L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

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Recherche Internationale de l’Education

L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire Rapport préliminaire Eric Lavigne, Aiman Jafar, Gavin Moodie and Leesa Wheelahan Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

Octobre 2019



Recherche Internationale de l’Education

L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire Rapport préliminaire Eric Lavigne, Aiman Jafar, Gavin Moodie and Leesa Wheelahan Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

Octobre 2019

Ce travail est sous licence Creative Commons Attribution-NonCommercialShareAlike 4.0 International License. (CC BY-NC-SA 4.0) Couverture : -

Publié par l’Internationale de l’Education- Octobre 2019 ISBN

978-92-95109-93-3 (PDF)


A propos des auteurs:

Eric Lavigne Aiman Jafar Gavin Moodie Leesa Wheelahan

Remerciements La dissémination du sondage et l’accompagnement du chercheur sur le terrain furent grandement facilités par les dirigeants du Syndicat national des formateurs de l’enseignement technique et de la formation professionnelle en Côte d’Ivoire (SYNAFETP-CI). Les auteurs tiennent à remercier tout spécialement son secrétaire général, M. Kouamé Raphaël Zouzou, qui a personnellement accompagné le chercheur en visite dans tous ces déplacements et organisé l’accès aux lieux et personnes.

Internationale de l’Education L’Internationale de l’Education représente les organisations d’enseignant·e·s et d’employé·e·s de l’éducation à travers le monde. Il s’agit de la plus grande fédération syndicale mondiale, représentant trente-deux millions d’employé·e·s de l’éducation par le biais de quatre cents organisations réparties dans cent soixante-dix pays et territoires à travers le monde. L’Internationale de l’Education regroupe tous les enseignant·e·s et employé·e·s de l’éducation.


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Table des matières

Préface 5 Contexte économique, social, et politique de la Côte d’Ivoire Contexte éducationnel de la Côte d’Ivoire

7 11

Ordres d’enseignement et certifications 12 Effectifs étudiants 14 Financement 17 Privatisation 19 Exode des cerveaux 20

Spécificités de l’enseignement technique et de la formation professionnelle en Côte d’Ivoire 22 Gouvernance, financement, et situation générale 22 Visées, réussites, et ressources 25 Valorisation 32 Approches pédagogiques 35 Établissements et équipements 39 Conditions de travail des enseignants et des employés de soutien 43 Privatisation 47 Accès et certifications 52 Retombées 55 Adéquation formation-emploi 59

Conclusion 62 Références 65 Annexe : Description de l’échantillon du sondage

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I


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II


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Liste des tableaux Tableau 1.

Taux de participation des femmes et des hommes au système d’éducation en Côte d’Ivoire, par ordre d’enseignement

15

Tableau 2.

Distribution verticale des effectifs étudiants totaux de 2015, par ordre d’enseignement, et distributions horizontales des proportions de femmes et d’hommes, pour chaque ordre d’enseignement

16

Parts estimées du gouvernement et des ménages du financement de l’éducation des étudiants en 2015, exprimées en pourcentage du produit national brut, par ordre d’enseignement

18

Tableau 4.

Proportion des effectifs étudiants inscrits au secteur privé en 2015, par ordre d’enseignement

19

Tableau 5.

Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, décrivant l’importance perçue des buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

27

Tableau 6.

Nombre et pourcentage des participants qui sélectionnèrent chacun des buts de l’ETFP parmi leurs trois plus importants

28

Tableau 7.

Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, décrivant le niveau de succès perçu pour chacun des buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

29

Tableau 8.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les ressources disponibles en lien avec les buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire 31

Tableau 9.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant l’état de l’ETFP en Côte d’Ivoire 33

Tableau 3.

Tableau 10. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la nature et les conditions de travail des enseignants de l’ETFP en Côte d’Ivoire 44 Tableau 11. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la nature et les conditions de travail des employés de soutien de l’ETFP en Côte d’Ivoire

46

Tableau 12. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, décrivant les retombées perçues pour les diplômés de l’ETFP en Côte d’Ivoire

55

Tableau 13. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à trois niveaux, décrivant le niveau d’adéquation perçu entre le degré de spécialisation des programmes de l’ETFP et les besoins du marché de l’emploi

57

Tableau 14. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à trois niveaux, décrivant la perception des possibilités de progression pour les étudiants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

58

Tableau 15. Participants ayant complété ou partiellement complété le sondage

69

Tableau 16. Genre des participants

69

Tableau 17. Âge des participants

69

Tableau 18. Lieu d’emploi des participants

70 1


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Tableau 19. Rôle des participants

70

Tableau 20. Années d’expérience des participants dans leur rôle actuel

70

Liste des figures

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Figure 1.

Schéma du système éducatif ivoirien pour l’enseignement régulier et l’enseignement technique et la formation professionnelle montrant, pour chaque ordre d’enseignement, les durées de formation, les certifications obtenues et les voies normales d’accès vers d’autres certifications. Schéma adapté de UIS-UNESCO (2008). 13

Figure 2.

Taux de participation des femmes et des hommes au système d’éducation en Côte d’Ivoire, par ordre d’enseignement

15

Figure 3.

Proportion des effectifs étudiants inscrits au secteur privé en 2015, par ordre d’enseignement

19

Figure 4.

Affiche sur le babillard d’une centrale syndicale, faisant la promotion de l’éducation des jeunes femmes (Photo : Lavigne, 2018)

29

Figure 5.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, avec des énoncés décrivant l’importance, le niveau de succès, et les ressources disponibles en lien avec les buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

32

Figure 6.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la valorisation et l’état des standards de l’ETFP en Côte d’Ivoire 34

Figure 7.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les relations entre le gouvernement et l’ETFP en Côte d’Ivoire 34

Figure 8.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la privatisation de l’ETFP en Côte d’Ivoire 34

Figure 9.

Étudiants dans un laboratoire de mécanique d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

36

Figure 10.

Étudiant effectuant un travail pratique de soudure à l’extérieur d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

38

Figure 11.

Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

39

Figure 12.

Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

40

Figure 13.

Salle de classe d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

41

Figure 14.

Équipements de réfrigération d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018) 42

Figure 15.

Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

42

Figure 16.

Salle des enseignants d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

43


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Figure 17.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les qualifications en pédagogie des enseignants de l’ETFP en Côte d’Ivoire 45

Figure 18.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les conditions de travail des enseignants et des employés de soutien de l’ETFP en Côte d’Ivoire 47

Figure 19.

Entrée des locaux administratifs d’un établissement privé de l’ETFP, financé par des investissements étrangers (Photo : Lavigne, 2018)

Figure 20.

Entrée des locaux administratifs d’un établissement public de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018) 49

Figure 21.

Étudiants de l’ETFP durant leur pause (Photo : Lavigne, 2018)

53

Figure 22.

Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les conditions de travail des finissants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

56

Figure 23.

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Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les possibilités de formation, de promotion, et d’implication syndicale en milieu de travail des finissants de l’ETFP en Côte d’Ivoire 56

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Préface Cette étude de cas sur l’enseignement technique et la formation professionnelle (ETFP) en Côte d’Ivoire fait partie d’un projet initié et mis en œuvre par l’Internationale de l’Éducation, une fédération mondiale de syndicats d’enseignants et d’employés de l’éducation. L’objectif de ce projet est de clarifier comment et dans quelle mesure l’ETFP peut contribuer à la justice, la mobilité, et l’inclusion sociales, ainsi qu’au développement durable de pays présentant des réalités fort différentes. Cette vaste recherche s’inscrit dans la vision de l’Internationale de l’Éducation, pour qui l’ETFP est une composante cruciale du développement global, et qui vise soutenir le développement de stratégies à même de produire des systèmes d’ETFP de qualité qui serviront à leur tour de pôles de développements économique et social, empreints des valeurs de justice, d’équité, et de durabilité, pour les communautés et entreprises locales. Cette recherche se veut la continuité des travaux démarrés en 2016 par l’Internationale de l’Éducation et qui culminèrent par la diffusion du rapport Global trends in TVET: A framework for social justice (Wheelahan & Moodie, 2016).1 Dans ce rapport, les auteurs posent les bases d’un cadre conceptuel permettant de mieux comprendre comment l’ETFP est mise en œuvre et comment la structure du marché de l’emploi vient moduler les différentes retombées de l’ETFP pour ses diplômés, tout en prenant en compte les réalités de chaque pays. Plus particulièrement, le rapport montre qu’il existe des différences importantes entre les systèmes d’ETFP de pays différents selon leurs revenus, notamment en matière d’accès pour les femmes, et que l’ETFP est généralement perçue comme subordonnée à l’enseignement supérieur. Le cadre conceptuel posé par le rapport de 2016 s’inspire de l’approche centrée sur les capabilités humaines développée par Amartya Sen (2011) et Martha Nussbaum (2000). L’approche centrée sur les capabilités vise à donner aux hommes et aux femmes du monde entier les capabilités nécessaires pour déterminer comment ils désirent vivre et pour leur permettre de vivre des vies dignes de ce nom (Robeyns, 2016). Ce faisant, cette approche met l’accent sur le rôle joué par les institutions locales dans le soutien des individus développant les connaissances et habiletés pour mener des vies productives et dans le développement de communautés et d’entreprises stables produisant des retombées socialement justes (Bonvin & Farvaque, 2006). Le rapport de 2006 précise le rôle de l’ETFP dans le développement des capabilités humaines et 1 See: https://www.ei-ie.org/media_gallery/GlobalTrendsinTVET.pdf

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intègre à ce rôle des impératifs de justice sociale pour proposer la notion de capabilités productives. Dans la foulée de ce rapport, l’Internationale de l’Éducation a mandaté la présente étude qui vise à explorer plus avant les potentiels analytique, politique et pratique des capabilités productives appliquées à l’ETFP. Pour ce faire, l’étude combine les résultats de sept études de cas analysant la situation de l’ETFP dans des pays aux réalités économiques fort différentes. La présente étude de cas sur la situation de l’ETFP en Côte d’Ivoire fait partie de ce lot. La finalité de cette étude de cas, hormis de produire une meilleure compréhension de l’ETFP en Côte d’Ivoire, est d’évaluer dans quelle mesure la notion de capabilités permet de comprendre le rôle plus large de l’ETFP quant au soutien de la justice sociale, de la mobilité, de l’inclusion sociale, et du développement durable. Dans cette même foulée, l’étude de cas clarifie en quoi la théorie du capital humain demeure incomplète pour apprécier à sa juste mesure le rôle de l’ETFP et informer le développement de politiques publiques appropriées. Les conclusions de l’étude de cas reposent sur trois sources d’information distinctes. La première est une revue de littérature de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Cette revue rassembla des études empiriques, des données nationales, et des rapports techniques. La seconde source d’information est un sondage réalisé en 2018 auprès d’enseignants et employés de soutien de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Le sondage mesura les opinions des participants sur la situation de l’ETFP à l’aide de questions ouvertes et de questions à échelles de réponse. Enfin, la troisième source d’information est une étude terrain où une dizaine d’établissements furent visités et une vingtaine d’acteurs de l’ETFP furent interviewés. Les entretiens furent réalisés en français et respectèrent les exigences en matière d’éthique en recherche de l’Université de Toronto. Le présent rapport débute par un survol du contexte économique, social et politique de la Côte d’Ivoire, puis de son système d’éducation. S’ensuit une analyse plus exhaustive de son système d’ETFP portant sur ses visées et réussites, son système de certification et d’accès, ses retombées, ses approches pédagogiques, ses infrastructures, ses conditions de travail, son financement, sa privatisation, et ses défis. Pour conclusion, l’étude de cas dégage quelques grands constats quant à la situation de l’ETFP en Côte d’Ivoire et évalue la pertinence des capabilités productives comme alternative à la théorie du capital humain pour l’étude et le développement des systèmes d’ETFP.

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Contexte économique, social, et politique de la Côte d’Ivoire Située près de l’Équateur, dans la partie ouest du continent africain, la Côte d’Ivoire borde l’Océan Atlantique et partage ses frontières avec le Libéria, le Mali, le Ghana, la Guinée et le Burkina Faso. Colonie française du XVIIe siècle à 1960, année où fut signé le pacte colonial libérant partiellement le pays du joug colonial, la Côte d’Ivoire a d’abord connu une longue période d’essor sous un régime dit démocratique, mais à parti unique, et le règne du président Félix Houphouët-Boigny, décédé en 1993. Si les années qui suivirent virent l’adoption du multipartisme, elles assistèrent aussi à d’importants déchirements politiques qui culminèrent avec le coup d’État militaire de 1999, la guerre civile de 2002 à 2005, et les années de troubles qui suivirent jusqu’à 2010. Si le pays semble avoir retrouvé la paix, l’élection sans incident majeur de 2015 en faisant foi, les importants déchirements qu’a connus le pays ont néanmoins freiné son développement économique et social, appauvri ses ressources, et laissés derrière d’importantes tensions entre groupes ethniques (AFDB-OECD, 2008 ; École de Politique Appliquée, 2019 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). Le pays compte près de 24 millions d’habitants, dont 60 % ont moins de 25 ans (Fortune, Ismail, & Stephen, 2015 ; Lolwana, 2017 ; UIS-UNESCO, 2017), 10 % ne sont pas citoyens ivoiriens, 50 % résident en zone rurale (École de Politique Appliquée, 2019), et 25 % se concentrent à Abidjan, la capitale économique du pays (World Population Review, 2019). En plus du français, langue officielle, plusieurs autres langues sont parlées au pays, notamment le dioula, le baoulé, le dan, l’anyin et le sénari. Les religions les plus largement pratiquées sont l’Islam (43 %), le Christianisme (38 %) et l’Animisme (4 %), tandis qu’une proportion importante (19 %) de la population se déclare agnostique (CIA, 2017). Finalement, avec un indice Gini de 41,5 (CIA, 2017), indice décrivant le niveau de distribution des revenus familiaux, et un indice de corruption de 35 (Transparency International, 2018), la Côte d’Ivoire, à l’instar de bien d’autres pays en voie de développement, se classe parmi les pays avec un haut taux d’iniquité entre ses riches et ses pauvres et un haut taux de corruption. Le produit intérieur brut (PIB) de la Côte d’Ivoire est d’environ 35 milliards de dollars, ou 3500 $ par habitant, la positionnant dans le tiers inférieur des pays à revenus moyens, et le pays connaît depuis plusieurs années une période de croissance importante qui attire les investisseurs étrangers (Hassan, 2017 ; ITC, 2014). Fait à noter, 45 % de son PIB provient du secteur des services, qui inclut les services publics et parapublics, 33 % proviennent du secteur industriel, et 7


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15 % du secteur manufacturier (Banque Mondiale, 2017). L’agriculture joue un rôle de premier plan dans l’économie du pays, principalement les cultures du cacao, du café, du coton, du sucre de canne, du tabac, du caoutchouc et de l’huile de palme (AFDB-OECD, 2008). Cependant, cette importance du secteur agricole implique qu’une très grande partie des emplois créés sont des emplois saisonniers, non permanents, ne requérant que peu d’habiletés ou de connaissances techniques, et mal rémunérés (Oketch, 2017). Relié à la prépondérance du secteur agricole, une grande partie de l’économie de la Côte d’Ivoire repose sur le secteur informel, un secteur en pleine croissance, mais néanmoins méconnu, qui échappe aux indicateurs formels (Akoojee, 2016). Malgré cela, on estime qu’il procure près de 70 % des emplois au pays (Banque Mondiale, 2017). Le secteur informel se compose d’emplois non déclarés. Les travailleurs de ce secteur œuvrent généralement en milieu rural, dans de petites entreprises agricoles familiales, ou encore, en milieu urbain, dans de petits commerces itinérants de vente au détail (AFDB-OECD, 2008 ; Fortune et al., 2015 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). Fait intéressant, lorsque l’on compare le secteur informel de la Côte d’Ivoire à celui d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, on note que la Côte d’Ivoire n’a pas connu la même migration de ses emplois, malgré avoir connu une croissance similaire. Pour plusieurs de ces pays, la croissance de ces dernières années s’est traduite par un déplacement des emplois du secteur agricole vers d’autres secteurs, procurant davantage d’emplois salariés, ou vers l’entrepreneuriat. Ce ne fut cependant pas le cas pour la Côte d’Ivoire, où les proportions relatives dans chaque secteur sont demeurées les mêmes (Filmer & Fox, 2014) et où on ne retrouve que peu d’entreprises de tailles moyennes (Sleuwaegen & Goedhuys, 2002). La prépondérance d’emplois au secteur informel témoigne de la difficulté d’accéder à de bons emplois et suggère des conditions de travail en deçà des normes nationales (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). La recherche sur le secteur informel en Côte d’Ivoire confirme que le taux d’accès à l’emploi à Abidjan est beaucoup plus faible pour les jeunes de 15 à 24 ans que pour leurs aînés (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). De plus, les travailleurs de ce secteur sont, en grande majorité, très peu scolarisés (Lolwana, 2017 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012) et suivent des formations qui diffèrent de celles offertes par l’enseignement technique et la formation professionnelle (Grootaert, 1990). À Abidjan, comme dans plusieurs grandes villes d’Afrique, jusqu’à 91 % des travailleurs du secteur informel n’ont pas terminé leurs études primaires (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). Autre problème, la structure d’emploi du secteur informel contribue à maintenir en place les barrières structurelles limitant l’accès des femmes à des emplois qu’elles ont des raisons de valoriser. Les femmes sont, en général, plus touchées 8


