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Donner sa présence aux autres les fait se rendre compte qu’ils existent dans un regard, qu’ils comptent. Cette attitude donne une autre tonalité aux relations et débouchent sur une coopération et un « être ensemble ». C’est ce dont témoigne Claudie, 54 ans : « Je venais de Bruxelles et me suis installée en pleine campagne, dans la trentaine, par amour de la nature. Pendant plus de 15 ans, je n’ai porté qu’une très faible attention à mes voisins et aux gens de la campagne environnante. Je me disais que nous n’avions pas les mêmes intérêts. Puis, un jour, ma voiture est tombée en panne et j’ai dû m’en passer pendant un mois. C’était l’hiver. Isolée, je devais me rendre chaque matin à la gare à pied. En désespoir de cause, j’ai glissé des petits cartons dans les maisons voisines demandant aux personnes qui se rendaient à la gare de prendre éventuellement contact avec moi pour un lift. Plusieurs personnes ont répondu. Et je me suis mise à m’intéresser réellement aux gens à partir de là. Je les ai écoutés, je les ai regardés, je ne me suis plus positionnée comme une personne différente. Les relations avec mon environnement ont peu à peu changé pour finalement complètement se transformer. Mes voisins sont des personnes pleines de cœur et admirables tout simplement. Je ne le savais pas parce que je ne posais pas un regard vrai, simple, ouvert sur eux. Je n’étais pas présente à eux. Maintenant, je le suis et j’en suis très heureuse ».

L’attitude intérieure qui consiste simplement à être présent consciemment avec l’autre, induit de façon très naturelle une coopération. Et cela entre individus autant qu’entre communautés différentes. Si les membres d’une communauté rencontrent des membres d’une communauté différente d’eux, sans vouloir les changer, ni imposer une façon de faire, les différences ne sont plus un obstacle à la communication.

L’individu libre Etre présent, consciemment, à soi et aux autres, c’est finalement se mettre en dehors d’une position uniquement calculante. C’est se mettre un peu en retrait d’une logique toute dirigée vers la bonne « gestion » de sa vie ayant pour seul objectif un profit égotique. Certes, il est nécessaire de savoir effectuer des choix individuels, mais ils s’inscrivent dans un ensemble qui dépasse la seule individualité. Ceci dit, reconnaissons et aidons les individualités fortes dans leurs pensées et actions transformatrices. Ces personnes cristallisent des aspirations communes d’évolutions (citons des personnes aussi différentes que, par exemple, Louise Michel, Nelson Mandela, José Bové,...). Car les changements sont d’abord le fait de personnes pionnières, en marge, et souvent réfractaires à une vision de masse. Se vivre en tant que personne faisant partie d’une communauté ne cautionne évidemment pas le consensus mou qui altérerait une faculté d’exercer sa liberté personnelle. Pourvu qu’elle ne soit pas exercée en dépit de la liberté d’autrui, celle-ci est la condition préalable à tout épanouissement individuel, social et collectif, comme le souligne Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998 : « Il faut considérer la liberté individuelle comme un engagement social. La disparition de toutes les atteintes à la liberté ... est constitutive du développement ». Marie-Andrée Delhamende RÉFÉRENCES : Changer le monde, 596 pages, éd. La Martinière. Des racines pour l’avenir, Thierry Verhelst, 455 pages, éd. L’Harmattan.

18 | AGENDA PLUS - OCTOBRE 2016


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