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RIA Research ICT Africa

SaaS Logiciel en tant que service (software as a service)

SCE Services de conseil aux entreprises

SMS Service de messages courts (short messaging service)

SVT Services de vulgarisation technologique

TN Technologie numérique

Chapitre 1

Les technologies numériques

Facteurs de transformation technologique pour l’emploi

Qu’est-ce que les technologies numériques ?

L’Afrique a besoin de nombreux emplois de qualité pour sa population croissante. Les technologies numériques (TN) agissent comme des catalyseurs de la transformation économique pour l’emploi. Elles le font en aidant tous les individus à mieux travailler et à apprendre en travaillant, en catalysant l’adoption et la productivité de technologies complémentaires, et en stimulant ainsi la compétitivité, la production et les emplois dans toute l’économie.

Les technologies numériques (TN) sont des technologies qui saisissent, génèrent, stockent, modifient et transmettent des données à l’aide de chiffres binaires,1 et englobent

• Internet et les bases de données, outils de données et autres services d’information basés sur internet ;

• Tous les logiciels, ordinateurs et tablettes ;

• Les smartphones compatibles avec internet (c’est-à-dire utilisant les technologies de communication mobile 3G, 4G et 5G), qui combinent les fonctions informatiques et téléphoniques en une seule unité et permettent progressivement d’accéder plus rapidement à davantage de données et de les traiter ;

• Les caméras et vidéos numériques ;

• Les systèmes de géolocalisation ; et

• Les plateformes numériques, c’est-à-dire les marchés en ligne basés sur des logiciels et les systèmes d’intermédiation facilitant les transactions entre pairs, mettant en relation les acheteurs et vendeurs de biens et de services, et permettant les transactions participatives.

Les ordinateurs, tablettes et smartphones permettent un accès essentiel à la vaste gamme d’informations et de services numériques disponibles sur internet. En plus de relier les données recueillies par des capteurs sur toute une variété de biens de production et ménagers grâce à l’IdO (internet des objets), les TN améliorant la productivité comprennent également l’informatique en nuage, la disponibilité à la demande du stockage des données, et la puissance de calcul, si bien que les entreprises et les ménages, au lieu d’acheter les logiciels sous-jacents, peuvent acheter les services en ligne associés sur base de leur utilisation et cesser de les utiliser lorsqu’ils n’en ont plus besoin.

Elles comprennent également des offres d’intelligence artificielle (IA), généralement soutenues par l’apprentissage machine, qui sont des algorithmes analytiques prédictifs améliorant leur efficacité au fil du temps grâce à l’utilisation de quantités de données de plus en plus importantes.

Parmi les autres TN disponibles, citons les chaines de blocs ou blockchains (des enregistrements numériques décentralisés et distribués, reliés entre eux par cryptographie pour être résistants à la modification et inviolables), les cryptomonnaies ou la monnaie numérique, basées sur des technologies de grands livres décentralisés, et l’impression 3D ou la fabrication additive, c’est-à-dire la construction d’objets à partir d’un graphique numérique en 3D.

Les TN permettent de réduire les coûts économiques de production et de transaction, notamment les coûts de recherche, de réplication, de transport, de suivi et de vérification.2

Les défis de l’Afrique en matière d’emploi et de technologie

L’impératif d’emploi et de technologie

Le défi de l’Afrique en matière d’emploi consiste à mettre en place des environnements commerciaux propices à la création de « bons emplois » durables pour sa main-d’œuvre croissante (encadré 1.1).3

ENCADRÉ 1.1

Qu’est-ce qu’un « bon emploi » ?

Ce rapport définit les « bons emplois » comme ceux a) générant un revenu suffisant pour que toute personne active et son ménage puissent échapper à la pauvreté et ne pas y retomber ; et b) permettant un apprentissage productif dans des entreprises permettant d’augmenter les revenus au fil du temps.

Divers auteurs proposent toutefois des définitions plus larges. Comme le reconnaissent Rodrik et Sabel (2022, 62), « la définition d’un “bon emploi” est nécessairement glissante ». Cependant, ils poursuivent, Nous pensons en premier lieu à un emploi stable, dans le secteur formel, accompagné de protections fondamentales de la main-d’œuvre, telles que des conditions de travail sûres, des droits de négociation collective et des réglementations contre les licenciements arbitraires. Un bon emploi permet au minimum une existence de classe moyenne, selon les normes d’une région, avec un revenu suffisant pour le logement, la nourriture, le transport, l’éducation et les autres dépenses familiales, ainsi qu’une certaine épargne. Plus largement, les bons emplois offrent aux travailleurs des perspectives de carrière claires, des possibilités d’épanouissement personnel, de la flexibilité, des responsabilités et de la satisfaction. La profondeur et l’étendue de ces caractéristiques peuvent dépendre du contexte : les niveaux de productivité et de développement économique, le coût de la vie, les écarts de revenus existants, etc. En outre, un bon emploi n’implique pas nécessairement un emploi classique à temps plein, mais peut permettre le partage d’emploi et la flexibilité du travail. Nous attendons de chaque communauté qu’elle fixe ses propres normes et aspirations, qui évolueront avec le temps.

Hovhannisyan et coll. (2022) définissent également les bons emplois de manière plus large que la définition bidimensionnelle adoptée pour ce rapport (revenu suffisant et possibilités d’apprentissage productif), en se basant sur quatre dimensions : revenu suffisant, accès aux avantages liés à l’emploi, stabilité de l’emploi et conditions de travail adéquates. Selon cette mesure quadridimensionnelle appliquée à l’emploi salarié, les pays d’Afrique subsaharienne affichent les niveaux les plus bas de qualité des emplois.

On estime que la main-d’œuvre de l’Afrique continentale triplera d’ici le vingtdeuxième siècle, passant de près de 875 millions de personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) en 2025 à plus de 2,5 milliards en 2100 (ONU DAES 2022a). En conséquence, la part de l’Afrique dans la main-d’œuvre mondiale passerait de 16 % à plus de 41 %, dépassant l’Asie en tant que plus grande part mondiale d’ici 2100 (figure 1.1).