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par le manque d’emplois que les hommes, en plus d’obtenir des salaires généralement inférieurs au salaire minimum mandaté par l’État. Aussi, les jeunes femmes de 15 à 24 ans n’ont pas accès aux mêmes opportunités de formation dans les emplois du secteur informel, que les hommes de même âge. Enfin, les emplois obtenus qu’elles obtiennent demeurent largement stéréotypés. On les retrouve ainsi majoritairement dans les secteurs de la couture, de la cuisine, et de la coiffure (les trois C), ainsi que dans les secteurs de l’hôtellerie et de la vente à itinérance (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). Ainsi, si les femmes sont en mesure de trouver des emplois dans le secteur informel, ces emplois sont contraints à des rôles traditionnellement joués par les femmes, où elles n’ont que peu de pouvoir et sont moins bien rémunérées. Néanmoins, ces emplois leur donnent malgré tout une plus grande capacité à prendre leur sort en main, plutôt que de demeurer sans emplois et à la merci de leurs pourvoyeurs. La proportion élevée de jeunes en Côte d’Ivoire (Lolwana, 2017) peut être vue autant comme une opportunité que comme une menace. La différence se situe dans la capacité du pays à canaliser cette jeunesse en plein développement à travers un système d’éducation approprié et un marché de l’emploi en santé (Oketch, 2017). Éducation et emploi, de concert, doivent guider ces jeunes vers des emplois de qualité qui, ce faisant, amélioreront de surcroît la productivité nationale (Filmer & Fox, 2014). Qui plus est, l’accès à de meilleurs emplois doit s’accompagner de mesures concrètes assurant non seulement des emplois pour ici et maintenant, mais aussi pour plus tard. En d’autres mots, de leur permettre d’évoluer dans leurs emplois et de poursuivre une carrière qui, à leurs yeux, a de la valeur. Ces carrières produiront, en plus d’améliorer la productivité nationale, d’autres externalités comme, par exemple, une meilleure inclusion sociale, une sécurité accrue dans les grandes villes, de meilleures conditions de vie pour les femmes, une meilleure capacité de développement nationale, et une meilleure résistance aux changements technologiques à venir. Au centre de ces améliorations se trouve une amélioration des conditions de vie individuelles à travers la capacité de contribuer activement au monde du travail, à la société civique, à la vie culturelle, à la famille, et à la communauté. Il est important ici de rappeler que, aux yeux de Sen (2011), ces soi-disant externalités doivent être considérées comme des priorités qui, naturellement, mèneront vers une croissance économique. Le piège est de faire le choix inverse et de prioriser la croissance économique et d’espérer que le reste suivra. Or, l’accès à de bons emplois est grandement facilité par l’accès à une éducation appropriée et valorisée par le marché de l’emploi. Ici, il nous faut distinguer entre trois principaux marchés de l’emploi, c’est-à-dire ceux des secteurs informel, formel et privé, et formel et public, puisque ces trois secteurs valorisent des formations différentes. Pour le secteur informel, ce sont la formation en emploi, la formation comme apprentis, et, dans une moindre mesure, la formation 9


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professionnelle en milieu scolaire qui sont privilégiées. Pour le secteur formel privé, c’est autant la formation générale que la formation professionnelle en milieu scolaire qui sont privilégiées. Finalement, pour le secteur formel gouvernemental, c’est la formation scolaire générale qui est privilégiée, en grande partie puisque l’accès à l’emploi est généralement régi par des tests d’entrée semblables à ceux que l’on retrouve à l’enseignement général (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012 ; OECD, 2017 ; UIS-UNESCO, 2017). Les prochaines sections explorent avec plus de détails les spécificités du système éducatif ivoirien, en particulier le système d’enseignement technique et de formation professionnelle.

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Contexte éducationnel de la Côte d’Ivoire Sous le règne colonial français, le système d’éducation avait pour but de former une petite élite ivoirienne par le biais d’un système reflétant celui de la France. Dès 1963, le système d’éducation ivoirien, s’il compte, au primaire, des étudiants de tous les milieux économiques et sociaux, tend, par la suite, à ne sélectionner qu’une partie seulement de sa population. Ainsi, le secteur classique présente une importante proportion d’étudiants qui proviennent de groupes ethniques favorisés par le pouvoir colonisateur, de classes professionnelles et sociales scolarisées et aisées, et qui sont de religion catholique. Ces groupes, que l’on peut qualifier d’élites, ont ainsi un accès privilégié aux parcours scolaires menant à des rôles sociaux avantageux. Ainsi, alors que la Côte d’Ivoire découvre son indépendance, son système scolaire, peut-être par souci de légitimité, ou plus simplement le reflet d’une inertie institutionnelle, s’est organisé de manière à reproduire les inégalités sociales, elles-mêmes le reflet de priorités coloniales plutôt que nationales ou africaines (Clignet & Foster, 1966). Autrement dit, le système d’enseignement ivoirien est calqué sur le système français (Atchoarena et al., 2001), avec pour avantage une reconnaissance automatique de ses diplômes, mais avec pour inconvénient que les contenus, les pratiques, et les priorités d’enseignement sont davantage français qu’ivoiriens. Ce décalage ignore la réalité et les repères culturels des ivoiriens et, ce faisant, contribue au maintien des mentalités coloniales (Eliou, 1973). Le système d’enseignement ivoirien, comme le système français, accorde une place de choix à la formation générale au secondaire. Cette formation donne accès à la formation tertiaire qui, elle, permet ensuite d’accéder aux emplois les plus prestigieux, notamment dans la fonction publique. Un tel système tient pour acquis qu’une formation de qualité demeure générale et abstraite (Clignet & Foster, 1966) et, de par son organisation, permet des passages aisés de la formation générale vers l’ETFP, mais les chemins inverses sont plus rares (Clignet & Foster, 1966). Le niveau d’études d’un étudiant ivoirien est un déterminant important de sa position sociale ultérieure (Clignet & Foster, 1966) et de son salaire à venir (Filmer & Fox, 2014). Ainsi, la voie royale du système d’éducation ivoirien demeure la formation générale ou classique, mais les sections classiques, qui permettent de progresser vers les études universitaires, n’ont que peu de places disponibles, et les étudiants qui ne rencontrent pas les standards sont déviés vers des voies moins prometteuses, comme l’ETFP, qui, elles, ne permettent pas, 11


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a priori, de retourner ultérieurement vers la formation générale. Si ces états de fait datent, ils demeurent pertinents, car peu de choses semblent avoir changé en Côte d’Ivoire, et les visites d’établissement ont nuancé plutôt qu’infirmé les constats de 1966. Comme bien des pays d’Afrique subsaharienne, le système éducatif en Côte d’Ivoire ne fournit qu’une éducation de base à sa population (Lolwana, 2017). Néanmoins, le pays a récemment investi des sommes importantes pour l’amélioration de son système d’éducation (OECD, 2018). Toutefois, la cible de ces investissements n’est pas demeurée la même selon les époques. Ainsi, tandis que les années 70 furent témoins d’investissements visant le développement et l’amélioration de l’ETFP (Oketch, 2007), les années 90 assistèrent plutôt à un recentrage vers l’ordre primaire, accompagné d’une réduction importante de l’aide internationale à l’ETFP (Bennell & Segerstrom, 1998). Malgré ces investissements, le système d’éducation ivoirien demeure insuffisamment financé et ne répond que partiellement aux besoins de sa population et de son économie, contribuant ainsi à l’écart observé entre la formation des jeunes et les besoins de l’entreprise (Lolwana, 2017). Aussi à noter, la guerre civile, qui a sévi en Côte d’Ivoire au cours des années 2000, a eu un impact important sur l’éducation de ses jeunes. Malgré l’intervention d’organismes non gouvernementaux, ou encore de particuliers, qui fournirent des services d’éducation d’appoint durant les périodes de crise, des centaines de milliers de jeunes ont vu leur programme scolaire interrompu de façon intermittente. La scolarisation des jeunes entre 19 et 22 ans a été davantage touchée que celle des plus jeunes. Aussi, les jeunes garçons ont été davantage touchés par les violences, décès, pertes de domicile, et autres sévisses que les jeunes filles, en partie parce que plusieurs d’entre eux furent recrutés par des groupes armés. Aussi, les départements dits du Nord et ceux du Sud auraient connu des retards scolaires semblables totalisant un peu plus d’une année scolaire (Dabalen & Paul, 2014). Cependant, il faut noter des variations très importantes entre les différents secteurs et les différentes époques.

Ordres d’enseignement et certifications De manière générale, l’éducation est obligatoire pour les étudiants âgés de six à 15 ans (UIS-UNESCO, 2017). Cependant, comme nous l’avons mentionné, le système ivoirien n’est pas en mesure de remplir complètement cette promesse et il n’est pas encore possible de qualifier le système d’éducation ivoirien d’universel (EPDC, 2018). La Figure 1 présente une vue schématisée du système d’éducation ivoirien et met l’accent sur la relation entre les certifications de l’enseignement régulier et celles de l’ETFP. L’ordre primaire comprend six années d’études et reçoit des étudiants âgés de six à 12 ans. Les étudiants doivent ensuite réussir une épreuve terminale pour obtenir leur 12


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) et poursuivre leurs études. Quant à lui, l’ordre secondaire vise à préparer les étudiants à des études universitaires et comprend sept années d’études divisées en deux cycles. Le premier cycle de quatre ans conduit au Brevet d’études de premier cycle (BEPC) et le deuxième cycle de trois ans conduit à l’obtention du Baccalauréat (BAC). Comme pour le CEPE, le BEPC et le BAC requièrent la réussite à une épreuve terminale. Le BAC donne ensuite accès à l’enseignement supérieur, où sont offertes des certifications diverses, variant en fonction des établissements et des domaines d’études. Celles-ci incluent le Diplôme d’études universitaires générales (DEUG), le Diplôme d’études universitaires littéraires (DEUL), la License, le Diplôme d’études approfondies (DEA), le Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS), la Maîtrise, et le Doctorat (UIS-UNESCO, 2008).

Figure 1. Schéma du système éducatif ivoirien pour l’enseignement régulier et l’enseignement technique et la formation professionnelle montrant, pour chaque ordre d’enseignement, les durées de formation, les certifications obtenues et les voies normales d’accès vers d’autres certifications. Schéma adapté de UIS-UNESCO (2008). 13


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À l’ETFP, l’obtention du CEPE ouvre la voie vers le Certificat de qualification professionnelle (CQP), tandis que deux années de formation supplémentaires à l’enseignement régulier donnent accès au Certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Cependant, ces deux certifications ne donnent pas directement accès aux certifications suivantes, mais requièrent plutôt l’utilisation de passerelles entre les ordres et systèmes d’enseignement. Pour ces certifications plus spécialisées, comme le Brevet technique (BT), le Brevet d’études professionnelles (BEP), et le Baccalauréat technique (BACT), il faut d’abord avoir obtenu son BEPC. De ces trois certifications, seul le BACT donne ensuite accès à l’enseignement supérieur technique, plus précisément au Diplôme universitaire technologique (DUT), au Brevet de technicien supérieur (BTS), qui donne ensuite accès au Diplôme d’ingénieur (DING) (UIS-UNESCO, 2008). Dans le système ivoirien, l’obtention d’un diplôme est conditionnelle à la réussite d’épreuves terminales. Or, l’accès aux niveaux d’études suivants requiert lui aussi le passage d’épreuves de qualification, appelées concours d’entrée. Ces épreuves ont pour objectif de sélectionner les meilleurs candidats et de les assigner à l’établissement d’enseignement approprié. Ces concours s’étendent parfois sur plusieurs jours et peuvent compter plusieurs épreuves diverses, notamment des examens écrits, des dissertations, et des examens oraux. Ces concours exigent aussi des frais de participation. Nous revenons plus tard sur les retombés plus problématiques de ce système de certification.

Effectifs étudiants Le Tableau 1 présente les taux de participation au système d’éducation ivoirien. À noter, le taux de participation est le plus élevé pour le primaire. Le taux de participation de 86,0 % au primaire demeure faible. Quant à lui, le taux de participation de 39,0 % à l’enseignement secondaire témoigne encore plus clairement du fait que l’éducation en Côte d’Ivoire demeure un privilège limité aux élites. Aussi à noter, la participation des jeunes femmes est, à part pour le préprimaire, systématiquement en deçà de celle des jeunes hommes. Ces différences sont particulièrement marquées au secondaire et à l’enseignement supérieur, où la participation des jeunes femmes équivaut environ aux trois quarts de celle des jeunes hommes. À cet effet, notons qu’en 2015, les jeunes filles comptaient pour 59,3 % des jeunes analphabètes de la Côte d’Ivoire (OECD, 2017). Les résultats du Tableau 1 sont représentés à la Figure 2.

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Tableau 1. Taux de participation des femmes et des hommes au système d’éducation en Côte d’Ivoire, par ordre d’enseignement

Ordre d’enseignement

Femmes

Hommes

Total

%

%

%

Préprimaire†

7,5

7,3

7,4

Primaire†

82,1

89,8

86,0

Secondaire†

33,4

44,5

39,0

Enseignement supérieur‡

7,5

10,8

9,2

Note. Les données répertoriées proviennent de (UIS-UNESCO, 2017). † taux nets en 2017. ‡ taux brut en 2016. À chaque ordre d’enseignement correspond un groupe d’âge. Pour la Côte d’Ivoire, le préprimaire inclut les jeunes de trois à cinq ans, le primaire les jeunes de six à onze ans, le secondaire les jeunes de 12 à 18 ans, et l’enseignement supérieur les adultes de 19 à 23 ans.

Le taux brut de participation mesure la proportion d’étudiants, tous groupes d’âge confondus, participants à un ordre d’enseignement, selon le nombre total d’individus de ce groupe d’âge. Le taux net évalue la proportion d’étudiants d’un groupe d’âge participants à un ordre d’enseignement, selon le nombre total d’individus de ce groupe d’âge.

