 28 avril, château de Cadillac, Cadillac-sur-Garonne (33410).

HOMMAGE

Pour sa troisième édition, le festival de film documentaire Passagers du Réel met à l’honneur Agnès Varda. Avec une quarantaine de films à son actif, la cinéaste ne cesse d’étonner en livrant une œuvre en perpétuel mouvement qui se moque bien des frontières établies. La manifestation propose sept ciné-débats, trois jours de rencontres ainsi qu’une carte blanche au festival Jean Rouch de Paris. Organisé par la Troisième Porte à Gauche, il se déroule entre la bibliothèque Mériadeck, le cinéma Utopia, le marché des Douves ainsi qu’au local de l'association. Passagers du Réel : Portrait(s) d’Agnès Varda,

du mercredi 6 au samedi 9 mars.

www.troisiemeporteagauche.com

PREMIÈRE YOUPI ! Depuis plusieurs années, l’Opéra de Limoges développe une politique centrée autour de la voix à travers la sensibilisation du jeune public à la musique et l’éducation vocale à travers des projets participatifs. OperaKids en est le prolongement. Ce dispositif rassemble des enfants d’une classe d’âge entre 6 et 14 ans, issus de milieux socio-culturels différents, venant principalement des quartiers prioritaires de la ville de Limoges et de l’agglomération. Voix en cavale est le premier spectacle créé par les enfants d’OperaKids. Le livret est signé par Marion Aubert, la musique par Alexandros Markeas.

Du 29 au 31 mars, Montussan accueille la 8e édition de Lis Tes Ratures. Au programme de cette fête du livre enfance et jeunesse : des rencontres, des échanges, des débats, des tables rondes, des dédicaces bien sûr, mais aussi des ateliers animés par les auteurs / illustrateurs ou les animateurs et parents d’élèves, des lectures et spectacles autour des livres, une nuit dans le cyberespace le samedi soir, des spectacles et d’autres surprises encore. Finale en apothéose avec le spectacle de Balafon Mon nouveau concert rock, dimanche 31 mars à 17 h.

Voix en cavale,

du vendredi 29 au dimanche 31 mars, espace Carsoule, Montussan (33450).

dimanche 3 mars, 15 h, Opéra de Limoges, Limoges (87000).

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www.operalimoges.fr JUNKPAGE 6 5   /  mars 2019

Ella Charon

Lis Tes Ratures,

www.cdcsaintloubes.fr

© L'École des Loisirs

©SRF

TAULARDES

© Opéra de Limoges

D. R.

www.le308.com



ÉPILOGUE

MOUSSE

Depuis quelques années, sous diverses identités et médiums, Julien Jaffré développe un lexique artistique personnel. Il propose une série de cartes marines s’inspirant pour partie de figures de la mythologie grecque (Triton, Sirènes). Chimères de matelots tatoués et de corps de sirène, marins introspectifs, cétacés majestueux, animaux des profondeurs, personnages de cinéma composent son bestiaire aquatique. Conçus sur d’authentiques cartes marines, les dessins ont été réalisés au stylo Bic®, clin d’œil aux premiers tatouages encrés bleus des moussaillons.

La mission #BM2050 organise son grand finale vendredi 29 mars, de 9 h à 22 h 30, au Hangar 14 afin de présenter le bilan de cette année de concertation(s) et de proposer un dernier débat destiné à esquisser les contours de la métropole en 2050. Entre expositions et débats, l’occasion de retrouver toutes les contributions recensées depuis un an : pépites du serious game, résultats des hackathons et créathons, retour sur les ateliers thématiques et la centaine de pitches présentée au cours de la phase 2, résultats de l’enquête par questionnaire, maquettes… La journée s’achèvera par une battle de pianos disputée entre André Manoukian et Dimitri Naïditch.

Amaryllis Joskowicz

FÉMININ

« Femmes en regard » regroupe les travaux de quatre jeunes artistes confirmées – Amaryllis Joskowicz, Celia Gouveiac, Charlotte L’Harmeroult et Veronica Weinstein – qui ont décidé à un moment de leur travail, par ailleurs fortement individualisé, de se grouper pour présenter une exposition mettant en scène des « regards de femmes sur les femmes » et sur le monde. D’horizons et de disciplines diverses, elles ont choisi Bordeaux pour y vivre et y travailler. Leur proposition trouve naturellement sa place dans la célébration de la Journée internationale pour les droits des femmes.

© Gaston Balande

© Ammarylis Joskowitcz

© Julien Jaffré

© Actiplay

{En Bref }

THALASSA

Jusqu’au 27 octobre, le musée de Royan présente « Tous à la Plage, villes balnéaires du xviiie siècle à nos jours ». Cette exposition, conçue par la Cité de l’architecture et du patrimoine, dresse un panorama de l’histoire des villes balnéaires en France, au regard des pratiques européennes, des origines à nos jours. La richesse et l’originalité de la ville de Royan y sont développées, du Casino municipal de Gaston Redon à la Reconstruction. Architecture, urbanisme, œuvres d’art et objets du quotidien racontent la conquête progressive des bords de mer. « Tous à la Plage, villes balnéaires du xviiie siècle à nos jours », jusqu’au dimanche 27 octobre, musée de Royan, Royan (17200).

www.ville-royan.fr

« Femmes en regard »,

« Fluctuat nec mergitur », Ruliano des Bois,

du vendredi 8 au dimanche 10 mars, L’Étage galerie.

jusqu’au samedi 27 avril, Plage 76, Poitiers (86000).

consortium-culture.coop

#BM2050,

vendredi 29 mars, 9 h — 22 h 30, H14.

PROTECTION Les Initiatives Océanes sont des nettoyages de plages, lacs, rivières et fonds marins partout dans le monde. Ces collectes de déchets sont organisées par des bénévoles grâce à l’accompagnement de Surfrider Foundation Europe. Si le programme se déroule tout au long de l’année, demeure cependant un temps fort. Cette année, le lancement européen de la 25e édition se déroulera du 21 au 24 mars. Surfrider Foundation Europe accompagne les bénévoles pour leur permettre d’organiser un nettoyage en toute autonomie. Initiatives Océanes,

du jeudi 21 au dimanche 24 mars.

www.surfrider.eu

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STAR

Plus belle formation ayant vu le jour dans le cloaque bordelais depuis des lustres, TH da Freak – groupe fantasmatique mené par le surdoué Thoineau Palis – célèbre comme il se doit la sortie de son déjà 3e album, Freakenstein, chez Howlin Banana. En activité depuis 2011, la prolifique figure de proue du collectif Flippin’ Freaks franchit pas à pas les étapes vers la reconnaissance critique et publique en infusant un sens mélodique éblouissant dans un hommage amoureux mais nullement scolaire d’un certain esprit indie rock début 90. Faux slacker, mais vrai talent. Release party : TH da Freak + Bad Pelicans,

samedi 30 mars, 19 h 30, i.Boat.

www.iboat.eu

BPM

À chaque étape de sa tournée, le French Waves Tour déroule le tapis rouge à des artistes qui ont fait les musiques électroniques françaises, toutes générations confondues. Au Rocher de Palmer, Agoria portera l’étendard pour son grand retour en live aux côtés de la sulfureuse Chloé et du collectif local À l’eau. L’après-midi, à l’UGC Ciné-Cité de Bordeaux, projection du documentaire French Waves, qui part à la rencontre de « papas » et de jeunes artistes et confronte leurs visions d’une scène en perpétuelle mutation, projection suivie d’une rencontre privilégiée avec Agoria. French Waves Tour : Agoria + Chloé + À l’eau,

samedi 16 mars, 22 h-5 h, Le Rocher de Palmer, Cenon (33150).

lerocherdepalmer.fr

Olivier Guez

PENSER

L’Institut culturel Bernard Magrez invite le public à sa nouvelle Nuit du savoir, mardi 5 mars, consacrée à Olivier Guez. Prix Renaudot 2017 pour La Disparition de Josef Mengele (Grasset & Fasquelle), l’ancien journaliste a toujours été fasciné par ces périodes troubles et incertaines que sont les aprèsguerres. Après trois longues années de recherches historiques – « Je vivais avec lui, avec ce personnage abject, d’une médiocrité abyssale. Je montais sur le ring. Je l’affrontais. Les six premiers mois, il m’arrivait de crier son nom la nuit. » –, l’auteur parlera de son roman salué par la critique. Nuit du savoir : Olivier Guez, mardi 5 mars, 19 h 30, Institut culturel Bernard Magrez.

www.institut-bernard-magrez.com

© Claude Truong-Ngoc

Agoria

© Charlotte Abramow

©Nicolas Bauclin

© Surfrider Foundation Europe

www.bm2050.fr



DRACULA

Le Bob Théâtre revient avec un petit bijou de son répertoire, nommé aux Molières du spectacle jeune public en 2008. Deux gaillards en costumes sombres et au teint blafard jouent à nous mettre le trouillomètre à zéro. Nosferatu est une invitation à frissonner de plaisir qui multiplie les clins d’œil complices aux adultes. En croquemorts impassibles, Denis Athimon et Julien Mellano ont imaginé un spectacle truffé de références cinématographiques où l’humour décapant électrise le théâtre d’objets.

CLAP

arc en rêve centre d’architecture poursuit le cycle d’expositions « architectures d’ici », consacré à des projets réalisés sur le territoire de la métropole bordelaise. Les opérations choisies, de caractère remarquable, sont le résultat d’une ambition partagée entre le maître d’ouvrage et l’architecte. Sous le titre « quai des Queyries », la nouvelle proposition est consacrée à l’îlot Queyries, situé à la Bastide, rive droite de la Garonne à Bordeaux. À la demande de la Ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole Aménagement a organisé une consultation d’urbanistes pour les 2 hectares de l’îlot Queyries, à l’issue de laquelle le projet de Winy Maas / MVRVD a été retenu.

Camille Piantanida

MINOTS

Dans le cadre de son projet associatif et de sa mission de service publique – au cours d’un travail commun avec les enfants, les collégiens, les adolescents et les adultes du territoire de Bordeaux Sud –, l’association Astrolabe organise le premier festival de littérature jeunesse de Belcier, Les Mots passants, du 8 au 9 mars, dont le thème retenu est « Les déplacements ». Au menu : fresque, animaux chimériques, paperolles, calligrammes, BD strip urbain, atelier d’écriture pour adultes, atelier philo, bestiaire et hand painting…

« quai des Queyries », MVRDV,

Nosferatu, Bob Théâtre,

architectes, Rotterdam, du jeudi 14 mars au dimanche 26 mai, arc en rêve centre d’architecture, galerie blanche.

dimanche 10 mars, 17 h, Théâtre de Bayonne, Bayonne (64100) mardi 12 mars, 20 h 30, Théâtre Quintaou, Anglet (64600)

© MVRDV

DEMAIN

D. R.

D. R.

(W)ego City, Dutch Design Week 2017, Rotterdam, MVRDV architectes

© Pierre Planchenault

{En Bref }

www.arcenreve.eu

www.scenenationale.fr

Dans le cadre des petites surprises d’Éclats, l’ensemble de musique baroque Les Surprises et l’association musicale Éclats présentent Tours de mains de Sébastien Clément. D’une caisse, de boîtes et de ses mains, Sébastien joue. Faire, défaire et refaire. Poser, déposer, reposer. Faire tomber… Et badaboum ! « Encore ! » Et c’est reparti pour un tour : tour de magie, tour de piste, tour de rôle, tour gigogne. Tous ces détours qui permettent de faire grandir ; du bruit au son, du son à la musique ! Une représentation suivie d’un apéritif surprise. Tours de mains, Sébastien Clément, dès 6 mois, mardi 5 mars, 19 h, Éclats.

www.eclats.net

Les Mots passants,

©Régis Flaque

du vendredi 8 au samedi 9 mars, salle Son Tay.

Si les membres de Cannibale rendaient leur petit déjeuner au moment de parler de Not Easy to Cook, l’auditeur serait bien surpris. Les quadras étant signés chez Born Bad, on penserait garage et look à la Didier l’Embrouille, mais on se retrouverait avec des bouts d’exotica coincés entre les dents, le Jungle Obsession de Nino Nardini & Roger Roger étalé sur la table et du glam tropical en bouteille plastique dégueulé par une version encore plus débile que le Mike Myers de Wayne’s World. Le décor est planté, vous êtes bons pour tout nettoyer.

TRIO

www.rocksane.com

Dans le cadre des 15 ans de son activité, l’association Bordeaux Chanson poursuit la programmation de ses légendaires parties à trois, expériences d’échange de répertoires de 3 auteurscompositeurs-interprètes qui ne se connaissaient pas avant et ont 5 jours pour créer un spectacle. Le 8 mars : Nicolas Jules + Imbert Imbert. Le 9 mars : Ludo Pin + Fred Bobin + Fabien Bœuf. Le 6 avril : Benoît Doremus + Jérémie Kisling. Et comme toujours, les concerts commencent à 20 h 33 !

vendredi 29 mars, 21 h, La Centrifugeuse, Pau (64000).

www.bordeaux-chanson.org

Cannibale,

samedi 16 mars, 21 h, Rocksane, Bergerac (24100)

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Benoît Dorémus

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© Adrien Millon

MIAM

© Frank Loriou / Agence VU

© Thibaut Derien

THÉRAPIE

JAM

Improvidence, le café-théâtre 100 % dédié à l’improvisation propose des cours et des stages d’impro pour tous les niveaux ! S’amuser, libérer sa créativité, oser s’exprimer et gagner en réactivité. Envie de découvrir l’impro ? Improvidence Bordeaux (19, rue des Augustins) propose des cours d’essai gratuits, 2 fois par mois. Prochaines dates : mardi 12 mars et mardi 9 avril. Découvrez toute la programmation des stages et inscrivez-vous sur le site. www.improvidence.fr

On dit de Manon Lepomme qu’elle est l'humoriste belge préférée des Français. Il faut dire que la jeune artiste de 28 ans a de quoi plaire. Elle est non seulement pétillante et spontanée mais elle maîtrise aussi parfaitement l’art de l'autodérision. Dans son dernier spectacle, elle choisit de se raconter sur scène… au lieu d’aller chez le psy. Elle évoque, entre autres, sa lutte contre sa gourmandise maladive, l’Alzheimer de ses grands-parents et son ancien métier de prof. Comme elle n’ira pas chez le psy, elle choisit de se raconter sur scène. Non, je n’irai pas chez le psy !, Manon Lepomme, samedi 6 avril, 20 h 30, Le Tube-Les Bourdaines, Seignosse (40150).



{ Musiques } LA NEF Label attribué par le ministère de la Culture,

avec les éclaircissements de Baptiste Desvilles, programmateur artistique, Hélène Dupuy, chargée de communication, et Adeline Sourisseau, médiatrice culturelle.

Arnaud Rebotini

ANGOULÊME • LA NEF Quand Maceo Parker monte sur la scène, un soir de 1993, l’ancienne poudrière du xixe siècle devient officiellement une salle de concert. Les fondateurs embarqués dans cette aventure baptisent le lieu d’après le tableau de Jérôme Bosch La Nef des fous. Rénovée en 2005, la salle de spectacle a une capacité de 700 spectateurs, transformable en club de 300. La moyenne d’âge du personnel est de 28 ans. L’histoire remuante de La Nef a concrétisé l’expression « place aux jeunes ! »… Après les gros déboires qui ont marqué la dernière direction, sont restés ceux qui avaient l’envie de s’accrocher. Les rênes ont été reprises par les plus motivés et les plus dynamiques, en accord avec les politiques de la communauté d’agglomération du Grand Angoulême. « Ils nous ont fait confiance, clairement », résume Baptiste, le responsable de la programmation. Avec son espace de diffusion, ses quatre studios de répétition, son studio d’enregistrement et sa boutique qui déborde de goodies, l’équipement culturel – désormais souvent cité en exemple en termes d’organisation et de communication – a le visage du public auquel il s’adresse. CULTURE DE L’IMAGE « À Angoulême, c’est compliqué de passer à côté de l’image », expose Hélène, chargée de communication, au moment d’évoquer la collaboration mise en place avec le collectif de sérigraphie Les Mains Sales ; « il y a tellement de gens qui dessinent à Angoulême, on n’a que l’embarras du choix » ! Sur les concerts, vous verrez des dessinateurs présents qui, équipés d’une petite lampe, font des croquis de scène. C’est aussi un dessinateur qui est enfermé à l’intérieur du photomaton installé dans le hall : après trois minutes, on en ressort portraituré. Les spectateurs des concerts sont en outre invités à passer fabriquer leur propre badge collector, ou à repartir avec un petit sticker. INSTALLATIONS « Ça nous arrive très souvent de changer la décoration du hall ou de faire des installations, explique Hélène. On sait que les gens sont à la recherche d’autre chose que juste des concerts. Selon les soirées, on peut

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se faire tatouer, se défouler sur des piñatas géantes, consulter un (faux) psy ou… adopter un chat. » Adeline, médiatrice culturelle, s’amuse d’une anecdote : « Pour un concert présenté sous la forme d’un bal masqué, on s’est retrouvé à devoir découper quatre cent masques pour pouvoir les offrir au public ! » Conséquence : des spectateurs agréablement surpris et le maintien par le fun d’un bon esprit de cohésion au sein de l’équipe. ACCOMPAGNEMENT La Nef mène de nombreuses actions hors les murs, notamment en milieu scolaire, qu’il s’agisse des parcours d’éducation artistique et culturelle menés par le Grand Angoulême ou de l’application du dispositif de la Sacem des Fabriques à musique. Les artistes accompagnés par la salle se rendent dans les écoles et créent des chansons avec les élèves. À partir du mois de mars, les compositions sont enregistrées à La Nef, puis restituées sur scène au mois de mai. Au titre des projets professionnalisants, La Nef accompagne la compagnie Artefa sur la création d’un ciné-concert original : un cube dont les faces latérales font office d’écrans est posé au milieu du public, avec les musiciens à l’intérieur.

musicien electro Arnaud Rebotini et des auteurs Marie Spénale, Florence Dupré la Tour, Cyril Doisneau et Christophe Bataillon. Le festival Musiques Métisses, depuis trois ans, est accueilli dans l’enceinte de La Nef – dans l’attente de son futur site. La Nef délocalise de nombreux concerts dans des bars du centre-ville, comme Le Mars ou La Réserve, ou dans des endroits plus insolites, tels que Le Comptoir des Images, galerie et librairie de présentation de la création graphique régionale, le toit de la Cité internationale de la bande dessinée ou des églises des environs. LA FRÉQUENTATION L’éclectisme de la programmation, la décontraction de l’équipe, le renouvellement du public, le retour des anciens habitués et les bonnes idées de communication paraissent avoir porté leurs fruits. Cette année, La Nef se réjouit d’avoir « explosé les chiffres » en terme d’abonnés et la fréquentation, d’après Baptiste, dépasse les prévisions. Les concerts de groupes dits « de découverte » font à présent des scores de 150 spectateurs, « ce qui n’était pas le cas il y a quelques années », précise Baptiste. « Et pour Angoulême, rajoute Hélène, ce n’est pas mal ! »

OPÉRA HIP-HOP Parmi les actions que La Nef mène en milieu scolaire, difficile de ne pas remarquer… la création d’un opéra hip-hop. L’écriture des textes a été confiée aux jeunes des quartiers de la Grand Font et du Champ-deManœuvre, la mise en musique aux élèves du collège et lycée Saint-Paul, la chorégraphie à la professeure de danse Elsa Fredon, cette dynamique créant de fait des rencontres entre tous les adolescents concernés tout le long de l’année. Sur scène pour la restitution finale : guitare, basse, batterie, clavier, violon, violoncelle, alto, sept MC, quarante choristes de Saint-Paul et une dizaine de danseurs.

RENDEZ-VOUS Samedi 9 mars : Kokoko! (world, avec Musiques Métisses). Dimanche 17 mars : William Z. Villain en concert dessiné par Alfred + The Legendary Tigerman (rock). Jeudi 21 mars : JB Dunckel (pop) à l’église Sainte-Eulalie de Champniers. Mercredi 27 mars : Bertrand Belin (chanson) + Miegeville. Dimanche 31 mars : Groundation (reggae). Samedi 20 avril : Caballero & JeanJass (rap). Mercredi 8 mai : NOFX + Bad Religion (punk rock).

PARTENARIATS Les grands rendez-vous angoumoisins font l’objet de partenariats à l’année. À l’occasion du dernier Festival de la BD, un concert dessiné en 3D a uni les talents du

Rue Louis-Pergaud, Angoulême (16000) 05 45 25 97 00

La Nef

www.lanef-musiques.com

© Lily Bineau

le sigle SMAC signifie « scène de musiques actuelles ». Diverses dans leur forme, les SMAC ont pour mission de diffuser les musiques actuelles dans leur acception la plus large, en mettant l’accent sur les artistes en développement. Chacune sur son territoire, elles assurent en outre des missions de soutien à la création et d’accompagnement des musiciens, amateurs et professionnels. Quatorze SMAC sont répertoriées en Nouvelle-Aquitaine. Après Le Camji à Niort, nous visitons La Nef, à Angoulême. Par Guillaume Gwardeath,


© Eva Vermandel

TUNNG Toujours actif plus de quinze

ans après sa formation, le trop souvent mésestimé groupe londonien revient dans la foulée de Songs You Make at Night.

SONGES Inutile de tourner autour du pot, Tunng incarne à merveille le genre de combo dont l’histoire et le legs ne passionnent qu’une maigre poignée de fans. Ni prophète en son pays, ni gloire exotique au pays de Vianney, le tandem Mike Lindsay et Sam Genders aura néanmoins réussi à constituer une communauté fidèle conquise par leurs ritournelles hybrides, hâtivement étiquetées « folktronica » (bel exemple de la tyrannie du sous-genre selon le dictionnaire de la norme Pitchfork) pour avoir osé acoustique et field recording, mais sans le soupçon psychédélique qui participera au triomphe d’Animal Collective. Évoquant tant une version dépouillée du regretté Beta Band que l’œuvre en solitaire de Gruff Rhys, le parfum séduira la maison bordelaise Talitres, qui éditera Comments of the Inner Chorus (2006), deuxième livraison et pierre angulaire de la discrète discographie.

Sixième album publié depuis 2003 – belle parcimonie que voilà –, Songs You Make at Night signe contre toute attente le retour de Sam Genders, parti lassé après Good Arrows (2008). Autant dire une nouvelle inespérée, renforcée par la présence du line up originel au complet. Faux disque concept, mais réelle expérience sonore voire sensorielle, ce voyage onirique, du crépuscule à l’aube, emprunte des motifs plus synthétiques qu’à l’accoutumée. Une espèce de renaissance ou de nouveau départ, fruit d’une maturité sereine. De celle qui nimbe ceux qui n’ont plus rien à prouver, artisans modestes, mais vrais talents. Marc A. Bertin Tunng,

mercredi 13 mars, 19 h 30, I.Boat.

www.iboat.eu


CHRISTIAN OLIVIER

Les chanteurs engagés ne sont plus ce qu’ils étaient. Quatre ans après sa révélation Leur cause, aujourd’hui, pour au grand public, le wonder boy ceux qui s’y livrent, s’est faite finlandais revient d’humeur moins visible, plus personnelle. apparemment légère Comme une façon d’être aux affaires. au monde. JAAKKO EINO KALEVI

HEI JEK ! DROITURE

Jaakko Eino Kalevi + Tample + Génial au Japon, mercredi 13 mars, 19 h,

Christian Olivier n’a jamais fait autre chose. Un engagement total, prenant un chemin de traverse dans le show biz. Engagement humaniste, fait de petites choses qui font les grands combats. Celui du leader de Têtes Raides – le groupe qu’il a fondé au cœur des années 1980 (et avant leur retour) – ressemble bougrement à… Têtes Raides. Au fil du temps, Christian Olivier est devenu comme une balise unique ; incarnation d’une forme de chanson française à rebours du courant dominant de la variété. Elle rappelle ses bases et célèbre les voix, les thèmes, et une musique fondatrice, issus de la chanson réaliste. On peut évoquer Brel, bien sûr, mais aussi Escudero ou Boris Vian (qu’il reprend à son compte). Et puis l’homme s’exprime en plan large. Ses disques (avec Têtes Raides) s’habillent d’un graphisme où l’art brut prolonge le langage des notes. Son art est total, et, dans son escapade en solo, il convoque des instruments étrangers jusque-là dans sa musique (boîte à rythmes, violoncelle électronique). Son premier album sonnait presque un peu rock’n’roll. Le deuxième (After Avant) contient toujours la même sève humaniste dans les textes et la douce tristesse de ses compositions. Au centre, toujours au centre de toutes ces chansons, l’humain. Il a pu s’appeler Ginette ou Gérard. C’est souvent luimême qui se raconte : Je chante, Mi corazón, Je me quitte… La présente tournée accompagne ce deuxième effort et fait suite à celle entreprise avec Yolande Moreau pour un hommage à Prévert. Mais ce sont bien les chansons de After Avant qui seront au répertoire. Avec quelques surprises quand même. Car comme pour ses compositions graphiques, ses collages et ses vidéos, Christian Olivier ne cessera pas de faire de la récup’. José Ruiz

www.krakatoa.org

Christian Olivier + La Belle Bleue,

Jaakko Eino Kalevi + guest,

www.musicalarue.com

Comme dans un rêve d’Aki Kaurismäki, le destin du fondateur du label JEKS Viihde a pris un tour différent à la suite de la publication de Naturally en 2015. La légende était en marche : l’ancien conducteur de tramway d’Helsinki gagnait enfin ses galons de next big thing finnoise, marchant ainsi sur les pas de son glorieux aîné Jimi Tenor. La comparaison était facile : teint pâle, blondeur, motifs synthétiques, étiquette de choix (Warp pour l’un, Domino pour l’autre) et cette manière de recomposer une espèce d’idéal de pop européenne, affranchie des canons anglo-saxons. La réserve aussi était de mise lorsqu’on osait avancer l’héritage du fantôme canadien Lewis Baloue, pourtant la filiation sonnait de manière évidente… De l’art de se faire un film. Paru à l’automne dernier, Out of Touch – nul hommage, a priori, à Hall & Oates – a désarçonné son monde. Plus solaire, plus smooth, plus enjoué, plus de saxophone aussi, mais toujours ce layer cake de claviers au parfum mélancolique (Outside en codicille de Room) et de guitares échappées d’un plan séquence somnambule de Miami Vice. Visant l’universalisme continental (Conceptual Mediterranean Part 1) passé au filtre d’un yacht rock xxie siècle, le désormais néo-Berlinois fait montre d’une belle audace. Inutile de masquer plus longtemps la hâte de ces retrouvailles, d’autant plus que la date girondine se tient dans le cadre des soirées Avant-Garde, nouveau rendez-vous proposant un copieux plateau (3 artistes « indé », dont une tête d’affiche et deux régionaux de l’étape) au tarif hyper abordable. Marc A. Bertin

Le Krakatoa, Mérignac (33700).

jeudi 14 mars, 21 h, Le Confort Moderne, Poitiers (86000).

www.confort-moderne.fr

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RUFUS WAINWRIGHT Né sous

une bonne étoile, le Canadien a grillé les étapes. Chanteur, auteur, compositeur, comédien, il s’est illustré du cinéma à la Deutsche Grammophon.

