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Trois pistes pour le paysage

L’utilité des projets stratégiques pour le paysage est de proposer des visions intégrées qui nécessitent une coopération multisectorielle au sein des administrations concernées. Souvent attachés aux politiques sectorielles et à leur financement, ils peuvent être en mesure de mobiliser des ressources indépendantes des dépenses courantes des administrations. Finalement, s’ils sont dotés de valeur de directive contraignante appliquée aux outils de planification municipale (comme, par exemple, dans le PPTR des Pouilles), ils peuvent contribuer à identifier des actions appropriées à la réalisation du scénario stratégique à l’échelle des territoires communaux.

Trois pistes pour le paysage Quelques thèmes essentiels de l’approche patrimoniale du paysage découlent des considérations exposées qui précèdent, et ils concernent le rôle d’intégration que peut jouer le paysage par rapport aux politiques publiques ayant des retombées spatiales, la « production sociale du plan et du paysage » et la construction d’un projet culturel sur le paysage (De Bonis, Gisotti 2021). Le premier thème concerne la nécessité de concevoir le paysage comme politique publique, activateur d’une idée de développement différente, non lié seulement à ces paramètres économiques qui, de plus en plus dans la conjoncture actuelle, montrent leur caractère limité (Barbanente 2011). La qualité de l’environnement dans lequel nous vivons, une relation de la part de l’homme envers les autres espèces vivantes qui ne soit plus prédatrice, le droit à une alimentation saine qui n’utilise pas de méthodes de production qui représentent pour nous des menaces endémiques, la possibilité de se déplacer de façon durable non seulement pour les exigences de loisir mais aussi pour les exigences ordinaires, le droit à la beauté, à la jouissance de la nature dans ses aspects les plus sauvages comme dans ceux domestiqués, sont tous des aspirations qui peuvent trouver une synthèse dans le thème paysager. Le paysage et sa planification ne peuvent donc plus être envisagés comme l’un des nombreux domaines sectoriels de l’action publique mais devraient gagner une place centrale comme lieu de synthèse d’un ensemble d’instances de projets et de programmes sur une base régionale. En ce sens, la fonction que le Code des Biens Culturels et du Paysage reconnaît au plan paysager (de possible coordination de tous les instruments d’aménagement du territoire et de secteur, ainsi que de plans, programmes et projets nationaux et régionaux) peut jouer un rôle important dans la définition de politiques intégrées. Le deuxième thème est celui de la soi-dite « production sociale du plan et du paysage », qui a trouvé une déclinaison particulièrement mature dans des expériences de planification comme celle du PPTR des Pouilles : elle s’est alimentée, en effet, de nombreux instruments

participatifs à plusieurs niveaux (site web interactif pour signaler les bonnes et mauvaises pratiques, conférences de zone, projets locaux de paysage expérimentaux, écomusées et cartes de communauté, contrats de rivière, prix du paysage, table et manifeste des producteurs de paysage) et a fini par se traduire par un Titre des Normes Techniques de mise en Œuvre spécifique du plan même (« La production sociale du paysage »). Travailler à la mise en place d’outils et de contextes propres à accueillir la participation des acteurs territoriaux au processus de planification et la formalisation juridique de leur contribution sont, donc, deux étapes essentielles ; non seulement du point de vue du renforcement de l’efficacité du plan, mais aussi pour la consolidation d’une nouvelle culture du paysage en tant que bien commun et patrimoine collectif. Dans cette perspective, il peut être utile poursuivre sur le chemin de la représentation statutaire du paysage, qui met en exergue l’identité stratifiée du territoire et du paysage, les règles de bon fonctionnement qui la sous-tendent, les scénarios de transformation. Il s’agit d’ élaborations graphiques de diverses natures : des cartographies qui combinent une expressivité marquée des caractères du paysage à une rigueur méthodologique et une fiabilité topographique (renforcée ces dernières années grâce au recours des Systèmes d’Information Territoriale au sein desquels les cartes sont produites)12 ; mais aussi des représentations telles que les normes figurées qui, dans le sillage de la tradition des form-based code, expérimentent des moyens de rendre explicitement visible le cadre règlementaire du plan. La représentation statutaire du paysage peut alimenter avec profit la participation à sa protection et aider à la composition de ce kaléidoscope de visions, non sans conflit interne, qui est le paysage « tel que perçu par les populations ». Le dernier thème est celui de la construction d’un projet culturel sur le paysage, de longue durée, qui accompagne et soutient les expérimentations et les avancées réalisées sur le plan technique et normatif. Ce projet pourrait se développer sur trois axes : le premier, tourné vers le « sens commun » ou les « populations » auxquelles se réfère la CEP, devrait sensibiliser à l’importance du paysage comme bien commun, comme milieu de vie à soigner à partir également des comportements individuels; le second pourrait coïncider avec une large offre de processus de formation sur les plans paysagers, pour faire en sorte que tous ceux qui travaillent sur le terrain technique et administratif partagent un champ de connaissances et de références communs ; le troisième axe pourrait, finalement, se concentrer sur l’imagination du projet de paysage futur, non seulement dans le milieu rural mais aussi et surtout urbain, un thème aujourd’hui crucial, surtout si l’on accepte que le paysage, comme le soutient la CEP, est le cadre de vie des populations.

12 La « carte des caractères du paysage » du PIT toscan est un exemple particulièrement significatif de ce type de représentation (Lucchesi 2016).