Figure 2. Taux de participation des femmes et des hommes au système d’éducation en Côte d’Ivoire, par ordre d’enseignement

Les effectifs étudiants en Côte d’Ivoire sont résumés au Tableau 2. Les données y sont distribuées verticalement pour le total, ce qui permet d’apprécier la répartition des effectifs par ordre d’enseignement. Pour chaque ordre d’enseignement, les données sont ensuite distribuées de manière horizontale, ce qui permet d’apprécier les différences en fonction du genre. L’analyse de la distribution verticale des effectifs permet de constater que l’ordre préprimaire n’est que très peu fréquenté et que l’ordre primaire compte la majorité (63,7 %) des effectifs étudiants. Cette proportion diminue à 30,0 % pour l’ordre secondaire, et atteint 3,6 % pour l’enseignement supérieur. Prises ensemble, ces données indiquent une très faible participation des jeunes au-delà du primaire. 15


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L’analyse des distributions horizontales compare d’hommes et de femmes pour chaque ordre d’enseignement. On note que la proportion de femmes diminue progressivement dans le tableau, passant de 46,7 % pour le primaire, à 41,4 % pour le secondaire, et à 39,6 % pour l’enseignement supérieur. En outre, cette faible proportion continue de décroître lorsque l’on ventile davantage les résultats, passant des programmes courts (43,5 %), au baccalauréat (36,7 %), à la maîtrise (35,3 %), puis au doctorat (25,3 %). Ces données suggèrent d’importantes barrières systémiques limitant la participation des femmes à l’éducation et leur poursuite d’études plus avancées. Les données du Tableau 2 montrent aussi que la fréquentation de l’ETFP est marginale, comparée à celle de l’enseignement général, puisqu’elle ne compte que pour 2,1 % des effectifs totaux, et pour 6,7 % des effectifs de l’ordre secondaire. Fait à noter, la proportion de femmes à l’ETFP contraste fortement avec celle de la formation secondaire générale. En effet, la proportion de femmes est de 50,8 % au premier cycle et de 49,0 % au deuxième cycle, tandis qu’elle n’est, à la formation générale, que de 41,4 % au premier cycle et que de 38,7 % au deuxième cycle. Tableau 2. Distribution verticale des effectifs étudiants totaux de 2015, par ordre d’enseignement, et distributions horizontales des proportions de femmes et d’hommes, pour chaque ordre d’enseignement

Ordre d’enseignement Préprimaire Primaire

16

Hommes

n

%

72 007 1 574 451

Total

n

%

n

%

50,0

72 121

50,0

144 128

2,7

46,7

1 796 107

53,3

3 370 558

63,7

Secondaire

657 274

41,4

930 074

58,6

1 587 348

30,0

1er cycle général

466 892

41,4

659 986

58,6

1 126 878

21,3

2e cycle général

136 340

38,7

215 746

61,3

352 086

6,7

1er cycle ETFP

26 718

50,8

25 861

49,2

52 579

1,0

2e cycle ETFP

27 324

49,0

28 481

51,0

55 805

1,1

Enseignement supérieur

75 933

39,6

116 756

60,8

192 689

3,6

Programmes courts

33 460

43,5

43 443

56,5

76 903

1,5

Baccalauréat

32 695

37,6

54 249

62,4

86 944

1,6

Maîtrise

8 796

35,3

16 157

64,7

24 953

0,5

Doctorat

982

25,3

2 907

74,7

3 889

0,1

2 379 665

45,0

2 915 058

55,1

5 293 913

2,7

Total

Femmes

Note. Les données répertoriées proviennent de UIS-UNESCO (2017). À l’enseignement supérieur, les programmes sont répertoriés selon l’International Standard Classification of Education (ISCED) et font référence à l’ISCED 5 pour les programmes courts, à l’ISCED 6 pour le baccalauréat, à l’ISCED 7 pour la maîtrise et à l’ISCED 8 pour le doctorat.


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

À ces données sur la fréquentation, nous pouvons ajouter quelques données additionnelles sur les retombées du système d’éducation ivoirien. Seulement 36 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans ont reçu une éducation formelle (EPDC, 2018). Parmi ceux-ci, 27 % n’ont pas fait d’études primaires. Si la guerre civile permet en partie d’expliquer ces résultats (Fortune et al., 2015 ; Lolwana, 2017 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012), il n’en demeure pas moins que seulement 40 % des jeunes ivoiriens du primaire obtiennent leur CEP (Dabalen & Paul, 2014). Si l’on compare ces données à celles répertoriées par Eliou (1973 p. 32), on constate d’abord que le nombre d’étudiants total a environ quintuplé entre 1967-68 et 2016-17, soit au cours des 50 dernières années. Pour le primaire, la fréquentation a quadruplé, tandis que pour le secondaire, elle a plus que décuplé. Le saut est encore plus grand pour l’enseignement supérieur, dont les effectifs actuels sont 29 fois plus élevés qu’en 1967-68. De la même manière, le nombre d’apprenants à l’ETFP a presque triplé de 2010 à 2016. Dans cette mouvance, la proportion de femmes à l’ETFP a aussi augmenté, mais dans une moindre mesure, pour atteindre la parité avec les hommes (METFP, 2016). Si c’est résultats témoignent d’un essor remarquable, on note cependant que la proportion de femmes au secondaire à la fin des années 70 (Eliou, 1973 p. 33) demeure fort semblable à celle d’aujourd’hui, au moins au secondaire, les données des autres ordres n’étant pas disponibles. Ainsi, tandis que la Côte d’Ivoire a amélioré l’accès à son système d’éducation, elle a aussi maintenu en place les barrières structurelles bloquant l’accès et la progression des jeunes femmes dans le système d’éducation ivoirien, comme en font foi les taux de participation présentés plus haut. Ce défi s’ajoute à celui d’augmenter les taux de participation tant au primaire, qu’au secondaire et qu’à l’enseignement supérieur (voir Tableau 1).

Financement Le financement du système d’éducation ivoirien est une mosaïque où prennent part l’état, les ménages, et les agences étrangères comme la Banque Mondiale. Au Tableau 3, on constate que l’état joue un rôle proportionnel plus important que les ménages à tous les ordres d’enseignements, mais que la part des ménages augmente de manière importante à l’enseignement secondaire, où elle s’apparente à celle de l’état. Ainsi, les parents d’étudiants inscrits à l’enseignement public doivent débourser une part importante des frais liés à l’éducation de leurs enfants. Ce sous-financement de l’enseignement public fait l’affaire de l’enseignement privé (Lolwana, 2017), puisque la part supplémentaire à couvrir pour les ménages est de l’ordre de celle couverte d’emblée au secondaire. Ceci est vrai, cependant, seulement dans la mesure où les ménages en ont les moyens. En passant du primaire au secondaire, la part à couvrir passe déjà du simple au double, ce qui, pour les familles plus pauvres, rend l’accès aux études secondaires, nonobstant les 17


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concours et nonobstant la participation attendue de ces enfants au marché de l’emploi pour soutenir leurs familles, difficile, voire impossible (Akoojee, 2016 ; OECD, 2016 ; Oketch, 2007). Tableau 3. Parts estimées du gouvernement et des ménages du financement de l’éducation des étudiants en 2015, exprimées en pourcentage du produit national brut, par ordre d’enseignement

Ordre d’enseignement Préprimaire

Part estimée des ménages

% du PNB

% du PNB

0,15

n. d.

Primaire

2,04

0,64

Secondaire

1,68

1,28

1 cycle

0,94

n. d.

2 cycle

0,74

n. d.

Enseignement supérieur

1,07

0,34

er e

Part estimée du gouvernement

Note. Données estimées par UIS-UNESCO (2017).

Quant à elles, les agences étrangères offrent des aides financières importantes, mais l’aide apportée est généralement associée à des projets spécifiques ou des domaines précis, plutôt qu’à réduction générale du fardeau des ménages. Par exemple, la Banque Mondiale a augmenté de manière importante son aide à l’éducation, mais a aussi concentré cette aide à l’enseignement régulier plutôt qu’à l’ETFP, qui a vu sa part de financement diminuer drastiquement en un peu plus d’une dizaine d’années, passant de 25 % en 1984, à 3 % en 1996. Conséquemment, la Banque Mondiale a recommandé aux gouvernements bénéficiaires de diriger leurs efforts vers l’enseignement régulier (Bennell & Segerstrom, 1998). Ce pas en arrière pour le financement de l’ETFP s’appuyait sur une conception principalement néolibérale de ses retombés et du rôle de l’état. Dès lors, pour la Banque Mondiale, les états devaient laisser aux individus et à l’entreprise privée la responsabilité de développer une offre de formation qui réponde à leurs besoins (Bennell & Segerstrom, 1998). Ceci étant dit, plusieurs pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas entièrement suivi cette mouvance et ont, récemment, réinvesti dans leurs systèmes d’ETFP (Azoh, Weyer, & Carton, 2012). Ce recadrage des systèmes d’ETFP autour de logiques de marché ouvre la porte au secteur privé, pressenti comme la solution appropriée aux problèmes d’adéquation formation-emploi. Comme le constate cette étude de cas, la participation du secteur privé a plutôt exacerbé les problèmes d’adéquation existants, en plus de nuire au système public.

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Privatisation En Côte d’Ivoire, le secteur privé s’est approprié une part importante des effectifs étudiants, comme en témoignent le Tableau 4 et la Figure 3. En particulier, on note qu’environ 50 % des effectifs étudiants au secondaire, comme à l’enseignement supérieur, sont inscrits au secteur privé. Tableau 4. Proportion des effectifs étudiants inscrits au secteur privé en 2015, par ordre d’enseignement

Ordre d’enseignement

Proportion au privé %

Préprimaire

28,6

Primaire

13,3

Secondaire

52,1

1 cycle général

48,0

2e cycle général

61,9

1 cycle ETFP

n. d.

2e cycle ETFP

n. d.

Enseignement supérieur

49,3

Programmes courts

n. d.

Baccalauréat

n. d.

Maîtrise

n. d.

Doctorat

n. d.

Total

n. d.

er

er

Note. Données répertoriées par UIS-UNESCO (2017).

Figure 3. Proportion des effectifs étudiants inscrits au secteur privé en 2015, par ordre d’enseignement

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Recherche de l’Internationale de l’ Education

Le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP) a procédé, en 2016, à un recensement de ses établissements publics et privés (METFP, 2016). Les données produites permettent de compléter les informations du tableau précédent. Selon le recensement, la Côte d’Ivoire comptait, en 2016, 486 écoles privées fonctionnelles, contre 62 publiques. Ces écoles privées desservaient 64 586 apprenants, contre 43 798 apprenants au public (valeur dégagée à partir des données du Tableau 2). À partir de ces données, il est possible d’estimer la part relative des effectifs étudiants au secteur privé à l’ETFP à 60 %, ou plus de la moitié. Ce ratio ressemble à celui compilé par Smeyers (2019), qui établit la proportion d’étudiants inscrits dans des établissements privés pour leur deuxième cycle ETFP à 54 %. Le rapport ministériel constate aussi que le secteur privé a connu un important essor de 2010 à 2015, suivi d’un important recul en 2016. Le secteur public, quant à lui, a connu une croissance plus mesurée, mais soutenue. Comme mentionné précédemment, l’accès à l’éducation publique étant sévèrement restreint par le système de concours, l’accès au privé est, quant à lui, conditionné par les moyens financiers à la disposition des familles et contribue au déséquilibre entre les familles riches et pauvres du pays (Lolwana, 2017), puisque l’accès au public requiert, lui aussi, la réussite aux concours d’entrée, mais pas l’accès au privé, qui lui requiert plutôt les fonds nécessaires pour payer ses droits de scolarité. Cependant, la situation n’est pas aussi simple. L’état ivoirien, faute de places, subventionne certains établissements privés pour recevoir les étudiants en trop du public (Smeyers, 2019). Smeyers note en plus que cette subvention du privé par l’état est plus importante à l’ETFP qu’à la formation générale. Koutou & Goi Bi (2019) attribue à ces subventions l’éclosion du secteur privé qui compte, dans certaines régions, dix fois plus d’écoles que le public. Les auteurs concluent que cette mesure temporaire pour répondre à une forte hausse de la demande risque fort de devenir permanente. Nous revenons plus loin sur les enjeux de la privatisation de l’ETFP en Côte d’Ivoire.

Exode des cerveaux Si l’exode des cerveaux constitue un problème réel pour plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, il semble ne pas avoir un effet aussi notable en Côte d’Ivoire, où le taux d’émigration d’individus possédant un diplôme d’enseignement supérieur n’est que de 6,2 %, pourcentage bien en deçà de celui de son voisin le Ghana, qui montre un taux de 44,7 % (World Bank, 2017). Environ la moitié de l’importante immigration que connaît l’Afrique demeure sur le continent. La Côte d’Ivoire est un des pays de choix pour les immigrants africains (Ehrhart, Le Goff, Rocher, & Singh, 2014). De la même manière, la Côte d’Ivoire se classe avantageusement par rapport aux autres pays, arrivant au 49ème rang mondial pour sa capacité à retenir ses talents et 41ème pour sa 20


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

capacité à attirer les talents (Schwab, 2014). Néanmoins, 31 % des émigrants ivoiriens sont hautement scolarisés et le taux d’émigration des médecins est estimé à 11 % (Devillard, Bacchi, & Noack, 2015).

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Spécificités de l’enseignement technique et de la formation professionnelle en Côte d’Ivoire Les sections suivantes explorent plusieurs dimensions de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Pour rappel, les résultats présentés sont issus de trois sources : une revue de littérature, un sondage auprès des travailleurs de l’ETFP, une vingtaine d’entrevues sur le terrain, et une dizaine de visites d’établissements.

Gouvernance, financement, et situation générale Toutes les réformes annoncées de l’ETFP n’ont pas connu d’applications effectives eu égard aux changements des ministres et dirigeants de ce secteur de l’éducation, ou parfois la suppression ou la fusion à l’enseignement général, dont les dirigeants ne connaissent pas l’ETFP et prennent des décisions qui ne sont pas applicables sur le terrain. ―Participants

L’ETFP est géré par le Secrétariat d’État chargé de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Ce secrétariat est sous la gouverne du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle (MENETFP). Ce ministère est né de la fusion récente du ministère de l’Éducation nationale (MEN) et de celui de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP). Cette fusion récente surprend, dans la mesure où le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle (METFP) n’a été reconstitué que tout récemment, c’est à dire en janvier 2016 (METFP, 2016). De telles réorganisations sont cependant courantes et semblent se succéder périodiquement (Atchoarena et al., 2001). Durant sa récente courte existence, le METFP procéda à une évaluation critique de l’état de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Les défis à relever étaient : • l’existence de programmes ne répondant pas aux besoins du marché de l’emploi ; • la désuétude et le délabrement des équipements et bâtiments ; • la couverture du territoire de l’offre de formation audelà des grands centres urbains ; • l’absence de femmes, plus particulièrement dans les programmes autres que ceux dits « pour femmes ; » • le manque de formation initiale et continue des enseignants ; 22


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

• l’instabilité du système d’organisation et de gouvernance de l’ETFP ; • l’absence de mécanismes de communication et de collaboration entre l’ETFP, le gouvernement, les associations professionnelles, et l’entreprise ; • le manque d’intérêt pour des programmes de formation ciblant le secteur informel, en particulier l’agriculture et l’artisanat ; • le manque d’arrangements favorisant l’accès et la persévérance de groupes en difficulté, plus particulièrement les individus souhaitant retourner à l’école et les femmes ; • les carences en équipements informatiques ; et • l’insuffisance de financement public (METFP, 2016).

Le rapport mentionne des réformes à vernir guidées par une vision où : « le nouveau système d’ETFP doit concourir à l’édification de l’Ivoirien nouveau en apportant à chaque citoyen la connaissance, la compétence, l’innovation, la discipline et la compétitivité lui permettant de stimuler l’économie nationale, à travers un dispositif favorisant la formation tout au long de la vie » (METFP, 2016, p. 37). Le plan décrit dans le rapport a pour ambition supplémentaire d’inclure plus efficacement « les femmes, les jeunes en situation de scolarité, les analphabètes, les jeunes déscolarisés, les sans-emploi, les personnes handicapées, les jeunes à risques, les travailleurs des entreprises et du secteur informel » (METFP, 2016, p. 95). Pour ce faire, le ministère misait sur une approche intégrée, mettre l’accent sur l’employabilité, et harmoniser ressources et ambitions, et définissait sept axes stratégiques : 1. renforcir le partenariat entre l’ETFP et l’entreprise de manière à améliorer l’insertion en milieu de travail ; 2. améliorer les capacités d’accès, de formation, de progression, et de rétention des établissements de l’ETFP ; 3. adapter et diversifier l’offre courante de formation eu égard aux besoins de l’entreprise et aux besoins des apprenants ; 4. améliorer la reconnaissance des acquis, en particulier ceux nés de l’expérience, et l’intégrer au cadre de certification de l’ETFP ; 5. réformer la structure de gouvernance des établissements de l’ETFP en augmentant à la fois leurs pouvoirs décisionnels et leurs responsabilités ; 6. améliorer et augmenter l’encadrement du secteur privé ; 7. améliorer le financement de l’ETFP, en particulier en assurant un meilleur accès aux ressources déjà existantes liées à des taxes spéciales du milieu de l’entreprise et la mobilisation de bailleurs de fonds extérieurs.

