France pittoresque ou Description pittoresque, topographique et statistique des départements T.3 (2)

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FRANCE PITTORESQUE. Département de l'Yonne. (Ci-devant Champagne [Senonais], Bourgogne [Auxerrois], etc.)

HISTOIRE.

Le département a été composé principalement par la réunion de deux provinces qui faisaient partie, l'une de la Champagne et l'autre de la Bourgogne. — Nous n'entreprendrons pas de retracer ici l'histoire de ces deux états importants; elle se trouve aux départements qui ont reçu pour chefs-lieux leurs capitales. Nous nous bornerons seulement à donner quelques détails sur les deux provinces qui en ont été démembrées pour former le département de l'Yonne. Les Sénones occupaient un territoire étendu dans l'ancienne Gaule. — Ce sont eux qui, à la tête des nations Gauloises et conduits par Brennus, pénétrèrent dans Rome et la saccagèrent. — Au temps de César, ils avaient formé une alliance étroite avec les Parisii, et jouissaient d'une grande considération. — Lorsqu'on forma la quatrième Lyonnaise, les Sénones, comme le plus puissanL des peuples de la confédération, lui donnèrent leur nom ; elle s'appela Senonia : celte province comprenait les peuples du pays Chartrain, Carnutes; ceux de l'Orléanais , Aureliani ; ceux de l'Auxerrois , Antissiodorenses; ceux de l'île de France, Parisii ; et enfin ceux de la rive gauche de la Marne, Meldi.— La cité des Sénones s'appelait Agedincum; mais à l'exemple de plusieurs autres villes de la Gaule, elle perdit alors sou nom et reçut celui de la nation dont elle était la capitale. —Sens devint, au commencement du IIIesiècle, le siège d'un archevêché dont le titulaire prit le litre de primat des Gaules et de Germanie. Ensuite celte ville lit partie du royaume de Bourgogne. —Elle fut placée plus tard dans la généralité de Champagne, et se trouvait encore la capitale d'un petit pays nommé le Sénonais, quand l'Assemblée Constituante en fit le chef-lieu d'un des arrondissements du département. Le comté a Auxerre fut créé en 1040, par le roi Robert, qui, après la réunion du royaume de Bourgogne à la monarchie française, le donna à Renaud, comte de Nevers , pour former la dot d'Adélaïs , sa fille ou sa sœur ; les historiens ne sont point d'accord sur ce point. — Ce comté, possédé jusqu'en 1182 par la maison de Nevers, passa dans celle de Courtenay, puis dans celle de Donzy, et échut, par mariage, à Archambauld, neuvième du nom, sire de Bourbon. Une héritière d'Archambauld épousa un fils du duc de Bourgo- ! gne, et lui transmit le comté d'Auxerre. —Par suite ! du mariage d'une de ses filles à Jean de Châlons, il passa aux comtes de Tonnerre. — L'arrière petit-fils de Jean, qui se nommait lui-même Jean, \ vendit, en 1370, au roi Charles V, les comtés d'Auxerre et de Tonnerre, pour le prix de 31,000 j T.

m, — 32.

francs d'or (environ 144,500 livres tournois du temps). — Ce prince les réunit à la couronne, et les habitants d'Auxerre possédèrent dès lors un bailliage royal. — Charles VII , par le traité d'Arras, céda le comté d'Auxerre à Philippe—le— Bon, duc de Bourgogne; mais après la mort de Charles-le-Téméraire, le roi Louis XI l'incorpora de nouveau au domaine royal, et il n'en a pas été détaché depuis. — Le comté d'Auxerre faisait, en 1790, partie de la généralité de Bourgogne, lors de la première division de la France en départements. ANTIQUITÉS.

Les monuments qui appartiennent à l'époque gauloise sont des tombelles comme celle qu'on voit près de Sens, à Saint-Martin-du-Tertre, des cubes de pierres brutes qui existent à A vallon, et qu'on suppose avoir fait partie d'un temple Druidique; des bracelets gaulois et des vases en terre rouge. — Une statue équestre très mutilée, découverte à Atie, près d'Auxerre, dans un terrain où se trouvait aussi une patère de terre cuite portant le mot Brenn, 'a été considérée par quelques antiquaires du pays comme une statue de Brennus, ce général gaulois qui prit Rome et la livra au pillage; le savant Mil lin croit y reconnaître l'image d'un guerrier franc du XIeou même du XIIe siècle. Les mêmes antiquaires ont (aussi voulu reporter à l'époque gauloise les nombreux cercueils de pierre qui existent au village de Quarré-lesTombes , et dont aucune inscription n'indique l'origine. En songeant que le territoire du département a été, en 842, le théâtre de la sanglante bataille que se livrèrent, à Fontenay, les fils de Louis-le-Débonnaire, nous croirions plutôt que ces tombeaux renferment les corps des guerriers de Lothaire, morts de leurs blessures à la suite de cette mêlée terrible où périrent 100,000combattants. Les vaincus Ont dû en effet chercher un abri loin du champ de bataille, et en se retirant de Fontenay sur Quarré-les-Tombes, ils avaient l'avantage de mettre, entre eux et l'armée victorieuse, l'obstacle de deux rivières, l'Yonne et la Cure. Ceci n'est au reste qu'une conjecture. Un tombeau gallo-romain découvert à Sens, une pierre tumulaire incrustée dans une muraille voisine de l'église Saint-Germain, à Auxerre, et représentant un guerrier armé; des statuettes, des inscriptions, des chapiteaux, des tronçons de colonnes, des mosaïques, sont les principales antiquités romaines qui appartiennent au départent — Il convient d'y joindre un coin antique a l'effigie de T ibère, avec son revers (une Cérès), trouve à Auxerre, et qui semblerait prouver qu'un atelier monétaire a existé dans celte ville. Le


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camp des Alleux, près d'Avallon , est un ancien

de Cérès et de Bacchus , qui donnaient aussi lieu à des

camp romain. — La voie antique qui allait de travestissements bizarres et à la plus grande licence. de Lyon à Boulogne passait à côté de celte ville ; Dans les temps d'ignorance, la religion se mêlait à tout, on en voit encore quelques vestiges. Les anciens les fêtes et les spéciales étaient une partie importante des cérémonies religieuses. C'est ainsi que les premières murs d'Auxerre sont de construction romaine; représentations dramatiques du moyen-âge ont été des enfin la Motte de Ciar, près de Sens, où quelques fa rces pieuses jouées, à la sortie des vêpres, sur des auteurs ont voulu voir une tombelle gauloise, tréteaux, à la porte des églises. Comme Noël était un paraît être les ruines d'une ancienne forteresse temps de réjouissance, elles étaient destinées à rappeler la naissance du Sauveur du monde. Les personnages romaine. Parmi les monuments du moyen-âge on re- qui jouent un rôle actif dans la nativité du Christ, y marque, à Sens, les statues allégoriques de l'ava- paraissent tous ; saint Joseph, les mages, les bergers, les animaux même, le bœuf et l'âne; c'était une époque rice et de la prodigalité qui ornent le portail de la d allégresse CL de folie. Les chants qui accompagnaient cathédrale; le pilier de Pierre du Coignet; des bas- la célébration du grand mystère de la naissance de reliefs, qui reproduisent, d'une façon assez sin- Jésus, étaient des chants joyeux , et si la joie publique gulière, l'Annonciation, la Visitation et la Nativité ; se manifestait d'une manière bizarre, c'est parce que une belle rosace en vitraux gothiques qui offrent les mœurs étaient alors simples et grossières. L'usage la représentation du Paradis; un superbe diptyque antique des travestissements ne s'était point perdu , et du Bas-Empire, où sont sculptés sur ivoire le devait naturellement s'y mêler. Il est inutile de remontriomphe de Bacchus ainsi que d'autres sujets ter aux Romains pour retrouver l'origine de la fêle de» mythologiques et-qui renferme le célèbre office fous; ce n'est point une imitation des Saturnales, c'était le carnaval du moyen-âge. Celle fête donnait lieu à des fous et la prose de l'âne ; un coffre d'ivoire où des cérémonies bizarres , qu'il ne sera pas inutile l'on voit sculptées, sur douze faces, les aventures de rappeler. On élisait un évêque, et même, dans de David et celles de Joseph; et une boîte cilin- quelques églises, un pape des fous. Les prêtres, bardrique en ivoire, ornée d'inscriptions arabes. — bouillés de lie, masqués de la manière la plus folle et A Auxerre, l'église Saint-Etienne renferme deux la plus ridicule, dansaient en entrant dans le chœur, cryptes superposés et des vitraux magnifiques. et y chantaient des chansons obscènes. Les diacres et On remarque aussi, près du maître autel, la sta- les sous-diacres mangeaient des boudins et des sautue du célèbre Amyot. — L'église de Vermanton a cisses sur l'autel, devant le prêtre officiant. Ils jouaient, sous ses yeux, aux cartes et aux dés, mettaient dans un portail qui remonte au IXe siècle. —Celui de l'encensoir des morceaux de vieilles savates pour lui l'église de Vezelay est une sculpture zodiacale en faire respirer l'odeur. On les traînait ensuite tous représentant les travaux de chaque mois. — Des par les rues, dans des tombereaux pleins d'ordures , où restes d'abbayes, des ruines de châteaux-forts, ils prenaient des postures lascives et faisaient des gestes quelques églises d'une architecture curieuse com- impudiques. Plusieurs monuments rappellent encore plètent la liste des antiquités de celle époque dont ces farces impies et dégoûtantes. On voit des crédences nous parlons avec quelques détails à l'article des de stalles, sur lesquelles des moines sont représentés avec une marotte et des oreilles d'âne, personnages villes qui les possèdent. MŒURS ET CARACTÈRE.

Le bon naturel du Champenois, la franchise et la loyauté du Bourguignon se retrouvent chez les habitants de l'Yonne; mais leurs mœurs, polies par une civilisation avancée , n'offrent aucune particularité qui mérite d'être observée.— Dans les villes, ils sont économes, industrieux; ils ont de l'activité et de l'intelligence ; la sociabilité que donne l'habitude de fréquenter les étrangers, un caractère ferme, un sens droit, beaucoup de fidélité à leur parole et de probité dans les affaires. Dans les campagnes les habitants montrent des qualités analogues. Ils sont laborieux, patients et hospitaliers. Aptes à réussir dans les arts et dans les sciences, doués de cette élévation d'âme qui fait aimer et cultiver les lettres , tes habitants de l'Yonne trouvent dans leur caractère réfléchi l'avantage d'être également propres à l'administration des affaires et aux négociations des intérêts de l'État. Ils ont, en outre, prouvé pendant les guerres de la dévolution et de l'Empire, que sous le rapport de la bravoure dans les combats et de la capacité militaire, ils étaient les dignes descendants des Gaulois Sénonais et des Bourguignons de Charles-le-Téméraire. VARIÉTÉS MORALES ET HISTORIQUES. FÊTES DES FOUS. — La plus singulière des fêtes qui aient été célébrées dans nos églises, est, sans contredit, celle des fous, mélange étonnant d'impiété et de religion. Du Cange, Lobineau, du Tilliet, etc., la regardent comme un reste des traditions païennes, comme une grossière imitation s Saturnales. Il est certain que ces fêtes devaient être a peu près semblables, mais dérivaient Saturnales les également des anciennes fêtes

actifs de la fête des fous ainsi travestis. D'après Millin, la marotte que les poêles, les comédiens et souvent les artistes, donnent aujourd'hui, pour attribut, à Momus, doit son origine à ces burlesques solennités. Cette fête recevait d'ailleurs des modifications suivant les divers pays où on la célébrait. Elle a eu différents noms: on l'appelait la fête des sou s-diacres, c'est-à-dire des diacres soûls, la Jéte des cornants, la Jéte des innocents, etc. — Le chant de la prose de l'âne était une des principales cérémonies de la fête des fous ; son objet était d'honorer l'humble animal qui avait assisté à la naissance de Jésus, et qui avait porté le Sauveur lors de son entrée à Jérusalem. L'église de Sens était une do celles où cette solennité se faisait avec le plus d'appareil. — La fête des fous, qui fut souvent l'objet des censures de l'église , ne cessa tout-à-fait qu'à la fin du XVIe siècle. e

SYNODE D'AUXERRE. — MOEURS DU VI SIÈCLE.— En 581, un grand synode fut tenu à Auxerre par saint Aunaire; on y dressa quarante - cinq canons ou articles dont quelques uns sont curieux et peignent les mœurs du temps. — Par le premier, il est détendu de se déguiser, le ler janvier, en vache ou en cerf, non licet /attendis Januarü vetula ont cervolo facere, et de se livrer an* plaisirs et aux excès de la table. — L'article trois défendait de faire des vœux à des buissons, à des arbres ou à des fontaines; on ne pouvait non plus faire des pieds d'homme avec du linge pour les placer sur les grands chemins. — Le neuvième canon interdisait aux laïques la liberté de danser dans les églises, d'y faire chanter des filles ou d'y donner des festins. — Le dixième défendait aux prêtres de dire en un jour deux messes sur le même autel. — Le douzième était au clergé la faculté de donner l'eucharistie aux morts, ou île la mettre avec eux dans le cercueil.— D'après le quatorzième il était


FRANCE PITTORESQUE. — YONNE. défendu d'enterrer dans le baptistaire, ou de mettre un mort sur un mort dans le même tombeau ; on pouvait seulement les placer l'un à côté de l'autre , afin qu'an jour du jugement il leur fût plus facile de sortir du monument. C'est ce que prouve l'épitaphe suivante : Soins cur sim quaeris ? Ut in censorio die sine impedimento Facilius resurgam.

Le trente-huitième canon défendait aux femmes de recevoir l'eucharistie dans la main nue, et de toucher lapalle (pallium) du Seigneur. —Le quarante-deuxième ordonnait aux femmes d'avoir, en communiant, leur dominical (voile des fêtes); et leur permettait de tenir un bout de ce voile dans la main , pour recevoir l'eucharistie. .— Dans le XIIe siècle, les ecclésiastiques s'appliquaient à la peinture et à l'architecture. On en voyait qui prenaient le litre de maitresmaçons. Geoffroy, évêque d'Auxerre, destina trois prébendes de sa cathédrale à des clercs qui seraient peintres, vitriers et orfèvres. PRÊTRES

ARTISTES

ALLELUIA. — A peu près dans le même temps, l'alleluia, cris de joie dans l'église, jouait un grand rôle : on le faisait mourir; on l'ensevelissait; on le ressuscitait. — Les enfants de chœur officiaient le samedi de la septuagésime : après l'office ils portaient en pleurant une espèce de bière qui représentait ['alléluia, décédé ; et le samedi saint on solennisait sa résurrection.— Avant l'invention des cloches, l''alléluia servait de signal pour appeler tes religieux à la prière. — C'est ainsi que l'exclamation du muezzim, poussée du haut des minarets , sert encore à appeler les musulmans à la prière. METTRE UN HOMME HORS DU SIÈCLE. —C'était une mesure terrible employée contre les lépreux. Pour mettre un homme hors du siècle on observait les formalités suivantes : Le curé, avec son clergé, allait en procession à la maison du malade qui l'attendait à la porte, couvert d'un voile noir ou d'une nappe. Le lépreux, ou ladre, devait avoir son visage couvert et embranché comme jour de trépassé : après quelques prières, la procession retournait à l'église, et le lépreux suivait le célébrant à quelque distance. Il allait se placer au milieu d'une chapelle ardente préparée comme pour un corps mort; on chantait une messe de requiem, et, à l'issue de l'office, on faisait autour de lui des encensements et des aspersions, et l'on entonnait le libéra. Il sortait pour lors de la chapelle, et on le conduisait jusqu'au cimetière, où le prèlre l'exhortait à la patience. F.nsuite on lui défendait d'approcher de personne, de toucher rien de ce qu'il marchanderait avant que cela lui appartînt. On lui enjoignait de se tenir toujours au-dessous du vent quand quelqu'un lui parlerait; de sonner sa tartevelle (crécelle) quand il demanderait l'aumône; de ne point sortir de sa borde sans être vêtu de sa housse; de ne boire en aucune fontaine ou ruisseau que celui qui coulait devant sa borde; d'avoir Une écuelle fichée sur un bâton droit; de ne passer ponts ni planches sans gants; enfin de ne point sortir au loin sans congé ou licence du curé et de l'official Le prêtre ajoutait : «Je te défends que tu n'habites à autre femme qu'à la tienne». Ensuite il prenait une pelletée de terre de cimetière, par trois fois la lui mettait sur la tête, disant : « C'est signe que tu es mort quant au monde , et pour ce aye patience en toi. » e MUSIQUE nu xv SIÈCLE.—Un article des comptes de la fabrique d'Auxerre donne une idée de la musique et des instruments de 1454 ; «Adjugé 28 sols à Perrenet Gontier, bâtonnier de la confrérie, pour le salaire des ménestrels qui ont corné et chalemellé devant le corps de N. S., durant la procession (1).» Il n'y avait

(1) Il ne faut pas croire que les instruments étaient bornés alors aux deux dont il est question dans ce passage, la cornemuse et le chalumeau! plus d'un siècle auparavant ou connaissait déjà la

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point alors de musique dans les églises; elle ne s'est introduite à Auxerre que sous le célèbre Jacques Amyot, qui en avait apporté le goût d'Italie De son temps parut le premier serpent, qui fut inventé par Edme Guillaume, chanoine semi-prébendé d'Auxerre. LANGAGE.

Nous n'avons rien à dire sur le langage du pays; on parle français dans les villes et dans les campagnes. Le français des paysans est seulement vicié par quelques tournures provinciales et par quelques expressions qui appartiennent à l'ancien idiome bourguignon. Leur prononciation est généralement rude et lente. NOTES BIOGRAPHIQUES.

Nous ne pouvons citer ici tous les hommes distingués qu'a produits le département ; on remarque parmi eux le célèbre peintre et dessinateur JEAN-COUSIN ; le savant antiquaire LEBOEUF ; l'illustre VAUBAN (car le déparlement de l'Yonne est aussi un de ceux qui prétendent avoir donné naissance à ce grand ingénieur); le peintre en émail FERRAND, célèbre dans le XVIIe siècle ; le chevalier d'EON, diplomate et guerrier que toute l'Europe s'obstina long-temps à nommer la chevalière D'EON ; le littérateur MOREAU , connu par plusieurs ouvrages historiques; l'auteur dramatique SEDAINE , doué d'un talent si naïf et si vrai; le fécond RÉTIF DE LA BRETONNE, écrivain original, mais dépourvu de goût et de mesure; il y a dans ses ouvrages des traits vivement frappés et des observations curieuses. Le grand artiste SOUFFLOT, architecte du Panthéon ; le mathématicien FOURRIER , qui fut membre de l'Institut de France et de l'Institut d' Égypte, non moins distingué comme savant que comme administrateur; l'amiral ROSSEL , habile navigateur, et membre du bureau des longitudes; le célèbre chirurgien Roux, membre de l'Académie de Médecine; le comte GARNIER, pair de France et membre de l'Institut, un des hommes les plus versés dans la science de l'économie politique; TARBÉ, auteur de l'Annuaire statistique du département de l'Yonne, et de plusieurs écrits sur les antiquités du pays, etc., etc. Le département a fourni un grand nombre d'hommes politiques à nos assemblées législatives et à l'administration des affaires pu bliques, tels que BOURBOTTE, conventionnel; REGNAULTDE-SAINT-JEAN - D'ANGELY , orateur distingué, écrivain remarquable, qui fut ministre de Napoléon ; BOURRIENNE, qui, après avoir été longtemps secrétaire de l'Empereur, devint ministre d'Etat sous les Bourbons, et vers la fin de sa carrière prêta son nom à la compilation publiée sous le titre de Mémoires de Bourrienne. — Parmi les généraux des armées de la République et de l'Empire, on cite l'illustre maréchal DAVOUST,prince d'Eckmulh, et. le lieutenant général DESFOURNEAUX , qui se distingua principalement dans la guerre de Saint-Domingue. TOPOGRAPHIE.

Le département de l'Yonne est un département méditerrané, région S.-E., formé principalement de l'Auxerrois et du Sénonais, et de quelques portions de la Bourgogne, de la Champagne et du Gatinais. — Il a pour limite : au nord, le département de Seine-et-Marne ; à l'est, ceux de l'Aube et de la Côte-d'Or ; au sud, le département de la Nièvre; et à l'ouest, celui du Loiret. — Il tire son nom d'une rivière qui le traverse et qui est un des principaux affluents de la Seine. — Sa superficie est de 729,223 arpents métriques. MONTAGNES. — Les différentes chaînes de coteaux de vielle, la rolèbe, ou plutôt le relier (violon), la guiterne ,1e leu . la marache , le mi canon, la cistole , le psal tenon , le tambour, les naquaires, la trompe , les orgues, le flageolet, les chevrettes , les douce,es, les tymbales , le timbre , la flute, le cornet (l'Allemagne , la fistule, la pipe , la buisne , le monocorde, etc. — Pions ajouterons que le tambour n'a été connu en France que le 8 août 1347, jour où Edouard III entra dans Calais , après un siège qui avait duré onze mois et quelques jours.


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formation granitique ou calcaire, et de 100 à 200 m. de hauteur, qui sillonnent le département, ne méritent pas le nom de montagnes. Les principales sont une des ramifications des collines du Nivernais qui s'étend jusqu'aux environs d'Auxerre. La plupart des coteaux sont couverts de riches vignobles ; quelques-uns renferment des cavités naturelles, et notamment ceux qui se prolongent à la jonction de la Cure et de l'Yonne , et où se trouvent les fameuses grottes d'Arcy. SOL. — Le sol n'est pas partout également fertile. — Tantôt argileux , pierreux ou crayeux , il renferme des contrées découvertes , sèches et arides ; les cantons entrecoupés de collines et d'une nature pierreuse sont ceux qui, par leur produit , récompensent le plus avantageusement les travaux des cultivateurs et des vignerons. ETANGS ET FORETS. — Les étangs sont nombreux dans la partie du sol où l'argile domine. — Cette partie est aussi couverte de bois et de forêts dont la superficie est évaluée à 159,123 hectares, plus du cinquième de la superficie totale du département. — Les principales forêts sont celles de Fretoy, d'Hervaux, de Mosue, d'Othe et de Pallion. RIVIÈRES. — NAVIGATION INTÉRIEURE. — L'Yonne est la principale rivière du département; elle a sa source dans celui de la Nièvre, à 3 lieues de Chàteau-Chinon ; son cours a une longueur de 240,000 mètres; elle commence à être navigable, pour les petils bateaux, à Clamecy, et pour les grands, à Auxerre. Elle se jette dans la Seine à Montereau-Fault-Yonne. — La Cure, l'Armançon, le Sérain , le Loing et l'Ouanne sont, après l'Yonne , les rivières les plus importantes du département qui est en outre traversé par le canal de Bourgogne et par celui du Nivernais. — La longueur de la ligne navigable , sur les rivières et sur les canaux, est d'environ 204,000 mètres; celle de la ligne flottable n'est que de 90,000. — Il existe sur l'Yonne plusieurs ports en rivière et une belle garre fondée en 1828 , à Cézy. ROUTES. — Le département est traversé par 6 grandes routes royales et possède plusieurs routes départementales. MÉTÉOROLOGIE.

. — Le climat du département est doux et tempéré, l'air y est pur et sain, excepté dans quelques localités marécageuses de la partie occidentale. VENTS. — Les vents y soufflent également de tous les points de l'horizon , aucun ne s'y fait remarquer par sa violence. MALADIES. — Des fièvres de diverses natures, désaffections catarrhalcs et quelques maladies cutanées, sont les maladies les plus fréquentes parmi les habitants des campagnes. Les fièvres sont surtout communes dans le pays d'étangs. CLIMAT

HISTOIRE NATURELLE.

. — On trouve dans le sol calcaire des environs d'Auxerre un grand nombre de pétrifications ; les plus communes sont des ammonites, des nautilites, des buccardes, des camées, des térébratules, des oursins, des ostracites, etc.— Les eaux de l'Yonne charrient avec des granits roulés beaucoup de madrépores pétrifiés. RÈGNE ANIMAL.— Les forêts du département renferment beaucoup de gibier à poil, on y trouve le chevreuil, le cerf, le sanglier, le lièvre, etc. — Le gibier ailé n'est pas moins abondant. — La bécasse, la bécassine, le canard sauvage fréquentent les étangs du département. — On rencontre dans les plaines et dans les vignes la perdrix, le becfigue , l'ortolan, la grive, la caille, etc.— Les rivières sont très poissonneuses, on y pêche des brochets, des carpes, des barbeaux, des tanches, des truites, des écrevisses, etc. — Les races d'animaux domestiques sont généralement d'espèces communes. RÈGNE VÉGÉTAL.— Il n offre rien de particulièrement remarquable. — La vigne est la culture importante du FOSSILES

pays. On recueille aussi beaucoup de fruits. Il y a des plantations de châtaigniers. — Les essences qui dominent dans les forêts sont celles du chêne, du charme, du bouleau et du tremble. — La forêt de Villeneuve-leRoi renferme des sapins. — On trouve dans tous les bois d'excellents champignons d'espèces très variées. Les arrondissements de Tonnerre et d'Avallon produisent des truffes. REGNE MINÉRAL. — Un minerai de fer égal à celui du Berri et de la Franche Comté; du granit rouge, du grès à paver, des pierres de taille dures et tendres , des pierres meulières, du marbre lumachelle , de l'albâtre, de l'ocre rouge et jaune, des pierres lithographiques, de l'argile et de la craie composent les richesses minérales du département. Baux minérales. — Il n'y existe aucun établissement d eaux minérales;^ cependant on y connaît diverses sources: a Toucy, à Appoigny, a Neuilly, à Villefranche, etc. La source de Toucy est ferrugineuse et employée avec succès dans les maladies viscérales. Eaux salées. — Il existe auprès de Vezelay une source salée assez remarquable, qu'on nomme, dans le pays, la fontaine de sel.—Elle est située dans une prairie, non loin de la rivière de Cure; mais elle ne sourd pas au-dessus du sol. Lorsqu'on y veut puiser de l'eau on creuse dans la terre un trou profond de quelques pieds, qui se remplit d'eau promptement ; celte eau produit, par l'évaporation, un sel excellent. Les fermiers généraux , jaloux de ces petites faveurs de la nature, à l'usage du peuple, cherchèrent autrefois l'origine de celte source; ne l'ayant pas trouvée, ils voulurent au moins empêcher les pauvres gens de faire tort à la gabelle , en venant y puiser l'eau salée nécessaire à leur ménage. Ils firent creuser un nouveau lit à la Cure afin de la diriger à travers le pré; mais cette précaution cupide a été inutile; la rivière a repris son ancien lit, et la source salée n'a éprouvé aucune altération. — On prétend que l'herbe du pré et les pierres qui avoisinent la source Sont fréquemment blanchies par une poussière salée qui y attire un grand nombre d'oiseaux et que les bestiaux recherchent avec avidité. Fontaine pétrifiante. —A 1 lieue environ de Villeneuvesur-Y onne se trouve la fontaine de Véron, renommée à cause des incrustations calcaires dont elle enveloppe et pénètre les divers objets qu'on y dépose. CURIOSITÉS NATURELLES. GROTTES D'ARCY. — Le département renferme des grottes citées parmi les plus remarquables de France. — Ces grottes se trouvent près du village d'Arcy-surCure , à environ 7 lieues d'Auxerre. — Elles s'ouvrent dans une roche calcaire, stratifiée, d'environ 90 pieds de hauteur, et se composent de plusieurs salles. Leur entrée se trouve dans une espèce de portail assez élevé, qui forme décoration, mais qui se rétrécit de façon à ne laisser qu'une ouverture d'environ 4 pieds de haut. — Le couloir qui conduit à la première salle est rapide, escarpé cl jonché de grosses pierres; cette salle, assez vaste, n'offre d'ailleurs rien d'extraordinaire ; elle est ornée, comme les autres, de stalactites et de stalagmites de formes variées et d'un bel effet. — La seconde salle, plus vaste que la première, renferme un lac d'environ 120 pieds de diamètre, et dont les eaux sont bonnes à boire. Ce lac est formé par les eaux qui suintent des parois.— La troisième salle, large d'environ 37 pieds, et longue de plus de 600, renferme des concrétions curieuses , et qui, modifiées par les eaux tombant de la voûte , varient sans cesse de forme et d'apparence : ce sont des pyramides régulières; des statues où l'on croit distinguer une femme tenant un enfant entre ses bras; des colonnes, des buffets d'orgue, des forteresses flanquées de tours , d'énormes champignons , des rideaux , des draperies dont l'éclat change tous les jours cl dont les détails, soumis aux accroissements des sta-


FRANCE PITTORESQUE



FRANCE PITTORESQUE

Portail de l'Eglise de Vermanton.