IL DIVO

Être fils de chanteurs reconnus facilite grandement l’accès aux scènes et aux studios, n’importe quel Sean Lennon vous le dira. Loudon Wainwright III, chanteur folk nordaméricain, responsable d’une bonne vingtaine d’albums dès 1970, est son père. Lui aussi a fait l’acteur, et reste un de ces artistes cultes, éternels Poulidor de Dylan. Sa mère, Kate McGarrigle, canadienne, mena aussi une honorable carrière folk avec sa sœur Anne, jusqu’à sa disparition en 2010. Pareille ascendance permit au jeune Rufus de graver son premier enregistrement à l’adolescence. Sa première chanson bénéficie même d’un clip (I’m A-Runnin’), où le garçonnet adopte un ton plutôt rock’n’roll. Nous sommes à la fin des années 1980, et lui cherche son style. Ce ne sera cependant pas le rock’n’roll. Le jeune homme en pince pour Édith Piaf et Schubert. Il s’oriente donc vers la pop, et la bienveillance paternelle lui permet d’attirer l’attention du patron de Dreamworks, qui le signe pour un premier album homonyme reçu avec enthousiasme par une presse qui voit en lui la révélation du moment. Ce premier disque l’installe d’ores et déjà dans une notoriété après laquelle ont couru toute leur carrière ses deux parents, sans jamais l’atteindre. Chansons en français, compositions pour ballets, collaborations avec le who’s who du métier – Elton John, David Byrne, Boy George, Joni Mitchell –, opéras (Prima Donna, Take All My Loves: 9 Shakespeare Sonnets), insatiable et versatile en somme. Et la tournée de ses 20 ans promet un passage en revue de la trajectoire étoilée de ce chanteur qui reste plus populaire en Europe qu’en terre américaine. JR

dimanche 3 mars, 15 h, Les Cigales, Luxey (40430).

Rufus Wainwright,

Christian Olivier + Fanch,

www.lepingalant.com

samedi 9 mars, 20 h, L’Accordeur, Saint-Denis-de-Pile (33910).

www.laccordeurlasalle.com

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© Tina Axelsson, Tina Tyrell

© Richard Dumas

© Maxime Imbert

{ Musiques }

jeudi 4 avril, 20 h 30, Le Pin Galant, Mérignac (33700).


© Kristy Benajmin

Temples

SIDÉRAL BORDEAUX PSYCH FEST Toujours dédiée

aux diverses interprétations actuelles de la tradition psychédélique pop rock, la manifestation teste sa deuxième édition. Objectif secret : la transmutation de la salle du Grand Parc en un planétarium halluciné.

HARE VISION D’un petit festival de pop rock psychédélique monté sur un coup de tête dans le centre de Bordeaux, le Sidéral est passé à une dimension supérieure. Principal espace de diffusion : la salle des fêtes du Grand Parc, nouvel écrin des programmations tendance du moment, qui paraît tout à fait avoir retrouvé son lustre d’antan et le pouvoir attractif de son énergie tellurique. Aux commandes : deux collectifs associés, Musique d’Apéritif, DJs et créatifs surfant entre Biarritz et Bordeaux, et L’Astrodøme, centre de ressources souterrain pour musiciens portés sur le voyage astral. Ils ont accompli leur mission : faire de Bordeaux une des villes accueillant dorénavant un « Psych Fest ». La programmation en est osée. L’audace artistique a pris le pas sur toute considération démagogique. Parmi les invités, on salue la présence de Radio Moscow (from USA, not USSR), fournisseurs d’un rock heavy hendrixien, fumant et chevelu. Autre nom reconnu : Zombie Zombie, Parisiens ayant su sentir avec un temps d’avance le retour du goût pour les ambiances « à la John Carpenter » ; en tout cas avant les cohortes de morts-vivants suiveurs et maladroits.

Le duo de batteurs Deux Boules Vanille débarque de la planète Gougou pour interpréter une acid house rythmique jouée à l’aide des senseurs électroniques. Les deux percussionnistes déclenchent des synthétiseurs, toujours. Ils déclenchent l’enthousiasme, souvent. Ils déclenchent l’hystérie générale, parfois. Kaviar Special, signature de Musique d’Apéritif, est aussi supporté par les labels Howlin Banana Records et Beast Records, autant de tampons synonymes de qualité et de crédibilité pour ce combo rennais postgarage rock. Pour le reste, l’Europe lysergique et solarisée est présente, réunifiée : l’Angleterre avec Temples ; l’Allemagne avec Odd Couple et Electric Moon ; la Suède avec MaidaVale ; l’Italie avec New Candys ; le Portugal avec Solar Corona et Big Red Panda ; la Belgique avec Phoenician Drive. Une forme d’Eurovision, oui, mais avec des visions mystiques et sidérales. Guillaume Gwardeath Sidéral Bordeaux Psych Fest, du jeudi 14 au samedi 16 mars.

sideral-bdxpsychfest.com


Avec Santa Plastica, la sororité affirme un virage musical en douceur amorcé dès 2013. Parties d’un répertoire argentin, les jumelles se tournent un peu plus vers le jazz.

PACHAMAMA C’est aux nombreuses allées et venues entre l’Europe et le continent sud-américain, aux multiples voyages de leurs parents, émigrés réguliers qui vinrent chercher fortune sans toujours la trouver en France ou en Suisse, c’est à ce vagabondage nourricier que Las Hermanas Caronni attribuent l’éclectisme qui alimente leur musique. Gianna et Laura Caronni arrivent en France à la fin des années 1990. Les deux sœurs disposent alors d’un solide bagage classique. Leur curiosité leur a aussi révélé les musiques plus traditionnelles de leurs origines. Bien que nées en Suisse, la ville de Rosario est bien le creuset originel où Gianna apprend la clarinette et Laura le violoncelle. Depuis, elles n’ont jamais cessé de jouer ensemble, enchaînant les albums jusqu’au récent Santa Plastica, divinité imaginaire qui matérialise aussi le cauchemar synthétique vers lequel la planète s’oriente. Le devenir de cette Pachamama – la Terre nourricière en quechua [qui est d’abord une langue parlée dans le nord-ouest de l’Argentine, NDLR] – est l’une des préoccupations dominantes du duo. « Nous, les artistes, sommes très perméables à la marche du monde, dit Laura. Le titre de l’album reflète nos craintes pour notre environnement. » Musicalement, l’inspiration inclut des touches classiques perceptibles sur chaque morceau. « Un compositeur classique (Debussy, Ravel, Bartok…) se cache derrière chaque composition, » lâche, espiègle, Laura. Avec Erik Truffaz, qui sera également sur scène pour le concert au Rocher, la fête s’annonce bigarrée. José Ruiz Las Hermanas Caronni & Erik Truffaz, mardi 19 mars, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon (33150).

lerocherdepalmer.fr

SUNN O))) En préambule de la

sortie de Life Metal, l’autoproclamé power ambiant duo s’embarque dans une tournée européenne dévouée aux sons des ténèbres.

DRONE

MASTER Que dire de plus et de mieux que ce qui a été déjà écrit ? Depuis 1998, Stephen O’Malley et Greg Anderson malaxent jusqu’à l’épuisement le codex metal, versant doom, avec une certaine idée mystique de la transe. Adulée par les fans de Black Sabbath et de La Monte Young, la formation n’a de cesse de (se) jouer des paradoxes du minimalisme. Adepte de l’art du silence comme des déflagrations, Sunn O))) transforme la pesanteur en extase, convertit les branchés à ses rituels (murs d’amplis, robes de bure, brouillard gothique) et figure toujours dans le Who’s Who des musiciens fondamentaux du siècle. Auteur d’une impressionnante discographie, où le nombre d’albums live dépasse allégrement celui des efforts studio, le groupe assoit définitivement son statut avec Monoliths & Dimensions (2009), convoquant à sa messe noire Oren Ambarchi, Dylan Carlson, Attila Csihar et Stuart Dempster. En 2014, c’est en luxueux backing band pour le mythe Scott Walker que Sunn O))) fait taire les derniers grincheux abasourdis par la beauté sépulcrale de Soused. Nouvel édifice majestueux, Life Metal, produit par Steve Albini, réunit une nouvelle distribution ad hoc (Tim Midyett, Anthony Pateras, Hildur Guðnadóttir), le tout serti d’une surprenante pochette signée Samantha Keely Smith, plasticienne surdouée des paysages abstraits. Autant dire que si Richard Wagner ne s’était éteint à la Ca’ Vendramin Calergi, c’est à eux qu’il demanderait d’interpréter L’Entrée des dieux au Walhalla chaque été à Bayreuth… Marc A. Bertin Sunn O))) « La traversée du drone (étages de gains multiples) » + France Mercredi 13 mars, 20 h, La Sirène, La Rochelle (17000).

www.la-sirene.fr

Jeudi 14 mars, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon (33150).

lerocherdepalmer.fr

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© Carsten Windhorst / FRPAP.com

LAS HERMANAS CARONNI

© 2018 SUNN O))) & Ronald Dick

© Frank Loriou / Agence VU

{ Musiques }

DBCLIFFORD « À quelque

chose malheur est bon », dit l’adage. Une formule qui colle bien au chanteur de Lucky Me, nouvel album inspiré par la fin de son couple.

CHANCEUX Selon les sources, dbClifford peut être canadien, français ou anglais. Quant à son prénom, c’est Daniel. Mais db est plus… sonique. Et qu'importe qu’il soit né en Dordogne d’une mère anglaise et d’un père français, qu’il ait pu se faire un nom au Japon en y vendant plusieurs dizaines de milliers de disques, qu’il ait enregistré son premier album il y a plus d'une douzaine d’années. Tout cela constitue l'histoire d'un musicien à la trajectoire peu banale, mais surtout celle d’un jeune prodige. Formé au CIAM, après avoir tâté perso de la batterie, du sax, de la guitare, Clifford met les voiles : Angleterre, Californie, Colombie-Britannique avant un retour forcé en France pour écrire les chansons de son premier album, qu’il enregistrera en terre nord-américaine. Tout seul. Ce qui donne à sa musique fortement marquée par la soul la plus élastique une grâce à la fois légère et consistante. On pense à Stevie Wonder et à Jamiroquai, deux références citées régulièrement pour qualifier sa musique. Le premier album passé relativement discrètement en France, arrive en 2011 une nouvelle livraison, plus musclée, plus rock. Aux instruments, à la console, aux compositions, dbClifford. Dans la suite de l’histoire, c’est la rupture amoureuse qui conditionnera la nature finalement plutôt optimiste de l’album suivant, ce Lucky Me qu'il porte aujourd’hui sur scène. Gravé aux studios d’Abbey Road avec une équipe de musiciens ayant soutenu Michael Jackson, Grace Jones et Amy Winehouse. De quoi rassurer son auteur et confirmer qu’il est aussi lucky que possible. JR dbClifford + invités,

vendredi 29 mars, 20 h 30, Sortie 13, Pessac (33600).

www.sortie-13.com


IBOAT

CONCERTS ©Fabian Brennecke

08.03 SHE PAST AWAY

09.03 CINÉ-CONCERT A GIRL WALKS HOME ALONE JOUÉ PAR THE BLACK HEART REBELLION 12.03 HEALTH, ODDZOO

Habibi Funk

NOUVELLE(S) SCÈNE(S) À Niort, le passage au

printemps se fait au son des musiques émergentes. Le festival défricheur y fête sa dixième édition.

13.03 TUNNG

18.03 AU 29.03 BATEAU EN CALE SÈCHE !

14.03 CAMP CLAUDE THE RODEO 16.03 À LA REVOYURE JOURNÉE DE FÊTE AVANT CALE SÈCHE ! 30.03 TH DA FREAK BAD PELICANS

STÉRÉOTONINE À l’image du double tétraèdre dont il a fait son visuel, le festival Nouvelle(s) Scène(s) présente plusieurs facettes. On peut y applaudir une chanteuse qui passe à la radio. On peut y découvrir les plus dyslexiques des nouveaux grammairiens du clubbing. On peut même s’y faire hypnotiser par Chilly Gonzales le temps du visionnage du documentaire Shut up and Play the Piano. Éric Surmont, directeur artistique du festival, venu du Nord, mais niortais depuis qu’il est petit garçon, fait vite comprendre qu’il n’est pas de ceux qui hésitent à « présenter des groupes peu ou pas connus auprès d’un public le plus large possible ». Pour la soirée d’ouverture, « proposer Clara Luciani en tête d’affiche, cela permet de faire jouer Mermonte et Catastrophe devant un public dont ils ne sont pas coutumiers sur leurs autres dates ». Boulimique d’informations en ligne, en live et en disques, le programmateur est aussi attentif aux candidatures spontanées ; c’est ainsi que cette année Marble Arch a pu rejoindre l’affiche. Si les artistes sortent de l’ordinaire, cela doit être aussi le cas pour les cadres et contextes de leurs prestations. C’est un monument de prestige, l’église Saint-André — la plus grande de la ville — qui accueillera deux de ce qu’il est convenu de désigner sous l’appellation de « révélations néo-classiques » : Michka Blanos et Niklas Paschburg. « C’est la première fois que l’église va servir pour un tel événement, semble savourer par avance Éric Surmfont. On ne parlait pas toujours de la même chose avec le diocèse lors de la préparation mais on va assurément proposer quelque chose de vraiment classe. »

Pour s’exprimer, le trio à cordes Vacarme, Léonie Pernet et le débordant expérimentateur Hello Polar Thing auront à leur disposition le jardin à la française de l’hôpital de Niort. C’est au Hangar, une adresse de restauration plutôt connue pour ses afterwork, que se produira JB Dunckel, toujours présenté comme « la moitié du groupe Air », et peut-être lassé de ce découpage systématique. Les salles de diffusion de Niort ont toutes répondu présent : du Moulin du Roc au Camji en passant par L’Alternateur, sans que le festival ne monopolise un lieu unique. Peu de concerts se chevauchent, et le programme s’organise plutôt en circuit. Des passeurs sont présents pour guider le mélomane : Michka Assayas pour un laïus (les auditeurs de France Inter connaissent son émission Very Good Trip) ; Rubin Steiner pour une histoire des musiques électroniques ; DJ Habibi Funk pour partager ses pépites vintage de musique nord-africaines, le Bordelais El Vidocq pour ses sélections dansantes et rétro. La majorité des concerts sont en accès libre. Les concerts payants sont aux prix les plus bas. Et il y a ces moments qui font la différence, comme une brasserie des (superbes) halles de la ville, qui propose un petit déjeuner des champions aux festivaliers marathoniens. En musique, bien entendu. Guillaume Gwardeath Nouvelle(s) Scène(s), du jeudi 21

CLUBS

01.03 CONCILIO FUMIYA TANAKA DJ MASDA LES VIATIQUES & BINARY DJ’S

au samedi 30 mars, Niort (79000).

www.nouvelles-scenes.com

I.BOAT BASSIN À FLOT 33000 BORDEAUX

09.03 WHITIES SHOWCASE OVERMONO, TASKER 14.03 FUTURE SOUND

02.03 IMMERSION SCHATRAX DELPECH LEROY WASHINGTON 07.03 LA TURBULENCE HARDY’S JAX BRUIT ROSE SMIB

08.03 CHAOS IN THE CBD REAL J JUS JAM

15.03 SP95 TOUR CAMION BAZAR VS LA MAMIE’S 16.03 LEGEND FRANÇOIS K, JUNIOR FELIP COLTEN 30.03 ALMA NEGRA CRISTINA MONET INSULAIRE

BILLETTERIES : WWW.IBOAT.EU, FNAC & TOTAL HEAVEN


{ Musiques } CLASSIX NOUVEAUX Avec Bach the Minimalist, l’ensemble La Tempête invite à un voyage spatio-temporel faisant se rencontrer la musique de Bach et celles de Jehan Alain, Henryk Górecki, John Adams et Arvo Pärt, à grand renfort de mapping vidéo. Excitant.

BACH TO THE FUTURE Créé en janvier dernier, lors de l’inauguration de l’auditorium Sophie-Dessus, à La Papeterie d’Uzerche, Bach the Minimalist est le dernier-né des « spectacles » de La Tempête, compagnie vocale et instrumentale emmenée par l’ardent Simon-Pierre Bestion. On a déjà pu dire dans ces pages tout le bien que l’on pense de cet ensemble basé à Brive, dont les programmes, au disque comme in situ, témoignent d’une vision non seulement approfondie mais surtout élargie de la musique, mettant à bas les frontières temporelles aussi bien que la frontalité compassée du concert traditionnel… Bach the Minimalist ne déroge pas à la règle, qui continue de tracer des ponts entre l’hier et l’aujourd’hui tout en recourant, pour la première fois, à la technologie du mapping. C’est ici aux projections vidéo qu’il revient en effet de sculpter et modeler l’espace, et d’y orchestrer en direct la dramaturgie des instruments et des corps – toujours très engagés, dans les spectacles de La Tempête. On peut faire confiance à Simon-Pierre Bestion, épaulé en l’occurrence par Jemma Woolmore, alias Jem the Misfit, vidéaste néo-zélandaise basée à Berlin, pour que cette « plus-value scénographique » soit utilisée à bon escient, et bien autrement que comme un simple gadget « (post)moderniste » : la recherche de la mise en espace appropriée a toujours fait partie intégrante des projets de La Tempête, et cela rend d’autant plus curieux que le propos musical est ici des plus excitants. Centré autour de la figure de Johann Sebastian Bach, celui-ci sera d’ailleurs l’occasion d’une autre première, puisqu’il convie, en soliste, le frère de Simon-Pierre Bestion, le claveciniste Louis-Noël Bestion de Camboulas, par ailleurs à la tête de l’ensemble « baroque » Les

Surprises, installé à Bordeaux. C’est en effet dans les Concertos pour clavecin du Cantor de Leipzig, et plus particulièrement dans l’iconique BWV 1052 en ré mineur, achevé vers 1738, l’un des tubes de son auteur, que Bestion a trouvé la matière de ce programme, en s’attachant à deux de leurs caractères primordiaux : « d’une part, le développement d’une écriture particulièrement “électrique” dans les mouvements rapides et, d’autre part, l’effet acoustique et sonore produit par le clavecin à travers cette écriture excessivement dynamique ». Deux caractères qui, selon le chef, relient directement cette musique à celle du xxe siècle. Ainsi les œuvres de Bach se trouvent-elles ici mariées à quatre partitions du xxe siècle toutes également passionnantes. À commencer par le Concerto pour clavecin composé, pour une nomenclature comparable, près d’un quart de millénaire plus tard (en 1980) par le Polonais Henryk Górecki (19332010) : électrique, et même épileptique, est bel et bien cette brève partition dont les deux mouvements, n’excédant pas dix minutes, sont animés d’une pulsation… tempétueuse (qui inspira en 1993 la chorégraphe Lucinda Childs). De tels rythmes motorik traversent également les Litanies de Jehan Alain (19111940), composées pour orgue en 1937, et ici présentées dans une version inédite pour orchestre à cordes et clavecin. À ce merveilleux compositeur et organiste prématurément tombé au champ d’honneur, pétri de foi catholique, revient le rôle de passeur spirituel entre le temps de Bach et le nôtre, au même titre que l’Estonien Arvo Pärt (né en 1935), dont La Tempête présente la pièce Orient/Occident, pour orchestre à cordes (1999-2000), dans laquelle son style

caractéristique se pare de surprenantes inflexions orientales… On devine, à lire les lignes enflammées qu’il consacre à cette partition sur le site de sa compagnie, que Simon-Pierre Bestion aura pris un plaisir particulier à s’attaquer aux Shaker Loops de l’Américain John Adams (né en 1947). Composée en 1978 pour septuor à cordes, révisée pour orchestre à cordes cinq ans plus tard, cette partition, qu’il a bien raison de présenter comme un « véritable chef-d’œuvre du xxe siècle », est elle aussi parcourue de ces rythmes frénétiques, répétitifs et hypnotiques typiques du minimalisme. Mais déjà, John Adams y démontre sa science des timbres et des textures, cet art de l’orchestration qu’il développera dans ses œuvres ultérieures : en termes d’« effet acoustique et sonore », pour reprendre les mots de Bestion au sujet de Bach, Shaker Loops se pose là, qui fait miroiter une myriade de couleurs, dont l’effet devrait être amplifié par le travail vidéo, mais aussi et surtout par le jeu sur instruments à cordes en boyau, qui « donne un grain inouï à cette musique »… Un extrait de l’hypnotique et sublime Piano Phase (1967) de Steve Reich (dans une version inédite pour deux clavecins !) ainsi qu’une pièce du Norvégien Knut Nystedt (1915-2014) complètent ce « spectacle » qui, ne serait-ce que par les œuvres qu’il donne à (re)découvrir, s’annonce enthousiasmant. Bach the Minimalist, Compagnie La Tempête, mardi 26 mars, 20 h 30, théâtre de Brive, Brive (19100).

www.sn-lempreinte.fr

mardi 30 avril, 20 h, opéra de Limoges, Limoges (87000).

www.operalimoges.fr

TÉLEX Aux Trois T de Châtellerault (10/03), le Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames, dirigé par le flûtiste Alexis Kossenko, rend hommage à la pétulance et l’élégance de Felix Mendelssohn, dont les œuvres seront couplées à celles de son méconnu compatriote et contemporain Wilhelm Bernhard Molique. • « Orient Occident » : tel est le titre du programme, mêlant des pièces instrumentales et vocales, savantes et populaires, espagnoles, grecques, turques et syriennes, que viendra interpréter au TAP de Poitiers (12/03) l’ensemble Hespèrion XXI de l’immense Jordi Savall, avec l’oudiste et chanteuse syrienne Waed Bouhassoun. • Au Grand-Théâtre de Bordeaux (20/03), la venue du baryton-basse gallois Bryn Terfel s’annonce comme un grand moment, qui le verra interpréter de rares mélodies de Benjamin Britten et Jacques Ibert.

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© Aurélie_Fieschi

par David Sanson


© Benni Valsson

BERTRAND BELIN Finalement, qui de mieux placé

que le metteur en scène Renaud Cojo pour causer de l’auteur du récent Persona ? Ni vous, ni moi. Propos recueillis par Marc A. Bertin

GRAND DUC Votre premier souvenir lié à Bertrand Belin ? Août 2007, une petite route escarpée du Cap Corse. Entre Macinaggio et Brando. La radio. France Inter. « Vous venez d’entendre La Perdue de Bertrand Belin » : Fait-il si beau là-bas, Où vous êtes à présent, À regarder vos mains sans les reconnaître ? Déjà le choc des mots ancrés dans une mélodie bien solide. Qui préférez-vous ? Le chanteur ? Le romancier ? L’acteur ? Indéniablement, Bertrand c’est d’abord le choix des mots. Tous passés d’abord par le filtre de l’élégance. Une conversation avec Bertrand, c’est faire émerger la métaphore, les voies de traverse et la pléthore des mots que l’on n’utilise plus. Bertrand est un équilibriste. Le chanteur et le romancier s’y retrouvent. L’acteur cherche encore avec les mots des autres. Quel est votre album préféré ? Pour avoir assisté à une partie de l’enregistrement aux studios Yellow Arch, à Sheffield, pour avoir partagé les premières maquettes et signé le clip Je parle en fou, j’irai naturellement vers l’album Cap Weller. Toutefois, j’écoute Parcs très régulièrement. Chanson française ou pop music ? Ceci n’est le problème que des chargés du classement au rayon musique de la FNAC.

Pourquoi lui dans Low/Heroes, un hyper-cycle berlinois ? Ce n’est pas Bertrand qui originellement devait être distribué dans ce spectacle. Et puis, il y a eu ce concert, en janvier ou février 2014, à la Rock School Barbey. J’étais en cours d’écriture et un ami musicien — Christophe Rodomisto — avec lequel je jouais au même moment au TnBA m’a amené voir la fin du concert. Bertrand a fait un truc avant d’allumer une cigarette fictive. J’avais écrit cela dans mon scénario de Low le jour même. Nous avons ensuite discuté dans les loges… Bertrand Belin + The Married Monk, vendredi 8 mars, 20 h 30, Rock School Barbey.

www.rockschool-barbey.com Bertrand Belin + Malik Djoudi, dimanche 10 mars, 20 h, L’Atabal, Biarritz (64200).

www.atabal-biarritz.fr

Bertrand Belin + Miegeville, mercredi 27 mars, 19 h 30, La Nef, Angoulême (16000).

www.lanef-musiques.com

Bertrand Belin + Julien Dexant Whispered Songs, samedi 30 mars, 21 h, Le Confort Moderne, Poitiers (86000).

www.confort-moderne.fr


© Mairie de Bordeaux, photo Frédéric Deval

{ Expositions }

ROGER BISSIÈRE Dans les années 1950, cet artiste s’impose comme une figure de tout premier plan

dont l’influence marque de nombreux artistes engagés dans une esthétique prônant la synthèse de la tradition et de la modernité. Le musée des beaux-arts de Bordeaux lui consacre une exposition significative éclairant la sagacité et l’exemplarité de sa trajectoire artistique.

UN ART OUVERT COMME UN MIROIR Né en 1886, à Villeréal (Lot-et-Garonne), Roger Bissière occupe une place tout à fait particulière. Sa peinture n’est nullement un compromis entre le réalisme et l’abstraction, la tradition et l’avant-garde, mais bien une ouverture à de nouvelles expérimentations de la peinture et une réflexion sur la relation entre l’homme et la nature face à un monde bouleversé par l’emprise sans cesse accrue de la technique et l’urbanisation. Après des études aux Beaux-Arts de Bordeaux (1905-1909) et de Paris (19091910), Bissière témoigne d’une vive attention au cubisme. Pour lui, ce mouvement est « une réaction salutaire », qui bouscule la peinture engluée « dans une imitation imbécile et sans espoir ». Il explore alors la décomposition de l’objet, la désarticulation de l’espace, la multiplication des plans. Entre 1912 et 1919, il rédige des articles pour le journal L’Opinion et la revue L’Esprit nouveau. Il enseigne à l’Académie Ranson de 1923 à 1938. En 1939, il se réfugie à Boissièrette, dans le Lot, cesse de peindre et mène une vie humble de cultivateur. En 1945, la nécessaire décantation a opéré. Il est lui-même : « Tout le passé n’est que cheminement. Ma jeunesse commence à soixante ans, c’est alors seulement que j’ai fait quelque chose de valable. » Il a retenu l’essentiel de la statuaire africaine, des dessins d’enfants et des tapas océaniens. Il développe dans ses tableaux une écriture énigmatique et des quadrillages insérant dans leur trame de multiples aplats colorés et plongeant aux racines secrètes d’un univers sensible. Il marque son territoire,

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non figuratif mais pas abstrait : « Le paysage qui m’entoure et le ciel sous lequel j’évolue, la lumière du soir ou du matin, tout cela je ne cherche certes pas à l’imiter, mais inconsciemment je le transpose et le rétablis dans tout ce que je fais. Je recrée ou plus exactement hélas, j’essaie de recréer un monde à moi, fait de mes souvenirs, de mes émotions, où demeurent l’odeur des forêts, la couleur du ciel, la lumière du soleil, et aussi l’amour que j’ai de tout ce qui vit, des plantes, des bêtes, et même des hommes et de leur condition misérable. » En 1962, sur des petits panneaux d’aggloméré ou de toile, il entreprend son Journal en images pour rendre hommage à sa fidèle épouse, Mousse, décédée le 13 octobre. Il fait ainsi face à la gravité et à la douleur, en retenant les évidences à la fois fragiles et souveraines de son quotidien. Le 2 décembre 1964, il s’éteint à Boissièrette où il est enterré aux côtés de Mousse. Chez Roger Bissière, le regard reprend ses droits, évolue dans un espace où tout lui est offert sur-le-champ : l’éclat des lignes, la souplesse du mouvement, l’innocence des couleurs, les lois de leur évolution et de leur mise en forme. Quelque chose est toujours tout près d’un vécu. Sa peinture ne perd jamais le contact avec le réel. Au plus fort de sa densité, elle conserve des attaches solides avec cette « géométrie vivante » de l’eau, de la terre, de l’air, de l’herbe, des feuilles, des animaux et des chemins. Ainsi, place-t-elle vraiment au centre l’homme saisi dans ses attitudes les plus décisives, celles de la joie, de la peur, de la

souffrance, de la fuite et de la curiosité. Elle transforme cette respiration en signes, échos d’une saisissante simplicité. Cette façon de s’exprimer, de viser à la justesse, de toucher sa cible avec le minimum de moyens, ouvre tout naturellement le passage à une générosité poétique. Cette exposition rassemble les cinq œuvres appartenant au musée des beaux-arts mais aussi des prêts exceptionnels du musée national d’art moderne et de la famille Bissière. L’ensemble de dix-sept peintures invite à pénétrer « dans l’intimité » de Roger Bissière et à suivre son parcours de sa période figurative et son expérience post-cubiste à cet art ouvert comme un miroir d’une singulière plasticité, réactivant avec une extrême liberté les formes et les couleurs qu’il recueille, serrant dans ses filets toutes les vibrations du réel, et mettant à nu le balancement continuel entre le pôle de l’être et celui de l’univers tout entier. Un parcours qui n’a pas été sans risque : « Il faut, je crois, pour arriver à se réaliser complètement soi-même, avoir le courage de côtoyer des précipices et d’y tomber parfois. C’est à ce prix et à force d’entreprises dangereuses dont on sort original au point qu’on arrive à voir clairement la route et à s’y tenir sans défaillance. » Didier Arnaudet « Dans l’intimité de Roger Bissière »,

jusqu’au lundi 9 décembre, musée des beaux-arts.

www.musba-bordeaux.fr


Walter Gropius, Bauhaus Dessau, 1925-1926

BAUHAUS À l’occasion du centenaire du mouvement

artistique, le Goethe-Institut se fait le témoin de cette histoire.