Après la fusion du MEN et du METFP, la responsabilité des réformes annoncées a été transférées au Secrétariat d’État chargé de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. 23


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L’ETFP a un très faible budget et souffre d’une grande instabilité institutionnelle. Tantôt ministère, l’ETFP, en fonction de l’humeur des gouvernants, est scindé en deux : l’enseignement technique dans un département ministériel, et la formation professionnelle dans un autre. Ce qui fait qu’il n’y a pas de politique cohérente dans le secteur. Les décideurs continuent de regarder l’ETFP comme la poubelle de l’éducation. ―Participant

Ce changement structurel est vu comme un pas dans la mauvaise direction par les acteurs interviewés. À tout le moins, il laisse à penser que les priorités du gouvernement ont changé rapidement et que l’ETFP n’est plus considérée comme une priorité. Alors que certains pays, comme le Botswana, ont installé un ministère chargé uniquement de l’ETFP (Oketch, 2017), la Côte d’Ivoire, elle, va dans le sens contraire. Aux dires des participants, ce changement constitue un revers important, non seulement pour le développement, mais pour le maintien même de l’ETFP. En effet, de l’avis des participants, la formation générale et l’ETFP opèrent selon des logiques financières opposées. À la formation générale, l’accent est mis sur le développement de connaissances théoriques, il est possible de grouper les étudiants en grands groupes et de ne pourvoir les enseignants que de moyens d’enseignement limités, par exemple des manuels, des tableaux et des craies. Nul cas pour l’ETFP, où l’accent est mis sur le développement de compétences techniques qui requièrent l’accès à des équipements qui rappellent ceux utilisés sur le marché du travail. Qui plus est, l’apprentissage exigeant un contact plus direct et prolongé avec le matériel, les étudiants ne peuvent aisément être groupés en grands nombres, à l’instar de l’enseignement général. Ces différences s’additionnent et se traduisent par une énorme différence entre les coûts par étudiant de la formation générale et ceux de l’ETFP. Or, puisque le même ministère pourvoit les deux systèmes d’enseignement en utilisant une formule de financement par étudiant, l’ETFP ne peut que sortir perdant. Les établissements publics sont gérés par des administrateurs qui relèvent du Ministère. Ces administrateurs sont sélectionnés par le biais de concours, pratique qui reflète les concours utilisés par le système scolaire ivoirien. Ces concours comportent des composantes écrites, comme la rédaction de dissertations, et des présentations orales. Ces concours privilégient la formation scolaire et les habiletés déjà célébrées par le système scolaire ivoirien, tandis qu’elles dénigrent l’expérience de travail, voire l’expérience de gestion, ou, pire, les réalisations antérieures. Ceci étant dit, les concours demandent d’abord d’avoir atteint des positions administratives intermédiaires, comme censeur. Malgré cela, le système de promotion ivoirien donne l’impression que les habiletés dites classiques sont mieux à même de prédire la réussite des nouveaux administrateurs d’établissements, plutôt que 24


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

les résultats obtenus dans les rôles précédents. Aussi, comme nous l’avons mentionné plus tôt, le système scolaire ivoirien reproduit les inégalités de la société ivoirienne. Le système de promotion agit de la même manière. Plusieurs participants ont critiqué ce mode d’organisation. Certains considèrent que plusieurs nominations ne suivent pas les règles et suggèrent que le népotisme et la corruption jouent un rôle important lorsque vient le moment de sélectionner les administrateurs passant les concours. On doit changer la mauvaise gestion des budgets de fonctionnement alloués aux écoles de formation et surtout faire disparaitre la corruption au sein de l’organisme responsable de l’ETFP. ―Participant

Une autre critique avancée par les participants est que le système ne responsabilise pas les administrateurs. En effet, ceux-ci ne sont redevables que devant leur ministre. Ainsi, les problèmes de détournements de fonds ou, plus simplement, de mauvaise gestion deviennent difficiles à régler lorsqu’un administrateur a l’appui de son ou de sa ministre. À titre d’exemple, lors de la rentrée scolaire de 2018, plusieurs établissements débutèrent les cours avec plusieurs semaines de retard, en raison de ratées du système d’inscriptions informatisé. Seules quelques écoles prirent alors les moyens d’assurer la prestation de cours, tandis que la plupart des écoles décidèrent tout simplement de rayer ces jours du calendrier. Ce problème de responsabilisation a été constaté par le gouvernement, qui évalue la possibilité de revoir le système de gouvernance des établissements publics de l’ETFP de manière à accroître la responsabilité des administrateurs d’établissements. Le modèle de gouvernance suggéré remplace le ou la ministre par un conseil d’administration pour chaque établissement, chargé, entre autres, de superviser la gestion des ressources dévolues aux établissements. À ce jour, des projets pilotes sont mis en place. Ce changement important redonne aux établissements une part d’autonomie et va dans le sens de reconnaître que chaque établissement fait face à des réalités différentes, qui demandent des solutions différentes, en plus de responsabiliser davantage les administrateurs locaux. En plus, le nouveau système de gouvernance recadre les problèmes locaux pour les placer au centre des préoccupations administratives.

Visées, réussites, et ressources De nombreux auteurs suggèrent que l’objectif premier de l’ETFP est de fournir à ses participants des habiletés ayant de la valeur pour le marché de l’emploi (AFDB-OECD, 2008 ; Akoojee, 2016 ; Lolwana, 2017 ; Oketch, 2007, 2007). Cependant, d’entrée de jeu, il nous faut clarifier, qu’encore aujourd’hui, le rôle de l’ETFP dans le développement des pays de l’Afrique de l’Ouest n’est pas entièrement compris, ni reconnu, le faible soutien des états en faisant 25


Recherche de l’Internationale de l’ Education

foi (Lolwana, 2017). Si de nos jours les pays d’Afrique montrent un intérêt renouvelé pour l’ETFP (Azoh et al., 2012), il n’en a pas toujours été de même (Bennell & Segerstrom, 1998 ; Oketch, 2007). Les investissements récents, compte tenu de l’absence prolongée d’investissements passés, demeurent bien minces pour combler les besoins accumulés par des décennies de sousfinancement. Compte tenu du bas niveau d’alphabétisation et de notre faible économie nationale, l’enseignement technique et la formation professionnelle devraient permettre à chaque citoyen, en fonction de son niveau d’instruction, de contribuer à la construction du tissu économique de notre pays, tout en assurant à chacun une activité génératrice de revenus. ―Participant

En Côte d’Ivoire, aux dires des participants aux entretiens, l’enjeu de l’ETFP est de donner les moyens à la jeunesse de s’intégrer dans la société par le biais de l’emploi. N’ayant pas d’emplois stables, ces jeunes adultes sont pris en charge par leurs familles et passent la majeure partie de leur temps dans une oisiveté ne générant pas de revenus supplémentaires pour ces familles, ce qui accentue leur niveau de pauvreté. Dans les meilleurs des cas, ces jeunes parviennent à trouver des petits emplois temporaires comme revendeurs de rue itinérants. Pour les familles, pour les individus, et pour la société ivoirienne, un enjeu crucial est de canaliser correctement l’énergie et la créativité de la jeunesse au-delà du commerce de détail ou de la participation saisonnière aux activités agricoles, et loin de la criminalité. Une mise en œuvre adéquate de l’ETFP peut jouer un rôle majeur dans ce sens. Un sondage distribué aux travailleurs de l’ETFP a permis de recueillir leurs perceptions sur l’ETFP en Côte d’Ivoire. Leurs perceptions des buts de l’ETFP sont résumées au Tableau 5. On y constate que la grande partie des buts mentionnés par l’étude furent jugés assez ou très importants. On y note aussi que la plupart de ces buts se rapportent à des dimensions davantage sociales et développementales qu’économiques ou pragmatiques. Ceci étant dit, le but ayant obtenu le résultat le plus élevé fut de répondre aux besoins actuels des employeurs (M = 3,87). Ce résultat renforce un des constats émergeant des entretiens réalisés sur le terrain, à savoir que le discours martelant que l’adéquation formation-emploi doit être la priorité de l’ETFP, discours que la présente étude replace dans un contexte plus large, a profondément imprégné, teinté, et limité la manière dont les acteurs de l’ETFP conçoivent leur rôle. On peut être surpris du peu de cas fait de l’importance de soutenir l’égalité entre les sexes (M = 2,98), d’autant plus que les entretiens sur le terrain ont montré à quel point les femmes profitent d’études techniques ou de formations professionnelles. En effet, plusieurs participants ont mentionné que les femmes ayant une certification de l’ETFP sont davantage en mesure 26


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

de choisir leurs partenaires et d’être traitées davantage comme un égal par leur mari. La teneur de ces propos, de même que les résultats du sondage, montrent qu’il y a encore place à amélioration. Tableau 5. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, décrivant l’importance perçue des buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 44) M

(ÉT)

4

3,85

(0,36)

Préparer ses étudiants pour leur rôle de travailleur

4

3,82

(0,39)

Répondre aux besoins actuels des employeurs

4

3,87

(0,34)

Répondre aux besoins futurs des employeurs

4

3,56

(0,59)

Déterminer les besoins à venir dans les lieux de travail

4

3,11

(0,84)

Répondre aux besoins éducationnels des communautés défavorisées

4

3,48

(0,58)

Soutenir les individus provenant des communautés défavorisées à obtenir de bons emplois

4

3,29

(0,84)

Soutenir la croissance économique

4

3,71

(0,51)

Faire de ses étudiants des citoyens actifs dans leur communauté et dans leur société

Soutenir le développement durable

4

3,64

(0,55)

Soutenir l’inclusion sociale

4

3,53

(0,69)

Soutenir l’égalité entre les sexes

4

2,98

(0,78)

Offrir aux étudiants l’opportunité de progresser vers des niveaux d’études supérieurs

4

3,54

(0,62)

Offrir aux étudiants l’opportunité de progresser vers des niveaux de travail supérieurs

4

3,56

(0,59)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = pas important, 2 = peu important, 3 = assez important, 4 = très important.

Ces objectifs sont très importants pour l’ETFP parce qu’ils sont le socle même d’un développement durable, le moyen d’établissement d’un équilibre social, et le moyen d’éradiquer la pauvreté, les inégalités sociales, et le banditisme. En somme, ces objectifs sont la solution aux fléaux qui minent notre monde d’aujourd’hui et de demain. ―Participant

Les résultats changent un peu lorsqu’on demande aux participants non pas de donner leur opinion sur l’importance de chacun des buts, mais plutôt de choisir les trois buts les plus importants selon eux. Le Tableau 6 présente les 27


Recherche de l’Internationale de l’ Education

résultats de cet exercice. On y constate que le but le plus fréquemment choisi est de former des citoyens actifs dans leur communauté et dans leur société, suivi de celui de répondre aux besoins actuels des employeurs. Tableau 6. Nombre et pourcentage des participants qui sélectionnèrent chacun des buts de l’ETFP parmi leurs trois plus importants

Échelle

Participants (n = 44) M

(ÉT)

Faire de ses étudiants des citoyens actifs dans leur communauté et dans leur société

29

70,7 %

(0,36)

Préparer ses étudiants pour leur rôle de travailleur

14

34,1 %

(0,39)

Répondre aux besoins actuels des employeurs

22

53,7 %

(0,34)

Répondre aux besoins futurs des employeurs

10

24,4 %

(0,59)

Déterminer les besoins à venir dans les lieux de travail

5

12,2 %

(0,84)

Répondre aux besoins éducationnels des communautés défavorisées

5

12,2 %

(0,58)

Soutenir les individus provenant des communautés défavorisées à obtenir de bons emplois

6

14,6 %

(0,84)

Soutenir la croissance économique

8

19,5 %

(0,51)

Soutenir le développement durable

9

22,0 %

(0,55)

Soutenir l’inclusion sociale

5

12,2 %

(0,69)

Offrir aux étudiants l’opportunité de progresser vers des niveaux d’études supérieurs

6

14,6 %

(0,78)

Offrir aux étudiants l’opportunité de progresser vers des niveaux de travail supérieurs

4

9,8 %

(0,62)

Ayant analysé l’importance relative des buts de l’ETFP pour ses travailleurs, il est utile de comparer ces résultats avec leur perception des succès de l’ETFP pour ces mêmes buts. Le Tableau 7 rapporte ses résultats. Les résultats les plus faibles furent obtenus pour les énoncés se référant au soutien du développement durable (M = 2,13), de l’inclusion sociale (M = 2,18), et du progrès des étudiants vers des emplois de niveaux supérieurs (M = 2,10). Ce dernier résultat est plutôt troublant, d’autant plus que la perception de réussite la plus élevée fut obtenue pour la préparation des étudiants pour leur rôle de travailleur (M = 2,85). Ces deux résultats combinés suggèrent que l’ETFP se concentre davantage sur les besoins immédiats, mais sans tenir 28


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

suffisamment compte du développement complet et futur de ses étudiants. Dans l’ensemble, la perception des succès de l’ETFP est bien en deçà de celle de leur importance. En d’autres mots, les participants indiquèrent que les résultats ne sont pas à la mesure des attentes. Tableau 7. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, décrivant le niveau de succès perçu pour chacun des buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 39) M

(ÉT)

L’ETFP réussit à faire de ses étudiants d’actifs citoyens

4

2,57

(0,82)

L’ETFP réussit à préparer ses étudiants pour leur rôle de travailleur

4

2,85

(0,76)

L’ETFP réussit à répondre aux besoins actuels des employeurs

4

2,45

(0,86)

L’ETFP est capable de répondre aux besoins en éducation des communautés défavorisées

4

2,45

(0,93)

L’ETFP réussit à soutenir l’apprentissage des étudiants

4

2,63

(0,86)

L’ETFP réussit à soutenir la croissance économique

4

2,30

(0,84)

L’ETFP réussit à soutenir le développement durable

4

2,13

(0,95)

L’ETFP réussit à soutenir l’inclusion sociale

4

2,18

(0,88)

L’ETFP réussit à soutenir l’égalité entre les sexes

4

2,36

(0,85)

L’ETFP réussit à soutenir le progrès des étudiants vers des niveaux d’études supérieurs

4

2,32

(0,86)

L’ETFP réussit à soutenir le progrès des étudiants vers des emplois de niveaux supérieurs

4

2,10

(0,89)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = pas du tout, 2 = un peu, 3 = modérément, 4 = largement.

Figure 4. Affiche sur le babillard d’une centrale syndicale, faisant la promotion de l’éducation des jeunes femmes (Photo : Lavigne, 2018)

29


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Une réussite importante de l’ETFP, dévoilée lors des visites et survolée plus haut, est le changement d’attitude au sujet des femmes et du rôle libérateur joué par le travail et la formation pour le travail. En effet, de l’avis de plusieurs participants, les femmes poursuivant des études à l’ETFP le font souvent avec pour objectif d’améliorer leur sort. Leur formation leur donne de meilleures chances d’obtenir un emploi de qualité et, ainsi, de participer plus avantageusement à la vie familiale, de même que d’avoir davantage de choix concernant leur vie conjugale. Malgré tout, on note que les femmes fréquentent encore dans une très large mesure des programmes dits « féminins » malgré le fait que des efforts ont été faits, par exemple des bourses plus avantageuses, pour recruter davantage de femmes dans des programmes non traditionnels. Des retombées semblables sont mentionnées par d’autres chercheurs (Justine, Martine, & Daniel, 2011). Ayant exploré les perceptions des participants quant aux visées et réussites de l’ETFP, nous explorons maintenant les perceptions des participants sur les ressources disponibles, encore une fois en relation avec les mêmes buts que ceux énoncés auparavant. L’ETFP en Côte d’Ivoire n’est pas vraiment une priorité gouvernementale. Le budget de l’ETFP demeure très très faible. Un lycée professionnel a le même budget qu’un lycée d’enseignement général, ce qui est une contradiction, car l’ETFP coûte très cher. L’enseignement technique et professionnel supérieur reste la chasse gardée des écoles privées peu équipées. L’État ne s’engage pas à se donner des moyens pour assumer son régalien en matière d’éducation et de formation. ―Participants

Le Tableau 8 présente les perceptions des participants quant aux ressources disponibles pour atteindre les buts de l’ETFP. De manière générale, les résultats témoignent de perceptions généralement négatives, avec des moyennes se situant entre « en désaccord » et « ni en accord ni en désaccord » avec les énoncés décrivant les ressources disponibles. De tels résultats suggèrent d’importants problèmes de sous-financement. Fait surprenant, le résultat le plus élevé est obtenu pour les ressources à même de soutenir l’égalité entre les sexes (M = 3,24). Rappelons que ce but avait été jugé comme un des moins importants au Tableau 5. De fait, ces deux résultats combinés renforcent le sentiment que la Côte d’Ivoire est bien en retard sur la question de l’égalité des sexes, malgré quelques résultats prometteurs.