Fourier.

t n Regnault de S .J .d'Angely.




FRANCE PITTORESQUE

Porte de Sens.

t Ancienne abbaye S .Michel de Tonnerre.




FRANCE PITTORESQUE. — YONNE. lagmites et des stalactites, grandissent, disparaissent et se reproduisent successivement. — La quatrième et la cinquième salle sont comme la troisième, décorées de belles concrétions —La cinquième, qui renferme un grand nombre de chauves-souris, a donné lieu à une remarque intéressante de Buffon : — « Étant un jour descendu, dit-il, dans les grottes d'Arcy, pour en examiner les stalactites, je fus surpris de trouver, sur un terrain tout couvert d'albâtre, et dans un lieu si ténébreux et si profond, une espèce de terre qui était d'une toute autre nature ; c'était un tas épais, et large de plusieurs pieds d'une matière noirâtre, presque entièrement composée de portions d'ailes et de pâtes de mouches et, de papillons, comme si ces insectes se fussent rassemblés en nombre immense, et réunis dans ce lieu pour y périr et pourir ensemble. Ce n'était cependant autre chose que de la fiente de chauves-souris, amoncelée probablement pendant plusieurs années dans l'endroit de ces voûtes souterraines qu'elles habitent de préférence; car, dans toute l'étendue de ces grottes je ne vis aucun autreamas d'une pareille matière, et je jugeai que les chauves-souris avaient fixé dans cet endroit, leur demeure commune, parce qu'il y parvenait encore une très faible lumière par l'ouverture de la grotte, et qu'elles n'allaient pas plus avant pour ne pas s'enfoncer dans une obscurité trop profonde. » Le plafond de cette salle est très uni. Au milieu de la salle, on entend résonner le sol lorsqu'on le frappe du pied ; on croit qu'un bras de la Cure passe dessous. — Au fond de la salle des chauves-souris, qui se termine par des colonnes d'albâtre adossées au rocher, se trouve un passage si étroit et si bas, qu'on ne peut s'y glisser qu'à plat ventre ; on le nomme le trou du renard. Cette route difficile conduit à deux grandes salles remarquables par la beauté des stalactites qu'elles renferment. La force et la durée des échos des grottes d'Arcy sont augmentées par leurs piliers qui, étant creux pour la plupart comme des tuyaux d'orgue, rendent des sons tantôt plus sourds, tantôt plus clairs, tantôt plus vifs , tantôt plus prolongés —Ces grottes sont tellement disposées, qu'il est possible de les parcourir toutes sans revenir sur ses pas. — Buffon et Daubenton croient que ce sont d'anciennes carrières abandonnées , et où les concrétions naturelles ont fait disparaître les traces du travail des hommes. D'autres savants, Bertrand et Desmarets, attribuent ces excavations à l'action des eaux souterraines, et les regardent comme des canaux naturels par lesquels, dans la plus haute antiquité, les bassins supérieurs de l'Yonne se sont transvasés dans le bassin de la Cure. — Les dimensions des grottes d'Arcy diminuent tous les jours ; leurs concrétions augmentent sans cesse et contribuent à les rétrécir. Buffon, qui leur fit deux visites à vingt années de distance, trouva à son second voyage, que les stalactites avaient augmenté de volume d'une façon tellement sensible, qu'il n'était plus possible de passer par les mêmes défilés qu'il avait pratiqués autrefois. Il calcula même, qu'en supposant l'augmentation des concrétions toujours également progressive, il ne faudrait pas plus de deux siècles pour combler la plus grande partie des grottes , et pour transformer ces vastes cavités souterraines en de belles carrières d'albâtre.

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Auxerre était la capitale du comté de l'Auxerrois.—On y comptait, avant la révolution, 8 paroisses et autant d'abbayes et de couvents. Les comtes de Chastellux étaient chanoines nés de la cathédrale , en reconnaissance du service que rendit, dans le xve siècle, le maréchal de Chastellux, en repoussant de cette ville le connétable d'Ecosse. Ces seigneurs paraissaient au chœur dans les grandes occasions, ayant le baudrier par-dessus le surplis, l'épée au côté et le faucon au poing : ce fut dans ce grotesque accoutrement que le chanoine, comte de Chatellux, parut devant Louis XIV lorsque ce roi visita Auxerre. — Cette ville a des alentours charmants; elle est dans une position agréable, sur le penchant d'une colline, au bord de l'Yonne. La rivière, animée par une navigation active, forme, en face de la ville, une petite île parsemée de masses de feuillages et de moulins-à-vent qui en rendent l'aspect intéressant. Les coteaux voisins sont couverts des vignobles qui produisent les vins renommes de Migraine et de la Chainette. — Le port d'Auxerre est commode et bordé d'un quai spacieux que décorent de grandes et jolies maisons.—L'intérieur de la ville est moins agréable; presque tout ce qu'on y voit, surtout parmi les propriétés particulières, est vieux, lourd et de style fort négligé. Les deux places publiques manquent d'espace et de régularité ; la plupart des rues sont étroites ou tortueuses , une seule peut passer pour assez belle. Les églises sont les monuments les plus recommandables, et la cathédrale occupe le premier rang : elle est dédiée à saint Etienne; c'est un de nos beaux édifices gothiques ; sa vaste nef est pleine de majesté et de grandeur; de longues croisées, ornées de vitraux peints, à couleurs éclatantes, remplissent l'église de reflets de toutes les teintes. Les tombeaux des évêques d'Auxerre la décorent. — L'église de S.-Pierre se distingue par un mélange de diverses architectures formant un ensemble curieux, mais d'assez mauvais goût. Il y a des parties tout-à-fait modernes. Le portrait est de 1636, presque tout le reste est plus ancien. Les vitraux des fenêtres sont beaux, mais on les laisse dans un état complet de dégradation. — L' Abbaye de Saint-Germain, fondée en 422, renfermait, outre les reliques du saint fondateur, les corps de soixante autres saints qui reposaient dans des grottes ou cryptes que Conrad, beau-frère de Louis-le-Débonnaire, avait fait creuser. En 1636 on fit ouvrir un pilier creux sur lequel était inscrit le mot Polyandrion; on y trouva, dit-on , les ossements do trente autres martyrs, avec les instruments de leur supplice; toutes ces reliques ont disparu à la révolution.— Le palais épiscopal est un bel édifice. — On remarque, à Auxerre , la belle promenade ombragée qui entoure la ville et forme un boulevart spacieux; une jolie fontaine; la salle de spectacle, propre et gracieuse; la bibliothèque qui se compose de 24,000 volumes et de 180 manuscrits; le musée d'antiquité; le cabinet d'histoire naturelle; le jardin botanique; le collège, etc. COULANGES-LA-VINEUSE, ch.-l. de cant., à 3 l. S d'Auxerre. Pop. 1,224 hab. — Ce bourg doit son nom à l'abondance et à la qualité de ses vins lins; Henri IV les préférait à tous les autres.— Mais autrefois, malgré la réputation et la prospérité de ses vignobles, Coulanges souffrait cruellement de la disette d'eau; dans quelques incendies, on avait dû éteindre les flammes à l'aide de vin. — En 1705, l'ingénieur Couplet découvrit, aux environs de la ville , des sources qu'il y amena. Le jour où l'eau commença à y couler fut une fête solennelle pour la population; on chanta le Te Deum, on sonna les cloches avec tant d'emportement, que la plus grosse fut démontée. Chacun voulait boire de l'eau tant désirée ; le premier magistrat, qui était aveugle, avait peine à en croire le témoignage de ses mains qu'il y plongea plusieurs fois. A cette époque, par suite du manque d'eau, Coulange allait être abandonnée ; la population diminuait rapidement, et le lieu était parsemé de maisons incendiées. La bienfaisante fontaine a changé la face de Coulanges, qui est devenue une jolie petite ville. On y conserve la mémoire de l'habile Couplet, perpétuée par une inscription et par une sculpture qui Représente Moise faisant jaillir une source d'un rocher couronné de ceps de vigne. SAINT-FLORENTIN , au confluent de l'Armance et de l'Armançon ; ch -l. de cant., à 6 l N -N -E. d'Auxerre. Pop. 2,4 2 hab. — Ville du ci-devant Sénonais, elle avait titre de vicomte et fut long-temps la résidence du comte de Saint-Florentin qui, ministre de Louis XV, expédia un si grand nombre de lettres de cachet. VILLES, BOURGS, CHATEAUX, ETC. — Cette jolie ville occupe une situation agréable; elle possède de AUXERRE. — Sur la rive gauche de l'Yonne; ch.-l. de préfect., charmantes promenades. La ville est bien bâtie; elle a une belle à 42 t. S.-E. de Paris. Pop. 11,439 liai). —Auxerre est l'antique fontaine publique. Ou y remarque le beau pont aquéduc qui fait Antherodurum, nommée aussi Antissiodurum dans plusieurs vieux partie du canal, et sous lequel passe l'Armance. — C'est à Saiutauteurs. Elle existait avaut l'invasion des Romains, et fut dé- Florentin que commence le canal de Bourgogne. corée, par ces conquérants, de plusieurs monuments dont les SEIGNELAY, ch -l. de caut., à 3 l. d'Auxerre. Pop. 1,502 bab. ruines, long-temps enfouies sous d'autres ruines, ont été retrouvées — Petite ville, ch.-l. d'une seigneurie renommée et qui portait le a diverses époques. — Son histoire est fort obscure ; elle n'est bien titre de marquisat. Les seigneurs de Seignelay y possédaient un connue que depuis l'époque où elle fut dévastée par les barbares très beau château. La ville est agréable et située sur un coteau , (Huns, Sarrazins et Normands). A peine sortie de ses ruines elle entre l'Yonne et la petite rivière Serain. tut pillée et ravagée de nouveau par les Anglais et les religionVERMANTON , sur la rive droite de la Cure, près de son connaires. — Elle eut des seigneurs particuliers qui la tyrannisèrent l'Yonne, ch.-l. de cant. à 6 1. E d'Auxerre. Pop. long-temps, et ne respira que lorsque Henri IV, saisissant d'une Petite ville située dans une position riante, ou ab — main ferme les rênes du royaume, rétablit la paix eu France. — pied d nu# colline. Elle est propre et agréable, et possède une

fluent avec 2,839h


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FRANCE PITTORESQUE. — YONNE.

vieille églisse paroissiale remarquable par un portique orné dee hauteur. — A côté de la grosse tour, et dans l'intérieur de l'ensculptures gothiques d'un beau travail. ceinte, fut bâti le château royal des Salles, que les rois de France AVALLON, sur la rive droite du Cousin , ch.-l. d'arr. à 12 l. 1/22 habitèrent fréquemment dans le XIIIe siècle. La chapelle du châS.-E. d'Auxerre. Pop. 5,569 hab. — Avallon doit sa fondation àà teau se voyait encore en 1820 ; la grosse tour existe encore aujourson antique château-fort. Ce château soutint avec succès un long; d'hui. Elle a 50 pieds de diamètre, et ses murs ont 10 pieds d'ésiège contre Robert-le-Pieux ; mais ce roi, en ayant acquis pluss paisseur. — Philippe-Auguste, en 1204, assembla à Villeneuve-letard la possession , le fit démanteler. Ses ruines ont disparu peu le parlement où fut faite l'ordonnance Stabiliment um seudorum. à peu, il n'en reste aucun vestige. — Avallon occupe une position — Villeneuve est une jolie petite ville, sur la grande routé de charmante et très pittoresque, sur un rocher de pur granit rouge,, Sens à Dijon ; la grande rue que traverse cette route est droite, Susceptible d'un beau poli. La ville jouit de vues délicieuses surr large et régulière, et se termine à chaque extrémité par une belle la vallée voisine; le Cousin , qui la forme, passe à une des extré- porte gothique. Ces portes offrent un modèle des constructions mités , et traverse un défilé sinueux et profond dont les flancs architecturales des fortifications du XIIIe siècle. — Les autres rues sont parsemés de rochers qui s'élèvent au milieu de jardins, de delà ville sont propres et assez bien percées, les maisons bien vergers et de terrasses suspendues sur de rapides escarpements ; bâties ; celles qui bordent la grande rue ont l'apparence de la réy au-delà s'ouvre une grande plaine très bien cultivée, et terminée gularité. L' église Notre-!),une a été bâtie à deux époques : une par d'immenses forêts qui sont exploitées pour l'approvisionne- partie de la nef, le chœur et la tour au XIIIe siècle; le portail et e ment de Paris. — Le rocher d'Avallon , site de l'ancien château, une partie de la nef au XVI siècle. Le vaisseau est superbe. La et qui semble comme le piédestal de la ville, s'élève au débouché longueur de l' édifice est. de 206 pieds, la hauteur de la voûté de. de la vallée, dans cette plaine. — La ville est aussi agréable par sa 68 pieds, la largeur de 70 pieds. — La tour a 150 pieds de haut. construction et sa distribution, que par sa situation ; elle conLe portail est composé de trois arcs, soutenus par nu grand tient de jolies maisons, propres et assez régulières; elle est percée nombre de colonnes d ordre ionique et corinthien, et surmontés de rues larges et bien entretenues. — Au nombre de ses pro- de deux balcons. Les architectures grecque et gothique y sont menades on remarque le Petit Cours , qui longe la crête du rocher. réunis avec une harmonie parfaite. L'ensemble du portail est maLes bâtiments qui méritent une attention particulière sont l'hô- gnifique.— Les environs de Villeneuve sont fertiles et agréables. pital, la jolie salle de spectacle, la salle du Concert, et Y église paSENS, sur la rive droite de l'Yonne, ch.-l. d'arr., à 14 l. et 1/2 roissiale. Il y a auprès de la ville, douze moulins à eau sur la ri- IN. N.-O. d'Auxerre. Pop. 9,279 hah. — Peu de nos villes sont vière. d'une antiquité aussi haute et aussi bien prouvée que Sens , jadis QUARRE-LES-TOMBES, ch.-l. de cant. à 4 l. d'Avallon. Pop. capitale des Sénones, peuple gaulois, un des plus puissants de 2,240 hab. — Ce village doit son nom à une multitude de tombes la confédération qui, sous Brennus, saccagea Rome. —- Plus tard antiques qui se trouvent dispersées dans les environs, et surtout Rome, à son tour, s'empara d'Agedincum , nom que, sous César, sur les bords du Cousin. Ces tombes sont très mutilées; les ins- portait l'antique Sens. Souvent vaincus par ce grand capitaine, criptions en sont effacées, on tellement barbares, qu'on n'y peut plus souvent en révolte, les Sénonais le forcèrent plusieurs fois rien déchiffrer; la plupart même n'eurent jamais d'inscription. à diriger tous ses efforts contre eux. Après quelque temps de souLes traditions et les annales écrites ne peuvent servir à faire con- mission , une nouvelle révolte eut lieu : César indigné vint mettre naître l'histoire de ces monuments, qui ont vainement exercé la le siège devant Sens. Les habitants, commandes par un vaillant perspicacité des amateurs d'antiquités. Ces tombes sont en pierres, capitaine nommé Accon, se défendirent avec intrepédité. L'assaut de dimensions et de formes variées, mais d'un travail générale- fut donné: les Sénonais non-seulement le soutinrent, mais firent ment grossier et de mauvais goût. une sortie vigoureuse. On prétend que César, en les repoussant, JOIGNY, sur la rive droite de l'Yonne, ch.-l. d'arrond. «à 7 l. pénétra dans la ville et s'y trouva renfermé, mais qu'il parvint à N.-N.-O. d'Auxerre. Pop. 5,537 liai». — Joigby est une ville an- s'en échapper ; d'antres ont écrit qu'il fut fait prisonnier et enfermé cienne; on attribue sa fondation à Flavius Jovinus, général de la dans une tour au bord de l'Yonne, qui depuis ce temps a porté cavalerie romaine dans les Gaules. Joigny faisait partie du Sé- le nom de Parcer C'a sa ri s , et d'où il ne sortit qu'au moyeu d'une nonais et avait titre de vicomte. Cette seigneurie appartint long- forte rançon. Quoi qu'il en soit, il prit Sens à composition , et fit temps à la maison de Villeroi. La comtesse Jeanne de Valois y mettre à mort Accon. César rendit hommage à la valeur des Séfonda l'hôpital et l'Hôtel-Dieu; le château fut construit par le nonais ; Julien en parle avec les plus grands éloges dans son épîcardinal de Gondi. — Joigny s'élève en amphithéâtre sur la pente tre a l'empereur Constance Chlore, en lui racontant le siégé qu'il d'un coteau , et communique avec son petit faubourg sur la rive avait soutenu dans la ville contre les Germains, ni 366, dans le gauche, par lin beau pont de pierre de six arches. La rive du côté temps où il n'était encore que César. — Lors de la division des de la ville est bordée, au-dessous du pont, par un quai propre et Gaules en dix-sept provinces, par Valens, Sens devint la métrospacieux, et, au-dessus, par une jolie promenade formée de huit pole de la quatrième Lyonnaise, ou Sénonaise, et prit alors, tin rangs d'arbres. Une seule des rues de Joigny est large et propre, nom du peuple qui l'avait fondée, le nom de Sénones, d'où son mais, comme la plupart des autres, sa pente est rapide et in- nom moderne s'est formé. — A l'établissement du christianisme, commodé, et son passage mauvais. La ville est généralement mal toutes les villes qui avaient été métropoles civiles de province bâtie et mal percée; cependant elle est agréable à cause de sa si- etaut devenues métropoles ecclésiastiques ; Sens devint le siège tuation, et jouit, de charmants points de vues, surtout dos ter- d'un archevêché , ayant pour suffragants sept évêchés La prospérasses de son château. — Les casernes de cavalerie forment un rité et l'importance de la ville se soutinrent jusque sous les faibles beau corps de bâtiment. La place du marché est jolie. Joigny a descendants de Charlemagne. Lu ville était alors beaucoup plus trois églises gothiques; la voûté de l'église Saint-Jean . long-temps considérable que de nos jours; mais elle décrut pendant nos sièregardée comme un chef d'œuvre d architecture, est en effet fort cles de guerres civiles et religieuses, et n'a jamais pu recouvrer belle. — Les environs de Joigny sont très agréables. sa prospérité première. Elle eut des comtes particuliers, souveSAINT-FARGEAU, cil-l. de cant , à 12 l. 1/2 de Joigny. Pop rains héréditaires, dont M a g ri cri us fut le premier. Un de ses sucer et jolie 2,132 habit. - Ancienne petite ville, située sur la rive cesseurs, Renaud I , rétablit Joigny et battit les Saxons. Henri Ier du Loing, à peu de distance des sources de cette rivière , dans un s'empara de Sens et du comté. — Saint Sa vin ien, apôtre. et le Elle est généralement bien bâtie, propre et premier évêque de Sens, y fut martyrisé en 240. Dans la suite, ses pays fort agréable. bien percée. — Au centre de la ville, et sur la place principale, successeurs, devenus archevêques, prireut le titre de vicomtes de s'élève un vaste et curieux château , ouvrage du xe siècle, en- Sens, primats des Gaules et de Germanie Lors de l'apostolat de tièrement construit en briques, et très bien conservé. On compte saint Savinien , il existait, au centre de la ville, un célébré temple parmi ses anciens propriétaires, Jacques Cœur, le célèbre ar- païen qui fut abandonne par suite des prédications du saint évêgentier de ' harles VU ; mademoiselle de Montpensier, et le con- que, et bientôt après démoli. — Le saint le remplaça par trois ventionnel Lepelletier de Saint-Fargeau. — Un parc vaste et ma- chapelles, qu'il dédia à saint Étienne, à Notre-Dame et à saint gnifique est une des dépendances de ce château. Jean-Baptiste; elles étaient isolées; elles furent réunies au IX VILLENEUVE-LE-ROI, prés de la rive droite de l'Yonne, ch.-l. siècle, et commencèrent la cathédrale qui prit Je nom de Saint" cant., à 4 l. et 1/2 IN -N -O. de Joigny. Pop. 4,966 hah. — Etienne, et fut brûlée en 970. Saint Anastase entreprit de la réVilleneuve-le-Roi, avant 1163, s'appelait Villa- Longa , parce tablir; mais il fallut cinq siècles pour la terminer : elle ne fut qu'elle hé s'étendait qu e sur une seule rue, le long de la plaine achevée qu'en 1526. Cette cathédrale possédait un calice d'or qui er des Egriselles, un peu au-dessus de l'endroit où la ville est assise fut rendu 170 ducats, pour servir à la rançon de François I . aujourd'hui — La nouvelle ville, entourée de murs, de fossés, Plusieurs conciles se sont tenus à Sens; le plus célèbre est celui de tours et de portes qui existent encore,a été bâtie par Louis VII. où saint Bernard fit condamner comme hérétique Abailard. — En — Une charte de ce roi, datée de 1163, porte que la nouvelle 1163, le pape Alexandre III se réfugia à Sens, et y séjourna deux cite aura les mêmes privilèges que celle de Lorris, c'est-à-dire que ans; a ce lut aussi le refuge du trop fameux archevêque de Cantorceux qui y établiront leur domicile seront exempts de taxes, tailles bery, le fougueux Thomas Becket. — En 1343 cette ville n'était et gabelles, et auront droit de pêche et de chasse. — Louis lui point environnée de fossés: Charles V , n'étant encore que daudonna le nom de Villa-Franca-Regia. — Elle était destinée à servir phin, et craignant que les Anglais ne s'en emparassent, ordonna de place forte sur la frontière d- Bourgogne ; il y fit construire aaux habitants de l'en entourer. Les eaux de l'Yonne et de la Vanne une grosse tour pour servir de citadelle et mie enceinte de mu- y coulaient. Plu* tard ces fossés furent comblés : ils ont maintenant railles qui ont 12 pieds d'épaisseur à leur base et 40 pieds de disparu , et ont fait place à des promenades ombragées. En 1531, e


FRANCE PITTORESQUE. — YONNE. afin Je nettoyer la ville et la préserver des incendies, ou lit circuler les eaux de la Vanne dans les rues; elles coulent encore dans les principales et y entretiennent la propreté. Sens embrassa le parti de la ligue. Henri IV l'assiégea eu 1590 : il y lit donner inutilement trois assauts, et faillit être tué d'un coup de fauconneau. Il fut forcé enfin de lever le siège , et il ne prit possession de la ville que quatre ans plus tard.—lin 1814, Sens, assiégé par les Wurtembergeois, se défendit avec la même intrépidité, et aurait pareillement repoussé les assiégeants, si un traître ne les eût introduits dans la ville. — Sens est encore en partie entouré de vieilles murailles : leur base est formée d'énormes pierres , sur lesquelles s'élèvent des massifs de maçonnerie revêtus de rangs de briques et d'incrustations réticulaires. On remarque dans ces murs des arcades figurées comme dans les constructions romaines. On trouve aux environs de Sens les débris de voies antiques qui menaient de cette ville a plusieurs des cités voisines ; d'autres vestiges de constructions romaines se remarquent dans la ville ; tels sont ceux d'un amphithéâtre, de bains, de plusieurs édifices. A diverses époques des fouilles ont fuit retrouver des médailles, des fragments de sculpture et d'architecture, etc. Sens est situé à Injonction de la Vanne et de 1' Yonne. Des neuf portes qui y donnent entrée , trois sont antérieures au XIVe siècle. La ville est bien bâtie, bien percée; sa plus belle rue est parcourue par lu route de Paris à Dijon. Les portes, à ses extrémités, sont des espèces d'arcs triomphaux de belle apparence, surtout celle qui «voisine le pont de l'Yonne, au couchant. Do ce côté est une grande et belle place ombragée, qu'on nomme l'Esplanade ou la place d'Armes Cette place est bordée de deux rangs d'arbres, et décorée de la salle de spectacle La cathédrale est le plus beau des édifices de Sens. C'est un monument gothique et spacieux ; sa façade se déploie sur une place que traverse la grande rue, elle a trois porches et deux clochers. L'église a trois nefs ; celle du centre est majestueuse; les bas côtés entourent le chœur; les fenêtres et rosaces sont à vitraux, peints par Jean Cousin. Le chœur ost riche: un superbe baldaquin , supporté par quatre colonnes de marbre rouge, couronne le maître-autel. Ou vante surtout le mausolée du dauphin , père de Charles X , et de son épouse. Cet ouvrage est un des chefsd'œuvre do Coustou et de ses deux élèves, Julien Beauvais., Ce mausolée, mutilé pendant la révolution , a été restauré depuis. On remarque derrière le chœur un groupe en stuc d'un beau travail, représentant le martyre de saint Saviuien. La chapelle de la Vierge est décorée avec un goût exquis; d'autres chapelles sont riches aussi eu peintures et eu sculptures. — On voit dans la salle du Chapitre » contiguë à l'église, une suite de portraits do tous les archevêques de Sens, un tableau de la mort de saint Thomas Becket, et la chasuble de ce personnage, etc. - Les débris de la tombe du cardinal Duprat offrent quatre bas-reliefs d'un travail admirable, seuls restes d'un grand et beau mausolée,que le marteau des révolutionnaires abattit, ainsi que plusieurs autres belles tombes qui décoraient l'église, et entre autres celle du cardinal Duperron —On conserve dans la bibliothèque le manuscrit de la fameuse fête des fous.— Cette bibliothèque se compose de 6,000 volumes Elle est située dans les bâtiments du collège; on y a joint un petit musée d'antiquités. Le collège est nue construction bien entendue. La ville en possède plusieurs autres digues de remarque. La façade de l'hôtel-de-ville , ainsi que celles de plusieurs maisons particulières, sont décorées daus le goût de la renaissance. De jolies promenades entourent la ville et bordent l'Yonne. TONNERRE, sur la rive gauche de l'Armançon, ch.-l. d'arr., à 9 l E.-N.-E. d'Auxerre. Pop. 4,242 hab. — Dans l'origine, Tonnerre n'était qu'un château-fort, qui faisait partie de la Bourgogne , nue petite ville se forma autour et appartint au Snéouais, av<titre de comté. Elle fut possédée par les Comtes d'Auxcrro et de Nevers, par les maisons de Bourgogne, de Châlons et autres, et. passa enfin à la maison de Louvois. — L'antique palais des comtes de Tonnerre a été transformé en un hôpital. — L'abbaye, sous l'invocation de Saint-Michel, et où l'on conservait le corps de saint Thierry, patron de la ville, avait été fondée en 980 par le comte Milon. — Tonnerre fut long-temps entouré de murailles flanquées de tours; il en reste encore des fragments. La ville est située sur une colline dont l'Armançon baigne le pied, près du Canal de Bourgogne, et nu milieu d'un pays fertile eu excellents vins; bâtie en pierres de taille qu'on tire des carrières voisines, elle est propre et bien percée, et possède plusieurs jolies promenades. surtout celle appelée le Pâtit. Celles qui bordent le canal de bourgogne sont très agréables. L'hospice civil et le gnomon de l'hôpital sont dignes de remarque. La fontaine dite la Fosse Yonne, qui jaillit dans la ville au milieu d'un bassin rond, l'est encore davantage ; elle sort d'un rocher et coule avec tant d'abondance, qu'a peu de distance de sa source on la passe sur un pout en pierre arches, et qu deux un de peu plus lias elle fait tourner plusieurs moulins. ANCY-LE-FRANC , sur la rive droite de. l'Armançon , et sur le canal de Bourgogne, à 4 l. de Tonnerre. Pop. 1,363 hab. — Ce bourg, propre et bien bâti, est surtout remarquable par un magnifique château commencé en 1555, sous le règne de Henri II,

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d'après les dessins du Primatice, et qui ne fut terminé qu'en 1622. Ce château remarquable par son architecture, présente quatre façades uniformes, a un seul étage. Il est orné aux quatre coins de pavillons carrés à deux étages. On s'accorde «à rendre justice a i heureuse combinaison de ses distributions intérieures, et au grandiose de son architecture. — Il renferme des tableaux bien conservés de Nicolo del Abaté, parmi lesquels ou remarque plusieurs scènes du Pastor fido. - Le château d'Ancy-le-Franc, bâti par les comtes de Tonnerre, devint, en 1688, la propriété du marquis de Louvois, dans la famille duquel il est resté. Il est entouré d un beau parc et de jardins parfaitement distribués.— Plusieurs grands établissements industriels eu dépendent.

