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Mai 2011

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SA ! Les «SA» Savacou - Sardaby Saint-Éloi - Salibur Sainsily

Hommage Rolf forever…

Comics ! Jack Exily Luk Gama Mimika Olivier Marie-Rose Mister Five Loic Renia Vee Ansar Sattar

Sadilakay Ka’w ka di ? Ka’w ka fè ?

Sanchez Pop Naïf  !

Sanguine Raymond Médélice

Salzedo I’m a zoukeur !

Sabas Le Non Faire

FA N Z I N E C U LT U R E L D E L A C A R A Ï B E



SOMMAIRE 05

É DITO

08 09

H OMMAGE

10 27

COMIC’ STRIP

28 29

PORTRAIT KA’W KA DI ? KA’W KA FÈ ?

30 33

P OP AR T !

34 35

42 47

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SANGUINE

TOPOLOGIE 1

LE BOUCHE À OREILLE

ABÉCÉDA I R E MUSIC A L

37 40

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T YPO

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Made it last

Typo-Tempête

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est une publication de l’agence 50450 Le Mesnil-Villeman 02 33 51 72 70 >> agence.siklon@gmail.com

Directeur de publication : Cédric Francillette agence.siklon@gmail.com

Consulting rédactionnel : Guylaine Masini

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Journalistes :

Guylaine Masini, Maxence Alavarna, Serena Laurent

Correcteur : A.B.

Conception graphique :

Frédérique Blaize 06 59 98 87 13 frederique.francillette@gmail.com http://www.creabook.com/bambi

Boucan est sur

Iconographie : DR

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Merci de nous contacter au : 02 33 51 72 70 ou par mail agence.siklon@gmail.com

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Remerciements aux artistes pour leur aimable participation


ÉDITO

Cédric Francillette

Directeur de publication

Couleurs musicales…

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uel parallèle y a-t-il entre la musique et la couleur ? « Boucan » bien sûr ! qui cette fois-ci n’a pas d’inédit dans ses pages fournies mais de belles rencontres à vous proposer…

Tout d’abord un hommage à Rolf Sambale qui nous a quitté il y a un peu plus d’un an, après le tremblement de terre en Haïti. Ses amis ont répondu présents au souvenir de sa mémoire. Sus à la morosité, le dossier spécial est là pour nous rappeler que les caribéens ont du talent et tout particulièrement dans le domaine de la bande dessinée. Un dossier complet pour les adeptes du trait et de la couleur... De la BD au Pop art et à la sanguine, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement grâce à une artiste cubaine Ileana Sanchez et un peintre martiniquais Raymond Médélice. Toujours dans l’univers des arts plastiques, nous abordons un cycle de plusieurs articles qui seront publiés dans les prochains « Boucan » sur Christian Sabas. Le premier aborde la pratique de l’atelier du Non Faire, structure atypique qu’il a fondée dans le but de faciliter le « retour en amour » par l’intermédiaire de la peinture ou de la musique. La musique, puisqu’on en parle, a aussi le beau rôle avec la participation de Willy Salzedo, que l’on ne présente plus, ainsi que celle de Philip Sadilakay, saxophoniste du groupe « Soft ». Bonne lecture !

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BOUCHE À…

RICHARD-VIKTOR SAINSILY & OLIVIER D.

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elle initiative que celle mise en place par Richard-Viktor Sainsily et Olivier D. : partager un atelier dans le but de produire des œuvres communes. Les fruits de cette collaboration étaient présentés à Baie-Mahault, lors de l’exposition « Sens Mêlés » fin avril 2011. À partir de matériaux divers (toile tendue, sable, collages, couture, métal, acrylique et vitrail),

MICHEL SARDABY

RODNEY SAINT-ÉLOI

Exigence et générosité

Passage en Guadeloupe

Rodney Saint-Éloi et Makenzy Orcel, deux écrivains haïtiens se trouvaient en janvier dernier en résidence d’auteurs au Café littéraire de l’UAG. Rodney Saint-Éloi vit au Québec, et y a fondé en 2003 une maison d’édition « Mémoire d’encrier ». Makenzy Orcel, poète et romancier, quant à lui, vit au cœur de Port-au-Prince. Ils étaient tous les deux présents lors du tremblement de terre de 2010. Cette tragédie leur a inspiré deux livres, pour Rodney « Haïti, Kenbé là » aux Éditions Michel Lafon et pour Makenzy « Les Immortelles » aux Éditions Mémoire d’encrier. 06

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Une rencontre qui se concrétise par une exposition et des peintures réalisées à quatre mains : on peut dire que nous sommes typiquement dans l’esprit « Boucan »

les deux peintres nous invitent à parcourir leur infinis paysages. Un tiers des peintures est réalisé en commun ce qui permet à chaque artiste d’enrichir son vocabulaire visuel et ses « sens » caribéens. Créer une dynamique en favorisant les échanges ne peut qu’être positif pour l’essor culturel antillais. R.-V. Sainsily Cayol : 06 90 35 58 48 Olivier D. : 06 90 63 98 26

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« L’unité est sous-marine » dira le poète Edward Kamau Braithwaite (né à la Barbade) et l’un des fondateurs de « Savacou ». Cette idée de géographie submergée et fluide, cet espace-temps noir atlantique, composé de flux, de passages et de déplacements, se trouve aussi en substance dans l’esprit du journal. « Savacou » fondé en 1970 par Brathwaite, Andrew Salkey et John La Rose fut plus qu’un archipel au service de l’expression de nouvelles voix noires. Fils du mouvement des arts caribéens (1966) le magazine tentait d’offrir une balance critique aux normes eurocentristes, à travers lesquelles les nations post-coloniales ont été imaginées et construites. Magazine donc littéraire mais aussi politique, réunissant des poèmes oraux traditionnels, de la poésieperformance et des vers en créole à travers des thèmes allant des mots à la musique, en passant par la littérature et la street culture.

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Partage & création

Patrimoine littéraire

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SAVACOU

Peu connu du public français, en dépit du fait qu’il soit martiniquais, Michel Sardaby est un musicien mythique au Japon et reconnu dans le milieu du jazz. Après un enseignement dispensé par son père, lui-même pianiste, Michel poursuit ses études à l’École Boulle. Mais très vite, sa passion pour la musique le rattrape et il fera ses gammes à la Cigale avec des musiciens antillais tels que Al Lirvat ou Robert Mavounzy. Pour Michel, il y a une dignité à la base du jazz comme dans la peinture. La musique de Sardaby révèle son attention particulière pour le tempo, son talent pour la composition. Grâce à sa subtilité, il a toujours su s’entourer de grands musiciens tels que J.J. Johnson, Ben Webster,

Jimmy Gourley et Chet Baker. Il travaillera entre autre avec Billy Cobham, Ray Barretto et sortira deux disques de duos avec Monty Alexander et Ron Carter. Fervent admirateur de Duke Ellington, Michel aime à dire que le jazz est une philosophie de vie et le disque un flagrant délit d’existence… En savoir + Peu de vidéos de Michel Sardaby sur internet et c’est bien dommage ! On le voit dans celle-ci interpréter un morceau de T. Monk au « Duc des Lombards » : http://youtu.be/vQ7gP-3MWJ0 Discographie non exhaustive : « Gail » 1974 « Caribbean Duet » 1984 (M. Alexander) « Voyage » 1984 (R. Carter) « Going Places » 1989 « Intense Moments » 1997


…OREILLE

La Flamboyante…

SAVACOU GALLERY

Fondé en 1989, le Théâtre du Flamboyant avait pour vocation première de réinsérer des jeunes chômeurs autour d’un projet de création théâtrale. Le succès aidant, la compagnie s’est professionnalisée et intègre maintenant différentes disciplines artistiques comme le chant, la danse, la musique et les marionnettes. L’année 2006, marque la naissance d’ « A’zwèl » centre de recherche, de création et de diffusion théâtrale, qui

propose des ateliers, des rencontres et des spectacles. Il s’agit en fait de mettre le monde et sa compréhension à hauteur d’enfant, par l’intermédiaire du théâtre. cietheatreduflamboyant.blogspot.com lazwel@gmail.com

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Comment rendre accessible la création théâtrale aux tout-petits ? C’est ce défi que Lucette Salibur, metteur en scène, comédienne et chargée de direction artistique relève depuis plus de vingt ans grâce à la création du Théâtre du Flamboyant.

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Lucette Salibur

« Les gens nous pensaient fous… les choses étaient différentes à l’époque. À ce moment-là, on ne songeait pas à faire le commerce de l’art afro-américan. Nous sentions simplement qu’il était important que l’on connaisse la contribution des artistes afro-américains et caribéens dans le domaine artistique. » La « Savacou Gallery » est née en 1985 à New York, sous l’impulsion d’une jamaïcaine Loris Crawford. Partant du constat que les artistes noirs n’étaient pas représentés dans les musées et que par ailleurs, il leur était impossible d’exposer dans les galeries ayant pignon sur rue, Loris, à force de travail a créé cet espace qui accueille aussi différents événements tels que des signatures, des tables rondes, des présentations de films ou des séminaires. http://youtu.be/jKI-GpmsfcY 240 East 13th Street New York, NY 10003-5635


Rolf Sambale

Haïti se souvient, Boucan aussi…

Rolf Sambale nous a quitté peu après le tremblement de terre en Haïti… Ce peintre, d’origine germano-haïtienne, par son parcours métissé nous semble être un symbole des liens historiques et culturels existants entre l’Europe, l’Afrique et la Caraïbe. Mais c’est essentiellement dans ses origines haïtiennes qu’il puise sa force pour peindre. Ses amis artistes nous parlent de son engagement… Gilles Girard d’Albyssin

Rolf Sambale nous aura tous marqués, artistes de Guadeloupe. Un artiste au regard pointu et respectueux sur la réflexion plastique des autres.

Erline Sambale

« Que ton âme repose en paix, on pense beaucoup à toi. Tu resteras toujours dans mon cœur… »

Joël Nankin

« Le rêve de pouvoir construire ensemble la “ Grande Karaib des peuples “ me disait-il très souvent “ L’importance de l’art dans cette construction… »

Exposition au show room Honda Mazda - Jarry Juin 2010

« Nativité » acrylique sur toile - 2010 08

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« Galaktik » acrylique sur toile - 2010

« Masque » acrylique sur toile - 2010


HOMMAGE

«

Œuvrer pour la vérité est un élément essentiel en peinture, si le peintre ment, ça se voit.

