Sang d'encre - 2009

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range le reste des tables, il se met à murmurer les paroles de la chanson. Il arrête quelques instants et aperçoit le jeune homme en train de chanter lui aussi. VT : Alors, un fan de Sinatra? VS (en souriant) : Pas moi, mais ma mère me casse les oreilles avec ça. VT : Ta mère doit être très bonne. VS (s’énervant) : Ne parle pas de ma mère comme ça! VT : Désolé je ne... je ne voulais pas t’offusquer. Je vais me taire. Victor continue à passer son linge sur les tables. VS : C’est moi qui m’excuse. J’ai ... j’ai eu une longue journée. VT : C’est correct, des fois on a des mauvaises journées. Ça arrive souvent que ça finisse ici, les mauvaises journées. Le jeune Victor vide son verre d’un trait et ferme les yeux comme s’il avait pris un bonbon sûr. Il tend son verre et sans dire un mot fait signe qu’il en veut un autre. Victor finit son nettoyage et se dirige vers le bar où il sort un deuxième verre puis remplit les deux. Il fait glisser le verre du jeune et prend une grande gorgée du sien. VT : Alors, le jeune, raconte-moi ta longue journée. VS : Je déteste ma famille. Je déteste mon père, je déteste mon frère, je déteste ma sœur. Je les déteste tous. VT : Mais pas ta mère. VS : Quoi? VT : Tu ne détestes pas ta mère ou t’as oublié de la mentionner. De plus, tout à l’heure lorsque j’ai parlé de ta mère tu n’as pas trop aimé ça. VS : C’est parce que ma mère est morte il y a quelques années et elle m’a laissé dans une famille de pauvres cons. VT : Pourquoi ? T’as l’air pas mal bien parti avec ton chandail ARMANI et tes souliers PRADA. VS : C’est rien. Ce ne sont que des vêtements. Il se pourrait que ce soit des faux. VT : Oui, mais ta ROLEX dit le contraire. Elle doit valoir une fortune. Le jeune se fâche, enlève sa montre et de toutes ses forces, la lance en direction du néon « OUVERT » qui explose en mille miettes. Le signe est relativement loin du bar et Victor est très impressionné de la précision du lancer. VT : WOW! Quelle dextérité tu as! Est-ce que tu visais le néon ou est-ce que tu l’as frappé par hasard? VS : Je n’ai pas besoin de lui, de ses cadeaux, de son argent. Quel salaud! Victor sourit, vide son verre, met une nouvelle bouteille sur le comptoir et se dirige de l’autre coté du bar. Il s’assoit sur un siège à coté du jeune et remplit de nouveau les deux verres.

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