Cette augmentation est essentiellement le fait de l’Afrique subsaharienne, dont la population active devrait plus que tripler, passant d’un peu plus de 700 millions de personnes en 2025 à 1,3 milliard en 2050 et à 2,25 milliards en 2100. Dans le même temps, la population en âge de travailler devrait presque doubler en Afrique du Nord, passant de 170 millions à 294 millions de personnes.

Les défis de l’Afrique en matière d’emploi et de technologie sont immenses pour les années à venir – ils exigent une utilisation accrue de meilleures technologies et plus appropriées, de manière à soutenir de bons emplois locaux. De bons emplois requièrent des entreprises productives capables d’accroître leur production de manière rentable. Le défi de l’emploi offre aux entreprises, aux ménages, aux gouvernements et à la société civile, aux niveaux local, national et régional, la possibilité de faire les choses différemment et mieux. L’évolution de la démographie, des technologies et des marchés offre des perspectives de concevoir et mettre en œuvre des politiques et investissements porteurs de productivité générant une croissance de l’emploi pour tous et une prospérité véritablement partagée.

En même temps, des interventions appropriées des pouvoirs publics sont nécessaires, car le manque de bons emplois en Afrique peut être considéré comme une massive défaillance de type externalité négative de la part du marché. Autrement dit, les entreprises utilisent souvent les technologies existantes et disponibles et en adoptent de nouvelles pour maximiser leurs profits sans tenir compte des effets négatifs du chômage ou du

Afrique du Nord Asie du Sud Europe et Asie centrale Afrique de l’Est et du Sud Asie de l’Est et Pacifique

Amérique du Nord

Source : ONU DAES 2022a.

Afrique de l'Ouest et du Centre Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient sous-emploi des travailleurs, qui comprennent notamment (Rodrik et Sabel, 2022 ; Rodrik et Stantcheva, 2021) :

Note : Les projections sont basées sur la variante du taux de fécondité moyen, comme décrit dans ONU DAES (2022b). La « population active » comprend le nombre de personnes de 15 à 64 ans, sur la base des projections des Nations Unies (ONU) pour 2025 (volet a), 2050 (volet b) et 2100 (volet c). Les régions suivent les classifications de la Banque mondiale.

• Les coûts d’efficacité économique et de croissance – c’est-à-dire les coûts associés à une production inférieure à ce que l’économie pourrait produire si elle fonctionnait efficacement et à un ralentissement de la diffusion de l’innovation des secteurs les plus avancés vers le reste de l’économie.

• Les coûts sociaux, tels que la criminalité et la persistance de la pauvreté liée à la sous-alimentation et aux faibles niveaux d’éducation.

• Les coûts politiques, qui comprennent l’encouragement de la montée du populisme autoritaire.

Ces interventions des pouvoirs publics doivent être audacieuses et adaptées au contexte, compte tenu de la rapidité de l’évolution technologique et de l’incertitude quant au caractère approprié des technologies dans le contexte de la base d’actifs de chaque pays.4 La création durable de bons emplois nécessite un environnement des affairs qui soutient et stimule l’adoption de technologies et l’augmentation de la productivité des entreprises, ainsi que l’expansion rentable des entreprises les plus productives, de manière à créer également de bons emplois pour tous.5

Promesse et défi de la main-d’œuvre jeune de l’Afrique

Offrir de bons emplois au grand nombre de jeunes entrant dans la vie active est l’un des premiers tests d’une croissance riche en emplois. En 2022, le flux annuel net des entrants dans la population active de l’Afrique subsaharienne (de 15 à 64 ans) était de plus de 23 millions de personnes, soit près de 2 millions par mois. Il devrait passer à 27 millions en 2030 et à plus de 33 millions en 2050 (ONU DAES, 2022a). En 2033, le nombre d’entrants nets dans la population active (28,5 millions) dépassera celui du reste du monde (28,0 millions), un total qui diminue au fil du temps.6

Cette explosion de la jeunesse est une source potentiellement immense d’entrepreneurs et de travailleurs flexibles, talentueux et férus de technologie, qui pourraient produire davantage pour les marchés locaux et les exportations et générer ainsi plus d’emplois. Ce défi pour une croissance riche en emplois requiert toutefois de nouveaux investissements privés importants, soutenus par des politiques et des investissements publics appuyant de manière adéquate l’éducation, les compétences et la mise à niveau des capacités nécessaires pour nourrir ces talents. Il faut également des règles des affairs ouvertes, transparentes et applicables, axées sur la concurrence et la collaboration en toute confiance. Deux questions pertinentes se posent dans ce rapport : Les entrepreneurs africains ontils la possibilité de développer leurs talents ? Où vont-ils affecter leurs talents et leurs investissements au cours des prochaines années ? Les règles des affairs doivent faire en sorte qu’il soit plus rentable pour les entreprises d’investir dans l’innovation (en adoptant de meilleures technologies et en entrant en concurrence pour les clients sur les marchés intérieurs et d’exportation) que de rechercher des faveurs spéciales auprès des pouvoirs publics. Les politiques d’appui aux entreprises et les actions des entreprises publiques ont malheureusement trop souvent restreint la concurrence du secteur privé et entravé une croissance plus inclusive. Lorsque des services commerciaux essentiels et d’autres intrants font localement l’objet d’une monopolisation et d’un verrouillage favorisant les entreprises en place, les jeunes entrepreneurs talentueux, mais dépourvus de relations sont susceptibles de partir pour des pays où les possibilités de croissance sont meilleures.7

Deux atouts latents complémentaires de la société africaine offrent des lueurs d’espoir pour aider à relever le défi auquel est confrontée la jeunesse africaine. Premièrement, l’Afrique a connu des niveaux élevés de mobilité sociale perçue et réelle, et la façon habituelle de progresser a été de travailler dur.8 Deuxièmement, les Africains sont très sceptiques à l’égard de l’autorité et sensibles à l’abus de pouvoir – non seulement de la part du pouvoir politique, mais aussi sur le marché. Ces attitudes peuvent constituer une base essentielle pour la mise en place de meilleures institutions politiques et économiques. Contraintes et opportunités liées à l’adoption tardive des TN

