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PORTFOLIO

Le gwo ka : danse et musique des lewoz

Afrikawa III, peinture acrylique

C

hemise colorée, un peu distrait – parce qu’il a 100 idées à la seconde – Klodi s’assoit et m’adresse un sourire. Sa parole se délie, se déploie... Pour notre première rencontre, je le laisse mener le jeu... Klodi oscille : il se balance tel un funanbule entre son impulsivité sympathique et une émotivité à fleur de peau.

Les années « solaires »

De son enfance, il garde un souvenir lumineux. « Nous étions férus de natation, toujours prêts à faire des longueurs et ce de l’Anse Canot jusqu’à l’ilet Gosier. À l’époque nous avions environ sept ans seulement, évidemment lorsque j’y repense maintenant, c’était de la folie. » Son père travaillant beaucoup (il était comptable), et sa mère partie depuis 7h30 pour se rendre à son travail à Pointe-à-Pitre pensaient qu’ils jouaient sur la plage !. Ce furent des années d’épanouissement et de liberté. En plus de la natation, discipline dans laquelle il a été champion dans toutes les catégories, Klodi pratiquait aussi le football et le basket.

Taiawak, peinture acrylique

Il aurait pu développer une carrière de sportif de haut niveau, c’était sans compter un imprévu.

Une prison corporelle

À l’âge de 17 ans, il dut se remettre en question pour des raisons de santé. « Je fus pris de vertiges, j’avais l’impression d’être tout le temps ivre. » Difficile lorsqu’on est adolescent de tout arrêter du jour au lendemain. « Mais je n’avais pas le choix : j’ai commencé des traitements médicamenteux. Mais personne ne pouvait diagnostiquer mon problème. » Certaines vocations artistiques naissent de frustrations, de destins contrariés. Pour Klodi Cancelier, il n’en est rien. Certes, ce fut rageant de renoncer à la pratique sportive, mais l’art était déjà sa motivation et c’est ce qui le conduira en France hexagonale.

Pour mieux comprendre la démarche plastique de Klodi Cancelier, il est important de se replonger dans son passé. Parallèlement à sa pratique du dessin, Klodi s’initie au gwo ka vers l’âge de dix ans, grâce à un maître ka renommé : Artème Bwaban (au Gosier). Il est aussi très proche de Charly ChomereauLamotte (un de ses amis d’enfance) avec lequel il jouait au tanbouyé sur des caisses de morue rue Alexandre Isaac à Pointe-à-Pitre. Grâce à Henri Delos - autre maître ka il apprendra notamment les subtilités du rythme Lewoz. D’abord Boula (musicien rythmique) il passe rapidement Makè (marqueur). Le marqueur se doit de suivre et d’accompagner le danseur y compris dans ses provocations musicales. N’est pas marqueur qui veut ; et Klodi a été (avec Miguel Lara), l’un des premiers marqueurs métis de l’histoire du gwo ka (gwo ka, misik a vié neg ! disait-on). Vers 17-18 ans, il intègre la « Brisquante » dirigée par Mme Adline (Vélo, marqueur attitré de l’époque étant alors absent du groupe). Il est pressenti pour partir à l’Exposition Universelle de 1967 au Canada, mais il ne pourra pas faire partie du voyage ne pouvant honorer sa participation aux frais. Il est sollicité en 1973 par le guitariste Gérard Lockel, inventeur du Gwo ka Modèn et travaillera avec lui pendant huit ans comme boula (Ben Locatin - dont il salue la mémoire - étant alors le makè ). Souvenir émouvant également de Christen avec qui il a pu jouer à cette époque. Klodi a aussi innové en passant de la position assise sur le tambour à la position assise sur une chaise, chose impensable à cette époque. En peinture, il a gardé plusieurs réflexes de sa formation de marqueur : - le marqueur se fait son schéma mental ce qui lui permet de jouer rapidement et d’anticiper les gestes du danseur. - il y a un va-et-vient entre le marqueur et le danseur, une dynamique, un dialogue que Klodi revit face sa toile. Pour plus d’information : http://www.gwoka.org/ http://svr1.cg971.fr/lameca/dossiers/ gwoka/sommair.html

Adieu foulards, adieu madras...

Très motivé en dépit de ses problèmes de santé, il décida de venir poursuivre ses études en France et plus exactement aux Beaux-Arts de Rennes. Années intéressantes mais difficiles d’une part à cause de la persistance des vertiges et d’autre >>

Klodi jouant au gwo ka

{Avril

2010}

Boucan

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