»

http://www.rolfsambale.com • sur facebook : FAN DE ROLF SAMBALE

Sanmyel

Il serait prétentieux de ma part d’affirmer que je connaissais Rolf, tout au plus ai-je de lui cette vision parcellaire : celle d’une comète bleue de la mer des Caraïbes qui a croisé ma route un certain mois d’août 92 au Fort Fleur d’Épée. En effet, d’après ses propres dires, c’est cette année-là qu’une « information cosmique » l’avait pris comme canal et que ses doigts étaient devenus « Indigo ».

Richard-V. Sainsily-Cayol

Rolf ne s’emballait pas. Il semblait prendre le temps à cœur. Rassemblant toutes les énergies, toutes les essences qui lui semblaient opportunes dans son œuvre pour faire sens. Là il n’a pas fait semblant, il s’est empressé. Et c’est en homme pressé qu’il s’en est allé… Laissant s’emballer cœurs, pleurs et couleurs…

Nikki Élisé

J’ai connu Rolf en tant qu’artiste lors de la fréquentation assidue des Indigos dans les années 90 au Fort Fleur d’Épée. La passion pour son art qui émanait de cet homme m’a vraiment bouleversée artistiquement parlant. Je crois que son influence m’a guidée pour embrasser moi aussi cette voie. En 2008, je le rencontre réellement et nous développons des liens d’amitié. Il me conseille sur ma création et je l’aide du mieux que je peux pour son expo des « Grands hommes de la Caraïbe ». De Rolf, je garde l’image d’un être multi passionné, de son pays Haïti et de sa peinture. Il n’envisageait pas les deux dissociés. Tant que je verrai de l’art haïtien, Rolf ne mourra pas. À travers ses yeux, dans ses mots, j’ai découvert une terre immensément riche de talents et d’histoire. Sois en remercié mon ami. E kon on aprann mwen : « Aiyti Lespwi Yonn ! »

« Raggaton » acrylique sur toile - 2010

Klodi Cancelier

Il est venu, il est parti. Puis il est revenu pour repartir de nouveau. Le séisme du 12 janvier l’a une dernière fois poussé vers sa seconde patrie : la Guadeloupe. Cette fois, sans le vouloir, il nous a quitté sans retour. Rolf, tu resteras pour toujours dans nos cœurs et dans nos pensées, tes œuvres témoignent de la grandeur de ton âme d’artiste et de l’immensité de ton talent.

José Lanoir

« Marassa ou alé »… Ton frère fera tout pour que tu sois reconnu. Notre 6e continent a perdu un de ses GRANDS HOMMES mais le monde admirera l’homme, l’artiste éternel que tu es, je te le promets …

« Taino » acrylique sur toile - 2010

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Jack Exily Binôme Exily-Anselin Depuis cinq ans, Jack Exily et Osendé Anselin (respectivement auteurillustrateur et scénariste) ont décidé de maîtriser leurs outils de production pour mieux satisfaire leurs besoins éditoriaux. Ils ont donc réalisé cinq bandes dessinées de fiction dont le fameux « Milloch » qui a demandé plusieurs années de recherches tant historiques que graphiques. Trois collections ont été créées pour satisfaire le besoin de création de ces deux auteurs : La collection « Soulcomix », qui met en exergue l’histoire des Amériques dans son ensemble à travers des fictions basées sur des faits historiques avérés et des personnages dignes d’intérêts (cf. « Milloch »). La collection « Zikak » (créée par Osendé Anselin qui a une appétence en matière sociale et burlesque), donne comme exemple fascinant un ouvrage tel que « Fleur d’oranger, essence de vanille ». Toujours dans cette collection, leur dernier livre « Caribe Compositus » rassemble trois histoires dont le fil conducteur est la vision de la femme de la Caraïbe. « Caribe Compositus » clôt un cycle (le cycle Caraïbe) qui a débuté il y a neuf ans avec une histoire « Lanmou » publiée aux éditions 10

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Tél. : 06 79 88 14 06 www.soulnetworks.org www.facebook.com/soulnetworks.org exily.soulnet@gmail.com

Personnages des contes de Simon Soul dans « Turkey # 17 »

Case de Simon Soul dans « Turkey #18 »


SPÉCIAL BD

Grâce aux éditions « Hoochie Coochie » du collectif « Turkey Comix », Exily et Anselin ont eu la reconnaissance à Angoulême en 2008. Ils ont obtenu le prix de la bande dessinée alternative. En 2011, Les éditions « Hoochie Coochie » et Jack Exily en seront à leur troisième année de collaboration.

La Cafetière. La dernière mais pas la moindre, la collection « HKF » (Héroïque kréyol Fantasy) propose les aventures de l’écrivain aventurier, Simon Soul (« Les sept contes de Simon Soul », « Soul l’Aventurier », etc.) la marque de fabrique de Jack Exily depuis 2004. Cette collection se veut divertissante et va dans la droite ligne des grandes sagas avec l’utilisation du fantastique, de bestiaires, de légendes, de lieux magiques et de batailles contre les forces du mal. Dans le cas de Simon Soul, le socle dévoile la « fantasy » des Caraïbes, des Amériques ataviques… Le concept fait son chemin et les auteurs espèrent faire de cette collection, un nouveau style littéraire et graphique global… Rien que ça !

Case de Simon Soul dans « Turkey #18 »

« Trois contes de Simon Soul » collection HKF de Jack Exily, Janvier 2011

« Lanmour » cycle Caraibe, de Jack Exily, Éditions la Cafetière – 2000

« Fleur d’oranger – essence de vanille » collection Zikak de Jack Exily et Osendé Anselin, Jack Exily Éditeur – 2005

« 7 contes de Simon Soul » collection HKF de Jack Exily, Jack Exily Éditeur – 2004

© Texte et visuels de l’article Jack Exily

« Milloch » de Jack Exily, Jack Exily Éditeur – 2005

« Caribe Compositus » collection Zikak de Jack Exily et Osendé Anselin, Jack Exily Éditeur – 2009

La collection « Soulcomix » a sur le feu, un western « Lee » qui raconte l’histoire d’un cow- boy noir en quête de rédemption par le truchement d’une tribu mythique de natifs américains. Du même niveau d’exigence que « Milloch », ce travail demande une recherche historique approfondie. Ce titre devrait paraître dans les deux ans à venir.

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Luk Gama

http://lukgama.blog.fr http://www.myspace.com/lukgama kreasyon@hotmail.com

Opéra Nègre

J’ai commencé les arts plastiques au lycée (L3), puis j’ai continué ma formation à l’école d’art de Martinique (IRAVM) dont je suis sorti diplômé en 1998. Ma nourriture B.D. a toujours été très éclectique. Elle inclut aussi bien Hergé qu’Uderzo ou Edika (« Fluide Glacial ») en passant par les auteurs des grandes sagas de « comics » américains. Depuis quelques années, mon intérêt s’articule autour des créations « picturales » d’auteurs d’Amérique du Sud tels Ignacio Noé, Juan Gimenez ou avant eux Alberto Breccia. En 2002, Didier Ramdine me contacte. Il a écrit un opéra basé sur la rencontre des musiques traditionnelles de Guadeloupe et de la musique lyrique. Afin de promouvoir son travail (l’édition des partitions), il souhaite que je réalise la B.D. de cette histoire. Les personnages principaux sont dessinés. Mais faute de budget, le projet sera mis en suspens. Fin 2004, les choses commencent à bouger enfin. Après plusieurs études du texte et du graphisme, les choix sont faits. De 2006 à 2007, ­je travaille à l’adaptation de l’histoire en un scénario. Début 2007, j’attaque les planches que je finirais fin Septembre 2007. Mon projet actuel ? Le scénario d’une B.D d’anticipation. C’est une histoire plus personnelle qui se déroule dans une Guadeloupe « indépendante ». La sortie devrait être pour fin 2011.

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Dessins d’études réalisés en 2004 pour le court-métrage « Lettre à Irène » de Tony Coco-Viloin « Opéra Nègre » avant la mise en couleur…

« Opéra Nègre » version finale

Étude pour le personnage de Dahomey, « Opéra Nègre »

Extraits de la B.D. « Chalè Nèg Mawon » de Domnique Duport, édité et diffusé par épisodes dans le magazine « Migan » (en langue créole) créé aussi par D. Duport (il n’y en a eu que 3 numéros).

« Opéra Nègre », une histoire de Didier Ramdine adaptée et dessinée par Luk Gama RD Editions 2007


« Fleur d’oranger – essence de vanille » collection Zikak de Jack Exily et Osendé Anselin, Jack Exily Éditeur, date ?

© Texte et visuels de l’article Luk Gama

(http://misterclap.musicblog.fr/238148/Lettre-a-Irene/)

Participation au Salon de la BD à Trinité (Martinique).