Un autre obstacle à une croissance riche en emplois est le retard technologique de l’Afrique dans une large gamme d’applications destinées aux entreprises, aux ménages et aux pouvoirs publics. Ce retard pourrait toutefois permettre aux entrepreneurs d’adapter et de créer des technologies spécifiques au contexte africain, notamment à son riche patrimoine linguistique. Ces TN sur mesure pourraient inciter les entreprises et les ménages à les adopter et à les utiliser intensivement.9

Les nouvelles technologies peuvent accélérer la création d’emplois dans l’agriculture et l’agroalimentaire, l’industrie manufacturière et les services, l’éducation, la santé, les communications, l’énergie, le transport et la logistique, ainsi que les services financiers (Nayyar, Hallward-Driemeier et Davies, 2021). Toutes les technologies ont besoin de capacités complémentaires et de capital physique. Des TN telles que l’IdO (objets physiques dotés de capteurs et de logiciels permettant de les connecter à d’autres appareils compatibles avec internet) requièrent des investissements dans internet (infrastructure numérique) et les « objets », ainsi que des investissements complémentaires essentiels dans les technologies matérielles et immatérielles telles que les tracteurs, les systèmes d’irrigation, les routes rurales et les capacités de gestion.

L’Afrique est en retard sur le reste du monde en ce qui concerne l’adoption de nombreuses technologies, tant numériques qu’analogiques. Cela en fait la dernière frontière, et la plus critique, pour les investissements dans de meilleures technologies.10 Par exemple, l’Afrique subsaharienne est en retard par rapport à d’autres régions à revenu faible ou intermédiaire en ce qui concerne l’adoption et l’utilisation de technologies agricoles telles que les tracteurs, les systèmes d’irrigation et les engrais (figure 1.2) – bien qu’aucune différence régionale dans les cultures et les conditions du sol ne justifie de tels écarts.

Le retard technologique de l’Afrique dans l’utilisation des intrants agricoles s’est creusé au fil du temps : même si, en 1960, l’Afrique disposait de plus de tracteurs pour 1 000 travailleurs agricoles que l’Asie de l’Est et du Sud (0,7 contre 0,2), en 2015, elle accusait un retard important en matière de technologies (Fuglie et coll. 2020, tableau 4.1). Fuglie et coll. (2020) soulignent que l’émergence de nouvelles technologies particulièrement adaptées aux petites exploitations – horticulture à forte intensité de main-d’œuvre, pompes à eau à énergie solaire, minitracteurs combinés à des marchés de location –permet l’introduction d’une agriculture hautement productive sur de petites parcelles. L’intensification de l’agriculture de précision grâce à des technologies de transfert de données qui émergent rapidement devrait encore réduire les avantages ou les inconvénients liés à la taille dans la gestion des cultures. Les auteurs concluent que si l’on considère l’utilisation globale des intrants, il n’est pas certain qu’il existe des différences systématiques d’efficacité économique liées à la taille de l’exploitation, et que les différences éventuelles peuvent s’atténuer avec les progrès technologiques et l’évolution vers des produits à plus forte valeur ajoutée.

Source : Fuglie et coll., 2020.

Enfin, les défis liés à l’emploi et à la technologie du côté de l’offre des marchés des produits requièrent une demande accrue de la part des consommateurs pour fournir des débouchés rentables à une augmentation de la production générant des emplois – et une amélioration du bien-être de ménages consommant davantage. La faible consommation de nombreux produits de base en Afrique, qui est liée à des taux élevés de pauvreté, a déprimé la demande de production locale par rapport à celle destinée aux marchés d’exportation. Une modeste augmentation du revenu des ménages dans les pays africains pourrait néanmoins générer une forte demande refoulée pour des biens et services à bas prix, mais de meilleure qualité, tels que des produits frais et des aliments transformés riches en nutriments, ainsi que des services d’éducation, de santé, de divertissement, de transport et d’énergie de meilleure qualité.

L’adoption de meilleures technologies par les entreprises africaines pourrait également générer des emplois peu qualifiés, à condition que les avantages de la productivité de ces technologies entraînent une expansion suffisamment importante de la production. Ces effets d’expansion peuvent être plus probables en Afrique que dans d’autres régions, étant donné que la demande pour ces produits est nettement plus faible, et donc probablement plus élastique aux changements de productivité et de prix – à condition que la production ait lieu en Afrique. La situation de la région contraste ainsi avec celle des pays à revenu élevé, où la demande pour bon nombre des mêmes produits est plus satisfaite et inélastique dans sa réponse à toute nouvelle variation de la productivité et des prix.11

Potentiel des TN adaptées au context pour une transformation économique riche en emplois

La « transformation économique pour l’emploi » est un cadre permettant de transformer les défis décrits plus haut en opportunités au fil du temps (encadré 3.2). Ce terme

ENCADRÉ 1.2

Cadre de la « transformation économique pour l’emploi » de la Banque mondiale les voies vers une croissance inclusive de la productivité générant davantage d’emplois et de revenus pour tous. Elle repose sur trois types de transformations sous-jacentes complémentaires – technologiques, sectorielles et spatiales – qui doivent être soutenues par des réformes et des investissements publics.

La transformation économique pour l’emploi est désignée par l’acronyme « JET » (jobs and economic transformation – emplois et transformation économique) au sein du Groupe de la Banque mondiale (voir annexe A, figure A.1).

Dans ce cadre, la transformation économique est considérée comme une stratégie de développement économique radicalement différente des politiques de croissance « à effet de ruissellement ». Elle part plutôt de l’hypothèse que les politiques et les investissements en faveur de l’emploi inclusif doivent soutenir explicitement la croissance de la productivité des entrepreneurs et travailleurs à faible revenu et peu qualifiés, en leur permettant d’apprendre en travaillant et d’améliorer ainsi leur capacité à générer des revenus plus élevés.