DIVISION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE. POLITIQUE.. Le département nomme 5 députés. — II est divisé en 5 arrondissent, électoraux, dont les chefs-lieux sont: Auxorre, A vallon , Joigny, Sens, Tonnerre.— Le nombre des "électeurs est de 1,516. ADMINISTRATIVE. — Le chef-lien de la préfecture est Auxerre. Le département se divise en 5 sous-préf. ou arrond. commun. Auxerre 12 cantons, 131 communes, 111,980habit. Avallon 5 70 - 46,966 Joigny 9 108 86.872 6 90 Sens 60,342 Tonnerre 5 82 46,327

rotai. . . 37 cantons, 481 communes, 852,487 habit. Service du Trésor public. — 1 receveur général et 1 payeur (résidant à Auxerre), 4 receveurs particul., 5 percepteurs d'arrond. Contributions directes. — 1 direct. ( à Auxerre) et 1 inspecteur. Domaines et Enregistrement. — 1 directeur (à Auxerre), 2 inspecteurs, 4 vérificateurs. Hypothèques. — 5 conservateurs dans les chefs-l. d'arr. comm. Contributions indirectes. — 1 directeur (à Auxerre), 4 direct, d'arrond., 5 receveurs entreposeurs. Forêts. —- Le départ, fait partie de la 8e conservât, forestière.— 1 conserv. à Auxerre. — 2 insp. à A vallon et Joigny. Ponts-et-chaussées. — Le département fait partie de la 4e inspection , dont le chef-lieu est Dijon. — Il y a 1 ingénieur en chef en résidence à Auxerre, et l autre à Tronchoy, près Tonnerre ; ce dernier est chargé de la surveillance du canal de Bourgogne. Mines. Le département fait partie du 10e arrondissement et de la 3e division, dont le chef-lieu est Dijon. Haras. — Le département fait partie, pour les courses de chevaux, du 1er arrondissement de concours, dont le chef-lieu est Paris. — 11 y a à Auxerre un dépôt royal où se trouvent 31 étalons. e MILITAIRE.— Le département fait partie de la 18 division militaire, dont le quartier-général est à Dijon. — Il y a à'Auxerre: 1 maréchal de camp commandant la subdivision, t sous-intendant militaire. — Le dépôt de recrutement est à Auxerre. — La compagnie de gendarmerie départementale fait partie de la 20e légion, dont le chef-lieu est à Dijon. JUDICIAIRE. — Les tribunaux sont du ressort de la cour royale de Paris. — Il y a dans le département 5 tribunaux de lre instance:;» Auxerre (2 chambres}, Avallon, Joigny, Sens, Tonnerre, et 4 tribunaux de commerce, à Auxerre, Avallon, Joigny et Sens. — L'hôpital général d'Auxerre remplace l'ancien dépôt de Mendicité pour les pauvres incurables et insensés. RELIGIEUSE. — Culte catholique. — Le département possède un archevêché, érigé dans le IIIe siècle, dont le siège est à Sens, et qui a pour suffragants les évêchés de Troyes, Nevers, Moulins.— Le département forme l'arrondissement du diocèse de Sens et Auxerre. — Il y a dans le département :à Sens, un séminaire diocésain ; à Auxerre, une école secondaire ecclésiastique; -—Le département renferme 8 cures de lre classe ,41 de 2e, 412 succursales et 4 vicariats. UNIVERSITAIRE. — Le département est compris dans le ressort de l'Académie de Paris. Instruction publique. — Il y a dans le département : 6 collèges , à Auxerre, à Avallon, à Joigny, à Noyers, à Sens, à Tonnerre. — Une école modèle a été établie dans chaque chef lieu d'arrondissement. — Le nombre des écoles primaires du département est de 570, qui sont fréquentées par 29,603 élèves, dont 18,750 garçons et 10,853 filles. Les comm. privées d'écoles sont au nombr e de 32. SOCIÉTÉS SAVANTES, ETC. — Il y a à Auxerre une Société d'Agriculture et uu Jardin botanique ; a Tonnerre une Société d'Agriculture.

POPULATION. D'après le dernier recensement officiel, elle est de et fournit annuellement à l'année 804 jeunes soldats. Le mouvement eu 1830 a été de, Mariages. Naissances. Masculins. Féminins. Enfants légitimes 4,607 4 299 — naturels . 214 179 \ Total. nias 4,221 — 4,022 Total,

352,487 h.,

3,055

9,299 8,248


256

FRANCE PITTORESQUE. - YONNE. GARDE NATIONALE.

Le nombre des citoyens inscrits est de 72,587 , Dont ; 14,176 contrôle de réserve. 58,411 contrôle de service ordinaire. Ces derniers sont répartis ainsi qu'il suit: 56,907 infanterie; 104 cavalerie; 86 artillerie; 1,314 sapeurs-pompiers. On en compte tannés, 15,518 ; équipés, 8,099; habillés,11,461. 20,756 sont susceptibles d'être mobilisés. Ainsi, sur 1000 individus de lu population générale, 210 sont inscrits nu registre matricule, et 59 dans ce nombre sont mobilisables , sur 100 individus inscrits sur le registre matricule, 81 sont soumis an service ordin., et 19 appartiennent à la réserve. Les arsenaux de l'Etat ont fourni a la garde nationale 8,014 fusils, 42 mousquetons, 2 canons, et un assez grand nombre de sabres, etc.

IMPOTS ET RECETTES. Le département a payé «à l'Etat (1831) : Contributions indirectes Enregistrement, timbre et domaines Boissons, droits divers , tabacs et poudres.. . Postes Produit des coupes de bois Produits divers Ressources extraordinaires Total. . . .

INDUSTRIE COMMERCIALE.

4,141,210f. 1,906,436 1,044,549 240,300 450,796 169,152 3,392,478

68 c. 82 24 11 55 44 59

11,344,924 f. 43 c.

Il a reçu du trésor 4,654,667 f. 72 c., dans lesquels figurent : La dette publique et les dotations pour. . . . 946,287 f. 94 c. Les dépenses du ministère de la justice. . 145,809 20 de l'instruction publique et des cultes. 404,087 97 de l'intérieur 27,619 80 du commerce et des travaux publics. . 1,021,660 24 de la guerre 705,908 98 de la marine 2,783 56 des finances 179,320 >» Les frais de régie et de perception des impôts. 791,660 53 Remboursem., restitut., non valeurs et primes. 429,529 44 Total. . . .

4,654,667 f. 72 c.

Ces deux sommes totales de paiements et de recettes représentant, à peu de variations près, le mouvement annuel des impôts et des recettes, le département, quoique privé d'industrie et n'ayant d'autres ressources que son agriculure et ses vignobles, déjà grevés de tant d'impôts, paie, pour les frais du gouvernement central, en plus qu'il ne reçoit, la somme énorme de 6,690,256 fr. 71 c., ou un million de plus que le tiers de son revenu territorial !

DÉPENSES DÉPARTEMENTALES. Elle? s'élèvent (en 1831) a 325,284 f. 27 c. Dép. fixes : traitements , abonnem., etc. Dép. variables : loyers, réparations, secours, etc. Dans cette dernière somme figurent pour 30,080f. » c. les prisons départementales, 63,500 » les enfants trouvés. Les secours accordés par l'Etat pour, grêle, incendie , épizootic, etc., sont de Les fonds consacrés au cadastre s'élèvent à. . . . Les dépenses des cours et tribunaux sont de. . . Les frais de justice avancés par l'Etat de. ... SAVOIR :

81,104

244,179

11,750 112,262 108,656 42,831

f. 32 c. 95

» 51 48 06

INDUSTRIE AGRICOLE. Sur une superficie de 729,223 hectares, le départ, en compte: 500,000 mis en culture et prés; 159,123 forêts; 37,212 vignes; 80,000 landes , marais, etc. Le revenu territorial est évalué a 17,520,OCX) francs. Le département renferme environ 25,000 chevaux, 57,000 bêtes à cornes (race bovine,; 120,000 moutons. Les troupeaux de bêtes à laine en fournissent chaque année environ 175,000 kilog , savoir : 1,800 mérinos; 3,200 métis ; 170,000 indigènes. Le produit annuel du sol est d'envion , En céréales et parmentières, 1,450,000 hectolitres. En avoines 615,000 ici. 1,110,000 En vins id. En cidre 20,000 id. L habitant de l'Yonne est laboureur et vigneron. — Le département produit un grand excédant de récolte en céréales et en avoines. On y élève des bestiaux. — Les bœufs sont employés à la culture. — L'Yonne partage avec le Loiret l'avantage de fournir tout le raisinet qu'on consomme dans la capitale. - C'est comme on sait une couiiture commune faite avec du cidre, des poires ou des pommes, sans raisin. VIGNOBLES.— La vigne est une culture très ancienne dans le Paris.

pays, et particulièrement dans l'Auxcrrois, où l'on trouve des ceps de vigue plus que centenaires. Elle y était déjà connue à l'époque de la conquête romaine. Donatien, à la suite d'une disette , ordonna , en 92 , d'arracher la moitié des vignes, et défendit d'en planter de nouvelles. — Les arrondissements du département contiennent tous des vignobles plus ou moins importants; ceux du Tonnerrois et de l'Auxerrois sont particulièrement célèbres pour la qualité de leurs produits. On cite pour les vins rouges, les crus d'Auxerre, d'Avallon, de Coulange, de Tonnerre, d'Yrancy, de Joigny, de Sainte-Julie-du-Sault. Les vins blancs de Chablis sont particulièrement estimés.— La consommation du pays n'est que de 250,000 hect., l'excédant de la récolte est exporté pour Paris, le nord de la France et l'étranger. On ne fabrique pas d'eau-de-vie, si ce n'est avec les marcs de raisins et les lies.

Imprimerie et Fonderie de

RIGNOUX

L'industrie du département est peu variée et peu étendue ; néanmoins il existe à Ancy-le-Franc 2 hauts-fourneaux qui produisent du fer d'excellente qualité.—La briqueterie de Bourgogne est estimée, et le département renferme un grand nombre de fabriques de carreaux et de tuiles. Celle de Rebourceaux produit plus de 2,500,000 briques par an. — Vassy possède une manufacture de ciment hydraulique. — On trouve à Cerilly une exploitation de pierres à fusil, rouges et noires. — Des carrières de marbre et de pierre dures et tendres sont aussi exploitées dans le département (les pierres lithographiques de Thizy sont utilement employées). — 11 existe des verreries où l'on fabrique de la verroterie propre au commerce des colonies; des faïenceries, des fabriques d'ocre jaune et de blanc d'Espagne.— Les fabriques qui ont rapport à la filature et au tissage des laines, à la confection des serges, des draps et des couvertures, sont assez multipliées. On trouve aussi des manufactures de sucre de betteraves, des papeteries, des scieries hydrauliques, etc. Il existe, dans la commune de Cerisier, un atelier de préparation de viandes sèches pour la marine. — Saint-Léger-du-Foucheret renferme une fabrique de glu et une de poudre d'or à l'usage des bureaux. Le principal commerce du département, outre l'exportation des vins et des céréales, est le commerce du bois pour Paris, du merrain et des futailles pour les pays de vignobles. La tonnellerie d'Avallon est particulièrement renommée. CLEPSYDRES. — Sens a perdu une industrie qui y prospérait autrefois, celle de la fabrication des velours de laine propres à couvrir les meubles, et qu'on nommait improprement velours d'Utrecht ; mais cette ville a conservé la fabrication presque exclusive des clepsydres ou horloges hydrauliques. Il est vrai que c'est une industrie dont les développements sont essentiellement limités. Ces clepsydres consistent en une boîte d'étain, ronde, divisée en sept compartiments, dout les cloisons sont percées d'un petit trou qui laisse échapper l'eau goutte à goutte. Cette chute successive de l'eau d'un compartiment dans l'autre fait descendre graduellement la boite entre deux montants le long desquels sont inscrites les heures que sa progression sert à indiquer. Ces clepsydres ont été inventés à Sens , il y a plusieurs siècles, par un bénédictin de Saint-Pierre-le-Vif. RÉCOMPENSES INDUSTRIELLES. — A l'exposition des produits de l'industrie de 1827, le département n'a obtenu qu'une mention honorable, décernée à MM. Lenoir et Manger ( de Seiguelay ), pour couvertures de coton bien fabriquées, et une citation, accordée a M Montangeraud (de Joigny), pour capsules imperméables à l'usage des fusils à pistou. FOIRES. — Le nombre des foires du département est de 406. Elles se tiennent dans 89 communes , dont 36 chefs-lieux , et durant quelques-unes 2 à 3 jours, remplissent 421 journées. Les foires mobiles, au nombre de 72 occupent 72 journées. — Il y il 2 foires mens aire s. 392 communes sont privées de foires. Les articles de commerce sont les chevaux, le gros et le menu bétail, la draperie, la quincaillerie, la mercerie, la cordonnerie; tous les objets nécessaires à la culture de la vigne et aux vendanges, tels qu'instruments, merrains, tonneaux, cuviers, cercles, osiers, etc. — On y vend aussi du chanvre, de la laine et des plumes.

BIBLIOGRAPHIE. Statistique de l'Yonne (Annales de Statistique, t. III). Statistique du départem. de l'Yonne, par Tarbé ; in-8. Auxerre. Almanach historique du départ cm. de l'Yonne, par le même; in-12. Auxerre, 1800 à 1825. Annuaire du dép. de l'Yonne ; in-18. Auxerre, an xi et suivantes. Fragments d'un Voyage en France, par Dureau-Delamalle (Annales des Voyages, 1826). A. HUGO. On souscrit chez DELLOYE , éditeur, place de la Bourse, rue des Filles-S.-Thomas, 13.

et Comp., rue des Francs-Bourgeois Saint-Michel,

8.


FRANCE PITTORESQUE. État d'Alger. (Conquête française en Afrique.)

HISTOIRE.

Alger, dans le xve siècle, servit de retraite aux Maures expulsés d'Espagne. C'était depuis longtemps le refuge des hardis pirates musulmans qui infestaient la Méditerranée. En 1510, les Espagnols s'en emparèrent, et y bâtirent, sur un rocher isolé au milieu des flots, les fortifications qui en protègent le port. En 1516, Alger recouvra son indépendance. Deux frères, corsaires fameux, les Barberousse, en firent le chef-lieu de la principauté qu'ils se créèrent sur la côte septentrionale de l'Afrique. Celte ville a toujours depuis continué à acquérir de l'importance. Elle était sortie libre et souvent victorieuse de toutes les expéditions que le désir de défendre ou de venger la chrétienté fit entreprendre contre elle. Charles-Quint en 1541, le duc de Beaufort en 1663 et 1665, Duquesne en 1682 et 1683, Tourville en 1687, O'Reilly en 1775, lord Exmouth en 1816, avaient menacé, humilié, mais non réduit Alger. L'audace du gouvernement de la régence s'accrut des succès incomplets obtenus contre lui, au point, qu'en 1830, il ne craignit pas de lutter avec la France. GUERRE D'ALGER. CAUSES.'—Ce ne fut point un fait isolé qui amena la rupture entre la France et la régence d'Alger. Les griefs du gouvernement français remontaient à l'accession au pouvoir du dernier dey, HusseinPacha, en 1818. Mais c'est surtout depuis 1824 qu'ils acquirent plus de gravité. A cette époque, contre la teneur expresse des traités, des perquisitions furent exercées dans la maison consulaire de France à Bone. Des autorisations illicites de séjourner et de commercer dans cette ville, et sur les côtes de la province de Constantine, furent accordées à des négocians anglais et mahométans. Un droit arbitraire de dix pour cent fut établi sur les marchandises introduites dans ces contrées pour le compte de l'agent des concessions françaises. En 1826, des navires appartenant à des sujets du Saint-Siège, mais couverts du pavillon blanc et de la protection de la France, furent injustement capturés, et la restitution en futrefusée. Des propriétés françaises, saisies à bord d'un navire espagnol, furent confisquées. Ainsi furent

T. M.—

33.

violés les deux principes qui avaient constamment servi de base à nos transactions avec les régences d'Afrique : que le pavillon français couvre la marchandise quelle qu'elle soit, et que la marchandise française est inviolable, même sous le pavillon ennemi. Des visites arbitraires et des déprédations furent commises à bord des navires français. La souveraineté de la France sur la portion de territoire qui se trouve comprise entre la rivière Seïbouse et le cap Bon, et dont elle est en possession depuis le milieu du xve siècle, fut méconnue. Enfin, le 30 avril 1827, lorsque le consul de France, que des raisons financières avaient déjà brouillé avec le dey, se rendit auprès de lui pour le complimenter, suivant l'usage, la veille des fêtes musulmanes,une insulte grossière répondit seule a cet hommage officiel. Le gouvernement français, informé de cette insulte, envoya au consul l'ordre de quitter Alger, et celui-ci, étant parti le 15 juin , le dey fit aussitôt détruire les établissemens français en Afrique, et notamment le fort La Calle, qui fut pillé complètement et ruiné de fond en comble. Alors commença le blocus d'Alger, qui coûta à la France, sans amener aucun résultat, plus de 7 millions par an; au mois de juillet 1829, le gouvernement français, en reconnaissant l'inefficacité, voulut, avant de se décider à la guerre, faire une dernière démarche vis-à-vis du dey. M. de La Bretonnière fut envoyé à Alger; il porta à Hussein , jusque dans son palais, nos justes réclamations; le dey refusa d'y faire droit, et lorsque le parlementaire s'éloigna du port, les batteries, à un signal parti du château, firent feu toutes à la fois sur le bâtiment qui le portail. Le feu continua jusqu'à ce que M. de La Brelonnière se trouvât hors de portée. Celte éclatante violation du droit des gens ne pouvait rester impunie, la guerre fut donc résolue. Une flotte et une armée, destinées à cette expédition, se réunirent à Toulon. ARMÉE D'EXPÉDITION. — L'armée, placée sous le commandement du général Bourmont, offrait un effectif de 37,639 hommes, de 3,853 chevaux, et de 70 bouches à feu de gros calibre, etc. La flotte, aux ordres de M. Duperré, présentait un total de 644 bâtimens, parmi lesquels on en comptait 107 appartenant à la marine royale. CAMPAGNE.—La flotte fut contrariée par les vents,


258

FRANCE PITTORESQUE. — ALGER.

Elle resta plus de vingt jours en mer. Pendant ce temps le dey d'Alger avait fait ses préparatifs de défense. A la milice turque, forte d'au moins 20,000 hommes, s'étaient réunis les contingens des beys d'Oran, de Tittery et de Constantine, au nombre de 40,000 combattans, et les tribus belliqueuses de l'Atlas. Néanmoins le débarquement s'effectua heureusement, et la guerre ne dura que le temps nécessaire pour conduire l'artillerie, de Sidi-Ferruch en batterie devant Alger. A Staoueli, à Sidi-Khalef, l'ennemi essaya vainement d'arrêter la marche de nos troupes. Un dernier effort, tenté sous les murs d'Alger, n'eut pas un résultat plus heureux. Le fort de l'Empereur fut pris , et quinze jours après le débarquement, Alger, au moment d'être enlevé de vive force, capitula. Le maréchal Bourmont, quelque graves qu'eussent été en 1815 ses torts envers l'armée dans laquelle il avait accepté un commandement, et qu'il abandonna, en présence de l'ennemi, (rois jours avant la funeste bataille de Waterloo,se montra, pendant la campagne d'Afrique, digne de la haute mission qui lui avait été confiée. On l'a accusé de trop de lenteur et de trop de prudence ; mais, en lui faisant, ce reproche, on oublie que toutes les expéditions précédentes contre Alger, celles même de Charles-Quint et d'O'Reilly, n'ont manqué que par l'effet de la précipitation et de l'ardeur des troupes de débarquement. L'expérience du passé a servi de règle au général Bourmont. Il a pris Alger, et, à son départ d'Afrique, en remettant le commandement au général Clausel, il n'a emporté pour tout trésor qu'un coffret de cèdre, renfermant le cœur d'un de ses fils blessé à mort au combat de Sidi-Khalef. RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE 1830. 25 mai. 27-9.8.

Départ de Toulon. Coup de vent qui disperse la flotte. Relâche à Pal ma.

3 juin. 10 —

Départ de Palma.

13 — 14 —

Débarquement.

—. 24 —

PRODUITS DE LA CONQUÊTE Trésor du dey (espèces et matières d'or et 47,639,010 f. 84 à.

Recettes diverses, impôts, subsides , etc. . . Matériel d'artillerie (780 bouches à feu eu

657,196

bronze, 399 en fer, projectiles, etc.), , . . Matériel de marine (2 corvettes, 5 goélettes,

4,589,624

Total

outre la milice turque, en qui résidait le pouvoir, deux populations soumises, les Maures et les Juifs, qui pouvaient se croire le droit do réclamer des restitutions à leurs oppresseur». Un fait grave, et qui mériterait d'être examiné, c'est que, d'après M. Pi. chon, intendant civil, tout le matériel de l'atelier des monnaie* placé dans la Cassaubah a disparu au moment de la conquête. Evidemment, nos soldats n'en avaient que faire. Mais le matériel enlevé peut servir (à des industriels habiles, comme il s'en trouve eu Afrique) pour fabriquer et répandre dans le pays une monnaie dont l'altération sera d'autant plus difficile à reconnaître, que les habitons de la régence, par suite de l'habitude et de la prévention nationale, préféreront long-temps, dans toutes les transac tions, les monnaies arabes aux monnaies françaises. Les lingots d'or et d'argent provenant du trésor du dey d'Alger, et fondus à la monnaie de Paris, ont produit cn espèces à l'effigie de Louis-Philippe : Or

20,368,635 fr.

Argent. . . . 19,315,821 Total

39,684,456 fr.

Le reste, se composant d'espèces monnoyées ayant cours dan* la régence, a été employé à Alger au service des dépenses publiques.

BILAN DE LA GUERRE D'ALGER. Les frais extraordinaires de l'expédition (marine, guerre et finances) se sont élevés, pour 1830 (conquête et occupation), à la somme totale de 49,107,433 f. 80 c. Et à celle de 55,962,699 fr. 83 cent., en y

54,719,537

41

5,611,923

61

Cet excédant doit être augmenté de la valeur du matériel acquis sur les 49,107,433 fr. dépensés, matériel qui, n'ayant été consommé qu'en partie durant la campagne, est venu grossir les approvisionnemens de la guerre et de la marine, et qui peut être évalué à environ. 10,000,000

Capitulation d'Alger.

Denrées et marchandises diverses

Des objets d une autre nature ont été soustraits, et il est certain que ces objets n ont point été compris dans le nombre des dépouilles que l'armée d'expédition s'est adjugées. Alger renfermait,

Différence au profit du trésor

Coup de vent. Situation critique de l'armée navale. 3 juillet. Attaque des batteries de mer d'Alger. 4 — Prise du fort de l'Empereur.

Effets d' habillement, campement, etc. . . . Mobilier et médicamens

pillage au moment même du triomphe peut être excusé; dans tous les temps, les armes des vaincus ont fait partie des trophées appartenant au vainqueur. Ce sont les reliques de la victoire et de la conquête.

La conquête a produit eu 1830

Première Attaque. — Combat de Staoueli. Combat de Sidi-Khalef.

1 chebeck, etc.)

sion d'enquête fut envoyée sur les lieux, et l'accusation fut réduite à néant. On n'a détourné aucune somme d'argent, c'est un fait avéré, mais nous tenons d'officiers dignes de foi, attachés à l'armée d Afrique, qu'il y a eu pillage de certains objets curieux, tels que selles, harnachemens, costumes, armes et armures. Ce

penses qui, dans tous les cas, auraient été faites.

Arrivée à Sidi-Ferruch.

d'argent)

vernement éprouvait un déficit annuel de plus de 2,000,000 fr. Les hommes aveuglés ou malveillans accusèrent de malversation et de péculat les chefs de l'armée expéditionnaire. Une commis-

ajoutant les dépenses du pied do paix, dé-

26 —

5 —

L'opinion publique, trompée par les rapports exagérés des Maures et des Juifs, estimait à une bien plus haute valeur le trésor de la régence. On ignorait que depuis longues années ce gou-

La guerre d'Alger, outre la conquête d'un riche et important territoire, a donc donné à la France un bénéfice de 15,61 1,923 f. 61 C,

ANTIQUITÉS. 43

799-791 155,990

35

81,010

70

796,733

7a

54,719,937 f..V

L'état d'Alger comprend la Numidie et presque toute la Mauritanie césarienne. Gouverné d'abord par des princes indigènes, il est devenu sucessivement la conquête des Romains, des Vandales, des Grecs, des Arabes, des Espagnols, des peuples de l'intérieur de l'Afrique, et des Turcs. Il doit


FRANCE PITTORESQUE. — ALGER.