30


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Tableau 8. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les ressources disponibles en lien avec les buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 37) M

(ÉT)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour faire de ses étudiants des citoyens actifs

5

2,56

(1,22)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour préparer ses étudiants pour leur rôle de travailleur

5

2,71

(1,14)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour répondre aux besoins actuels des employeurs

5

2,45

(1,11)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour répondre aux besoins éducationnels des communautés défavorisées

5

2,66

(1,17)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir les individus provenant de communautés défavorisées à obtenir de bons emplois

5

2,58

(1,05)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir la croissance économique

5

2,77

(1,19)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir le développement durable

5

2,32

(1,11)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir l’inclusion sociale

5

2,73

(1,12)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir l’égalité entre les sexes

5

3,24

(0,95)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir le progrès de ses étudiants vers des niveaux d’études supérieurs

5

2,86

(1,18)

L’ETFP a les ressources nécessaires pour soutenir le progrès de ses étudiants vers des emplois de niveaux supérieurs

5

2,76

(1,06)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = ni en accord ni en désaccord, 4 = en accord, 5 = fortement en accord.

Pour fin de comparaison, la Figure 5 présente les résultats des tableaux précédents, ramenés sur une échelle à quatre niveaux, et résume les perceptions des participants quant à l’importance, la réussite, et les ressources disponibles pour chacun des buts de l’ETFP. Les résultats montrent qu’il y a un fort écart entre les perceptions de l’importance des buts et de leur degré de réussite. Ensuite, les perceptions quant aux ressources disponibles sont en relation avec celles sur la réussite, suggérant que, de l’avis des participants, le sous-financement de l’ETFP va de pair avec ses résultats mitigés. Fait surprenant, les résultats concernant l’égalité entre les sexes ne suivent pas du tout ceux des autres buts, suggérant ici de fortes différences d’opinions 31


Recherche de l’Internationale de l’ Education

quant à la pertinence même de considérer l’égalité des sexes comme étant problématique, puisqu’elle n’est pas valorisée dans la même mesure ni ne présente les mêmes écarts entre visées, réussites, et ressources.

Figure 5. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à quatre niveaux, avec des énoncés décrivant l’importance, le niveau de succès, et les ressources disponibles en lien avec les buts de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Valorisation Si les perceptions sur les ressources de l’ETFP semblent négatives, elles demeurent tout de même plus élevées que celles sur sa situation. En effet, comme l’indique le Tableau 9, les résultats obtenus pour les énoncés décrivant la situation générale de l’ETFP en Côte d’Ivoire varient, pour la plupart, entre « fortement en désaccord » et « en désaccord. » Le score le plus bas est obtenu pour la perception de financement stable (M = 1,68). Aussi, les standards ne sont pas perçus comme élevés (M = 2,18). Pire, ils sont modestement perçus comme étant remis en question (M = 3,30). Quant aux compétiteurs potentiels de l’ETFP, sa privatisation est perçue comme une menace (M = 2,18), tandis que l’université ne l’est pas (M = 3,75). Rappelons cependant que l’enseignement régulier suit des parcours qui ne chevauchent pas ceux de l’ETFP. À cet égard, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas de compétition apparente entre ces deux parcours. Finalement, les participants au sondage considèrent que le gouvernement ne valorise pas l’ETFP (M = 2,16), ni ne l’inclut dans sa planification (M = 2,09), ni ne lui reconnaît une autonomie adéquate (M = 2,12).

32


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Tableau 9. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant l’état de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 32) M

(ÉT)

5

2,18

(0,97)

L’ETFP est valorisé dans la même mesure que l’université dans mon pays

5

1,79

(0,73)

Les institutions de l’ETFP sont assurées d’un financement stable

5

1,68

(0,90)

Les institutions publiques de l’ETFP sont adéquatement financées

5

1,74

(0,96)

La privatisation de l’ETFP dans mon pays n’est pas une menace pour les institutions publiques de l’ETFP

5

2,18

(1,31)

La qualité et les standards de l’ETFP sont élevés

5

2,18

(1,03)

La qualité et les standards de l’ETFP sont remis en question

5

3,30

(1,16)

Le gouvernement valorise les institutions de l’ETFP dans mon pays

5

2,16

(0,85)

Le gouvernement inclut les institutions de l’ETFP lorsqu’il planifie l’avenir de l’ETFP dans mon pays

5

2,09

(0,95)

Les institutions de l’ETFP dans mon pays sont autonomes pour la mise en œuvre de leur mission

5

2,12

(1,15)

L’ETFP n’est pas en compétition avec les universités pour le recrutement d’étudiants

5

3,75

(1,05)

Les institutions publiques de l’ETFP ne sont pas en compétition avec les institutions privées de l’ETFP pour le recrutement d’étudiants

5

3,41

(1,31)

Il y en a suffisamment d’occasions pour les étudiants du secondaire de deuxième cycle de poursuivre des études à l’ETFP

5

2,91

(1,22)

Les étudiants du secondaire de deuxième cycle ne devraient pas poursuive des études à l’ETFP après la fin de leurs études

5

1,88

(0,99)

L’ETFP est hautement valorisé dans mon pays

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = ni en accord ni en désaccord, 4 = en accord, 5 = fortement en accord.

33


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Figure 6. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la valorisation et l’état des standards de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Figure 7. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les relations entre le gouvernement et l’ETFP en Côte d’Ivoire

Figure 8. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la privatisation de l’ETFP en Côte d’Ivoire

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Le peu de valorisation de l’ETFP, de la part de la société comme de celle des décideurs, a régulièrement été soulevé lors des entrevues sur le terrain. De nombreux participants jugent que son rôle et sa valeur ne sont pas reconnus adéquatement, ce qui nuit non seulement à l’ETFP, mais surtout aux jeunes, qui choisissent de persévérer dans un système sans débouchés, faute d’alternative valable à leurs yeux. Les gouvernants ont relégué l’ETFP au dernier rang de leurs soucis. Le résultat : les équipements ne suivent pas et les diplômés restent au chômage. ―Participants

En effet, comme nous l’avons mentionné précédemment, la formation générale constitue la seule voie vers des emplois au gouvernement, de même que dans de nombreuses grandes institutions. Ainsi, les meilleurs emplois, les emplois les plus stables, les meilleurs salaires sont fournis par l’état et les grandes entreprises au seuil d’études classiques et prestigieuses. Cependant, n’entre pas qui veut. Le nombre de places à l’éducation régulière est limité et régi par des concours d’entrée qui favorisent ceux qui ont les moyens de se procurer la meilleure éducation, incluant les activités culturelles, les tuteurs, les écoles d’été, et autres, sans parler des problèmes de corruption. De plus, le nombre de places en emploi a diminué fortement depuis que la taille de l’état s’est stabilisée et que les premières cohortes d’employés demeurent encore en poste. Dès lors, l’éducation générale attire plus d’étudiants qu’elle ne devrait, dans la mesure où les débouchés demeurent réservés qu’à un petit nombre d’élus. Pour plusieurs étudiants, une éducation ciblant davantage l’emploi serait sans nul doute plus avantageuse, mais seulement dans la mesure où celle-ci peut mener vers des études supérieures. Ainsi, le double problème du système ivoirien est qu’il valorise une éducation aux débouchés incertains, tandis qu’il cloisonne l’ETFP à un rôle terminal qui ne donne que peu de chances aux étudiants de reconnecter à des études plus générales ou supérieures, puisque la grande majorité de ses parcours débouchent seulement sur le marché de l’emploi. La section suivante explore ces questions plus avant.

Approches pédagogiques Dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, les parcours traditionnels, comme le travail d’apprentis et la formation en milieu de travail, offrent à leurs participants l’occasion de développer des habiletés utiles pour intégrer le marché de l’emploi (Akoojee, 2016 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012). Dans le secteur informel, il n’est pas rare de voir les apprentis payer pour leur formation, accepter un salaire moindre pendant leur période de formation (Nordman & Pasquier-Doumer, 2012), ou ne pas être payés du tout (Viti, 2005). L’apprentissage en milieu de travail peut prendre plusieurs formes : 35


Recherche de l’Internationale de l’ Education

l’apprentissage par alternance, le stage en entreprise, et la formation continue, et les activités de recherche et de développement (Aska, 2000). Cette section explore ces approches pédagogiques. L’apprentissage par alternance constitue la plus ancienne forme d’apprentissage en milieu de travail employée en Afrique et est utilisée depuis 1977 en Côte d’Ivoire (Aska, 2000). L’apprentissage par alternance permet aux étudiants de passer de la salle de cours à l’entreprise, et vice versa, pour des périodes de temps fixes allant de quelques jours à quelques mois. Les étudiants voient ainsi rapidement les applications pratiques des connaissances présentées en classe, les mettent en application, et se familiarisent avec la réalité du travail. Cette méthode exige cependant des fonds qui doivent être collectés auprès des entreprises et redirigés vers les établissements participants, ce qui nécessite une réglementation claire sur la nature du travail à procurer aux étudiants et une bonne connaissance des possibilités et limites de chacun, trois conditions qui ont souvent fait défaut en Afrique (Aska, 2000). Les stages en entreprises, eux, sont organisés par les établissements d’enseignement qui ajoutent un séjour en milieu de travail à la fin du parcours scolaire de leurs finissants. Ces stages permettent aux étudiants d’appliquer leurs apprentissages et de se familiariser avec le milieu du travail, mais, contrairement à l’apprentissage par alternance, ces séjours en entreprise n’informent pas, à leur tour, la formation scolaire des étudiants, puisque ces stages ont lieu en fin de parcours. S’ils demeurent plus faciles à organiser que l’apprentissage par alternance, les stages en entreprises requièrent néanmoins une bonne coordination entre les établissements d’enseignement et l’entreprise, ainsi que le maintien d’une liste des entreprises apte à recevoir les finissants. Dans un contexte de croissance des effectifs ou d’un resserrement économique, les établissements scolaires auront davantage de difficultés à procurer à leurs étudiants des stages de qualité, mais cela est aussi vrai pour l’apprentissage par alternance (Aska, 2000).

Figure 9. Étudiants dans un laboratoire de mécanique d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

36


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

L’apprentissage en milieu de travail ne cible pas directement les étudiants lors de leur parcours scolaire, mais les individus ayant quitté l’école. Il comprend les activités de formation continue et de recyclage, pour lesquels la Côte d’Ivoire impose des taxes spéciales aux entreprises (METFP, 2016). Ces activités sont généralement mises en œuvre en partenariats étroits avec l’entreprise, du moins lorsqu’elles visent la mise à jour des connaissances pratiques (Aska, 2000). Si l’apprentissage en milieu de travail semble prometteur, il est cependant difficile à mettre en œuvre puisqu’il requiert un niveau élevé de coordination entre les acteurs pour son développement, son organisation, sa mise en œuvre, et son évaluation. Cette capacité de coordination profite de règles claires au sujet des rôles et responsabilités de chacun et d’une volonté réelle de coopérer, volonté favorisée par l’identification d’intérêts communs. Or, ces deux conditions font défaut en Afrique, où la réglementation est soit inexistante, soit insuffisante, soit changeante, et où l’école vise le développement de savoirs et de savoir-faire, tandis que l’entreprise recherche la maximisation du profit plutôt que la formation complète des travailleurs (Aska, 2000). Finalement, les activités de recherche et de développement relient entre elles les instituts de recherche et l’entreprise et permettent le développement d’une main-d’œuvre technique spécialisée. Si ces activités demeurent prometteuses, et si la Côte d’Ivoire s’est dotée d’instituts polytechniques et de chercheurs, ces activités de pointe demeurent cependant rares, en partie parce qu’un grand nombre d’entreprises à même de participer à de telles activités ne sont pas situées en Côte d’Ivoire et choisissent plutôt de développer des partenariats de recherche avec les institutions de leur port d’attache (Aska, 2000). Les tâches de l’enseignant en général ne varient pas. Les programmes restent les mêmes pendant qu’on essaie chaque fois de changer d’approche pédagogique. ―Participant

La Côte d’Ivoire opère en ce moment un important changement de cap en ce qui a trait à ses méthodes pédagogiques. Les entrevues auprès des acteurs de l’ETFP ont permis de constater que la formation de ses futurs enseignants s’éloigne de la pédagogie par objectif pour plutôt se centrer autour d’une pédagogie par compétence (APC). Ainsi, les cours dispensés par l’Institut pédagogique national de l’enseignement technique et professionnel (IPNETP) s’inspirent dorénavant du mouvement qui a traversé l’Europe francophone puis le Québec pour réformer ses méthodes pédagogiques. Les enseignants de l’ETFP ne reçoivent pas une formation continue après la formation initiale pédagogique. Ils sont livrés à eux même sur le terrain sans encadrement de l’inspection pédagogique. ―Participant

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Recherche de l’Internationale de l’ Education

Figure 10. Étudiant effectuant un travail pratique de soudure à l’extérieur d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

La Côte d’Ivoire explore aussi la possibilité d’intégrer plus avant une alternance entre l’école et le monde du travail. Ce faisant, elle fait face aux difficultés mentionnées précédemment qui, ici aussi, agissent comme obstacles. De plus, il n’est pas certain que les ressources nécessaires pour une mise en œuvre adéquate de l’alternance soient au rendez-vous, tandis que le degré de participation des entreprises demeure encore à négocier. Ainsi, comme pour d’autres thèmes abordés dans cette étude, le rôle de l’entreprise et ses responsabilités citoyennes reviennent à l’avant-scène. L’enjeu est crucial, si l’on souhaite que le développement de l’entreprise se fasse de concert avec celui de la société, et il revient au gouvernement d’établir clairement les rôles et responsabilités de l’entreprise dans la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, non seulement pour ici et maintenant, mais aussi pour demain (Wheelahan, Moodie, Lavigne, & Samji, 2018). 38


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Établissements et équipements Pour rappel, la Côte d’Ivoire recensait, en 2016, 62 établissements publics desservant une population estimée à 43 798 étudiants, et 486 établissements privés desservant 64 586 apprenants (METFP, 2016). Les domaines de spécialisations incluent la construction, l’électricité et l’électronique, l’hôtellerie et le tourisme, l’imprimerie, l’informatique, la soudure industrielle, la pêche, et la cosmétique (AFDB-OECD, 2008). Ces programmes ne sont pas offerts partout en Côte d’Ivoire et plusieurs programmes ne sont offerts que dans des régions bien précises, généralement pour répondre à des besoins locaux. Ceci étant dit, les grandes villes, en particulier Abidjan et Baouké, comptent un grand nombre de programmes (AFDB-OECD, 2008).