NEUBAUTEN À la sortie de la Première Guerre mondiale en 1919, la jeune République progressiste de Weimar nommait l’architecte Marcel Gropius à la tête du Bauhaus (maison de la construction). Cette nouvelle école d’enseignement de l’art et de l’architecture allait révolutionner et modéliser l’enseignement artistique du xxe siècle. Le Bauhaus défendait la synthèse de tous les arts – architecture, peinture, sculpture, cinéma – ainsi que le rapprochement de l’art et du peuple à travers l’alliance de l’artiste avec l’artisanat et l’industrie. Les débats esthétiques, sociaux et politiques qui l’ont traversé (dont témoigne plus gravement sa fermeture définitive en 1933 par les forces nazies) ont un rayonnement mondial encore à l’œuvre. L’exposition « Architectures du Bauhaus » de Hans Engels (25 photos tirées d’un inventaire de 58 projets) présente, dans leur état actuel, des immeubles construits par des architectes du Bauhaus de 1919 à 1933. Les éléments au fondement du mouvement moderne en design et en architecture, matériaux et conceptions industrielles, plans libres, approche fonctionnaliste, libération de l’espace, traversée de la lumière, sont mis en exergue. On y reconnaît aussi les polémiques qui ont eu cours. L’école du Bauhaus à Dessau (1925-1926) conçue par Walter Gropius reste exemplaire. Cette construction en plans horizontaux, verre et béton, se décompose en trois corps fonctionnels, dortoirs, salles de cours et ateliers qui se glissent au cœur de la vie citadine et s’adaptent au plan urbain. L’inscription verticale BAUHAUS conçue par Herbert Bayer, responsable de l’imprimerie, préconisait une typographie élémentaire. À la même époque, alors que Gropius défendait les ossatures d’acier et les murs en béton, la Stahlhaus (maison d’acier) de Georg Muche et Richard Paulick pour la cité Torten à Dessau revendiquait la conception industrielle et de série d’une maison tout en acier.

À Brno (République tchèque), la villa Tugendhat de Ludwig Mies van der Rohe est le témoin des conflits politiques du xxe siècle en Europe, comme le relate le film documentaire de Dieter Reifarth. Spoliée par les Nazis, réquisitionnée sous le régime communiste, elle renvoie au problème crucial de la restitution des œuvres, question à laquelle le musée d’Aquitaine et le Goethe-Institut consacreront un colloque en mai. Le Bauhaus, c’est aussi le théâtre, le cinéma, les textiles, la mode et les objets domestiques. Il est à la naissance du design, en lien avec le développement industriel. Des conférences avec le musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux seront l’occasion, avec l’historienne d’art Kristina Lowis, de revenir sur la conception, la réalisation et la réception d’objets issus du Bauhaus. L’invitation faite à la styliste Ayzit Bostan ou aux designers allemands Axel Kufus, Stefan Diez ou Konstantin Grcic permettra de connaître leur filiation avec le Bauhaus. À travers leur influence notable dans le design à l’heure actuelle, ils témoignent d’un rayonnement du Bauhaus toujours et combien ses principes continuent d’agir dans une grande partie de la production contemporaine. Jeanne Quéheillard « Architectures du Bauhaus », Hans Engels,

VEN 8.03 TRANSROCK ET LA ROCK SCHOOL BARBEY PRÉSENTENT : BERTRAND BELIN À LA ROCK SCHOOL BARBEY SAM 9.03 PÉPINIÈRE PARTY : OBSIMO + THEA + WIZARD + YUDIMAH + WL CREW + NOKE

MER 13.03 AVANT-GARDE : JAAKKO EINO KALEVI + TAMPLE + GÉNIAL AU JAPON

SAM 16.03 TRANSROCK ET LA ROCK SCHOOL BARBEY PRÉSENTENT : PLK + DI#SE MER 20.03 [FAIR : LE TOUR] VOYOU + CLEA VINCENT VEN 22.03 THYLACINE + OBSIMO JEU 28.03 [LFSM] REQUIN CHAGRIN + SILLY BOY BLUE VEN 29.03 - COMPLET TRANSROCK ET LA RS BARBEY PRÉSENTENT : MAXENSS + JULIEN GRANEL À LA ROCK SCHOOL BARBEY

SAM 30.03 - 17H I WANT YOU #4 : LE FESTIVAL DE LA JEUNE CRÉATION Concerts : OWLS + MAIJAY + DAMEHOOD + ROSWELL Concours vidéos, MAO, foodtruck, photobooth, blindtest...

MAR 2.04 BALTHAZAR + FACES ON TV MEr 3.04 MIOSSEC + LAURE BRIARD SAM 6.04 GOÛTER-CONCERT VEN 11.04 TRANSROCK ET MUSIC ACTION PROD PRÉSENTENT : HIPPOCAMPE FOU MER 17.04 SICK OF IT ALL + WHO I AM VEN 26.04 TRANSROCK ET LE HELLFEST PRÉSENTENT : HELLFEST : W4RM UP 7OUR 2K19 DAGOBA + PRINCESSES LEYA + AD PATRES + ANIMATIONS + SURPRISES

jusqu’au lundi 22 avril, Goethe-Institut.

www.goethe.de

du samedi 20 avril au lundi 27 mai, avec le soutien de l’Institut Heinrich Mann, Médiathèque d’Este, Billère (64140).

www.mediatheque.agglo-pau.fr Cycle sur le design allemand #2 « Le design du Bauhaus », conférence de Kristina Lowis (curatrice de l’exposition « Bauhaus Chicago » au musée du Bauhaus à Berlin), jeudi 14 mars, 19 h, musée des Arts décoratifs et du Design.

Cycle sur le design allemand #3 « Présentation des créations et dialogues », Ayzit Bostan designer textile, jeudi 28 mars, 19 h, musée des Arts décoratifs et du Design.

madd-bordeaux.fr

TOUTE LA PROG SUR : WWW.KRAKATOA.ORG

ILLUSTRATION : LEO.R

© Hans Engels

PROCHAINEMENT


© Aurélien Mole

{ Expositions }

CLAIRE FONTAINE Au Confort Moderne, le duo déploie une exposition très

réussie où les enjeux actuels (politiques, écologiques, médiatiques et sociétaux) carambolent l’imaginaire, la disgrâce, l’humour, le féminisme et l’histoire de l’art.

LES FANTÔMES DE LA DISCORDE Sur le sol tapissé des pages d’un quotidien national, les petites et grandes actualités des dernières semaines s’étalent sans hiérarchie ni chronologie aucune : « L’amour du RIC » ; « Shutdown : Donald Trump au pied du mur » ; « Carlos Ghosn devant les juges » ; « Conquête spatiale : l’ombre chinoise »… Ce tapis d’ondes médiatiques en appelle d’autres qui ricochent, se propagent et se synthétisent dans les créations disséminées dans le vaste espace du Confort Moderne. Exemple avec cet équipement de sécurité routière imposé par l'État en 2008 dans toutes les voitures. Devenus depuis plusieurs mois symboles d’opposition et de protestation, ces gilets jaunes cousus les uns aux autres composent ici trois drapeaux flamboyants. Suspendus au mur selon le procédé du pavoisement des édifices publics, ces pavillons fluorescents magnétisent dans un emblème national l’étendard des luttes. En réalité, l’expression des oppositions populaires s’immisce déjà en amont, clandestinement, dans l’intitulé même de l’exposition concoctée par Claire Fontaine, autoproclamée « artiste ready-made », féministe et conceptuelle. Ce personnage fictif, créé en 2004 par Fulvia Carnevale et James Thornhill, a ainsi choisi comme libellé à sa proposition poitevine : « Les printemps seront silencieux. » Cette sentence, aussi énigmatique que poétique, tire son origine d’un tract distribué à la ZAD de Notre‑Dame‑des-Landes pendant le siège de la police en 2017. Mâtiné d’oraisons écologiques, ce manifeste heurte plus loin une sculpture figurant grossièrement un être humain. On reconnaît la silhouette du populaire

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bonhomme de neige. À ceci près, qu’ici, les rondeurs blanches du familier débonnaire ont été troquées par de la matière terreuse aux connotations fécales et inquiétantes. « Ce bonhomme de terre condense nos peurs, il matérialise les mauvaises nouvelles », précise Fulvia Carnevale. Ce lanceur d’alerte climatique hante un espace où le chaos du monde, tour à tour contenu, comprimé, organisé, absurde et anarchique, innerve le territoire hybride de ses multiples possibles. En l’espèce, le fantôme d’un ancien combattant américain occupe la pensée d’un déambulateur orphelin. Sertie de deux moulins à vent à l’effigie patriotique de la bannière étoilée, l’armature métallique transporte quelques achats modestes comme une conserve de langue de bœuf et une boîte de boulettes pour chat. Ce « readymade malade », comme le surnomme Fulvia Carnevale, leur a été inspiré par une scène vécue à Portland. Dans un magasin de sport, la vision de ballons de basket agglutinés dans un panier bouché leur a instillé cet autre objet manufacturé privé de sa fonction utilitaire. L’installation se baptise Caught, littéralement pris ou attrapé. « Nous sommes intéressés par la manière dont on essaie, dans l’espace public comme dans l’espace privé de contenir, voire de réprimer la vitalité des gens », résume Fulvia Carnevale. Le confinement de cette énergie vitale, le duo – qui tire son nom de la marque populaire des cahiers pour écoliers – en stimule tout de même les modalités d’escampette. Par exemple dans ce briquet suspendu. « Un ready-made a valeur d’usage. Que peut-on faire avec ? Allumer une cigarette ? Mettre le feu ? Que des choses qui ne peuvent être

mises en acte dans une salle d’exposition, mais c’est un hommage à la transgression », s’amuse Fulvia Carnevale. Les dilemmes moraux, ceux qu’attise ce petit appareil qui sert à produire de vives combustions, en rencontrent d’autres. À l’instar de ce ping-pong lumineux qui crachote des alternatives aussi contradictoires qu’insatisfaisantes. Tirées de Nœuds, un livre du psychiatre Ronald D. Laing, des assertions simples se tracent par séquence dans des néons. Les écarts de la moralité ne tiennent pas à grand-chose, comme le révèlent les combinaisons égrenées : « Je ne le mérite pas, parce que je l’ai volé / Je ne le mérite pas, donc je l’ai volé / Je l’ai volé, parce que je le mérite », etc. Ailleurs, les anges de Giotto pleurent d’autres catastrophes, les tortures subies par des prisonniers yéménites se dévoilent dans toute leur insoutenable monstruosité, les hommages cocasses à l’égérie du mouvement dada, Elsa von Freytag-Loringhoven, côtoient les relectures transgenres de Mona Lisa et féministes de la femme nue du Déjeuner sur l'herbe affublée d’un #metoo. L’ensemble alimente cette chasse poursuivie par Claire Fontaine à l’égard des failles, des excès et des énigmes de nos systèmes, au travers desquelles se sonne le tocsin des révolutions permanentes. Anna Maisonneuve « Les printemps seront silencieux : Claire Fontaine », jusqu’au dimanche 28 avril, Le Confort Moderne, Poitiers (86000).

www.confort-moderne.fr


© Babette Mangolte

The Camera: je or La Caméra: I, États-Unis, 1977, 88 min, 16mm

BABETTE MANGOLTE Le château de Rochechouart

présente la première rétrospective française consacrée à la cinéaste et photographe, qui a aussi signé plusieurs essais critiques sur la photographie.

L’IMPROVISATION

DE LA CAMÉRA À Paris, Babette Mangolte découvre la Nouvelle Vague en même temps que le cinéma classique. Elle entre à l’école Louis-Lumière pour apprendre les techniques de prise de vue et d’éclairage puisque ce qui la motive, c’est la composition de l’image et des mouvements de caméra, et non encore le potentiel de l’aléatoire, de l’improvisation et du montage rapide. Elle s’installe en 1970 à New York, et c’est la révélation du cinéma expérimental, de la danse et du théâtre. Elle rencontre Jonas Mekas, Michael Snow et Stan Brakhage. Leurs films ont de fortes répercussions sur sa conception de la cinématographie. Elle se lance alors dans un travail documentaire photographique de la scène performative et chorégraphique avec pour préoccupation principale « l’acte de regarder ». Elle s’intéresse à la création dans les domaines de la peinture, la sculpture, la performance, la danse, la musique et l’architecture, ainsi qu’à l’influence de l’avant-garde qui a débuté avec John Cage et les poètes de la Beat Generation, mais aussi avec le film de Robert Frank Pull My Daisy, le théâtre visuel de Robert Wilson et de Richard Forman, et la scène du cinéma expérimental. Ainsi, a-t-elle documenté les chorégraphies et les performances d’Yvonne Rainer, Trisha Brown, Joan Jonas, Robert Morris, Lucinda Childs, Marina Abramović et Steve Paxton. Elle a travaillé, en tant que directrice de la photographie, avec Chantal Akerman sur La Chambre

(1972) et Jeanne Dileman, 23 rue du Commerce, 1080 Bruxelles (1975). En 1973, elle démarre une pratique de cinéaste et réalise plusieurs films dans lesquels elle essaie d’inventer une nouvelle démarche où le spectateur est dans une position active, en pensant les relations entre le corps et l’espace, le regard et le point de vue, l’image et le hors champ, la fixité et le mouvement. Elle développe ainsi un langage cinématographique qui repose sur la subjectivité de la caméra. Les formes et les processus sont au cœur de la création de ses films dans les années 1970. Cela change durant les années 1980 avec les films-paysages. « Je saisis des effets d’éclairage spécifiques en me déplaçant dans le paysage, imitant le processus selon lequel, en tant que photographe, je m’intéresse au moment décisif, et travaille aussi vite que possible avant la disparition de la lumière. » Pour l’exposition « Babette Mangolte Spaces to SEE », elle propose une expérience immersive dans son œuvre photographique et filmique à partir d’un montage « où s’entremêlent les temporalités passées et actuelles, le paysage, l’histoire de l’art, la parole et l’improvisation des corps et de la caméra ». Didier Arnaudet « Babette Mangolte - Spaces to SEE », jusqu’au dimanche 16 juin, château de Rochechouart, musée d’Art contemporain de la Haute-Vienne, Rochechouart (87600)

www.musee-rochechouart.com


Les Baigneurs, performance avec Yvan Clédat et Corine Petitpierre, durée variable, 2017.

© Laurent Cerciat

CLÉDAT & PETITPIERRE Invité

Laurent Cerciat, Les Rêveurs

LISIÈRES Lucie Bayens, Laurent Cerciat, Löetitia Léo

et Patrick Polidano partagent le même intérêt pour ces espaces de transition qui à la fois séparent et réunissent.

CES ÉTRANGES MARGES Dans son livre Le Cours de Pise, rassemblant les « leçons de grammaire » données à l’école des beaux-arts de Bordeaux entre 1993 et 2005, Emmanuel Hocquard, récemment disparu, différencie la lisière de la frontière et de la limite. La frontière est une ligne qui sépare deux entités. La limite est une ligne qui désigne les confins d’un territoire. La lisière n’est pas une ligne mais « une bande entre deux milieux de nature différente, qui participe des deux sans se confondre pour autant avec eux ». Les milieux sont ici naturels, ruraux ou urbains. Les lisières sont des respirations qui échappent aux contraintes réglementaires et peuvent ainsi permettre au paysage de retrouver la pluralité de ses ressources et de s’ouvrir à toutes les libres incursions. Les artistes réunis dans cette exposition s’aventurent dans ces lisières et y repèrent, capturent les indices, les fragments, les interrogations susceptibles de traduire la spécificité de ces étranges marges auxquelles on ne prête guère attention. Lucie Bayens évoque le lit de la Garonne dans un tissage de filets en plastique, brode sur du coton une carte fluviale avec des cheveux, réalise un ragondin en écailles de pommes de pin et des mollusques à l’aide de capsules de bière. Elle suggère ainsi la puissance du fleuve qui décide de ses rives vouées à l’effritement, puis à l’éboulement, et les formes de vie et d’équilibre produites par ce paysage d’eau et de terre. Laurent Cerciat se passionne pour les plantes indésirables dans les jardins

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et les anfractuosités du bâti, appelées d’une manière populaire les « mauvaises herbes ». Il pratique pour les représenter la mise en scène sculpturale, la miniature flottante ou le découpage de papier blanc, et se livre de la sorte à un art de la fugue qui manifeste la liberté avec laquelle il passe, sans la moindre diminution de présence, d’un registre à un autre, et tout en amplifiant son champ d’action. Löetitia Léo utilise un appareil photo argentique et rapporte de ses déambulations, dans les anciennes carrières de Lormont, de troublantes images, obtenues par surimpression de prises de vue. Cette démarche développe une qualité atmosphérique où coexistent des effets d’instabilité et de fluidité, de déchirure et de continuité qui offrent la possibilité d’une lecture à plusieurs niveaux. Dans ses photographies, Patrick Polidano se donne l’eau pour motif majeur, celle des sources, des marais ou des bords côtiers. Cette masse liquide se prête à diverses fonctions rêveuses révélées par sa surface miroitante ou cachées dans l’inconnu de sa profondeur. Elle peut engloutir, s’évaporer, palpiter, être caressée, heurtée, déchirée. Elle a cette facilité à être simple, immédiate et toujours surprenante, insaisissable. Didier Arnaudet « Lisières - Lucie Bayens, Laurent Cerciat, Löetitia Léo et Patrick Polidano »,

jusqu’au samedi 20 avril, Pôle culturel et sportif du Bois fleuri, Lormont (33305).

www.lormont.fr

par l’Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord, le duo envahit Périgueux avec son univers loufoque et fourmillant qui aime à égrener des références à l’histoire de l’art.

HYBRIDES CRÉATURES

Yvan Clédat et Coco Petitpierre piochent à loisir dans le vaste corpus de l’histoire de l’art du xxe siècle. Leur « parade moderne » s’organise ainsi autour d’un cortège carnavalesque de personnages qui convient chacun un fragment de chef-d’œuvre emprunté à un tableau célèbre. Un visage vert flanqué d’un costume à carreaux rouges et d’un fusil en guise de nez synthétise L’Ellipse de René Magritte. Un renifloir convoque l’étrange chimère de Victor Brauner (Indicateur de l’espace) quand, ailleurs, se devinent d’autres paternités : Homme, moustache et nombril de Hans Arp ; Sportifs de Kasimir Malevitch ; l’Ubu Imperator de Max Ernst ; l’un des Deux masques de Giorgio de Chirico ; le hurlement horrifique de Munch ou la Femme avec un chat de Fernand Léger. Au total, le duo de plasticiens a concocté une dizaine de créatures oniriques. Présentées inertes ou animées lors de performances, ces sculptures à activer investissent l’espace culturel FrançoisMitterrand. Lors du vernissage, elles seront rejointes par Les Baigneurs, un couple de grosses poupées en maillots à rayures, qui détourne pour sa part avec une impertinence toute balnéaire l’imaginaire d’un thème cher à Picasso, Dufy, Cézanne ou Matisse. L’épopée insouciante de Clédat et Petitpierre se poursuit avec leur dernière création Ermitologie : une exploration théâtrale des différents états du corps entre la sculpture et le vivant. Cette représentation croisée de Flaubert, de Giacometti, d’art paléolithique, de Max Ernst et de renaissance italienne affiche malheureusement déjà complet. Anna Maisonneuve « La parade moderne », Clédat et Petitpierre,

du mercredi 20 mars au vendredi 12 avril, espace culturel François-Mitterrand, Périgueux (24000). Vernissage, vendredi 5 avril, 18 h.

culturedordogne.fr

© Y. Clédat

{ Expositions }


N I R G P ! S ANETTE LENZ

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Invitée à concevoir l’affiche de la 18e édition du festival Expoésie, à Périgueux, la graphiste expose son travail au musée d’Art et d’Archéologie du Périgord.

© Anette Lenz

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POÉTIQUE DE

L’ESPACE PUBLIC Après des études en arts graphiques à Munich, Anette Lenz intègre le collectif Grapus en 1989, puis fonde avec Alex Jordan le collectif Nous travaillons ensemble. Dans leur approche, le graphisme est avant tout pensé en termes d’utilité publique. Sans jamais se départir de cet engagement social, en 1993, elle fonde son propre atelier à partir duquel elle va poursuivre de nombreuses collaborations. Chez Anette Lenz, les affiches, les identités visuelles, les ouvrages, les installations lumineuses sont des objets qui appartiennent à l’espace public. Elle porte une attention précise à ses interventions vues comme les interfaces visuelles de ses commanditaires (institutions culturelles plus particulièrement). Il s’agit avant tout de rendre lisible dans l’espace public et de partager socialement un contenu (informations) et un contexte (théâtres, centres d’art…) pour les rendre accessibles, actifs et familiers. À Périgueux, l’affiche et l’exposition éclairent mutuellement cette position. L’affiche d’Expoésie se présente comme « un exercice typographique » selon ses termes. Des formes, des couleurs, des capitales, des minuscules s’interpénètrent selon un rythme et une composition où les frontières d’une image concrète et d’une image abstraite vacillent en permanence et se mettent en tension. Deux niveaux de lecture sont en action. Les informations propres au festival apparaissent en fond, comme un fond de scène, faisant de cette affiche un espace visuel en trois dimensions. Écrites en minuscules et fortement colorées, elles se détachent lisiblement tout en nécessitant une accommodation visuelle et un rapprochement physique de la part du spectateur-lecteur. A contrario, le mot « EXPOÉSIE »,

nom de la manifestation, est mis en avant. C’est un motif qui signale. Conçue à partir d’un glissement du noir à la couleur et des minuscules aux majuscules (ou vice-versa), cette composition typographique donne du jeu au texte et le met en mouvement. « Il y a un avant et un après dans la composition » indique Anette Lenz, faisant de cette affiche « un arrêt sur image ». Le regardeur qui déambule dans l’espace public est saisi dans son mouvement de lecture. Le texte qui se voit, s’articule et s’entend. À l’instant de la perception, l’exercice typographique se transforme en exercice cinématographique. Dans l’exposition, les réalisations graphiques d’Anette Lenz sur l’art imprimé, les images et leur déclinaison, leur reproductibilité ou non, la place de la lumière, la répétition qui transforme… confirment cette expérience. Une de ses recherches part de dualités simples telles qu’eau et feu, froid et chaud, traduites en bleu et rouge. Elle superpose les couleurs sans autre programme qu’une sensibilité graphique intuitive. Elle fait apparaître des formes cosmiques comme issues de couches pelliculaires sur-imprimées. « Ce que je fais m’apprend ce que je cherche », dit-elle en citant Paul Klee. Lieu d’une expérience sensible partagée, le graphisme fait de la culture une utilité publique. Jeanne Quéheillard Expoésie,

du mardi 5 au samedi 23 mars, Périgueux (24000) et Périgord.

ferocemarquise.org Anette Lenz,

du vendredi 8 mars au lundi 20 mai, Musée d’art et d’archéologie du Périgord, Périgueux (24000).

www.perigueux-maap.fr

Proposé par l’Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord

RENDEZ-VOUS CULTURE JEUNESSE 16 MARS > 17 AVRIL 2019 EN DORDOGNE SPECTACLES - EXPOSITIONS - ATELIERS - RENCONTRES | Springdordogne.fr

CLÉDAT ET PETITPIERRE

Ermitologie - Les songes d’Antoine La Parade moderne - Les Baigneurs

SYLVAIN DANIEL QUARTET Palimpseste

CIE SYLEX Grrrrr

CIE LA TIERCE Inaugural

CIE PIC LA POULE Les Passagers

CIE HECHO EN CASA Parle à la poussière

CIE AUGUSTE-BIENVENUE Peubléto

CIE ENTRE LES GOUTTES Livère

CIE JEANNE SIMONE Gommette A l’envers de l’endroit

LAURENT LOLMÈDE Portraits de rues

MARION MUZAC Let’s Folk

DA SWEEP

Omega Point

CIE Os’O

Mon prof est un troll

CIE PERNETTE Animale

DAVID SIRE ET PIERRE CAILLOT Filopat et Cie

THÉÂTRE AM STRAM GRAM La Boum Littéraire

ADJIM DANNGAR Papiers découpés


© David Giancatarina

DANS LES GALERIES par Anne Clarck

D. R.

ESPÈCES D’ESPACES

La galerie 5UN7 accueille le deuxième chapitre de l’exposition polyptyque « Nervures » signé par la plasticienne Alice Raymond et la commissaire indépendante Élise Girardot. Le nomadisme, le voyage, le dépaysement sont des notions prégnantes dans la vie et l’art d’Alice Raymond. L’expérience de l’exploration de nouveaux territoires est devenue la matrice d’une œuvre qui ne cesse d’interroger la notion de déplacement. Après un premier volet consacré au travail pictural de l’artiste bordelaise, ce nouvel opus de « Nervures » est marqué par la présence d’un élément sculptural dominant. Par ses dimensions et son échelle, supérieure à celle du corps humain, la structure anguleuse constituée de barres d’aluminium invite le spectateur à se mettre en mouvement, marcher autour de l’œuvre, la traverser, en faire l’expérience physique. Le dessin de cette sculpture comme l’ensemble du vocabulaire formel d’Alice Raymond est le fruit d’un système de codage mettant en relation des lettres, des mots et des formes géométriques. Ce principe de notation est à la fois la trace de ses déambulations et la matérialisation d’une pensée en train de se faire. Il contient un mouvement suggéré, induit, représenté et il symbolise un mot. Ici le terme « espace », qui intéresse particulièrement Alice Raymond pour ses significations à la fois plastiques, sociales et politiques à travers l’idée de fragmentations géographiques ou de migration… Autour de la sculpture, plusieurs éléments parmi lesquels une carte annotée, des photos de voyage, des documents qui mettent en lien les mots et les choses, les formes et les idées. Pour Élise Girardot, tout projet d’exposition est lié à un récit. Les œuvres sont ici autant d’îlots, d’archipels narratifs qui jalonnent, interprètent, formalisent quelque chose d’une expérience singulière du monde. « Nervures [Se dit aussi d’une rainure saillante permettant la circulation d’air ou d’eau dans un circuit fermé] » Alice Raymond Galerie 5UN7, jusqu’au 24 mars.

www.5un7.fr

« Nervures (volet III) » Alice Raymond

Galerie La Ligne Bleue à Carsac Aillac, du 16 mars au 27 avril, vernissage le 16 mars à 17h.

www.artslalignebleue.fr

SUR LE VIF

Raphaëlle Paupert-Borne aime peindre sur le vif, en prise directe avec les contextes qu’elle approche. C’est sa manière douce et immédiate de rencontrer un territoire et ses habitants. Sans projet défini au préalable, elle se met en disponibilité, en attention, face à une ville pour laisser parler les murs et les objets, les rues et les fenêtres, les cafés et les marchés. Tout arrive alors sur la base d’improvisation. L’artiste se tient prête, dit-elle, à « se mettre en action, à bondir comme un fauve afin d’attraper le réel sur la toile ou le papier peint ». Elle puise dans cette phase sensible d’écoute et d’attention aussi bien que dans des récits autobiographiques ou mythologiques, la matière première de ses films, dessins ou peintures. Installée à Marseille, Raphaëlle Paupert-Borne expose depuis près de vingt ans en France et à l’étranger. À Bordeaux, elle présente une exposition à la galerie Rezdechaussée conçue au cours d’une résidence organisée dans le cadre du festival Théâtre des images. La commande est ici de travailler autour de la thématique intitulée « Nos quotidiens ». « Saisir des choses du quotidien est quelque chose pour moi de quasi naturel » affirme l’artiste. Raphaëlle Paupert-Borne donne ainsi à voir dans cette exposition le fruit de ses rencontres et de ses dérives bordelaises, à travers des peintures de groupes et des toiles peintes sur le motif. Dans un style matiériste, sensible, sa peinture s’incarne le plus souvent sur des supports imprimés, comme des toiles avec des motifs ou des fonds déjà colorés qui prennent des airs de palimpsestes, d’archives. « Pour cette exposition, je vais travailler sur des catalogues de papier peint. Ce que je fais ressemble à un journal, à quelque chose qui est fait avec des éléments du quotidien, à partir de ce qui advient dans la vie. » « Nos quotidiens », Raphaëlle Paupert-Borne, du mardi 5 au samedi 23 mars, galerie Rezdechaussée (dans le cadre du festival Théâtre des images). Vernissage mardi 5/03, 20 h.