259

renfermer un grand nombre d'antiquités de na- ruse et de cordialité, un besoin impérieux de liture diverse ; mais le peu de progrès que l'ar- berté et d'indépendance, une hospitalité qui ne mée française y a faits depuis la conquête n'a pas se dément jamais, tels sont les traits qui les disencore permis de les rechercher et de les étudier tinguent. Comme leurs frères d'Arabie, ce qu'ils avec soin. On ne connaît guère que celles qui se aiment le mieux au monde, c'est leur cheval. Leurs trouvent sur les chemins qui conduisent d'Alger femmes, chargées de tous les travaux domestiques, aux principales villes. Ainsi on trouve : — sur les ont des traits peu agréables. Leurs chefs se nomcôtes de la Méditerranée, au cap Caxines, les ment cheiks, et reconnaissent pour supérieur un restes d'un aquéduc; dans la province de Constan- aga, qui réside à Alger, et qui aujourd'hui est tine, les ruines de Collo, ville romaine; à Cher- nommé par le gouvernement français. Comme les chell, les restes d'un port romain et d'une ville Kabyles, ils sont partagés en de nombreuses triimmense. — Sur la route de Bone à Constantine : bus, dont la plupart, habitant l'Atlas et le désert, les ruines d'un édifice thermal. — Sur la route sont riches par le commerce qu'elles font avec d'Alger à Oran : Miliana, bâtie sur l'emplacement Tunis et Maroc. de l'ancienne Malliana ; sur le fleuve Cheliff, cinq Les Maures forment plus de la moitié de la poarches d'un pont romain; plus loin, les restes pulation. Ils descendent du mélange des anciens d'un bel aquéduc, de voies romaines, des tron- Mauritaniens avec les Phéniciens, les Romains et çons de colonnes, etc., des citernes et des inscrip- les Arabes. Ils ont la peau plus blanche, le visage tions grecques et latines. plus plein, le nez moins saillant, et tous les traits de la physionomie moins prononcés queles Arabes." MŒURS ET CARACTÈRES. Les Juifs, qui les redoutent à cause de leur inDepuis l'expulsion des Turcs, et sans compter dustrie et de leur activité, les dépeignent comme les Européens qui y arrivent de tous les pays mé- avares, débauchés, avides, paresseux et vindicaridionaux, quatre races distinctes, les Kabyles, tifs. Ils aiment le luxe des habillemens. Les exerles Arabes, les Maures et les Juifs, forment la po- cices à cheval et le tir des armes- à feu sont leurs pulation de la régence d'Alger. passe-temps favoris. Les femmes maures sont Les Kabyles ou Berbères sont les habitans primi- généralement belles, et reçoivent une certaine tifs du pays; ils descendent des anciens Gélules et éducation. Elles portent le cachet de l'oppression des Libyens; ils ne parlent pas arabe. Leur langue individuelle beaucoup moins qu'on ne pourrait le est l'idiome choviah, chillah ou berbère, qui est ré- penser. Les coutumes locales leur assurent une pandu depuis l'Atlas jusqu'à l'Oasis de Sywah. Ils protection active et efficace. M. Pichon rapporte ont le teint rouge ou noirâtre, la taille haute et qu'elles savent très bien faire elles-mêmes leurs svelte, le corps grêle et maigre. C'est un peuple affaires et soutenir leurs réclamations. « On ne guerrier et brave. Retirés dans les montagnes, et trouverait pas en France, dit-il, des solliciteuses divisés en un grand nombre de tribus qui, toutes, plus fermes et plus décidées dans leur langage.» ont leur chef particulier, ils se font gloire de ne Les Maures qui habitent les villes et les villages jamais s'allier avec les autres nations. Leurs mai- se livrent au commerce, exercent des métiers, sons, construites en terre grasse séchée au soleil, sont propriétaires de maisons et de biens de camou avec des claies enduites de boue, s'appellent pagne, et, sous le gouvernement de la régence, gurbies ; elles sont couvertes de paille ou de gazon. occupaient divers emplois administratifs. Les L'intérieur n'en est pas divisé en plusieurs pièces; Maures de la campagne, réunis en tribus errantes, mais seulement un coin est réservé pour le bétail. pauvres, ne possèdent aucun immeuble et ne La réunion des gurbies d'une tribu forme un dachse distinguent que par le nom du pays qu'ils kras ou village. Les Kabyles ont un esprit indusoccupent, ou par celui des chefs dont ils desils trieux; réussissent à fabriquer eux-mêmes des cendent. Chaque tribu habite un adouar, village fusils, médiocres il est vrai, mais qui servent à ambulant composé de lentes comme un camp; leur défense. chaque tente sert de logement à une famille, et Les Arabes, originaires d'Asie et descendans tout {'adouar obéit à un seul cheik, qui prend soin des anciens conquérans de la Mauritanie, con- des intérêts communs. Les Maures nomades haservent une physionomie mâle ; ils ont les yeux bitent alternativement les contrées qui leur pavifs, le teint olivâtre, une taille moyenne, mais raissent les plus productives; ils louent de ceux bien prise. Ceux qui s'adonnent à la culture des des villes des terrains qu'ils cultivent, et, avec le terres occupent des demeures fixes. Les autres produit de leurs récoltes, paient le loyer et les vivent sous des tentes et errent avec leurs trou- impôts. Le clieik répond pour tous, et tous sont peaux ; ceux-ci sont les Arabes Bédouins. Ennemis mutuellement garans les uns des autres. — Ces de toute espèce de travail, ils passent la journée Maures ont le caractère guerrier; leur adresse à à fumer. Une extrême sobriété, un mélange de cheval est remarquable; ils se servent peuples


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FRANCE PITTORESQUE. — ALGER.

armes à feu. Leurs armes principales sont la lance, qu'ils appellent azagaie , et un large coutelas. Le séjour des Juifs dans le royaume d'Alger remonte, à ce qu'ils prétendent, à l'époque de la destruction de Jérusalem par Vespasien ; mais le plus grand nombre vient des Juifs chassés de l'Europe dans le XIIIe siècle. Méprisé et maltraité par les Turcs, les Maures et les Arabes, ce malheureux peuple, jusqu'au moment de la conquête française, ne pouvait porter que des vêtemens noirs. Aujourd'hui il a repris sou indépendance. Comme les Juifs d'Europe, les Juifs d'Alger sont industrieux. Presque tout le commerce de la régence est dans leurs mains. De toutes ces populations diverses, les Maures et les Juifs sont les seuls qui aient accueilli favorablement la domination française. Les Arabes n'ont qu'une soumission équivoque, et les Kabyles se sont ouvertement déclarés contre nous. Voici comment M. Pichon, qu'un esprit observateur, une longue expérience des peuples étrangers, une étude consciencieuse des populations algériennes, placent, malgré sa disgrâce officielle, au premier rang des juges dont l'opinion doit faire loi, apprécie les nouveaux sujets que la France a acquis en Afrique : «Les Maures doivent être nos premiers et plus fidèles intermédiaires; ce sont eux qui possèdent commercialement et intellectuellement l'Afrique; ce sont eux qui ont désiré, plus que les autres races, le succès de nos armes. Les autres races, bien qu'opprimées par la milice gouvernante des Turcs, n'y ont point autant applaudi : c'est chez elles, comme plus pauvres, moins éclairées, que se retranche l'amour du sol natal, que se retire la dernière étincelle du patriotisme local. Cependant, parmi les Arabes qui ont ici des cheiks illustres, des marabouts, renommés par leur origine, leur piété, leur influence; parmi les Arabes, il y a aussi de bons instrumens à choisir. Ne serait-il pas glorieux de tenter et de réussir a mettre dans nos mains des nations qui ont parcouru en conquérans un grand tiers du globe habité? Je ne connais pas de figure humaine où'les traits de l'indépendance brillent d'un plus grand éclat que dans celle de l'Arabe que la conquête de 1830 a donné à la France pour sujet. Bien différent est le Kabyles, descendant des Numides et des autres peuples indigènes qui habitaient les royaumes rivaux de Bocchus et de Juba, sous les premiers empereurs romains, le Kabyle a du cauteleux dans les traits comme dans la conduite. C'est le petit propriétaire de la Barbarie. Il est aussi plus indomptable que l'Arabe, parce qu'il habile les lieux les plus difficiles. Il n'y a que peu ou point de parti à en tirer pour la confiance publique. H est à peine musulman, et encore près de l' idolâtrie et du fétichisme. Dans la province de

Bugie, il estmaître à peu près; le dey d'Alger luimême n'y avait que peu ou point d'autorité. Il ne s'y faisait obéir qu'eu s'emparant des Kabyles qui vivaient assez nombreux à Alger dans la domesticité, et s'en faisant des espèces d'otages pour l'obéissance de leurs concitoyens; mais nulle part l'amour du pays n'est plus exalté que chez cette race.» COSTUMES.

Les costumes des habitans de l'État d'Alger sont varies comme la population ; riches et brillans dans les villes, sombres et pauvres dans les campagnes. Il y a généralement peu de luxe : c'est un résultat de la crainte que chacun éprouvait, sous la domination de la milice turque, de laisser apercevoir l'état de sa fortune. Les Kabyles et Maures s'enveloppent d'un haïk, grande pièce d'étoffe de laine blanche très grossière. Quelques-uns entourent leur tête d'un morceau de drap. Les cheiks portent une chemise et un boit mous, sorte de manteau en laine avec un capuchon. Ces bournous se conservent avec soin , et se transmettent de père en fils. Les enfans des deux sexes restent nus jusqu'à sept ou huit ans. Les femmes maures se couvrent avec une étoffe de laine, qui prend au-dessous des épaules, et descend jusqu'aux genoux. Elles ont les cheveux tressés et ornés de dents de poisson, de corail ou de grains de verre; elles portent aux bras et aux jambes des bracelets en bois ou en corne; quelques-unes se tatouent les bras et la figure. L'Arabe porte une chemise de gaze fine, des caleçons, une veste, et un bournous de couleur rouge ou bleue, orné de tresses de soie ou d'or sur les coutures, et d'une grande houpe au capuchon. Les femmes des riches Arabes portent, comme les hommes, des chemises de gaze, des caleçons, et une espèce de veste que recouvre une robe à manches extrêmement larges : tous ces habillemens sont en soie. Lorsqu'elles doivent paraître en habit de cérémonie, elles y ajoutent un long manteau rouge ou bleu, dont les deux bouts se rattachent sur les épaules avec des agrafes d'argent; elles ont des anneaux de même métal aux oreilles, aux doigts, aux bras et au bas des jambes. Los femmes arabes moins riches ont un costume à peu près semblable , mais en laine , au lieu de soie. Les filles arabes font usage du fard; elles s'en mettent au bout des doigts, au sein et au visage ; elles se teignent aussi les paupières et les sourcils, et se dessinent sur les joues des fleurs et des feuilles de myrte ou de laurier. EXTRAITS BIOGRAPHIQUES.

Aroudj), premier roi d'Alger, fut ainsi nommé à cause de la couleur de sa barbe. — Sa bravoure et son audace le rendirent, au xve siècle, la terreur des cotes de l'Italie et de l'Espagne. Il périt dans un combat contre les Espagnols, en 1518. BARBEROUSSE (Khaïr-Eddyn, que nous appelons Haria<la a), son frère, qui lui succéda, n'eut pas une moins grande renommée. — Il reconnut la suzeraineté de la Porte, appela les Turcs à "Alger, et fut amiral de Soliman. Le célèbre Doria lui disputa l'empire do la Méditerranée. Hariadan vainquit, dans les eaux de Candie, la flotte chrétienne, forte de 800 voiles. — Dans une de ses courses en Italie, il faillit enlever la belle Julie BARBEHOUSSE ((





FRANCE

PITTORESQUE.

Sidi Feruch.

Arsenal de la marine Ă Alger.



FRANCE

PITTORESQUE.

Costumes AlgĂŠriens.

Hussein.

Barberousse.


FRANCE PITTORESQUE. — ALGER. de Gonzague, qui, surprise à Fondi, n'échappa qu'en «'enfuyant la nuit, presque nue, au triste honneur d'aller orner le harem de Soliman. Plus heureux que son frère aîné, Hariadan mourut dans son lit à l'âge de soixante-dix ans. — On a publié en 1781 une Vie de ce roi-corsaire, où l'on cherche à prouver qu'il était d'origine française, gentilhomme de Saintonge, et de la famille d'Authon. HUSSEIN-DEY, dernier dey d'Alger, est un vieillard honnête homme, doué de beaucoup d'esprit naturel et d'une capacité remarquable. — Son gouvernement se distingua par l'ordre, la douceur et la probité. Mais il avait de l'entêtement : comme Charles X, une fatalité irrésistible l'a entraîné à sa ruine. Il ne paraît pas, s'il faut en croire son récit, que, dans sa discussion avec le consul dont la Franco a dû embrasser la querelle, tous les torts aient été de son côté. Voici comment il l'a racontée lui-même à M. Jal, qui, dans un écrit fort intéressant, nous en a transmis les détails. « Deval s'était bien mis dans mon esprit; il était adroit, insinuant; je ne me défiais point de lui. Il était gai, et me plaisait pour cela. Je crus à la sincérité de son affection pour moi. Il devint très familier, parce que je le traitais en ami ; et j'ai su depuis, par quelques-uns de mes officiers, qu'on disait généralement au séraï qu'une pareille intimité avec un homme de son espèce ne pouvait manquer d'avoir une mauvaise conclusion. Vers la fin du ramadhan , Deval, que je commençais à aimer moins, parce qu'il me parlait souvent mal de son souverain, et que je pouvais craindre qu'il ne lui parlât mal aussi de moi, Deval vint me faire la visite officielle d'usage. Je me plaignis à lui de n'avoir pas de réponse à quatre lettres écrites par moi au roi de France. Il me répondit (le croiriez-vous?) ; « Le roi a bien autre chose à faire que « d'écrire à un homme comme toi ! » Cette réponse grossière me surprit. L'amitié ne donne pas le droit d'être impoli : j'étais un vieillard qu'on devait respecter, et puis j'étais dey. Je fis observer à Deval qu'il s'oubliait étrangement. Il continua à me tenir des propos durs et méséans. Je voulus lui imposer silence; il persista. « Sor« tez, malheureux!» Deval ne bougea pas; il me brava en restant, et ce fut au point que, hors de moi, je lui donnai, en signe de mépris, de mon chasse-mouches au visage. Voici l'exacte vérité. » — Hussein vit maintenant retiré à Livourne. Il eût été plus généreux et plus prudent de la part du gouvernement français de lui accorder l'autorisation qu'il demandait de se fixer cri France.— Avant de parvenir à la suprême dignité, Hussein avait passe par tous les grades; il avait été simple janissaire. — Il avait une éloquence vive, originale, abondante en figures. Voulant peindre la haine qui sépare les habitans de Tunis et d'Alger, haine instinctive, profonde enracinée, pareille à celle des Portugais pour les Espagnols, et que l'imprévoyance impolitique de l'administration française ne respecte pas assez, il s'exprimait ainsi, à Paris, en 1831 : «Faites bouillir dans une chaudière un Algérien et un Tunisien; laissez reposer, et ils se sépareront.» Un moraliste du XVIIe siècle et un chimiste du XIXe n'auraient pas dit mieux. TOPOGRAPHIE.

La régence d'Alger, bornée au nord par la Méditerranée, à Test par les états de Tunis, au sud par le dé-

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sert de Zahara, à l'ouest par le royaume de Maroc, s'étend du 4e au 6e degré 30 minutes de longitude O., méridien de Paris. Elle forme une bande d'environ 225 lieues de long, sur une profondeur moyenne de 40 à 50 lieues. — La largeur du pays labourable n'étant évaluée qu'à 30 lieues, la partie arable de la régence présente une superficie de 1,268 myriamètres, ou 6,300 lieues carrées. MONTAGNES. — La chaîne de l'Atlas, qui traverse la régence parallèlement à la mer, est le point de départ des rivières qui se jettent dans la Méditerranée, dans des lacs intérieurs, ou se perdent dans les sables du désert. RIVIÈRES. — Les principales sont le Cheliff, le Mazafran, l'Aratch, le Hamise, la Budouah, Tisser et la Bouberak. ROUTES. — Les routes de l'État d'Alger ne sont que des chemins praticables seulement pour les chevaux et les betes de somme. Depuis l'occupation française, on a commencé une route carrossable pour conduire à la Metidjah. MÉTÉOROLOGIE.

Le climat du territoire d'Alger est chaud, mais salubre et très agréable dans la partie septentrionale. L'égalité de l'état de l'atmosphère est telle, que le baromètre n'y varie que de 1 pouce 3 dixièmes (de 29 pouces 1 dixième à 30 pouces 4 dixièmes). — La saison des pluies commence en octobre et finit en avril ; mais elles ne tombent que par intervalles : cependant, dans la saison de 1831 a 1832, il est tombé 117 centimètres et demi d'eau (04 centimètres et demi de plus qu'à Paris, année moyenne). D'après Shaler, la quantité d'une année moyenne doit être, à Alger, de 70 centimètres. — Les vents régnans sont, de mai en septembre, ceux d'est, et, le reste de Tannée, ceux d'ouest. Les vents du sud, chauds et violens, ne durent que cinq à six jours en juillet ou août, HISTOIRE NATURELLE.

. — Avant l'expédition, on menaçait nos soldats d'immenses troupeaux de bêtes féroces; jusqu'à présent on n'en a pas vu une seule aux environs d'Alger. Il y a cependant des lions dans l'Atlas. — Les chevaux de Barbarie, quoique de race arabe dégénérée, ont de précieuses qualités. Les ânes et les mulets sont grands et vigoureux. Les chameaux et les dromadaires y sont très nombreux et très estimés. Les bœufs de Barbarie sont plus petits que ceux d'Europe. Les chèvres d'une belle espèce ; les brebis, remarquables par la grosseur de leur queue, fournissent de belles laines. Le nombre des insectes est très multiplié; les puces y sont plus incommodes que les moustiques dans l'Amérique sud. Los sauterelles y causent de grands ravages; leur apparition est véritablement un fléau. RÈGNE VÉGÉTAL. — Les montagnes voisines de la mer plus fertiles que celles du grand Atlas, sont ombragées par d'épaisses forêts, où se trouvent le pin d'Alep, cinq espèces de chênes différentes, le lenlisque, le térébinthe, le thuya, le sumac, le cyprès, l'olivier sauvage, le genévrier rouge, le myrte, l'arbousier, la bruyère, le cyste-ledon , le laurier rose, etc.. ——- Sur le versant méridional de 1'Atlas, les palmiers et les dattiers prospèrent, et donnent cil abondance des fruits justement RÈGNE ANIMAL


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FRANCE

PITTORESQUE.

appréciés. Tous les arbres et toutes les plantes des contrées méridionales de l'Europe réussissent à Alger. RÈGNE MINÉRAL. — Le s montagnes de l'Atlas se composent de calcaire et de grès. On y trouve des traces volcaniques. Les vallées et les plaines sont sablonneuses, et même, dans quelques parties, imprégnées de sel marin. On trouve , dans le territoire de la régence , des mines de fer, de plomb et de cinabre. Les mines de plomb sont fort riches, et, si elles étaient bien exploitées, donneraient des produits considérables. Les mines de Ouannaseris produisent 80 livres de métal par quintal de minerai. Eaux minérales. •— Le territoire d'Alger abonde en sources minérales et thermales, chaudes et froides, nitreuses, salines, sulfureuses, ferrugineuses, etc. — Les bains chauds de Merega, ceux d'El-Hamman-Meskouten (77 degrés Réaumur), étaient les plus fréquentés. — Il y a, près d'Oran, une source considérable, dont les eaux sortent de terre presque bouillantes, et deviennent aussitôt comme glacées. VILLES.

ALGER:

le génie militaire, 273 bâtimens, mosquées, caravanserais, ou maisons, sont occupés militairement à Alger. Le nombre des maisons de la ville est d'environ 4,000. Un grand nombre est abandonné. Depuis l'occupation, plus de 9.5,000 habitans, tourmentés par les vexations, les tiraillemens des autorités civiles et militaires, ont émigré. La population que Shaw en 1725 évaluait à 100,000 habitons, et qui certainement, en 1825, était de 50,000. se trouvait réduite, au Ier juin de l'année 1882, à 93,541, savoir : 14,000 Maures, 5,400 Juifs, 4,021 Européens, et 120 Turcs. — Alger possède des égouts bien établis, et de nombreux aqueducs, qu'il suffit d'entretenir pour avoir en abondance une eau saiue et pure. BONE, à 95 L. E. d'Alger. C'est un des points que nos troupes occupent. La ville est laide, sale et mal bâtie ; mais elle est traversée par une vallée cultivée et ombragée, qui offre un séjour agréable sur une plage aussi aride. (Pop. 4,000 h.)—A un tiers de lieue sont les ruines d'Hippo-Regius, évéché de Saint-Augustin. —• A 10 l. E., la petite ville de La Calle, ancien comptoir français , ruiné par les Turcs algériens en 1827. BUGLE OU BUGIAII, à 40 l. E. d'Alger, ville fortifiée en 1510 par Pierre de Navarre, et située sur une haute montagne qui abrite et commande un golfe profond. (Pop. 3,5oo h.)—Dans des documens

conservés au ministère des affaires étrangères, on lit que «Bugic « offre un bon port et une position telle que, suivant les Anglais, « on pourrait y faire un second Gibraltar. » — On voit dans la mer,

ALGER, capitale de la régence, sur la côte septentrionale de l'Afrique, à 36° 48' lat. N., et o° 44' longit. E. du méridien de Paris, est bâti en amphithéâtre sur le penchant d'une colline.

près de Bugic, un rocher immense percé naturellement, et qui offre une arche assez vaste pour que les navires levantins (sandales) puissent y passer à toutes voiles.

Son périmètre est d'environ une demi-lieue. Elle a presque la forme d'un triangle équilatéral, dont un côté s'appuie à la mer. L'angle supérieur opposé, où se trouve la Cassaubah, châteaufort, et résidence du dernier dey, domine la ville. Alger est en-

BELIDA, à 8 l. S. d'Alger, dans une contrée fertile et peuplée, quoique exposée aux tremblemens de terre. Les Français, depuis 1830, y ont fait trois expéditions; mais cette ville n'est pas occupée.

touré de murailles, et a six portes, dont deux sur la mer. — Les rues sont fort étroites et sombres, attendu que plusieurs maisons des côtés opposés se joignent l'une à l'autre dans les étages supérieurs. -— Les maisons n'ont aucune apparence extérieure; mais intérieurement quelques-unes sont richement décorées. De tous les arts celui que les Maures entendent le mieux c'est l'architecture. A Alger, comme dans le Levant, on trouve dans certaines maisons de grandes portes, des appartenions spacieux, des pavés de marbre, des cours à portiques, ornées quelquefois de jets d'eau ; toutes les fenêtres donnent sur une cour intérieure; un balcon, garni de treillages fort serrés, est le seul jour pratiqué du côté de la rue. A l'entrée de chaque maison , on trouve d'abord un porche avec des bancs des deux côtés; c'est là que le chef de famille reçoit ses visiteurs et expédie ses affaires. Vient ensuite une cour ouverte qui, suivant la fortune du propriétaire, est pavée de marbre ou de pierres polies. En été, une toile étendue la garantit de l'ardeur du soleil. Autour règne une galerie qui donne entrée dans les appartenions. Les pièces sont en général très vastes; rarement elles communiquent entre elles. Une de ces chambres sert souvent de domicile à une famille entière. A l'extrémité de chaque appartement, on remarque une estrade entourée d'une balustrade, et élevée de 4 à 5 pieds, sur laquelle les Maures placent leurs lits. Chez les gens riches, les chambres, depuis le plancher jusqu'à la moitié de leur hauteur, sont tapissées de velours ou de damas; le reste du mur est chargé d'ornemens en stuc ou de plâtre. Le plafond est boisé et peint avec beaucoup d'art ; les planchers sont en briques et couverts de tapis. Les escaliers sont sous le porche, ou à l'entrée de lu cour, mais jamais dans l'intérieur des maisons. Les toits des habitations forment des terrasses, souvent garnies d'arbustes et de fleurs. — Il y a à Alger trois marchés pour les grains, l'huile et les légumes. On y trouve une grande quantité de bains ou étuves publiques, des fours banaux, des moulins arabes grossièrement faits, mais qui suffisent aux besoins delà population.—Depuis l'occupation française, on y a abattu une grande mosquée et fait une place publique qu'on appelle place du Gouvernement. Six moulins à vent, des casernes en pizé, des hôpitaux en planches, un lazaret, un abattoir public, des bains à la parisienne y ont été La rade d Alger offre, sous le canon des établis. batteries, plusieurs mouillages abrites et commode». D'aprèsles états fournis par

CONSTANTINE, à 63 l. E. d'Alger et à 15 l. de la mer, ville ancienne et considérable, autrefois Cyrta. Rebâtie par une fille de Constantin, elle changea de nom. C'est la résidence d'un bey qui refuse de reconnaître l'autorité de la France. ( Pop. 20,000 h. ) —On voit à Constantine la source de l'Ouad-el-Kebir , l'Empsagas

des anciens. Cette rivière forme en sortant de terre une superbe cascade. MEDEAH, à ro l. S.-E. d'Alger, entourée d'une muraille, ancienne résidence du bey de Tittery. Les Français ont occupé et ensuite abandonné cette ville. ORAN, à 5o l. O. d'Alger, au bord de la mer, sur un isthme. C'était autrefois la résidence du bey de l'Ouest; aujourd'hui c'est un des points que les Français occupent, (Pop. 10,000 h.) — Cette

ville est bâtie, comme Alger, en amphithéâtre sur la pente d'une montagne élevée. Elle a pour défense une citadelle ou cassaubah et cinq châteaux. Un de ces châteaux protège une source qui fournit de l'eau à la ville. A l 1. O. d'Oran se trouve le Mers-el-Kebir, mouillage excellent, port vaste, qui abriterait facilement 5o vaisseaux de ligne. TREMECEN, à 12 l. de la mer, ancienne capitale de la Mauritanie césarienne, capitale de la province de l'Ouest, ("pop. 8,000 h. ), ville considérable entourée de murailles flanquées de tours, avec cinq portes fermées par des ponts-levis, n'a pas encore reconnu la domination française. On n'y a fait aucune expédition.

GOUVERNEMENT ANCIEN. Le gouvernement appartenait aux soldats de la milice turque, qui avaient le titre de janissaires ou kotouglis, et dont le dey n'était que le chef suprême. — Ce souverain électif était le maître absolu «lu pays; il récompensait et punissait, disposait à son gré des emplois, décidait la paix ou la guerre, et ne devait compte de sa conduite à personne. Il était visible à toute heure, et rendait luimême la justice. — La seconde dignité (honorifique du moins) était celle d'aga de là milice ou général des troupes. Cette charge appartenait de droit au plus ancien soldat, mais ses fonctions ne duraient que deux lunes, c'est-à-dire d'une paie à l'autre, et celui qui l' avait occupé une lois ne pouvait prétendre à aucune charge publique, il devenait mezoul ou vétéran. Cette place servait ainsi sans violence à débarrasser le dey de ses rivaux futurs. — Les prérogatives attachées à la qualité de kolouglis étaient extrêmement étendues. Ou leur donnait le titre d'effendi ou seigneur. L'avancement parmi eux était toujours accordé à l'ancienneté, et lorsqu'un officier était arrivé nu grade correspondant à celui do


FRANCE PITTORESQUE. — ALGER. colonel, il devenait de droit membre du divan. Les grades élevés étaient toujours donnés aux Turcs, parmi lesquels le corps se recrutait de préférence. Les kolouglis étaient exempts de taxe et d'impôts, et jouissaient du privilège de ne pas être punis en public. En cas de crime de haute trahison, on les étranglait secrètement dans la maison du premier aga. Fiers et même iusolens avec les Maures ou les Arabes, ils conservaient toujours beaucoup de respect et de soumission pour le dey ; mais il fallait que leur solde fut payée avec exactitude, car le moindre retard à ce sujet exciterait parmi eux une révolte.- La paye n'était pas égale pour tous; fixée d'abord a 8 salîmes ( 1 f. 44 c) pour deux lunes, elle s'accroissait ensuite d'un saune chaque année, jusqu'au maximum de 80 saunes (14 f. 40 c.). Tous les vieux soldats , les officiers et le dey lui-même, ne touchaient que cette haute-paye. Ils devaient se fournir d'habits, d'armes et de munitions ; mais, outre cette solde uniforme, chaque emploi avait des droits sur l'entrée, la sortie des marchandises, l' ancrage des bâtimens, la vente et le rachat des esclaves, etc. L'aga de la milice seul touchait pour ses deux mois de dignité 2,000 pataques-chiques de solde (1,670 f.). Le pays était partagé en quatre divisions politiques; la province de Constantine, a l'est; la province d'Oran , à l'ouest, gouvernées chacune par un bey, d'où venait le nom de beylik, donné à chacune de ces divisions. Les beys étaient des espèces de gouverneursgénéraux, ayant sous leurs ordres des sous-gouverneurs. Le centre formait deux provinces, savoir : celle de Tittery, placée aussi sous le gouvernement d'un bey, et celle d'Alger, gouvernée immédiatement en chef par les officiers de la régence. Le gouvernement algérien avait compris qu'il ne devait point faire un gouvernement militaire du territoire environnant sa capitale; les dangers attachés à ces gouvernemens étant en raison directe du degré d'absolutisme qui régit l' État.— Chaque province, celle d'Alger comme les autres, était subdivisée, pour l'administration et le gouvernement, en districts nommés otans, et confiés à des fonctionnaires nommés kaids. Dans chaque district, les tribus qui le composaient avaient a leur tête des cheiks, commissionnés par le dey, sur la présentation faite au kaïd par les notables habitons, et par le kaïd au dey. Les cheiks, les kaids et les beys étaient révocables; mais un bey remplacé était communément étranglé. On craignait que, s'étant fait dans son gouvernement des partisans et des créatures, il n'y retournât et n'y suscitât des révoltes contre sou successeur. Le beylik de Tittcry avait quatorze kaids. On eu comptait neuf dans la province d'Alger, dont cinq dans la montagne, et quatre dans la plaine. La grande province de Constantine en avait de trente à quarante. Celle d'Oran à peu près autant.

ADMINISTRATION ACTUELLE. Le général commandant en chef le corps d'occupation est le chef supérieur des administrations civiles et militaires d'Alger. Toutes les affaires importantes sont soumises à un conseil d'administration, composé : Du général en chef, président; Du général commandant en second, vice-président; Du général commandant la place d'Alger; Du commandant de la station navale; De l'intendant civil; De l'intendant militaire; Du magistrat le plus élevé dans l'ordre judiciaire; Et do l'inspecteur général des finances. Ces autres chefs des divers services administratifs peuvent y être appelés par le commandant en chef, mais ils n'ont que voix consultative. MILITAIRE. Le général commandant en chef réside à Alger. Il y a a Oran et à Boue un général commandant.—L'intendant militaire, le directeur d'artillerie et le directeur des fortifications habitent Alger. — Outre Alger, Bone et Oran, cinq forts ou points fortifies ont des chefs particuliers; cc sont : fort de l'Empereur, fort Bab-Azoun, Cassaubah, fort des Vingt-Quatre, et Pointe-Pescade.—Le grand prévôt do l'année, le bey de Tittcry et l'aga des Arabes résident à Alger.