Figure 11. Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

Gbato (2016) rapporte que les établissements de l’ETFP en Côte d’Ivoire sont dans un état lamentable. La plupart ont été construits avant 1980 et leurs infrastructures, de même que leurs équipements, n’ont pas été proprement maintenus. De la même manière, il note que les programmes d’études datent, et que les liens avec l’entreprise se sont détériorés. Ces constats sont repris par d’autres chercheurs, qui mentionnent en plus le coût élevé des équipements et des infrastructures, en particulier lorsque ventilés par étudiant (Bero, 2018 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012 ; Oketch, 2007). La visite de plusieurs établissements a permis de confirmer ces constats, du moins pour la majorité des établissements visités. Les problèmes liés aux équipements sont multiples et minent la capacité de l’EFTP à jouer son rôle. Ces problèmes incluent le nombre d’équipements, leur entretien, leur état de fonctionnement, leur désuétude, l’accès aux matières premières utilisées de concert avec les équipements, et la capacité des enseignants à les utiliser. 39


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Le manque d’équipements et de salles spécialisés impacte fortement l’aboutissement vers des emplois de niveaux équivalents. ―Participant

Figure 12. Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

Dans la plupart des établissements visités, les équipements nécessaires à la formation des étudiants n’étaient pas disponibles en nombre suffisant. Soit l’enseignant disposait d’un seul dispositif, soit il n’y avait qu’un appareil par groupe de quatre étudiants ou plus. Aux dires des participants, les équipements ont plusieurs décennies et leur nombre diminue au fur et à mesure qu’ils tombent en panne, faute d’entretien adéquat, et ne sont pas réparés. Dans certains cas, la situation est telle qu’il n’y a plus d’équipements disponibles pour les étudiants, ce qui force les enseignants à retourner vers la formation théorique au tableau ou vers les simulations ou vidéoclips disponibles sur Internet. Les programmes n’étant pas adaptés aux techniques modernes, les équipements ne suivant pas, le travail des enseignants est difficile. ―Participant

L’âge vénérable des équipements de plusieurs établissements de l’ETFP suggère qu’ils sont aussi vraisemblablement désuets, puisqu’ils datent souvent d’une trentaine, voire d’une quarantaine d’années. Ainsi, dans la mesure où les équipements disponibles seraient multipliés de manière à ce que tous les étudiants puissent apprendre à les manipuler, les apprentissages demeureraient d’une utilité sévèrement limitée, étant donné que le milieu de l’entreprise utilise probablement des équipements plus récents, voire des technologies différentes. Il faut soutenir l’immersion des enseignants dans les entreprises afin d’adapter les programmes d’enseignement aux réalités de celles-ci. Aussi faut-il des 40


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

matières d’œuvres en quantité et en qualité pour une bonne formation. ―Participants

Il ne faut pas oublier, ici, les enseignants, dont la formation doit s’arrimer sur les équipements disponibles. Ce problème n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. En effet, la formation technique initiale et continue des enseignants, en partie obtenue par le biais de stages périodiques en entreprise, demeure inadéquate dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne (Lolwana, 2017). Selon les participants, des efforts sont consentis parfois pour veiller à la mise à jour de leurs qualifications techniques. Cependant, les programmes de formation, qui souvent impliquent des séjours à l’étranger, sont très prisés et souvent détournés par des dirigeants qui les utilisent comme des vacances payées par l’état ou par les bailleurs de fonds étrangers. La formation a eu lieu, en principe, mais les objectifs n’ont pas été atteints. De tels détournements de fonds minent la capacité du système d’ETFP à jouer son rôle. Il faut construire des établissements scolaires et les doter d’équipements de dernière génération adaptés aux besoins actuels du marché du travail. ―Participant

En plus des équipements, les établissements, eux aussi, sont en piètre état. Les visites et les entrevues montrent que l’entretien des bâtiments laisse à désirer. Pour plusieurs participants, il s’agit d’un autre problème de détournement de fonds, d’un usage vers un autre, généralement au profit des décideurs, qui ne sont pas redevables devant l’état, ni devant leurs établissements. Problème connexe, les lieux autour des établissements sont aussi laissés à l’abandon, avec pour résultats que certaines écoles d’Abidjan sont maintenant encerclées par des marchés improvisés ou par des dépôts de détritus. Ces environnements précaires et insalubres présentent des risques importants pour les étudiants qui doivent les traverser pour accéder à leurs écoles. De tels laisser-aller ont une incidence réelle sur la capacité des établissements à réaliser leur mission éducative.

Figure 13. Salle de classe d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018) 41


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Figure 14. Équipements de réfrigération d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

Figure 15. Vue extérieure d’un bâtiment de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018)

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Conditions de travail des enseignants et des employés de soutien Les certifications pour les enseignants existent, mais les concours pour le recrutement sont biaisés à cause de la corruption grandissante dans mon pays. Il faut un renforcement des capacités des enseignants chaque deux ans, accompagné d’une immersion en entreprise ou d’un stage pédagogique. ―Participant

Les entrevues sur le terrain ont permis de déterminer que devenir enseignant à l’ETFP n’est pas chose facile, en particulier en raison du grand nombre de concours à réussir. Par exemple, l’Institut pédagogique national de l’enseignement technique et professionnel (IPNETP) exige le passage d’un concours pour être admis et le taux d’admission peut atteindre les 10 %. Les concours exigent, en plus, des frais et de nombreux documents à fournir. La formation des futurs enseignants compte une année plus théorique, suivie d’une année plus pratique. Malgré tout, il faut mentionner que, une fois admis, les futurs enseignants sont pris en charge financièrement, ce qui contribue à leur persévérance. En ce qui concerne la charge de travail, aux dires de plusieurs enseignants, le nombre d’étudiants dans les classes a augmenté passablement au cours des dernières années. Sans atteindre des valeurs impossibles à gérer, le nombre grandissant d’étudiants a pour effet d’augmenter la charge des enseignants et de réduire, pour les étudiants, les opportunités de recevoir de l’aide ou d’accumuler des heures de pratique sur les équipements disponibles, puisque leur nombre n’a pas augmenté. De plus, l’augmentation du nombre d’étudiants par enseignant va dans le sens contraire de la réforme pédagogique démarrée récemment, puisque l’approche par compétences (APC) exige plutôt de plus petits groupes-classes que l’approche par objectifs.

Figure 16. Salle des enseignants d’un établissement de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018) 43


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Tableau 10. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la nature et les conditions de travail des enseignants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 35) M

(ÉT)

Les enseignants de l’ETFP sont valorisés dans mon institution

5

2,29

(0,83)

Les enseignants de l’ETFP ont les ressources adéquates pour déterminer les besoins futurs du marché du travail

5

2,14

(1,04)

Les enseignants de l’ETFP ont le temps et les ressources nécessaires pour collaborer avec les employeurs et déterminer ce que les travailleurs auront besoin de connaître et faire

5

2,36

(1,18)

Les enseignants de l’ETFP doivent en ce moment avoir une formation reconnue en pédagogie pour enseigner

5

3,94

(1,09)

Les enseignants de l’ETFP devraient avoir une formation reconnue en pédagogie pour enseigner

5

4,11

(1,06)

Les enseignants de l’ETFP devraient avoir une formation en pédagogie de niveau universitaire pour enseigner

5

3,53

(1,13)

Les enseignants de l’ETFP reçoivent du soutien pour acquérir une formation en pédagogie appropriée

5

2,23

(1,25)

Les enseignants de l’ETFP ont suffisamment d’opportunités pour poursuivre des activités de développement professionnel

5

1,94

(1,02)

Les enseignants de l’ETFP ont des opportunités d’avancement dans leur carrière dans l’ETFP

5

3,39

(0,96)

Les enseignants de l’ETFP reçoivent des ressources adéquates pour accomplir leur travail

5

1,92

(0,81)

Les enseignants de l’ETFP sont impliqués dans l’élaboration de leurs tâches

5

2,80

(1,08)

Le nombre d’enseignants de l’ETFP avec des contrats permanents dans mon institution est suffisant

5

2,75

(0,97)

Il y en a suffisamment d’occasions pour les étudiants du secondaire de deuxième cycle de poursuivre des études à l’ETFP

5

2,91

(1,22)

Les étudiants du secondaire de deuxième cycle ne devraient pas poursuive des études à l’ETFP après la fin de leurs études

5

1,88

(0,99)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = ni en accord ni en désaccord, 4 = en accord, 5 = fortement en accord.

44


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

De manière à obtenir un portrait plus complet, la présente étude de cas a sondé ses employés au sujet des conditions de travail des enseignants et des employés de soutien. Les résultats sont présentés, pour les enseignants, au Tableau 10 et, pour les employés de soutien, au Tableau 11. On y constate, de manière générale, des perceptions négatives quant aux conditions de travail, avec des scores très bas pour l’ensemble des items s’y rapportant. Plus particulièrement, on y distingue des problèmes importants quant à la valorisation des enseignants (M = 2,29) et des employés de soutien (M = 1,65), de même qu’en ce qui concerne les opportunités de formation et les ressources nécessaires pour accomplir leur travail. Fait intéressant, les participants étaient d’avis que les enseignants de l’ETFP possédaient (M = 3,94) et devraient posséder (M = 4,11) une formation en pédagogie. Ces résultats suggèrent que les travailleurs reconnaissent la valeur d’une formation en pédagogie pour l’ETFP. La Figure 17 présente ces résultats sous forme graphique.

Figure 17. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les qualifications en pédagogie des enseignants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Les employés de soutien de l’ETFP sont livrés aux mêmes réalités que les enseignants, les ordres d’enseignement étant très cloisonnés par la faute des acteurs de l’enseignement supérieur qui mettent des barrières inutiles. Par exemple, le Certificat d’aptitude pédagogique des professeurs de lycée continue d’être rejeté par l’enseignement supérieur. Les enseignants ne peuvent faire d’autres formations. S’ils le font, le financement est leur change. ―Participant

Quant aux employés de soutien, les résultats du Tableau 11 sont systématiquement inférieurs à ceux du tableau précédent, qui décrit la perception des conditions de travail des enseignants. Un tel écart suggère qu’il y a fort à faire pour améliorer les conditions de travail des employés de soutien, en particulier à ce qui a trait à la valorisation et à la stabilité d’emploi.

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Tableau 11. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant la nature et les conditions de travail des employés de soutien de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 30) M

(ÉT)

Les employés de soutien à l’enseignement sont valorisés dans mon institution

5

1,65

(0,64)

Les employés de soutien à l’enseignement ont de bonnes structures de carrière

5

1,73

(0,84)

Les employés de soutien à l’enseignement reçoivent des ressources adéquates pour accomplir leur travail

5

1,55

(0,79)

Les employés de soutien à l’enseignement sont impliqués dans l’élaboration de leurs tâches

5

1,83

(1,03)

Les employés de soutien à l’enseignement ont la possibilité de devenir des enseignants de l’ETFP

5

1,56

(1,08)

Le nombre d’employés de soutien à l’enseignement avec des contrats permanents dans mon institution est suffisant

5

1,56

(0,92)

Les employés de soutien à l’enseignement ont suffisamment d’occasions de poursuivre des certifications de niveaux supérieurs

5

1,79

(1,26)

Les employés de soutien à l’enseignement ont suffisamment d’occasions de poursuivre des activités de développement professionnel

5

1,64

(0,99)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = fortement en désaccord, 2 = en désaccord, 3 = ni en accord ni en désaccord, 4 = en accord, 5 = fortement en accord.

La Figure 18 compare, à l’aide d’un graphique, les résultats obtenus pour des énoncés comparables au sujet des conditions de travail des enseignants et des employés de soutien. On y distingue que les conditions de travail des employés de soutien sont perçues plus négativement que celles des enseignants, qui sont déjà très négatives. Les écarts les plus grands se retrouvent pour les énoncés décrivant la participation aux décisions et le nombre suffisant de contrats permanents. L’écart le plus faible se situe pour l’énoncé décrivant les facilités d’accès aux activités de développement professionnel.

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Figure 18. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les conditions de travail des enseignants et des employés de soutien de l’ETFP en Côte d’Ivoire

En somme, les conditions de travail des enseignants et des employés de soutien sont perçues négativement par les participants. La charge des enseignants augmente, principalement en raison de l’augmentation du nombre d’étudiants dans leurs classes. De concert avec ces augmentations, on demande aux enseignants de mettre en œuvre, sans grand soutien, une méthode pédagogique conçue pour des groupes-classes de plus petite taille. Les employés de soutien, quant à eux, semblent avoir des conditions de travail moins avantageuses que celles des enseignants. Dans la mesure où l’on accepte que la qualité d’un système d’éducation passe par ses enseignants et employés de soutien, il y a lieu de revoir les arrangements actuels.

Privatisation De manière générale, l’importance de l’ETFP privé dans les pays d’Afrique est attribuable à des problèmes de financement et de gouvernance (Oketch, 2007), qui menèrent les bailleurs de fonds internationaux et les organismes non gouvernementaux (ONG) à financer et mettre en œuvre des programmes venant pallier les carences du système d’enseignement public (Akoojee, 2016 ; Lolwana, 2017 ; Oketch, 2007). Ces décisions tiennent pour acquis que le secteur privé est mieux à même de procurer une offre de formation adaptée au marché de l’emploi et en mesure de s’adapter rapidement aux besoins changeants des entreprises (Oketch, 2007). Cependant, le lien entre le développement économique des pays et la présence d’un système d’ETFP privé n’est pas démontré par les études et demeure contesté. Par ailleurs, l’accès au secteur privé exige des étudiants des sommes importantes (Akoojee, 2016) et nuit ainsi à un accès généralisé à l’éducation 47


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pour ceux qui n’ont pas les moyens d’étudier au secteur privé ou pour ceux qui ne peuvent payer pour des préparations additionnelles aux concours d’entrée (Allais, 2014). De plus, Akoojee (2016) rappelle que nous en savons bien peu sur le rôle, les structures, la prépondérance et, surtout, les retombées de l’ETFP privé en Afrique, et que ces lacunes empêchent les états de trier profit adéquatement de ce secteur. Étant donné les coûts importants et les ressources appréciables nécessaires à une régulation et un contrôle efficace du secteur privé, il est peu probable que ce secteur reçoive l’attention qu’il exige.

Figure 19. Entrée des locaux administratifs d’un établissement privé de l’ETFP, financé par des investissements étrangers (Photo : Lavigne, 2018)

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

L’enseignement supérieur technique et professionnel est délaissé aux écoles privées. Les frais colossaux de scolarité sont versés au privé pour des filières non porteuses d’emploi. Ce qui est grave c’est que le privé utilise les enseignants du public en vacation. Une grande contradiction dans la gestion d’une politique publique en matière d’éducation et de formation. ―Participant

Figure 20. Entrée des locaux administratifs d’un établissement public de l’ETFP (Photo : Lavigne, 2018) 49


Recherche de l’Internationale de l’ Education

En Côte d’Ivoire, les établissements privés comptaient, en 2006, pour environ 90 % des institutions de l’ETFP (AFDB-OECD, 2008), malgré l’absence d’un cadre réglementaire (METFP, 2016) et de mécanismes de révision et de développement (Koutou & Goi Bi, 2019) adéquats. Comme la taille de ces établissements est généralement beaucoup plus petite que celle des établissements publics, la proportion d’institutions n’est pas liée directement à leur part des effectifs. Comme mentionné précédemment, la part des effectifs de l’ETFP fréquentant des établissements privés en Côte d’Ivoire était, en 2016, estimée à 59,6 % (METFP, 2016). Les périodes de conflit qui ont décimé le pays ont participé à la croissance du secteur privé en réduisant l’accès aux établissements et équipements publics, en fragilisant les structures décisionnelles, en déplaçant les priorités nationales, et en diminuant les ressources financières disponibles, avec pour résultat que les établissements privés, pour la plupart situés loin des zones de conflit, ont pu prospérer, même en période de conflit (Oketch, 2007). De manière semblable, les périodes de conflit ont ouvert la porte aux bailleurs de fonds étrangers, dont les investissements permirent au pays de maintenir une partie de son système d’éducation (Fortune et al., 2015 ; Oketch, 2017). Cependant, il faut garder à l’esprit que les investissements privés sont rarement désintéressés, qu’ils tendent à favoriser des formations « juste à temps » et « juste pour maintenant » (Wheelahan et al., 2018), et que, en raison de leurs coûts généralement plus élevés, ils exacerbent les inégalités sociales en diminuant l’accès aux passerelles parallèles vers l’emploi (Allais, 2014). Qui plus est, l’efficacité réelle de l’éducation privée et ses retombées individuelles, économiques, et sociales en Côte d’Ivoire restent à déterminer. Par exemple, comme les établissements privés tendent à être de plus petites tailles que ceux du public, leur administration n’est pas en mesure de profiter d’économies d’échelles au même titre que les établissements de plus grandes tailles. Aussi, les établissements privés concentrent leurs efforts vers des programmes qui ne demandent que peu d’équipements, sans égard aux besoins des individus, de l’entreprise, et de la société ivoirienne. En effet, en Côte d’Ivoire, les programmes offerts par le secteur privé gravitent autour des domaines reliés à la bureautique et au commerce, domaines qui ne requièrent pas les mêmes investissements en équipements dits lourds comme, par exemple, la mécanique industrielle et la réfrigération, mais qui promettent des emplois de cols blancs. À cet égard, Akoojee (2016) répertorie de semblables pratiques dans cinq autres pays d’Afrique. Finalement, les établissements privés se concentrent dans les grands centres urbains (METFP, 2016) et ne desservent pas adéquatement le territoire, forçant les étudiants à débourser des frais d’hébergement et de déplacement supplémentaires et les isolant de leur famille ou de leurs aînées, qui jouent un rôle de soutien important pour ces jeunes. 50


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

De plus, les établissements privés de l’ETFP en Côte d’Ivoire entrent en compétition avec ceux du public pour le temps des enseignants. Les entrevues sur le terrain ont révélé que plusieurs enseignants du secteur privé sont, en même temps, employés à temps complet au secteur public, tendance notée aussi par Smeyer (2019). Ces enseignants sont en mesure de dégager suffisamment de temps de leur enseignement au public pour enseigner en plus au privé. Trois raisons expliquent de tels arrangements. Premièrement, plusieurs établissements publics ne comptent pas assez d’étudiants et ne peuvent ainsi combler les tâches de leurs enseignants permanents. Deuxièmement, les conditions de vie des enseignants sont telles qu’ils se sentent justifiés de compléter leur salaire avec des charges d’enseignement au privé. Troisièmement, les effectifs enseignants formés chaque année sont déterminés seulement en fonction des besoins du secteur public, ce qui fait en sorte que le nombre d’enseignants formés est systématiquement en deçà des besoins réels (Smeyers, 2019) et que plusieurs établissements privés emploient des enseignants ayant des formations inférieures à ceux du public (Koutou & Goi Bi, 2019). Ainsi, le temps des enseignants, plutôt que d’être consacré entièrement à leurs tâches, est divisé entre deux institutions. Ces arrangements profitent aussi aux établissements privés, qui ont ainsi accès à du personnel qualifié, formé à grands frais par et pour l’état. Ce faisant, les établissements privés subissent aussi moins de pression pour améliorer les conditions de travail de leurs employés, qui demeurent inférieures à celles des employés du public (Koutou & Goi Bi, 2019), puisqu’un grand nombre d’entre eux reçoivent déjà un salaire du secteur public. Les visites ont aussi montré qu’il existe plusieurs types d’établissements privés, et qu’il faut inclure les établissements financés par des bailleurs de fonds étrangers. En effet, si la Côte d’Ivoire compte des établissements publics et privés, elle compte aussi des établissements dont le financement, la gouvernance, et les approches pédagogiques sont déterminés conjointement par le gouvernement ivoirien et les bailleurs de fonds. Il existe ainsi au moins quatre catégories d’établissement pour l’ETFP en Côte d’Ivoire : publics, privés, publics-étrangers, et privés-étrangers. Comme nous l’avons vu, le discours dominant idéalise le potentiel du secteur privé. La situation observée en Côte d’Ivoire montre bien que, si le secteur public a ses torts et requiert d’importants ajustements, le secteur privé n’est pas à la hauteur des promesses faites et des besoins identifiés. Il sert plutôt à renforcir les inégalités sociales et à promouvoir les intérêts des puissants.

