EAU MAG N°1/2012

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INDONESIE

Le miracle de Bunaken Un reportage d’Henri ESKENAZI


DECOUVERTE

Le miracle de Bunaken

Un reportage de Henri ESKENAZI 2 EAU Mag


Indonésie

Dans le parc National marin de Bunaken, une explosion de vie, située juste sous la surface de l’eau, est accessible à tous. Au programme, une variété infinie d’espèces, de formes et de couleurs.

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Page de droite, un banc de poissons cardinaux de Banggai, très élégants avec leurs nageoires éfilées et leurs trois bandes noires. Ci-dessous, extrêmement mimétique, ce poisson scorpion à guenilles peut infliger des piqures très douloureuses avec ses épines dorsales.

A

lors que j’essaye de me faufiler silencieusement entre les racines enchevêtrées des palétuviers de la mangrove, pour approcher au mieux un banc de poissons juvéniles, une aigrette vient se poser sur une branche. Tout est nature ici, empli de calme et de sérénité. Le grincement des branches qui se frottent entre elles, rend l’ambiance encore plus particulière, dans cette eau verte à trente degrés. Le léger courant à marée montante déplace légèrement mon corps recouvert de feuilles. Après cette immersion de réadaptation dans les eaux indonésiennes, James, mon guide particulièrement attentionné durant ce séjour me propose trois plongées : « Tiwoho reef » pour les poissons-fantômes arlequins, « Peter’s point » pour les hippocampes et « Kathrin point » pour les poissons mandarins. En plus des poissonsclowns dans les anémones, des crevettes nettoyeuses sur les murènes, des crabes des crinoïdes, des nudibranches, toutes les promesses sont au rendez-vous dans dix mètres d’eau. Avec quelques plus non prévus. Nous voyons pas moins de trois couples de poissons-fantômes arlequins, cinq hippocampes et, entre dix sept et dix huit heures, moment propice à cela, une dizaine de parades nuptiales de

poissons mandarins. Ces instants, toujours rares et magiques, illuminent mon regard et me confortent dans le fait de plus en plus évident que l’art est dans la nature. James semble aussi satisfait que moi par les photos. Complicité de deux personnes de culture différente avec, comme lien, une même passion, l’observation d’animaux rares. Et la mer des Moluques est un lieu privilégié pour cela. Au lieu dit « Black rock », je vis des minutes sympathiques. Alors que je m’approche d’une superbe anémone au manteau vert vif, un poisson-clown vient buter à plusieurs reprises sur mon masque. Je sens une demoiselle qui me mordille le mollet droit car, apparemment, elle n’aime pas la couleur de mes palmes. Une petite murène jaune se faufile entre mon détendeur et mon appareil photo. Enfin, une autre me mordille le bout du doigt. Décidément, je dérange et décide donc de quitter les lieux. Il est des moments où il faut accepter que l’homme n’a plus sa place dans la nature. A l’ouest de l’île de Bunaken, à quinze minutes de l’hôtel Santika, le paysage sous-marin change. Le tombant de « Fukui point » et de « Likuan », plonge du récif corallien très riche en couleurs vers le bleu abyssal jusqu’au sable, avec un plateau


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Autour de l’île de Bunaken, la vie sous-marine est d’une grande richesse, comme nulle part ailleurs sur la Planète.

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Superbe et extraordinairement élégante, cette crevette symbiotique vit en association avec des espèces d’anémones.

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Si les coraux sont d’une éxubérance incroyable, c’est dans l’infiniment petit que l’on rencontre un nombre infini d’espéces vivantes.

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Minuscules poissons semitransparents, les gobies pygmée vivent posés sur des coraux ou des gorgones fouet. Ils sont soucieux de faire respecter un territoire bien délimité.

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DECOUVERTE I Le miracle de Bunaken Ci-dessous, un nudibranche au graphisme et aux couleurs très spectaculaires, Chromodoris. Pade droite, on connaît peu du comportement de l’hippocampe pygmée. Hippocampus barbiganti est une espèce minuscule de moins de 2 cm. Pour se camoufler, il vit accroché à des gorgones proches de sa couleur.