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MiMiKa Bonjour, Alors voilà, je suis entièrement autodidacte, J’ai appris à dessiner sur les marges de mes cahiers ! Je n’ai jamais arrêté de dessiner, sans imaginer qu’un jour je le ferai pour quelqu’un d’autre que moi-même… Je suis née et j’ai grandi en Guadeloupe (j’ai failli développer un fanzine au lycée de Providence avec des amis, mais finalement le projet n’a jamais vu le jour…) N’ayant jamais envisagé d’en faire mon métier, je me suis orientée vers des études en histoire, puis en géographie en Martinique. Je débarque en France métropolitaine à 20 ans pour ma licence de géographie mention environnement… Et cette dernière ne se passe pas très bien… Les cours m’intéressent de moins en moins, il fait froid, et l’idée de travailler dans ce domaine me terrifie… Je découvre alors, bien au chaud dans mon studio surchauffé, le monde merveilleux des forums de dessinateurs… Et entre dans le monde des fanzines amateurs !!! Je scanne mes dessins, découvre les joies de photoshop (j’apprends à l’utiliser seule, à l’aide de tutoriaux disponibles sur ces forums ou sur Internet) et les envoie à différents fanzines recommandés par des amis, 14

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http://kalbass.forum-box.com http://mimikaweb.free.fr/ mimikaweb@free.fr

« La petite voleuse d’étoiles » Projet d’histoire jeunesse

Mademoiselle Racoon Labyrinthe réalisé pour l’association « Les Lemmings »

http://mimikaweb.free.fr/


SPÉCIAL BD

Badges pour le fanzine « Angel Art »

« Fanzine Croklic » http://www.croklic.net/

et bingo ! Pour le moment je participe bénévolement sur tous ces fanzines, c’est une façon excellente d’apprendre, de s’exercer, et de se tester, en vue d’un développement prochain d’activités plus… professionnelles ! (création de faire-parts, de posters, de cartes postales). Le monde du fanzinat est aussi un monde que j’apprécie particulièrement pour sa convivialité et sa solidarité… C’est pour cela qu’avec l’aide d’un ami (Loïc Rénia aka « Mosta », sélectionné au concours Caribulles 2010 en Guadeloupe) nous avons créé un forum de discussion spécial pour réunir des dessinateurs caribéens, afin d’aider tous les jeunes gens à se rencontrer, à développer leurs talents, à leur fournir aide et conseil dans le but de créer notre propre fanzine BD antillais ! Vous pouvez aller y faire un tour à l’adresse suivante : http://kalbass.forum-box.com

Fanzine « Frissons Lovecrafatiens » http://bd-lune.forumactif.com/

© Texte et visuels de l’article Mimika

Carte pour le fanzine « Angel Art »

« Fanzine Angel Art » http://fanzine.angelart.free.fr/

Je regrette que les métiers de l’image et de l’art soient si méconnus aux Antilles, j’ai très peu été encouragée dans ce domaine lors de ma scolarité, par les profs ou les conseillers d’orientation… Ce sont des métiers difficiles, mais quand on aime on ne compte pas ! J’aimerais lutter contre les a priori des gens envers ce type de métier…

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© Dessins du step-by-step Mimika

Step by step by MiMiKa SPÉCIAL BD

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Olivier Marie-Rose Dans la vraie vie, je suis… dessinateur DAO à la Mairie de Paris. Martiniquais d’origine (commune du Saint-Esprit), je vis depuis 7 ans dans le 93 (Seine-St Denis). J’ai commencé à dessiner très tôt en reproduisant les couvertures des mensuels de BD tels Bleck le roc, Akim ou encore Rodéo. J’ai remporté quelques concours, participé à plusieurs expositions collectives (25 ans d’illustration – Espace France Antilles, Jazz à la Martinique – CMAC) et personnelles. La première fois que j’ai publié une bd c’était dans le « Télé 7 jours » local en 1986, une histoire d’une page intitulée « Zagaya » qui racontait les bêtises de deux petits Martiniquais. J’ai aussi participé à plusieurs numéros du fanzine Martiniquais « Kréyon noir » créé par Carlo Nayaradou en 1997. J’ai longtemps utilisé la méthode traditionnelle (crayon, plume, encre et couleurs à l’eau) pour mes dessins. En arrivant à Paris, j’ai découvert le numérique (Photoshop, Corel). Même si je continue par moment mes dessins au pinceau et au feutre, la plupart de mes couleurs sont faites sur ordinateur. Pas forcément pour la qualité mais plutôt pour la facilité et la rapidité d’exécution. 18

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omarierose@free.fr http://oliviermr2.over-blog.com/

« Les mouches à miel » une histoire racontant l’aventure d’un groupe de musiciens qui seront utilisés à leurs insu pour sortir des documents.

Extrait de « Carnet de route » un recueil de dessins inspirés par mes vacances – 2009


SPÉCIAL BD

Recherche pour un inspecteur de police en poste sous les cocotiers.

Mise en couleur de ma participation au RAV n° 15 « Guerre et paix »

Un utilitaire comme on les aime bien chez nous

Fanzine « RAV » n° 14

© Texte et visuels de l’article Olivier Marie-Rose

Magazine « Kreyon noir » n° 1

Fanzine « RAV » n° 16

J’ai un blog depuis 2005 sur lequel je mets des dessins, des photos et des bandes dessinées. Je participe également au fanzine « Rien à voir » qui parait trois fois par an. Je suis en train de terminer un livre type « carnet de route » sur mes vacances 2009 en Martinique. J’essaie dans mes thèmes abordés de cibler les Antilles où il y a encore tout à raconter sans non plus me mettre de barrière.

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Mister Five et l’En-ville

Mémoire palimpseste, mémoire créole autrement dit... « Mister 5 » se joue du repérage spatio-temporel. Un homme, échoué sur une plage, va réapprendre sa vie au contact des pêcheurs de requins. Mais, son errance physique dans l’En-Ville rejoint une errance mentale, refoulement d’un secret qui peu à peu émerge dans la peur…

C’

est en 2002 que le projet « Mister Five » voit le jour. Il est né du rêve de faire une série de films de fiction racontant un futur où les bouleversements climatiques auraient laissé place à un monde nouveau, étonnant et profondément métissé. Émerge alors, une ville sans limites, bâtie sur un dernier espace sauvé des catastrophes où tous les peuples réfugiés se seraient mêlés, réconciliés avant de tout oublier… Pour désigner cet univers, une expression créole s’est imposée : l’EnVille, qui est vite devenue un personnage à part entière. En son sein évolue le protagoniste central qui donne son nom à ce récit : « Mister Five », pêcheur de requin amnésique, emblématique d’une recherche d’identité et de 20

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repères dans un futur qu’il nous permet de découvrir et d’explorer… Les premiers pas de l’écriture de cette histoire s’accompagnèrent de créations graphiques (peinture et bande dessinée) et de créations musicales qui débouchèrent sur la première ébauche d’un univers interactif aujourd’hui prêt à se développer. Parallèlement, ces trois dernières années ont permis aux créateurs de Mister Five de revenir à l’origine de ce projet à travers l’écriture d’une série de films réalistes (et avec comédiens). Le but étant, à terme, de faire dialoguer ces réalisations avec le dispositif interactif déjà créé. « Mister Five », se matérialise donc aujourd’hui par l’intermédiaire d’un site internet bien documenté et est à la recherche d’une structure de produc­tion pour lui permettre de s’épanouir…

Synopsis Les aventures de « Mister Five » nous amènent à la découverte de l’EnVille et de ce qui a conduit notre monde à changer pour toujours. Ce personnage à la mémoire défaillante est la clé qui ouvre bien souvent les portes et les mystères d’un monde qui a muté. Lancé dans ce dédale de quartiers, notre héros va voyager, se perdre plusieurs fois, s’oublier, un secret restant logé dans un pli de sa mémoire. C’est ce mystérieux secret, porté par la petite Difé, qui fera basculer le destin de certains personnages, alors que d’autres s’acharneront à s’en emparer… Difé

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PUBLI-RÉDAC

Jolt aux abords du Pont

Mister Five & Braize (extraits de la BD interactive)

La Dollarside – un mystérieux secret est murmuré…

La prochaine étape de ce projet est la publication du premier tome interactif de la bande dessinée « Mister Five » destinée tout d’abord au web et aux écrans mobiles. Sa sortie est attendue pour 2011 mais les premiers chapitres sont d’ores et déjà visibles sur le site www.misterfive.fr

Mr Five perdu dans l’En-ville >>

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PUBLI-RÉDAC Difé pendant le carnaval

© Dessins/couleurs : S. Blondel - © Scénario/musiques/direction artistique : S. Blondel & R. Louiset

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Ci-dessus : Noé et le Village - Ci-contre : Yash, frère de Jolt - Quartier Jaïpur

Stéphane BLONDEL Né dans les Alpes et vivant à Paris depuis 1995, Stéphane Blondel est graphiste et réalisateur. Ses premiers voyages à travers l’Ukraine, l’Europe Centrale et l’Egypte, inspirent très tôt à ses travaux une dimension multiculturelle très forte. Dès ses premières expositions en 1999, ses peintures utilisent le mélange des matières, et le métissage des techniques est son premier principe. Sa démarche artistique commence à trouver tout son sens en 2002 lors de sa rencontre avec Régine Louiset. La profondeur, la force, la créativité de la culture créole le marquent

alors à tout jamais. Suivra la découverte des Antilles puis de l’Inde qui occuperont une place prépondérante dans ses peintures et créations graphiques. Portés par leurs passions communes, ils créent ensemble un univers créole et futuriste prenant place à la suite des bouleversements climatiques qui nous menacent aujourd’hui de plus en plus. En hommage à Patrick Chamoiseau et à son roman « Texaco », cet univers s’appellera l’En-Ville. Cette nouvelle En-Ville est un monde où le métissage n’est pas une exception mais une donnée universelle acquise. Révélée sous le nom du « Projet Mister Five », cette expérience artistique multi-supports (BD, vidéo, musique) a déjà donné lieu à différentes expositions ainsi qu’à une déclinaison musicale et graphique interactive.

Régine LOUISET Architecte DPLG et photographe, spécialiste de l’architecture de l’Inde du Nord, elle a par ailleurs consacré de nombreuses recherches aux architectures et à l’habitat traditionnel des villes créoles. Deux univers qui baignent ses origines et qui s’expriment très fortement dans la réalisation de « Mister Five » dont elle est co-créatrice et co-scénariste. Fruit de plusieurs voyages et de nombreuses rencontres, elle co-réalise également avec Stéphane Blondel un documentaire dévoilant le mode de vie dans les Haveli, « Maisons des Vents » du Rajasthan, dont la technologie ancestrale bioclimatique aurait beaucoup à nous apprendre… Sa passion pour le métissage, ainsi que ses connaissances des cultures et des architectures contribuent à enrichir l’univers de l’En-Ville futuriste. Ses travaux photographiques serviront à l’élaboration des décors de l’En-Ville dès la genèse du projet « Mister Five ».

Aza - abords de la Crakzone 22

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Mosta

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http://kalbass.forum-box.com/index.php http://mostafuumaz.over-blog.com/ http://mosta.illustrateur.org/ (dernier blog en date)

Fos !