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Recherche de l’Internationale de l’ Education

Accès et certifications L’ETFP est un système à reconstruire, c’est l’appendice dans un système d’enseignement général trop élitiste. Il n’y a pas de politique cohérente au niveau de l’ETFP. Les ordres d’enseignement sont cloisonnés, il n’y a pas de passerelles. Les universités demeurent dominées par les filières généralistes sans aboutissement professionnel. ―Participant

Comme c’est le cas pour de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, l’ETFP coexiste en parallèle avec un système informel d’apprentis. Cependant, la Côte d’Ivoire se distingue des autres pays d’Afrique de l’Ouest par la très grande fréquentation de l’apprentissage informel combinée à la faible fréquentation de l’ETFP. Les écarts sont généralement plus faibles pour les autres pays. Par exemple, en Ouganda, la formation informelle présente un haut taux de fréquentation, mais l’ETFP aussi, alors qu’en Côte d’Ivoire, les fréquentations s’opposent (Filmer & Fox, 2014). Ces résultats suggèrent que ces deux systèmes sont en compétition, ou alors que l’accès à l’ETFP est trop restreint. Ceci est d’autant plus vrai si l’on prend en considération que l’ETFP en Côte d’Ivoire se compose en majorité de programmes de formation pour les étudiants des cycles secondaires supérieurs et ignore en grande partie le secteur agricole, tandis que l’apprentissage informel ne tient pas compte du niveau scolaire des étudiants et est principalement fréquenté par des jeunes n’ayant pas obtenu leur Brevet d’études primaires et inclut le secteur agricole (Filmer & Fox, 2014). Les certifications de l’ETFP sont offertes au secondaire et à l’enseignement supérieur et les certifications offertes varient selon la nature des institutions et leur habilitation. Nous revenons sur ce point plus loin. Au total, les programmes d’études de l’ETFP donnent accès à 101 certifications classées selon 14 professions. Pour rappel, les principales certifications de l’ETFP, telles que présentées à la Figure 1, incluent : • le Certificat de qualification professionnelle (CQP), exigeant pour y entrer le Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE), et obtenu après deux années d’études secondaires de premier cycle ; • le Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), exigeant d’abord le CEPE et au moins deux années d’études secondaires de premier cycle, et obtenu après trois années d’études secondaires de premier cycle ; • le Brevet professionnel (BP), qui peut être obtenu de concert avec le CAP pour les étudiants possédant une expérience professionnelle supplémentaire reconnue ; • le Brevet de technicien (BT), exigeant pour y accéder le Brevet d’études de premier cycle (BEPC), et obtenu après deux années d’études secondaires de deuxième cycle ; • le Brevet d’études professionnelles (BEP), demandant d’avoir obtenu le BEPC 52


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

et requérant trois années d’études secondaires de deuxième cycle ; • le Baccalauréat technique (BACT), demandant d’avoir obtenu le BEPC et requérant trois années d’études secondaires de deuxième cycle ; • le Brevet de technicien supérieur (BTS), qui exige d’avoir d’abord obtenu le BACT et requérant deux à trois années d’études supérieures ; • le Diplôme universitaire technologique (DUT), exigeant d’abord le BACT, et obtenu à la suite de deux années d’études supérieures ; et finalement • le Diplôme d’ingénieur (DING), qui demande d’avoir préalablement obtenu le BTS et requérant de trois à cinq années d’études supérieures supplémentaires.

Figure 21. Étudiants de l’ETFP durant leur pause (Photo : Lavigne, 2018)

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Recherche de l’Internationale de l’ Education

La structure de certification de l’ETFP en Côte d’Ivoire ne comporte que peu de liens directs permettant aux étudiants de progresser vers des études de niveaux supérieurs. En effet, toutes les certifications du deuxième cycle du secondaire exigent l’obtention du BEPC, obtenu au terme du premier cycle d’études secondaires générales, alors que les CQP, CAP, et BP, eux aussi des formations dites de premier cycle, ne permettent pas de passer au deuxième cycle. De tels passages requièrent plutôt l’utilisation de passerelles qui sont des cas d’exceptions et ne sont pas proprement inscrites à l’intérieur des programmes de formation. Très peu de spécialités offrent la possibilité de faire une formation de niveau supérieur, surtout les disciplines industrielles. Seules les disciplines tertiaires (comptabilité, gestion commerciale, secrétariat, ressources humaines, etc.) donnent la possibilité, mais très limitée, de poursuivre des études supérieures et d’obtenir un emploi de niveau supérieur. ―Participant

De manière semblable, le passage du secondaire à l’enseignement supérieur ne peut se faire que si l’on a d’abord obtenu le BACT, faisant du BEP et du BT des filières terminales, à moins, encore une fois, d’utiliser des passerelles. Il en est de même pour le DING qui requière le BTS, faisant aussi du DUT une filière terminale. Ainsi, une progression complète à l’enseignement technique ne commence qu’après le premier cycle du secondaire général et se doit d’inclure le BACT, puis le BTS. L’ETFP devrait être un ordre d’enseignement à part entière partant du niveau d’artisan jusqu’aux niveaux supérieurs. Mais ce n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. L’ETFP considéré comme le lieu de refuge de ceux qui ont échoué à l’enseignement général. ―Participant

L’organisation structurelle des certifications en un ensemble étroit de filières terminales n’est pas le seul problème minant la persévérance et la progression vers des études de niveaux supérieurs. Il faut aussi prendre en compte la nécessité pour les étudiants d’obtenir un classement favorable aux concours d’entrée. Or, ces concours, en plus de favoriser des habiletés dites classiques plutôt que l’expérience de travail ou encore d’autres habiletés plus techniques ou physiques, requièrent de débourser des frais administratifs, de se déplacer parfois sur de longues distances et pour des durées prolongées. Pris ensemble, la structure en filières sans issues et les concours d’entrée accentuent les différences entre les centres urbains et les régions rurales, entre les riches et les pauvres, et promeuvent le secteur privé, qui, nous le verrons plus loin, ne dessert ni le territoire ni les programmes dans la même mesure que le secteur public. Rappelons que le secteur privé comptait, en 2016, environ 60 % des effectifs étudiants de l’ETFP en Côte d’Ivoire (METFP, 2016 ; UIS-UNESCO, 2017).

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Retombées Les fonds investis pour la formation doivent profiter tant à l’étudiant qu’au pays. Elle ne doit pas être vaine, car à quoi aurait servi la formation si l’étudiant n’en profite pas ? ―Participant

Cette section explore les retombés de l’ETFP pour ses étudiants. Le Tableau 12 résume les perceptions des participants quant à ces retombés. De manière générale, les résultats sont semblables, pour chacun des énoncés, et se situent entre « un peu en accord » et « moyennement en accord ». Ces résultats suggèrent que les diplômés de l’ETFP ne sont pas considérés comme étant en mesure d’avoir un impact notable sur leur travail ou sur leur milieu de travail ni de progresser de dans leurs emplois, soit par le biais de formations en emploi ou de promotions à l’interne. Tableau 12. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, décrivant les retombées perçues pour les diplômés de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 31) M

(ÉT)

Influencer comment leur travail est organisé

5

2,87

(0,99)

Influencer comment le travail est organisé dans leur lieu de travail

5

2,81

(1,03)

Utiliser leur jugement au sujet de la réalisation de leurs tâches, d’établir leurs propres objectifs et des moyens pour atteindre leurs objectifs

5

2,75

(0,96)

Être consulté sur les visées et les objectifs de leur équipe de travail

5

2,81

(0,78)

Être consulté sur les visées et les objectifs de leur lieu de travail

5

2,68

(0,90)

Avoir accès à et être en mesure de participer à des activités de formations dans leur lieu de travail

5

2,88

(1,00)

Avoir accès à et être en mesure de participer à des activités de formations à l’extérieur de leur lieu de travail

5

2,75

(1,14)

Avoir des tâches variées

5

2,87

(0,84)

Transférer vers des tâches de travail différentes, mais de même niveau

5

2,63

(0,86)

Être promus à des rôles de niveaux plus élevés

5

2,84

(1,02)

Être membre d’un syndicat

5

2,75

(1,17)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = pas du tout, 2 = un peu, 3 = moyennement, 4 = largement, 5 = extrêmement.

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Recherche de l’Internationale de l’ Education

Les résultats du Tableau 12 sont représentés graphiquement par les figures suivantes. La Figure 22 résume les perceptions des participants au sujet de la capacité des finissants à participer activement aux décisions reliées à leur travail, à exercer leur jugement, et à exécuter des tâches variées. Les résultats sont, dans l’ensemble, similaires et suggèrent des possibilités très limitées quant à ces conditions.

Figure 22. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les conditions de travail des finissants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

La Figure 23 représente graphiquement les résultats obtenus pour les énoncés se rapportant aux possibilités de progression en emploi et de participation syndicale. Les résultats sont semblables à ceux de la figure précédente et témoignent encore une fois de perceptions généralement négatives au sujet des retombées de l’ETFP pour ses finissants.

Figure 23. Niveaux moyens d’accord, sur une échelle de Likert à cinq niveaux, avec des énoncés décrivant les possibilités de formation, de promotion, et d’implication syndicale en milieu de travail des finissants de l’ETFP en Côte d’Ivoire 56


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

L’ETFP doit réétudier les conditions de passage aux niveaux supérieurs des étudiants. L’ETFP doit porter un accent particulier sur l’entrepreneuriat et donner une formation de qualité aux étudiants ; une formation en adéquation avec les exigences et les besoins des entreprises. ―Participant

Si les problèmes d’adéquation formation-emploi sont souvent relevés par les participants aux entrevues, le sondage présente une perspective différente. En effet, comme le montre le Tableau 13, les participants considèrent, dans l’ensemble, que les programmes de l’ETFP ne sont ni trop généraux, ni trop précis, quant à leur degré de spécialisation eu égard aux besoins du marché de l’emploi (M = 1,94). Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les résultats du sondage présentent la moyenne des perceptions, laissant ouverte la possibilité qu’il y ait des différences importantes entre les programmes, différences qui se neutralisent lorsqu’on combine les données. Tableau 13. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à trois niveaux, décrivant le niveau d’adéquation perçu entre le degré de spécialisation des programmes de l’ETFP et les besoins du marché de l’emploi

Échelle Dans quelle mesure le degré de spécialisation des programmes de l’ETFP est-il relié aux besoins du marché de l’emploi ?

3

Participants (n = 32) M

(ÉT)

1,94

(0,51)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = trop généraux, 2 = à peu près juste, 3 = trop précis.

Aussi, le Tableau 14 résume les perceptions des participants eu égard aux possibilités de progression à l’intérieur des programmes de l’ETFP, à la progression vers l’enseignement supérieur, et à la progression en emploi. Les résultats laissent entendre que, de manière générale, les possibilités de progression vont de limitées à moyennes. Les progressions vers l’enseignement supérieur et vers des emplois de niveaux plus élevés obtiennent des scores plus faibles que la progression vers des certifications de niveaux plus élevés. Ces résultats renforcent les constats précédents au sujet de la nature terminale des programmes de l’ETFP, en plus de signaler plus clairement des problèmes potentiels d’adéquation formation-emploi.

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Tableau 14. Valeurs moyennes, sur une échelle de Likert à trois niveaux, décrivant la perception des possibilités de progression pour les étudiants de l’ETFP en Côte d’Ivoire

Échelle

Participants (n = 32) M

(ÉT)

Quelles possibilités sont offertes aux étudiants de progresser à partir de certifications de l’ETFP vers celles de niveaux supérieurs ?

3

1,72

(0,63)

Quelles possibilités sont offertes aux étudiants de progresser à partir de certifications de l’ETFP vers des certifications de l’enseignement supérieur ?

3

1,50

(0,67)

Quelles possibilités sont offertes aux étudiants de progresser vers des emplois de niveaux plus élevés ?

3

1,56

(0,65)

Note. M = moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre minimal de participants ayant répondu à l’ensemble des énoncés, 1 = limitées, 2 = modérées, 3 = vastes.

Finalement, si l’ETFP se doit de produire une main-d’œuvre qualifiée, encore faut-il que celle-ci puisse être employée au sortir de l’école, ce qui ne semble pas être le cas (Kouadio, 2007). Les visites et entrevues laissent entendre que le marché de l’emploi a beaucoup de mal à absorber les finissants de l’ETFP. Ainsi, résoudre le problème de la formation de la main-d’œuvre implique aussi de mettre en place les conditions nécessaires à l’épanouissement du marché de l’emploi. Il ne faut pas lire ici une défense de la libre entreprise ni un appel à la dérèglementation, loin de là. Plutôt, c’est à l’entreprise de déterminer et de communiquer correctement ses besoins, de même qu’à soutenir la formation de ses employés présents et futurs. Lors des entrevues, plusieurs participants ont mentionné l’entrepreneuriat comme piste de solution, mentionnant du même souffle les nombreuses barrières à l’obtention de crédit pour le démarrage d’entreprises. Ce problème est mentionné par Filmer et Fox (2014), qui insistent sur le rôle de l’accès au crédit dans le développement de la petite entreprise et, par le fait même, sur l’accès à l’emploi. Cependant, si la main-d’œuvre produite n’est pas formée pour le travail d’aujourd’hui, mais plutôt celui d’hier, et si ceux qui sont formés pour les emplois d’aujourd’hui ne trouvent pas d’emploi, faut-il reléguer la responsabilité aux finissants et les intimer à trouver leurs propres solutions ? Néanmoins, un véritable virage vers l’entrepreneuriat présente certains avantages, du moins dans certaines filières, puisqu’il permet à la Côte d’Ivoire de se donner les moyens d’élever ses activités de production au-delà d’une industrie de subsistance ou de production primaire. À cet égard, la Côte d’Ivoire gagnerait à mieux soutenir sa petite et moyenne entreprise par le biais de centres de démarrage d’entreprises et la mise en place de services de microcrédit, ou encore de crédit présentant des conditions avantageuses pour des filières porteuses de débouchés, par exemple la transformation agricole, la réfrigération, ou la soudure. 58