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à quarante mètres. Puis, çà continue bien plus profond… Là, des platax par dizaines, se promènent dans le bleu. Une grosse tortue placide se vautre dans une épongebarrique, en quête de nourriture, avec ses fidèles rémoras sur la carapace. Les coraux tabulaires semblent en très bonne santé. Les gorgones et les alcyonaires colorés renforcent la beauté du lieu. A l’est de l’île, à « Satiko », James me montre un grand banc de lutjans. Il est difficile de ne pas voir les milliers de balistes bleus juvéniles qui, pendant nos soixante minutes de plongée, se déplacent au raz des coraux. Une migration ? Vers je ne sais où. Au passage, quatre tortues et trois Napoléons dont un de taille conséquente, croisent notre chemin. Le volcan Manado Tua, inactif depuis longtemps, se dresse omniprésent devant la fenêtre de notre chambre. Au zénith, il se dresse fier sur l’horizon. Au couchant, il se fraye un chemin parmi les quelques nuages pour nous offrir son panache cotonneux. Sa silhouette est le symbole de Bunaken. Son sommet se gravit en trois heures de marche sportive avec un départ au petit matin. A ses pieds, sous la surface à « Coffee corner », le fort courant nous entraine parmi les carangues en chasse. Cinq gros barracudas semblent maîtriser les lieux de leur nage immobile. Ils signent la toute puissance de l’océan. Déjeuner dans l’enceinte du « Thalassa Dive Resort » qui mérite bien ses cinq étoiles IDC par PADI. Ici, on ne porte pas son matériel et il est rincé par le staff. Eau potable et serviettes sont fournies. Et avec le sourire en plus. Le retour en France va

être difficile !. James, comme les autres guides, prend beaucoup de plaisir à nous faire découvrir les créatures rares de la région. Comme d’ailleurs à « Black rock » où je peux photographier des poissonsfeuilles et encore les superbes poissonsmandarins : décidément ! Pendant le séjour, avec mon binôme Hélène, nous décidons de plonger à « Molas wreck » où une belle épave nous attend, posée très droite sur le sable à quarante mètres. Les superstructures encore bien présentes se dessinent malgré l’eau un peu chargée. En acceptant gentiment de me servir de modèle, elle me permet aussi d’évaluer la longueur du bateau, la hauteur du gouvernail et des hélices. Prise de conscience des perspectives. Comme avec la « Camera obscura » déjà décrite au IVème siècle par Aristote et reprise par Léonard de Vinci dans l’Italie de la Renaissance, je tente de recréer les paysages sous-marins étranges parmi les méandres de mon cerveau. Au loin, là où mon regard se perd, les images sont floues. Puis peu à peu, ma vision s’habitue à la transparence du bleu pour devenir particulièrement nette en macrophotographie. La vivacité des couleurs m’aide à préciser ma pensée et à me concentrer sur des sujets variés. Mon cerveau effectue la correction nécessaire à une bonne interprétation, précise et lumineuse. En transformant le rêve en réalité, les animaux sous-marins me deviennent de plus en plus familiers. Au milieu de ce séjour plongée, je consacre une journée pour visiter la région nord de l’île Sulawesi. J’en profite pour désaturer et reposer un peu mes oreilles. C’est un bon moyen aussi pour mieux approcher le pays et les gens qui y vivent. Attitude indispensable à mon sens, pour connaître le monde, sous-marin et terrestre. Ainsi, modestement, j’ai l’impression d’avoir une connaissance plus globale de la planète terre… Je me laisse envoûter par le vent omniprésent, les rizières à perte de vue, les maisons sur pilotis avec des volcans en toile de fond. Les odeurs fortes des cigarettes Kretek se faufilent entre les bananiers, les girofliers, les palmiers présents jusqu’à trois cent mètres d’altitude, pour remplir mes narines avides de souvenirs. Mes papilles se souviennent des petits piments rouges vendus au bord de la route où se côtoient insouciants les enfants, les chiens et les poules. Quelques coqs attendent leur prochain combat. Les scooters-taxis (taksi, en indonésien) slaloment avec virtuosité entre les voitures et les ornières. J’en aperçois un avec cinq passagers