« Moshi of Axaria » « Mho la muerte horrible »

« La légende de Ti Lauric »

© Photo et dessins de l’article Mosta

C’est grâce au « Club Dorothée » et à tous ses mangas que j’ai commencé à vraiment dessiner (fin du primaire). Avec des amis, nous recopiions les images de « Dragon Ball Z » noircissant nos cahiers de classe. Au lycée, j’étais quasiment le seul à continuer le gribouillage de papier. C’est à cette période, que j’ai rencontré Émilie aka « MiMiKa », j’ai fait quelques projets de bd « à l’arrache », c’était une période productive. Après le bac, direction la fac, pour faire des « études sérieuses », parce que, selon mes parents, l’art n’était pas et n’est toujours pas quelque chose de sérieux. J’ai commencé des études d’informatique assez ennuyeuses, j’ai changé d’orientation pour me rediriger vers ma deuxième passion, l’océan. Je suis depuis peu titulaire d’un master en biologie tropicale. Durant ces années de galère, j’ai dû mettre entre parenthèses le dessin, mais j’ai quand même participé à un concours universitaire de bd en 2006 dans lequel j’ai fini 2e au niveau régional. En 2010, j’ai gagné le « concours de jeune talent » du festival guadeloupéen de la bd « Caribulle ». Le milieu du fanzinat étant quasiment inexistant aux Antilles, je n’ai jamais eu l’occasion d’y participer, mais avec MiMiKa nous tentons de créer une communauté d’artistes antillais dans l’espoir d’éditer notre propre fanzine… Mes inspirations viennent principalement des réalisations de Tsukasa Hôjô, (« Nicky Larson »,

« Manman bwa » LKEM

« Cat’s eyes »), de Eiichiro Oda (« One piece »), de Michael Turner (« Fathom », « Witchblade ») et de Philippe Buchet (« Sillage »). Et en matière de scénario, j’apprécie particulièrement Christophe Arleston, le roi de l’« heroic-fantasy » en Europe, à qui on doit les séries à succès telles que « Lanfeust de Troy », « Les naufragés d’Ythaq », « Trolls de Troy » etc. {Mai

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Vee

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vee@live.fr http://9veeblog.canalblog.com/

Zandoli ou Mabouya ?

Avant d’être Vee la blogueuse, je suis Vanessa la graphiste. Après des études en arts graphiques, j’ai intégré une agence de communication et d’évènementiel, fin 2007. C’est d’ailleurs au même moment qu’a débuté mon aventure « Un lézard à Madinina », blog BD où se mêlent anecdotes, illustrations et coups de cœur musique ou cinéma. « Madinina » car je vis en Martinique, l’île aux fleurs ; « lézard » car flemmarder fait partie de mes petits plaisirs du quotidien. Mon but : faire sourire ou rire le temps d’un instant, partager un bout de mon imaginaire et surtout… m’amuser !

Participation au concours pour le calendrier des blogueurs (BD) nus 2009 : élue Miss Novembre

Alors laissez-vous embarquer dans le monde haut en couleurs d’un lézard à Madinina ! ;) Une nana plutôt folle, très rêveuse et pas mal gourmande. Je vous attends !

Catégorie « Illustration » : Christou

http://9veeblog.canalblog.com/ Vee, le lézard à Madinina

1ers essais dans l’élaboration du design du personnage de Vee Catégorie « Vee au ciné » : Avatar

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SPÉCIAL BD

Catégorie « Day by Day » : Grasse mat

Autres dessins de la catégorie « Day by Day »

© Texte et visuels de l’article Vee

Catégorie « Day by Day » : Diva

Catégorie « Day by Day » : puce de téléphone

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Ansar Sattar Animé… par le plaisir Je suis né et j’ai grandi dans la ville de Princes au sud de Trinidad. Mes passions pour le dessin animé et le story board sont nées lors de ma formation à l’Institut d’Art de Fort Lauderdale (Floride). En 1999, je gagne la distinction du meilleur portfolio digital de ma promotion. Grâce à l’entreprise « Electric Juvenile Productions », je commence ma carrière, travaillant à la fois sur des personnages pour le multimedia et sur des logos animés. Pendant dix ans, j’ai pour clients des compagnies américaines telles que Flinch Studio, Yahoo Music, MTV Latino, Compass Learning, Learningsoft Inc. & Columbia University. Fort de mon potentiel, je crée ma société « Trinitoons », projet ambitieux s’il en est, grâce auquel souffle un vent caribéen sur mes commandes publicitaires et mes animations. Mes court-métrages « Une nuit à Piarco » and « Vendor Rivalry », m’ont permis de gagner 2 awards au festival local « Animae Caribe », et 1 autre au « All Sports Los Angeles Film Festival ». J’ai produit 5 publicités pour des campagnes locales (McCaan Erickson, Lonsdale Saatchi & Saatchi et CMB Litmited).

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http://www.trinitoons.com facebook.com/ansar.sattar Trinitoons sur Facebook : http://on.fb.me/9wVHz9

Dessins de personnages

http://www.youtube.com/watch?v=wEe0sPYcQp0

nitoons pus de Tri Dernier o ion, présenté au Product nimae caribe » A festival «

Bill Plympton’s Guard Dog Global Jam http://www.youtube.com/watch?v=vAtIrLc8XWs

http://www.youtube.com/watch?v=TTnkRU1tQ0k

Publicité pour Hilo, supermarché http://www.youtube.com/watch?v=XURyUFrc_m4


SPÉCIAL BD

http://www.youtube.com/watch?v=216gs1mm8To

Strip pour le film d’animation pour « Une nuit à Piarco » http://www.youtube.com/watch?v=u9q7MXulaxs

© Texte et visuels de l’article A. Sattar

« Vendor Rivalry » • http://www.youtube.com/watch?v=6JHfltlgCoU

En ce qui concerne les « Smalta Kids », bien que cela soit aussi une démarche commerciale, il est bon de préciser qu’il s’agit du premier groupe de super héros enfants trinidien... « Smalta Kids » • http://www.youtube.com/watch?v=MupbqFIYHYw

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Ka’w ka di ? Ka’w ka fè ?

© Ticaze.com

« D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » pour paraphraser un célèbre tableau de Gauguin, c’est en substance ce que « Boucan » a demandé à Philip Sadikalay, saxophoniste de Soft. La musique c’est avant tout le partage et la convivialité et c’est ce mélange réussi que Philip nous transmet lors de ses performances scéniques…

G Philip SADILAKAY 33 ans : naissance à St-Denis (Seine St-Denis) Débute l’apprentissage du saxophone à l’âge de 12 ans. 2002 : Licence en musicologie (Paris 8). Arrivée en Guadeloupe. Enseignant dans le secondaire jusqu’alors. 2003 : professeur à l’école « La Clé des Arts Henri Salvador » en Guadeloupe. 2004 : Départ pour Montréal, inscrit au conservatoire Mc Gill (cours privés). 2005 : sortie du premier album avec le groupe « Soft » : « Kadans a peyi la ». 2006 : retour en Guadeloupe, à nouveau enseignant du second degré (enseignement public), ainsi qu’à « La Clé des Arts Henri Salvador ». 2007 : sortie du deuxième album avec le groupe « Soft » : « Partout étranger ». 2009 : sortie du troisième album avec le groupe « Soft » : « Konfyans ». 28

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ÉNÈSE Pourquoi as-tu décidé de devenir musicien ? Comment le choix du saxophone s’est-il imposé ?

La musique a depuis toujours été dans mon environnement immédiat, donc quasi naturellement nos parents nous ont inscrits mon frère et moi à des cours de pratique instrumentale (en respectant l’inclinaison de chacun). J’ai donc commencé le saxophone à l’âge de douze ans, et après le bac, je me suis envolé vers Toulouse pour des études de Littérature Anglophone (le sax dans mes bagages) ! Le bouillonnement culturel de cette ville, l’activité musicale intense de l’église protestante que je fréquentais assidûment m’ont doucement amené vers cette voie, celle du musicien… Il m’a fallu quand même l’appui de ma mère, son soutien et sa conviction pour recommencer tout un cursus universitaire en musicologie et m’inscrire au conservatoire, ce que je fis. J’y ai rencontré Sonny Troupé. Ainsi en plus de la maîtrise en Anglais, je suis aussi diplômé en Histoire du jazz et des musiques improvisées.

AVANT SOFT Peux-tu nous dire ce que tu faisais avant le succès du premier album de Soft ? Quels étaient ta dynamique d’alors et tes projets ?

J’ai beaucoup sonné dans les milieux du Gospel, du reggae avec des rencontres très enrichissantes comme Tyrone Downie, Allen Hoist, entre autres. Mais j’étais paradoxalement assez occupé dans les études, et c’est surtout en rentrant en Guadeloupe que je me suis mis à jouer intensément, même si j’ai, bien entendu, traîné mes guêtres partout à Paris où il était possible de « jammer » ! On rencontrait tellement de gens… Beaucoup de contacts se sont faits durant ces jams. C’était une bonne époque, il y a environ dix ans. De par mon cursus, le jazz constitue donc mon premier terreau de formation et d’inspiration, avec les musiques qui en émergèrent. Je suis assez éclectique, j’aime surtout que l’on me touche, que l’on me surprenne, comme ce fut le cas il y a quelques temps avec Lindsay Charnier et très récemment avec Jowee Omicil. Groove, Vibes, Racines… C’est un peu comme lorsque vous rencontrez une femme, vous aimez son apparence, sa


© F. Réjaudry - Malmoth photo

PORTRAIT

Philip lors du concert de Soft à l’Atrium en juin 2010

démarche (groove), de façon heureuse vous allez peut-être ressentir quelque chose, vous allez aimer « l’effet » (vibes), et puis vous serez curieux de savoir d’où elle vient, à qui elle ressemble ! (racines). J’ai commencé à composer assez tôt, depuis le collège. Tous les styles m’inspirent, instrumentaux, voisés, avec cependant une affection pour les musiques urbaines (Jazz, Reggae, Hip Hop), ainsi que nos musiques. Toutes ces influences nourrissent ma pensée et jalonnent mon expérience, mon style propre.

PENDANT SOFT Quel est ton rôle exact dans le groupe « Soft » ?