Projection de films et rencontre avec l’artiste, mercredi 6 mars, 14 h, Maison des étudiants, Université Bordeaux Montaigne.

www.rezdechaussee.org

Victoria Stagni, Animal Kingdom

© Victoria Stagni

{ Expositions }

ANIMAL ON EST MAL

Nouvel endroit dans l’air du temps, Monkey Mood ouvre ses portes dans le quartier Saint-Michel à Bordeaux. Fondé par Jenny Le Roux, ce « tiers lieu » comme elle le qualifie propose au rez-de-chaussée un café-restaurant végétarien aux influences indonésiennes ouvert aux co-workers et, à l’étage, une galerie d’art contemporain programmée dans sa première année par Escalier B et Nadia Russell Kissoon de l’Agence Créative. Monkey Mood cherche ainsi à croiser les pratiques dans un « état d’esprit » attentif au bien-être avec régulièrement des cours de yoga donnés dans l’espace de la galerie. Au programme de cette dernière, dans les mois à venir, deux cycles de trois expositions monographiques sur les thèmes « Devenir animal » et « Devenir aquatique ». Il est à noter, chose rare, que les 6 artistes programmées à ce jour sont exclusivement des femmes peintres. Un choix délibéré, certainement lié au présent qui voit les artistes femmes globalement sous-représentées dans les galeries et les institutions d’art. Victoria Stagni ouvre le bal avec une première exposition réunissant une dizaine de toiles dans lesquelles l’animalité occupe une place prépondérante. Dans un style naïf, librement inspiré du Douanier Rousseau, l’artiste explore un univers onirique et sensuel. La présence humaine, incarnée le plus souvent par ellemême, est mise en scène entourée d’animaux sauvages dans des paysages colorés, luxuriants. La vision semble à première vue harmonieuse, idéalisée. Pourtant, chacune de ses toiles est sous-tendue par une pensée critique autour de l’action de l’homme sur la nature, sur la disparition des espèces animales. Une inquiétude sourde semble briser cet impossible rêve, définitivement périmé. « Devenir-animal#1 », Victoria Stagni, du jeudi 7 mars au jeudi 11 avril, Monkey Mood.

www.facebook.com/Monkey-MoodBdx-946992252356785/

RAPIDO Le 11 mars, à 10 h, l’EBABX et le parcours « Écoutez-voir » accueillent une conférence exceptionnelle de Nino Laisné, artiste, cinéaste et musicien diplômé de l’EBABX, à l’occasion de la représentation du spectacle qu’il co-signe avec François Chaignaud Romances inciertos, un autre Orlando, au Théâtre des Quatre Saisons, à Gradignan, le 14 mars. www.ebabx.fr • Le collectif 0,100 est à l’honneur à la galerie Éponyme avec une exposition collective intitulée « Faire du neuf avec du neuf, Ferdinand avec du vin ». Un carnet chacun, 20 artistes ont été invités à jouer en ces termes : « Jouons, jouons, sinon nous sommes perdus ! » Jusqu’au 21 mars. www.eponymegalerie.com • De son voyage au Brésil, Victor Cornec a rencontré la jungle, lointaine et fantasmée. Il en revient avec la série « Jungles », présentée à la galerie Arrêt sur l’image. Ses photographies donnent à voir une succession d’enchevêtrements verticaux qui rappellent les cavernes de l’esprit. Jusqu’au 14 mars. www.arretsurlimage.com • La galerie Jérôme B. présente une exposition monographique du peintre Nicolas Gasiorowski. Jusqu’au 30 mars. www.galeriejeromeb.com

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design Š Louise Dehaye / louisedehaye.persona.co


©Hélène Bamberger

DAVID B. Cofondateur et fer de lance

RYOKO SEKIGUCHI Terme

© Diana Matar

D. R.

{ Escale du livre } RENCONTRES

DAVID VANN Le wonderboy des

lettres nord-américaines, favori de la critique et du public français, revient régaler ses lecteurs enamourés.

FACE

des éditions l’Association, David B. s’est imposé comme l’un des acteurs primordiaux du renouveau de la BD alternative des années 1990.

japonais qui désigne tout à la fois la fin d’une saison et la nostalgie de ce qui n’est bientôt plus, le nagori a le parfum des dernières fois comme un instant éphémère qui appelle paradoxalement à des retrouvailles.

ÉLOGE DE CHASSE AU DEUIL L’OMBRE Le destin du natif de l’île Adak, en Alaska, relève par certains aspects du conte de fées tant rien ne le prédestinait à devenir l’un des auteurs les plus en vue du xxie siècle. Que l’on y songe : dix années à trimer sur l’écriture de son premier roman, qui, finalement, sera rédigé en dix-sept jours à la faveur d’une croisière… Ce roman, c’est Sukkwan Island, heureux lauréat d’un concours de nouvelles, publié en 2008 aux Presses de l’Université du Massachusetts, encensé par le New York Times. Repéré en France par Oliver Gallmeister, en janvier 2010, il remporte un immense succès inouï : prix Médicis étranger et plus de 300 000 exemplaires vendus ! Depuis ce triomphe hexagonal, le juvénile quinquagénaire est désormais traduit en dix-huit langues dans plus de soixante pays, a quitté le pays de la Liberté – où ses positions hostiles à la puissante National Rifle Association ne lui valent pas que des amis – pour la Nouvelle-Zélande, enseigne la littérature en Angleterre (juste retour des choses pour être passé par les cours de creative writing) et bâtit une œuvre solide (Désolations, Impurs, Dernier jour sur terre, Goat Mountain, Aquarium, L’Obscure Clarté de l'air). Dernier chapitre en date du corpus, Un poisson sur la Lune reconstitue le motif obsédant voire le cœur noir de Vann : le suicide de son père alors qu’il n’avait que 13 ans. Certes, l’inéluctable est connu d’avance, mais l’écrivain donne voix à celui qui laissera ce si terrible héritage. Plus qu’une confession, une réflexion aussi bouleversante qu’implacable. Marc A. Bertin Un poisson sur la Lune, David Vann, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Derajinski, Gallmeister

Grand entretien, samedi 6 avril, 16 h, salle Vauthier, TnBA.

TÉLEX

Après quelques histoires courtes, où son univers onirique étrange et nocturne prenait discrètement forme, David B. va profiter de son autonomie créative pour mettre en chantier une fresque intime ambitieuse et bouleversante. Développée sur 6 tomes, publiés entre 1993 et 2003, L’Ascension du Haut-Mal est un récit à entrées multiples qui revient sur la maladie de son frère atteint d’épilepsie et détaille l’impact de « cette guerre à combattre » sur sa vie personnelle et familiale. Plus qu’un simple témoignage sur la maladie, l’auteur remonte à la source de son imaginaire angoissé tout en questionnant son héritage familial. Face à son impuissance, David B. se remémore son enfance et son adolescence quand, réfugié dans le pouvoir enchanteur de la fiction, il tente de faire face à une réalité injuste, comme un moyen de se protéger de l’incompréhensible. Dans cette œuvre dense et éprouvante, David B. se révèle un maître du noir et blanc, sublimant son récit à travers des allégories et représentations complexes pour restituer les tréfonds tourmentés de sa conscience. Récompensé par de nombreux prix, ce grand projet reste un pivot d’une bibliographie éclectique nourrie de collaborations (Blain, Sfar, Guibert, Micol ou encore le politologue J.-P. Filiu) mais dans laquelle on retrouve de façon plus ou moins affichée cette fascination pour les grands mythes immémoriaux ou contemporains, les légendes exotiques, l’ésotérisme, les sociétés secrètes, ou cette crypto-histoire empreinte de mystères et de magie. Un goût qui l’a amené à travailler tout récemment sur le scénario d’un monument de la BD francobelge historique qu’on croyait éternellement momifié et qu’il a su revitaliser : Alix. David B. serait-il le chaman de la BD ? Nicolas Trespallé Focus sur son œuvre. Date et horaire sur www.escaledulivre.com

SPLEEN S’intéressant à cette « empreinte laissée par les vagues après qu’elles se sont retirées de la plage », la poétesse creuse ce concept à travers un essai littéraire très libre déroulant une série de réflexions esthétiques et philosophiques sur cet état fuyant qui joue autant sur la présence-absence que sur la notion de mémoire et de traces. À travers des exemples concrets, tirés de l’alimentation et de la nature, elle démontre que la saisonnalité qui semble conditionner tout le destin de l’Homme depuis l’aube des temps reste une notion somme toute artificielle et relative au regard de notre modernité. Et si le nagori est vu indéniablement comme un moment de bascule, il est d’abord un temps de transition aux contours instables entre ce qui n’est pas et ce qui est ou ce qui n’est plus. En cela, il se vit comme une expérience émotionnelle et sensitive profondément subjective faisant naître en nous un état de conscience particulier selon notre vécu. En plaçant ce sentiment sous le tamis du matériel et du spirituel, du concret et du symbolique, Ryoko Sekiguchi nous invite à réfléchir sur ce temps du recommencement en questionnant la collusion de deux temporalités antinomiques : celle cyclique des saisons, celle linéaire de l’Homme. Le nagori marque la rencontre ténue entre deux temps irrémédiablement distincts. Pour autant, Ryoko Sekiguchi est persuadée que, par sa fugacité même, cette curieuse parenthèse recèle aussi une vie en soi. NT Nagori, Ryoko Sekiguchi, P.O.L. Rencontre. Date et horaire sur www.escaledulivre.com

Remise du 6e Prix des lecteurs - Escale du livre 2019, dimanche 7 avril, à 11 h, studio de création du TnBA. Le Prix récompense la jeune création littéraire française au travers du choix des lecteurs de 22 médiathèques de la Métropole et du Département de la Gironde, des étudiants de l’IUT Bordeaux Montaigne et de l’IJBA, des patients et soignants de l’hôpital Charles-Perrens (pôle culture), des détenu-e-s du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan. 5 romans sont en lice : Là où les chiens aboient par la queue d’Estelle-Sarah Bulle ; Frère d’âme de David Diop ; Ma Dévotion de Julia Kerninon ; Les poteaux étaient carrés de Laurent Seyer ; Pense aux pierres sous tes pas d'Antoine Wauters.

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©Pascal Ito

© Festival Anima

©Élodie Daguin

SPECTACLES { Escale du livre }

FOU DE VINCENT D’un des textes les plus singuliers

d’Hervé Guibert, Vincent Dedienne et Arnaud Cathrine donnent une lecture intime, éminemment subjective.

UN CHANT

D’AMOUR

À l’origine, un très court roman autobiographique, publié aux éditions de Minuit, en 1989. Deux ans avant sa disparition, l’auteur d’À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie s’y livrait à la cruelle dissection du sentiment amoureux, celle d’un écrivain pour un adolescent nommé Vincent. Il l’aime à en souffrir et écrit avec tendresse et obscénité le désir, le manque, l’impossible absolu. En 1988, Vincent meurt, Hervé apprend sa séropositivité. Cette histoire d’amour vraie, érotique, charnelle, le comédien, notamment croisé dans Le Jeu de l’amour et du hasard, la connaît par cœur. Comme il le confiait, l’automne dernier, à Télérama, sa relation relève d’un sérieux béguin. « J’ai découvert Hervé Guibert quand j’étais à l’école de théâtre à Saint-Étienne. Il y avait un garçon qui lisait Fou de Vincent. Ça m’avait intrigué, parce que je m’appelle Vincent. C’était vraiment un hasard. Mais c’est quand je suis tombé sur Cytomégalovirus, son journal d’hospitalisation qu’il a écrit aux portes de la mort, que j’ai eu un coup de foudre. J’étais dans un TER et ça m’a sauté au visage et au cœur. Je me suis dit qu’il fallait absolument le jouer sur scène. » Un choix pour le moins casse-gueule tant Fou de Vincent demeure ce récit fiévreux et absolu : l’adolescent aimé est trop jeune, préfère les femmes, la plénitude sexuelle n’est pas toujours au rendez-vous. Pourtant, le désir et la passion sont intenses. Hervé Guibert tentant de saisir la réalité de l’amour au travers de l’analyse précise des moments intimes liés à son expérience personnelle et des signes infimes que lui renvoie son amant. Pour Vincent Dedienne, son lien à Guibert passe par une espèce d’éblouissement face à la lucidité amoureuse. « C’est l’histoire d’un amour qui n’est pas toujours réciproque, donc ça me parle. Et puis c’est très drôle par moments. Il y a ce passage notamment – faut-il être amoureux pour écrire ça ! – : “Hier soir, la mère de Vincent au téléphone me demande : ‘C’est à quel sujet ?’ et j’ai envie de lui répondre : ‘C’est au sujet de sa bite, madame, je voudrais la sucer dans les meilleurs délais.’” Comme le texte est cru, il faut une certaine crédibilité, suffisamment d’insolence et de romantisme pour pouvoir dire certains des passages. Ce n’est pas que du cul, de la provocation, c’est aussi un texte gonflé d’amour. » Love overdose, en somme. Marc A. Bertin Fou de Vincent, conception Arnaud Cathrine & Vincent Dedienne, à partir de 16 ans. Dimanche 7 avril, 18 h, salle Vitez, TnBA. 20 / 25 € - Billetterie sur www.escaledulivre.com

Hervé Bourhis

Barbara Carlotti

HERVÉ BOURHIS Déjà bien rôdé avec son Petit Livre

Rock, son Petit Livre Beatles ou son Petit Livre de Black Music, l’illustrateur, accompagné cette fois au crayon par Hervé Tanquerelle, rempile pour survoler la grande et petite histoire de la « French Pop ».

FRANCHE TOUCHE

Jouant du flou artistico-juridique qui entoure ce terme, les auteurs se sont amusés à compiler en près de 250 pages une somme d’anecdotes érudites sur la chanson française et francophone, décortiquée en long en large et surtout en travers. Invitant au feuilletage plus qu’à une lecture linéaire, l’ouvrage, qui remonte tout de même à 1792 avec La Marseillaise pour suivre l’actualité la plus récente de 2018, offre un tableau vertigineux de cette « Pop » qui embrasse tous les genres et sous-genres puisque s’y percutent le twist, l’electro, le rap, le disco, le prog’, l’alternatif, le metal, le rock guadeloupéen voire le « zouk béton » jusqu’à l’inévitable chanson à texte. Autant dire que ce panorama, s’il ne peut faire l’impasse sur les cadors inévitables que peuvent être Trenet, Gainsbourg, Daho ou Françoise Hardy, tire tout son sel des centaines d’artistes obscurs ou brièvement populaires présentés ici sur un pied d’égalité et qui ont formé par leur audace, leur folie, leur flair, parfois leur cynisme, une partie du patrimoine musical du pays de Francis Lalanne. Si on retrouve bien sûr quelques plaisirs coupables pour les tubes du Top 50 ou des focus sur des aveuglements encore incompréhensibles (La Danse des canards, naturellement Palme du WTF), le projet du duo se lit surtout comme une entreprise de réhabilitation méritée pour toute cette armada de francs-tireurs et de soutiers discrets du métier. Ponctué de blaguounettes, Le Petit Livre French Pop remet ainsi l’accent sur les éternels losers et présentent quelques chefs-d’œuvre inconnus et autres maudits de la discographie franchouille. Citons, avec subjectivité, Ronnie Bird, Chico, Vigon, les Problèmes (futurs Charlots !), les rollergirls mirifiques Stella, Clothilde, Jacqueline Taïeb, le mystérieux Alain Kan et plus récemment les Diabologum, Julien Gasc et nos vaillants garageux Magnétix. À l’occasion de l’Escale, un concert dessiné viendra offrir une BO sur mesure à ce répertoire irraisonné grâce à la présence de Barbara Carlotti, dont l’album autoproduit Magnétique figure en bonne place dans les pages de l’ouvrage. Personnalité à la fois discrète et saillante de la chanson française, la chanteuse qui a par le passé travaillé avec l’auteur de BD Christophe Blain sur La Fille – un road trip psychédélique en BD qu’elle a mis en paroles et musique – viendra faire mentir définitivement le perfide John Lennon lorsqu’il claironnait que le « rock français, c’est comme le vin anglais ». NT Concert dessiné, L'Escale du livre pop !

Samedi 6 avril, IUT Plateau TV - Heure à confirmer 12 / 15 € - Billetterie sur www.escaledulivre.com

TÉLEX

Des Grands Débats : « Portrait de l’Europe » avec Andreï Kourkov (Ukraine), Robert Menasse (Autriche), Emmanuel Ruben ; « Face au fondamentalisme » avec Jean Birnbaum et Boualem Sansal (Algérie)… Des Grands Entretiens avec : Atiq Rahimi (Afghanistan/France), Jean-Christophe Rufin, Martin Winckler… Des dialogues, des rencontres avec : Nathacha Appanah, Pierre Bergounioux, Chloé Delaume, Erwan Desplanques, David Diop, François Dubet, Bernadette Gervais, Tom Haugomat, Hervé Le Corre, Michèle Lesbre, Charif Madjalani (Liban), Céline Minard, Marie Nimier, Véronique Ovaldé, Catherine Poulain, Karine Reysset, Pinar Selek (Turquie), Barbara Stiegler, Laurence Tardieu, Jean Teulé, Fabien Toulmé, Fabien Velhmann… JUNKPAGE 65  /  mars 2019

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ÇA ME GRATTE LA TERRE

Accompagnés par Cyril Douay, Olive et Moi et Camille de Cussac proposent un concert adapté de leur album ainsi qu’un karaoké.

Imaginée à 14 ans, dans les marges de son cahier d’école, par Antoine Dole, qui n’avait pas encore adopté le sobriquet de Mr Tan, l’héroïne est devenue aujourd’hui l’incontournable de l’édition jeunesse.

D. R.

© Camille de Cussac

MORTELLE ADÈLE

© Mr Tan

{ Escale du livre } JEUNE PUBLIC

STEVE WARING Le plus illustre

chanteur américain de France de retour sur scène pour un florilège de son répertoire avec la complicité de Thomas Baas.

ALERTE CHIC PLANÈTE ROUSSE

GRANDADDY

Lecture dessinée en musique avec Olive et moi, Camille De Cussac et Cyril Douay,

Le concert dessiné par Steve Waring et Thomas Baas,

La Terre est désespérée : le concours de la plus belle planète, organisé par le maître du Cosmos, a lieu dans quelques jours et elle n’est absolument pas présentable ! Elle se gratte et plus elle se gratte, plus elle s’inquiète. Quand son amie la Lune jette un coup d’œil sur sa tête, le verdict tombe comme un couperet : la Terre est couverte d’affreux zumains ! Ça grouille, ça pique ces sept milliards de parasites ; un peu comme des poux. La voici donc partie en quête de solutions chez le vent, la pluie et, enfin, le soleil. Cyclones, ouragans, tornades, inondations, baisers brûlants, ce qu’ils proposent pour éliminer les zumains paraît un peu violent à la Terre. Mais voilà qu’un zumain se retrouve sur son doigt. Alors que la Terre s’apprête à lui faire passer un mauvais quart d’heure (il faut dire que le maître du Cosmos a menacé les perdantes de les faire disparaître dans un trou noir…), le zumain, concerné, propose de lui refaire une beauté aidé de tous ses copains. Et c’est une planète pimpante et pleine de vie qui va pouvoir se présenter au concours ! Ponctuée de jurons plus drôles les uns que les autres, parfois même rimée, cette fable écologique pleine d’humour sensibilise les enfant à l’avenir de la planète. Entre deux crises de fou rire, les illustrations, truffées de références – Amstrong côtoyant E.T. et Claude François –, font réfléchir et ouvrir les yeux. Sur scène, Camille de Cussac sera au dessin, tandis qu’Olive et Moi prêtera ses voix au fil des personnages, le tout mis en musique par Cyril Douay. Marc A. Bertin

dimanche 7 avril, 15 h 30, IUT Plateau TV. 5,5 / 9,5 € - Billetterie sur www.escaledulivre.com

Une chose est sûre, la gamine a donné un coup de vieux définitif à des héros patrimoniaux increvables de la BD franco-belge, longtemps lestés par un excès de convenances, de bons sentiments voire de mièvrerie. Construite sous la forme de gags lapidaires (8 cases maxi), la série dépeint le quotidien d’une petite rouquine affublée d’un uniforme strict façon public school anglaise qui s’avère en vérité une terrible proto-punkette en culotte courte. Misanthrope, parfois cruelle pour ne pas dire sadique et surtout reine de la punchline qui tue, l’élève en furie envoie régulièrement paître ses parents passablement dépassés, ses camarades de classe (mention spéciale pour un duo de chipies écervelées fans de Barbie), et prend un malin plaisir à martyriser gaiement un amoureux trop collant ou son mignon chaton (qui a le tort de ne pas être un lion). Quant à son meilleur pote Magnus, il est imaginaire et a été guillotiné sous la Révolution. Sous ses dehors d’apprentie psychopathe, cette iconoclaste hargneuse cultive un comportement peu aimable et un poil excessif qui recouvre un esprit anarchisant roboratif même s’il faut parfois aller le chercher derrière l’humour régressif ou un brin scato. Les titres des recueils – L’Enfer, c’est les autres ; J’aime pas l’amour ; Poussez-vous les moches – donne une idée assez juste de la philosophie de vie de cette petite freak caractérielle, dont les frasques se sont écoulées à un million d’exemplaires depuis le lancement de la série en 2012. Adèle, assurément l’écolière la plus badass de la BD ! Nicolas Trespallé Retrouvez Mr Tan en dédicaces les vendredi 5 et samedi 6 avril

Au bout du compte, le natif d’Abington, Pennsylvanie, aura passé plus de temps au pays d’Henri Dès qu’au pays de Walt Disney, mais oserait-on s’en plaindre ? Certainement pas tant son œuvre traverse les générations, séduites par son art consommé du picking et ses chansons. Depuis la mythique Baleine bleue (1973), Steve Waring se consacre avec sérieux à la chanson « naïve », prétendument réservée aux enfants. Mais les adultes ne cachent plus depuis longtemps que ce sont leurs enfants qui les accompagnent… Habité par une insatiable curiosité, témoin de son temps, le guitariste virtuose (qui taquine aussi du banjo, de l’harmonica et de la guimbarde) entraîne son public dans un univers musical d’une grande richesse, aux confins du jazz, du blues, du folk et de paysages sonores plus insolites ou exotiques. 50 ans de carrière – couronnés par un prix Charles Cros In Honorem pour l'ensemble de sa carrière, en 2008, à l’occasion de la sortie de son album Le Retour du Matou –, autour d’un message de tolérance, de partage, d’égalité et de joie de vivre, n’ont rien entamé de son enthousiasme. Fort de ses 12 chansons incontournables, véritable greatest hits (de Timoléon au traditionnel Jean Petit en passant par L’Alouette ou Behold the Duck, La Vieille Dame), mises en image par l’illustrateur Thomas Baas, le débonnaire moustachu compte bien donner vie à son bestiaire et à ses personnages. Indémodable, fantaisiste, rieur parfois grave, entre douceur et humour pince-sans-rire, un univers dans lequel se lover. MAB

dimanche 7 avril, 11 h, IUT Plateau TV. 5,5 / 9,5 € - Billetterie sur www.escaledulivre.com

TÉLEX

Des créations : lecture dessinée, Gare à Lou ! avec Jean Teulé et Richard Guérineau ; lecture en peinture, Les Confidences avec Marie Nimier et Patrick Pleutin… Des spectacles : lecture en musique, J'entends des regards que vous croyez muets avec Arnaud Cathrine et Mathieu Baillot ; concert dessiné, Negalyod avec Vincent Perriot et L’être Lambda ; lecture en musique, Lo polit Mai avec Emmanuelle Pagano, Claude Chambard et Matèu Baudoin… Pour le jeune public : lecture en musique & petit théâtre d’images, Rat et les Animaux moches avec Sibylline et Jérôme d’Aviau ; lecture en musique, Sauvage avec Nathalie Bernard, Adeline Dée et Hectory ; lecture dessinée en musique, 7 jours et après avec Annelore Parot et Thomas Scotto ; espace ludique permanent (jeux, coloriages, radio Mollat Vox en direct, lectures…). Escale du livre 2019, un supplément du journal JUNKPAGE - Directeur de publication : Vincent Filet  / Secrétariat de rédaction : Marc A. Bertin  / Rédaction : Marc A. Bertin et Nicolas Trespallé  / Direction artistique & design : Franck Tallon, contact@francktallon.com /Assistantes : Emmanuelle March, Isabelle Minbielle / Correctrice : Fanny Soubiran / Administration : Julie Ancelin 05 56 52 25 05 / Impression : Roularta Printing. Papier issu des forêts gérées durablement (PEFC)

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« Les studios étrangers viennent chercher des animateurs en France, c’est vrai ? »

Entrée gratuite

« Il y a des métiers liés au dessin dans le jeu vidéo ? »

« Quelles professions peut-on exercer dans le milieu artistique ?

« J’aime dessiner et je vou drais en faire mon métier »

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e

Forum

des formations

artistiques Du CAP au Master, Cours pour adultes...

Rencontrez les écoles incontournables de la Nouvelle-Aquitaine

Samedi 9 mars 2019

de 10h à 17h30 - GALERIE TATRY - BORDEAUX

170 cours du Médoc

Tram C : Grand Parc - Parking gratuit


© Tristan Jeanne-Valès

{ Expositions }

Répétition, vue générale

DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE Au Théâtre de l’Union,

pas de décor en carton-pâte pour le classique de Molière. Stéphane Blanquet et Jean Lambert-wild ont conçu la scénographie en intégrant des savoir-faire du Limousin.