Armée d'occupation. — Elle était (en 1831) de 749 officiers et 17,190 sous-officiers et soldats : total , 17,939 hommes et 1,413 chevaux. — Les bouches à feu qui arment les batteries d'Alger et des forts, s'élèvent à environ 600 pièces en bronze et cm fer. MARITIME. Il y a à Alger un capitaine do vaisseau commandant la station navale, et un directeur du port. —— A Oran, un capitaine du port. •Station naval,:. — Elle a été composée, en 1831, de 10 bâtimens delà marine royale : 1 corvette, 5 bricks, 1 bombarde, 2 corvettes de charge, 1 gahare. — Dans la même année, 29 bâtimens ont reçu des destinations temporaires pour Alger; savoir : 3 vaisseaux, 9 frégates, 6 bricks, 4 corvettes-avisos, 1 bombarde, 3 bateaux à vapeur, 2 gabares et un transport. .CIVILE. —-Il y a à Alger : un intendant civil, un commissaire du roi près la municipalité, un commissaire de police générale,

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un inspecteur général des finances et un sous-inspecteur, un directeur des domaines et des droits-réunis, uu inspecteur des douanes, et un ingénieur des ponts et chaussées.— A Oran : un sous-intendant civil, un commissaire royal près la municipalité, un ingénieur civil, et des agens de l'administration des domaines et des douanes. — A Bone : l'administration est établie sur le même pied. Il y a de plus un agent consulaire pour la pêche du corail à Biserte. JUDICIAIRE. — La justice entre Européens est administrée à Alger par une cour de justice, un tribunal de police correctionnelle, et une justice de paix. — La cour de justice juge en dernier ressort toutes les causes en matière civile et commerciale qui ne dépassent pas la somme de 12,000 francs en principal. Pour celles qui dépassent cette somme, la cour royale d'Aix (Bouchesdu-Rhône) est tribunal d'appel. — Les affaires criminelles entre Français sont instruites par la cour de justice, mais les prévenus sont renvoyés en France pour y être jugés. —- Les crimes commis par les naturels du pays, sur les personnes et propriétés françaises, sont justiciables des conseils de guerre. — Il y a à Boue et à Oran un juge royal. T ribunaux musulmans.Ces tribunaux continuent à juger d'après le Koran les procès des Maures et des Arabes entre eux. — Le mufti et le cadi des malekia ; réunis au mufti et au cadi des hanefia, forment ce qu'on appelle le medjelès, ou cour d'appel des Musulmans. — On porte devant ce tribunal les appels des jugemens rendus par les cadis. Le mufti maleki préside l'assemblée. Les maleki et. hanefi sont deux sectes musulmanes qui existent à Alger. Les Turcs et leurs descendans sont hanefi, et les Maures maleki. — Les cadis jugent eu première instance les affaires entre Musulmans, tant an civil qu'au criminel. — Les causes entre les Musulmans et les Juifs sont portées par-devant le cadi maure, à charge d'appel par-devant la cour de justice. — « On sait, dit M. Pichon, comment se rend la justice musulmane; elle est toute orale. Les demandes et les exceptions se prouvent par titres et par témoins; les citations comme les comparutions sont instantanées et personnelles. Les jugemens sont prononcés et écrits sur des registres tenus par des kodjas (scribes) du cadi, qui juge assisté d'assesseurs instruits dans la loi et la jurisprudence. J ai emporté le regret de n'avoir assisté qu'à une audience, ou j ai vu régner beaucoup d'ordre et de décence. » Tribunal israèlite. — Il connaît, en dernier ressort, des causes entre Juifs, tant au civil qu'au criminel; il est composé de quatre membres. RELIGIEUSE. — Culte catholique. — Un vicaire apostolique doit être chargé de diriger à Alger toutes les affaires religieuses, mais il n'y est pas encore installé. Depuis l'occupation, on a ouvert à Alger une église catholique. Culte israèlite. — Les Juifs ont 17 synagogues à Alger. Culte musulman. — On compte encore à Alger, défalcation faite de celles qui ont été prises pour le service de l'armée, 57 mosquées, qui se divisent en grandes et petites. Les grandes, qui ont des minarets pour appeler à la prière, sont consacrées au culte public. Elles sont au nombre de sept. Les petites mosquées sont des oratoires privés. Le pavé des mosquées est recouvert de nattes où s'asseyent les Maures. Au milieu dos grandes mosquées se trouve une chaire élevée de quelques marches et entourée d'une balustrade, où, les vendredis, montent les muftis et les imans pour exhorter le peuple a la piété et aux bonnes mœurs. Les Musulmans, lorsqu'il font leurs prières, ont toujours le visage tourné du côté de la mosquée qui regarde la Mecque, et qui s'appelle Kiblah. A la partie opposée sont les minarets, du haut desquels les crieurs annoncent au peuple les heures de la prière. INSTRUCTION PUBLIQUE. ——Ecoles françaises. — Il y a à Alger deux écoles françaises et un pensionnat de jeunes demoiselles. Ecoles musulmanes. — Ou trouve dans tous les quartiers des écoles pour les enfans musulmans dont les maîtres se nomment hodjia ou écrivains, et où les élèves ne reçoivent d'autre instruction que la connaissance de divers passages du Koran, et de l'usage des caractères arabes. La méthode qui y est suivie se rapproche beaucoup de l'enseignement mutuel. Chaque enfant est pourvu d'une planchette sur laquelle il écrit avec de la craie. Un verset du Koran est transcrit par l'un d'eux sur sa planchette eu très grands caractères, et les écoliers copient cette leçon en s'aidant mutuellement à connaître et à former les lettres du texte - le verset est ensuite récité à haute voix au maître, qui, assis dans un coin (le la salle d'étude, tient en ses mains une longue baguette avec laquelle il maintient l'ordre et l'attention parmi ses écoliers. Les enfans, comme on le voit, apprennent ainsi à lire et à écrire s,mu tanément. Il y a de semblables écoles pour les filles, dirigée» par des femmes. SOCIÉTÉS SAVANTES ET AUTRES. — Il y n à Alger une Société coloniale formée dans le but de s'occuper des intérêts agricoles, industriels et commerciaux du pays. Cette société, qui répond


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FRANCE PITTORESQUE. — ALGER.

parfaitement au motif de son institution, a publié, en 1832, un Annuaire de l'Etat d'Alger, où nous avons trouvé de précieux renseignemens. Il est a désirer qu'elle donne suite à cet utile travail. Une autre société, la Société philharmonique, parait destinée a répandre dans le pays le goût de la bonne musique. Fondée vers la fin de 1830, elle se compose d'une quarantaine de jeunes gens appartenant pour la plupart aux administrations civiles et militaires, qui, tous les mois, donnent un concert auquel chaque membre a droit d'inviter quatre personnes, et où sont exécutés à grand orchestre, avec beaucoup d'ensemble et de précision, les morceaux les plus remarquables de la musique européenne. Grâce à cette société, les chefs-d'œuvre de Mozart, Rossini, Boïeldieu, Hérold, Auber, etc., trouvent maintenant à Alger des admirateurs.

par les indigènes un grand avantage sur celle par les Européens, c est qu un colon allemand ou français a besoin d'un salaire journalier de 2 fr., tandis qu'un cultivateur maure se contente de 25 cent. On a la certitude que toutes les productions de la France pourraient être tirées du territoire d'Alger, et qu'il serait même possible, dans certaines parties, d'y naturaliser les productions tropicales, pour lesquelles la France est tributaire de ses colonies ou de l'étranger, telles que le sucre, le café, le coton, l'indigo, le thé, le poivre, etc. Tous les essais de colonisation tentés jusqu'à ce jour n'ont eu aucun résultat favorable. Les événemens militaires, le climat, le manque de bras en sont sans doute la principale cause; il y avait aussi folie à appeler, sur un territoire découvert et insalubre POPULATION. comme la Metidja, des colons, avant de leur avoir assure des Le Journal des Sciences militaires évalue et répartit ainsi la po- abris et des moyens de défense; aussi a-t-on été obligé d'évacuer pulation de la régence d'Alger. la ferme modèle et la maison carrée. Maures et Arabes (cultivateurs et ouvriers). 1,200,000 Ce qui a nui aussi beaucoup aux projets des colonisateurs, c'est Arabes indépendans l' erreur où la plupart sont tombés, d'après l'exagération des éva400,000 Berbères ou Kabyles luations du domaine, que le territoire algérien pouvait appartenir 200,000 Juifs 3o,ooo au premier occupant. Depuis la révolution, on a l'habitude en Turcs et renégats 20,000 France de considérer les biens du clergé comme propriétés naKolouglis. . . 20,000 tionales; et la plus grande partie des terres de la régence appartenant aux mosquées et aux corporations religieuses, on avait Total. 1,870,000 pensé qu'elles étaient de droit la propriété du domaine, et que le Shaler donne une évaluation qui ne dépasse pas un million d'habitans; — Boutin en présente une encore plus faible; d'après gouvernement pouvait en disposer en faveur des colons qu'il lui lui, la population des lieux habités ne s'élève pas à 173,000. — plairait de favoriser. Les terres à Alger comme eu Turquie ont M. Pichon, qui a été à portée par ses fonctions de bien apprécier bien l'air d'appartenir aux mosquées ou aux fondations charitala question, offre un total supérieur à celui du Journal des bles, mais ce sont réellement des propriétés particulières, de véSciences militaires, puisque, malgré l'émigration, suite de la con- ritables substitutions, qu'on appelle vacoufs en turc, et habous quête, il évalue la population à 2,000,000, dans lesquels les Eu- en arabe. Un propriétaire maure, afin de mettre ses biens à l'abri ropéens, en excluant l'année et l'administration, ne doivent figu- des confiscations, si communes sous les gouvernemens despotirer que pour 4,021. La population européenne, au 1er juin ques, léguait ses biens au clergé, à charge de substitution à ses i832, se divisait comme il suit : 1,927 Français; 421 Anglais enfans nés ou à naître, ces biens ne devaient appartenir irrévoca(presque tous Maltais); I,O52 Espagnols; 281 Sardes; 234 Alle- blement au légataire que dans le cas d'extinction de la lignée masculine. Les biens ainsi substitués forment la majeure partie mands; 70 Toscans; 36 Napolitains. de ceux que le domaine a séquestrés, et qu'il sera forcé de rendre GARDE NATIONALE. aux légitimes propriétaires aussitôt que l'esprit de justice aura On a créé à Alger, en I83I , lors de l'expédition de Belida , un repris ses droits. Les Maures et les Arabes s'entendent parfaitement à l'arrosebataillon de garde nationale, habillée, année et équipée comme la garde nationale française. Ce corps, composé d'Européens do- ment des terres ; leurs travaux pour la conduite des eaux auraient miciliés à Alger, est fort d'environ 5oo hommes, et commandé mérité d'être entretenus, mais l'incurie naturelle au soldat les frappe de dégradation journalière, et si l'administration supépar un négociant français, ancien officier de la grande armée. rieure d'Alger n'y porte remède, avant peu d'immenses et fertiles plaines qui environnent la capitale de la régence, deviendront RECETTES ET DEPENSES. arides et infécondes par la destruction des canaux d'irrigation. Le trésor publie a reçu de l'État d'Alger, en I83I, En 1832, on a été obligé d'importer du dehors le blé nécessaire Domaines 273,434fr. 37 c. à la nourriture des hommes, et le foin destiné à celle des cheDouanes et octroi 82 439,084 vaux. Ce fait peut donner une idée du misérable état agricole de Droits affermés : Introduction des blés. . 16,733 3o la régence d'Alger. Monopole des cuirs. . . . 25,933 34 Vente de blés (réserve de la ville) 49,102 77 INDUSTRIE COMMERCIALE. Produits divers, patentes, amendes, etc. . 11,388 59 L'industrie commerciale est nulle; les exportations, en 1831,se Total des revenus locaux d'Alger. . 815,677 fr. 19 c. sont composées de débris de métaux, vieux cuivre, vieux fer, Subside du bey de Tripoli 260,000 » de quelques futailles d'huile (900 environ), de cuirs, de laines Droits sur la pêche du corail 5o,ooo » en petite quantité, et de cire.— La pêche du corail a fourni un Total des recettes faites à Alger. 1,125,677 fr. 19 c. faible aliment au commerce, elle a été peu productive. Quant aux importations, Alger a dû tirer d'Europe tout ce qui était nécesL'occupation d'Alger a coûté à la France, en 1831, saire à sa consommation. — Il y a maintenant à Alger une impriDépenses militaires 14,759,365 fr. 37 c. merie arabe dont l'établissement est dû aux soins de M. Pichon ; Dépenses civiles 692,059 29 une lithographie établie par un peintre italien, et deux librairies Dépenses delà marine (par approximation). 8,000,000 » ou cabinets de lecture français. Il s'imprime à Alger, en arabe et Total 23,451,24 fr. 66 c. en français, un journal hebdomadaire intitulé le Moniteur algérien.

BUDGETS TURCS ET FRANÇAIS. En 1822, le budget du gouvernement du dey présentait : En dépenses, un total de 809,000 piastres fortes. 4,295,000 fr. En recettes, un total de. . 434,800 2,174,000 Le déficit annuel, sous la 2,121,000 fr. régence, était donc de.. . . D'après M. Pichon, le budget de recettes de la régence pour 1,402,848 fr. Boue, Oran et Alger, pour 1882, s'élève à 1,298,848 fr. Et les dépenses civiles [seulement) à

INDUSTRIE AGRICOLE. Les méthodes de culture des Maures ne sont pas aussi mauvaises qu'il a plu à l'administration française et aux écrivains partisans de la colonisation de le supposer. On oublie que ces peuples se composent en partie des descendons des Maures d'Espagne, qui avaient porté l'agriculture des royaumes de Grenade et de Murcie a un degré de prospérité auquel les Espagnols modernes n'ont pas encore pu atteindre. Il est certain que les instrumens de labourage et do culture usités dans la régence d'Alger sont mal établis, insuffisans, misérables, et que tout s'y fait à force de bras;.mais ce qui donnera encore long- temps à la culture

BIBLIOGRAPHIE. La prise d'Alger a donné lieu à une foule de publications sur la régence. Les brochures et livres publiés depuis 1830, sans compter les ouvrages poétiques, dépassent le nombre de 110. Ils peuvent se diviser comme il suit : géographie et statistique, 24 ; histoire , 13; guerre, 24 ; objets divers, réflexions, etc., 49. Nous nous contenterons de citer quelques-uns de ceux qui renferment des renseignemens statistiques et géographiques. yoyage de Shalcr, in-8. Paris, 1830. Aperçu, etc., sur l'Etat d'Alger (publication du ministère de la guerre), in-12. Paris, 1830. Notice sur Alger (Ann. des Voyages) , in-8. Paris, 1830. Cotes maritimes d'Alger [A nn. des V), in-8. Paris, 1830. / oyage a Alger, etc. — Observations sur les plantes d'Alger, par Desfontaines [Ann. des V.), in-8. Paris, 1830. Nécessité de la colonisation d'Alger, etc., in-8. Paris, 1832. Annuaire de l'Etat d'Alger, in-18. Marseille, 1832. Voyage dans la régence d'Alger, par Rozet ; in-8. Paris, 1833. Alger tous la domin. franc., par le baron Pichon ; in-8. Paris, 1833. Doser, du Panorama d'Alger, par A. Jal ; in-8. Paris, 1833.

Paris. — Imprimerie et Penderie de RIGNOUX et Comp., rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel, n.

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FRANCE PITTORESQUE. Sénégal et Gorée. (Colonie française en Afrique.) HISTOIRE. Eps côtes occidentales de l'Afrique, explorées par

les Phéniciens et par les Carthaginois, furent aussi connues des Romains, mais aucun de ces peuples n'y fonda d'établissements. — Parmi les peuples modernes ( et contrairement à l'opinion reçue qui attribue aux Portugais et aux Espagnols les premiers voyages au Sénégal et au cap Vert) ce sont les Français qui ont les premiers fréquenté ces parages. — On sait qu'on doit aux Normands la première conquête des îles Canaries. — D'autres Normands, habitants de Dieppe, firent aussi les premières expéditions au Sénégal. Ces expéditions datent du milieu du XIVe siècle. La plus considérable, entreprise par des négociants de Rouen réunis à des marins de Dieppe, est de 1365. — lis formèrent, depuis l'embouchure du Sénégal jusqu'à Sierra-Leone, des comptoirs et des entrepôts où les marchands africains trouvaient toujours des agents prêts à acheter leurs denrées, et les vaisseaux français des cargaisons prêtes à exporter. C'est de cette époque que datent les établissements du Sénégal, de Rufisque , de Gorée , de la Gambie et de Sierra-Leone, et ceux de la côte de Malaguette, qu'on appelait le Petit-Paris et le Petit-Dieppe. — Les marins normands s'étendirent même plus au sud. —En 1382, ils élevèrent des forts à la Mine d'Or, sur la côte de Guinée, à Acra et à Cormentin. Ce commerce procura à Dieppe des profits immenses : c'est alors que prit naissance dans cette ville l'industrie du travail de l'ivoire, pour lequel elle est encore célèbre. — La prospérité des entreprises maritimes fut arrêtée par les guerres civiles et étrangères qui marquèrent la lin du règne de Charles VI et le commencement de celui de Charles VIL Le commerce d'Afrique fut abandonné au xive siècle. — Les comptoirs , pour lesquels on avait fait de si grands sacrifices , devinrent alors, à l'exception de l'établissement du Sénégal, la proie des Portugais, des Espagnols, puis des Anglais et des Hollandais. Les Portugais, favorisés par la bulle papale qui leur concédait les terres qu'ils pourraient découvrir au-delà du cap Bojador, furent au nombre des plus ardents spoliateurs de notre commerce dont les établissements et les comptoirs servirent de points de départ ou de relâche «leurs voyages de découvertes.—L'établissement du Sénégal végéta pendant deux siècles. — En 1626, le commerce d'Afrique reprit quelque activité.—Jusqu'en 1664, il resta tout entier entre les mains des marchands associés de Dieppe et de Rouen, qui, sans intervention aucune du gouvernement, faisaient administrer la colonie par un directeur de leur choix , et pourvoyaient directement à la défense de leurs comptoirs.— On ne remarquait pas que, privés du patronage du gouvernement , ces établissements commerciaux périclitassent; l'intérêt particulier étant sans doute un aussi sage protecteur que la suprématie administrative. — La conduite loyale des négociants dieppois avait acquis à la France l'estime et l'affection des peuplades africaines, leur réputation de probile s'était étendue au loin dans l'intérieur, et la tradition l'a conservée jusqu'à nos jours. Nous trouvons dans une lettre écrite, en 1786, par le prince de Calam , à M. Durand, directeur du Sénégal, ce passage ; «On te regarde comme un descendant des anciens Français , qui étaient justes , tenaient leur parole

T. III. — 34.

et ne disaient que la vérité. » — En 1664, la compagnie des Indes occidentales fut créée, et acheta aux négociants normands, pour 150,000 livres, tous leurs établissements d'Afrique. Depuis lors jusqu'en 1719, six compagnies, qui portèrent les noms de compagnie d'Afrique, compagnie du Sénégal, compagnie de Guinée, compagnie d'Apougny (nom d'un des directeurs), compagnie d'Occident, se succédèrent avec des chances diverses dans l'exploitation du privilège du commerce sur la côte d'Afrique.—La compagnie des Indes, fondée ou restaurée par le fameux Law, acquît en 1719 tous les droits, privilèges, établissements, forts et comptoirs du Sénégal pour la somme de 1,600,000 livres. Elle en- eut exclusivement l'administration civile et militaire. Cette administration fut toujours douce et paternelle, parce qu'elle fut confiée à des gens sages, instruits et laborieux. Les directeurs, nommés par la compagnie, surent profiter des fautes de leurs prédécesseurs , de la protection du Roi, et firent de grandes entreprises, qui toutes réussirent. Us eurent soin d'entretenir la paix et l'union entre les différents peuples du pays.—La compagnie des Indes administra le Sénégal pendant plus de 40 ans; elle eut à son service des hommes distingués par leurs lumières et par leur zèle ; et n'étant jamais contrariée dans ses vues, elle fit beaucoup de bien. — Sur les côtes et dans l'intérieur de sa concession , elle,fonda ou releva plusieurs établissements : Arguin et Portendick , sur la côte; Saint-Louis et Podor, sur le Sénégal; SaintJoseph et Saint-Pierre, au royaume de Galam; Gorée, Joal, Albreda , sur la rivière de Gambie ; Bintam, sur la rivière de Gérèges. Tous ses comptoirs étaient bien tenus, et donnaient de grands produits. — La guerre ruina sa prospérité. — Les Anglais prirent Saint-Louis et le Sénégal en 1758.— Les Français y rentrèrent vingt ans après, en 1779, pour s'en voir dépouiller de nouveau pendant les guerres de la Révolution, et ne les recouvrer qu'en 1814. — Gorée, que les Français avaient repris en 1677 sur les Anglais, qui avaient enlevé celte île aux Hollandais, a toujours suivi depuis le sort du Sénégal. Un traité de 1783, que n'a pas sensiblement modifié le traité de 1815, règle les droits respectifs des nations française, anglaise et portugaise sur la côte occidentale d'Afrique. CARACTÈRE,

MŒURS, ETC.

Le Sénégal est plutôt une colonie d'entrepôt qu'un établissement agricole. Les Français qui s'y trouvent y vont rarement avec l'intention de s'y fixer. Des intérêts commerciaux les y conduisent et les y retiennent, mais ils ne consentent jamais à s'y établir définitivement. Le climat et le pays leur sont également desagréables Les mœurs des Européens établis à Saint-Louis ou à Gorée ne peuvent donc présenter aucune particularité bien tranchée, bien originale. La partie de la population blanche qui u appartient pas a la classe des employés du gouvernement, se compose d'hommes ardents, aventureux , intelligents, empressés de faire fortune et redoutant peu les dangers cl les fatigues pour y parveDans les premiers moments qui suivent leur nir. arrivée d'Europe, ils laissent voir aisément toute l'activité naturelle dont ils sont doués; mais bientôt après, la chaleur du climat abat cette force exubérante et mobile. Pour que leur activité reparaisse momentané"


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FRANCE PITTORESQUE. — SÉNÉGAL.

ment, il faut qu'elle soit stimulée par l'ardeur et par l'espérance du gain. — Les passions exercent sur eux un grand empire. Ils s'y livrent sans retenue. Leurs mœurs sont très relâchées. Quelques-uns cachent leurs débordements sous le titre de coutumes du pays. Parmi les coutumes, il en est une assez caractéristique; c'est celle des unions temporaires que les femmes du Sénégal qualifient de mariages, et dont la plupart des Européens s'accommodent très volontiers : « L'union d'un blanc avec une fille noire ou mulâtre, établit une convention d'une nature tout-à-fait particulière. Elle n'est pas indissoluble. Une absence trop prolongée ou une mutuelle incompatibilité d'humeur, y peuvent mettre fin. Si l'absence ne doit durer qu'un certain temps, la femme restée seule attend patiemment et sans manquer à ses devoirs, le retour de son époux ; elle n'en choisit un autre qu'en cas de mort ou de départ définitif. — Celte union , valable aux yeux des indigènes du Sénégal quoique nulle d'après les lois françaises, ne porte aucune atteinte à la réputation de la femme.— Lorsqu'un blanc veut se marier, il demande l'agrément des parents de la fille qu'il a choisie, et quand il l'a obtenu, à un jour fixé, la jeune fille, voilée, est conduite par ses amies dans sa maison, où, sans autre cérémonie, un festin et des danses célèbrent le mariage. — La fille ainsi mariée prend le nom de l'Européen et fait les honneurs de sa maison; les enfants qui proviennent de cette union portent le nom de leur père : de là vient qu'on trouve à Saint-Louis et à Gorée plusieurs familles mulâtres dont les noms sont français ou anglais. La femme se croit honorée de partager la couche d'un blanc; elle est soumise, fidèle, reconnaissante, a pour lui les plus tendres soins, et met toute son étude à captiver sa bienveillance et son amour. » Les peuples voisins du Sénégal sont les Maures ( marabouts et autres) et les nègres (Walofs, Fouis, Mandingues , etc). — Les Maures vivent sur la rive droite et les nègres habitent la rive gauche du fleuve. Le Sénégal forme de ce côté une grande ligne de démarcation entre les peuplades africaines. — 11 sépare la Barbarie et les terres voisines du désert de Saharah de la Nigritie proprement dite. Sur une de ses rives, sont les peuples de couleur basanée, au nez aquilin , aux cheveux lisses, au tempérament sec; sur l'autre, les hommes noirs, à face épatée, à cheveux crépus, à peau huileuse. — Le Sénégal est ainsi une des limites posées entre les races humaines. — Par une singularité remarquable, c'est au milieu de son cours , dans une île en dehors des deux pays , que la race blanche a élevé ses habitations. Diverses tribus de Maures, parmi lesquelles on distingue les Trarzas, les Braknas, les Daouilchs, les Darmankours, habitent sur la rive droite , les contrées infertiles qui séparent le Sénégal du désert de Saharah. — Ces Maures vivent, sous des tentes faites d'une étoffe épaisse et impénétrable à la pluie, que fabriquent leurs femmes avec le poil des chameaux grossièrement tissu. — Chaque tente est ovale et soutenue par un ou deux piquets, un des côtés est toujours ouvert. Quelquefois l'intérieur est divjsé en deux ou plusieurs pièces par de petites cloisons. D'un côté les Maures mettent les équipages de leurs chevaux et les ustensiles de leur ménage : ils couchent de l'autre. Leur lit ne se compose que d'une natte recouverte d'un cuir, teint de couleurs variées, et dont la superficie est ornée de dessins et d'arabesques variés. Tous ces ornements, d'assez bon goût, sont l'ouvrage des femmes, qui , par habitude ou par nécessité, sont fort laborieuses ; les hommes, lorsqu'ils ne vont point à la guerre, ne font que dormir ou fumer. Toute une famille couche sous la même tente, père, mère, enfants grands et petits, tous dorment pèle-mêle, sur lamême natte. — Les jeunes filles vont absolument nues jusqu à l' âge ou elles deviennent nubiles. Les jeunes garçons jusqu'à ce qu'ils aient été circoncis. Les Maures élèvent de nombreux troupeaux ; c'est mime en cela que consiste toute leur richesse. Leurs

chevaux sont excellents ; ils les soignent beaucoup et ne les montent que pour aller à la guerre. Dans leurs voyages ils se servent de bœufs et de chameaux ; les bœufs sont de préférence la monture des femmes. Ces bœufs porteurs ont de chaque côté un panier attaché à une espèce de selle. La mère se met dans un de ces paniers, dans l'autre quelque vieillard ou les enfants. La forme du gouvernement des Maures est très simple. Ils ont pour chef immédiat le chef de leur tribu. Comme ils font remonter leur origine à la révolution qui a détruit l'empire des Kalifes, ils se prétendent d'origine arabe, et rattachent le nom de chacune de leurs tribus a celui des premiers chefs de famille qui sont venus chercher dans les déserts de l'Afrique un refuge contrôles vainqueurs.— Les scheiks des tribus pauvres se soumettent, quand ils se sentent trop faibles, au chef d'une tribu plus puissante. Ceux-ci ont ou prennent le titre de prince. Malgré leur rang, malgré leurs richesses , qui les font respecter quand ils n'en abusent pas, ils ne peuvent rien entreprendre sans l'aveu de leur nation ou de leur tribu. Le titre de prince chez les Maures ne donne d'autre prérogative que le droit de marcher le premier à l'ennemi, ou de présider aux négociations. Les Maures professent la religion mahométâne. Ils sont extrêmement superstitieux, et de là leur obéissance sans borne aux volontés des marabouts. Ceux-ci sont à la fois interprètes de la loi de Mahomet, prêtres, médecins et commerçants ; ils sont les seuls qui sachent lire et écrire. Ils conservent cl ils expliquent les traditions du pays. Ils forment un corps hiérarchique avec un chef suprême ou patriarche quia le titre de Seins. Leurs mœurs sont sévères , leur extérieur est réservé, leurs paroles sont mesurées; ils parlent par sentences et paraboles. Les Maures , auxquels ils imposent par l'hypocrisie de leur conduite, ont pour eux un profond respect; mais comme ce sont eux qui font tout le commerce, les Européens les apprécient mieux et les jugent différemment.« Les marabouts, disent nos marchands, sont actifs et intelligents pour le commerce, mais menteurs, trompeurs, avares et voleurs. »—La traite des nègres, qui était autrefois la branche principale de leur commerce, a beaucoup baissé depuis que les Anglais, après avoir rempli leurs colonies des esclaves dont elles pouvaient, avoir besoin pendant un demisiècle, ont persuadé aux peuples auxquels ils rendaient des colonies épuisées et dépeuplées, de renoncer à cet infâme trafics Si pendant leurs voyages, les marabouts, dont le prosélytisme s'est étendu jusque parmi les nations nègres, passent par quelques endroits habités, ils sont accueillis avec respect. On s'empresse de leur donner l'hospitalité : ils se restaurent aux dépens des pauvres nègres ou des Maures profanes, qui les regardent comme des saints ou des prophètes. Les nègres se prosternent pour recevoir l'imposition de leurs mains, et leur font des présents pour en obtenir des grisgris, espèces d'amulettes ou talismans. Ces grisgris sont composés de choses très diverses. Les plus rares sont les griffes d'un lion, la queue d'un éléphant, ou les dents de quelque serpent, mais les plus communs ne présentent que des petits morceaux de papier sur lesquels sont écrits quelques versets du Koran. Les nègres et les mulâtres sont les habitants des possessions françaises; les maures n'y séjournent que momentanément et seulement pour les affaires de commerce. On sait ce que sont les nègres de race pure : nous en reparlerons plus loin. Mais les mulâtresses du pays, qu'on nomme signares (1) ont pour les Européens un attrait tout particulier, et jouent un grand rôle dans la colonie. — Elles sont remplies de grâce; leur voix est douce ; leurs chansons respirent l'amour et la volupté. — Elles se divisent en plusieurs classes, et comptent (1) Signare vient de signora, titre que les Portugals, long-temps habitants de cette partie de la côte d'Afrique, donnent aux dames.