La conception des politiques de croissance inclusive de la productivité suppose qu’il y faudra parfois faire des compromis entre une croissance générale plus rapide et une croissance plus inclusive et riche en emplois, et que les choix des politiques doivent être faits en faveur de la seconde.

Ces réformes et investissements devraient directement promouvoir une croissance inclusive de la productivité à travers trois piliers :

• les compétences, y compris les investissements dans l’éducation de base ainsi que la formation professionnelle ou spécifique à une activité, orientée vers les besoins des employeurs potentiels, ainsi que l’apprentissage sur le tas ;

• Les infrastructures, y compris les investissements dans les infrastructures immatérielles (telles que les finances) et les infrastructures matérielles (telles que l’électricité et le numérique) dans tous les secteurs ;

• Les institutions, notamment la stabilité macroéconomique ainsi que la transparence et la redevabilité en matière de bonne gouvernance.

Ce rapport met l’accent sur la transformation technologique induite par l’innovation. La transformation technologique, en tant que voie vers une croissance plus inclusive de la productivité, intervient lorsque les entreprises et les ménages adoptent et utilisent plus intensivement les meilleures technologies actuellement disponibles ou modifient et créent de nouvelles technologies appropriées – générant plus d’emplois et de revenus pour tous.12 Les récents rapports de la Banque mondiale sur l’Afrique se concentrent sur les politiques de productivité pour améliorer l’allocation des ressources (Abreha et coll., 2021 ; Calderón et Cantú, 2021). Le présent rapport part du principe que les investissements dans la mise à niveau des technologies et des capacités associées, dans toutes les activités économiques où les entreprises africaines peuvent être compétitives sont aussi essentiels, sinon plus, que l’amélioration de l’allocation des ressources entre les entreprises et les activités économiques.

Quelles que soient les régions géographiques, tant dans les pays à revenu faible et intermédiaire que dans ceux à revenu élevé, au moins deux tiers de la croissance de la productivité du travail entre 1995 et 2018 s’expliquent par des augmentations au sein même des secteurs plutôt qu’entre eux – par exemple, entre l’agriculture et l’industrie manufacturière ou entre l’industrie manufacturière et les services (Nayyar, Hallward-Driemeier et Davies, 2021, figure 1.5).13 La constatation que la mise à niveau technologique au sein des entreprises a représenté la majeure partie de la croissance de la productivité physique de la Chine et de l’Éthiopie entre 2000 et 2007 suggère que la mise à niveau technologique peut être le plus important moteur de la croissance de la productivité dans les pays où la plupart des entreprises arrivent à tirer parti du rattrapage technologique (Cusolito et Maloney, 2018).14

Les niveaux extrêmement bas des pratiques managériales moyennes constatés par Bloom et coll. (2016) dans les entreprises africaines, sur la base de Bloom et van Reenen (2007, 2010), mettent en évidence un autre obstacle auquel se heurte la mise à niveau technologique en Afrique. Ils montrent également le potentiel positif de technologies simples facilitant la mise à niveau de la gestion – telles que les solutions de point de vente permettant aux gestionnaires de comparer les niveaux des stocks et de proposer des offres alléchantes pour développer les ventes et les emplois. La mise à niveau de la gestion à l’aide des TN est sans doute un point d’entrée naturel pour la mise à niveau ultérieure d’autres technologies d’entreprise.15

Le monde connaît actuellement une transformation technologique importante qui modifie déjà la façon dont les entreprises et les ménages achètent, fabriquent, vendent et consomment des biens et services, ainsi que les endroits où sont créés plus d’emplois de qualité. Les TN basées sur internet réduisent les coûts ou les frictions dans l’économie et permettent une meilleure prise de décision basée sur les données.16 Une utilisation productive peut les transformer en opportunités économiques accrues pour toutes les entreprises et tous les ménages, y compris pour le grand nombre d’Africains peu qualifiés. Bien que l’utilisation des TN soutienne également les transformations sectorielles et spatiales en tant que voies supplémentaires et complémentaires vers de meilleurs emplois pour un plus grand nombre de personnes, la principale contribution des TN est de soutenir directement la transformation technologique.

Le défi du changement technologique basé sur les compétences

Les pays à revenu faible ou intermédiaire cherchant à trouver une voie de croissance plus inclusive de l’emploi en adoptant des TN se heurtent à des obstacles supplémentaires, car bon nombre des meilleures technologies qui pourraient être adoptées et utilisées par les entreprises locales privilégient les compétences.17 Ce problème est particulièrement aigu pour les pays africains, compte tenu du nombre de personnes déjà actives et de jeunes peu instruits entrant dans la vie active. La prépondérance de ces technologies est liée à l’abondance de main-d’œuvre qualifiée dans les pays à revenu élevé et au fait que la plupart des technologies y sont encore produites.18

La création d’un plus grand nombre d’emplois peu qualifiés grâce à l’adoption de technologies privilégiant les compétences nécessite des volumes de production et de vente suffisamment importants de la part des entreprises existantes et nouvelles. La plupart des technologies adoptées permettent aux entreprises de réduire leurs coûts de production ou d’améliorer la qualité de leurs produits. L’augmentation des ventes résulte des prix plus bas permis par des réductions de coûts. C’est l’accroissement de la production et les nouvelles tâches qui y sont associées qui génèrent la demande d’un plus grand nombre d’emplois incluant des travailleurs moins qualifiés.19

Ces progrès nécessitent a) une concurrence sur les marchés des intrants et des extrants pour que les entreprises les plus efficaces puissent se développer ; b) une réactivité suffisante de la demande des consommateurs à la baisse des prix stimulée par les technologies et la concurrence entre les produits ; et c) une complémentarité suffisante entre les technologies adoptées et les travailleurs peu qualifiés pour que leurs emplois soient améliorés plutôt que supprimés. Pour une croissance inclusive de la productivité, les technologies générées et adoptées doivent être axées sur les travailleurs peu qualifiés afin que les TN améliorent les communautés et apportent des emplois au lieu de remplacer les personnes et les emplois.