DECOUVERTE I Le miracle de Bunaken Photo de gauche, un couple de poissons mandarins pendant une parade nuptiale. Photo du milieu, la mante religieuse de mer ou squille,est un prédateur nocturne redoutable. Le jour, elle s’enfouit dans le substrat, laissant dépasser que sa tête et ses yeux extrêmement mobiles pour surveiller les alentours.

qui se gare près d’un étal en bois, où est vendu l’essence dans des bouteilles de coca-cola. Une église démesurément grande pour le village que nous traversons est en construction avec des échafaudages en bambous. Un peu plus loin, une mosquée semble tout aussi importante. Plusieurs charrettes à bœufs attendent leur chargement de tek près d’un chantier de bateaux en bois. Un groupe de travailleurs des champs s’alimente près d’une minuscule boutique sur roulettes. Ils sourient et me gratifient d’un bonjour chaleureux. Peu de temps après, trois jeunes étudiantes en uniforme rouge et blanc me demande la permission d’être photographiées en ma compagnie. J’accepte bien volontiers de passer de l’autre côté de l’objectif. Au village de Tinoor à cinq cent mètres d’altitude, nous profitons avec mes amis, d’une vue imprenable sur Manado et le nord-ouest de l’île Sulawesi. Nous savourons une halte au marché traditionnel de la petite ville fleurie de Tomohon entre deux volcans encore en activité, Lokon et Mahawu : intensité des sensations. Ames sensibles s’abstenir… Près du lac Linouw, les quelques bulles qui s’échappent du fond prouvent bien que la terre vie sous nos pieds. Aujourd’hui, les eaux sont vertes mais elles peuvent être bleues ou rouges selon les jours. Au village de Woloan, nous visitons des maisons

traditionnelles en bois « Rumah adat », entièrement démontables, après avoir croisé cacao, café, vanille, cannelle et des plantations d’ananas. Rencontre de l’exotisme, à chaque minute, dans cette région de Minahasa. Le miracle du bon. Je sais ici apprécier le changement pour une vie plus intense et m’offrir la lenteur de l’Asie car le temps gagne à favoriser les expériences heureuses comme la caresse des soleils humides, le coup de foudre pour les verts multiples, le rythme contagieux des rencontres sous-marines. Enfin la paix profonde que procure la découverte de l’autre. A l’hôtel Santika où le confort y est absolu, son jardin luxuriant nous invite à mieux vivre nos rêves, avec une résonnance certaine dans le futur. Immersion sans complexe dans un monde de plaisirs. C’est bien cette impression agréable qu’offre à mon cerveau ce périple que d’autres ont déjà pu offrir. Et là est toute la compréhension du voyage ! Sous la surface, la nature y est à son aise. Elle semble encore indomptée, merveilleuse, comme un livre ouvert sur le beau. L’Indonésie déploie ses atours pour nous combler des plus beaux joyaux de la mer. Encensée par mes objectifs photo, l’eau n’a pour moi aucune censure. Elle s’offre impudique à ma mémoire. Ainsi, à chaque fois, je me souviens de mes


premières bulles. Avec nostalgie, je vais saluer les poissons dans cet océan plus vaste que la terre et écouter les murmures de ce monde sous-marin. Passionnément. L’image d’un animal sous-marin se dessine alors dans mon esprit. Je me sens devenir poisson, avec des nageoires et des écailles. Ressentir l’océan, me fondre en lui. Avec l’envie de renouer ce qui, en moi, se souvient qu’avant d’être homme, j’étais une algue bleue… Et que toute vie provient de la mer. Il est essentiel d’avoir des envies car elles sont les traits d’union entre le passé et le futur en apportant des solutions à notre présent. Quelquefois. Plonger, c’est comme rêver. C’est dialoguer avec notre créativité, favoriser la capacité à séparer le vrai du faux. L’air et l’eau. Le monde du dessus et celui du dessous. Le visible et l’invisible aux autres, aux non-initiés. Ici, je tente d’appliquer à mon appareil photo, les principes qui sont basés sur l’équilibre et l’harmonie entre terre et eau, les énergies qui nous animent en mêlant intimement le corps et l’esprit. Les images que mon Nikon rapporte de ses incursions sous-marines me semblent exceptionnelles. Peut-être la magie du lieu ? Sous l’eau, le bien-être c’est être bien. Avant tout. Mais la question est, selon Voutch : « Ne peut-on pas être un tout petit peu mieux ? » Plus tard, devant le volcan Manado Tua qui se dessine au loin, les arbres semblent