FRANCE PITTORESQUE

Pont suspendu au Sénégal

Fort de Gorée


FRANCE PITTORESQUE. — SÉNÉGAL.

parmi elles de petites maltresses. — Il y a une grande recherche dans leur toilette; elles passent beaucoup de temps à leur coiffure; elles se noircissent le bord des paupières avec de la tutie, sorte de composition connue dans le pays, et se rougissent les ongles et la paume des mains. «Leur coquetterie, dit un voyageur, est poussée au point qu'elles ont, en travaillant, un petit miroir devant elles pour repaître leurs yeux de leur propre image. » Leur costume, quoique d'ailleurs simple et commode, est très dispendieux : il consiste en une grande pagne de coton ou de laine, dont elles s'entourent depuis la ceinture jusqu'aux pieds, et en une autre pagne ou châle, qu'elles jettent négligemment sur leurs épaules. Leur chemise est de toile line, Pour chaussure elles ont des babouches de maroquin brodé. Autrefois leur coiffure se composait de mouchoirs des Indes ou de batiste qu'elles roulaient en forme de spirale pyramidale, de sorte qu'elles paraissaient porter sur leur tète une tiare avec sa triple couronne. Aujourd'hui elles se contentent d'un riche madras qu'un bandeau doré relient sur leur front. Leurs mains, leurs bras, leurs oreilles sont chargés de joyaux d'or artistement travaillés en filigrane, par des orfèvres nègres. Quelquefois, suivant l'usage mauresque , leur collier est formé de pièces d'or enfilées par le milieu ; elles portent ainsi des sommes considérables, en séquins, en louis, en quadruples, en cruzades, ou en souverains, et ces ornements de leur jeunesse suffisent pour leur assurer une aisance suffisante dans leur vieillesse. — Elles ne sortent jamais seules; lorsqu'elles quittent le seuil de leurs maisons elles sont accompagnées de plusieurs esclaves, dont une porte un parasol sur leurs têtes. Ces esclaves sont habillées depuis les hanches jusqu'aux pieds, mais elles ont la partie supérieure du corps nue et ornée seulement de ceintures, de brassières, de colliers de verre, de corail, d'ambre, et de grelots d'or et d'argent. Le mélange de ces couleurs vives et variées , sur leur peau d'ébène , produit un effet pittoresque. Les nègres du Sénégal sont tous très hospitaliers, et paraissent fort honorés lorsqu'un blanc vient s'asseoir à leur foyer. Leur manière de vivre est d'ailleurs très frugale : leur nourriture consiste presque en un seul mèt que l'on nomme couscous, fait avec du millet (dongoub-nioul ou penicillaria spicata) réduit en farine dans tin mortier de bois , et vanné sur de petits paillassons nommés loyaux. Ce couscous se fait cuire à sec, au bain marie, ou dans un vaisseau percé à jour qui couvre le vase où cuit la viande ou le poisson dont le bouillon doit servir à l'assaisonner. Les deux vases sont hermétiquement bouchés, afin que la vapeur des viandes ou des légumes pénètre complètement la farine, qui acquiert ainsi un goût agréable et forme une nourriture saine. Quand le couscous doit être mangé tout de suite, on l'arrose avec du bouillon; quand on veut le porter en voyage on le fait sécher au soleil, et il se conserve long-temps, pourvu qu'on le tienne à l'abri de l'humidité. Les environs du fort Saint-Louis offrent quelques maisons en briques, fort simples et peu considérables, qui sont la propriété de quelques riches habitants ; mais en général les nègres sont logés dans des cases de paille ou de roseau.— Les plus grandes ont douze à quinze pieds carrés ; elles sont couvertes en chaume', et de forme conique. Les nègres les préfèrent aux habitations en pierre ou en terre, parce que l'air passant a travers les roseaux les rend plus saines et plus fraîches. —Voici, à peu près, quelle est la distribution d'une grande case ou d'une réunion de cases renfermées dans la même enceinte, qui forment l'habitation d'un nègre riche. A l'entrée, se trouve la case du maître , derrière laquelle est un petit réduit où les femmes se baignent; a coté sont la cuisine et h: magasin, autour sont les cases des esclaves. Le tout est enclos par une palissade en roseau* ; devant la case du

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maître , on remarque un petit trottoir un peu élevé aidessus du sol, derrière ou aux environs se trouve un petit jardin , où l'on cultive quelques légumes d'Euro; e ou d'Afrique. Les pauvres n'ont que deux cases; l'une pour la cuisine , l'autre pour coucher toute la famille. Les lits des Sénégallais ne se composent que d'une cla e légère, posée sur quatre piquets à huit ou dix pouces de terre, et recouverte par un cuir de bœuf cru, eu par la peau de quelque animal féroce. — Pendant la nuit, un feu est toujours allumé dans la case où ils couchent, tant pour garantir du froid que pour chasser les moustiques et les maringouins. Les habitants du Sénégal sont hardis et courageux.— Dans toutes les circonstances ils se sont toujours montrés très dévoués aux Français, qu'ils considèrent avec quelque raison comme leurs amis, leurs frères ou leurs pères. — Mais ils sont généralement raisonneurs et mutins, et sauf ce dévouement en quelque sorte instinctif, les relations qui leur sont le plus favorables les représentent comme également incapables d'une haine déterminée ou d'un attachement profond. Quatre états considérables, habités par des nègres, occupent les rives du Sénégal, depuis la Barre jusque dans le Felou : ce sont les royaumes de Cayor et de Walo, l'empire électif des Fouis, et la république desSaracolets. Les nègres des royaumes de Walo et de Cayor, qu'on appelle Walofs ou Yolofs, sont peut-être les plus beaux hommes de la Nigritie ; leur taille est au-dessus de la médiocre; ils sont bien faits et vigoureusement constitués, forts, robustes, d'un tempérament qui résiste à la fatigue; leurs cheveux sont noirs-, frisés, cotonneux et d'une finesse extrême. Ils ont les yeux noirs et bien fendus , peu de barbe , les traits du visage assez agréables. Leur peau, qui est d'un très beau noir, est souvent luisante. — Les femmes ont à peu près la même taille que les hommes : elles sont bien faites; leur peau est d'une finesse extrême. Elles ont les yeux noirs et bien fendus, la bouche et les lèvres petites, et les traits du visage bien proportionnés : on en trouve d'une beauté remarquable. Les Walofs sont les plus indolents de tous les nègres : pour eux, le souverain bonheur consiste à ne rien faire. Ils sont généralement pillards, voleurs et querelleurs. — La chasse et la pêche sont leurs seules occupations; ils ne cultivent pas même la terre pour leurs besoins. La petite quantité de longhans ou champs que l'on rencontre près de leurs villages est travaillée par les esclaves. Autant les Walofs sont paresseux et indolents, autant les Fouis qui habitent le Foula-Toro sont laborieux et remuants. Comme les premiers ils sont querelleurs et pillards, mais ils en diffèrent sous d'autres rapports. Quoique plus grands de taille ils sont assez généralement moins forts; leur peau est d'un noir rougeâtre, et leur visage est moins aplati ; ils ont le nez semblable à celui des maures, ou seulement un peu plus élargi. Ils sont naturellement sales et fort mal vêtus : une culotte courte de guinée bleue, large et lacée, un coussave ou tunique de même étoffe, ou de toile de coton, composent toute leur toilette. — Leurs moeurs domestiques ont beaucoup d'analogie avec celles de leurs voisins; mais leur caractère moral est complètement dissemblable. Loin d'être mous et énervés , ils sont opiniâtres et persévérants. Ils ont les passions vives et cèdent facilement à tout ce qui attire leur envie ou flatte leur amour-propre. Ils supportent, pour obtenir l'objet de leur fantaisie, des fatigues durables, des travaux pénibles; mais dès qu'ils ont atteint ce but satisfaits de peu, le désir d'obtenir davantage cesse aussitôt chez eux. C'est une des races les plus à l'abri des séductions des Européens, qui n'ont pas encore su leur créer des besoins factices. — La principale occupation des rouis est la culture des terres; ils sont presque tous cultivateurs. — L'étendue du terrain que doit occuper chaque village est déterminée par l'aimant), chef


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supérieur du canton, et par les chefs des villages euxmêmes. La portion que chaque famille est appelée à cultiver séparément, est également limitée par ces baromdek ou chefs. Les Fouis travaillent quelquefois en commun aux défrichements et à la culture, et en partagent les fruits après la récolte; mais ces arrangements, qui n'ont lieu qu'entre parents, sont fort rares. La république des Saracolets parait avoir une civilisation plus avancée que les royaumes nègres. Le pays est bien cultivé et planté de beaux arbres. Les hommes sont laborieux, les maisons propres et bien tenues. L'administration du pays est confiée à un conseil des anciens présidé par un chef héréditaire chargé de maintenir la tranquillité publique et de faire exécuter les lois. Les Saracolets sont rigides observateurs de la loi de Mahomet; ils savent tous ou presque tous lire et écrire; ils ont des écoles publiques où les marabouts instruisent les enfants : c'est la nuit et quelques heures avant le jour que les enfants vont à l'école. Leurs leçons sont écrites sur de petites planches de bois blanc. — Les Saracolets ne boivent ni vin ni eau-de-vie ; tous jeûnent exactement le Rhamadan. Ils ont du goût pour l'agriculture; ils sont fidèles, bons et humains; ils s'aiment et se secourent mutuellement; ils prennent des esclaves chez les autres peuples, jamais parmi eux. Leurs concitoyens coupables de quelque crime sont condamnés à l'esclavage et vendus; mais c'est la loi qui prononce la peine. — Us sont moins rigoureux envers les femmes que Mahomet ; ils pensent que si le prophète a pu placer en paradis son chameau, son chat et bien d'autres animaux, les femmes doivent pouvoir y entrer. C'est pour les en rendre plus dignes qu'ils les soumettent comme les hommes à la circoncision. Mais, en leur faisant espérer la béatitude céleste, ils y mettent une condition, c'est qu'elles seront chastes, fidèles et obéissantes à leurs maris. Les Mandingues ou Sosés habitent les rives de la Gambie, aux environs d'Albreda. Ils donnent peu de soin à la culture des terres, qui leur fournissent le riz, le maïs, le mil, quelques cucurbitacées, des ignames, des patates douces, etc.— Sur quelques points on voit de petites plantations de cotonniers, d'indigofères et de tabac, mais ils sont très riches en bestiaux, dont ils mangent la viande, cuite et mêlée au riz et à la farine du mil. — Les Mandingues vivent et s'habillent comme les autres noirs de la cote d'Afrique, mais leurs cases sont mieux bâties ; les murailles en sont faites d'une terre grasse, bien pétrie, fort liante, et qui acquiert en séchant beaucoup de solidité. Ces murs ont une épaisseur d'environ un pied et demi à deux pieds, et sont construits par assises superposées également de deux pieds de haut, qui simulent nos pierres détaillé.— Le dôme qui couvre chaque case est en paille , en roseau ou en feuilles de palmier, etc. ; il descend jusqu'à un second mur à hauteur d'appui, qui forme autour de la case une petite galerie où l'on peut cire à l'abri du soleil et de la pluie. L'intérieur des cases est souvent divisé en plusieurs parties; il est toujours aussi sombre qu'un souterrain, mémo en plein midi, faute d'ouvertures suffisantes.

TOPOGRAPHIE. La partie de la côte occidentale d'Afrique sur laquelle la France a, d'après les traités de 1814, le droit de faire des établissements coloniaux, s'étend depuis le cap Blanc de barbarie (20° 55' 33" latitude N. et 19°55' longitude O. de Paris), jusques et y compris les envi rons de Sierra-Lcone ( 89 11'latitude N. et 15° longitude O. ). Mais la colonie française du Sénégal telle qu'elle existe aujourd'hui, ne se compose que de plu sieurs petites îles et de portions de territoire sur le continent africain. Cette colonie tire son nom d'un grand fleuve sur lequel ses principaux établissements sontsitués. — Elle peut cire considérée comme formant deux arrondissements. — Le premier, qui est le Sénégal proprement dit, comprend les îles Saint-Louis, Babaghe , Safal et Gheber ( toutes sitùées à l'embouchure du Meuve), les divers établissements formés sur le fleuve, les escales ou lieux de marché où se traite la gomme, et la partie des côtes depuis le cap Blanc jusqu'à la baie d'Iof (au cap Vert ). — Le second arrondissement comprend l'île de Goree ( au sud du cap Vert ), et toute la côte depuis la baie d'Iof jusqu'aux points où s'étendent nos relations avec le sud, notamment le comptoir d'Albreda , sur la rive droite de la Gambie. RIVIÈRES. — Les principales rivières de la partie de la cote africaine où la France possède des établissements, sont : le Sénégal, le Bio-Gambie et le Rio-Grande. — Chacune de ces rivières, ou plutôt de ces fleuves , a de nombreux affluents. On appelle au Sénégal marigots, les petites rivières qui se jettent dans le fleuve et même les diverses branches secondaires du fleuve. — La Gain Lie, sous le nom de Diman, prend sa source dans le plateau du Fouta-Toro, et a son embouchure principale dans l'Océan, à 40 l. au S. du cap Vert. — Le RioGrande, dit aussi Rivière des Nalous, a également sa source dans le Fouta-Toro, et se jette dans l'Océan au sud (le Geba, a 00 l. plus bas que la Gambie.— Le Séné gril, appelé aussi Zenaga. prend sa source dans le Fout a Djalon où il est connu sous le nom de Ba-Fing( Fleur eNoir): après avoir arrosé le Fouta-Djalon, baigné le Djalon Kadou, le Banbouk, le Kadjâga, le Kasson , h; Fouta-Toro et le Walo, il se jette dans l'Océan. — Dans la partie inférieure de son cours, il forme un grand nombre d'Iles, parmi lesquelles se distinguent, parleur étendue, celles du Morfyl ( Morphil ou de l'Ivoire), de Bisfeche et de Beyghio (Bequio). — Le Sénégal reçoit un grand nombre d'affluents dans la partie supérieure de son cours cl très peu dans la partie inférieure ; nous citerons parmi ceux de la rive droite, le Kokoro, grossi par le Ba-Oulima. — Ses principaux affluents à gauche sont : le Falémé, qui est le plus grand de tous, et le Nériko, qui établit une jonction temporaire entré le bassin du Sénégal et celui de la Gambie. — Le lue de Kayor, â droite, dans le pays des Maures trarzas, et le lac de Panié-Foul, à gauche, dans le Walo, déchargent aussi leurs eaux dans Je Sénégal. — L'embouchure du Sénégal, dont la posilion varie de quelques lieues du N. au S., se trouve par 18° 52' 40" de longilude, cl environ 15° 5' de latitude. La longueur de son cours cal évaluée â 450 l. Ce fleuve déborde tous les ans comme LANGAGE. le nil. — Il serait navigable pour do grands bâtiments , A Saint-Louis et à Gorée, tous les habitants, hommes si la barre do son embouchure ne leur en défendait et femmes, mulâtres et nègres libres, parlent passa- l'entrée. Ceux qui tirent de dix â onze pieds d'eau , blement. le français; mais la langue usuelle et naturelle peuvent y passer et naviguer facilement, en tout temps, du pays, celle de tous les peuples voisins, est h' walof, jusqu à 80 lieues au-dessus de l'embouchure ;-pendant langue douce et harmonieuse qui se prête à l'harmonie les hautes eaux, ils peuvent remonter à 210 lieues, musicale , et dont les formes grammaticales sont d'une presque jusqu'à la cataracte de Felou. grande simplicité. C'est celle que les Européens qui CÔTES ET RADES. — La côte, depuis le cap Blae jusveulent trafiquer dans le pays doivent apprendre. qu'à l'embouchure de la Gambie, présente peu de rades Les tribus maures de la rive droite du Sénégal em- sures. — La rade de la barre de Saint-Louis est la plus ploient dans leurs traités et leurs conventions la importante ; celle de Corée offre un bon mouillage ; mais langue arabe, qui est leur langue naturelle; mais elles elle n'est tenable que pendant huit mois de l'année. — se servent aussi du langage walof pour leurs trans- La rade d'Arguin est peu connue et rarement visitée ,' on actions commerciales. la dit même impraticable; cependant elle a été autre-


FRANCE PITTORESQUE. — SÉNÉGAL. lois très fréquentée par les Portugais, les Hollandais et les Français, qui la visitaient avec des bâtiments de grande dimensions, et même des vaisseaux de 50 canons. — L'entrée et la tenue de la baie de Portendick sont très difficiles. — La rade de Joal est saine et vaste, mais elle a peu de fond. — On trouve près de Gorée les deux petites anses de Dackar et de Khann, dont le mouillage est assez bon. Cette dernière possède des puits qui servent d'aiguade aux navires. ILES. — L'île Saint-Louis, où se trouve situé le cheflieu de nos établissements sur la côte d'Afrique, est un banc de sable formé par le Sénégal. — Sa distance de la mer varie de 3 à a lieues, l'embouchure du fleuve étant mobile. — Cette île est située par 16° 0' 48" de latitude nord et par 18° 53' 6" de longitude ouest (méridien de Paris). — Sa longueur du nord au sud est de 2,300 m., sur une largeur moyenne de 200. La côte, vers l'est, est d'un accès facile aux bâtiments : à l'ouest, les abords sont envasés. — L'Ile, dans sa partie qui n'est pas occupée parles constructions, est aujourd'hui défrichée, assainie et entièrement dégagée des palétuviers dont elle était originairement couverte. — L'île Babaghé, dont la longueur est de 3,700 mètres, sur une largeur moyenne de 220, est située à quelque distance de SaintLouis. Son sol, plat et sablonneux , présente cependant quelques dunes de 12 à 15 pieds d'élévation, qui en détruisent l'uniformité. La partie de l'Ouest , bordée par la plus grande largeur du fleuve, est d'un accès facile : l'autre bras n'a que peu de profondeur. Une partie de l'île est encore couverte de palétuviers : dans l'autre on récolte un peu de mil et de coton. — L'île Safal est de même nature que la précédente. Sa longueur, du nord au sud, est de 3,500 m., sa largeur moyenne de 310. Il y existe une plantation de cotonniers. — L'Ile Ghéber, située dans le marigot ou petit bras du fleuve, derrière Babagha la forme circulaire ; son diamètre est de 180 m.; elle est susceptible de culture.— L'île de Corée, nommée Bir par les indigènes, est située par 14° 40' de latitude nord, et 19° 45' de longitude ouest, à Une demi-lieue du cap Vert. Sa longueur du sud au nord, est de 880 m.; sa largeur moyenne, de 215 m., et sa circonférence de 2,200 m. La partie principale de l'ile, au nord, élevée de 0 m. au-dessus du niveau delà mer, est bordée de rochers , et présente au nord-est une petite anse qui sert de débarcadère, et qui se nomme le Port. C'est de ce côté qu'est située la ville. — La partie du sud est une montagne qui s'élève à pic de la mer, à 160 m. ; sur une base de rochers, et qui s'appuie à l'ouest, sur des colonnes basaltiques, disposées en tuyaux d'orgue. — Sa base occupe une circonférence d'environ 600 m. — Il n'existe pas de volcan à Gorée ; mais les substances volcaniques répandues sur la montagne et sur le rivage; baigné par la mer, prouvent que cette île a été produite par une violente révolution volcanique , qui l'a probablement séparée du cap Mamel, un des contre-forts du cap Vert. — Les des de. la Madeleine, sont une dépendance de Gorée : elles consistent en une réunion de rochers, séparés les uns des autres par des canaux peu profonds. L'aspect de ces rochers et leur composition sont semblables à eeux de Gorée et du cap Mamel, et annoncent une origine volcanique. SALINES. — LACS DE NATRON. — Près de l'embouchure du Sénégal, se trouvent les étangs salins de Candiote, qui fournissent une quantité de sel supérieure à celle que peuvent consommer la colonie et le commerce avec l'intérieur de l'Afrique, où cette denrée est un objet d'échange avantageux. Ces étangs ont environ 600 m. de longueur sur 200 de largeur; l'eau dont ils sont remplis est tellement surchargée de sel, qu'elle en rend le tiers de son volume. Elle couvre le sol d'une croûte qui a quelquefois plus d'un pied d'épaisseur, et qui se renouvelle chaque année. Go sel est blanc, et égalerait les meilleurs produits de ce genre s'il était épure. L'existence des étangs de Gandiole «si un phénomène qui

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reste encore à expliquer. Ils sont séparés de la mer et du fleuve par un banc de sable couvert de dunes et de 1,000 mètres de largeur, et ne sont jamais entièrement a sec. La hauteur de leurs eaux ne varie pas avec les marées. Elles n'augmente qu'à l'époque des pluies. — Il existe encore dans le pays de Walo plusieurs salines naturelles, produites par les dépôts que laissent eu s'évaporant les eaux qui ont parcouru les terrains salés et sans écoulement. —Dans certaines localités, après de petites pluies, et mêmes après les fortes rosées , on remarque, sur d'assez grandes étendues de terrain , des efflorescences salines, Ces substances, entraînées par les eaux dans les lieux profonds, s'y décomposent, et forment des lacs de natron pareils à eeux de l'Egypte. MÉTÉOROLOGIE. CLIMAT. — La température (lu Sénégal est, daus certaines circonstances, d'une chaleur accablante. — L'air est tellement cm* brasé, qu'il devient irrespirable , et fatigue également les hommes et les animaux; néanmoins la température moyenne à Saint-Louis et a Gorée ne parait être que de 21 degrés. —* Les journées sont sans nuages et les nuits sans rosées. La saison des pluies n'apporté qu' une modification temporaire à la sécheresse de l'atmosphère, fréquemment entretenue par les vents brûlants de l'est. VENTS. — Les vents généraux viennent du N.-E. au N.-O. Ils régnent surtout de janvier en avril ; ils passent quelquefois à l' E.-N.-E., et même «à l'E. Ils sont alors très chauds, très secs cf. très incommodes, surtout par la quantité de sable qu'ils portent avec eux , et qui atteint les vaisseaux à 40 lieues de la côte. MALADIES. — L'époque de l'année la plus insalubre, et la plus funeste pour les Européens, est la saison des pluies. Il est rare, lorsqu'une maladie sérieuse se prolonge delà bonne a la mauvaise saison, que l'individu qui en est atteint ne succombe pas. — Les affections qui atteignent les Européens sont : les dyssenteries, les inflammations de foie ou hépatites, les fièvres gastriques, spasmodiques, etc. OURAGANS. RAZ-DE-MARÉE.—Il n'y a pas au Sénégal d'ouragans proprement dits ; on n'y connaît que des orages appelés .grains ou tornades, qui ont lieu depuis le milieu de juin jusque vers la lin de septembre, et qui, peu violents de leur nature, n'occasionent ordinairement aucuns dégâts. — Les plus forts raz-de-marée ont lieu du mois de janvier au mois de mars : mais quelle que soit leur violence, il en résulte rarement des accidents.

HISTOIRE NATURELLE. RÈGNE ANIMAL. — On trouve sur les territoires riverains du Sénégal une grande quantité d'animaux sauvages. Les plus remarquables sont l'éléphant, le lion et le tigre, le sanglier, le buffle, le chat tigré, la civette, la gazelle, l'once, le bomba ou capivard,. — Les cerfs, biches et daims y sont également communs.—Parm les oiseaux, dont l'espèce est variée et très intéressante, l'autruche volante est le plus grand et le plus fort. Sa chair est délicieuse. Les naturalistes la nomment l'outarde d'Afrique. — Après l'autruche, on remarque le pélican ou grand gosier, l'aigle , le monoceros et l' oiseau à bec de spatule. On distingue parmi les autres oiseaux , les calacs a bec noir et à bec rouge, le guêpier rouge et vert, le pique-bœuf, le colion hupé, les veuves a longue queue, les perroquets, les perruches, et beaucoup d'autres dont le plumage est aussi riche que varié. — Les animaux employés par l'agriculture et pour les services domestiques sont le bœuf, le cheval, l'âne et le chameau. On élève aussi des chèvres, des moutons et des cochons. — L'espèce des bœufs est très docile; on les emploie comme porteurs et comme animaux de trait : leur prix', chez les Maures, varie de 40 à 60 francs si l'animal est dressé, et de 25 à 40 s'il ne l'est pas. — Les ânes sont forts et de belle racé ; ils valent de 25 à 30 francs. Tous ces prix doublent à Saint-Louis. — Les chevaux de race sont rares et chers, ils coûtent jusqu'à 2,000 francs. — On se sert dans les exploitations rurales de chevaux indigènes, de petite taille, et dont le prix n'est que de 100 francs. — Les rivières sont très poisson rieuses. — Le crocodile et l'hippopotame se trouvent dans les eaux du Sénégal et dans les rivières qui l'avoisinent. — Les reptiles de toute espèce abondent sur les terrains humides qui bordent certaines parties du cours du fleuve. — Depuis quelques années ou a exporté du Sénégal aux Antilles françaises et à la Guyane un grand nombre de sangsues. Les expériences faites ont démontré que les sangsues africaincs sont aussi propres que celles d'Europe à être employées dans la thérapeutique médicale; qu'elles piquent bien et s'attachent avec promptitude. Il en faut seulement employer une quantité double pour obtenir la même quantité de sang. Le haut prix des sangsues en France et l'emploi qu'on on fait dans les hôpitaux , ont même inspiré aux officiers de sauté du Sénégal la pensée d'en

approvisionnerm* portsmilitaires,

Elles sont tellement abon-


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dantes dans les environs de Saint-Louis, qu'elles ne coûtent pas plus de 10 à 12 fr. le mille. RÈGNE VÉGÉTAL. — Nous ne pouvons avoir la prétention de faire connaître la flore riche et variée du Sénégal et de la Sénégambie. On public sur ce sujet un grand ouvrage qui doit attirer l'attention des amateurs de botanique. — Nous devons nous borner à signaler quelques arbres remarquables , tels que le boabab, colosse du règne végétal; les lataniers ; le véritable gommier, nommé vérak dans le pays; le bois noir appelé dans le commerce ébénier du Sénégal; le cailcedra, qui paraît propre aux constructions maritimes, le palmier, dont les nègres obtiennent par incision une boisson enivrante. Parmi les nombreux arbrisseaux, nous citerons : le khawoar à feuilles de laurier, qui donne une cerise assez agréable a manger, mais dont le noyau est un poison pour les chameaux, les chevaux et les chèvres; le henné, dont les nègres fout usage pour teindre eu couleur orangée leurs ongles et la peau de leurs mains; le mimosa discolor, le plus joli de tous les arbrisseaux , à fleurs jaunes et roses, au feuillage d'un beau vert, qui, naturalisé en France, deviendrait l'ornement ne nos jardins. — A l'exception des forêts de gommiers, où les Maures font leur récolte annuelle, il n'y a à proprement parler ni bois, ni forêts dans les territoires voisins de la colonie : les rives du Sénégal, depuis Saint-Louis jusqu'au marigot des Maringouins , qui forme une de ses embouchures , n'offrent d'autres arbres que les nombreux palétuviers qui se prolongent jusqu'à cinq lieues plus haut, et quelques tamarins mêlés de mimosas. — Depuis le marigot jusqu'au Dagana, toutes les parties de terrain non cultivé sont plus ou moins boisées; mais les arbres sont généralement épars, c'est seulement sur les bords du fleuve, entre Khouna et Dagana, qu'on les voit réunis en bosquets. Plusieurs de ces arbres fournissent d'excellents bois de construction.-- Le territoire du Walo a du mouvement et de la variété. Il présente des coteaux et des vallons, où Coulent de nombreux marigots qui le rendent fertile, malgré sa nature sablonneuse. Ce pays, dont l'aspect est nu et stérile pendant la saison sèche, reprend aux premières pluies toute sa verdure, et se recouvre d'herbes hautes et épaisses, au milieu desquelles croissent, outre des arbres élevés, les géranium, les sida, et beaucoup d'autres plantes d'agrément et d'utilité. — On y trouve aussi un grand nombre de végétaux dont les produits sont ou peuvent être utiles aux arts, à l'industrie et au commerce, tels que le séné, le palma-christi, le tamarinier, le gommier, l'indigofère, etc. RÈGNE MINERAI.. — Les productions du règne minéral sont très peu varies. — Il n'existe à Saint-Louis aucune espèce de pierres, et les constructions s'y font en briques. — A peu de distance de la ville se trouvent des bancs considérables d'huîtres fossiles. — On remarque aussi, presque au niveau du fleuve, des bancs de roches ferrugineuses peu abondantes en matières métalliques. — Dans la partie supérieure du cours du Sénégal , les royaumes de Galam et de Bambonc renferment des mines d'or célèbres, qui ne sont point exploitées par les naturels, et que l'on croit néanmoins fort riches. — Les différentes administrations qui se sont succédé dans la colonie ont essayé à diverses reprises d'y former des établissements pour s'en assurer l'exploitation. Jusqu'à présent tous leurs efforts n'ont obtenu aucun succès. — L'île de Corée est le produit d'une éruption volcanique qui parait avoir détaché cette île du cap Vert; ou y trouve, ainsi qu'au cap Mamel, des colonnades basaltiques. Le territoire de Bargné, sur la côte qui fait face a Corée, renferme une carrière de pierres siliceuses d'un blanc gris qui se lèvent par couches horizontales de quelques pouces d'épaisseur, et qui sont propres aux constructions.

