Sang d'encre

Page 16

Elisabeth Gascon

L’ombre d’une seconde Elle voyage dans ses souvenirs, Parcourt ses anciens chemins en rageant contre les nouveaux. Obscures visions des choses, incertaines actions, Le destin est abstrus, vague, indécis. Ses rêveries la mènent dans une mer géante Où le courant de ses introspections la portent tout comme la foule Dans un trou noir de pensées troubles. L’instant présent demande d’être vécu, Elle s’égaye alors de son passé Afin d’essayer de profiter du futur Elle cherche la nouvelle route à prendre.

Elle aime la nature, abhorre la société Garde en tête le jour où la voiture lui parut utile pour sortir de la ville Car voyager dans son esprit, c’est bien, mais changer d’air le serait aussi Calme et immobile, les yeux fixés vers l’horizon Son vécu gruge son intérieur Elle se remémore cet après-midi sur l’autoroute Aucun doute, la voie prise fut la bonne Mais la seconde perdue aurait clarifié sa vue… Avec des « si » aujourd’hui, elle aurait pu décider elle-même Le moment où elle aurait voulu se coucher, s’asseoir ou se lever. Si l’accident n’avait pas exigé son immobilité, À présent elle ne roulerait pas vers l’arrière Mais marcherait vers l’avant.

Dans les sinusoïdes de ses émotions, Ses malheurs attirent plus son attention. Elle tente alors de se divertir, De chanter l’air des secondes éphémères qui font la course De chanter l’air frais du temps qui a frappé sa course.

François Ricard

L’Avion De Papier Si seulement je pouvais flotter sur le vent, telle une feuille perdue, tel un avion de papier jeté par la fenêtre d’une école. Alors, j’irais là où le petit François allait, léger, dans les nuages, à l’abri, et jamais en classe. Là où sont les douces filles aux tendres regards, aux douces peaux, que j’aime tant regarder, endormies collées contre moi jusqu’aux chants des premiers oiseaux. J’irais là où mon bonheur m’attend, vagabond, sans un sous, me foutant de tout, nu de responsabilités. Je suivrais les rails d’un train, le soleil couchant, main dans la main avec un ami, silencieux comme deux enfants, trop émerveillés pour parler, ne voulant rien dire, seulement être heureux, avançant, avançant, sans jamais se retourner. J’irais n’importe où, comme un marin sans port, une symphonie sans notes. Au bout de mon imaginaire infini. J’irais n’importe où, n’importe où. Devoir! Que je te hais! Je te hais de m’enchaîner au sol. Je te hais de me dire quoi faire et où aller. Tu me suis depuis l’enfance, et ne me laisseras que cadavre, que tu es cruel. Va-t’en. Tu dévores mon désir. Tu dévores mes joies. Tu me voles. Tu me violes. Va-t’en je te dis! Ce sont les filles et le soleil et l’océan que je veux, pas toi. S’ilte plaît, laisse-moi seul, comme avant, sur mon pupitre, s’il-te plaît, va-t’en. Et si tu refuses, t’accroches, t’accapares, Ô cruel détenteur de ma liberté, eh bien, je m’en fous. Malgré toi, j’irai n’importe où. 16


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.