s’échapper pour caresser le ciel et tutoyer les quelques nuages, peu agressifs en cette saison. Comme dans un livre, la nature, les îles et les gens se profitent. Chaque page effeuillée est une découverte personnelle, voire une meilleure connaissance de l’autre. Donc de soi. J’essai constamment de garder mon âme d’enfant pour apprécier les spectacles de la vie. Maintenant, je jouis d’un camaïeu d’ocres alors que plus tôt je voyais des coraux aux couleurs vives. Le souffle du vent qui comble un peu le silence s’accorde au mieux aux lueurs crépusculaires. Les sept milliards d’étoiles commencent à ponctuer le ciel comme pour matérialiser le néant et peupler nos songes de rêves infinis. Je n’en compterai que très peu car mes yeux, pourtant avides de plaisirs simples, brillent déjà de toute la fatigue de la journée passée. Ou bien simplement de l’émotion ressentie à ces heures magiques : celles-là même qui filtrent les merveilles du lieu depuis le petit matin. Avec nostalgie, ma tête relit alors Antoine de Saint-Exupéry : « Quand tu regarderas dans le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! » Ma peau, caressée par le soleil, s’apaise enfin comme l’océan immense qui se transforme en lac autour de Bunaken. Mes paupières lourdes rejoignent doucement mes joues.

L’anguille de sable se nourrit de petits poissons et de céphalopodes. Le jour, elle vit enfouie dans le sable. Seule la tête dépasse du fond.


DECOUVERTE I Le miracle de Bunaken Photo ci-dessous, dans cette région du monde, les villages de pêcheurs sur pilotis sont nombreux.

Guide Pratique COMMENT Y ALLER:

Singapore Airlines assure des vols Paris / Singapour Vol Singapour / Manado avec Silkair Durée du voyage: 19 heures Tarif Paris-Manado-Paris: à partir de 907 Euros - www.singaporeair.com

RENSEIGNEMENTS:

Office de Tourisme d’Indonésie www.tourismindonesia.com Ambassade d’Indonésie www.amb-indonesie.fr

VOTRE SEJOUR:

www.promovacanes.com www.oceanes.com

Vaccin hépatite A recommandé Traitement anti paludien préventif

QUAND Y ALLER:

Saison sèche de mai à octobre Meilleure période : de juin à septembre

POUR PLONGER:

Munissez-vous de votre diplôme et de votre carnet de plongées. Plongées pour tous niveaux.

LANGUE:

L’indonésien.

Thalassa Dive Resort P.O. Box 1682 Manado 95016 Sulawesi Utara - INDONESIE Tel : (+62)431 - 8850 230 Fax : (+62)431 – 8850 231 E-mail : info@thalassa.net Web :www.thalassa.net

MONNAIE:

FORMALITES:

A VOIR A FAIRE:

Passeport en cours de validité, au moins 6 mois après la date de retour ainsi qu’un billet de retour confirmé pour le

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pays d’origine ou de résidence. Visa obligatoire - demande en lgne sur www.visa-en-ligne.com Délai d’obtention: 5 jours

La monnaie nationale est la roupie indonésienne ou rupiah (Rps). 1 Euro = 14000 Rps

DECALAGE HORAIRE: -7h l’hiver / -6h l’été

- Le village de Bunaken, - Les cascades de Kali et les singes Tarsius, - Le volcan Manado Tua


Ci-dessus, balade aquatique autour de l’île de Bunaken. Les récifs coralliens sont superbes et très proches de la surface de l’eau pour le plus grand plaisir des adeptes de palmes, masque et tuba. Ci-contre, le marché très coloré de Tomohon.

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