VILLES, BOURGS, ESCALES, ETC. SAINT-LOUIS, à l'embouchure du Sénégal, dans une île qui porte le même nom que la ville, est le chef-lieu de la colonie. Cette ville, située à 750 l. (de 20 au degré) S. de Brest, occupe une superficie de 1,500 mètres de longueur du N. au S., sur une largeur moyenne de 180 mètres; elle se compose d'environ 250 maisons en briques, et de 225 cases ou réunions de cases en paille. — Parmi les maisons, 120 n'ont qu'un rez-de-chaussée, et 125 un premier étage, quelques-unes seulement ont un deuxième étage. — Les magasins réservés au commerce, non compris ceux du gouvernement, sont au nombre d'environ 600. Les rues sont bien percées, coupées à angle droit, et bien alignées. Les édifices publics sont l'Hôtel du Gouvernement, les Casernes et l'Hôpital. — Il n'y a à Saint-Louis ni ruisseaux, ni fontaines publiques. — La rivière fournit l'eau nécessaire aux usages domestiques : lorsqu'elle devient salée, ou creuse dans le sable à trois ou quatre pieds du bord, et l' on y puise une eau légèrement trouble et saumâtre, mais qu on peut boire sans inconvénient après qu'elle a été filtrée. Lest a Saint-Louis que résident le gouverneur et le préfet apostolique de la colonie. — Cette ville est aussi le siège de deux tribunaux : le tribunal de lre instance, qui connaît des affaires civiles et commerciales, et le conseil d'appel, qui juge en dernier ressort toutes les affaires civiles et criminelles. - Cette ville, dont le port offre aux bâtiments un excellent mouillage dans les deux

bras du fleuve, surtout dans celui de l'est, où les navires peuvent être amenés au bord du quai, est très bien placée pour le commerce. La salubrité y est entretenue par des brises régulières, souvent assez fortes, venant de la mer, et qui rendent la température moins chaude que dans l'intérieur du pays. — L'hôpital de Saint-Louis est de construction assez récente. C'est un édifice qui, pour une colonie presque équatoriale, réunit l'élégance à toutes les commodités. Il se compose de trois corps de logis, dont le premier, de 40 m. de longueur sur 11 de largeur, contient, au rez-de-chaussée et au premier étage, des salles vastes et bien aérées, garnies de lits en fer. Les deux autres corps de logis sont consacrés au logement des chirurgiens, médecins et employés de l'hôpital, et au classement des objets nécessaires «à l'établissement, tels que pharmacie, officine, dépense, etc. L'édifice contient 122 lits, nombre reconnu suffisant pour recevoir, année commune, le maximum des malades. Il est placé sur un terrain éloigné de toute cause locale d'insalubrité, et protégé du côté du fleuve par un quai. — On évalue à environ 9,000 habitants la population de Saint-Louis, blancs, mulâtres et uoirs, libres et esclaves. — Les nègres esclaves comptent au moins pour les trois quarts dans cette population ; presque tous sont matelots ou artisans ; les premiers font le service de la rivière et des petits bateaux de cabotage. Un petit nombre exercent le métier de tisserand. Les nègres libres sout attirés par les bienfaits des blancs, au service desquels ils sont fort attachés. Les esclaves sont généralement traités avec beaucoup de douceur et de bonté par leurs maîtres. Les cases des nègres occupent uuc grande partie delà surface de l'île. Leurs palissades s'alignent avec les maisons en briques des Européens, et forment avec elles des rues assez droites. BAKEL , a 104 lieues de Saint-Louis. Cet établissement est situé au-dessus du village de ce-nom , sur la rive gauche du Sénégal. Il fut fondé en 1818 et consiste en une enceinte murée et bastionnée, de forme irrégulière, d'une superficie d'un demi-hectare a peu près, et en un euclos de quarante mètres, situé au N.-E. du fort. Cet enclos est destiné au commerce, pour la protection duquel le gouvernement entretient à Bakel une force militaire. — Le territoire de Bakel, cédé à la France par un traité conclu avec le Thunca ou prince de Tuabo, a une étendue fixée parla portée du canon du fort. MAKANA , sur le Sénégal, à 20 l. au-dessus de Bakel, est le plus avancé de tous les établissements français en remontant le cours' du fleuve.—C'est un village bâti sur l'ancien emplacement du fort Saint-Joseph. Il est considéré comme nu établissement assez important. On y a construit en 1825 un comptoir, auquel on a donué le nom de Saint-Charles. Les constructions consistent en magasins assez vastes, entourés d'une muraille crénelée : elles ont été élevées par une société à laquelle le privilège du commerce du haut pays a été concédé pour quatre ans à compter de 1824 (nous ignorons si ce privilège a été prorogé). Makaua , vers lequel le commerce se portait déjà avant ces nouvelles constructions, était le centre d'un grand nombre d'affaires. — La France possédait autrefois sur la rivière de Falémé, un poste, abandonné aujourd'hui, et qui portait le nom de fort Saint-Pierre. Ce poste n'était qu'à dix lieues de celui de Makana , qui Fa remplacé. GALAM , sur le Sénégal, à 255 l. de S.-Louis, est un village nègre qui renferme un comptoir français tenu par une compagnie qui a le privilège exclusif du commerce pendant huit mois de l'année. Pendant les quatre autres mois, le commerce est ouvert pour tous les habitants du Sénégal. —Ce village, pendant la première quinzaine de novembre, possède un marché considérable, où affluent les peuplades de l'intérieur de l'Afrique. — Le commerce se compose principalement de gomme, de cire, de peaux, de dents d'éléphants, de coton , d'or en poudre et en barres. Les négociants du Sénégal y portent du sel, des toiles dites guinées, des armes, de la poudre, de la verroterie, de la quincaillerie, etc. ESCALES. — Les Escales sont des emplacements destinés aux échanges qui se font avec les Maures , et notamment au commerce de la gomme. —■ On ne peut pas les considérer comme des comptoirs, ce ne sont que des lieux de rendez-vous ou des marchés temporaires. Hors le temps que dure, chaque année, la traite de la gomme, les escales restent absolument désertes. — Il n'y existe aucune construction ; le commerce ne s'y fait qu'au moyen d'embarcations , dans lesquelles les denrées échangées avec les Maures sent aussitôt placées et dirigées vers Saint-Louis. «—Ou en compte 3 sur la rive droite du Sénégal. Escale des Darmankours, à 25 lieues au-dessus de Saint-Louis. C'est une vaste plaine , presque entièrement submergée à l'époque des inondations du fleuve. Elle appartient à la tribu des Darmankours , marabouts maures qui jouissent d'une grande considération dans cette partie de l'Afrique. — Cette tribu recueille la gomme dans la forêt de Lébiar. Lawa, a 1 l. de l'escale des Darmankours, et Gaié, à 15 l. plus haut, au-dessus de Dagana , servent alternativement d'escales à la tribu des Trarzas, qui récolte la gomme dans la forêt de Sahel et dans celle de Portendik. Esavle du Coq ou de Podor, à 3 l. au-dessus de ce dernier vil-»


FRANCE PITTORESQUE

Signare. Marabout. Soldatnegre

Negres de traite en voyage.





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lage. — Cette escale appartient à la tribu des Braknas, qui récolte la gomme dans la forêt d'Afataé. ÉTABLISSEMENTS D'AGRICULTURE..—Depuis 1821, les Européens habitants du Sénégal ont formé dans le pays de Walo, avec la protection et les encouragements du gouvernement, plusieursétablissements de culture ou de colonisation.— Les premières années avaient donné des espérances qui s'étaient soutenues jusqu'en 1830 ; mais d'après M. Perrottet, auteur de la Flore de la Sénégambie, diverses causes s'opposent invinciblement à la prospérité de ces établissements , qui sont aujourd'hui dans un état de décadence marquée. Ces causes funestes sont : le caractère tracassier et la mauvaise foi des peuplades nègres, qui inquiètent les colons et détruisent leurs travaux, le manque de pluies et la sécheresse irritante de l'atmosphère, qui rend nul l'emploi des irrigations ; enfin la rareté et le peu d'abondance des rosées. — Nous allons néanmoins faire connaître ce que nous savons de ces divers établissements , qui sont divisés en quatre cantons. Dagana.— Le premier de ces cantons a pris le nom d'un village nègre auprès duquel on a construit une caserne avec un mur crénelé et bastionné ; c' est la limite provisoire des établissements de culture, en remontant le fleuve. Ce canton s'étend jusqu'à quatre lieues au-dessous du village de M'bilor, et devant l'île de Tôde. Il comprend, outre le poste militaire de Dagana , l'habitation royale de Koïlel et plusieurs établissements particuliers. Richard-Toi.—Ce second canton tire son nom de l'établissement principal de culture fondé parle gouvernement. Il a quatre lieues d'étendue, au bord du fleuve, et il est traversé du N. au S. par le grand marigot de Tawei, qui sert de communication entre le Sénégal et le lac de N'gher ou Panié-Foul. — Richard-Tol comprend six habitations , dont cinq ont des constructions en maçonnerie. —-C'est le point central de la colonisation.—Voici, d'après M. Perrottet, quels sont les différents végétaux dont ou a tenté d'introduire ou de répandre la culture au Sénégal : le cotonnier, le cotonnier herbacé, l'indigofère, l'indigofère anile, l'indigofère mucrone, le cafier d'Arabie , le poivrier noir, le cannelier de Ceylan , le giroflier, le rocouyer, le nopal sans épines, le nopal épineux, la canne à sucre, le tabac commun, et le mûrier à tiges nombreuses. Faf. — Ce canton s'étend depuis la limite occidentale de Richard-Tol jusqu'au village nègre de Ghiawar; il occupe plus de sept lieues, sur la rive du fleuve. Un bras considérable du Sénégal, le marigot de Gorom, qui ne rejoint le fleuve que vers les îles de Bouxar et de N'kieng, près de Saint-Louis, traverse son territoire, qui contient dix établissements, dont quatre ont des constructions eu maçonnerie. La-M'sar est le quatrième canton. Il commence à sept lieues audessous de Saint-Louis, et a, quatre lieues d'étendue, sur les bords de plusieurs marigots ( ceux de Khozag, de Ghieuss, deGémoïe, etc.). Il comprend dix-sept établissements, dont quelquesuns sont d'une certaine importance. Enfin, diverses plantations, formées dans les îles voisines de Saint-Louis, composent une espèce de canton rural. Ces diverses plantations sont dans un état de prospérité à laquelle contribue sans doute le voisinage du chef-lieu de la colonie. GOBÉE, dans l'île de ce nom, à 2 1. 1/2 du cap Vert, à 38 de Saint-Louis, à 35 de la Gambie, est la seconde ville de nos établissements sur la côte occidentale d'Afrique. Sa population est d'environ 5,000 habitants, principalement mulâtres et noirs, qui font un actif cabotage entre la côte et les îles du cap Vert. — La ville couvre plus des deux tiers de l'île. Les édifices publics sont l'Hôtel du Gouvernement, Y Épli te, Y Hôpital, la Caserne , qui peut contenir deux cents hommes environ , et la Poudrière. — Les maisons sont construites en basalte , cimentées avec de la chaux et du sable, et terrassées a l'italienne. —— Les rues, quoique un peu resserrées, sont droites et commodes, il y règne toujours une grande propreté, qui ajoute à la salubrité locale. — La ville est dominée par le fort, qui est placé au sommet d'un rocher formé de colonnes basaltiques. Elle a un aspect très pittoresque. On y trouve deux puits, dont l'eau est un peu saumàtre ; quelques petites fontaines , établies au milieu des rochers, sur le flanc de la montagne, fournissent une eau excellente, mais en petite quantité. Ces deux ressources ne suffisent pas aux besoins de la population : pour y suppléer, on fait venir du cap Vert et de l'aiguade appelée les Fontaines de Khann, «à trois quarts de lieue environ de Gorée, une eau abondante et fort bonne.— Gorée possède une chapelle desservie par un curé, et un tribunal jugeant en premier ressort les affaires civiles et commerciales,—Son port offre un bon mouillage. La place du Débarcadère et le jardin du Gouvernement serveut de promenades publiques. — Gorée possède depuis 1822 un entrepôt réel pour les productions étrangères à l'Europe. ALBREDA. —- Ce comptoir est situe daus la Gambie, sur la rive droite , un peu au-dessous du fort James, et à 7 lieues environ de l'embouchure de ce fleuve. — Le gouvernement français y possède une maison destinée au logement des résidants et autres personnes déléguées à l'entretien du comptoir et au service public. — Deux autres petites maisons et quelques cases sont occupées par des

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traitants de Saint-Louis et surtout de Gorée. — On traite à Albreda les peaux de bœuf, la cire et un peu d'or, qu'y apportent les indigènes.

ADMINISTRATION, ETC. GOUVERNEMENT.—Un officier supérieur de la marine est ordinairement chargé du gouvernement du Sénégal et de ses dépendances. Il réside à Saint-Louis. — Il y a à Gorée un commandant particulier. Ce commandement est confié à un lieutenant de vaisseau en retraite. ADMINISTRATIONS.— Il y a à Saint-Louis 1 sous-commissaire de marine de lre classe faisant les fonctions d'ordonnateur; t souscommissaire de 2e classe remplissant celles d'inspecteur colonial; — 1 trésorier ; — 1 capitaine du port ;— 1 chirurgien de lre classe chargé du service de santé. — Gorée a aussi un chirurgien de Ve classe placé à la tête du service de santé. ETABLISSEMENTS MILITAIRES. — Les établissements militaires de la colonie sont : le fort Saint-Louis, dans l'île de ce nom. Ce fort contient une caserne et protège les ateliers du génie militaire placés au pied de ses glacis. Il occupe une superficie de 4,384 m. carrés. — La batterie de Babaghé, à la pointe sud de l'île de ce nom. Cette batterie défend l'entrée du fleuve. — Le fort de Bakel. Le fort de Dagana. — Et le fort de Saint-Michel, dans l'île de Gorée. La défense du Sénégal et de ses dépendances est confiée à 1 demi-bataillon du 2e régiment d'infauterie de marine. - Il y a en outre dans la colonie nu détachement de la 10e compagnie d artillerie de la marine, et un détachement de la lre compagnie d'ouvriers. CULTE. — Un préfet apostolique réside à Saint-Louis. — Il y a une cure à Saint-Louis et une à Gorée. re TRIBUNAUX. — Saint-Louis est le siège d'un tribunal de l instaure. — Les appels des jugements de ce tribunal peuvent être portes à un conseil d'appel formé de plusieurs fonctionnaires supérieurs, de deux habitants notables et présidé par le gouverneur. INSTRUCTION PUBLIQUE. — Saint-Louis renferme deux écoles gratuites, — une pour les garçons, dirigée par un maître entretenu aux frais du gouvernement, et uue pour les filles, tenue par une sœur de la congrégation de Saint-Joseph. — Gorée possède une école particulière où les enfants sont admis moyennant une faible rétribution. •— L'enseignement dans ces diverses écoles est tout-à-fait élémentaire. — Le nombre des élèves qui les fréquentent est d'environ 200, dont 40 filles. SOCIÉTÉS SAVANTES, ETC. — Depuis quelques années, il existe à Saint-Louis une Société d'Agriculture, dont l'institution a été encouragée par le gouvernement. Le nombre de ses membres est illimité ; il était en 1826 de 13. Cette société ne s'occupe "absolument que d'agriculture, et ses travaux ont pour but la recherche des moyens qui peuvent concourir à l'amélioration et au perfectionnement de l'état agricole de la colonie.

POPULATION. Au 1er janvier 1832, la population totale de la colonie du Sénégal était de 14,404 habit., savoir 6,726 hommes et 7,678 femmes, et divisée comme il suit : Saint-Louis. . Pop. libre. . 2,095 - esclave. 7,045 9,140 Gorée. . . . Pop. libre. . 902 — esclave. 4,162 5,264 Le mouvement en 1831 avait été do Décès. . . . 719 Diminution 104 Naissances. . 615

DÉPENSES ET RECETTES. Les dépenses du service colonial au Sénégal sont fixées, pour 355,000 f. 1884, à Il doit être pourvu à ces dépenses avec les recettes provenant des droits et autres revenus locaux, qui sout 105,000 évalués à Et au moyen d'une allocation (sur le million compris au budget de la marine pour le service intérieur des , . . 250,000 colonies) de Total

855,000 f.

AGRICULTURE. Nous avons dit, d'après M. Perrottet, que les établissement» agricoles du Sénégal sont dans un état de décadence qui paraît difficile à arrêter; nous pensons néanmoins qu'il convient de donner une idée de ce que la culture européenne a tenté dans ce pays. —« La colonie (dit un écrit publié sur le Sénégal avec un caractère semiofficiel) n'a commencé à devenir agricole que depuis 1821 lors de la colonisation du pays de Walo. C'est dans les quatre cantons composent qu' existe l'agriculture qui le du Sénégal. — De 1821 a 1827, le succès a courouué les essais de naturalisation tentés par l' administration , et les exploitations entreprises par les propriétaires des terrains concédés.— Le Jardin du Poste, à Dagana


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1' Habitation royale de koilel, et plusieurs autres établissements particuliers, possèdent un grand nombre de piaules nouvellement importées, et beaucoup de légumes d'Europe qui y ont complètement réussi. Toutes les espèces de cultures out été heureusement essayées a Richard-Tol, habitation royale où se trouve un très riche et très beau jardin de naturalisation. On y cultive aussi d'autres végétaux récemment introduits dans la colonie, tels que le cafeyer, le roucouyer, l'olivier, le médicinier et le nopal. — On voit, dans les jardins du Walo, beaucoup d'arbres fruitiers de l' Inde et de l' Amérique , et qui donnent au Sénégal des produits d'une bonne qualité ; ce sont : le dattier , le cocotier , le bananier, le sapotillier, l' oranger , le corossolier, le goyavier, le manguier, le rondier, l'arbre à pain , l'inocarpe d'Otahiti, etc. — Dans les divers établissements du Walo, on s'était presque exclusivement occupé, jusqu'en 1825, de la culture des végétaux alimentaires et du coton; mais, depuis cette époque, il a été fuit des essais de naturalisation de l'indigofère du Bengale, et les plus grands soins ont été donnés à l'indigofère du pays. — Le succès a dépassé les espérances. L'expérience a prouvé qu'avec une culture soignée, en arrosant à propos, on peut obtenir par hectare, annuellement, au moins 20,000 livres de feuilles sèches, qui donneront environ 280 livres d'indigo, ou 4,200 fr., à raison de 15 fr. la livre. — Les frais d'exploitations estimés, la première année à 1,200 fr., seraient réduits, la deuxième et la troisième année , à 800 fr. —Les produits de l'indigofère exploité au Walo sont encore inférieurs à la qualité de-l'indigo du commerce; mais, essayés en France par le comité consultatif des arts et manufactures, et au muséum d'histoire naturelle, il a été reconnu que ces produits, à l'aide d'une préparation perfectionnée, étaient susceptibles de s'améliorer et d'acquérir une valeur et une qualité égales à celles des produits de l'Inde. » Les indigènes cultivent avec succès un grand nombre de végétaux propres à la nourriture de l'homme ; ce sont les ignames , le mais,, le mil, les melons, les patates, les pistaches, les tomates, etc. —La plupart des graminées, les tiges des arachides, des patates, etc., fournissent d'excellents fourrages pour les chevaux et les bœufs.—Les mou tous et les chèvres trouvent eu abondance, dans les plaines, des herbes, des liserons, des feuilles et des graines d'arbres, propres a leur nourriture.

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MARINE. — La marine locale, qui emploie environ 1300 hommes dont 1100 esclaves matelots, se compose de 4 bâtiments dont le pins fort est de 100 tonneaux, propres aux voyages do long cours; de 120 bâtiments de tonnage divers (de 5 à 50 tonneaux) employés au cabotage; de 90 chaloupes et canots employés pour les transports intérieurs sur le fleuve; de 20 chalands et allèges, et d'une soixantaine de pirogues de pêche. La colonie fournit une partie des bois de construction, le reste vient de France et d'Amérique. — On emploie quelques menus cordages fabriqués par les naturels avec l'écorce du Baobab ; mais les cordages principaux, les toiles, mâtures, clous, chevilles, doublage, brai, goudron, etc., sont fournis par le commerce français. PÈCHE.— Il n'existe à Saint-Louis, ni à Corée, aucun établissement de pêche. Le Sénégal et la mer qui avoisine les côtes, sont très poissonneux. Les nègres do Saint-Louis, de Ghet-n'dar et des villages voisins , ainsi que ceux de Corée et des environs , pèchent, eu se servant des procédés,les plus grossiers,le poisson dont ils font une grande consommation. — Ils ont des pirogues faites d'un seul tronc d'arbre et d'assez petite dimension. — Les uns frappent les gros poissons d'une sagaie (espèce de javelot) ; quelques-uns teudent des lignes dormantes, garnies d'hameçons; les autres se servent de petits filets ronds attachés à une perche. —Les plus habiles pêcheurs, auprès de Saint-Louis, ont de longs filets eu forme de seines. On évalue, à 270,000 kilogr. de poisson, le produit annuel de la pêche, dont 250,000 kil. sont consommés frais à Saint-Louis et à Corée , et 15,000 kil., scellés au soleil, sont transportés et vendus dans l'intérieur du pays.

COMMERCE.

Le commerce du Sénégal consiste principalement dans la traite de la gomme; il est très lucratif. La gomme est un produit naturel qui ne demande aucun soin- de culture. Trois grandes forêts éloignées d'environ 40 lieues et distantes l'une et l'autre de 10 lieues, la produisent; ce sont, comme nous l'avons déjà dit, les forêts de Liébar, Sahel et Afataé, toutes les trois situées dans le territoire occupé par les Maures. Ou trouve aussi plusieurs bouquets de gommiers détachés de ces forêts sur divers autres points des rives du Sénégal. — La traite de la gomme se fait surtout par l'entremise des principaux habitants de Saint-Louis, et donne lieu à des échanges importants en marchandise d'EuINDUSTRIE. rope. On traite aussi, dans le haut du fleuve , les peaux de bœuf, MÉTIERS. — La colonie ne renferme qu'un petit nombre d'oule morfil (ou l'ivoire), l'or et le mil. — Les marchandises qu'on vriers d'arts et métiers. Los principaux, et presque les seuls, échange pour ces derniers produits sont les fusils, la poudre, les sont des maçons et des charpentiers de navires. — Il existe deux balles, l'ambre, les coraux, etc.—Le cabotage du bas de la petits chantiers de construction à Saint-Louis, et un à Gorée. — cote , sans être considérable, est encore assez important; il fournit Ou construit, dans la colonie, des bâtiments de 50 tonneaux. La du mil, des peaux , du morfil et de la cire : les marchandises qui plupart des bâtiments employés au cabotage y ont été construits. ont cours pour ce Commerce sont le tabac, l'eau-de-vie, la FOR ORS. — Deux forgerons européens, travaillant à la manière poudre, et surtout le corail et l'ambre. — Le commerce du riz et do France, suffisent, à Saint-Louis, aux besoins de la ville. Il y du mil est d'une grande importance pour la population : ces grains existe aussi quelques forgerons, nègres et maures, qui ne se sont pour clic ce qu'est le blé /pour les Européens. La consombornent pas au travail du fer, mais qui fondent, forgent et tramation annuelle du mil est de 20,000 banques environ, et celle vaillent tous les métaux indistinctement. — Ils fabriquent les du riz de 150,000 kilogrammes. — On évalue à 12,000,000 de fr. outils de culture les plus grossiers et les bijoux d'or ou d'argent les capitaux employés dans le commerce maritime delà colonie. les plus délicats. Quelque soit leur travail, ils n'emploient jamais — Les importations annuelles moyennes occupent environ 80 nad'autres instrument» qu'un creuset, une petite enclume, un mar- vires d'un tonnage do 8,000 tonneaux, montés par 800 hommes, teau et deux outres de peaux de bouc qui leur servent de soufflet. La valeur des importations est d'environ 3,000,000 fr. Elles On s'étonne qu'avec de si faibles moyens ils puissent obtenir, consistent en ambre, corail, café , sucre, eaux-de-vie, genièvre et dans leurs ouvrages, un degré de perfection satisfaisant.'Cepenrhum, farine, fer, fusils, poudre à feu, toiles de l'Inde, tabac, dant leurs.instruments en fer sont bien confectionnés et le fini de vins, verroteries, vivres et ^marchandises diverses. — Les exporleurs petits bijoux est vraiment remarquable. tations du Sénégal, tant de celles qui proviennent du sol que TISSAGE. — Les tisserands nègres de Saint-Louis et de Goréc celles des objets importés du dehors, s'élèvent environ î. 2,000,000 font des bandelette?» d'étoffe de 5 a 6 pouces de largeur. La réufrancs. Elles consistent eu bois de construction, cuirs, cire, bandes, longues de deux mètres, nion de cinq ou six de ces coton, cornes de bœuf, écailles de tortue, gomme, ivoire, forme un morceau d'étoffe nomme pagne, et qui constitue le poudre d'or, etc. Depuis quelques années on a commencé à exprincipal vêtement des noirs des deux sexes. — Ces pagnes, tissues porter des bestiaux , tels que bœufs, chevaux et moutons , pour en coton, Sont communément mêlés de fils de laine de couleur les colonies françaises, et ces exportations ont été avantageuses. compliqués. Ce sont des et les qui produisent dessins variés dessins et l'éclat des couleurs qui déterminent le prix des pagnes. Il en BIBLIOGRAPHIE. est qui coulent jusqu'à 300 et 400 francs la paire. Les pagnes L'Afrique et le peuple africain , ou très humbles remontrances des •communes se vendent 0 fraucs la paire. On ne fabrique , dans, la habitants du Sénégal aux citoyens français tenant les États-Généraux, colonie, aucune autre espèce d'étoffe. La plupart des tisserands par Lamiral ; in-8. Paris, 1789. sont en même temps griot», c'est-à-dire' ménétriers et baladins, Voyage au Sénégal , par Durand; in-8. Paris, an x. profession réputée infâme. Mémoire sur la colonie française du Sénégal , par Pellelan, in-3. FABRIQUES. —Dès'briqueteries et des chaufourncries sont les Statistique des colonies françaises. — Sénégal et dépendances; in-3. seules fabriques du pays , et encore ne sont-ce pas des établisse- Paris , 1827 (Extrait des Annales maritimes et coloniales). ments fixes et permanents. Les briques se fout avec des terres Nouveaux détails sur la colonie du Sénégal (Annales des Voyages, argilleuses qu'on trouve aux environs de Saint-Louis ; on les 1828, t. VIII). moule sans faire subir à la terre aucune préparation , et on les Mémoires sur tes moyens d'exploiter par le Sénégal les mines d'or de fait cuire a l' air libre sur du bois mis eu monceau. — La chaux, Bambouc, par L. M. D. L. F. ; in-8, Paris, 1827. cuite par les mêmes procédés, se fait ave»' des huîtres fossiles dont A. HUGO. il existe des bancs considérables à 2 lieues de Saiut-Louis, ou avec de petits coquillages, communs, près de Corée. —La chaux de Corée est meilleure que celle de Saint-Louis, ou en fait des On souscrit , éditeur place de la Bourse, rue des Filles-S.-Thomas , 13 exportations à Cayenne. Paris. — Imprimerie et Fonderie de RIGNOUX et Comp., rue des Francs-Bourgeois-Saint-Mic hel, 8.