Potentiel des technologies adaptées aux compétences

La création, l’adoption et l’utilisation intensive par les travailleurs et les cadres des entreprises, ainsi que par les ménages impliqués dans des activités économiques informelles, de TN adaptées aux compétences constituent une voie complémentaire axée sur la technologie. L’évolution technologique a largement privilégié les compétences de haut niveau pendant la majeure partie du XXe siècle dans les pays à revenu élevé, car l’augmentation rapide de l’offre de travailleurs plus qualifiés a induit le développement de ces technologies.20

Contrairement aux technologies privilégiant les compétences, les technologies adaptées aux compétences sont axées sur l’utilisation productive et les besoins d’apprentissage des personnes peu qualifiées et favorisent donc directement ces dernières plutôt que les plus qualifiées, en augmentant leur productivité relative. Elles soutiennent également les travailleurs plus qualifiés avec les emplois créés pour générer ces technologies, qui nécessitent des ingénieurs spécialisés dans les logiciels sophistiqués pour développer les applications existantes afin de les rendre plus faciles et plus intuitives à utiliser, comme l’activation et la réponse vidéo dans une série de langues et de dialectes locaux.

Les emplois plus qualifiés sont également stimulés par les volumes de production plus élevés et les tâches plus sophistiquées que ces technologies permettent. Selon Acemoglu et Restrepo (2020, 25), « l’évolution technologique récente a privilégié l’automatisation sans porter une attention suffisante à la création de nouvelles tâches où employer de la main-d’œuvre de manière productive. Les conséquences de ce choix ont été la stagnation de la demande de main-d’œuvre, la diminution de la part de la main-d’œuvre dans le revenu national, l’augmentation des inégalités, et la baisse de la croissance de la productivité. »

Trajtenberg (2019, 185) a posé la question liée aux politiques de la façon suivante : « Il semblerait que les innovations améliorant l’homme (IAH) basées sur l’IA aient le potentiel de déclencher une nouvelle vague de créativité et de productivité humaines, en particulier dans les services, tandis que les innovations remplaçant l’homme (HRI) diminuent l’emploi ou créent des emplois indignes. Est-il possible de concevoir des stratégies pour influer sur la direction du changement technologique, dans le sens de la stimulation des IAH par rapport aux HRI ? Il est difficile de le dire, mais cette possibilité vaut certainement la peine d’être étudiée, étant donné l’énorme impact qu’un changement de direction peut avoir sur l’économie … Une certaine attention à la “direction” [du changement technologique plutôt qu’à son rythme] pourrait apporter des bénéfices nettement plus importants. »

De leur côté, Rodrik et Stantcheva (2021, 832) affirment que : « En toute logique, l’écart entre les compétences et la technologie peut être comblé de deux façons : soit en augmentant l’éducation pour répondre aux exigences des nouvelles technologies, soit en réorientant l’innovation pour qu’elle corresponde aux compétences de la main-d’œuvre actuelle (et future). La seconde stratégie, à laquelle pratiquement aucune attention n’est accordée dans les discussions politiques, mérite d’être prise au sérieux. »

Pour les personnes peu qualifiées en Afrique, il y a un avantage supplémentaire essentiel à concevoir des TN adaptées aux compétences permettant d’apprendre en travaillant. Cela transforme ce qui serait une augmentation ponctuelle de la productivité – à savoir l’adoption d’une nouvelle TN – en une croissance dynamique de la productivité. Cela permet également aux gens d’améliorer continuellement la productivité de leurs tâches ou de passer à des tâches plus qualifiées à mesure qu’ils acquièrent de nouvelles compétences.

Un cadre conceptuel – partant de la disponibilité des TN à des emplois inclusifs Ce rapport fournit de nouvelles données et analyses pour mieux comprendre l’étendue de l’utilisation des TN en Afrique – et la façon dont les résultats en matière d’emplois inclusifs peuvent être associés à une plus grande utilisation des TN et des technologies complémentaires. À cette fin, ce chapitre présente le cadre conceptuel du rapport (figure 1.3). Ce cadre établit un lien entre, d’une part, la disponibilité et l’utilisation des conceptuel pour l’analyse politique des impacts des TN sur la croissance de l’emploi et des revenus

FIGURE

Fondements de la transformation technologique

Facteurs numériques

• Connectivité et infrastructure des données

• Compétences et capacités

• Entreprises

• Finances

• Plateformes publiques

+

Technologies analogues et plus vertes (électricité, transport)

Entreprises

Individus/ ménages

Pouvoirs publics

Réduction nette des coûts ou des frictions et augmentation de la productivité (recherche, réplication, transport, suivi et vérification)

Emplois et revenus du travail

Entrepreneuriat et revenu du capital

Prix plus bas, plus grande variété et surplus du consommateur

Système de transfert de revenus

Gains non monétaires

Impacts dans l’ensemble de l’économie : croissance plus rapide et plus inclusive de l’emploi, réduction de la pauvreté, autres avantages sociaux

Politiques requises

Capacité à payer pour les TN : politiques de disponibilité à un prix abordable

Volonté d’utiliser les TN : politiques d’attractivité et de capacité

Note : Le texte en gras (dans les encadrés bleus) indique les principaux domaines et thèmes couverts par ce rapport, avec un accent sur le côté production de l’économie (entreprises et travailleurs). Les « impacts inclusifs » sont ceux générant une croissance des revenus pour tous, y compris une croissance plus rapide du revenu par habitant pour les 40 % les plus pauvres de la population de chaque pays. TN = technologies numériques.

TN et, d’autre part, la croissance des emplois inclusifs et la réduction de la pauvreté, selon différents aspects, notamment de meilleurs emplois pour un plus grand nombre de personnes.

