boucan 2

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Boukan dans la cité

Ebony On m’a dit Barbie, j’ai répondu Ebony On m’a dit coiffeur, mais j’ai pas su quoi faire Alors j’ai répondu identité, authenticité, que sais-je : simplicité… Et on m’a simplement ri au nez ! Dressés sur ma tête, tels des soldats au garde à vous Mes tifs se crêpent le chignon de la racine jusqu’au bout Ils en ont connu des luttes décoiffantes Sous des onguents à la chimie étouffante De permanentes en défrisage. De peignes en peines en un laborieux défrichage Tels des fils de laine en boucle de crin Échevelés écheveaux emmêlés

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Boucan {Juillet

2010}

sous mes mains Décrépis sous l’assaut d’ammoniac et de soude Tout ça pour être une femme façon Barbara Gould Toi ma fille épouseras un babtou Ta marmaille à peau sauvée aura le cheveu lisse et doux Toi ma fille, souffriras en silence Capillairement correcte et belle à la mode d’en France Chivé popote, chivé l’état, il paraît que c’est à la mode, à la mode, à la mode Mais la petite sirène, Blanche neige, Cendrillon, c’est pas mes codes Je ne veux pas être une poupée au carnaval des bwa bwa J’suis une négresse, chivé krépu, produit made in Madinina Mes boucles de coton font tout pour résister À toutes les balivernes des canons

de beauté Diktat des magazines. Esthétique caucasienne Qui veulent mettre en marge ma pilosité africaine J’ai longtemps ignoré leurs signaux de détresse Jusqu’à leur accorder du répit sous des tresses Pour les affranchir enfin de leur chimique étreinte Et les laisser ainsi respirer sans contraintes Tels des soldats au garde à vous Mes tifs racontent mon histoire de mes racines jusqu’au bout Maman Congo, papa Madras, prière égrainée au peigne fin du passé J’veux pas qu’on m’prenne pour une poupée On m’a dit Barbie, j’ai répondu ebony. J’veux pas qu’on m’prenne pour une poupée

© Textes de l’article : Simone Lagrand

Tintamarre si sonore qu’il vide le silence Les cages d’escalier n’auront pas assez de barreaux Pour enfermer le cancan du boucan du coin de la rue Alors qu’il bâtit l’insurrection des cloisons Qu’il charpente le fétay des révolutions désaxées Il se fait parole, il se fait écho, il se fait mouvement, se fait cadence il se fait danse Densité dans le Pa ni ayen social, le pa ni ayen sans convictions, sans volitions Pa ni ayen ? Saw fè ? Pa ni ayen Quand la question s’interroge sur le faire et que la réponse ne propose qu’un Rien Quand le toi, le moi, le nous se perdent en chemin Que dehors ya pas un chat, mais que dedans des chatt pas nets bavardent en silence entre 4 murs Que MSN et Bill gates se font gardiens de la cité Sors et écoute, dehors la ville est là. La vie est là Et si tu dis que ta cité est si tacite que tu ne l’entends pas, que tu ne la vois pas Fais donc taire ta cécité et Vois Vois plus loin que le bout du nez Du négatif, du n’importe quoi, du névralgique Fais un pas de côté et regarde An pa asou koté pou gadé Pou gadé sa ka fèt Pou gadé saw fè

Pou gadé sa ki ni Pou gadé Sa’y di ya ? Sa’y di ya ? I di ke isidan sé pôté mannèv pou rèv nou pa aksidanté Ken ou sé an dansité disisdan ka disidé si nanm yo ni dwa de citer Si la cité est condensée par trop de faits divers Laisse-le pour le journal télévisé Et vise les faits, le faire Fouté fè pou pa vinn fou anba fè Ralé senn-la nan la riya mè pa pou fè aktè Sé pa an komédi, non Sé an kominiyon fôs èvè lèspri Annou fè Fout Ne plus prendre du fer mais prendre le verbe faire aux maux. Le croire sur parole, mais ne pas en faire qu’un mot Une parole au vent sans densité, enfermée dans les cages d’escalier Derrière les barreaux, elle ne peut pas dire Derrière les barreaux, elle ne peut pas agir Derrière les barreaux, elle ne peut pas percuter et mettre KO les pré jugés Derrière les barreaux, elle ne peut pas danser Fais-la libre Fais la exister, Exciter tes rêves Et les mener hors des barreaux, des cages, des halls, des blocs Exit-la du ciment Si man té pé Si man té sav Si man té ka Fais danser ta cité Hors des cloisons, des poisons Hors des sentiers battus, des battages médias Hors des murs, des murmures Fais danser ta cité

© William Zebina

Quand le boucan cancane au coin de la rue Et bout tel brouhaha Tel bouladjèl Tel boutique du quartier Tel bout d’ficelle Selle de ch’val Valentin Tintamarre


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