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dossier

Mais seulement 1% de cette activité est «cognitive», c’est-à-dire accessible à la conscience. «Tout ce qui nous sert à penser, parler, inventer, décider ou bouger ne prend que 1% de l’énergie cérébrale. Le cerveau se sert des 99% restants pour confirmer et reformater sans interruption, à sa guise, tous nos réseaux neuronaux», poursuit le Pr Mazoyer. Bref, nous savions que notre vision du monde était à 100% «interprétée» par notre cerveau, mais nous ignorions que ce dernier retravaillait en permanence, à notre insu, tous nos réseaux. Notons que pour certains chercheurs particulièrement intuitifs, les réseaux neuronaux sont

assimilés à des antennes réceptrices et émettrices qui «captent» des informations stockées hors de notre cerveau [et même hors de notre dimension matérielle]. Ainsi, leur remodelage continu modifie sans cesse notre faculté à mémoriser ou rechercher des informations. En d’autres termes, ces modifications structurelles affectent directement l’accès à nos souvenirs et la façon dont nous mémorisons le présent, c’est-à-dire nos «futurs souvenirs» !

Organe social & neurones-miroirs L’idée d’une «intelligence relationnelle» n’est

Matthieu Ricard : entre neurosciences et méditation En 2000, une rencontre exceptionnelle eut lieu à Dharamsala, en Inde. Quelques-uns des meilleurs spécialistes des émotions, psychologues, chercheurs en neurosciences et philosophes passèrent une semaine entière à discuter avec le Dalaï-Lama dans l’intimité de sa résidence située sur les contreforts de l’Himalaya. Ce fut le début d’un passionnant programme de recherche, celui des «neurosciences contemplatives». Le docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste français, Matthieu Ricard, également interprète pour le français du Dalaï-Lama, eut la chance de participer aux expériences menées aux quatre coins de la planète. Ce dernier confie : «Après la phase d’exploration initiale, une vingtaine de méditants expérimentés furent soumis à des tests : moines et laïcs, hommes et femmes, Orientaux et Occidentaux, tous ayant effectué entre dix mille et cinquante mille heures de méditation consacrées au développement de la compassion, de l’altruisme, de l’attention et de la pleine conscience. Plusieurs articles publiés dans de prestigieuses revues scientifiques ponctuèrent ces travaux, conférant par là ses lettres de noblesse à la recherche sur la méditation et la gestion de l’équilibre émotionnel, domaine qui, jusqu’alors, n’avait guère été pris au sérieux.» Par ailleurs, Stephen Kosslyn, directeur du département de psychologie à l’université Harvard et spécialiste mondial de l’imagerie mentale, déclarait lors de la rencontre de l’Institut Mind and Life organisée au MIT de Boston : «Nous devons faire preuve d’humilité devant la masse de données empiriques fournies par les contemplatifs bouddhistes.» Matthieu Ricard poursuit : «Les méditants expérimentés ont la faculté d’engendrer des états mentaux précis, ciblés, puissants et durables. Des expériences ont démontré notamment que la zone du cerveau associée à des émotions comme la compassion, par exemple, présentait une activité considérablement plus grande chez les personnes qui avaient une longue expérience méditative. Ces découvertes indiquent que les qualités humaines peuvent être délibérément cultivées par un entraînement mental.» D’autres expériences scientifiques ont également montré qu’il n’était pas nécessaire d’être un méditant surentraîné pour bénéficier des effets de la méditation et que 20’ de pratique quotidienne contribuent significativement à la réduction de l’anxiété et du stress, de la tendance à la colère et des risques de rechute en cas de dépression grave. «Si le cerveau est sollicité régulièrement, une trentaine de jours environ suffisent pour voir apparaître une modification des fonctions neuronales. L’étude scientifique de l’influence des états mentaux sur la santé, autrefois considérée comme fantaisiste, est donc de plus en plus à l’ordre du jour. Sans vouloir faire de sensationnalisme, il importe de souligner à quel point la méditation et «l’entraînement de l’esprit» peuvent changer une vie. Nous avons tendance à sous-estimer le pouvoir de transformation de notre esprit et les répercussions que cette «révolution intérieure», douce et profonde, peut avoir sur la qualité de notre vécu», conclut Matthieu Ricard.

16 | Agenda plus - Décembre 2013


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