A+274

Page 13

dossier

sans doute compte de façon vertigineuse qu’il n’y a pas de réalité. Il y a juste une ouverture de focale personnelle à travers un filtre coloré. Il y a juste une production subjective.

L’illusion, condition humaine Nous sommes donc sans cesse en train de produire de la subjectivité. Par le biais des idées, des opinions, du mental, des sensations, de la mémoire, des émotions. Que fait-on de tout cela ? Et bien, on ne le nie surtout pas. On le met à la bonne place dans nos vies. Il n’y a pas à diaboliser le mental, l’émotion, la sensation, le sentiment, tout ce qui tisse notre subjectivité et qui est illusoire. L’illusion est universelle parce qu’elle fait tout simplement partie de notre condition humaine. Comme si l’existence devait nécessairement passer par toute une série d’expériences pour s’en affranchir. Chaque personne vit dans sa réalité. Et c’est sans doute pour cette raison que l’une des significations que l’on peut donner à sa vie, c’est tout simplement de connaître les composantes de sa réalité et de les faire fleurir, de les actualiser. Un peu comme si nous avions cette mission, qu’elle était inscrite dans nos ADN. Tout comme le bulbe de tulipe doit devenir une fleur, nous devons faire grandir jusqu’à son terme qui nous sommes, ceci afin de nous en libérer. Après tout, on ne se libère réellement que de ce que l’on a vécu ou de ce à quoi on a naturellement renoncé. Le fruit mûrit et tombe. Et quand tout est accompli de sa propre nature, peut-être alors peut-on devenir un peu plus léger.

Premier et second temps La nature de chacun est évidemment différente. Les fibres subjectives sont douces ou âpres, aussi variées que dans un étal de tissus. A chacun de participer au mieux à ce prodigieux mystère de la vie. A chacun de trouver son mode de floraison. Chacun avec sa personnalité et dans son environnement. Désirer, autre terme pour la croissance. Nous désirons. Comme les fleurs poussent, pour reprendre la

comparaison botanique, nous désirons nous expanser. Dans un premier temps. Et puis, dans un second temps, l’on devient plus léger de ses possessions. Parfois. Les possessions, c’est tout ce que nous avons mis en œuvre pour nous continuer. Pour perdurer. Des enfants. Des œuvres. Des réalisations. Minimes, ordinaires ou grandioses. Peu importe, du moment que son chemin, on l’a suivi du mieux que l’on a pu. Le dépouillement vient donc. Les yeux s’ouvrent et se dessillent peu à peu. Par les épreuves. Et parce qu’on a réalisé certaines choses. Les désirs qui nous ont occupés nous ont rempli la vie. Les objectifs sont atteints, peu ou prou. Mais voilà, cette valse de notre vie, avec ses désirs, ses amours et ses belles réalisations, peut-on dire qu’on en sort fondamentalement, totalement et pleinement heureux et en paix ?....

Illusion, stade de notre évolution… La sagesse, le bonheur ? Oui, mais le stade des illusions semble être un passage obligé. C’est une étape de notre évolution. Le bonheur, où l’on est « égal à soi-même » et dans une forme de plénitude, ce bonheur-là existe-t-il réellement ou est-il un leurre ? En tous cas, il ne peut réellement advenir que lorsque toutes les illusions sont totalement abandonnées. Toutes et totalement. Ce n’est pas rien. Cela suppose un bond ailleurs. Un dégagement absolu de l’activité mentale et émotionnelle ordinaire. Alors peut-être peut-on enfin être «en train de vivre dans la réalité». Et comprendre la phrase de Spinoza : «Par réalité et par perfection, j’entends la même chose». Cette réalité-là est impossible à concevoir pour nous qui sommes immergés dans l’illusion. La réalité, telle que nous la vivons, c’està-dire de façon limitée, se réduit à notre réalité et n’est donc que subjectivité. AGENDA PLUS - FÉVRIER 2016 | 13


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.