Sur le plan sonore du groupe, je suis le soliste principal. Les parties de soli, de performance me sont échues, avec la complicité grandissante de Julie Aristide. Les éléments d’ostinato et d’arrangement sont aussi mon lot sur scène. Sur le plan de la construction, nous travaillons et élaborons ensemble la musique, même s’il arrive souvent que l’un d’entre nous ait une idée précise, réfléchie à l’avance du son qu’il recherche ou veut expérimenter, et pas forcément

sur un titre de sa composition ! Je passe beaucoup de temps derrière les machines en studio, en réalisation ou en post-prod. Il est fréquent que je coordonne les interventions « featuring » en studio. Je gère aussi le groupe en déplacement avec notre manager – en concertation avec l’équipe, qui joue avec nous. De plus, je choisis quelle sera la « track list », le répertoire joué sur scène. Nos qualités humaines sont d’abord notre ciment, notre carburant et notre trésor. Nous sommes une équipe solide grâce à Dieu, et je sais que notre entente va au-delà de notre « son ». L’amitié qui est la nôtre, nourrit une confiance qui nous offre la liberté d’essayer certaines idées totalement farfelues. Il est vrai que mes compétences techniques et théoriques permettent de gagner cependant un temps précieux, dans la façon dont je coordonne les arrangements de chacun.

À PART SOFT Ta participation au groupe est-elle maintenant ton activité principale ? Rencontres-tu des difficultés ? (humaines, financières, organisation, motivation…)

« Soft » occupe en effet la majorité de mon temps, sachant que je suis enseignant par ailleurs ! La musique heureusement est le remède à beaucoup de stress comme je peux en rencontrer en tant qu’enseignant, et donc l’inspiration est toujours bienvenue. Je ne vis pas pour elle, elle m’aide à vivre… Je me laisse porter… Quant à la motivation, c’est une non-question car elle reste (la musique) toujours un prétexte pour retrouver ceux que j’aime. L’organisation est par contre un défi quotidien !

PROJETS Désires-tu mettre en place d’autres collaborations ? As-tu d’autres talents cachés ?

Les collaborations sont nombreuses, maintenant, même si je ne suis pas un requin de studio ! J’ai beaucoup d’idées, il y a une petite liste secrète comportant les noms de personnes avec qui j’aimerais collaborer. La perspective d’une ambitieuse expérience en « solo » existe, sans remettre « Soft » en question. Le temps dira si la musique aura été mon quotidien… Quant aux talents cachés, si je les dévoile, ils ne le seront plus !

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<RITUEL>

Ileana Sánchez Hing Des couleurs qui explosent, un humour certain, et l’esprit clair sur les coutumes de son pays, Ileana Sánchez peint la vie tout en essayant de faire avancer les mentalités… Un art critique, écologique, prônant la différence comme atout pour l’humanité.

Q

Pop Naïf !

Série « Mariage » acrylique sur toile - 2005

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uand et comment astu commencé ta pratique artistique ? J’ai commencé à étudier l’art dans une petite école dès l’âge de 14 ans. Cette école appartenait au système traditionnel cubain d’études et de travail (École de Cam­pagne). Chaque année, tous les 45 jours, nous étions envoyés aux champs et ceux qui avaient des inclinaisons artistiques, étaient orientés dans ce que nous appelions les Campements Culturels. Une partie de la journée était dédiée aux travaux de la terre et l’autre au travail artistique. C’est lors d’un de ces campements que j’ai rencontré Joel Jover, un jeune professeur de peinture, qui est mon époux depuis plus de 25 ans. C’est d’ailleurs grâce à lui que je suis devenue ce que je suis tant au niveau personnel qu’au niveau artistique. Ensuite j’ai étudié dans d’autres écoles et académies. J’ai commencé à peindre en tant que professionnelle dans les années 80. Quels sont les artistes que tu apprécies et qui t’ont inspirée ? Mes guides spirituels dans le monde artistique ont été les artistes du Pop Art tels Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Tom Wesselmann.


PORTFOLIO

<RECY-COLLAGE>

« La Maja nue à la tête de Picasso » collage et acrylique sur toile - 2009

Des artistes appartenant à d’autres courants m’ont aussi particulièrement marquée : Amedeo Modigliani, Marc Chagall, Pablo Picasso et je pense beaucoup devoir en particulier à Niki de Saint Phalle.

« Femme de Modigliani aux cheveux bleus » collage et acrylique sur toile - 2009

cise « sur toile » c’est que je ne me sens pas capable de peindre sur papier. Pour peindre je n’ai besoin que d’une toile ou d’un mur blanc.

D’où vient ton inspiration ? Du quotidien, de la vie qui passe jour après jour, ma peinture est toujours pleine d’êtres vivants, qu’ils soient humains ou animaliers. Elle est remplie de la joie des gens. Cela ne m’intéresse pas de peindre la tristesse et la douleur, en général cela vient tout seul...

D’où te vient cette prédilection pour le collage ? Le collage me passionne car j’aime le matériau, le volume et c’est une bonne alternative à la sculpture, que je ne me sens pas encore capable d’aborder. De plus, je suis très intéressée par le recyclage. Je fais partie de ses personnes qui pensent qu’un vêtement recyclé est plus doux et a plus de valeur qu’un vêtement neuf acheté en magasin. Le vêtement déjà utilisé porte en lui l’histoire, l’empreinte de la personne qui l’a utilisé antérieurement. De plus, nous ne pouvons pas décemment transformer le monde en une grande décharge, alors que nous avons la possibilité de reconvertir une partie des soi-disant déchets en art. C’est ce que je me suis efforcée de faire dans la série « A todo trapo », la plupart des tissus des personnages sont tirés de vêtements de mes amis, notamment de costumes de mariage ou du 15e anniversaire.

Quelles techniques affectionnes-tu et pourquoi ? Je préfère l’acrylique sur toile, pour son côté immédiat et pour la brillance des couleurs. Et si je pré-

Le traitement de tes dernières œuvres avec pour titre « Japon » ressemble étrangement à ce que l’on pourrait obtenir grâce à Photo­ shop. Travailles-tu d’après photos ?

Pourrais-tu nous décrire ton art en quelques mots ? Je pourrais définir mon art comme un mélange de Pop Art et d’Art Naïf. Mon œuvre est comme ma culture, comme mon pays, comme mes gens, comme ma génération : c’est un « tout mélangé »… Dans mon pays, il n’y a rien de pur, les personnes sont métissées, le café est mélangé avec les petits pois, la viande avec le soya, le pain se fait avec un mélange de farine de blé et de farine de patate douce ou de manioc.

« Femme de Modigliani en Carmen » collage et acrylique sur toile - 2009

Oui, je travaille avec des photos. Je les manipule grâce à des techniques très élémentaires, parce que, comme m’a dit un jour un ami : « c’est incroyable ce que tu peux faire alors que tu n’y connais rien de l’informatique ou de Photoshop ! Tu es comme une pianiste qui joue à l’oreille ! » (rire) Que signifient les chats dans ton œuvre picturale ? J’ai des chats depuis que je suis née et ma personnalité s’en rapproche. Lorsque je peins un chat, j’ai l’impression de faire un autoportrait. Je ne sais pas exactement pourquoi existe cette identification, je suppose que c’est parce que j’ai toujours vécu avec eux. Ce sont des animaux très indépendants, très propres et ils choisissent leur maître. Excellents amants, romantiques, ils préfèrent la nuit. Ils acquièrent des habitudes très particulières comme des horaires de repas, de sommeil, etc. Si tu les laisses tranquilles, ils seront très affectueux mais si tu les agresses, ils peuvent aller jusqu’à te tuer… Tu as travaillé sur une série appelée « Gays et Lesbiennes ». Est-ce une attitude dissidente dans ton contexte géo-politico-social ? Oui, j’ai abordé ce thème il y a longtemps alors qu’il était très difficile de dire « je suis gay ou lesbienne » à Cuba. De nos jours, on observe >>

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PORTFOLIO

<DIFFÉRENCES>

« Gays 3 » acrylique sur toile - 2009-2010

« Lesbiennes 4 » acrylique sur toile - 2009-2010

j’ai été happée par « Àl’œParis, uvre et l’esprit de Modigliani…

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»

<CUBASIA>

« Sushi et baguettes » acrylique sur toile - 2010

Pop Naïf !

« Gays 2 » acrylique sur toile - 2009-2010

>>

une certaine ouverture des mœurs en ce qui concerne les préférences sexuelles. Lorsque je travaillais à Mallorque (Espagne) avec mon mari, j’ai produit plusieurs œuvres pour aider les homosexuels malades du SIDA. À leur contact, j’ai appris qu’une tendance sexuelle ne peut et ne doit être discriminante pour l’être humain. Il y a des grands hommes et de grandes femmes homosexuels : il faut le revendiquer. Et quel meilleur moyen pour moi de le faire que par l’intermédiaire de ma peinture, même si je ne suis pas une artiste reconnue ?