Le cadre s’appuie sur la théorie du changement proposée dans l’initiative DE4A (Digital Economy for Africa) de la Banque mondiale.21 Il comprend cinq catalyseurs de la disponibilité des TN qui facilitent l’utilisation et l’impact de celles-ci : i) l’infrastructure de connectivité et des données ; ii) les compétences ; iii) les entreprises numériques (les principaux fournisseurs de solutions numériques) ; iv) la finance numérique ; et v) les plateformes publiques numériques.

Composantes du cadre de base

Disponibilité des TN. Dans le cadre conceptuel, la colonne de gauche concerne la disponibilité des TN. La disponibilité à un prix abordable, à la fois de l’infrastructure de connectivité (internet à large bande) et des données, et des infrastructures complémentaires d’électricité et de transport, est une condition nécessaire en tant que catalyseurs de l’économie.

Utilisation productive des TN. La colonne centrale du cadre couvre l’utilisation productive des TN par les entreprises, les particuliers et les ménages, ainsi que les pouvoirs publics. Les moteurs de l’utilisation par les entreprises et les particuliers sont liés à la capacité de payer, qui dépend elle-même de la disponibilité à un prix abordable des technologies d’accès (smartphones, ordinateurs et tablettes) et de l’électricité, ainsi que de l’existence d’un revenu disponible suffisant ou de l’accès au financement. La capacité de payer est facilitée par des prix reflétant les coûts, stimulés par a) les investissements dans les nouvelles technologies liées aux infrastructures et b) la concurrence pour les connexions aux infrastructures numériques disponibles.

Les facteurs influençant la volonté d’utiliser les TN comprennent l’attrait pour les utilisateurs, découlant des informations disponibles sur les TN, la pertinence de celles-ci dans le contexte local et leur facilité d’utilisation.

Impacts inclusifs des TN. Comme souligné dans la colonne de droite du cadre, les impacts inclusifs des TN sur l’emploi dépendent de l’intensité avec laquelle l’usage des TN augmente la productivite. L’environnement des affairs actuel, y compris l’intensité de la concurrence sur le marché des produits, influence également l’intensité de l’utilisation productive et les résultats découlant des TN – soit en incitant à l’utilisation et à l’expansion de l’utilisation par les entreprises et les ménages, soit en empêchant d’en tirer des gains suffisants, au point que l’adoption en devient peu attrayante.

Le cadre clarifie la façon dont les réductions de coûts et les augmentations de productivité ont des impacts inclusifs sur les personnes à travers cinq canaux :

• Emplois et revenus du travail découlant de l’utilisation productive par les entreprises et les personnes en tant que cadres et travailleurs

• Revenus de l’entrepreneuriat et du capital perçus par les propriétaires de grandes entreprises et d’entreprises familiales

• Surplus du consommateur, résultant de la consommation de biens et de services à des prix plus bas, de meilleure qualité ou plus variés22

• Système de transfert de revenus à travers des impôts et diverses formes de soutien des revenus.

• Gains non monétaires tels que les avantages intrinsèques d’une meilleure santé et d’une meilleure éducation pour la société civile, de la dignité humaine et de l’autonomisation des individus, et d’autres aspects non pécuniaires de la qualité de vie.

Ce cadre centré sur les coûts et ses composantes mettent en évidence la façon dont l’utilisation des TN accroît les possibilités d’accès aux marchés locaux et mondiaux des produits, de la main-d’œuvre, des terres et financiers par les entreprises et les particuliers, car ces coûts comprennent la recherche, le rapprochement des emplois, le transport et d’autres coûts de transaction. Le cadre précise également que c’est grâce à la réduction de divers coûts que l’utilisation des TN facilite la continuité des affaires lorsque la production de biens et de services en présentiel est perturbée par la COVID-19 ou des risques sanitaires similaires.23

Dans la figure 1.3, le texte en gras représente les domaines auxquels une plus grande attention est accordée dans ce rapport, à savoir les entreprises et les ménages faisant un usage productif des TN pour des impacts sur l’emploi et les gains de réduction de la pauvreté. Les rôles des technologies complémentaires et des facteurs complémentaires ou fondamentaux soutenant la disponibilité des TN – tels que les compétences, les entreprises numériques (y compris les jeunes entreprises ainsi que les grandes plateformes numériques privées mondiales), la finance numérique, et les plateformes publiques – ne sont examinés que dans la mesure où ils soutiennent l’objectif du rapport.24

Un cadre élargi : les politiques de lutte contre la fracture numérique

La figure 1.4 développe le cadre conceptuel de base en clarifiant les défis posés par les différents types de fractures numériques parmi les entreprises et les particuliers. Par exemple, les grandes entreprises formelles sont généralement plus promptes à utiliser de manière plus intensive différentes TN. Les entreprises plus petites, et spécialement les microentreprises informelles, comptant moins de cinq employés à plein temps – y compris les entreprises familiales indépendantes sans employés rémunérés à plein temps –sont moins susceptibles d’utiliser les TN fournissant un accès à internet. De même, les ménages instruits des zones urbaines disposant de l’électricité sont plus susceptibles d’utiliser les TN que les ménages non instruits des zones rurales dépourvus d’électricité ou d’un approvisionnement fiable.

En ce qui concerne l’impact inclusif, dans la mesure où les TN privilégient les compétences, les travailleurs plus qualifiés sont plus susceptibles que les moins qualifiés de bénéficier de meilleurs emplois et de revenus du travail plus élevés dans les entreprises utilisant ces technologies. De même, les propriétaires masculins d’entreprises sont plus susceptibles que les propriétaires féminines d’utiliser les TN et d’en tirer des revenus du capital plus élevés. Les inégalités entre les sexes comprennent non seulement les normes et règles sociales favorisant la propriété masculine des TN, mais aussi la discrimination sur les lieux du travail, entraînant un moindre succès commercial pour les entreprises détenues par des femmes, utilisant des TN.