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Adéquation formation-emploi Gbato (2016) identifie deux défis connexes à l’amélioration de l’adéquation formation-emploi pour le développement de l’ETFP en Côte d’Ivoire : le manque de pertinence de l’offre de formation et le manque de coordination entre les différents partenaires de formation. Il poursuit en suggérant quelques moyens pour relever ces défis, notamment de miser sur un pilotage cohérent de l’offre de formation qui en assurera la pertinence pour l’entreprise et de soutenir le présent mouvement vers l’autonomisation de la gouvernance des établissements. Ce thème de l’adéquation formation-emploi est revenu à maintes reprises lors des entrevues sur le terrain. La plupart des acteurs indiquaient alors, par leurs commentaires, leur adhésion à un discours déficitaire où l’adéquation relevait de la responsabilité de l’ETFP et de l’État qui ne remplissaient pas leur rôle de formation. Or, en définissant le problème de l’adéquation formation-emploi comme le devoir de l’ETFP et de l’État de répondre aux besoins du marché de l’emploi, on risque de perdre de vue les le rôle plus large de l’ETFP et les responsabilités de l’entreprise, les limitations propres à la détermination des besoins, et les limitions propres à la mesure de l’efficacité de l’ETFP. D’entrée de jeu, mentionnons que le problème de l’adéquation, tel qu’il est défini, déleste l’entreprise de ses responsabilités quant à la formation des travailleurs, car l’ETFP doit être considéré comme un bien public dont l’usufruit revient non seulement à l’individu et à l’état, mais aussi à l’entreprise. Dès lors, l’entreprise doit, si elle désire se délester de la responsabilité de former ses travailleurs, se délester aussi d’une partie de ses fonds. En réduisant le problème de l’adéquation formation-emploi à un problème d’offre et de demande, on endosse la mise en œuvre de solutions étriquées, aliénantes, qui réduisent l’entreprise à un rôle de quémandeur, l’ETFP et l’État à un rôle de pourvoyeur, et les individus à des ressources humaines seulement aptes à répondre aux besoins immédiats de l’entreprise et condamnées à devoir retourner vers l’État lorsque leur formation ne convient plus. Il est plutôt approprié de revoir la question de l’adéquation formation-emploi à l’intérieur d’une vision élargie du rôle de l’ETFP où se conjuguent les besoins des individus, de la société, et de l’entreprise. Cette vision s’inspire des travaux de Sen (2011) et de Nussbaum (2000) et recadre le développement économique, de même que le développement civique et social, comme des retombées attendues du développement des capabilités humaines des individus. Dans ce cadre, l’ETFP a pour rôle de développer les capabilités humaines des individus en soutenant leur entrée sur le marché de l’emploi, mais aussi leur capacité de continuer à apprendre et à se développer une fois en emploi (Oketch, 2007). Cette responsabilité ne se limite pas à l’ETFP. L’entreprise, comme nous l’avons mentionné, doit participer, directement 59


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ou indirectement, à cette formation, et l’État doit assurer et soutenir leur participation et leur collaboration. L’entreprise, soutenue par l’État, doit aussi s’assurer de signaler correctement ses besoins, de manière à fournir aux individus les moyens de faire des choix de formation éclairée, tandis que l’État se doit de répondre aux attentes de formation des individus, plutôt que de déterminer qui doit étudier quoi. Ce recadrage centré sur les individus n’ignore pas le développement civique ou social, mais les voit plutôt comme découlant du développement des capabilités individuelles. Ainsi, le développement d’une main-d’œuvre qualifiée et d’un système économique robuste doit, si son objectif est de servir le pays plutôt que l’entreprise, faire en sorte de former des travailleurs pour des emplois ayant une valeur à leurs yeux, pour des emplois en mutation, et pour des emplois porteurs de changements économiques. Un tel recadrage réaffirme le rôle de soutien à la formation, de soutien à l’économie nationale, et de soutien à la dignité de chacun. Il n’est plus suffisant pour l’entreprise de se délester de la responsabilité de former ses employés et de la transférer à l’État. Et ceux qui souhaitent invoquer que l’éducation est un bien privé plutôt que public doivent élargir la question et y inclure l’entreprise, pour qui l’éducation de ses travailleurs est un bien dont elle tire profit. L’amélioration de l’adéquation formation-emploi exige une identification des besoins du marché du travail. Or, le discours sur l’identification des besoins ignore souvent les limitations inhérentes à son exercice. Dans un système idéal, les besoins de l’entreprise sont immédiatement signifiés et les individus sont à même de faire des choix de formation éclairés. La réalité cependant est autre pour trois raisons. Premièrement, les entreprises ont du mal à identifier leurs besoins réels de main-d’œuvre, entre autres puisqu’elles ne sont pas en mesure de prédire l’avenir. Deuxièmement, l’information disponible au sujet des besoins de l’entreprise est datée et imprécise, puisqu’elle est colligée et approximée par le biais de mécanismes de communication imparfaits et manipulés en fonction des intérêts des intermédiaires, tant publics que privés. Finalement, les individus n’agissent que rarement de manière dite rationnelle et n’ont pas accès, de manière omnisciente et éclairée, à toute l’information disponible (Simon, 1955). Finalement, la détermination même de l’ampleur des problèmes d’adéquation demeure partielle et teintée d’intérêts politiques. Peu d’études portent sur l’ETFP en Afrique et les études produites sont généralement subventionnées et réalisées par des cabinets de consultants et se concentrent principalement sur les retombées économiques de programmes et politiques de développement. En Côte d’Ivoire, 78 % des études produites entre 1990 et 2010 utilisent une perspective économique, au détriment d’autres perspectives complémentaires comme l’éducation ou la sociologie. Cet état de la recherche ne répond pas correctement aux attentes du milieu et des études multidisciplinaires 60


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sur la qualité de la formation, la gouvernance, et la relation entre l’ETFP et le marché du travail seraient plus utiles pour comprendre correctement le système ivoirien (Azoh et al., 2012). Ainsi, pour certains, la responsabilité de l’ETFP dans le problème d’adéquation reste à prouver (Nordman & PasquierDoumer, 2012 ; Oketch, 2007). Pour d’autres, le problème est clair, mais ce n’est pas l’ETFP qui est en cause, mais plutôt le manque de financement pour soutenir l’entrée sur le marché de l’emploi (AFDB-OECD, 2008 ; Akoojee, 2016 ; Lolwana, 2017). À ce sujet, les établissements de l’ETFP gagneraient à qualifier, quantifier, et communiquer leurs retombées directes et indirectes, de manière à combler le vide empirique actuel qui, tout bien considéré, les dessert, tandis qu’il sert plutôt les intérêts des organisations souhaitant une privatisation accrue de l’ETFP et une dérégulation du marché de l’emploi.

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Conclusion Dans de nombreux pays, on assiste à un virage des appareils gouvernementaux plaçant l’efficacité, définie strictement en relation avec la satisfaction des clients de l’État et la minimisation des coûts, au centre des débats sur les politiques publiques (du Gay, 2000 ; Stein, 2001). Au cours des trente dernières années, l’impact de ce virage est devenu tangible pour les systèmes d’ETFP des pays d’Afrique. Ceux-ci, faute d’être en mesure de démontrer clairement leur efficacité (Lolwana, 2017 ; Nordman & Pasquier-Doumer, 2012), ont vu leurs ressources diminuer drastiquement au profit de l’enseignement général (Akoojee, 2016 ; Lolwana, 2017 ; Oketch, 2007). Le présent rapport présente les résultats d’une étude de cas de l’ETFP en Côte d’Ivoire. L’étude utilisa trois sources d’information : une revue de littérature, un sondage auprès des travailleurs de l’ETFP, et des entrevues et visites sur le terrain. Dans ce qui précède, le rapport établit le contexte général de la Côte d’Ivoire et clarifie la structure et les caractéristiques du système d’éducation ivoirien. Par la suite, il procure une vue détaillée des spécificités de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Plus précisément, le rapport couvre la gouvernance, le financement, et la situation générale de l’ETFP, pour ensuite analyser ses visées, réussites, et ressources, de même que son niveau de valorisation. Le rapport décrit ensuite les approches pédagogiques de l’ETFP, de même que l’état de ses établissements et équipements, et clarifie les conditions de travail de ses enseignants. Aussi, le rapport analyse la question de la privatisation du système et les questions d’accès et de certification. Finalement, le rapport évalue les retombées de l’ETFP pour ses finissants et se penche sur le problème de l’adéquation formation-emploi. Le constat général du rapport est que l’ETFP en Côte d’Ivoire est en très mauvais état. La gouvernance de l’ETFP n’est plus assumée par un ministère propre, mais intégrée à un vaste ministère, tandis que son système administratif n’assure pas la responsabilisation de ses gestionnaires. Le financement du système a grandement diminué et n’a connu qu’une récente augmentation ne permettant pas de faire face aux problèmes créés par les années de disette budgétaire. Les perceptions des participants à ce sujet vont dans le même sens, en plus de mettre en lumière les problèmes de corruption et les rapides changements de ministres qui complexifient la mise en œuvre de réformes. De l’avis des participants, l’ETFP n’est pas valorisé par la société ou par le gouvernement. Il est plutôt vu comme un partenaire de moindre envergure que la formation générale ou classique qui, elle, canalise les aspirations des étudiants, même si elle ne permet qu’à une minorité d’accéder à des emplois de qualités, reléguant les autres à des emplois précaires ou les redirigeant vers l’ETFP, vu 62


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alors comme voie de deuxième recours. Problème connexe, les parcours offerts par l’ETFP sont majoritairement des parcours terminaux, ce qui contribue à en faire une voie secondaire, mal perçue par la société ivoirienne. Le rapport met en lumière l’état lamentable des établissements et équipements de l’ETFP et montre dans quelle mesure cette situation critique empêche l’ETFP de pouvoir remplir son rôle. De même, le rapport identifie un problème de besoin de main-d’œuvre, suggérant que le marché de l’emploi doit aussi faire l’objet d’une attention particulière, sans par cela suggérer sa dérèglementation. Le rapport montre aussi comment la privatisation du système est née de son sous-financement et comment elle détourne une partie des ressources du secteur public, sans toutefois remplir ses promesses. Finalement, le rapport remet en question la formulation actuelle de la situation en Côte d’Ivoire comme étant un problème d’adéquation formation-emploi et propose une formulation élargie du problème qui appelle tant l’État et l’ETFP, que l’entreprise à reconnaître et assumer ses responsabilités dans le développement des capabilités humaines des individus, développement qui servira conséquemment les développements civique, social, et économique de la Côte d’Ivoire. À cet effet, le rapport fait la démonstration que l’utilisation de logiques de marché en éducation, plus particulièrement en enseignement technique et formation professionnelle, réduit la capacité des acteurs publics à réaliser leur mission et ne sert ni les besoins des individus ni ceux de la société. En d’autres termes, la privatisation de l’ETFP en Côte d’Ivoire n’a de retombées positives que pour le secteur privé. De même, le rapport suggère que la situation de l’ETFP en Côte d’Ivoire est en partie le résultat de son passé colonial. Ce passé a tant imprégné les structures économiques et éducationnelles du pays que la notion même de succès, et les promotions qu’on lui associe sont assujetties aux normes dites classiques (Atchoarena et al., 2001 ; Clignet & Foster, 1966 ; Eliou, 1973). Ces normes priorisent la formation décontextualisée de contenus principalement importés de France et ignorent la valeur de l’expérience et des réalisations des individus. Du même souffle ces normes renforcent les inégalités sociales du passé et ancrent la Côte d’Ivoire dans un carcan néocolonial. Aussi, le passé colonial de la Côte d’Ivoire est aussi apparent dans ses relations avec les entreprises françaises, ses politiques économiques, ses choix politiques, et ses décisions économiques, notamment en ce qui a trait à la transformation des matières premières comme le café et le chocolat (Boone, 1993 ; Duval, 2017 ; Rémy, 2005 ; Sleuwaegen & Goedhuys, 2002). Malgré ces constats négatifs, tout n’est pas sombre. En effet, l’étude de cas a permis d’identifier plusieurs retombées positives ou autres réussites. Plus 63


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particulièrement, le rapport précise que la situation des jeunes, et en particulier celle des jeunes filles, va en s’améliorant, et que l’ETFP joue un rôle de premier plan pour assurer l’intégration des jeunes garçons et l’émancipation des jeunes filles. De même, si l’ETFP connaît ses défis, il demeure reconnu comme une voie vers le marché de l’emploi et mène de nombreux jeunes vers des horizons plus prometteurs que l’enseignement général, eu égard aux conditions d’emploi du pays. Aussi, le rapport produit par le METFP (METFP, 2016) montre clairement que le gouvernement ivoirien, s’il s’en donne les moyens, est en mesure d’identifier correctement et candidement ses défis et de dégager des pistes de solution crédibles. De plus, même s’il demeure peu valorisé, l’ETFP est, somme toute, davantage valorisé que par le passé et ses effectifs augmentent lentement, amis de manière constante. Finalement, les visites et entrevues ont permis de constater la grande qualité des intervenants de l’ETFP en Côte d’Ivoire. Leur générosité, leur sens du devoir, leur énergie, leur confiance en leurs étudiants, et leur esprit permettent de croire que l’ETFP est entre bonnes mains et que les efforts des décideurs devraient se tourner vers les barrières systémiques au développement de l’ETFP, pensons à la collaboration de l’entreprise, au développement de systèmes de données, au contrôle du secteur privé, et à au développement d’un système de gouvernance responsabilisant les établissements.

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L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

Annexe : Description de l’échantillon du sondage Tableau 15. Participants ayant complété ou partiellement complété le sondage

Participants (n = 84) n

%

Complété

33

39,3

Partiellement complété

51

60,7

Tableau 16. Genre des participants

Participants (n = 48) n

%

Femelle

6

12,5

Male

41

85,4

Préfère ne pas mentionner

1

2,1

Pas de réponse

0

0,0

Tableau 17. Âge des participants

Participants (n = 49) Moins de 20 ans

n

%

1

2,0

20 à 29 ans

0

0,0

30 à 39 ans

16

32,7

40 à 49 ans

30

61,3

50 à 59 ans

1

2,0

60 ans et plus

0

0,0

Préfère ne pas mentionner

1

2,0

Pas de réponse

0

0,0

69


Recherche de l’Internationale de l’ Education

Tableau 18. Lieu d’emploi des participants

Participants (n = 52) EmployéE d’une agence gouvernementale

n

%

3

5,8

EmployéE d’une institution privée de l’ETFP

0

0,0

EmployéE d’une université privée

0

0,0

EmployéE d’une institution publique de l’ETFP

49

94,2

EmployéE d’une université publique

0

0,0

ÉtudiantE ou diplôméE de l’ETFP

0

0,0

EmployéE d’un syndicat

0

0,0

Pas de réponse

0

0,0

Tableau 19. Rôle des participants

Participants (n = 45) n

%

Gestionnaire

2

4,4

EmployéE de soutien

2

4,4

EnseignantE

41

91,2

Pas de réponse

0

0,0

Tableau 20. Années d’expérience des participants dans leur rôle actuel

Participants (n = 49) n

70

%

1 à 5 années

3

6,1

6 à 10 années

17

34,7

11 années et plus

29

59,2

Pas de réponse

0

0,0


L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire

71


Recherche de l’Internationale de l’ Education

72


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Les points de vue, recommandations et conclusions de cette étude sont ceux des auteur·rice·s, sauf mention contraire explicite, et ne sont pas nécessairement approuvés par l’Internationale de l’Education. Toutes les précautions raisonnables ont été prises afin de vérifier les informations contenues dans cette publication. Cependant, le matériel publié est distribué sans garantie d’aucune sorte, expresse ou implicite. Ni l’Internationale de l’Education, ni aucune personne agissant en son nom ne peuvent être tenues pour responsable de l’utilisation qui pourrait être faite de l’information qui y est contenue.


Recherche Internationale de l’Education

L’enseignement technique et la formation professionnelle en Côte d’Ivoire Rapport préliminaire

Eric Lavigne, Aiman Jafar, Gavin Moodie and Leesa Wheelahan Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

Octobre 2019

Siège 5 bd du Roi Albert II 1210 Bruxelles, Belgique Tél +32-2 224 0611 headoffice@ei-ie.org www.ei-ie.org #unite4ed L’Internationale de l’Education représente les organisations d’enseignants et d’employés de l’éducation à travers le monde. Il s’agit de la plus grande fédération syndicale mondiale, représentant trentedeux millions d’employés de l’éducation par le biais de quatre cents organisations réparties dans cent soixante-dix pays et territoires à travers le monde. L’Internationale de l’Education regroupe tous les enseignants et employés de l’éducation.

Cet outil est soumis à la licence Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 4.0. (CC BY-NC-SA 4.0)

Couverture :-

Publié par l’Internationale de l’Education- Octobre 2019 ISBN

978-92-95109-93-3 (PDF)


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