LE COLOSSE A DES

PIEDS D’ARGILE Malgré les lieux multiples de l’intrigue, les scènes se tiennent dans un même décor. En fond d’une bâtisse en ruine, une tapisserie d’Aubusson monumentale est envahie d’un motif organique foisonnant où plantes et animaux fantastiques se côtoient. Cette enveloppe absorbe acteurs et musiciens. Par contraste, des éléments en porcelaine font entrevoir la fragilité du mythe. Les marches d’un escalier hélicoïdal en porcelaine donnent une note ostensiblement précieuse par leur prise de lumière et la précaution qu’elles supposent. Idem pour les chaussons en porcelaine de Dom Juan, qui selon les termes de Jean Lambert-wild, porteur du rôle, relèvent d’une « folie poétique et d’un ravissement ». Le destin tragicomique de Dom Juan se joue avec ce décor où toute enveloppe a un revers et l’absorption un risque d’étouffement. La générosité et l’opiniâtreté des industriels et des artisans apportent des solutions remarquables. L’entreprise Néolice1, dotée du seul métier à tisser numérique de type Jacquard à Aubusson, a fourni six mois de travail pour réaliser des pendrillons de 7 m de long, soit 280 m2 de tapisserie. Pour convertir les couleurs en points de tissage, Marion Barbier, designer textile, a encodé aux dimensions du métier un dessin en A4 (image HD de 256 couleurs) de Stéphane Blanquet. Elle a procédé à une réduction en 8 couleurs, pour une définition basse de 6,3 fils au cm (= 6,3 pixels au cm). Cette démarche vise l’économie de matière et de temps, une tapisserie moins épaisse et moins raide, un tissage plus facile et plus rapide. La magnificence du dessin est conservée grâce au mélange fil à fil pour les variations colorées. L’habillage de l’escalier a nécessité des ajustements exigeants pour l’usine Porcelaines de la fabrique. La perfection

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des formes trapézoïdales fait oublier la complexité d’une réalisation soumise aux rétractations de cuisson. Christian Couty2 réitère sa collaboration avec le Théâtre de l’Union en réalisant les chaussures de Dom Juan3. Finement décorées, matelassées à l’intérieur, elles sont moulées aux pieds de l’acteur. Elles contraignent à une gestuelle tendue et souple à la fois où malgré la liberté affichée, la démarche de l’impénitent séducteur se fait attentive. Cette alliance d’entreprises contemporaines aux savoir-faire ancestraux enrichit le territoire où elles agissent. En artisan du théâtre comme « art du présent en prise avec la mémoire », Jean Lambert-wild y voit une histoire commune de transmission. « Chaque matin se remettre à l’ouvrage, se nourrir de la tradition pour innover et transmettre. » Jeanne Quéheillard

1. Entreprise Néolice à Felletin (23500), dirigée par M. et Mme Creissen. Tapisserie réalisée par Francis Semouiller et Marion Barbier. 2. Collaboration avec l’artiste porcelainier Christian Couty, Porcelaines de la Fabrique, Esprit Porcelaine et le soutien du Fonds de dotation de l’Union. 3. Réalisation de l’armure de porcelaine en bleu de four de Richard III pour le spectacle Richard III, Loyaulté me lie, Théâtre de l’Union, janvier 2016.

Dom Juan ou le Festin de pierre, direction Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra, du mardi 19 au vendredi 29 mars, 20 h, sauf les 21, 22 et 28/03, à 19 h ; le 23/03, à 17 h ; les 26 et 29/03, à 14 h, Théâtre de l’Union – Centre dramatique national du Limousin, Limoges (87000).

www.theatre-union.fr

du mardi 2 au vendredi 5 avril, 20 h 30, sauf les 3 et 4/04, à 19 h 30, La Coupe d’or, Rochefort (17300).

www.theatre-coupedor.com

SWIPE LIFE (AND DEATH)

Dans Sérotonine, où il ramène souvent les femmes à leur dimension sexuelle, Michel Houellebecq, finit par se demander : « À quoi bon essayer de sauver un vieux mâle vaincu ? » La question fait écho au personnage de Dom Juan, après #metoo et #balancetonporc, pourquoi présenter ce séducteur nombriliste, étranger à la notion de consentement, addict à la drague ? Ce serait limiter l’œuvre à une seule de ses facettes. Car il s’agit d’une œuvre plurielle se prêtant à de multiples interprétations. Que l’on regarde Dom Juan par le prisme de la religion, des femmes, ou sous l’angle de la censure, chacune de ces visions est convaincante. Dans leur adaptation du texte de Molière, Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre se sont concentrés sur les enjeux du mythe pour mettre en lumière la place centrale occupée par la mort : « Ce qui est primordial, c’est son rapport au Commandeur, le rapport aux morts, et donc à la mort. (…) tout est éphémère, tout est vain, mais tout est aussi furieux et libre. » Personnage complexe, caché sous des masques qu’il utilise ou enlève selon ses rencontres, Dom Juan se fondra ici dans celui du clown blanc qui habite Jean Lambert-wild depuis longtemps, et avec lequel il a joué Richard III, En attendant Godot, ou Coloris Vitalis. Contrairement à son personnage, Jean Lambert-wild est un homme fidèle : fidèle à ses questionnements, à son clown, à ses équipes (outre Catherine Lefeuvre à l’adaptation, Lorenzo Malaguerra à la mise en scène et JeanLuc Therminarias à la musique, on retrouve ici Stéphane Blanquet à la scénographie, Renaud Lagier à la lumière). Le directeur du Théâtre de l’Union est aussi un génial inventeur et découvreur de talents. Pour cette dernière création, il partage le plateau avec Steve Tientcheu en alternance avec Yaya Mbilé Bitang (étonnante dans Stabat Mater Furiosa) dans le rôle de Sganarelle. Ils seront rejoints par quatre des 16 acteurs en formation à l’Académie de l’Union et des musiciens, « sorte d’orchestre du Titanic qui accompagnera le héros dans sa chute au tombeau ». Il faut être intrépide, courageux ou inconscient pour monter Dom Juan aujourd’hui. Jean Lambert-wild, sous le maquillage du clown blanc, est tout cela à la fois, car, dit-il, « il y a quelque chose d’héroïque en Dom Juan, une partie amoureuse de la vie, amoureuse du théâtre, de la joie ». Henriette Peplez


© Benoît Géhanne

BENOÎT GÉHANNE Avec l’exposition

« À plat, l'horizon », actuellement présentée à Limoges, le plasticien perturbe nos perceptions topographiques dans une déambulation où s’invitent les ambivalences architectoniques de trois barrages hydrauliques corréziens.

JEUX DE

BASCULEMENT En 2011, lors d’une résidence à Chamalot, en Haute-Corrèze, Benoît Géhanne parcourt les environs et tombe sur l’un de ces compacts obstacles de béton qui culminent à plusieurs centaines de mètres de hauteur : un barrage hydraulique. « Physiquement, il y a une forme assez fascinante, se souvient le plasticien né en 1973. Sidérant et vertigineux en termes d’échelle, de proportion et d’occupation du territoire avec tout ce que cela implique aussi dans cette idée de recouvrir la vallée, de la boucher, d’obturer l’espace. » À cette époque-là, l’artiste passé par les bancs de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris travaille à d’autres formes, mais il capture ces mastodontes capables de transformer la puissance de l’eau en électricité dans des photographies. Plus tard, dans la solitude de son atelier, en cherchant un objet susceptible d’aimanter une dispute entre verticalité et horizontalité, Benoît Géhanne retombe sur ces images et propose à Christine et Philippe Pée de revenir dans leur lieu de création poursuivre ce projet. Lequel s’initie en 2016 lors de repérages et se réitère en 2017 à l’occasion d’une nouvelle résidence d’artiste à Chamalot. De retour sur les lieux, Benoît Géhanne se rend sur plusieurs sites : celui de Bort-les-Orgues, de l’Aigle et du Chastang. Devant ces sites d’EDF, il réalise l’ampleur de leur ambivalence. « En me promenant, je me suis aperçu que le point de vue était toujours un peu biaisé. Soit on est très loin et le barrage apparaît comme un objet dans le paysage. Soit à l’inverse, quand

on est près, on a une perception très fragmentaire, dont la somme se collecte à la mesure de la déambulation. En fait, le sujet est toujours percevant et toujours aveugle… c’est ce qui m’a fasciné. » Captivé par l’ambiguïté d’une saisie impossible de l’objet dans son absolu, Benoît Géhanne en récolte les données : spécificités, détails et formes. Il dresse l’inventaire des matériaux utilisés et des contraintes techniques pour déterminer le profil de ces espaces étranges et atopiques aux esthétiques radicales. De retour à l’atelier, les moissons œuvrent comme des puissances d’évocation et engagent des va-etvient entre les motifs autonomes et les créations picturales et sculpturales qu’il réalise. Une première restitution de ce projet aura lieu en 2018 sur les sites mêmes. L’épopée fait le sujet d’une nouvelle proposition présentée cette fois-ci à Lavitrine. Pour l’occasion, documents, peintures, installations et créations hybrides cadencent une partition spatiale orchestrée de turbulences. Les échelles se convulsent et s’adonnent aux virtuosités des rabattements, du pliage, de la torsion et des translations entre deux espaces. Ici, les silhouettes des barrages s’identifient, là leur motif se perturbe, se décompose, se subdivise ou se prolonge pour manifester d’autres facettes de leur identité kaléidoscopique. Anna Maisonneuve « Benoît Géhanne – À plat, l’horizon », jusqu’au vendredi 22 mars, Lavitrine, LAC&S, Limoges (87000).

lavitrine-lacs.org


JULIE BERÈS La fondatrice de la

compagnie Les Cambrioleurs met en scène des victorieuses, des obstinées, des désobéissantes. Et le spectateur dépose les armes.

Le Conte du Baron par la compagnie Apsaras

L’AUTRE RIVE Quatrième

édition du festival de théâtre, initié par le centre culturel Château Palmer de Cenon.

PUISSANCE 4 TRÉTEAUX Elles sont quatre. Quatre jeunes femmes, tout juste sorties de l’adolescence, vives, alertes et blagueuses, époustouflantes d’une énergie que l’on devine proportionnelle à la rage qui les habite. Car toutes les quatre se succèdent au plateau pour y faire le récit d’une entrave faite à leur désir (celui de danser, de jouer la comédie ou tout simplement de vivre dans un monde plus juste). « Chacune à sa manière témoigne d’un NON, posé comme acte fondateur », explique Julie Berès. « Non aux volontés du père, non face aux injonctions de la société, la famille, la tradition. Non face à la double peine du racisme et du machisme. » Car oui, ces jeunes femmes de moins de 25 ans sont issues de la première, de la deuxième ou de la troisième génération de l’immigration et vivent pour la plupart en banlieue. Elles ont rencontré Julie Berès, à la faveur d’un projet initié par le Théâtre de la Commune à Aubervilliers, intitulé « Pièces d’actualité ». Des formes courtes, légères, mobiles, commandées à des artistes avec, pour seul thème, une question : « La vie des gens d’ici, qu’est-ce qu’elle inspire à votre art ? » Répondre à cette question, pour Julie Berès, c’était faire entendre la façon dont les jeunes femmes de banlieue empoignent leur vie « dans un monde souvent violent où il faut lutter pour tracer sa route ». C’était donner la parole ou la rendre à celles que l’on n’entend pas. Avec Alice Zeniter, prix Goncourt des lycéens, et Kévin Keiss, écrivain et dramaturge, Julie Berès a collecté les paroles, minutieusement, les a agglomérées à d’autres récits de femmes entendus au gré des échanges. « Chacune a nourri l’écriture du spectacle en important sa propre histoire et, à travers elle, celle de ses parents. » À l’arrivée, les histoires personnelles deviennent des histoires politiques. On en vient à confondre les personnages et les actrices (formidables Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Séphora Pondi). Qu’elles jouent leur propre rôle ou qu’elles incarnent un personnage importe peu. Ce qui importe, c’est le récit d’une désobéissance qui conduit à des victoires. Et à la liberté. Henriette Peplez Pièce d’actualité n°9—Désobéir, conception et mise en scène Julie Berès,

du mardi 19 au samedi 23 mars, 20 h, sauf le 23/03, à 19 h, TnBA, salle Vauthier.

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Le centre culturel Château Palmer s’inscrit sur un territoire où sont implantées plusieurs compagnies de théâtre professionnelles. En 2015, ces dernières ont souhaité faire converger leurs pratiques et ont donc œuvré à la mise en place d’un festival voué à la population cenonnaise. Depuis, l’initiative s’est ouverte à d’autres visions, intégrant au passage les deux rives de la Garonne à sa programmation. Cette 4e édition s’offre pour parrain Jean-Paul Alègre. Auteur d’une cinquantaine de pièces, principalement publiées aux éditions de l’Avant-Scène, il est un des auteurs vivants les plus joués en France, traduit dans une vingtaine de langues ; ses pièces étant souvent reprises dans des anthologies et des ouvrages scolaires. L’actuel président de la scène conventionnée du Perreux, Centre des bords de Marne, aura le plaisir d’accompagner 6 compagnies donnant la priorité au théâtre visuel à destination du jeune public. Se succéderont, durant le dernier week-end du mois, la compagnie du SûrSaut avec Tango / virage poétique ; la compagnie Le fond de l’eau avec Le Loup dans tous ses états ; la compagnie L’Art bat l’Être avec Catastrophes ; la compagnie Le Passage avec La Pelle de la Terre ; la compagnie Dès demain, avec Motus et la compagnie Apsaras avec Le Conte du Baron. À noter, samedi 30 mars, à 10 h, une table ronde, au centre culturel Château Palmer, avec Jean-Paul Alègre. L’ancien président de la commission théâtre de la SACD partagera avec le public ses multiples expériences qui dépassent celle du simple dramaturge. Marc A. Bertin L’autre rive,

du vendredi 29 au dimanche 31 mars, Cenon.

www.culturecenon.fr

© Patrick Fabre

© Catherine Passerin

© Willy Vainqueur

{ Scènes }

BOTTOM THÉÂTRE Comment changer

la vie ? Pour y répondre, Marie-Pierre Bésanger convoque dans Berlin Sequenz dix jeunes comédiens pour un spectacle radical, radieux et rageur.

LES AILES DU DÉSIR Entre J’ai 20 ans et je vous emmerde, pièce créée en 1986, et Berlin Sequenz, dans laquelle Sila, jeune fille rebelle, réplique : « Et maintenant je vous emmerde au maximum ! », qu’est-ce qui a changé pour la jeunesse européenne ? Les ressemblances sont nombreuses entre le Bottom Théâtre de 2018 et Les Baladins en Agenais de 1986 : au plateau, la même fougue, la même énergie solaire, le même désir impérieux et rageur de porter le texte comme un étendard. Les textes, justement, ont la même thématique : « Comment changer la société ? » Or, dans l’intervalle, c’est bien la société qui, elle, s’est radicalement transformée : l’effondrement du mur de Berlin a emporté avec lui l’idéologie communiste et laissé toute la place pour l’épanouissement du capitalisme mondialisé accompagné de sa cohorte de dégâts collatéraux. C’est d’ailleurs à Berlin que Manuel Antonio Pereira, l’auteur, situe l’intrigue de sa pièce. On y suit les déambulations de Jan, un jeune homme engagé et excessif. Entre squats alternatifs et appartements communautaires, il fait la rencontre d’un collectif de jeunes qui tentent de mettre en place une autre relation au travail et au monde. Mais jusqu’où aller pour changer la société ? Convoquer la lutte armée comme les Baader-Meinhof ? Rester en marge du système ? Ou foncer dans le tas ? Autour de la question centrale et obsédante de « changer la vie », le texte tisse de beaux moments choraux et de jolis monologues, dans une langue poétique que l’auteur a souhaité heurtée comme « nos modernes existences, par cette actualité qui souvent nous malmène, car nous sommes comme ces gens dans le bus que prenait Jan, bousculés par la conduite trop nerveuse d'un chauffeur irresponsable, et nous tentons de tenir debout ». Pour sa transposition au plateau, Marie-Pierre Bésanger a choisi « dix jeunes comédiens issus de trois écoles nationales (ENSATT, éstba, Académie de l’Union) et du GEIQ Compagnonnage Théâtre de Lyon pour porter ce texte avec une attention particulière à l’hétérogénéité du groupe ». Leur énergie, leur joie de jouer ensemble, accentuée par la composition originale du musicien electro Renoizer, fait de Berlin Sequenz un feu d’artifice d’émotions contradictoires. Le Bottom Théâtre a choisi de présenter sa dernière création, coproduite par l’OARA, fin mars dans les lycées de la région – le 25 mars à Felletin ; le 26 mars à Saint-Junien ; le 27 mars à Limoges et le 28 mars à Tulle –, l’occasion de confronter la pièce à la réalité de la jeunesse d’ici. HP Berlin Sequenz, mise en scène de Marie-Pierre Bésanger, jeudi 7 mars, 20 h 30, théâtre de Thouars, Thouars (79100).

www.theatre-thouars.com

vendredi 19 avril, 20 h 30, auditorium Sophie-Dessus, Uzerche (19140).

www.auditorium.uzerche.fr


© Leif Firnhaber Pinos

MEYTAL BLANARU À partir de souvenirs enfouis,

la chorégraphe invente une danse de la réminiscence. Un trio à la lenteur minutieuse, aux corps hantés. À recevoir, au bord de l’hypnose.

PASSÉ POSSÉDÉ Dès l’arrivée des spectateurs, disposés tout autour du plateau carré aux teintes claires, les corps des trois danseurs semblent embarqués depuis longtemps dans leur voyage. La tension est immédiate, comme si la matière existait déjà, avant le commencement. Un corps est allongé, un autre assis à terre, l’autre debout, confondu avec le public. Les silhouettes semblent posées là, poupées au regard perdu. Bougentelles ? Que bougent-elles ? Une main, un doigt, un genou… Chacune plongée dans ses pensées, ses souvenirs, quelque chose de lointain, un ailleurs qui, pour l’instant, nous échappe. Une lenteur patiente guide les gestes, parfois arrêtés en chemin, hésitants, suspendus. Mais à quoi ? Dans We Were the Future, la chorégraphe israélienne Meytal Blanaru a choisi d’enfouir les corps dans un souvenir d’enfance. Celui d’une enfant d’Israël, élevée dans les règles particulières du kibboutz où enfants et parents vivent séparés. La nuit, dans le grand dortoir, ses yeux cherchaient le sommeil sans y parvenir. Des nuits à rallonge, trauma de l’enfance dans lequel les trois danseurs (Meytal Blanaru, Olivier Hespel, Gabriela Cecena) replongent, chacun à leur manière. Les yeux constituent l’un des points d’entrée majeurs de cette pièce. Portés loin, embués puis tout à coup conscients du monde qui les entoure. Si la pièce prend le temps de s’installer, dans une lenteur étirée, des changements de tempo s’opèrent. Parfois imperceptibles, tout à coup saccadés, les mouvements sont subtilement portés par les nappes de musique lancées en live par le musicien français Benjamin Sauzereau. Les gestes, comme archéologiques, creusent un

sillon entre douceur et grande douleur. Meytal Blanaru, installée à Bruxelles, prend elle aussi son temps dans son travail de création. We Were the Future est le fruit de neuf ans de recherche autour du Feldenkrais, cette pratique somatique inventée par Moshe Feldenkrais dans les années 1940. « Cela a libéré mon corps. J’ai plongé dedans pendant un an. J’ai développé les principes d’une méthode, la Fathom High, qui met en danse à travers le Feldenkrais. » Deux soli ont émergé de ce process, ainsi que deux pièces de groupe pour des étudiants en danse. We Were the Future clôt ainsi cette recherche très approfondie. À chaque représentation, de cette pièce qui tourne particulièrement en France cette année, soutenue par le réseau des CDCN, c’est le même rituel. Les danseurs se préparent trois heures avant la pièce. Un temps de méditation profonde ainsi qu’une mise en corps à partir de la méthode Feldenkrais, pour « aller à l’intérieur, se connecter au plus profond ». Cet état, perceptible au premier regard par le spectateur, l’envahit peu à peu, lui aussi. Comme si ce mouvement surgi des fantômes du passé venait à son tour intégrer chacun des corps présents autour des danseurs. « Nous avons longuement travaillé cette manière de faire résonner la danse dans le public. Pour que le spectateur se sente le plus à l’aise possible. Qu’il puisse à la fois rentrer et sortir de cet état. Cette pièce est une manière d’ouvrir la porte, et d’être ensemble. » Stéphanie Pichon We Were the Future, Meytal Blanaru, jeudi 21 mars, 20 h, La Manufacture-CDCN.

www.lamanufacture-cdcn.org


© Christophe Raynaud de Lage

{ Scènes }

© Les Güms

MATTHIEU ROY Le metteur en scène Kälk, Les GüMs

PÉRIPÉ’CIRQUE La manifestation circassienne, désormais bien établie dans son territoire comme dans le calendrier, attaque sa 6e édition. Thibaud Keller, directeur du Champ de Foire, fait le point. Propos recueillis par Marc A. Bertin

EN PISTE ! Quel était l’objectif initial de ce rendezvous ? Non pas de monter un festival de plus, mais, au contraire, d’installer un temps fort de la saison du Champ de Foire, dans la durée, avec une attention toute particulière sur la création contemporaine dans le cirque, qui plus est dans un territoire spécifique : le Nord Gironde. Un double objectif donc, basé sur une pratique offrant visibilité et accessibilité avec l’étroite collaboration de la communauté de communes du Grand Cubzaguais et de la communauté de communes Latitude Nord Gironde. Nulle concurrence avec la ville de Bègles ? Saint-André-de-Cubzac et Bègles adhérent au réseau Territoires de cirque - Association de structures de production et de diffusion artistique, tout comme Biscarosse ou Boulazac. Nous ne sommes pas membres de la Métropole contrairement à Bègles. Les temporalités, les équipes et les moyens sont différents. Néanmoins, je pense plutôt à une forme de complémentarité ; nous nous acheminons notamment vers des partenariats d’accueil. Il y a plus matière à collaboration que concurrence. En Gironde, peu de lieux sont proprement dédiés au cirque malgré une bonne école et des compagnies de qualité. Pourquoi le choix d’une programmation consacrée aux compagnies nationales ? Ce choix a été pris par mon prédécesseur et répond à une espèce d’équilibre dans la programmation globale du Champ de Foire. D’un côté, un axe consacré au théâtre contemporain avec des compagnies locales y compris dans le compagnonnage, le Collectif Os’o jadis, la Grosse Situation aujourd’hui. D’un autre côté, Péripé’cirque et ses propositions de compagnies nationales. Cela offre une visibilité bienvenue au Champ de Foire car nous accueillons souvent des créations et des premières. Ce sera encore le cas cette année avec Kälk du duo Les GüMs.

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En outre, cette manifestation propose de la découverte au plus près du territoire sans avoir nécessairement à se déplacer. Qu’en est-il du programme 2019 ? Hormis, Dystonie de la compagnie deFracto, cette édition est centrée sur des nouvelles créations comme Baltringue des Limougeauds du Cirque Plein Air ou Les Madeleines de poulpe de Kadavresky. Nous déplorons hélas l’annulation du spectacle Face nord version féminine pour des raisons médicales. D’Aubieet-Espessas à Donnezac en passant par le Champ de Foire, nous contribuons à un véritable aménagement culturel du territoire. Le Nord Gironde traverse une mutation en termes de population, SaintAndré-de-Cubzac glisse de gros bourg vers une ville péri-métropolitaine par exemple. Ce changement induit de facto de nouvelles attentes. Nous avons désormais un devoir d’être au plus près et de proposer une offre culturelle suscitant la curiosité. Cirque, arts de la piste, arts circassiens… Que traduit ce glissement sémantique ? Vraisemblablement une variété des propositions. Cependant, on peut, à mon sens, trouver un dénominateur commun : l’engagement dans le risque ou dans la mise en jeu du corps de manière importante. C’est aussi le cas, je pense, dans la danse contemporaine. Une sorte de base commune pour inclure l’aspect performatif comme chez les plasticiens ou dans le solo, de même dans l’utilisation de la musique ou de la vidéo. Toutefois, on conserve des séquences, annonçant des numéros, quel que soit le dispositif. Après, les appellations, c’est pareil dans le théâtre d’animation, on n’en sort pas. Une chose est sûre : le public se montre très attentif aux propositions car il n’y a aucun artifice. Le décalage suscitera toujours la curiosité. Péripé’cirque,

du mardi 5 au mercredi 20 mars.

www.lechampdefoire.org

poitevin, artiste associé à la scène nationale d’Aubusson, organise une immersion intimiste dans l’Ofpra.

PRINCIPES ET CHANCELLEMENTS

« Pourquoi avez-vous quitté votre pays ? – Vous n’avez pas de deuxième nationalité ? – Avez-vous quelque chose à ajouter ? – Pourquoi demandez-vous l’asile ? – Un verre d’eau ? … » Un espace minuscule, aussi étroit que les box vitrés d’une dizaine de mètres carrés de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), sépare les spectateurs assis face à face. Entre eux, le décor est sommaire : un bureau et trois chaises ; une pour l’officier de protection qui mène et retranscrit l’entretien, une pour le demandeur d’asile qui lui fait face, une dernière pour l’interprète. Ici se racontent des parcours tragiques en fonction desquels l’administration peut accorder (ou pas) sa protection aux étrangers venus trouver refuge en France. L’étape est donc fondamentale. Est-ce une fiction ? Est-ce la réalité ? Nous sommes bien au théâtre mais dans un théâtre qualifié de documentaire. Pour l’écriture du texte, Aiat Fayez a sollicité l’Ofpra de Fontenay-sous-Bois pour s’immerger une semaine par mois pendant 10 mois, et assister aux entretiens et aux instructions. Pascal Brice, alors directeur de l’établissement, donne son accord. « Vers la fin de la résidence, je commençais à réaliser que je ne tenais pas debout sur mes principes, mais sur mes chancellements », écrit Aiat Fayez, à la fois effrayé et fasciné par l’attraction qu’exerce sur lui l’Institution, par le pouvoir des officiers de protection, dont la responsabilité est de déterminer la part de vérité ou de mensonge. Sans pathos, de façon aussi clinique que l’est l’administration française, l’auteur et dramaturge, lui-même apatride, fait un collage rapide et rythmé, alternant, sans trou d’air, le récit des réfugiés et les questions des officiers. Directeur artistique de la compagnie si bien nommée du Veilleur, Matthieu Roy fait un travail de vigie. Il observe, il alerte. Un pays dans le ciel est une partition à trois voix pour trois comédiens fantastiques (Gustave Akakpo, Hélène Chevallier et Aurore Déon) tour à tour homme ou femme, Ukrainiens, Africains ou Kosovars, réfugié, traducteur et officier. À l’Ofpra, Pascal Brice, qui avait accepté cette résidence d’écriture, n’a pas été reconduit dans ses fonctions et l’Office est sans directeur depuis fin décembre. Une vacance révélatrice des hésitations traversant le gouvernement sur le dossier migratoire, porté vers plus de fermeté, quand c’est d’humanité dont il s’agit. HP Un pays dans le ciel, mise en scène de Matthieu Roy,

mercredi 6 mars, L’Imagiscène, centre culturel de Terrasson, Terrasson-Lavilledieu (24122).

www.centre-culturel-terrasson.fr

du jeudi 7 au vendredi 8 mars, centre culturel Jean-Le-Bail, Limoges (87000).

www.centres-culturels-limoges.fr

du mardi 12 au vendredi 15 mars, 20 h, Glob Théâtre.

www.globtheatre.net


D. R.

FISH AND SHOES Le collectif impose son style

rassembleur dans le paysage bordelais de la danse hip-hop. La 4e édition de son Fish Mind montre le chemin parcouru depuis les premiers entraînements au marché des Douves.