Les fractures numériques potentielles et la façon dont elles peuvent être réduites par l’utilisation de meilleures technologies, comme le montre la figure 1.4, sont mises en lumière par une récente analyse des mécanismes par lesquels les TN influencent les choix d’obtention de revenus des ménages les plus pauvres. Porto (2021) utilise des données sur les ménages du Kenya et du Sénégal pour étudier les implications d’une baisse des prix à la consommation du riz et d’une hausse des prix à la production et d’une baisse des prix des intrants pour l’arachide – des changements de prix rendus possibles par

FIGURE 1.4 Cadre conceptuel élargi pour l’analyse politique de l’impact des TN sur l’emploi et les revenus à travers le prisme de la fracture numérique

Disponibilité des TN

Fondements de la transformation technologique (facteurs numériques et analogiques)

Entreprises

Utilisation productive des TN Impacts inclusifs des TN

Plus grandes et formelles

Micros et informelles

Individus

Urbain, instruit, électricité

Rural, non instruit, sans électricité

Politiques de disponibilité à un prix abordable pour une capacité à payer inclusive

• Aborder la question de l’accessibilité financière du point de vue de la concurrence et de réglementations favorables à la concurrence en vue de réduire les coûts d’investissement et les marges prix-coûts (octroi de licences et position dominante, accès et partage, spectre) et de faire baisser les coûts d’exploitation (entreprises publiques et réseaux de fibres à accès ouvert, droits d’accises).

• Assurer la disponibilité d’internet à l’aide de subventions et de crédits soutenus par des fonds réservés (ou de nouveaux mécanismes) pour le service universel et les mesures d’adaptation au climat pour la résilience.

• Garantir l’infrastructure de données (IXP, centres de données et informatique en nuage) à l’aide d’une infrastructure numérique et d’une réglementation des données facilitant l’intégration régionale (interopérabilité des flux de données transfrontaliers).

• Soutenir la disponibilité de technologies analogiques et vertes complémentaires, y compris les infrastructures (électricité, transport, logistique) pour soutenir la génération de revenus.

Travailleurs plus qualifiés Travailleurs peu qualifiés

Propriétaires masculins jeunes/âgés

Emplois et revenu du travail Emplois entrepreneuriaux et revenu du capital Propriétaires féminines jeunes/âgées

Politiques d’attractivité et de capacité pour une volonté inclusive d’utilisation l’adoption de TN spécifiques.25 Une amélioration de la TN qui fait baisser les prix à la consommation du riz profite deux fois plus aux ménages pauvres qu’au ménage, et plus au ménage rural qu’au ménage urbain. Cela s’explique par le fait que le riz est davantage consommé par les ménages pauvres et que la plupart des ménages ruraux producteurs de riz sont également des acheteurs nets de riz. Les effets sur le bien-être d’une amélioration de la productivité de la production d’arachide sont nettement plus importants que ceux d’une augmentation du prix à la ferme (prix reçu par le producteur lors des ventes directes à l’exploitation), mais les différences d’ampleur dépendent de l’accès aux technologies.

• Mettre en œuvre une stratégie nationale d’ « utilisation productive des TN » pour soutenir la familiarisation avec l’utilisation et les gains de productivité des MPME et des ménages à faibles revenus et vulnérables.

• Mettre en œuvre des politiques d’innovation pour réorienter le développement technologique vers la génération et la mise à l’échelle de TN adaptées aux compétences, conçues pour être faciles à utiliser (voix, écran tactile et vidéo pour les personnes illettrées) et adaptées au portefeuille de compétences en évolution de l’Afrique, permettant aux travailleurs et aux gestionnaires peu qualifiés d’apprendre tout en travaillant – soutenues par des biens publics (adresses numériques, géolocalisation des registres fonciers, cartographie météorologique locale), des subventions de contrepartie et des garanties de crédit partielles.

• Adopter et mettre en œuvre des politiques et des réglementations en matière de données pour permettre de nouvelles TN et créer la confiance dans l’utilisation des TN grâce à l’utilisation et réutilisation des données (protection des données contre les abus publics, cybersécurité, protection des consommateurs contre les abus commerciaux).

• Institutionnaliser les programmes de soutien des capacités pour les MPME et les ménages : services de conseil aux entreprises, information et mise à niveau technologiques, formation des cadres et des travailleurs, et éducation plus générale.

Note : « Inclusif » fait référence aux impacts des politiques ou aux emplois générant une croissance des revenus pour tous, y compris une croissance plus rapide du revenu par habitant pour les 40 % les plus pauvres de la population de chaque pays. TN = technologie numérique ; IXP = points d’échange internet ; MPME = micro, petites et moyennes entreprises ; EP = entreprise publique.

Le cadre élargi de la figure 1.4 résume également les réponses politiques en matière de disponibilité, d’utilisation et d’impacts inclusifs. Les politiques visant à assurer une disponibilité à un prix abordable de l’infrastructure de connectivité et des données et les politiques de données visant à renforcer l’attrait des TN sont traitées au chapitre 4. Les politiques visant à accroître la volonté des entreprises et des ménages d’utiliser les TN qui reposent sur l’infrastructure de connectivité et des données sont principalement abordées dans les chapitres 2 et 3.

En général, pour être efficaces, les politiques et la conception institutionnelle, quel que soit le domaine, doivent respecter trois principes :

• La concurrence sur le marché, qui constitue une incitation essentielle à la disponibilité, l’utilisation et l’impact des TN.

• La coordination notamment a) le regroupement de technologies, de compétences, de capacités et d’aides financières complémentaires, de manière à surmonter les obstacles combinés à l’utilisation des TN par les entreprises et les ménages ; et b) la coordination entre les différentes entités d’aide publique et entre les pouvoirs publics et les entreprises.

• La contestabilité des politiques, à savoir le fait que leurs objectifs, y compris les défaillances du marché qu’elles cherchent à corriger, sont transparents et soumis à un suivi et une évaluation rigoureux identifiant des preuves d’impact permettant aux seules politiques les plus efficaces de rester opérationnelles. L’expérimentation des politiques, associée à l’évaluation de leur impact, est essentielle pour en savoir plus sur les types et les combinaisons spécifiques de politiques et d’investissements publics les plus efficaces dans différents contextes nationaux et sous-régionaux.

