Sang d'encre

Page 65

prenne en main. Ça ne peut plus durer. Au lieu de mourir d’une crise cardiaque parce que la nervosité m’a fait péter les plombs, je préfère encore mieux mourir en ayant eu le courage de révéler au monde entier qui je suis réellement. Allez, Jean-Pierre, secoue-toi un peu! Tu peux y arriver! Cécile a dit que Julie avait appelé, elle voulait donc te voir. C’est sûrement un signe du destin, alors tu vas aller lui dire aujourd’hui même. Je démarre la voiture. J’évite de peu une dizaine d’accidents sur la route. Je suis une vraie boule de stress au volant. Les questions s’accumulent à un rythme effréné. J’essaie d’imaginer un scénario dans ma tête, de trouver une façon de lui dire que je l’aime, mais pas exactement comme elle le pense. Les mots s’embrouillent. Plus que cinq minutes avant d’entrer en scène et je ne suis même plus capable d’articuler une phrase entière. Ô destin! Pourquoi te pointes-tu aujourd’hui? Je me gare et je descends tranquillement de la voiture. Jamais vous n’aurez vu quelqu’un descendre d’une voiture aussi lentement que moi à ce moment-là, je vous l’assure. Finalement, malgré moi, je me retrouve devant la porte blanche de l’appartement. Trop ébranlé pour me rappeler que mes clés sont dans ma poche, je sonne. Rien. Je sonne à nouveau. Toujours rien. Allez réponds, merde, ne me fait pas attendre, je risquerais de déguerpir dans les prochaines secondes. Pas de réponse. Tant pis. Ah oui! Mes clés! J’ouvre la porte. Stupéfait, je regarde de long en large l’appartement à moitié vide. Il ne reste que quelques affaires qui m’appartiennent et une lettre déposée au centre de la pièce. Je m’approche et la ramasse. Elle sent le subtil parfum de Julie. Il y est écrit dans une écriture très soignée : Cher Jean-Pierre, Lorsque tu liras cette lettre, je serai déjà partie très loin. N’essaie pas de me retrouver. J’ai pris mes affaires et j’ai laissé les tiennes dans un coin de l’appartement. Tu te demandes peut-être pourquoi je suis partie si soudainement. (Euhh… oui?) C’est très simple. (Ah oui?) Depuis un certain temps, tu avais arrêté de me toucher. (C’est vrai, mais…) Et toutes ces sorties nocturnes et répétitives… Tu ne m’accordais plus aucune attention! Ton cœur appartenait-il peut-être à quelqu’un d’autre? (Ahh Raphaël…)J’ai donc décidé de me venger! (Quoi? Comment?) Je t’ai trompé! Je t’ai trompé et je ne me suis jamais sentie aussi heureuse. Je te croyais l’homme de ma vie et à tes yeux, je ne suis devenue qu’une vieille chaussette puante qu’on oublie quelque part dans le fond de sa chambre! Il fallait que je me fasse enfin plaisir! Et tu sais quoi Jean-Pierre? (Vas-y, je t’écoute!) C’est avec une femme que je t’ai trompé! HA! Et vlan dans ton ego masculin! Tu fais l’amour comme un gros nul! Tu ne m’as jamais fait jouir, imbécile! (Et toi tu crois que tu m’as déjà vraiment fait jouir? JE SUIS GAI, BORDEL!) De toute façon, je m’en fiche. Je pars vers une nouvelle vie et je te laisse dans ton trou! (Je te signale que tu as également vécu dans ce trou avec moi pendant sept ans!) Crève! Julie. Bon…?! On dirait bien que l’affaire est réglée. Cette Julie! Même un hétéro ne pourrait pas la satisfaire. Bref, on tourne la page. Prochaine étape : trouver le numéro Raphaël. Vous trouvez que c’est un peu tôt? Faut bien que je reprenne pour le resto de ce midi, non? 65

de me


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.