POISSONS

PILOTES Qui remonte régulièrement la rue des Douves, la nuit tombée, est forcément interpellé par les beats s’échappant du Marché. Dans la coursive, des hip-hopeurs bordelais s’y retrouvent trois fois par semaine pour perpétuer la tradition : pratiquer à même le béton entre pairs, amateurs ou pros, apprendre des autres, se mêler à la vie telle qu’elle va. Tom Decocco et une dizaine de danseurs ont créé Fish and Shoes en 2015, au moment où le Marché s’ouvre. « On a sauté sur l’occasion. » À Bordeaux existaient d’autres lieux de pratique, comme le centre Argonne ou celui de la rue Permentade, mais chacun dédié à un genre très particulier. Aux Douves, le nouveau collectif choisit l’éclectisme et l’ouverture : break, danse contemporaine, cirque, flamenco, house. Tout le monde est le bienvenu. Dans l’équipe fondatrice, Tom Decocco ou Elsa Morineaux ne sont pas du genre sectaire, ni prêcheurs de paroisse. Au contraire, ils ouvrent grand les vannes, pourvu que la danse se partage. Leur parcours de danseur parle pour eux : Elsa a travaillé avec Hamid Ben Mahi ou Jean Magnard, jeune chorégraphe contemporain ; Tom, danseur pour Mourad Merzouki ou la compagnie Malka entre autres, a fait la formation hip-hop de la compagnie Rêvolution. « Avec Fish and Shoes, on a eu envie de créer un mini-délire comme au 104 à Paris », résume Tom. Aujourd’hui, ils sont une soixantaine à s’entraîner régulièrement. Cet état d’esprit se retrouve dans le Fish Mind, temps fort de l’association, « festival pour les danseurs, par les danseurs ». La 4e édition, le dernier week-end de mars, programme trois jours de pratique, de rencontres, d’expos, d’ateliers et de compétition. C’est au Performance que s’ouvrira le festival. Logique, quand on

sait que ce lieu de pratiques et de danse s’est imposé en peu de temps comme un point de rendez-vous de la communauté des street artists. Le 28 mars, il y aura donc une session avec des présentations de cinq formes courtes et un DJ set de Fabregue. Le dimanche se passera à la 197 Box pour trois workshops ouverts aux danseurs confirmés. Toutefois, le gros morceau, le cœur nucléaire de la Fish Mind, c’est le samedi après-midi au marché des Douves, un espace aquarium dans la coursive avec libraire, disquaire, fringues, expo… et une grande battle dans la salle du haut. Pardon, « des rencontres dansées », insiste Tom. « On a appelé cela la Fish Mind session, pour ne pas dire battle justement et ne pas l’enfermer dans les codes hiphop. Le danseur se présente tout seul pendant 45 à 50 secondes d’impro avec les musiciens live. Le jury [cinq danseurs pros : Sonia Bel Hadj Brahim, Bruce Chiéfare, Marielle Morales, Noémie Ettlin, Léo Landreau, NDLR] sélectionne 16 danseurs qu’on répartit par binômes, au tirage au sort. Là, ils ont huit minutes chacun pour s’affronter. » Quarts, demies, finales. Au bout, un ticket pour le festival international Who Got the Flower à Grenoble, en avril. Avec cet événement, Fish and Shoes pose un peu plus les bases de son projet associatif : rassembler les danseurs bordelais le plus largement possible, faire que le hip-hop circule et s’ouvre, histoire que le dynamisme bordelais – deux compagnies hiphop, des lieux de formation et de pratique nombreux – se confirme et se propage. Stéphanie Pichon Fish Mind #4,

du vendredi 29 au dimanche 31 mars.

www.fishandshoes.com

Avec Cie Volubilis Cie Defracto Clément Dazin Vincent Dupont pjpp Kaori Ito Groupe Entorse Cie 1er Stratagème Delgado Fuchs Brahim Bouchelaghem


{ Scènes } LE PARTI COLLECTIF

© La Parti Collectif

Louis Lubat s’empare de la consolation pour créer son premier objet sous chapiteau, forcément inclassable, nécessairement politique. Onze artistes musiciens, comédienne, danseuse agitent en vrac philosophie, notes, gestes et mots. Première à l’Agora de Boulazac avant une pause bordelaise dans Chahuts. Propos recueillis par Stéphanie Pichon

À NOS PERTES COMMUNES C’est drôle comme le Parti Collectif, le PC pour les intimes, semble déjà appartenir de longue date au paysage musical bordelais alors que Louis Lubat (oui, le fils de…) rappelle qu’ils ne se sont montés qu’il y a cinq ans. Un collectif polymorphe – dix groupes à lui tout seul ! – capable de brasser dans l’urgence, biberonné à l’improvisation. Ce crew du cru se compose d’une trentaine de musiciens mais pas que, et possède quelques racines à Uzeste, tendance Hestejada de Bernard Lubat, mais pas que… Bien qu’il y ait quelques continuités artistiques et politiques avec l’ancêtre gascon. Le PC aime tout autant jouer de la musique et des mots, affectionne le bordel joyeux et revendique un pedigree politisé, un organigramme sans chef. Quand on a appris qu’ils étaient en résidence de création à l’Agora de Boulazac, que leur chapiteau avait été donné par Laurent Castaingt (ex-Trottola) et que Les Inconsolés, leur nouveau-né, allait tourner rien de moins qu’à CIRCa ou Nexon, on a eu envie d’en savoir plus. Louis Lubat nous a reçus au Café de la Fraternité, place Saint-Mich’, un matin ensoleillé. Échappé d’Uzeste où la bande fabrique sa piste de chapiteau à coups de barres de métal et de plancher de bois, il nous éclaire sur ce spectacle à la matrice philosophique.

Effectivement, le projet a commencé… en 2016 ! Laure Duthilleul, metteuse en scène qui avait vu des projets du Parti Collectif, nous a proposé de travailler à partir d’un texte de Michaël Fœssel, Le Temps de la consolation. Très vite on a monté le chap’, travaillé quatre jours et joué, pour voir si cette collaboration fonctionnait. Et ça a marché. Alors, on s’est dit qu’on allait prendre notre temps et, pour une fois, trouver les financements avant de se lancer dans la création. Votre point de départ, c’est le texte philosophique de Fœssel… Oui, il y fait une grande grammaire de la consolation, avec les mots, la métaphore, la prosopopée, et puis les gestes, la musique. Le texte de Fœssel, c’est comme un sous-texte. Ce qui nous intéresse, c’est qu’il remet la consolation dans le champ de la philosophie. Depuis le philosophe Boèce, au ve siècle, cela avait été un peu laissé à la religion et plus tard à la psychologie. Il pose aussi la question d’une politique de la consolation. Peut-on se questionner collectivement sur les pertes, au-delà des pertes personnelles ? Parce qu’il y a des pertes collectives, comme les pertes d’idéaux par exemple. Fœssel présuppose que la consolation c’est aussi la transformation. Que la perte te transforme. Il y aurait ainsi plusieurs figures : l’inconsolable qui ne veut pas être consolé, le réconcilié qui est le « tout va bien » un peu mou, – ce à quoi nous incite la société actuelle –, et l’inconsolé, une figure positive pour Fœssel, celui qui sait qu’aucune consolation ne sera jamais définitive, qu’on sera toujours retransformé.

« On se sent assez chanceux de jouer dans ces endroits très repérés. On sait que ça ne tient pas à notre mérite. »

Le Parti Collectif est un habitué du grand air, des projets in situ. Pourquoi le chapiteau ? D’abord parce qu’on nous l’a offert. Et puis on avait ce fantasme-là, du nomade qui amène son chez-lui partout. Le chapiteau nous paraît être un nouveau possible. Parce qu’avec on peut aller jouer n’importe où, parce que les gens y entrent plus facilement que dans un théâtre, y sont plus calmes, plus concentrés qu’en extérieur. Pour nous, c’est le bon entre-deux : tu es toujours dans le monde et, en même temps, tu y as une attention plus forte. On était aussi en manque de lieu, en manque de temps pour inventer, toujours dans l’urgence. Sous le chap’, on envisage le temps autrement.

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Dans les gens réunis au plateau, il y a des musiciens, mais pas que… La plupart le sont, mais il y a aussi une danseuse contorsionniste, une comédienne et un mec, je ne sais pas ce qu’il fait exactement (rires). Il est informaticien au départ, il a une licence de musicologie, il vient au plateau très naturellement. Un soudeur vient aussi de nous

rejoindre, on lui a dit : « À un moment tu seras sur scène. » Tous les musiciens prennent la parole. Il y a aussi beaucoup de corps. C’est un nouvel endroit pour nous, on expérimente ce que c’est un groupe qui bouge, qui se touche, qui marche ensemble ou pas. Est-ce qu’il y a du décor ? Le décor, c’est le chapiteau, il n’y a rien sauf la batterie et les instruments de musique. On a monté un grand plateau nous-mêmes avec 4 tonnes de ferraille et du plancher, ce qui donnera un plateau disproportionné de 21 m d’ouverture et 7 m de profondeur. On veut un grand espace. On est assez pour le remplir ! CIRCa, Boulazac, Nexon, ce sont des gros mastodontes des arts de la piste… Comment le ce milieu vous a-t-il accueillis ? Les gens du cirque, il y en a de moins en moins qui font du chap’. Aussi sont-ils curieux de voir une jeune équipe se saisir du chapiteau et de découvrir ce truc étrange de musiciens qui prennent la parole, à onze ! On se sent assez chanceux de jouer dans ces endroits très repérés. On sait que ça ne tient pas à notre mérite. Je m’appelle Louis Lubat, c’est plus facile, il faut être réaliste. Combien de temps dure le spectacle ? Une heure et demie. Mais il y aura une deuxième partie, un bal. Parce qu’on aime bien danser et faire danser les gens. En terme de consolation collective, c’est pas mal non : être une foule et danser ensemble ? Les Inconsolés, Le Parti Collectif, du jeudi 21 au vendredi 22 mars, 20 h 30, Espace Agora, Boulazac-Isle-Manoire (24750). www.agora-boulazac.fr

du jeudi 28 au samedi 30 mars, 21 h, CIRCa, pôle national cirque, Auch (32000).

www.circa.auch.fr

du jeudi 6 au vendredi 7 juin, 19 h, square Dom Bedos.

www.chahuts.net

août, La Route du Sirque, Nexon (87800).

www.sirquenexon.com


© Philippe Toledano

Reda Seddiki

LES FOUS RIRES DE BORDEAUX À quoi bon un festival

du rire à Bordeaux quand on a les Girondins de Bordeaux ? À découvrir de nouveaux talents puisqu’il s’agit d’une des vocations déclarées de cette manifestation dont le succès ne se dément pas. Un exemple avec Réda Siddiki, Algérien de 27 ans, venu à l’université Pierre et Marie Curie pour étudier les mathématiques à Paris et qui a mal tourné. Propos recueillis par Joël Raffier

COGITO RIGOLO Comment définiriez-vous le genre d’humour de Réda Siddiki ? Je n’arrive pas à donner une définition précise du mien, c’est impossible. Plus généralement, je dirais que l’humour est un moment de méchanceté dépourvu de sentiments et… de procès d’intention. C’est-à-dire ? Il faut mettre les sentiments de côté et ne pas avoir peur que l’autre prenne mal ce que l’on dit puisque l’humour doit être libre. J’aime bien l’humour qui fait oublier les étiquettes. Que pensez-vous de l’humour identitaire ? Je préfère l’humour humanitaire. Je crois que c’est Bergson qui dit : « le rire c’est l’oubli de soi ». Je vis très mal toutes ces cases. L’humour juif, l’humour belge, l’humour de Réda, peu importe. Ce que je retiens, c’est que nous sommes la seule espèce à rire sur terre. Il y a une chose qui m’interroge et m’émerveille, c’est la manière dont les enfants passent des larmes au rire et inversement, très vite. Il y a cet imperceptible point de transition, cette fraction de seconde où l’on passe de la tristesse au rire, un rire comme purifié par les larmes. Comment définiriez-vous l’humour algérien ? Il est osé dans une société où existent des tas de tabous. Donc il procède par métaphore, avec des masques. Il peut être très diversifié. Je dirais qu’il tient du trait d’esprit français, de l’exubérance italienne, de la finesse de la poésie arabe et de la franchise berbère. Il est plein d’atouts mais pour le pratiquer on doit redoubler d’efforts afin de faire passer la pilule. C’est un humour détourné. Par exemple, parler d’équitation pour parler de sexe. Quelqu’un qui ne connaît pas ses codes peut se demander de quoi on parle. Par exemple penser que nous sommes des champions équestres alors que nous

sommes comme les autres, nous aimons le plaisir mais avec une certaine pudeur. En arabe, si on parle de l’amour de sa vie, ce sera au masculin. Vous avez étudié les mathématiques mais à quoi cela sert-il de savoir résoudre des équations pour écrire des blagues ? J’ai quelques passages sur les mathématiques dans le spectacle. En gros, j’essaie de prouver par l’absurde que la liberté ne pourrait exister dans un monde où nous serions égaux. Les mathématiques, c’est un peu l’art de la rhétorique. Plus la démonstration est courte mieux c’est. Il faut que ce soit vite fait, bien fait et qu’on ne puisse pas la remettre en question. Avec le moins d’éléments possible, le moins de notes, car il s’agit aussi de musicalité. Abdelaziz Bouteflika qui se présente aux élections, cela vous fait rire ? Non. Cela ne m’étonne pas. En Algérie, on est juste en avance sur le reste du monde. On a compris qu’un président qui parle ne servait à rien. Alors, pas besoin d’en changer puisque celui-ci est très discret. Je ne crois pas une seconde que le changement puisse venir de la politique. D’où alors ? Nous sortons d’un millénaire où nous avons appris, nous savons de quoi nous sommes faits, de quoi est composée la Terre, comment communiquer en une fraction de seconde. Il nous reste à réveiller nos consciences. Il nous faut des artistes de la conscience. Les Fous rires de Bordeaux,

du samedi 16 au samedi 23 mars.

www.lesfousriresdebordeaux.fr Réda Seddiki,

lundi 18 mars, 20 h 30, La Nouvelle Comédie Gallien.


{ Scènes }

FESTIVAL DE DANSE Est-ce

l’allégement des corps et démarches, débarrassés des couches hivernales, l’appel du dehors ? Toujours est-il que mars est LE mois de la danse en Nouvelle-Aquitaine, celui où il faut naviguer de Saint-Junien à Pau, de Cognac à Gradignan, pour découvrir des danses post-internet, des pièces de la métamorphose, des troubles du genre, de l’intime et du musical, du cirque et du cinéma. Les artistes se croisent, se dédoublent parfois. Petit guide pour s’y frayer un chemin.

Robot, l'amour éternel de Kaori Ito

À Pau, Résonance(s), rendez-vous souvent performatif d’Espaces Pluriels, a choisi cette année la danse post-internet pour évoquer les transformations du monde. Des mouvements glanés sur le web, des danses de la rue montées sur les scènes, des affirmations de soi, des communautés recomposées : les artistes agitent un métissage fructueux, du collectif La Horde et son Novaciéries, version filmique et performative de To Da Bone, au trio tout en fluidité d’Amala Dianor (Quelque part au milieu de l’infini) qui en profitera aussi pour présenter New School. Plus court mais tout aussi frappant, Les Indes galantes de Clément Cogitore fait la démonstration en un court métrage du clash improbable mais fascinant entre danseurs krump et musique baroque de Jean-Philippe Rameau, le tout sur la scène de l’Opéra de Paris. Nach vient féminiser ce Résonance(s) très masculin avec sa façon d’activer le krump dans un solo autobiographique (Cellule). Les genres se croisent et se recomposent, à l’image de Brother du portugais Marco Da Silva Ferreira et son grand mix syncrétique, carnavalesque et tribal des danses urbaines. Les gestuelles s’en trouvent toutes chamboulées, et notre regard de spectateur positivement déboussolé. Ces danses urbaines portées à la scène s’invitent dans tous les festivals printaniers de la région, comme si elles portaient encore et toujours cette vertu rassembleuse. À Saint-Junien, la 3e édition de Jours de danse ouvre par deux pièces hip-hop 100 % féminines : Jean Gallois en duo avec Rafael Smadja (Compact) pose un « petit bijou » fait de travail de symbiose et d’une « exceptionnelle inventivité du geste », nous confie Mariella Grillo, secrétaire générale de la Mégisserie, avant une Sandrine Lescourant (Parasite) qui rassemble cinq danseuses hiphop à l’énergie folle.

À Cognac, Motion, Peremishchennya vient clore le festival de l’Avant-Scène, pour une pièce spectaculaire pour douze danseurs ukrainiens, plus habitués aux battles qu’à la danse urbaine d’auteur telle que la pratique Brahim Bouchelaghem. Mars Planète Danse rallonge un peu sa programmation cette année, toujours éclectique. Kaori Ito, habituée des lieux, ouvre (voir ci-contre) une double soirée avec Samuel Lefeuvre (Accidens), Agnès Pelletier vient en voisine avec deux propositions de la compagnie Volubilis, Le P.A.R.D.I. et Les Vitrines. Où chaque fois sa danse pleine d’humour et de capacité à interpeller le spectateur dérape un peu vers l’inconfort, le grinçant, le bizarre. Un peu comme le duo de Claire Laureau et Nicolas Chaigneau, Les Déclinaisons de la Navarre, lancé dans un improbable replay d’une même scène de cinéma, jusqu’à l’étourdissement. Et comme toujours à Cognac, il y aura du cirque, deux pièces masculines Flaques et Humanoptère. « Certes, ce sont des jongleurs, mais plus que tout, ce sont des corps en situation », précise Stéphane Jouan, directeur de l’Avant-Scène. Ce pourrait d’ailleurs être le leitmotiv de ce festival plus porté sur le corps dans tous ses états que vers une préoccupation de l’écriture chorégraphique ciselée, plus présente à la Mégisserie de Saint-Junien. En témoignent le nouvel objet chorégraphique de François Chaignaud (voir ci-contre) ou la pièce de Thomas Lebrun, écrite pour ses interprètes de toujours sur une musique de Philip Glass, Another Look at Memory. « De la dentelle ! », ponctue Mariella Grillo. Trois propositions seulement pour Jours de danse, mais un vrai travail des publics en profondeur. « Dans une ville de 12 000 habitants, le travail sur la danse est de longue haleine. Je crois fermement que la pratique de la danse amène

LE PRINTEMPS DES CORPS

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à la regarder autrement, c’est pourquoi nous avons monté trois ateliers autour de la pièce de Thomas Lebrun. » Saint-Junien et Gradignan partagent le Romances Inciertos de Chaignaud, ce qui étonne peu tant la programmation du DanSONs du Théâtre des Quatre Saisons articule chaque année musique et danse dans un entrecroisement fécond. Phia Ménard ouvrira le bal avec sa Saison sèche qui claque comme un sabbat féminin à faire trembler le patriarcat (voir ci-contre). D’autres suivront pendant trois semaines : la compagnie Moi Peau, habituée de ce temps fort (Désenchanter), mêle chanteuses et danseuse au plateau, les chorégraphes tunisiens Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, piochant dans le répertoire espagnol, revisitent le ballet de Manuel de Falla L’Amour sorcier. Et le finale, comme à Cognac ou Pau, sera dédié aux danses urbaines retriturées, Hamid El Kabouss (Héritages) ravivant le hip-hop au son de l’oud et de la trompette. Stéphanie Pichon DanSONs,

du jeudi 7 au samedi 30 mars, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (33170).

www.t4saisons.com Résonance(s),

du mercredi 13 au jeudi 28 mars, Espaces Pluriels, Pau (64000).

www.espacespluriels.fr Jours de danse,

du samedi 16 au samedi 23 mars, La Mégisserie, Saint-Junien (87200).

www.la-megisserie.fr

Mars Planète Danse,

du jeudi 21 au samedi 30 mars, L’Avant-Scène, Cognac (16100).

www.avantscene.com


CRÉATION DU 19 AU 29 MARS 2019 À LIMOGES AU THÉÂTRE DE L’UNION

ANDROID GIRL

DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE D’après le mythe de Don Juan & le Dom Juan de Molière

© Tristan Jeanne-Valès

Un spectacle de Jean Lambert-wild & Lorenzo M alaguerr a

Robot, l’amour éternel, Kaori Ito,

jeudi 28 mars, 20 h, L’Avant-Scène, Cognac (16100).

www.avantscene.com

MÉTAMORPHOSES

© Christophe Raynaud de Lage

Adaptation Catherine Lefeuvre & Jean Lambert-wild • Regard associé Marc Goldberg • Direction Lorenzo Malaguerra & Jean Lambert-wild • Avec Jean Lambert-wild, Steve Tientcheu en alternance avec Yaya Mbilé Bitang, Denis Alber, Pascal Rinaldi, Romaine, ainsi que quatre acteurs/ actrices en alternance issus de L’Académie de l’Union – École Professionnelle Supérieure de Théâtre du Limousin (Séquence 9) • Musique et spatialisation en direct Jean-Luc Therminarias • Dans une scénographie folle de porcelaine et de tapisseries en point numérique d’Aubusson de Jean Lambert-wild & Stéphane Blanquet réalisées avec le soutien de la fabrique LES PORCELAINES DE LA FABRIQUE et l’entreprise NÉOLICE

© Nino Laisné

© Gregory Batardon

Kaori Ito, danseuse japonaise installée en France depuis 2003, est une habituée de l’Avant-Scène. On l’y a vue l’an dernier en duo avec son père Je danse parce que je me méfie des mots, et cet hiver avec son compagnon, Théo Touvet, dans Embrase-moi. Et voici pendant le festival, Robot, l’amour éternel, drôle de duo avec Siri, la voix de l’assistante d’Apple, qui dévide avec distance et humour son journal intime, pendant que Kaori Ito se glisse dans une gestuelle saccadée sur un plateau incliné peuplé de membres épars ; moulages de son propre corps. Venue compléter sa trilogie de l’intime, cette pièce interroge les agendas sur-remplis, les interconnexions virtuelles qui n’empêchent pourtant pas ce sentiment de solitude moderne. Longtemps, elle a été l’égérie de grands noms de la danse — Découflé, Platel, Prejlocaj ou Cherkaoui —, prise dans le tourbillon de tournées dantesques et d’un certain culte de la virtuosité. « Je cherchais à impressionner des gens, et je tournais jusqu’à six pièces à la fois. En fondant ma compagnie, j’ai eu envie de raconter des choses plus intimes. Aujourd’hui, surtout depuis la naissance de mon fils, j’ai ralenti. Cette pièce parle de ça, de cette dépendance à l’intensité, de nos façons de combler le vide, au lieu de l’apprécier. » À partir d’une voix et d’une gestuelle robotique, Kaori Ito tente aussi de marquer une pause dans sa migration culturelle. « J’ai beaucoup déménagé dans ma vie, à New York, à Paris : à chaque fois on mettait une autre langue dans ma langue, je devais repartir de zéro, me remettre dans l’apprentissage. Avec ce solo, j’ai aussi eu besoin de me vider de toutes ces cultures, de tout réapprendre comme si j’étais un androïde. » L’artiste touche-à-tout et prolifique — elle filme, dessine, collabore avec des musiciens — propose aussi pendant le festival une exposition de ses dessins et des écoutes de ses enregistrements au fil de ses voyages, à la librairie Le Texte libre.

REINES DE SABBAT

Romances inciertos a pour sous-titre « un autre Orlando » en référence au personnage créé par la romancière Virginia Woolf : un courtisan de la cour d’Élisabeth Ire qui traverse quatre siècles et recompose son identité en femme… De fait, François Chaignaud fait aussi de la métamorphose un des moteurs de ce concert-récital espagnol, tour à tour soldat, San Miguel de García Lorca ou figure gitane. Homme et femme. Performer caméléon, danseur aussi technique qu’inventif, il traverse les âges et les personnages, balaie l’histoire de la littérature, de la danse, pousse de la voix dans un chant baroque, accompagné de quatre musiciens au plateau. Sur pointes, ou sur échasses, figure dansante et chantante, il excelle à explorer l’histoire, à mêler ré-appropriation savante et incarnation populaire. Ce corps-là peut tout et le fait merveilleusement, avec cette présence magnétique capable d’embarquer les spécialistes comme les novices.

Saison sèche n’a rien d’une pièce aride. Phia Ménard, circassienne devenue chorégraphe, femme dans un corps d’homme, a fait de l’abolition du patriarcat un moteur de sa création. Déjà elle tuait le prince charmant dans Belle d’hier. Saison sèche, pièce pour sept danseuses, explose comme un grand carnaval exorciste qui s’inaugure par une phrase lâchée à la face des spectateurs – « Je claque ta chatte » – en même temps que les danseuses, à contre-jour, replient et écartent les jambes, telles des araignées prêtes à tisser leurs toiles. La suite convoque rituel, masques et travestissement. L’écrin blanc clinique, aride, se transforme peu à peu en espace de jeu des possibles. Et au fait cette phrase du début ? Pourquoi ? Parce qu’au départ du projet, Phia Ménard avait noté toutes les remarques reçues dans la rue, qui devaient servir d’ossature à la pièce. Puis, vint l’affaire Weinstein et le déferlement de témoignages. Ces mots étaient enfin entendus de tous. Elle n’en a donc gardé qu’une. Claque introductive revigorante d’une cérémonie intense, plastique, chamanique, démesurée.

