Sang d'encre

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routine et je continuai à noircir des centaines de pages. Une semaine après mon arrivée, elle revint, elle était là, je n’en revenais tout simplement pas. Elle m’ignora, observant les clients. Le lendemain, je changeai de café et je recommençai le surlendemain, mais rien à faire, elle me suivait partout. J’allai même jusqu’à changer de ville, ce qui me donnait quelques jours de répit, mais elle revenait sans cesse. Je l’ignorais tout le temps, et à chaque fois que je pensais à lui parler une envie folle d’écrire me prenait. J’ai même essayé à l’époque de ne pas amener de quoi écrire pour contrer cette envie furieuse, mais je finissais toujours par trouver un moyen d’écrire, soit en empruntant un papier à un confrère, soit en utilisant du sucre pour tracer des lettres. J’allai même jusqu'à graver des lettres avec mes ongles dans la table du lieu où je me trouvais. Si je décidais de rester dans ma chambre pour dormir, je me réveillais quelques heures plus tard attablé à un café avec elle à mes côtés, la plume à la main et des feuilles noircies de mots à côté de moi. Son emprise diminua fortement lorsque je publiais mes écrits, le résultat de toutes les histoires que j’avais écrites dans les centaines de café que j’avais visités. C’est à ce moment-là que Lestat décida de quitter son emploi et de partir pour l’Amérique, me laissant une simple note m’enjoignant de parler à la jeune dame qui me poursuivait. Ce qui me semblait avant totalement impossible semblait à présent parfaitement normal. Le soir venu, je l’attendis et à mon grand étonnement lorsqu’elle arriva, je pus aller lui parler et c’est alors que je remarquai son regard fabuleux où l’on voyait transparaître une sagesse sans borne. Je me perdis dans ce regard et je fus incapable de me rappeler ce que je voulais lui dire. Lorsque je repris mes esprits, j’étais chez moi dans mon lit. Le lendemain, je recommençai, mais encore là, je fus pris par ce regard. Je continuai à aller la voir et à la fixer directement dans les yeux jusqu’au jour où comme habitué par ce regard millénaire, je pus lui demander qui elle était. Ce fut la seule question que je réussis à lui poser. Elle ne me répondit pas, mais elle partit me laissant un mot qui m’exigeait de la rejoindre le lendemain soir au 21, rue du Charcoux. Le lendemain soir, je me présentai au 21 rue du Charcoux et c’est là que je fis la plus étrange découverte de ma vie. Cette nuit changea ma vie totalement… C’est cette nuit-là que je sus qui elle était, c’est cette nuit-là que je devins un vampire, que je rejoignis Lestat, mon ancien mentor et que je me choisis le nom de Valerien Lupa, en l’honneur de Paul Verlaine. Charles Baudelaire me fit découvrir la poésie et Laure B. de Chialeras, la vie, en 1867. Valérien Lupa Montréal, 13 novembre 2006

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