Peindre cette thématique à Cuba, il y a seulement deux ans était tabou, d’ailleurs aucune galerie n’aurait pris le risque d’exposer ces peintures. Sans compter le regard méfiant des collègues, et des gens qui se posent des questions sur l’orientation sexuelle de la personne qui les a peintes ! Je n’ai qu’une fille, mais en réalité, je considère être la mère d’une multitude d’enfants, qui sont en majorité homosexuels et qui ne reçoivent dans leur famille qu’incompréhension, mépris, et remise en question. Ces jeunes sont particulièrement délicats, intelligents, affectueux, et lors de mes funérailles, je sais que ma fille ne sera pas seule… Ils l’accompagneront, car elle aussi, a appris à les aimer, comme moi-même, ce ne sont pas des bêtes curieuses, ce sont des personnes normales… !!! Tu sembles particulièrement intéressée par le thème du mariage ? Dans les séries « Le mariage » et « Notre mariage », il s’agissait pour moi d’aborder un fait personnel (je n’ai jamais eu de fête de mariage, je n’ai pas de photos de l’évènement) pour ensuite l’extrapoler vers son empreinte sociétale. Avec ironie, je tente de montrer qu’il s’agit d’une imposture. Dans mon pays, il y a deux dates importantes à célébrer dans la vie d’une femme : les « quinze ans » et le mariage. Les familles s’endettent, travaillent comme des esclaves pour que leur fille puisse organiser ces deux fêtes dont les attributs les plus évidents sont : les vêtements atroces, les balades dans de vieilles voitures, les salons pour danser la valse, les gros gâteaux, le rhum et les invités. Au bout de deux


<FAITES LE MUR !>

ou trois heures de fête, l’argent est épuisé et il ne reste que de vilaines photos et une grosse dette à la banque ou chez les amis… Tes toiles apparentées au style de Modigliani me font penser à la scène d’un théâtre en miniature. As-tu déjà fait de la scénographie ? Je n’ai jamais travaillé pour le théâtre, mais grâce à cette question, je me rends compte que j’aurais très bien pu le faire. J’ai été happée par l’œuvre de Modigliani, par sa vie aux côtés de Jeanne Hébuterne. Lorsque pour la première fois, je suis venue à Paris, je suis partie « à ses trousses » au cimetière du Père Lachaise, pour y déposer une rose. En me promenant avec Joel, à travers les lieux que le couple fréquentait et qui paraissaient comme arrêtés dans le temps, j’ai été convaincue d’avoir été « captivée ». J’ai noté dans certaines de tes toiles, la récupération de logos de marques très connues comme « Sprite » ou « Coca-Cola ». Quel est ton objectif ? C’est une posture uniquement graphique. Je pense que ces grandes entreprises vendent, non grâce à la qualité de leurs produits mais plutôt par la qualité de leurs publicités. Je suis une collectionneuse folle de vieilles plaques de métal émaillées de la marque Coca-Cola, et si j’avais su qu’un jour sur un forum Internet de Coca-cola on m’en nierait l’accès... Comment ? Une cubaine voulant faire partie du fan club Coca-cola ! Lorsque je leur ai expliqué que j’avais probablement la plus grande collection de mon pays, ils se sont moqués de moi et ne m’ont

« Parc du chat » peinture murale - 2004

pas accepté. Il y a peu de temps, j’ai mis en ligne des photos de ma collection, et quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver une pluie de messages m’invitant à entrer dans le club… Inutile de préciser que je les ai éconduits… Pour toi, quelle est la liberté en tant qu’artiste ? La liberté est unique, peu importe d’être artiste ou femme au foyer. Pour moi, c’est la possibilité d’être et de faire ce que l’on désire. Par exemple, pouvoir passer un contrôle d’aéroport sans être arrêté, sans que l’on me demande où je vais ; avoir la possibilité de communiquer avec toute l’humanité. La liberté c’est aussi le choix d’avoir une démarche idéologique ou non, pouvoir s’affirmer dans une tendance religieuse ou sexuelle sans être inquiétée. Que les gens puissent s’occuper de leur pays sans intervention extérieure, que les parents assument leurs enfants tels qu’ils sont. Je n’aime pas les armes, je n’aime pas la violence, je n’aime pas le sang et que meurent des personnes à cause de trois ou quatre puissances. Je reviendrais encore sur le fait qu’aider un pays, ne donne pas le droit d’ingérence. Ce thème est très épineux d’autant plus du point de vue de l’artiste, car dans le monde, nous sommes remis en cause par les libéraux, et le mot « libéral » a la même racine étymologique que « Liberté ». Qu’aimes-tu faire lorsque tu ne crées pas ? Je cuisine, si je n’avais pas été peintre, j’aurais été Chef, je suis un vrai Cordon Bleu… (rire)

Ileana Sánchez Hing Membre de l’Union Nationale des Écrivains et des Artistes de Cuba (UNEAC).

1958 : Naissance à Cuba. Depuis 1987 : réalise des expositions personnelles dans différentes galeries cubaines (non exhaustif ) : - Galería Hotel Plaza - Galeria-Estudio Jover - Galería Alejo Carpentier - Galeria Miranda - Galería Fidelio Ponce de León

Depuis 1996 : travaille avec la galerie Matisos (Mallorque - Espagne) Elle vit et travaille à Cuba.

jover@pprincipe.cult.cu ishing1958@yahoo.es http://conojodegato.blogspot.com/ Ileana Sánchez Hing est aussi sur Facebook

<PORTRAIT>

« Parc du chat » peinture murale - 2004

« Portrait de Yudel I » collage et acrylique sur toile - 2009

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1

« Les dames de minuit » (déclinaison de la série « Dorlis ») – craies et sanguine sur carton – 1996

© R. Médélice

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Raymond Médélice

Né à Paris en 1956. Vit et travaille à la Martinique depuis 1979. page facebook raymond.medelice@wanadoo.fr

« Au fond, ma démarche, est une sorte de tentative pour devenir un chroniqueur de débats abstraits et sensoriels et de contribuer ainsi à créer des formes qui incarnent des espaces pleins de romantisme et de mouvement loin des logiques rationnelles. La distanciation, l’exagération, l’abstraction, la déformation sont des enjeux esthétiques que j’essaie d’inclure dans ma scénographie, qui serait un espace plein de dramaturgie, et qui oscillerait entre vérités, artifice, mythologie et frivolité. » 34

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« Secret de famille » – craies, bâtons à l’huile et sanguine sur carton – 1995


Sanguine Sanguine, n.f. désigne une famille de pigments de couleur rouge terre (d’où vient son nom). La sanguine se décline également en orange, ocre, marron, beige.

«

Après une nuit pleine et agréable, amours et rêves, nous prîmes le petit chemin de terre qui mène à la route. Cette fin de nuit est belle, fraîche et humide, nous marchons d’un pas régulier, puis soudain le ciel a donné de l’eau à la terre, nous avions réfugié nos corps sous un massif, ASILE NATUREL. J’ai bien aimé la séparation, soudain trouant la nuit un car arrive, un geste, il stoppe, un rapide au revoir, et nous dans si peu de temps condenser tout l’amour que nous nous portons et puis tu es partie dans ce car de lumière me laissant seul, heureux. R. Médélice (1985)

»

« Ce ne sont pas les personnages qui sont importants mais l’espace qu’il y a entre eux, et c’est dans ces espaces que le spectateur raconte sa propre histoire… » 1999 © Photos de l’article : R. Médélice

3

« Conte urbain » – craies, bâtons à l’huile et sanguine sur carton –1997

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ABÉCÉDAIRE

© DR

© Illustration : F. Blaize

De W à A… Avec gentillesse et habilité, Willy Salzedo a joué le jeu de « Boucan » en complétant cet abécédaire, nous livrant ainsi une partie de sa réflexion sur la place du compositeur interprète dans le paysage antillais.

A

bécédaire… à l’envers ! Z comme Zouk

On te connaît essentiellement pour tes compositions zouk mais tu n’as pas fait que cela ? Non bien sûr. J’ai composé pour un artiste français qui s’appelle « No » dans un style R’n’B, mais je suis avant tout un compositeur de musique à tendance guadeloupéenne avec des influences qui divergent selon l’époque, l’état d’esprit, et >> surtout l’interprète.

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ABÉCÉDAIRE Y comme Yeux

« On écoute aussi avec les yeux. Peu de musiques ont marqué sans visage. » Matthieu Chedid C’est exactement ma philosophie. Mes compositions ont toujours été en phase avec mon environnement et surtout avec l’arrêt sur image de l’époque à laquelle je fais une musique. Ce que j’ai composé dans les années 80 ne ressemblera jamais à ce que je compose aujourd’hui, tout simplement parce que la société n’est plus la même.

X comme Xénophile

Tu as beaucoup voyagé grâce à ton travail et tu as aussi vécu en France métropolitaine il me semble ? C’est toujours bon à une période de sa vie d’aller voir ailleurs pour confronter ses connaissances et les faire évoluer. Mais il ne faut jamais perdre de vue ses racines. C’est la force d’un homme de savoir d’où il vient, quelque soit là où il va !

W comme « Wilive »

Peux-tu nous parler de ton concept en quelques phrases et des artistes qui y participent ? Il s’agit de faire vivre ce zouk des années 80 car il y a des mélodies et des textes extraordinaires… Je me dois de contribuer à faire voyager ces œuvres à travers le temps. Il y a eu pas mal de version « Wilive » depuis 2000. La dernière en date est avec Jean Tamas, Corie Mathurina et Sandra Jean-Charles.

V comme Vocation

Quel est ton but lorsque tu composes : créer des chansons à dan-

Flashback…

• Willy Salzedo commence ses premiers cours de piano à l’âge de huit ans avec un professeur qui se prénommait Émilienne à Basse-Terre. Il a ensuite beaucoup travaillé en écoutant et en regardant les autres pianistes. Il effectue aussi un cursus de piano jazz à la « Bill Evans Piano Academy » à Paris. • Sa rencontre avec Pierre-Édouard Décimus, le créateur du groupe Kassav’ a été décisive. C’est lui qui sera au départ de sa merveilleuse aventure musicale qui dure depuis 27 ans. • Il commence sa carrière de pianiste compositeur en 1983 en composant pendant treize ans tous les grands succès de Tanya Saint Val. Il a également composé pour Jocelyne Béroard, Tony Chasseur, Tatiana Miath, Valérie Odina, Claudine Pennont, Dominique Zorobabel, Rodrigue Marcel, Jacques D’Arbaud, Thierry Cham, Sonia Dersion, Jocelyne Labylle, Dominik Coco, Jane Fostin, V-ro, Dédé St Prix, etc. L’un de ses premiers moments forts a été un jour où il sortait de sa Guadeloupe pour aller au carnaval de Martinique à Fort-de-France. Il venait de composer « Mi Chalè » pour Tanya Saint Val. Quand le défilé est passé, il s’est rendu compte

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ser ? Faire passer un message ? Amener du plaisir à ton public ? Surtout éviter de me poser toutes ces questions et juste donner ce que je ressens :–)

U comme Uppercut

Qu’est-ce qui te révolte ? La méchanceté surtout quand elle est gratuite et l’hypocrisie. Malheureusement le monde d’aujourd’hui tourne autour de ça.

T comme Talent

C’est quoi ? un don ? du travail ? Certainement un don qu’on doit respecter soi-même.