Romances inciertos - un autre Orlando, François Chaignaud,

Saison sèche, Phia Ménard,

jeudi 14 mars, 20 h 15, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (33170).

www.t4saisons.com

samedi 16 mars, 20 h 30, La Mégisserie, Saint-Junien (87200).

www.la-megisserie.fr

Rochefort • Les 2, 3, 4 et 5 avril 2019 à la Coupe d’Or à Rochefort Vesoul • Les 9 et 10 avril 2019 au Théâtre Edwige Feuillère Saint-Étienne-du-Rouvray • Le 24 avril 2019 au Rive Gauche

jeudi 7 mars, 20 h 15, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (33170).

www.t4saisons.com


{ Littérature }

© Lorraine Wauters

MAGNUM LE DÉSESPOIR DES TENDRES « En tant qu’enfant, vous ne mesurez jamais à quel point votre vie peut être sinistre. C’est toujours après coup, plus tard, quand vous vous retournez sur votre passé pour en recomposer l’histoire, que tout vous éclate à la tronche. » Ils sont deux. Amoureux. À se fourrer l’un dans l’autre à n’en plus pouvoir, dès que possible, irrépressible plaisir d’être, avec Zbabou toujours dans les parages. Mais ils sont jeunes. Mais ils sont jumeaux. Mais ils se font prendre. Paps et Mams n’aiment pas ça. Alors ça déverrouille, alors on les sépare. On l’abandonne, elle, loin de la Habdourga, chez Zio. Pense aux pierres sous tes pas d’Antoine Wauters n’est pas un récit de notre monde, de notre temps. Tout est ailleurs, différent, là-bas, dans ce pays où le langage, les expressions, les mœurs sont autres. L’univers de ce roman est une sorte de Sibérie de Braguino, le documentaire dépaysant de Clément Cogitore, peuplé par des tribus de Petits Quinquins qui ne plaisantent ni avec la dégénérescence ni avec la sincérité des sentiments. Le roman est aussi une plongée dans un monde où les dictateurs absurdes peuvent écraser un peuple comme lui filer des lingots, une fable, un conte philosophique à la sauce belge et contemporaine qui cherche moins à être édifiant que déstabilisant ou bouleversant. En nous embarquant, soit avec elle, Léo, la sœur, soit avec lui, Marco, le frère, Wauters livre un roman d’apprentissage où les personnages doivent se construire seuls, et en contre, en inventant, à l'image de leur auteur, loin des canons et des clichés, leur univers, leur langage et leurs règles. Julien d’Abrigeon Pense aux pierres sous tes pas, Antoine Wauters, Verdier

FORCE

À force de vivre dans une fiction policière permanente, le discernement est-il encore de mise ? Pour Pierre Schilling, prix de la République et Canton de Genève pour la jeune bande dessinée, en 2010, cela ne fait aucun doute. Passé par la Haute École d’art et de design (HEAD), il signait, en 2013, un premier album semi-autobiographique, Pain d’épices. Silencieux depuis, malgré son implication dans le fanzinat, son retour aux affaires constitue une des meilleures surprises de ce début d’année. Fruit hautement improbable des amours de l’inspecteur Harold Francis Callahan et du commissaire Toumi, cette enquête de l’inspecteur McCullehan revêt l’aspect d’un épisode d’une archétypale série made in USA, passée au filtre de Pierre La Police. Un meurtre, un maigre faisceau d’indices, un indic trouble à souhait, un supérieur débonnaire (façon Capitaine Harold C. Dobey), un partenaire – Craig-Jennifer Davis – traumatisé par Wild Wild West et Danse avec les loups et d’une consternante bêtise, une fratrie d’artistes bien louche ayant fait carrière dans l’adaptation des chansons d’Alain Souchon en anglais (Look under the skirts of the girls), des fléchettes empoisonnées, un Indien, Bertrand Jonhsdale, forcément coupable, des triades chinoises sans pitié, un critique d’art insaisissable… N’en jetez plus ! Si l’intéressé, au trait merveilleusement naïf, reconnaît les influences de The Wire, True Detective et du chef-d’œuvre Memories of Murder de Bong Joon-ho, il excelle à transposer tous les clichés inhérents au genre dans une espèce de no man’s land à la manière d’Éric Lartigau avec Mais qui a tué Pamela Rose ? Avec son format à l’italienne et ses 6 cases par page, cette bien étrange affaire déclenche une belle hilarité, contrastant avec les nerfs d’acier de son héros en butte à l’absurdité d’une intrigue multipliant les rebondissements comme à l’incompétence généralisée de ses collègues. On songe parfois au faussement flegmatique Rick Hunter comme au toujours aussi loufoque Dragnet de Tom Mankiewicz ; c’est dire le niveau stratosphérique de nawak. Dernier point et non des moindres, Pierre Schilling prévoit une suite ! Go ahead, make my day… Marc A. Bertin L’Enquête de l’inspecteur McCullehan, Pierre Schilling, Les Requins Marteaux, sans collection

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BACK IN

BLACK

Notons avec enthousiasme le retour de la collection La Noire, sorte de négatif de la célèbre Blanche de Gallimard, initiée à la fin du xxe siècle et comptant à son catalogue des auteurs aussi prestigieux que Cormac McCarthy (avec l'immense Méridien de sang), des textes atypiques comme Ringolevio d’Emmett Grogan ou les curieux romans d'Alain Puiseux. Pour marquer cette réapparition dans le paysage du polar, la collection voit paraître simultanément trois titres : une réédition de Nadine Mouque, du regretté Hervé Prudon, styliste au charme bancal, et deux titres inédits de William Gay et Ron Rash. Mention évidemment spéciale décernée au texte inédit de Ron Rash, dont les qualités de construction et d’évocation de sa chère Caroline sont en tout point remarquables, avec des personnages tout en nuances… Les grands thèmes de prédilection de Rash sont là : la nature salie par les hommes pour des raisons futiles, la quiétude de ces lieux tranquilles qui peuvent être le théâtre des événements les plus violents pour des causes idiotes… Ici, le shérif Les, à quelques semaines de la retraite, enquête sur les différends opposant un vieux pêcheur et un propriétaire dont les terres sont vouées au tourisme. Par sa manière d'avancer et de considérer son enquête, ce shérif nous fait penser aux personnages de James Sallis ou James Lee Burke. C’est donc tout simplement magnifique. Olivier Pène Stoneburner, William Gay,

Traduction de l’anglais (États-Unis) par Jean-Paul Gratias, Gallimard, Collection La Noire.

Un silence brutal, Ron Rash,

Traduction de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez, Gallimard, Collection La Noire.

Nadine Mouque, Hervé Prudon,

Gallimard, Collection La Noire.


BANDE DESSINÉE

par Nicolas Trespallé

Trois ans après son nébuleux Programme immersion, Léo Quiévreux déploie un nouveau pan de son thriller paranoïaque et expérimental situé à la lisière du récit d’espionnage, du polar et de la SF. S’il prend bien soin de recontextualiser son intrigue en début d’ouvrage, on serait pourtant bien en peine de résumer précisément cette histoire construite autour des agissements d’une organisation secrète qui a la capacité de s’immiscer dans la mémoire cachée d’individus grâce à une technologie nommée EP 1. Sans en référer à sa hiérarchie, l’agent Petersen a lui-même conçu une version améliorée de ce logiciel, le PI-0 pour remettre la main sur ce programme originel volé un temps par d’obscures puissances adverses. Mais quelles étaient ses réelles motivations ? Malgré les risques de non-retour, des volontaires vont essayer de se connecter à Petersen pour sonder son esprit. Souvent comparé à Charles Burns pour l’aspect graphique décharné et mécanique de son trait, voire à David Lynch pour cette faculté à donner de la cohérence à l’étrangeté, Quiévreux étonne encore dans ce récit formidable dont la force tient d’abord dans les possibilités narratives qu’il met en jeu. À la linéarité de l’intrigue, le dessinateur préfère une structure en fragments donnant à Immersion un aspect filandreux et décomposé. Il y multiplie les points de vue usant de l’ellipse comme un va-et-vient permanent entre le virtuel ou le tangible, le passé ou le présent collant en sorte au rythme des flux de pensées méandreux et saccadés de ses personnages. La pseudoenquête de départ ne peut dès lors que se déliter face aux visions incertaines d’espions désincarnés et conditionnés comme les pantins d’un monde où le cerveau de chacun n’est qu’un disque dur bon à hacker. Pour matérialiser la psyché inquiétante de ses agents troubles, l’auteur explore des espaces blafards et une esthétique post-industrielle d’une Mitteleuropa ravagée, un territoire du vide où domine une architecture fonctionnaliste impersonnelle entre gare ferroviaire désaffectée, lotissement sordide, parking bétonné et terrain vague tel un miroir de leur état mental confus et brouillé.

Reprenant à son compte des effets graphiques dérivés de l’Op Art, ou piochant dans le surréalisme morbide de Delvaux, Quiévreux signe un album parsemé de signes. À travers un réseau de lignes et de motifs obliques rémanents, il fait naître un sentiment insidieux de déjà-vu page après page. Au sortir de ce labyrinthe cérébral, le lecteur ne peut qu’être d’accord avec un agent dont la mémoire s’apprête à être effacée et qui lâche ce laconique : « Nous allons regretter une certaine morosité. » Immersion, Léo Quiévreux,

Éditions Matières, collection Imagème

LE SWAG DE SWARTE

Inventeur du terme « ligne claire », l’artiste batave Joost Swarte, s’il en est un des plus dignes représentants du courant, n’est pourtant pas le plus connu de par chez nous. Ayant grandi artistiquement avec son confrère Willem, baigné par la contreculture sixties, Swarte derrière son trait fidèle à l’orthodoxie de l’école de Bruxelles a toujours pris soin de dynamiter les codes tel son Jopo de Pojo, sorte de Tintin dépravé à lire dans l’excellente anthologie de ses récits Total Swarte. Artiste rare, le voilà qui revient sur le devant de la scène avec la réédition de Passi, Messa !, dont les quatre premiers volumes avaient été jadis publiés en partie chez Futuropolis. Complété d’un dernier tome, jusqu’alors inédit en France, ce joli recueil en bichromie, concocté par Dargaud, nous offre une série de gags dont la mécanique métronomique et comique se base sur un effet miroir, à savoir deux dessins en vis-à-vis avec d’un côté un problème posé généralement loufoque, de l’autre, une solution, généralement absurde. Signés il y a plus de 30 ans, ces strips nous montrent que Swarte nous parlait déjà beaucoup d’écologie, de gaspillage, de pression patronale, de rentabilité et de course vaine à la modernité mais aussi de l’art de se relever d’une cuite. À apprécier donc comme un guide de savoir-vivre en attendant la fin de l’espèce humaine. Passi, Messa !, Joost Swarte, Dargaud

IDROBUX, GRAPHISTE - PHOTO : BRUNO CAMPAGNIE - L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ - SACHEZ APPRÉCIER ET CONSOMMER AVEC MODÉRATION

SIMULACRE ET S(T)IMULATION


Une sélection d’activités pour les enfants © Marinette Delanné

{ Jeune public }

CIRQUE Amigos Des corps en apesanteur, des acrobaties renversantes, des portés magiques, les corps sautent et virevoltent dans tous les sens : Somos est un condensé de virtuosité. La dérision n’est pas oubliée, car s’il s’agit bien d’un spectacle de mecs, ils n’en oublient pas pour autant de se moquer d’eux-mêmes. Somos donne tout simplement de la joie. On en sort le cœur léger et joyeux. Somos

, El Nucleo, dès 8 ans, mercredi 13 mars, 19 h 30, Le Carré, Saint-Médard-en-Jalles (33160).  1

www.carrecolonnes.fr

Rêve Moi, une petite histoire de la transformation raconte l’histoire d’une enfant, Ambre, devenue invisible parce que ses parents ne la regardent pas assez. Comme dans un rêve, elle quitte la maison à la recherche d’autres gens que l’on ne voit pas non plus. À travers ces rencontres, Ambre pose son regard onirique d’enfant sur la vie des adultes pris par le rush de tous les jours, débordés par leur travail et leurs soucis d’argent. Moi, une petite histoire de la transformation  2 , Cie Anomalie &…, dès 6 ans, jeudi 14 mars, 19 h 30, Les Colonnes, Blanquefort (33290).

www.carrecolonnes.fr

Love Avec Dans ton cœur, les acrobates entrelacent les gestes familiers aux pirouettes les plus folles, subliment nos petits riens en prouesses de plus en plus extraordinaires. Les histoires s’enchaînent, si proches de nous, si haut dans les airs. De chauds baisers deviennent les pires figures du vertige, tandis que les gifles choquent et que les corps s’amoncellent. Le rire s’empare du chapiteau devenu fou à force d’amour enflammé et de ruptures sanglantes, sous l’envoûtante musique mi-ange, midiable qui accompagne cette fresque enchantée de nos petites turpitudes.

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© Sylvain Frappat

© Bruno Vignais

© Justine Jugnet

© Justine Jugnet

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Dans ton cœur, Cie Akoreacro,

dès 5 ans, du vendredi 29 au dimanche 30 mars, 20 h 30, sauf le 30/03 à 16 h, esplanade des Terres-Neuves, Bègles (33150).

www.mairie-begles.fr

COMÉDIE MUSICALE Bestiaire Après Alice - La Comédie musicale, Compote de Prod présente La Cigale sans la fourmi, un spectacle musical inspiré des fameuses Fables de La Fontaine. Tout le monde connaît Le Corbeau et le Renard, Le Lièvre et la Tortue ou La Cigale et la Fourmi, mais connaissons-nous L’Ivrogne et sa Femme ou Le Pot de terre et le Pot de fer ? Cette joyeuse comédie invite à redécouvrir la richesse incroyable de l’écriture de La Fontaine et remet en lumière les fables oubliées et la force de leurs morales. La Cigale sans la fourmi, Cie Compote de Prod, dès 7 ans,

dimanche 10 mars, 16 h, Le Pin Galant, Mérignac (33700).

www.lepingalant.com

DANSE Joie Il part d’un minuscule geste du quotidien et le fait s’envoler vers un subtil mouvement à la beauté lumineuse. Dans un espace conçu par la scénographe Camille Duchemin avec de simples cadres blancs structurant une suite de plans, un no man’s land est à peupler de rêves. Avec Allegria, Kader Attou a voulu révéler la poésie partout où elle se trouve, dans les corps, dans le burlesque, dans la violence aussi. Allegria

, Compagnie Accrorap, dès 9 ans, du jeudi 7 au vendredi 8 mars, 20 h 30, Le Carré, Saint-Médard-en-Jalles (33160).  3

www.carrecolonnes.fr

Paroles Lâchée sur scène, une meute de pré-adolescents s’adresse à nous. Troupeau dans lequel les individualités ne vont guère tarder à se faire jour : chacun à sa manière, dans sa singularité propre, nous confie ce qu’il perçoit des adultes, de l’héritage qui lui a été légué. C’est cette folle impression de liberté qui fait tout le prix d’un spectacle dans lequel la parole fuse sans filtre ni fard. Impression d’autant plus émouvante qu’elle se double de la sensation de l’éphémère puisque ces jeunes gens qui nous haranguent ne seront déjà plus les mêmes dans quelques mois. Cheptel est ainsi un authentique morceau de vie, un bloc de réel à peine taillé pour ébranler nos certitudes. Cheptel (nouvelles du parc humain), conception, scénographie et direction Michel Schweizer,

du mercredi 27 au samedi 30 mars, 20 h, sauf le 30/03, à 19 h, La Manufacture – CDCN.

www.lamanufacture-cdcn.org

MARIONNETTES Conte Ricdin Ricdon est une adaptation du conte éponyme du xviiie siècle de Mademoiselle de L’Héritier, où il est question d’un meunier, pauvre père d’une fort jolie fille, qui assura un jour au roi, pour se donner de l’importance, que sa fille pouvait en filant la paille, la transformer en or. Le roi fit amener la jeune fille au château et la conduisit dans une pièce remplie de paille, lui disant qu’elle avait jusqu’au matin pour la transformer en or, sinon elle mourrait. Ricdin Ricdon  4 , Meschugge Theater, dès 7 ans, mercredi 13 mars, 14h, théâtre Le Liburnia, Libourne (33500).

www.theatreleliburnia.fr

Esquif Un bateau prend la mer. Sur le pont, on s’entasse un peu, on trouve une place, on s’organise

pour la « traversée ». On ne sait pas combien de temps ça va durer, on est plein d’espoir. Mais un petit garçon s’inquiète. Pour le rassurer, lui changer les idées et surtout se donner des forces et du courage, l’idée sera vite trouvée. Quoi de mieux que le plancher du bateau pour se raconter des histoires, se chanter des chansons ? Un petit cabaret de fortune va naître sur les flots… Nous voilà, Cie Rouge les anges,

dès 4 ans, Zik Zac, La Teste-de-Buch (33260).

www.lastestedebuch.fr

Destinée « Eh bien, dansez maintenant » dit la fourmi à la cigale, qui dans sa détresse la supplie de lui donner une miette de pain. Et alors, la petite cigale danse. Peut-être qu’avec sa danse elle pourra adoucir le cœur de la fourmi. Elle danse sur une jambe, elle danse sur les mains, elle danse sur la tête. Elle danse pour sa vie, elle danse avec la mort. Elle danse la danse de toute créature. La danse de l’existence. Chacun, chacune la danse à sa manière, de la meilleure manière imaginable. Un univers où les marionnettes nous plongent au plus profond de notre existence. Eh bien, dansez maintenant, Meschugge Theater,

dès 15 ans, jeudi 14 mars, 20 h 30, théâtre Le Liburnia, Libourne (33500).

www.theatreleliburnia.fr

Minuscule Et si l’apparition d’une émotion était déjà une histoire en soi ? Une odyssée pleine de rêverie… Le monde de Ficelle, petite marionnette en ficelle, défile, fragile, hostile, magique ; des petits riens, des émotions et toutes ces choses qui tissent l’essence même de la vie. Un tendre cache-cache entre une marionnette et un musicien, où s’entremêlent poésies visuelles et musicales. Ficelle

5 , Cie Le mouton carré, dès 3 ans, samedi 23 mars, 10 h 30, espace culturel Treulon, Bruges (33520).

www.espacetreulon.fr


© Pierre Planchenault

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© Laurent Vichard

© Mark Wessels

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Foyer Ekhaya explore, avec délicatesse et grâce, la relation qu’ont les enfants avec la maison, avec leur concept d’« être chez soi » et toutes les sensations qui y sont liées, en utilisant un imaginaire proche d’eux. En utilisant des chansons originales accrocheuses, de la musique et des images visuelles vibrantes, tout en s’inspirant des trois principales langues parlées dans le Cap-Occidental : l’anglais, l’afrikaans et le xhosa, ce spectacle explore l’imaginaire d’un enfant, qui, à chaque nouvelle situation, (se) reconstruit sa maison. Ekhaya

7 , Magnet Théâtre, de 3 à 7 ans, mercredi 6 mars, 10 h 30 et 15 h, centre Simone Signoret, Canéjan (33610).

signoret-canejan.fr

Quête Accompagnée de ses marionnettes et de multiples accessoires, Emili Hufnagel part, en solo sans un mot, à la conquête de l’homme – du loup ? – idéal. Une artiste à croquer, bien dans ses baskets, qui ne manque ni d’humour, ni de vision poétique, dans une scénographie et une mise en scène de Michel Laubu. Sur un plan incliné, elle multiplie les penchants amoureux mais est loin d’être fleur bleue. Après tout, la vie à deux, est‑ce si merveilleux ? Chaussure(s) à son pied  6 , Turak théâtre, dès 10 ans, du mercredi 6 au jeudi 7 mars, 20 h 30, Les Colonnes, Blanquefort (33290).

www.carrecolonnes.fr

Initiation Conservant la trame du Vaillant Petit Tailleur, le conte des frères Grimm dont s’inspire son spectacle, Catherine Marnas en livre une adaptation savoureuse : il ne s’agit pas seulement de transposer, décaler et moderniser, mais de se servir du conte comme d’un prisme pour parler du monde sans le nommer… sans gommer non plus le merveilleux qui est ici à l’œuvre. Un récit qui évoque avec sagesse et humour le harcèlement, les droits de l’enfant, mais aussi

toutes ces peurs qui empêchent de vivre et que chacun doit apprendre à surmonter. 7 d’un coup, texte et mise en scène Catherine Marnas, dès 6 ans,

MAR

mardi 26 mars, 19 h 30, mercredi 27 mars, 14 h 30, jeudi 28 mars, 10 h et 14 h, vendredi 29 mars, 10 h et 19 h 30, samedi 30 mars, 18 h, TnBA — Salle Vauthier.

www.tnba.org

Voyage Un tabouret, une canne à pêche… Stella Cohen Hadria évolue dans l’univers de son jardin aquatique et manipule un petit théâtre de papier sur lequel vont se jouer des scènes mettant en jeu des animaux facétieux. Des chansons légères et enjouées qui invitent à se laisser porter doucement par les flots, au gré des courants, comme à se glisser dans le lit d’une rivière, tandis que s’égrènent des notes de musique, comme du sable entre les doigts. Au pied des pins têtus, Cie du Chat perplexe, de 6 mois à

5 ans, mercredi 27 mars, 17 h 30, Zik Zac, La Teste-de-Buch (33260).

www.lastestedebuch.fr

Olympe Persée fut l’un des mythes les plus populaires de la Grèce antique. Sophocle, Eschyle et Euripide auraient à eux trois écrit près de huit pièces autour de ce mythe ; dont aucune ne nous est parvenue… 2 500 ans plus tard, il est vrai, la quête initiatique de cet adolescent frustré, influençable, perdu, mais avide d’héroïsme, où se mêlent l’aventure, la tragédie et la poésie, est toujours aussi haletante. Avec deux comédiens et un dispositif minimaliste, Laurent Rogero donne vie, à travers l’édifiante quête initiatique de Persée, à tout un pan de la mythologie grecque, relevant le défi de proposer « un spectacle pour les enfants en quête d’aventures et les parents en quête de sens. Ou l’inverse » ! Mythologie, le destin de Persée groupe Anamorphose,

dès 8 ans, mardi 2 avril, 19 h, Le Cube, Villenave-d’Ornon (33140)

www.villenavedornon.fr

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PHOTO : CHRISTIAN SCOTT ATUNDE ADJUAH©DELPHINE DIALLO

THÉÂTRE

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JEU 7 TAMINO VEN 8 HOLLYDAYS + TERRENOIRE DIM 10 CHRISTIAN SCOTT ATUNDE ADJUAH MER 13 DOUMS X NEPAL JEU 14 SUNN O))) SAM 16 « FRENCH WAVES TOUR » AGORIA + CHLOÉ MAR 19 LAS HERMANAS CARONNI + ERIK TRUFFAZ MER 20 VANESSA BENELLI MOSELL JEU 21 TRIO CHEMIRANI VEN 22 GRINGE DIM 24 BASSEKOU KOUYATÉ ET BEAUCOUP D’AUTRES… LEROCHERDEPALMER.FR CENON | TRAM A, STATION BUTTINIÈRE OU PALMER


La Boum littéraire

SPRING Pour sa deuxième édition, le festival invente, en Périgord, une relation

durable aux artistes et aux jeunes spectateurs. Voilà qui a tout d’un grand.

BOUILLON DE CULTURE Mais que mange-t-on en Dordogne pour grandir aussi vite ? SPRING, dernier-né de la famille des festivals jeune public de NouvelleAquitaine, explose les courbes de croissance, comme si, en passant à la deuxième édition, tout, chez lui, était multiplié par deux : durée, nombre de représentations, heures d’ateliers… Les partenaires, qui étaient 10 en 2018, seront 20 cette année. À la coordination de l’événement, Voula Koxarakis en a le vertige : « Douze communes et communautés de communes nous ont sollicités pour s’ajouter aux dix initiales. Ce qui témoigne de leur attente de faire de la culture pour la jeunesse différemment. » Car SPRING n’est pas un festival comme les autres. Il choisit les chemins de randonnée. Il prend le temps d’accompagner les artistes et les publics. Il expérimente et invente un nouveau rapport à l’œuvre partout en Dordogne. À la direction de l’Agence culturelle Dordogne Périgord, structure à l’initiative de SPRING, Isabelle Pichelin dit ne plus vouloir « égrener une programmation jeune public, et au contraire, sortir de la diffusion pour la diffusion. Ce temps fort est plus propice à la prise de risque artistique et permet de mobiliser l’ensemble des acteurs qui interviennent sur la jeunesse ». Concrètement SPRING est un iceberg : la face émergée propose une programmation

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pluridisciplinaire marquée par une exigence artistique forte ; la face immergée articule, autour des artistes, présents sur des temps longs (dans les écoles, les collèges, les centres de loisirs), des projets d’éducation et de médiation. Et mobilise un grand nombre d’acteurs. Dans le Sud-Bergeracois par exemple, la commune d’Eymet, la bibliothèque, le collège et l’association Maquiz'art s’apprêtent à accueillir Sylvain Daniel, membre de l'Orchestre national de Jazz. Le musicien animera deux master class pour les élèves du collège, qui joueront en première partie de son concert Palimpseste. Ils pourront aussi assister à une conférence sur l’histoire du jazz et une rencontre musicale avec l’artiste. Tour à tour spectateur ou acteur, le public est plongé par une immersion active au cœur de la création. « Ce qui se déroule à Eymet est un exemple de la synergie territoriale générée par Spring », ajoute Isabelle Pichelin, précisant que « ce rayonnement, ce foisonnement, irrigue le territoire, alimente différents temps (scolaire, périscolaire et en famille) grâce à des artistes avides d’expérimenter d’autres formes de relations aux publics ». À voir la longue liste des artistes en question, on a très envie de filer tout droit en Dordogne : retrouver Gommette, incitation joyeuse à la danse conçue par Laure Terrier, partager le plaisir des danses populaires avec

Marion Muzac (Let’s Folk) ou expérimenter la proximité animale du bestiaire de Sylvie Balestra (Grrr) et des souris de Nathalie Pernette (Animale). Fabrice Melquiot, figure phare de la création jeune public, sera présent pour La Boum littéraire, concept drôle et vitaminé à partager en famille. Il signe également le texte de Parle à la poussière, nouvelle création de la compagnie basque Hecho en casa. SPRING donne aussi à entendre le Périgourdin Stéphane Jaubertie dans Livère, beau spectacle sur la famille recomposée. On retiendra d’aller découvrir les expositions d’Adjim Danngar et Laurent Lolmède et le travail hybride de la Compagnie Clédat & Petitpierre (lire page 24, NDLR) qui multiplie les projets : exposition, performance et parade carnavalesque. SPRING permet aussi aux adultes de profiter de la formidable immersion artistique dont ont bénéficié leurs enfants à l’école. Sinon, ce ne serait pas juste ! Henriette Peplez SPRING,

du samedi 16 mars au mercredi 17 avril.

springdordogne.fr

© Elisabeth Carecchio

{ Jeune public }


© François-Xavier Gaudreault

LA TÊTE DANS LES NUAGES Angoulême s’accorde une

semaine pour rêver et s’ouvrir au monde avec la 22e édition du festival de spectacles pour les enfants (et leurs parents).

STRATUS &

CARIBOU Une tête de caribou, déterminé comme toutes les bêtes à cornes, avançant dans un nuage de dominos illustre le programme du 22e festival jeune public La Tête dans les nuages. Pourquoi un caribou ? Disons que c’est quand même plus joli à voir que la poutine, ce plat de frites arrosées de fromage fondu gratiné, venu lui aussi de la Belle Province. C’est bien du Québec dont il est question car le festival rend hommage à Suzanne Lebeau. À la tête du Carrousel, compagnie de théâtre québécoise, Suzanne Lebeau est une star parmi les créateurs et créatrices de spectacles jeune public. Spectacle, exposition, conférence, rencontres mettront à l’honneur le travail exemplaire qu’elle a réalisé. Et parleront de transmission. Car depuis 3 ans, le flambeau est repris par Gervais Gaudreault et Marie-Ève Huot. Le premier est connu des Angoumoisins qui ont pu voir en 2017 ses Trois petites sœurs. Et la seconde met en scène Une lune entre deux maisons, pièce pour les tout-petits, créée il y a 40 ans par… Suzanne Lebeau ! Betty Heurtebise connaît bien la dramaturge québécoise : après avoir adapté Hansel et Gretel, elle répète actuellement Souliers de sable. Présente l’an dernier avec Le Discours de Rosemary, la directrice de la compagnie La Petite Fabrique présentera Le Pays de rien, un beau

spectacle sur la liberté. Olivier Lettelier fait lui aussi partie des stars du théâtre jeune public. Salué pour son adaptation de L’Homme de fer des frères Grimm et sa mise en scène de Oh Boy, il s’attaque à La Mécanique du hasard, d’après Le Passage, best-seller de Louis Sachar, que les grands lecteurs s’échangent dans les cours de récré. La programmation du festival (9 spectacles, 50 représentations), élaborée par Agathe Biscondi, est faite d’amitiés solides et de fidélités artistiques. Proposant des spectacles pour tous les âges, elle sort aussi des murs du théâtre pour fureter du côté de la Nef ou de Soyaux. La Tête dans les nuages demeure également un point de convergence pour les professionnels qui s’y réunissent pour des journées de travail organisées par l’Oara (Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine) et l’Onda (Office national de diffusion artistique). Toutefois, y aura-t-il de la poutine au goûter d’ouverture dimanche 10 mars ? HP La Tête dans les nuages,

du samedi 9 au samedi 16 mars, Angoulême (16000).

www.theatre-angouleme.org


{ Gastronomie } JEAN-LUC ROCHA Perfectionniste adorant les défis, il a

© Artiste-associé photographes

préservé les deux étoiles à Cordeillan-Bages après le départ de Thierry Marx, en 2010. Exploit rare salué par tous les professionnels. Parti au Saint James Paris, il voulait revenir puisqu’il a gardé sa maison à Pauillac. Désormais chez Monblanc, charcutier depuis 1946 et traiteur depuis 1992, à Saint-Jeand’Illac et à peu près partout en France. Entretien avec un cuisinier voulant faire passer un palier à une maison qui, avec un tel nom, se doit de garder une certaine hauteur. Propos recueillis par Joël Raffier

SOUS LA TOQUE ET DERRIÈRE LE PIANO #124 Votre père était ébéniste dans les Vosges. Est-ce important dans votre vocation ? Très. Pour moi, c’était l’ébénisterie ou la cuisine. Les deux métiers se ressemblent. D’un côté, on fait un plat avec une carotte, de l’autre un meuble à partir d’un arbre. On part de peu pour arriver à quelque chose d’intéressant sur le plan gustatif ou esthétique. Vous avez débuté avec un CAP/ BEP à l’école hôtelière de Luxeuilles-Bains [Haute-Saône, NDLR]. Que pensez-vous du fait qu’en CAP, désormais, les cuisiniers ne fréquentent plus la salle et viceversa ? C’est malheureux. C’est le même métier pourtant. On travaillait des poissons entiers dans les cuisines. Aujourd’hui, c’est du surgelé à cause des normes. Une mayonnaise est problématique pour un gamin qui sort de l’école. Ils ont vu Hervé This mettre un œuf pour un litre d’huile et c’est parti, sans vinaigre, sans citron ni moutarde ! Les normes d’hygiène sont aussi un frein, c’est malheureux. Vous parlez de Gilles Blandin, un chef champenois, comme d’un père spirituel. Qu’entendez-vous par père spirituel ? Mon père en cuisine, tout simplement. La première maison. Il m’a ouvert les bras et inculqué beaucoup de choses. Le côté releveur de défis, compétiteur, c’est lui. Et si je suis ici, chez Monblanc, c’est un peu de cet ordre. J’ai fait du judo et du handball au haut niveau et j’ai retrouvé cette dynamique : plus, mieux, plus exigeant avec soi et avec les autres.