Impacts de l’utilisation des technologies numériques sur l’emploi et la pauvreté

Cette section présente les preuves empiriques de l’impact des TN sur l’emploi et la réduction de la pauvreté, en mettant l’accent sur les récents résultats obtenus en Afrique. Comme souligné plus haut, dans le cadre conceptuel, les TN peuvent réduire durablement la pauvreté et augmenter la consommation des ménages à faible revenu, en grande partie grâce à leur impact sur la création d’emplois de meilleure qualité pour un plus grand nombre de personnes, ainsi qu’à la réduction des prix et à l’amélioration de la qualité des produits consommés par les ménages les plus pauvres.

Le lien entre l’utilisation des TN et la création d’emplois de qualité passe par l’expansion de la production générée par l’adoption des TN et le besoin de plus de travailleurs qui en résulte, soit a) du côté de l’offre de production (en augmentant directement la productivité du travail ou d’autres aspects des performances des entreprises) ; soit b) du côté de la demande (en élargissant directement l’accès au marché des entreprises et des consommateurs et en remédiant aux frictions de l’information). 26

Impacts de l’utilisation et de la disponibilité d’internet

La bonne nouvelle est qu’il existe des preuves de plus en plus solides que la disponibilité d’internet a un impact inclusif causal sur la création d’emplois et la réduction de la pauvreté dans certains pays africains.27 La mauvaise nouvelle, comme le soulignera la section suivante, est que trop peu de personnes profitent de ces avantages, comme le montre le faible taux d’utilisation d’internet par rapport à sa disponibilité.

Impacts sur l’emploi au niveau régional

L’internet plus rapide en Afrique subsaharienne a été facilité par l’arrivée progressive des câbles sous-marins au cours des deux dernières décennies, qui ont considérablement accru la vitesse et la capacité des réseaux terrestres. Quand on compare les entreprises et ménages de l’Afrique subsaharienne vivant à proximité de ces réseaux à ceux des zones non connectées, la probabilité qu’un individu soit employé augmente en moyenne de 6,9 % dans un échantillon de huit pays de l’Enquête démographique et de santé (EDS) et de 13,2 % dans un échantillon de neuf pays de l’Afrobaromètre, ainsi que de 3,1 % dans une enquête séparée menée en Afrique du Sud (Hjort et Poulsen, 2019).28 Ces impacts attribuables à l’accélération d’internet sont des augmentations positives nettes de l’emploi, d’une ampleur appréciable, plutôt que des déplacements d’emplois depuis des zones non connectées.29

L’adoption plus rapide d’internet privilégie les compétences, c’est-à-dire que l’adoption d’internet complète les emplois plus qualifiés, comme cela a été démontré dans les pays à revenu élevé. 30 Les travailleurs moins instruits en bénéficient, même si ceux n’ayant pas achevé l’école primaire sont désavantagés : la variation en pourcentage de la probabilité d’emploi est significativement positive – de l’ordre de 6 % pour les travailleurs ayant un niveau d’éducation primaire, secondaire et supérieur –, mais pas statistiquement significative pour les travailleurs n’ayant pas achevé l’école primaire.

Une partie de l’augmentation des emplois s’explique par l’entrée nette d’entreprises (environ 23 % en Afrique du Sud), y compris une forte augmentation des entrées d’entreprises et une diminution des sorties d’entreprises d’ampleur similaire. Une autre partie de l’augmentation des emplois semble être due à l’augmentation de la productivité des entreprises manufacturières existantes (en Éthiopie). Selon les données de l’enquête sur les entreprises de la Banque mondiale, les entreprises du Ghana, du Kenya, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal et de la Tanzanie exportent davantage lorsqu’elles ont accès à un internet plus rapide, communiquent davantage avec leurs clients et forment davantage leurs employés.31 La productivité des travailleurs peu instruits (n’ayant pas achevé l’école primaire) peut avoir bénéficié d’une formation ciblée sur le lieu du travail offerte par les employeurs.

Études de cas de pays : Impacts sur les emplois, le bien-être des ménages et la pauvreté Trois études de cas nationales (sur le Nigeria, le Sénégal et la Tanzanie) renforcent cette base de données probantes en croissance rapide en explorant l’impact de la disponibilité de l’internet mobile (de troisième [3G] ou de quatrième génération [4G]) – au lieu du haut débit terrestre fixe – sur les emplois et le bien-être. Ces études exploitent des informations géospatiales sur le déploiement des tours de l’internet mobile au fil du temps, combinées à au moins deux séries de données sur les ménages au cours d’une période de six ans (Tanzanie) et de sept ans (Nigeria). La figure 1.5 résume les principaux résultats en matière d’emploi et de bien-être (consommation et pauvreté) pour le Nigeria et la Tanzanie.

Nigeria. Les estimations de l’emploi au Nigeria montrent que la disponibilité d’internet a eu des impacts positifs : la participation au marché du travail et l’emploi salarié ont augmenté, respectivement, de 3 points de pourcentage et de 1 point de pourcentage après trois ans ou plus d’exposition dans les zones où internet est disponible par rapport à celles qui ne sont pas couvertes (Bahia et coll., 2020).32 L’amélioration induite par internet des résultats sur le marché du travail est particulièrement importante chez les femmes. La disponibilité d’internet conduisant à ces effets sur l’emploi entraîne également des augmentations importantes et positives des niveaux de consommation des

FIGURE 1.5 Impacts de la disponibilité de l’internet mobile sur la création d’emplois et le bien-être des ménages au Nigeria et en Tanzanie a. Nigeria, 2010–2016a marchédutravailEmploisalariéConsommationtotale Pauvreté (1,90dollarUSparjour) b. Tanzanie, 2008–2013b

Sources : Bahia et coll., 2020, à paraître.

Participationau marchédutravailEmploisalariéConsommationtotale