S comme Solo

pluri-disciplinaire, qui pourrait mêler arts visuels et musique ? Pas encore mais c’est une bonne idée :–)

O comme Objectif

Comment tes parents ont-ils accueilli ta décision d’embrasser une carrière artistique ? Comme tous les parents, surtout à cette époque où le métier de musicien professionnel n’existait pas, il y a eu des réticences. Mais j’étais déjà responsable de moi et j’ai fait ma route. C’était une époque qui était propice à ça. Je ne sais pas si aujourd’hui dans le contexte dans lequel on vit je referais la même chose.

N comme Nourritures terrestres

Tu as fait des albums solo ? Un seul album solo en 28 ans de carrière car j’avais envie de dire des choses moi-même. Mais ce n’est pas ma vocation. Je suis avant tout compositeur, même s’il n’est pas exclu que j’en fasse un 2e :–)

Qu’aimes-tu comme films ? Quel genre de livres lis-tu ? Je lis peu malheureusement. J’aime les films d’action comme « Alien » ou historiques comme « La couleur pourpre » ou « Amistad ».

R comme Rythme

M comme « Moun Karayib »

Que mets-tu en avant lorsque tu composes ? le rythme, l’harmonie, la mélodie ou le timbre ? D’abord la mélodie. Ensuite je construis autour ce que j’estime le mieux à son service.

Q comme Qualités

Les qualités que doivent avoir un compositeur interprète selon toi ? Regarder autour de lui, être attentif à tout et entretenir sa sensibilité à son environnement.

P comme Performance

As-tu déjà envisagé un concept

que la chanson que des milliers de personnes chantaient dans le vidé était sa chanson. Les larmes lui sont venues aux yeux. En plus, à cette époque, personne en Martinique ne connaissait son visage. Il a ainsi pu déambuler dans les rues en regardant les gens chanter sa chanson avec beaucoup d’émotion. • Lorsqu’il a commencé à travailler avec Tanya Saint Val, elle n’était pas connue et ils ont créé ce succès ensemble. La plupart des autres personnes pour lesquelles il a composé ont commencé également leur carrière en même temps que lui. « Nous étions dans un état d’esprit où nous voulions faire avancer la musique, le zouk. Il n’y avait donc pas de place pour ce genre de rapport entre “la star et le compositeur“ ». Propos recueillis par F.B.

Parle nous de ton expérience au sein de ce groupe… C’était un projet avant tout culturel qui était pour moi la suite du travail que j’avais commencé en 1994 avec l’album « Mi » de Tanya St Val. On a monté ce groupe en 2000 et on a fait notre tout premier concert en 2001 dans un festival à Troyes. C’était Laurent Voulzy qui nous y avait invité. On n’a pas voulu faire d’album tout de suite, on a voulu travailler la couleur musicale en priorité. À l’époque (en 2001) « Moun Karayib » était composé des frères Castry, d’Olivier Jean-Alphonse, de JeanChristophe Maillard, de Didier Juste et de moi-même. Jean-Christophe est parti pour son projet d’album solo, Didier Juste est parti monter le groupe « Soft » et donc les quatre autres restant ont continué l’aventure jusqu’en 2008.

L comme Langue

© Éric Corbel

>>

Il y a de plus en plus de zouk chanté en français. Est-ce une volonté de s’exporter ou une perte identitaire selon toi ? Je ne suis pas contre composer le zouk dans une autre langue que le créole. Mais que ça devienne systématique et exclusif non ! Le zouk est une musique créole et sa sensibilité est créole. L’argument qu’il faut chanter en français pour s’exporter n’est pas selon moi valable. Pour preuve, les plus grand tubes de zouk et qui ont fait disque d’or sont en créole : Zouk Machine avec « Maldonn », Kassav’ avec « Siyé Bwa ». J’ai moi-même fait partie des premiers compositeurs de zouk classés au « Top 50 » de Canal Plus >>


Willy Salzedo et Pierre-Édouard Décimus

27 En compagnie de Marc Lavoine

Cathy Jean-Louis, Ronald Rubinel, Willy, Michel Alibo

Willy Salzedo, Patrick St Éloi, Jacob Desvarieux

Avec Dominique Zorobabel

Christian Joseph-Lockel, Tanya St Val, Willy et Daniel Kissoun

En compagnie de Christian Laviso

Édith Lefel, Jen Bewa, Jocelyne Béroard, Michel Reinette, Marie-José Ali, Willy Salzedo

ans

de

passion En studio avec Fanswa Ladrezeau pour l’album « Akiyo »

En studio avec Medhy Custos

Willy Salzedo, Marie-José Ali, Ménélik

Willy en compagnie de Joël Jaccoulet et d’Aksidan

Enregistrement de « Doulè » sur l’album « Soul Zouk » avec Patrick St Éloi (1991)

Sandra Jean-Charles, Benzo, Willy Salzedo

davibes.com

© Photos de cette page D.R.

Dominik Coco, Éric Cosaque, Dominik Panol, Mario Canonge, Willy Salzedo, Richard Garnier

Concert « Lanmèkannfènèg » au Trocadéro (Paris) avec Thierry Fanfant

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ABÉCÉDAIRE De la composition… Fan de… Stevie

Performance à Lakasa

© Éric Corbel

Wonder, Earth, Wind & Fire, Chick Corea et également du regretté Michel Petrucciani.

Quel est selon toi le rôle du compositeur dans le monde de la musique ? Être un

du vécu, de la société dans laquelle je vis. Je regarde autour de moi, j’ouvre les yeux, j’observe, je suis à l’écoute, et j’essaie de transmettre mon ressenti et mon analyse à travers mes créations.

compositeur veut dire être libre, créateur, original, visionnaire. Un compositeur ne doit pas être formaté car il perd toute crédibilité culturelle. Mais aujourd’hui c’est malheureusement ce que les diffuseurs et producteurs de musique demandent aux compositeurs, ce qui entraine inexorablement à une pauvreté de création.

Comment s’organise ton travail, ton activité professionnelle ? Ça oscille entre

Est-ce que être un artiste aujourd’hui est un acte de résistance ? L’artiste par

D’où te vient ton inspiration ? Du quotidien,

répétitions/concerts ou alors séance de programmation dans mon home studio. Tu es plutôt scène ou studio d’enregistrement ? Pourquoi ? Les deux,

car ils sont indissociables. Le studio est l’étape de création,

avec la chanson « Tropical » chantée par Tanya St Val et c’était en créole. Nous avons fait des concerts dans le monde entier avec la formule Zouk Machine, Tanya St Val et Expérience 7. L’Europe, l’Afrique, le Pacifique, l’Asie, les États-Unis, avec un répertoire 100 % créole, dans des stades de 40 000 personnes venues écouter du zouk. Donc l’argument « chanter en français » pour s’exporter ne tient pas…

K comme Ka

Le ka pour toi c’est quoi ? La base de tout, le commencement, l’identité, le guide.

J comme Jeunesse

Je crois que tu te tournes vers des actions culturelles et que tu as une volonté pédagogique de transmettre ce que tu fais… Il y a indéniablement une rupture entre les générations sur le plan culturel. Peu de jeunes savent qui a fait quoi dans le passé et parfois même un passé proche. J’ai envie d’enseigner aux jeunes cette belle histoire de la musique guadeloupéenne car elle est immensément riche et remplie d’acteurs passionnants dans toutes les générations.

définition est un résistant quelque soit la période dans laquelle il évolue. Il a toujours été le porte-parole du peuple. Il a toujours été le premier à dénoncer, à revendiquer, aujourd’hui ou hier et j’espère aussi demain. Donc oui, être artiste est un acte de résistance car la liberté culturelle est la plus grande des libertés.

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E comme Enfant

La relève ? Sens-tu chez tes enfants un potentiel artistique ? Tout enfant a un potentiel. Il suffit de détecter en lui ce potentiel dès le plus jeune âge et l’aider à l’exploiter.

D comme Discrétion

de mes compos, je cherche un nouveau truc pour continuer à faire vivre la chanson.

H comme Histoire

C comme Composition

Tu t’intéresses à l’Histoire ? Notamment celle de la Guadeloupe ? Je dirais même plus : je suis passionné par l’histoire de la Guadeloupe. C’est vraiment ma motivation depuis toujours. J’ai beaucoup de compositions qui vont dans ce sens, notamment sur « Moun Karayib. »

G comme Guadeloupe

Que représente la Guadeloupe pour toi ? Toute ma vie, toute mon âme, tout mon corps, tout, tout, tout :–)

F comme Femme

Après 25 ans de vie dans le milieu musical, as-tu vu une évolution du rapport homme/femme véhiculé par la musique antillaise ? Le zouk a amené à la femme respect et dignité. Auparavant, une chanteuse dans un orchestre était considérée comme une femme de mauvaise vie. Depuis le zouk, grâce

En quelques dates…

I comme Improvisation

Un compositeur par essence écrit une œuvre musicale qui est un acte différé. Comment se positionne-til face à l’improvisation ? L’improvisation est surtout dans les concerts. Un compositeur n’improvise pas puisque la composition est un acte réfléchi. Mais j’ai toujours été contre les choses figées et chaque fois que j’interprète une

à des chanteuses comme Jocelyne Béroard, Zouk Machine, Tanya St Val, Édith Lefel… la femme a une autre position dans la société. Elle a pu exprimer et revendiquer sa place. Je pense vraiment que le zouk, dans les années 80 lui a donné une importance capitale et légitime dans la société contemporaine.

Tu n’es pas très médiatisé, est-ce une volonté ? Je n’ai jamais été quelqu’un de très bling bling, strass et paillettes. À tort ou à raison, je n’ai jamais cherché à me mettre sous la lumière des projecteurs car ça n’a jamais été mon état d’esprit. Mais comme je viens de le dire, à tort ou à raison…

© Éric Corbel

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d’inspiration. Les concerts sont la présentation de ces créations. Je ne conçois pas de faire de la musique sans faire du live. C’est l’oxygène même de la musique.

1961 : naissance à Basse-Terre 1983 : première expérience en studio avec Pierre-Édouard Décimus 1986 : réalisation et direction artistique du 1er album de Tanya Saint-Val « Tambou ». Devient pianiste du groupe

Quels outils utilises-tu pour composer ? D’abord ma tête, « j’entends » la mélodie, et ensuite je la retranscris sur tout ce qui peut me servir : piano, guitare, ordinateur… :–)

B comme Bohème

Être musicien aujourd’hui c’est la vie de bohème ou la vie de galère ? Je pense que l’âge d’or des musiciens qui partaient en tournée toute l’année avec deux semi-remorques de matériel est fini. Le côté bohème n’est plus qu’un rêve du passé. Le côté galère est certainement plus courant aujourd’hui.