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En 2002, vous arrivez pour seconder Thierry Marx à Cordeillan-Bages. Comment étaitce, l’univers marxien ? Il n’était pas encore dans le moléculaire, qu’il a commencé en 2004. On a fait une grosse année et demie de cuisine classique. Si on n’a pas de bonnes bases, on ne peut pas faire des choses modernes JUNKPAGE 6 5   /  mars 2019

et novatrices comme des gelées chaudes ou froides, des glaces qui ne vont pas fondre etc. Mais, cuisine moléculaire, qu’est-ce que ça veut dire ? Une mayonnaise, c’est de la cuisine moléculaire, n’est-ce pas ? En fait, cela ne veut rien dire de nouveau. Si c’est pour faire manger des billes et des bulles, des encapsulages et des sphérifications à base d’alginate, bof, je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une grande invention. C’est un mouvement que j’ai mis en œuvre pour un chef parce que j’étais son second mais pour faire une blanquette dans un siphon, il faut que la blanquette soit bonne à la base. Sinon, c’est inutile. Ce qui me plaisait c’était l’ouverture vers d’autres horizons à partir des classiques. Prenez Picasso, il a fait des choses abstraites, des femmes qui ne ressemblaient pas à des femmes, de la lithographie, de la sculpture sur cuivre, métal, pierre et bronze, mais il savait dessiner, non ?

de la maison, c’est-à-dire de conserver les étoiles. C’est ce qui est arrivé ; ce qui est exceptionnel après le départ d’un chef. Que s’est-il passé ? C’était peut-être un peu de chance. Peut-être aussi la collaboration de sept ans avec Marx qui avait été fructueuse. Sans oublier la famille Cazes, qui avait quelques années d’expérience dans la grande restauration. Néanmoins, c’était un gros défi.

« Cuisine moléculaire, qu’estce que ça veut dire ? Une mayonnaise, c’est de la cuisine moléculaire, n’est-ce-pas ? »

Vous devenez Meilleur Ouvrier de France en 2007, Thierry Marx quitte le Médoc en 2010 et vous êtes propulsé chef. Vous vous remettez à une cuisine plus, disons, classique. Pourquoi ? Je voulais trouver une identité propre. Je ne voulais pas rester l’élève de Thierry Marx. Vraiment pas envie de ça. J’ai de nouveau pensé que l’assiette devait être belle et bonne. Je voulais fidéliser le client. N’y avait-il pas des gens qui venaient pour les bulles et les billes ? Les choses se sont faites naturellement. Le tout était de rester au niveau des espérances

Certains parlent d’exploit… Oui, j’en suis fier. En général, dans le cas d’un tel changement, on perd au moins une étoile. Personnellement, je m’attendais à en perdre deux et puis à en récupérer une l’année suivante. Mais garder les deux étoiles ? Jamais ! C’était une belle surprise. Le bouche-à-oreille a été énorme. Jamais je n’ai entendu un mot négatif sur Cordeillan-Bages à cette époque. On a flirté avec la troisième étoile, mais ce n’est pas très important. Le plus important, c’est fidéliser la clientèle et, je dirais aussi, le personnel. Un grand moment professionnel ? La clientèle, la direction, le personnel. Quand ces trois facteurs sont heureux, un nuage de bonheur flotte au-dessus d’un établissement. Pourquoi alors être parti au Saint James Paris ? L’envie de changer, de faire autre chose. Qu’est-ce qui vous a déplu à Paris ? Rien ne m’a déplu, mais rien ne m’a plu non plus. Le Saint James est la seule maison où j’aurais

pu aller, pour son esprit familial. Toutefois, je me sens mieux dans le Médoc. Paris ne m’a rien apporté. Je suis content d’y être allé, mais je suis très heureux à 25 minutes de la plage, dans les vignes et avec la forêt. Pourquoi avez-vous décidé de travailler pour Monblanc ? J’ai toujours fait traiteur dans ma carrière. C’est le même métier, seule l’organisation change. La force de Monblanc, c’est la longévité des équipes, en salle comme en cuisine. C’est un bon signe de haut niveau. J’ai toujours été bluffé par l’organisation au cas par cas des traiteurs. Ces restaurants délocalisés peuvent être impressionnants. J’ai souvent travaillé avec Bernard Monblanc sur des prestations avant de venir, de 100 à 1 800 couverts pour la Fête de la Fleur par exemple. On a toujours fait de la gastronomie, très bien élaborée, et mise en scène comme un spectacle. La maison Monblanc a l’habitude de travailler avec des chefs étoilés de manière ponctuelle mais vous ici, dans ce laboratoire de SaintJean-d’Illac, quelle est votre mission ? La recherche et le développement. Je mets au point de nouvelles propositions au cas par cas pour les saisons à venir. Ici, le chef est en place depuis 25 ans et tous les cuisiniers viennent de très bons restaurants. Ma connaissance de la cuisine gastronomique sera un plus, pour les détails je dirais. Un peu plus de créativité peutêtre. Cela ne se fera pas en six mois. Chez un traiteur, on travaille de manière décalée. Il faut se projeter quelques mois en avance avec un décalage à prendre en considération. En mars, on prépare les mariages de juin à septembre. www.monblanc-traiteur.com


par Henry Clemens

© N. Suils - JP Mars 2019

IN VINO VERITAS

La Géorgie viticole, plurimillénaire, a rappelé aux plus distraits que l’utilisation à des fins vinicoles d’amphores à base d’argile n’était pas une lubie née du cerveau d’un publiciste barbu.

L’AMPHORE

ET LE TERROIR Il se pose là désormais, cet objet ventru et droit, surplombant les barriques. Ici à l’essai dans un coin du chai, comme chez Carmes Haut-Brion, ou là encore en passe de supplanter les contenants en bois comme chez l’incontournable Roland La Garde, à Blaye. L’objet connaît un engouement certain auprès d’une viticulture bordelaise qui souhaite s’affranchir des arômes du bois, éviter les pénibles finales asséchantes procurées par les barriques d’un à deux ans. L’amphore, disent en cœur leurs utilisateurs, soutient de façon absolument neutre l’expression du fruit, révèle in fine le terroir. À l’heure justement où Bordeaux (re)découvre le parcellaire à la bourguignonne et les apports de tel ou tel arpent de vigne dans la composition d’un cru. Un petit bémol, si on ose dire, les adeptes de l’amphore l’affirment, seuls les vins à base de raisins sains passeront sans difficulté au révélateur de l’amphore ou encore de la cuve ciment ! On s’étonnera donc peu que l’élevage du vin en amphores intéresse particulièrement les bio et les biodynamistes en quête de vins pleins de tensions, d’arômes, de jus ou encore de jolis tannins fins et fondus. Ils rappellent au passage l’assertion brutale de Nicolas Joly qui s’émouvait de l’existence de vins corrompus, sans âme et sans conscience. Ce dernier de rappeler qu’« on ne goûte jamais en se demandant si c’est vrai ». Ce goût vrai pourrait être promu par l’amphore. Qu’on ne se méprenne pas, le vigneron modèle dont nous parlons se targuera avant toute chose, avant de célébrer l’apport de l’amphore, d’avoir un sol vivant, une prairie endogène, de pratiquer des tailles tardives et douces, d’avoir recours à des levures indigènes. Qu’il soit bio ou biodynamiste, il célébrera

seulement ainsi un goût « retrouvé », qu’on qualifiera de « droit ». Il est à noter que ce vigneron questionnera alors presque immanquablement les pratiques œnologiques mais également les contenants oblitérant le goût « originel » du vin, voire pour cela l’engouement du Château Fonplégade et d’autres pour des contenants alternatifs. Pour intéresser le vigneron précis du Château Roland La Garde, on se doute qu’il fallait également que les contenants répondissent aux contraintes de l’œnologie d’aujourd’hui. La qualité des matériaux, de l’argile au grès, allait être la condition d’un élevage ou d’une vinification réussie. Cécile et Nathaël Suils1 sont les élégants parangons de cette alternative depuis qu’ils ont rencontré Francesco Tava, céramiste installé près du lac de Garde, au nord de l’Italie, une des patries de l’amphore. Ils sont aujourd’hui les distributeurs exclusifs des amphores Tava. Ces amphores moulées à la main proviennent de différentes carrières italiennes, elles résistent à des températures de cuisson de 1 200 degrés. Un détail qui a son importance car il permet la stabilisation des composés de l'argile, évite leur migration dans le vin et la modification des pH et la baisse d’acidité. Des problèmes redoutés et souvent rencontrés. Ce procédé permet surtout aux pores de l'argile d’être ainsi suffisamment resserrés et de favoriser une micro-oxygénation à l’instar de ce qui se passe pour les élevages classiques en barriques. L’amphore ne remplacera pas les tonneaux, mais une chose paraît inéluctable : après le questionnement des méthodes culturales est venu celui des contenants, histoire de libérer les terroirs. 1. oenotech-bordeaux.fr


D. R.

© Julie Bruhier

{ Gastronomie }

LA TABLE DE MONTAIGNE Son goût pour la

littérature et pour l’histoire de Bordeaux a inspiré à Christophe San José, propriétaire de l’hôtel Le Palais Gallien, le nom du restaurant de son établissement. Le très discret chef Younesse Bouakkaoui en rédige chaque jour les épisodes gourmands.

NOBLES ESSAIS Dès la mise en bouche, le ton est donné. Bienvenue au pays d’un chef pétri d’humilité. Un sens de l’équilibre des goûts que ce yaourt ricotta herbes fraîches aux agrumes qui vous emballe. Sa cuisine emprunte de petits chemins de traverse et finit toujours par hisser le produit au premier plan. Le jeune Younesse Bouakkaoui maîtrise son style. Il aura pris son temps pour ça. Pas pressé. C’est dans son Médoc natal qu’il a, pas à pas, construit un savoir-faire bien à lui. Avec pour mentors successifs, deux ténors doublement étoilés : Thierry Marx et Jean-Luc Rocha, dans les cuisines de Cordeillan Bages. 7 ans auprès de ces figures de la cuisine française lui ont fait entrevoir ce qu’il pourrait inventer. Et c’est en devenant chef à son tour, à la Réserve du Château Raba en 2012, que Bouakkaoui va préciser son propos. Créer sa propre patte. En 8 années, il aura achevé sa sortie de chrysalide et semble maintenant prêt à s’exposer. L’arrivée d’un cuisinier de son niveau grossit encore les rangs des cadors du quartier rue Turenne/rue Abbé-de-l’Épée. Plus haut dans la rue, la cuisine étoilée de Tanguy Laviale. Derrière, dans la rue du Palais-Gallien, une succession de maisons de qualité. Et maintenant, plus au centre du jeu, la Table de Montaigne avec la cuisine du Médocain. Une cuisine étonnamment sobre : le produit, un accompagnement juste, une belle sauce peut-être, une cuisson nette et une belle assiette. Voilà la philosophie résumée. Le plat est conçu pour être compris au premier coup d’œil. Le homard façon Palais Gallien, jus de clémentine, petits légumes citron d’Orient (38 €) a été rôti au beurre dans le plus grand respect. La texture, idéale, s’en ressent. La tête de la bête a été utilisée pour la confection de l’émulsion (légèrement) citronnée qui enveloppe une purée de clémentines et quelques petits fruits rôtis. Et toujours cette douceur sur la langue, comme une caresse. La Saint-Jacques qui arrive ensuite (28 €) est travaillée avec chou-fleur et fruit de la passion et trouve un subtil aplomb entre le sucré et l’acide où pointe une légère amertume. Puis, vient un plat signature. Oui, déjà. Le paleron de bœuf wagyu (28 €) confit, moelle, truffe et béarnaise (complètement siphonnée comme l’annonce la carte). Un plat qui suit le chef depuis ses années à Talence. Un paleron mariné (poivre, coriandre fraîche, piment d’Espelette, ail, sel, pincée de sucre) qui peut cuire jusqu’à 48 h. Cette longue cuisson « casse » le collagène et détend les chairs. Elles en sont d’autant plus fondantes. La béarnaise siphonnée va exciter la viande et la bouche se met en fête. Associé avec le riesling du domaine Barmès Buecher 2016, le plat atteint l’accord parfait. D’une association à l’autre, la suivante combine mimolette et bière. Servi en fromage travaillé, le duo fait mouche, jusqu’au dessert, l’autre plat signature du chef, le cigare chocolat. Très attaché à la partie sucrée de sa carte, le chef avoue avoir trouvé ce dessert en 10 minutes. Il le découvrit chez Michel Trama et l’adopta. Un joyau délicat et gourmand. Aujourd’hui, il ne le quitte plus. Et de conclure : « On sait qu’il y a du monde sur la place de Bordeaux, mais nous, nous voulons y faire notre place. » Menu du déjeuner « Retour du marché » à 35 €. Menu « Écriture », en 5 chapitres, à 75 €. José Ruiz La Table de Montaigne,

144, rue Abbé-de-l’Épée, 33000 Bordeaux De 12 h à 14 h, du mercredi au vendredi et de 19 h 30 à 22 h, du mardi au samedi. Réservations : 05 57 08 01 27

hotel-palais-gallien-bordeaux.com

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CENT33 Nouveau venu en ville, l’établissement de

Fabien Beaufour entend déjouer les catégories et imposer non seulement une gastronomie raffinée mais aussi le principe du partage.

FEU SACRÉ Parfois, les évidences ne frappent pas aux yeux. Pourtant, le CENT33 se situe bien au numéro 133 de la rue du Jardin public, à l’angle du cours de la Martinique. Ici, dans ce bout de quartier, qui n’est presque plus les Chartrons, se tenait un laboratoire de prothèse dentaire. Et de bonnes ratiches, c’est mieux pour manger. Alors, drôle de choix ? Pas vraiment – un coin de rue étant toujours un emplacement de choix – tant cette ouverture complète l’offre présente (Le Mirabelle1, Le Bistrot du Docteur Grégoire). En outre, inutile de revenir sur la débilité du marché immobilier bordelais. Bref. Avec sa généreuse vitrine, dévoilant 40 couverts, le béton clair du sol, le mur en bois, l’acier corten, la pierre de taille (amoureusement rénovée par le couple) et un mobilier d’inspiration scandinave osant les nuances saumon et bleu de Prusse, ce restaurant se montre élégant sans sophistication superflue, offrant un compromis bienvenu des matières et de son agencement. Voilà bien un point crucial. Une table de 8 (la table d’hôtes), une table de 6 (la table du Chef) et des tables de 2 ou 4. Objectif ? Adapter au pays de Vatel, les notions anglo-saxonnes de sharing concept et de casual fine dining. On devine déjà la circonspection, certes légitime tant le vocable gastronomique contemporain flirte avec snobisme et amphigouri comme justement souligné par l’inflexible Joël Raffier2. Pour la faire courte : en finir avec l’assommante trinité « entrée-plat-dessert » afin que le client se sente libre. De choisir, de picorer, de piocher dans l’assiette du voisin, de savourer 133 fois le même plat, d’être un gourmand décomplexé. Le mérite en revient à Fabien Beaufour, qui, nonobstant un CV et des adresses qui tabassent, mûrissait depuis 5 ans la chose. « Plutôt que venir pour le chef ou le prestige de l’établissement, envisager enfin le restaurant avec son commensal. » Et dans l’assiette – made in England sur mesure –, le trentenaire grenoblois n’est pas là pour trier les lentilles. Thuriféraire du robotayaki – traditionnel foyer alimenté au bois des pêcheurs du nord du Japon –, il saisit tout à merveille : poissons, viandes, légumes, ananas… Entre fumée et fumet, les aliments sont naturellement transcendés. Carottes fumées, beurre d’orange et gingembre (6 €) ; céleri à la truffe rôti, sabayon de chèvre doux (10 €) ; maquereau, maïs crémeux à la verveine et au citron (12 €) ; poitrine de porc au café, coing rôti et moutarde (14 €). Honnêtement, on est au-delà des saveurs connues ou attendues pour mieux tutoyer l’inédit. Le poulpe en salade tiède, avocat et sauce orientale (11 €) laisse bouche bée (enfin, après avoir dégluti, un peu de tenue, nom de Dieu !). Quant au parfait de foie gras aux agrumes et fenouil (12 €), il constitue une expérience tellement radicale que l’on se demande encore comment on a pu vivre sans déguster une telle merveille… Et que dire du cheesecake, sorbet citronné au yaourt (7 €), la plus belle branlée pâtissière de longue date. On pourrait aussi causer de Georgette – l’ustensile se substituant aux doigts –, des amuse-bouche pulvérisant l’idée d’apéritif, de la carte des vins qui va voir ailleurs si le tannin est plus vert et aligne du BillecartSalmon, des pains de la maison Boileau, des fromages de la Fromagerie de Pierre… Mâtin ! Quelle splendeur. Marc A. Bertin 1. JUNKPAGE #58 2. JUNKPAGE #64

CENT33

133, rue du Jardin public, 33000 Bordeaux Du mardi au samedi, de 12 h à 14 h 30 et de 19 h à 22 h 30. Réservations : 05 56 15 90 40.

www.cent33.com


LA BOUTANCHE DU MOIS

par Henry Clemens

CHÂTEAU LAGRANGE 2018

AOC ENTRE-DEUX-MERS Une première rencontre furtive aux Barriquades1 et la dégustation d’une gamme de vins remarquablement tendus et honnêtes avaient fini par convaincre de l’intérêt d’une visite dans les monts et les vaux doux de Cadillac Côtes de Bordeaux. Pour l’aparté de circonstance, il s’agit là de la « parfaite invisible » des AOC bordelaises… Et on se demande quelle mouche à vinaigre avait bien pu piquer l’institution pour trancher les appellations en groupes et sous-groupes parfaitement incompréhensibles ? Quelle carte mentale figure ou délimite les contours de ces terres du milieu constituées par les Premières Côtes de Bordeaux ou encore les Cadillac Côtes de Bordeaux ? Toutes deux des appellations, en plus de celle de l’Entre-deux-mers dont peut se revendiquer ce Château Lagrange. Fermons la parenthèse. Le domaine se situe sur les communes de Capian et, nous dit le site, de La SauveMajeure. La bâtisse sur la butte, un premier temps destinée à diverses activités agricoles, dont l’élevage de vaches laitières, sera vouée au vin sous la conduite du père et reconvertie en chai, en lieu de stockage et en salle de réception chaleureuse. Le dernier qualificatif est en grande partie, il faut bien le dire, dû à l’accueil généreux, simple et plein de pédagogie dispensé par Laure et Olivier Lacoste, sœur et frère joyeux de fortune, embarqués sur la petite mais dynamique exploitation viticole. Le vignoble d’un seul tenant s’étend sur 9,60 hectares de coteaux essentiellement limono-sableux et graveleux, dont 4,40 hectares de cépages blancs et 5,20 hectares de cépages rouges. Les deux vignerons défendent mordicus une approche bio et locale, ils sont labellisés AB depuis 2014. Ils se disent plus proches de l’épicier que de la grande surface. Surtout, ils se sont entendus pour garder une dimension humaine à l’ensemble. Moins de 10 hectares pour contrôler la production et travailler vertueusement une très large gamme de vins composée de rouge, de blanc et de moelleux. On peut parler ici d’un choix économique également vertueux. Affable et disert lorsqu’il s’agit d’évoquer savoir-faire viticole et vinification, Olivier affiche une étonnante propension aux expérimentations R&D – très souvent – parfaitement absentes des chais bordelais. Ici, des vins sans soufre, là des amphores, là encore une cuvée qui s’éternise dans une barrique, histoire de tester, histoire il faut le dire de s’amuser. Un côté rock indé, voire punk, revendiqué par les amis de Winshluss2. Ce dernier concocta l’étiquette de leur rouge 2015.

L’air est revigorant sur ces monts de Capian et on aime d’entrée cet entredeux-mers au sauvignon plein de nerfs, juteux dans lequel un beau sémillon, présent à hauteur de 30 %, vient s’ébrouer tendrement. L’élevage sur lies avec bâtonnage régulier pendant 6 mois confère à ce Château Lagrange, AOC Entre-deux-mers 2018, une vraie élégance et un peu de tenue. L’absence de thiol3 en fait un vin digne esquivant raisonnablement les arômes végétaux trop entêtants, trop systématiquement liés aux sauvignons secs, qu’ils soient sur la rive droite ou gauche de la Garonne. Pour résumer, le nez est assez suave avec des notes de citron, plus mûr qu’acide avec, tenues à petite distance, d’imperceptibles notes anisées. En attaque, on retrouve le côté citronné qui s’efface un peu pour laisser la place à un milieu de bouche un peu plus gras. Un entre-deux-mers pour rétablir quelque peu la vérité sur une vaste appellation qui ne fournirait que des vins faciles à boire et vifs comme un coup de trique ! 1. Marché des vins bio organisé par le Syndicat des Vignerons Bio de la Nouvelle-Aquitaine qui se tient chaque année en novembre à la caserne Niel. 2. Auteur de bandes dessinées et cinéaste né à La Rochelle en 1970. Il a coréalisé deux longs métrages avec Marjane Satrapi. 3. Arômes primaires du vin, aussi appelés arômes variétaux. Ils proviennent du raisin et sont caractéristiques d’un cépage. www vignobleslacoste.fr

Prix de vente TTC : 7,60€. Lieux de vente : Caves d’Antoine (Bordeaux), Cave Vinimarché (Bordeaux, Pessac)


{ Gastronomie } MERVEILLES Selon

D. R.

les pays, il se nomme botocoin, puffpuff, makala, gbofloto, donut, beignet… De la farine, de l’eau, de la levure, un peu de sucre (ou pas), de l’huile pour faire frire et voilà la base de cette douceur. La base de la nourriture finalement. La vie.

UN GOÛT VENU DE L’ENFANCE Le beignet se retrouve dans tous les pays du monde. Dans mon top 5, on retrouve des souvenirs d’enfance, une journée magique à Bouillante, il y a le Cameroun, la Guadeloupe et l’Italie. Le beignet pour moi, c’est d’abord un souvenir d’enfance. C’est Kribi, c’est l’Afrique et les vendeuses de beignets sur la route, au marché, près du stade de foot, à la plage. Les bords de route comme dit ma sœur. Ce sont des beignets sucrés avec une pâte qui a un peu le goût et la texture d’un gâteau. Je n’ai jamais retrouvé tout à fait le goût si particulier de ces beignets-là, je n’ai jamais pu les refaire exactement et je les garde dans un coin de mon cœur, appelé « le paradis de l’enfance ». Ensuite, il y a les beignets du BHB – les Beignets Haricots Bouillie –, un plat camerounais que j’adore ! Le BHB c’est le plat qu’il faut tchop1 si vous allez au Cameroun. Une espèce de ragoût de haricots rouges qui se mange avec des beignets tout simples à base de farine, sel, eau et levure, et une bouillie à base de maïs. Dans ce plat, il y a tout ce que j’aime dans la cuisine. Celle qui tient au corps, qui a du goût, du moelleux, du croustillant, du réconfortant et, bien sûr, le Cameroun, berceau de mes ancêtres. En France, j’ai découvert les bugnes, les merveilles et autres pets de nonnes ; les beignets de carnaval et la tradition du Mardi gras. Plus de sucre, du moelleux, du gras. La vie. Puis, il y a eu les Antilles avec les accras, forcément accompagnés de planteur, et les beignets de Carnaval de Mme Edwiges. Eux aussi sont gardés précieusement dans ce coin de mon cœur, parmi les meilleurs beignets goûtés au monde. Peut-être grâce au souvenir d’une journée unique liée à ces beignets. Le matin même, nous avions pris un bateau à Bouillante pour tenter de

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voir les dauphins. On espérait les voir, mais rien n’était plus sûr, comme nous l’avait dit le capitaine. Et là tout d’un coup, j’en ai vu deux, et puis trois. Et toute une bande. Ils nous ont accompagnés pendant quelques nœuds et au loin, une baleine à bosse faisait des sauts. C’était la première fois que je voyais des dauphins et une baleine. Là, sur le bateau, dans la mer des Caraïbes, au large de Bouillante, une larme a coulé sur ma joue. La puissance et la beauté de la nature. Après ça, nous sommes allés boire un verre chez Mme Edwiges. C’était la période du Carnaval et elle avait fait des beignets. Il était trop tôt pour le rhum alors on a bu un jus de mangue avec. Ses beignets étaient doux, parfumés et en une bouchée, tout l’esprit du carnaval de Guadeloupe était là : le défilé, la mort de vaval, le claquement des fouets, le gwoka et l’histoire de l’esclavage. Pour finir, il y a les beignets à la ricotta du Meneghino. Lorsque je les ai dégustés, j’ai eu le coup de foudre. Giovanni les propose pendant la période du Carnaval et, croyezmoi, ils sont plus qu’addictifs. Et comme je suis une fille sympa, Giovanni m’a donné la recette. Néanmoins, entre nous, plutôt que de les faire, je préfère m’installer cours VictorHugo, en terrasse, et savourer mes quelques beignets avec un bon café. Joëlle Dubois 1. tchop : manger en camfranglais (langue urbaine camerounaise à base de français, anglais, pidgin et langues camerounaises).

Il Meneghino

121-123, cours Victor-Hugo Du mardi au vendredi, de 8 h à 20 h 30. Le samedi, de 8 h à 22 h 30. Réservations : 05 35 31 77 39

www.ilmeneghino.fr

La recette facile

Beignets de ricotta alla Meneghino (pour une trentaine de beignets) Ingrédients

- 500 g de farine - 200 g de lait - 100 g de ricotta - 100 g de beurre - 100 g de sucre - 1 sachet de levure chimique - 5 g de sel - le zeste d’un citron jaune - 6 œufs

Préparation

1 - Mettre les œufs, le beurre fondu et le sucre dans un bol et bien mélanger. 2 - Incorporer la ricotta. Mélanger, ajouter le lait, mélanger à nouveau pour obtenir une préparation homogène et réserver. 3 - Dans un autre bol, mélanger la farine, la levure et le sel. 4 - Incorporer délicatement le mélange farine + levure + sel à la préparation liquide. 5 - Faire chauffer un bain d’huile. 6 - Lorsque l’huile est chaude (tester en laissant tomber une goutte de pâte dedans), former des petites boules de pâte à l’aide de deux cuillères à café, les faire tomber doucement dans l’huile et faire frire jusqu’à ce qu’elles soient gonflées et dorées. Les retourner au besoin. 7 - Égoutter les beignets sur du papier absorbant. Saupoudrer de sucre avant de servir.



© Isabelle Minbielle

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