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Comme l’archéologue rencontre dans les strates les étapes de l’âge de l’homme, ainsi Cancelier a structuré ses pièces. Mais il n’y a pas un ordre précis. Le mélange et la superposition sont le siège de la mémoire fondatrice du syncrétisme culturel, espace de l’imaginaire en perpétuelle découverte où l’artiste jette les bases de sa poétique visuelle. Yolanda Wood Pujol

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format, la gestuelle prend le pas sur la toile et alors mon corps participe entièrement à l’élaboration du tableau. Cela me rapproche de mon ancienne pratique du gwo ka. Pourquoi ne pas avoir présenté vos sculptures sur votre site internet ? Ce travail n’a été qu’une parenthèse dans mon évolution artistique (il en va de même pour le théâtre et la photo). Pour l’instant, la peinture a pris le dessus, mais je ne me ferme pas les portes de la sculpture. Vous utilisez aussi la palette graphique sur ordinateur : s’agit-il juste d’un changement de support ? Mon intérêt pour la palette graphique vient de sa rapidité d’éxécution (pas besoin d’attendre que la peinture sèche !). C’est un nouveau support d’investigation à ne pas négliger et que je continue d’explorer avec beaucoup de plaisir. Pouvez-vous nous parler de votre rapport au temps et à l’espace dans vos toiles ? Il n’y a pas de perspectives, tout est « à plat » et en même temps on a un sentiment de profondeur… Les personnages et les signes que je peins surgissent pour parler de notre humanité caribéenne. « C’est le son métaphorique d’un temps ”autre“ qui revient de loin jusqu’ici et jusqu’à aujourd’hui. L’écho répète la voix silencieuse d’une mémoire syncrétique que le spectateur pourra entendre, même s’il ne sait pas d’où elle vient et où elle est » (Yolanda Wood Poujol Critique d’art - Cuba) Le tableau fonctionne par strates comme un palimpseste. Le jeu des contrastes et des valeurs produisent cet effet de profondeur. J’appelle les signes pour qu’ils émergent à la surface du tableau. « Il

s’agit d’une intégration consciente des éléments qui recomposent les codes de l’iconographie de l’origine, les mythes et l’émotion créatrice » (Y. Wood Poujol). Peut-on parler de mémoire, d’histoire ou de primitivité en ce qui concerne votre peinture ? Oui, d’ailleurs ma dernière expo s’appelait « Échos de nos mémoires ». Il y a une certaine primitivité dans le sens de «premier» dans mon œuvre mais pas de primitivisme. Ma peinture a aussi une dimension spirituelle fondamentale. Est-ce que votre œuvre est politique ? Absolument ! j’y revendique mon identité caribéenne. Nous sommes encore et toujours dans la problématique de l’accceptation de soi tel que l’on est pour pouvoir amener les autres aussi à nous accepter. Depuis les années Beaux-Arts je suis entré en résistance en suivant cette voie. Je n’ai jamais accepté d’être formaté d’après un modèle « occidentalo-centré ». Nous sommes toutes les humanités. Nous en avons toutes les richesses. Nous avons un énorme potentiel de créativité qui ne peut qu’exploser dans les années à venir. Avec Léogane, vous avez inventé le concept de « fibressence », pouvezvous nous en dire plus ? Le but était de donner du sens à la fibre. Que la fibre soit un élément identitaire fort. Mon rapport au support a beaucoup évolué et évolue toujours : 1. travail sur une toile industrielle (fibre

préparée et domptée), puis 2. collages de fibre végétale sur la toile 3. préparation du support en lui-même en réalisant du papier à base de fibres. La fibre devient elle-même medium. 4. et enfin en projet : passer du bas-relief créé par les collages à des réalisations papier/fibre en trois dimentions, mais ma devise étant « festina lente », je laisse le temps au temps… C’est une invitation à explorer une autre écriture plastique qui entre en résonnance avec les fondements essentiels de la nature humaine. Quelle stratégie mettez-vous en place lorsque votre travail commence à être répétitif ? Je n’ai jamais l’impression d’être « enfermé » dans un style car je suis continuellemnt en recherche. Mon œuvre est une histoire en devenir. C’est un scénario dynamique qui ne souffre pas de redondance. Je n’ai aucun souci quant au répétitif puisque je n’applique aucune « recette ». Il y a juste la maîtrise d’une technique au service de mon imaginaire. Vous avez fondé le groupe Koukara Koulè Karayib, pouvez-vous nous en dire plus ? C’est une association qui regroupe des artistes plasticiens, notamment Lucien Léogane et Marie-José Limouza. Nous avons beaucoup collaboré avec le groupe Fwomajé (Martinique). Notre but était de mettre en avant le métissage de notre culture et d’apporter notre vision d’artistes caribéens au monde. Le groupe est actuellement en sommeil. Lisez-vous la presse artistique ? Pas vraiment, mais je me tiens quand même au courant de l’évolution du marché de l’art sur internet.

Rituel 2, peinture acrylique

Quel sont vos projets actuels ? J’étais présent place de la victoire à Pointe-àPitre, pour vendre une toile au profit de Haïti lors du grand rassemblement fin janvier 2010. Je viens de participer à une exposition collective au centre culturel Rémi Nainsouta, lors de la présentation de « l’Anthologie de la peinture en Guadeloupe ». Ma prochaine exposition sera collective avec Alex Boucaud et Lucien Léogane au mois d’avril. Ensuite, direction New York avec les mêmes plus Karine Gabon, au dernier trimestre de 2010. En projet également, d’autres interventions pour Haiti, notamment avec la Galerie Pôle d’Art du Gosier (avril).

{Avril

2010}

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