A comme Avenir

D’ici 5 ans, qu’est-ce que tu aimerais mettre en place ? Juste continuer à transmettre ce merveilleux patrimoine culturel guadeloupéen qui est d’une richesse incroyable :–)

« Expérience 7 » et de « Zouk Machine » 1997 : co-réalise avec Joël Jaccoulet l’album « Duos du soleil » 2000 : création du groupe « Moun’ Karayib » 2003 : album « Sugar Ladies » en hommage à la femme antillaise 2004 : prix SACEM Martinique du meilleur zouk sur l’album de « Madousinay » de Jocelyne Béroard 2007 : sortie de « Vini kouté » album de « Moun’ Karayib »



Christian Sabas

Du Non Faire Pour pouvoir suivre Christian Sabas comme Alice poursuit le lapin au pays des Merveilles, il faut se munir d’une « Carte du Tendre », voire de plusieurs ! C’est à un voyage au pays du Non Faire (dans ce numéro), du Vide et de l’Amour (Boucan 4), de l’expérience de Ferry (Boucan 5), de Facebook (Boucan 6) et de l’Afrique (Boucan 7) que nous vous convions…

Le Non Faire

« © P. Virapin

Folie Cette structure atypique nous oblige à nous poser des questions sur notre rapport à la maladie mentale. Elle montre qu’il est possible de mettre en place des initiatives pour organiser (ou pas) des activités. 42

Les personnes qui adhèrent au Non Faire sont de plus en plus nombreuses.

»

Je travaille en psychiatrie, avec Ismael et Julien. Ils ont monté une association pour gérer l’atelier du Non faire. Ils s’occupent des rapports avec l’extérieur - on peut appeler ça comme ça - avec le dehors, parce que l’hôpital c’est vraiment le dedans… Ils gèrent la communication de l’atelier, planifient des expositions ou des événements avec des partenaires importants comme la RATP ou La Villette. Nous organisons aussi des séminaires. Récemment, nous avons même été invités à Jussieu pour parler de notre travail.

«

Possible

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»

Création


TOPOLOGIE

Résister : exister

© P. Virapin

J’ai commencé à travailler à l’hôpital de Maison Blanche en 1975. En mettant sympathiquement l’expression artistique à la place de la piqûre (et le tour pouvait se jouer…), l’atelier du Non Faire naissait presque naturellement en 1983. Il répondait au besoin du patient d’échapper à son enfer, à ses angoisses, à l’incompréhension dans laquelle il s’est mise. C’est la cristallisation d’un réel sentiment d’urgence et de quête d’un lieu positif. Avec le Non Faire, nous entrons dans le « Non » d’une alternative, d’un panser le soin plus vaste, ouvert…

Bâtir un pont et jouer sur le retour à l’amour, à la chaleur est la démarche fondatrice du Non Faire. Un pont pour espérer atteindre le cœur de l’humain car celui-ci met la folie au niveau du diable. C’est un objectif ambitieux que de vouloir bien accompagner, écouter et surtout entendre l’homme courtisan du Non Faire – en veillant à son retour heureux dans la ville aux ronrons bruyants… Parce qu’il ne faut pas oublier que tout est bouché en général pour les gens qui ont fait ou qui sortent de l’hôpital psychiatrique. Tout est vraiment bouché… Il est donc nécessaire de ramener du « possible » en leur permettant de revivre en quelque sorte : générer une dynamique de vie, développer des activités comme les promenades, les rencontres, etc.

© P. Virapin

© P. Virapin

Amour

Le GEM

«

Échange L’Italie, la Grèce, le Danemark nous ont invité à démonter notre savoir, pour pouvoir ‘non faire’ dans leurs lieux.

»

Autre versant de mon implication, le GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) se distingue par son action sociale et non médicale. Rue Truffaut (Paris 17e), nous avons à notre disposition du matériel pour peindre et faire de la musique. Les gens viennent comme bon leur semble. Certaines personnes qui sont là n’ont rien à voir avec l’hôpital psychiatrique. Mais tout le monde a plus ou moins à voir avec le sentimental, avec le « senti mental ». Tu peux passer faire une production ou discuter, faire émerger des problèmes avec les personnes présentes. Ce lieu se veut ouvert et surtout, on ne te demande plus qui tu es.

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Christian Sabas

© P. Virapin

Du Non Faire

Normalité Le courtisan du Non Faire est en souffrance. Il dit lui-même qu’il peut être « très mal ». Je ne peux pas penser que quelqu’un soit mal en permanence. Il faut bien qu’il respire de temps en temps. C’est pour cette raison, que nous devons être là au moment où il est « prenable », pour essayer de commencer quelque chose avec lui. Or la psychiatrie actuelle prône la mise à l’écart et l’enfermement. Clairement les instances psychiatriques ne souhaitent pas l’émergence de ce moment. Contrôle et contention sont les mots d’ordre. Heureusement, il y a quand même des îlots de résistance à ce type de stratégie.

«

Le message d’amour de l’homme en ‘senti mental’ est tellement grand qu’il n’y aurait que l’expression artistique pour en permettre une approche, une traduction pour laisser filtrer quelques lambeaux, des miettes…

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Impression

© P. Virapin

Dans les tableaux que nous produisons il y a de la démesure. Le message est tellement grand que le visiteur traînant en ce lieu revient et dit que « c’est impressionnant ». En réalité, le message véhiculé par les œuvres des courtisans du Non Faire est trop délicat pour être entendu. Il peut s’agir de leur ressenti sur le système pressé d’en finir de les parquer ou du désordre de la famille – trop lourd – stocké là, dans l’hôpital, sur de l’impressionnant… Cet imaginaire débordant, cette profondeur du rêve, cette douleur nous parlent de contrées trop lointaines pour le simple mortel. Nous aurons du mal à entendre notre déraison, si nous ne retournons pas à l’amour.

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© DR

© P. Virapin

TOPOLOGIE

Témoignage

Fabienne Menjucq

J’ai travaillé avec Christian, au « Non Faire » car j’aimais sa démarche artistique, son ouverture et son cœur. En tant que danseuse, et lui artiste aussi, j’apprécie ses textes qui dansent… Danser sur ses mots est un vrai voyage intime et en même temps universel. « La mariée est si lasse » 2008

C’est dans l’œil de l’autre que l’on se fait et se défait : le courtisan du Non Faire sait pertinemment si tu l’aimes ou pas. Dans le second cas, il se vit comme un monstre. L’espace de créativité né au Non Faire – cet îlot sain que chacun tient en son fort intérieur, en son moi profond – même cette capacité de jouer encore est confinée dans un dossier médical… L’homme nait décidément moins que rien. Le Non Faire, ce n’est pas une approche globale, c’est un échange d’individu à individu : comment ramener du bien-être, de la tendresse, de l’amour. C’est un vrai combat, mais c’est cette gageure qui me permet d’être toujours investi dans ce projet. Au final, il s’agit simplement de la vie d’un homme qui a été voir un psy. Petit à petit, il semble se mettre entre deux mondes – en dehors d’un monde peut-être…

© É. Toutain

Îlot sain

Démence Précoce

Lecture dansée sur un texte de Christian Sabas Fabienne Menjucq, danseuse Christian Julien, comédien Lecture : Violette Villard Musique : Christian Sabas

Contact : http://lineandmind.com

© D.R.

DISTRIBUTION Christian Sabas : guitare, voix, djembé Corinne « Coco » Baptiste : chant Cyrille Hugony : basse François Germaneau : saxophone Xavier Amar : batterie Éric Zilberman : batterie Le CD produit par Vincent Deforges

Les lignes de force, de faille ou de femme et l’on fabrique la femme-danse Zarathoustra du 21e siècle , là par-delà la folie-norme. C’est elle : la mariée si lasse. Des femmes vives-livres-viles peut-être aussi dans une rémission des amours et des peines sorte de rédemption du féminin investissant la sphère d’un homme sans Dieu d’un pacte avec les fous d’amour d’un amour sans lien d’un lieu autre d’un autre-limbe. La femme est un humanisme, pourrait-on titrer pour un humanisme post-chaos.

« Démence Précoce » est un groupe né à l’hôpital psychiatrique. Notre musique en retourne plus d’un, en démâte plus de deux et nos concerts dénoncent l’état d’apathie dans lequel les institutions psychiatriques entretiennent les malades. Cinq musiciens installés sur une ligne mélodique et bien vivante… et chaque fois que nous avons joué, le public s’en est étonné. Plus d’angoisse, la vie est à nouveau belle et les corps vont. « Démence Précoce » nous pulse dans un univers où les sons régnent en maître, où nos bruits se font musique. Lisible sur myspace.com

Pour conclure… La psychiatrie est un pays où l’on est sensé dormir, prendre un traitement et advienne que pourra. Le système est alors en conformité avec ses prétentions. Les sympathisants du Non Faire ne sont pas censés être énervés, se lever, avoir des idées… Les lois scélérates de notre gouvernement sont en faveur de l’enfermement définitif de ces gens, parce qu’ils sont vécus potentiellement dangereux. Non, non, ça ne bouge pas beaucoup simplement parce que la psychiatrie continue à faire toujours très peur. Parce que c’est la part d’inconnu qu’il y a en toi. http://www.atelierdunonfaire.org/

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L’atelier Z 1

Christiane Peugeot a fondé l’Atelier Z en 1991 afin de créer un centre dédié à la création artistique et à la recherche culturelle. Depuis onze ans, cette structure a organisé plus d’une centaine d’expositions. En février 2010, elle accueillait une sélection d’œuvres de l’atelier du Non Faire.

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TOPOLOGIE Atelier Z - Centre Culturel Christiane Peugeot 62, avenue de la Grande Armée, 75017 Paris

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1, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 Œuvres exposées à l’Atelier Z et réalisées à l’atelier du Non Faire 2, 3 et 4. Vue d’ensemble de l’exposition

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© Photos de cette page : atelier du Non Faire

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Š photo et typo pour Boucan F. Blaize

sa


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