FRANCE PITTORESQUE. Ile Bourbon. (Colonie française dans l'Océan indien.) HISTOIRE. L'Ile Bourbon , découverte en 1545 par Mascarenhas, gentilhomme 'portugais, porta long-temps le nom de Mascareigne. — Elle fut d'abord occupée , puis promptement abandonnée, par les Portugais, et resta déserte jusqu'à l'époque de l'établissement des Français à Madagascar. Alors elle servit de lieu de déportation, ensuite d'hôpital. Flaccourt, qui, en 1649, prit possession de l'île au nom du roi, et lui donna le nom de Bourbon. — En 1654 , quelques Français tentèrent de s'y établir ; mais , dépourvus de ressources, et craignant d'y être oubliés, ils profitèrent du passage d'un vaisseau qui visita l'Ile pour l'abandonner. — Alors, comme au temps de la prise de possession, Bourbon était presque entièrement couverte de bois; il n'y avait d'autres fruits que la vavangue, inférieure aux nèfles de France, qu'elle rappelle un peu par sa forme et par le goût. — Les bois étaient remplis d'oiseaux, que n'effrayait point l'approche de l'homme ; on y remarquait le Broute ou solitaire, qu'on chassait, à la course, et dont l'espèce a entièrement disparu (on en voyait encore du temps de Labourdonnaye, qui en envoya un comme une chose rare et curieuse à l'un des directeurs de la Compagnie}. — On y trouvait une espèce de chauve-souris de la grosseur d'une poule, et que l'on regardait comme un manger assez délicat. Des tortues de trois à quatre cents livres couvraient les sables du rivage; les rivières étaient très poissonneuses: ces faveurs d'une terre nouvelle n'existent plus aujourd'hui.— Vers 1663, deux Français, accompagnés de sept noirs et de trois négresses, passèrent de Madagascar à Bourbon; les esclaves, révoltés contre leurs maîtres, se retirèrent dans les montagnes : ce furent là les premiers noirs marrons qui probablement ont laissé de leur postérité. Un des deux Français se nommait Louis Payen , homme bien fait, et de bonne compagnie ; l'autre était sous ses ordres. Leur case s'élevait au bord d'une rade, à l'ouest de l'île, près de lu chute d'une fontaine qui tombait en nappe B'eau Bu milieu d'un grand rocher ; elle, était entourée Be tabac, Be racines et d'herbes potagères, dont ils avaient porte les graines : ils tenaient Bans un enclos quantité Be cochons et île cabris, pour leur commodité et pour les vendre aux voyageurs. — Louis XIV concéda, en 1665, Madagascar et ses dépendances à la compagnie des Indes orientales, qui prit alors possession de Bourbon : un commandant, ayant sous ses ordres vingt ouvriers, y fut laissé. Louis Payen retourna en France on il mourut hermite. Il paraît que cet homme avait le goût delà solitude, et qu'il se trouva entouré de trop de monde au milieu des vingt et un nouveaux habitants de la colonie. — Depuis 1665 jusqu'en 1670, que la compagnie rendit son privilège de Madagascar au Roi, Bourbon devint une des échelles de l'Inde. Elle commença alors à se peupler; la chute de nos établissements de Madagascar contribua à accroître sa population : en 1717, on y comptait environ 2,000 habitants. — Une nouvelle compagnie reçut , en 1735, l'investiture des îles de Bourbon cl de France. Ces îles prospérèrent sous l'administration du célèbre Labourdonnaye; mais, après la retraite de ce grand homme, elles tombèrent dans un anéantissement presque total; l'agriculture, le commerce et les fortifications, tout y fut également négligé. La compagnie, qui pressentait sa ruine, rétrocéda ses droits au Roi. T. m.

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! Les deux îles eurent encore le bonheur de trouver | pour rétablir leur prospérité, un grand administrateur, , l'illustre Poivre.-—Les créoles de l'île Bourbon fournirent un bataillon de volontaires dans la glorieuse campagne de l'Inde sous le bailli de Suffren.— Les événements de la Révolution eurent peu de retentissement ; dans l'île. — Pendant la guerre, les gardes nationales de Bourbon se montrèrent dignes de leur ancienne réputation ; leur courage, toutefois, ne put l'emporter , sur le nombre et les efforts multipliés des Anglais, [.a garnison régulière ne s'élevant qu'à quelques centaines ; d'hommes, n'était pas un auxiliaire suffisant. —Le 8 juillet 1810, la colonie, dépourvue de moyens de déj fense, fut attaquée par une force anglaise de quatre mille hommes; les ennemis parvinrent à effectuer deux débarquements, l'un au vent, l'autre sous le vent de Saint-Denis. — Après quelques actions très vives, le colonel de Sainte-Suzanne, gouverneur de Bourbon , obtint une honorable capitulation. — La prise de l'île de France eut lieu le 3 décembre suivant.—Si le brave général Decaen avait eu quinze cents hommes de plus dans les deux îles, les Anglais ne s'en seraient pas emparés. — Fin exécution du traité de Paris, l'île Bourbon a été rendue à la France , le 2 avril 1815. MŒURS, COUTUMES, ETC. — L'île Bourbon a été longue à se peupler et plus longue encore à s'habituer aux délicatesses de la civilisation moderne. Un siècle et demi après la découverte, au commencement du XVIIIe siècle, les moeurs et la manière de vivre des habitans rappelaient encore les- habitudes des premiers Européens qui s'y étaient établis. — Dans ce temps-là, les savanes qui bordent les rivages de l'île étaient encore couvertes de benjoins et de lataniers : il y avait à peine quelques endroits ou elles commençaient à s'éclaircir. Les terres n'avaient pas toutes des propriétaires. — Dans un ou deux jours, un habitant se bâtissait une case avec les lataniers abattus autour de lui ; il coupait d'égale longueur leurs tiges droites, qui sont toutes a peu près de la même grosseur; ce travail était facile à faire, car lebois de cet arbre n'est qu'une bourre tenace comprimée sous une mince écorce ; il couchait les arbres les uns au-dessus des autres, sur chacun des quatre côtés de la case , en les ajustant dans les entailles pratiquées à leur extrémité; puis, avec quelquesgaulettes, il élevait une charpente que recouvraient des feuilles de latanier. Le bâtiment n'avait qu'une porte et qu'une fenêtre ; souvent même , la porte ne fermait pas à clef. On construisait ainsi plusieurs cases non loin les unes des autres ; la principale était pour le maître, les autres pour les grands enfants et pour les esclaves de la maison. Les gens riches étaient un peu mieux logés; leur grande case était en madriers de bois de natte , également superposés, au lieu d'être en tiges de latanier: quelques-unes de ces maisons avaient jusqu'à deux pièces de plain-pied. Celle du gouverneur n'était pas beaucoup plus remarquable , mais elle était couverte en bardeau ; outre le salon et la chambre à coucher, il y avait encore une salle à manOn ne connaissait alors ni le luxe des carreaux ger. de vitre, ni celui des treillis de rotin , ni celui des parquets , des rideaux et des tapisseries, toutes choses fort communes aujourd'hui. — On faisait la cuisine en plein air, ou sous un petit auvent, et l'on dînait en famille au pied d'un gros tamarinier, arbre apporté de l'Inde ANCIENNES MOEURS.


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au moment des premiers établissements formés à l'Ile Bourbon. — Sous ces vieilles cases habitaient l'honneur, la franchise et la bonne foi ; la porte s'ouvrait toujours pour l'étranger et pour le malheureux. Un bâtiment arrivait : le gouverneur ou quelque notable habitant s'emparait du capitaine; les autres colons, à raison de leur fortune, se partageaient les officiers et les matelots; personne n'avait besoin de lettres de recommandation ; on venait de France, de la patrie, c'en était assez pour être cordialement accueilli. Afin de mieux fêter ses Ilotes on tuait un cochon, un cabri, ou l'on allait dans son parc à tortues en chercher une des plus grosses qu'on servait dans la carapace. Les tortues de terre étaient alors abondantes dans les sables du bord de la mer; on n'y en trouve plus depuis long-temps; celles qu'on voit à Bourbon viennent des Seychelles ou de Madagascar. Alors, il faut l'avouer, il y avait bien un peu de rudesse dans les mœurs ; les bâtiments qui apportaient de l'eau-de-vie de Cognac n'étaient pas les plus mal accueillis. — Alors le nombre des maîtres et des serviteurs était à peu près égal : la condition de ces derniers était fort douce; les maîtres ne rougissaient point de travailler avec leurs esclaves. — La principale occupation des habitants était le soin des troupeaux. Les pâturages de Saint-Denis et de la pointe des Galets étaient les plus estimés de l'île. Dans la saison de la sécheresse on envoyait les taureaux et les génisses paître dans les montagnes ; chaque chef de famille, pour les reconnaître, imprimait une marque à ses bestiaux. « Ces peuples, dit un voyageur, sont de si bonne foi, qu'ils ne songent point a s'entre-dérober leurs troupeaux. » — Il ne se faisait pas un grand commerce à Mascarin (c'est ainsi que Bourbon était encore communément appelé). — La compagnie des Indes négligeait la colonie ; les navires n'y passaient que pour s'y procurer des vivres et des rafraîchissements. Le tabac (petun), dont les habitants soignaient la culture plus qu'à présent, était leur plus importante spéculation ; ils recevaient, en échange de leurs produits, des tissus de coton et quelques articles de soieries, que les premières dames du pays recherchaient. Ces dames se trouvaient parées avec un mouchoir de l'Inde et une robe rayée de Sirsakas, que les mulâtresses dédaigneraient de porter aujourd'hui. — Dès lors les gens de toute espèce de métier auraient pu exercer leur profession dans la colonie, à l'exception des cordonniers, «car, dit le voyageur à qui nous empruntons une partie de ces détails, eux seuls n'y trouveraient pas leur compte, à moins qu'ils n'apportassent la mode de ne point aller pieds nus; car les hommes et les femmes ne se servent point de souliers. « Alors ils ne circulait pas beaucoup d'argent à Bourbon ; mais on ne payait point d'impôts ; aussi l'administration laissait-elle faire à chacun à peu près tout ce qui lui convenait; il y avait même des temps où le gouverneur manquait de poudre à canon. Pourtant un gouverneur, qui sans doute n'avait ni poudre ni soldats, avait voulu mener despotiquement la colonie; une conspiration se forma contre lui ; un curé, le père Hyacinthe, était à la tète du complot : au milieu de son office, au lieu d'un Dominas voliscum, il dit énergiquement de saisir le gouverneur qu'on embarqua sur le premier bâtiment. Le père Hyacinthe, qui fut ensuite renvoyé et puni, gouverna toutefois l'île pendant trois années, à la grande satisfaction des habitants sur qui leur pasteur avait plus d'empire que leur commandant, car ils étaient crédules et superstitieux. Les notables de chaque quartier se réunissaient de leur pleine autorité, et d'après un droit naturel que leur bon sens instinctif leur avait fait découvrir, pour délibérer sur leurs intérêts communs : on se concertait pour les travaux a entreprendre, pour l'ordre et. la police de son quartier. — On montrait encore naguère, aux bords de l'étang de Saint-Paul, les pierres qui servaient de siège au conseil, et le gros arbre sous lequel il se réunissait; c'est la qu'on écoutait comme des

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oracles, le bonhomme Athanase et le bonhomme Ricquebourg, les seuls qui restassent des vingt premiers habitants de la colonie.— Les maisons de chaque quartier étaient éparses dans la savane, les cultures delà montagne séparées par d'épaisses lisières de bois; chaque famille vivait isolée, car on était un peu envieux les uns des autres; les femmes, s'il faut en croire les documents du temps dignes de faire autorité, troublaient quelque peu, par leurs prétentions jalouses, l'harmonie qui eût régné dans cette naissante société. La plupart des habitants avaient, dans l'origine, contracté des alliances avec les Africains : en 1717, il n'y avait que six familles chez qui le sang européen se lût conservé dans toute sa pureté; il est vrai que les blancs arrivant de la métropole détruisaient par degrés les nuances du sang africain. — A cette époque, Le Gentil vit dans l'église de Saint-Paul, une famille «qui lui donna de l'admiration, la vue allant du blanc au noir et du noir au blanc; il y avait cinq générations de la plus âgée des femmes à la plus jeune; la trisaïeule, qui avait 108 ans, était entièrement noire; la fille de l'arriére-petite-fille était aussi blonde qu'une Anglaise. » Celte bonne vieille était une princesse de Madagascar dont la fille s'était mariée avec un officier de l'établissement de Flaccourt, au fort Dauphin. Lors du massacre des Français à Madagascar, il ne s'était échappé de cette famille que des femmes qu'on avait fait embarquer d'avance, dans le pressentiment d'un prochain danger, et qui se réfugièrent à Bourbon. NOUVELLES MOEURS. — L'introduction de cultures productives, et principalement celle du cafier qui eut tant d'influence sur le rapide accroissement des fortunes ; les relations fréquentes que la guerre de l'Inde établit entre Bourbon et nos établissements d'orient; les relâches forcées que firent dans l'Ile les employés de la compagnie des Indes; le séjour des officiers de Dupleix et de Bussy, qui vinrent se reposer de leurs fatigues sous un ciel plus salubre que celui de l'Indostan , et qui y apportèrent les richesses qu'ils avaient acquises rapidement dans leurs combats contre les Anglais, causèrent une grande révolution dans la manière de vivre des habitants de Bourbon, et y introduisirent de nouveaux besoins et de nouveaux goûts. La passion do briller ne s'y développa cependant que peu à peu ; il a fallu la succession de plusieurs générations, pour porter au degré où elles sont aujourd'hui les habitudes du luxe et la recherche de toutes les commodités de la vie, chez les descendants de ceux qui, il y a un siècle, travaillaient encore avec leurs esclaves à l'ardeur du soleil, et dont les filles couraient pieds nus sur les plages brûlantes de l'Océan , ou gravissaient les rocs escarpés des mornes. — « Les usages, les monuments, les costumes (dit M. Billiard, qui a long-temps habité l'île Bourbon), tout prit d'abord une physionomie moitié européenne et moitié asiatique ; les mœurs elles-mêmes prirent une nuance des mœurs de l'Orient; il y eut un peu moins de liberté pour les femmes; leur vanité se vit entourée d'un cortege importun d'esclaves, espèces de surveillants plutôt que véritables serviteurs; sans être plus fidèles, les maris se donnèrent un air plus despotique et plus jaloux. Ces ressemblances avec l'Asie ne sont pas encore tout-à-fait effacées aujourd'hui. Malgré les égards dont elles sont l'objet, beaucoup de femmes ne sont, à vrai dire, que les premières esclaves de la maison; elles sont douces, timides, résignées, attentives pour des maîtres qui n'ont pas toujours beaucoup d'amabilité. Qu'un mari soit malade, qu'il ait seulement une légère indisposition , il faut que sa femme veille auprès de lui, empressée aux moindres ordres qu'il s'avise de lui donner. Filles obtiennent en récompense de leurs services, de leur docilité, quelque chapeau, quelque robe nouvelle, objets qui sont pour elles d'un grand prix , et qui' du moins on n'a pas la cruauté de leur refuser : elles ne s'occupent, au reste , que des soins intérieurs de la maison. Filles font


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le linge et une partie des vêtements de leurs enfants et de leurs maris , ne se mêlant aucunement des affaires de spéculation. Pourtant, celles qui recouvrent leur liberté par le veuvage manquent rarement d'une intelligence particulière pour la direction de leurs intérêts. — La créole de nos colonies d'orient semble uniquement faite pour aimer; sa tendresse est inépuisable pour ses enfants; la nécessité la plus impérieuse peut seule la déterminer à les faire allaiter par une étrangère, c'est-à-dire par une négresse, sur qui ses yeux inquiets demeurent constamment ouverts. La nourrice reçoit sa part de ce qu'il y a de plus délicat sur la table du maître. Les négresses qui ont été bonnes des enfants, leurs menaines, pour me servir du terme du pays, également objet d'attentions particulières, ne s aperçoivent plus de leur esclavage; elles ne sont autre chose que des pensionnaires de la maison. C'est un spectacle charmant que celui de ces petits enfants créoles, qui sont entièrement nus ou vêtus à peine d'une petite robe de mousseline; ils n'éprouvent aucune gêne dans leurs mouvements ; rarement on les entend pleurer; ils se roulent, ils se jouent, ils s'endorment sur une natte; et, quand ils sont endormis, on les couvre d'un petit moustiquaire de gaze sous lequel ils ont l'air d'amours surpris dans un filet. — Les hommes créoles ont beaucoup d'esprit naturel et de facilité; ils obtiennent des succès rapides dans les arts d'imitation et d'agrément; leur ignorance a quelquefois une grande naïveté. Accoutumés de bonne heure à commander, ils se font une haute idée de leur supériorité : pourtant ils sont en général meilleurs maîtres que les nouveaux débarqués d'Europe ; ils sont moins exigeants, moins impatients. Parmi les Européens, les plus durs envers leurs esclaves sont ceux qui n'ont pas toujours commandé. » «A Bourbon , la vie est tranquille et sans événements; il n'y a guère plus de différence entre les jours qu'entre les saisons. Cette monotonie d'existence n'est pas contraire a la santé, mais elle donne le malaise de l'ennui, dont l'oisiveté est plus accablée dans l'île qu'elle ne l'est dans les régions européennes. — La colonie a plus d'oisifs qu'il ne s'en trouve dans la plupart des autres pays. La chasse, la pèche, la promenade, le jeu sont, en France, l'occupation de celui qui n'a rien à faire ; au moins, on se fatigue, on se distrait, et même l'on s'amuse : mais est-ce vivre que de porter péniblement son corps ou dans un carrefour, ou sur le bord de la mer, rendez-vous ordinaire des nouvellistes , des ennuyeux et des ennuyés de chaque quartier, comme on fait à Bourbon , et de consacrer sa journée à la politique et à la médisance? Le soir ne voit que peu de réunions : il yen aurait cependant de fort agréables, si les jeunes gens avaient un peu plus d'empressement pour les dames. «A l'Ile-de-France, les hommes, généralement mieux élevés, recherchent beaucoup plus la société. Sans aucune espèce de galanterie, on doit convenir qu'il n'y a point de comparaison à faire entre les hommes et les femmes dans l'une et l'autre colonie; tout l'avantage est pour ces dernières. Mais il est une question bien plus délicate et d'une plus haute importance, souvent discutée et toujours laissée insolite ; c'est de savoir quelles sont les plus aimables , des dames de l'Ile-de France ou de celles de Bourbon ; il en est de charmantes dans les deux îles ; l'instruction est plus répandue à l'Ile-deFrance; mais on trouve plus de grâces et de bonté dans la colonie française. Le naturel y vaut mieux que l'éducation. — Les dames créoles de Bourbon n'ont point cette nonchalance, cette apathie même pour les arts d agrément, ni cette rigueur envers les esclaves que les relations les plus indulgentes sont forcées de reprocher aux dames de l'ancienne colonie de Saint-Domingue. A Bourbon , une maîtresse de maison , quoique ne faisant pas autant par elle-même , n'est pas moins occupée de l'ordre et des soins de son ménage que ne le sont les dames européennes ; ayant des domestiques plus nom-

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breux , moins intelligents que les nôtres, elle a aussi beaucoup plus d'embarras; néanmoins elle donne rarement l'ordre de punir un esclave. La maîtresse de la maison commence ordinairement sa journée , soit à la ville, soit à l'habitation , par faire la visite de l'hôpital , c'est-à-dire des cases où sont les noirs invalides et malades; elle veille à ce qu'ils soient bien traités, et souvent c'est elle-même qui leur distribue les remèdes, en leur adressant toujours quelques paroles encourageantes. Aussi les noirs de l'habitation où il y a une femme blanche sont-ils ceux qui ont la condition la plus heureuse. La perte d'un bon maître est vivement sentie par les esclaves; la mort d'une bonne maîtresse est un malheur dont ils ont de la peine à se consoler. » NOTES BIOGRAPHIQUES. Un pays habité depuis peu de temps ne peut pas encore avoir produit un grand nombre d'hommes dont le nom puisse être conservé pour la postérité. — L'île Bourbon a fourni à nos flottes de braves marins, et à nos armées des militaires distingués. — Parmi les créoles qui y sont nés, on remarque PARNY et BERTIN, poêles erotiques, que le jugement des littérateurs du siècle dernier a placés sur la même ligne que Properce et Tibulle. — La famille DESBASSYNS , qui a fourni un administrateur à l'Inde française, compte dans son sein des botanistes instruits. C'est un des membres de cette famille qui a introduit dans l'île la culture de la canne à sucre et celle de plusieurs autres plantes utiles. — Un botaniste aussi très distingué et fort habile dans tout ce qui touche aux cultures coloniales, est JOSEPH HUBERT, qui fut long-temps directeur du Jardin du Roi, et que l'Institut choisit pour son correspondant. — Enfin un de nos publicistes contemporains, DE-LA-SERVE, auteur de la Royauté selon la Charte, est ausi né à l'ile Bourbon. TOPOGRAPHIE. L'ile Bourbon est située dans l'Océan indien par les 20° 51' 4" S. de latitude, et les 53° 10' de longitude E. méridionale de Paris. — Saint-Denis, son chef-lieu, est éloigné de Brest de 1,745 lieues marines de 20 au degré. — Sa forme présente un périmètre irrégulier qui dans son ensemble se rapproche île la forme circulaire. — Sa superficie est de 253,167 arpents métriques. — La traversée de France à Bourbon dure communément de 90 à 100 jours. ASPECT GÉNÉRAL. — VOLCAN. — Le sol est montagneux et déchiré dans tous les sens, mais principalement du centre à la circonférence. Les plus hautes masses sont au centre, leur élévation est de 3,048 mètres. — L'ile est un produit d'éruptions volcaniques: sur les parois des falaises qui encaissent les torrents, on aperçoit les coulées de laves qui forment la base du sol. — Sur plusieurs points delà circonférence, on trouve aux pieds des escarpements, des alluvions considérables formées de pierres et de cendres volcaniques roulées par les torrents. Ces alluvions, mêlées avec les détritus des plantes, forment line excellente terre végétale. — Les galets roulés par les torrents et amassés sur les eûtes, sont transportés par les vents généraux , et forment, sous le vent, une pointe fort avancée qu'on appelle la Pointe des Galets. On trouve aussi sous le vent des masses sablonneuses qui occupent plusieurs lieues d'étendue. La partie du sud-est de l'île renferme encore un volcan en activité. Cette partie, souvent couverte par des éruptions considérables, porte le nom de Grand pays brûlé. Là, sur plusieurs lieues d'étendue, la terre n'offre aucun signe de végétation ; on n'y voit que les débris d'une immense fournaise. — Les navires qui cherchent l'ile Bourbon et qui ont la précaution de se mettre au vent de l' de, peuvent en apercevoir les montagnes à une distance de 10 et 12 lieues. Quand le volcan jette des flammes ou seulement même une lueur blanchâtre, il devient un point important de reconnaissance. »


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Le centre de l'île offre des accidents remarquable» : « Bourbon , dit M. Billiard, n'est que la réunion de deux volcans principaux : le plus considérable s'est depuis longtemps éteint; la montagne du vieux volcan, qui couvre les deux tiers de l'île , ne s'élève que pour former l'enceinte d'un bassin irrégulier dont les parois intérieurs, d'une hauteur prodigieuse, sont à pics de presque tous les côtés. Il est aisé de reconnaître que ces montagnes, entièrement séparées aujourd'hui, n'étaient autrefois qu'une seule masse dont le sommet s'est écroulé dans les abîmes : la pensée rétablit sans peine les lignes qui ont été rompues; les eaux de la pluie et des sources auront rempli les anciens cratères ; elles se seront ouvert des passages qui sont devenus les profonds encaissements des rivières du Mat, de SaintEtienne et des Galets; toutes les trois ont leur source dans le même bassin. Cet intérieur de la montagne est d'une vaste étendue ; on ne saurait se faire une idée du désordre des débris qui y sont dispersés ou amoncelés : c'est une image du chaos. Un voyageur qui a parcouru les Alpes et les Pyrénées, avoue n'avoir rien vu dans ces montagnes de comparable à l'aspect que présente ce vaste cratère avec ses déchirures, ses mornes et ses pitons. Cimandef est bien une grande pyramide; le morne des Deux-Bras a bien l'air d'être flanqué de tours ; les Bas-de-malheur, le Morne-de-Fourcheet le Pitonde-neige qui se détachent en «'élevant les uns derrière les autres, le Renard qui est tout-à-fait séparé , ces longs remparts qui entourent le bassin, ressemblent en effet a la masse des ruines d'un monument construit par des génies ou par des géants.» Ce sont les piliers plus ou moins brisés d'un édifice dont la voûte s'est écroulée. RADES. — L'île renferme 12 rades. Les principales sont : la Rade Saint-Denis dont le fond est dit 10 à 20 brasses et où peuvent mouiller les bâtiments de la plus grande dimension. — On y entre et on en sort par tous les vents à l'exception de ceux du nord , qui soufflent rarement. — La Rade Sainte-Marie, qui reçoit des bâtitiments de 400 tonneaux, et la rade Saint-Paul, grande et belle baie où peuvent mouiller les plus grands bâtiments, mais dont l'entrés et la sortie sont difficiles par les temps calmes. — L'île possède en outre 7 anses et criques , dont deux seulement, Y !use des cascades ( quartier Sainte-Rose ) et la Crique de la rivière d'abord ( quartier Saint-Pierre), donnent entrée à des navires caboteurs. —«Bourbon n'a peint de ports, dit un délégué de l'ile, M. Sully Brunei, mais les dix années de croisières anglaises dans ces parages, après la rupture du traité d'Amiens, ont prouvé que la baie de SaintPaul , et moine certaines rades offraient une retraite utile à nos bâtiments de guerre. Avec la connaissance nautique de celte vaste baie, et celle des vents qui y souillent, on comprend la possibilité d'y recueillir une escadre, d'y battre en carène sur rade, et le danger auquel s'exposerait une division ennemie qui voudrait s'y jeter. — D'ailleurs, Saint-Giles est un port naturel, qui, pour être rendu praticable et sûr, n'exigerait qu'urne dépense d'environ 2,000,000 de francs ; et si la colonie avait eu un conseil délibérant, elle jouirait depuis long temps de ce bienfait, et n'aurait pas à regretter plus de 3,000,000 de francs perdus dans les essais infructueux faits pour obtenir seulement un barrachois à Saint-Denis. » LACS et ÉTANGS. — Il n'y a pas de lacs dans la colonie. On y compte quatre étangs, sans parler de plusieurs flaques d'eau formées par un des bras de la rivière Saint-Etienne, et que, du nom de ce bras, l'on appelle les Etangs de Cilaos. Les quatre grands étangs communiquent avec la mer pendant les saisons des pluies; ils sont généralement poissonneux, Les plus étendus sont : celui de Saint-Paul, qui a environ 16 hectares 30 ares de superficie et le Grand étang île Saint-André qui couvre 40,000 mètre» carrés. RIVIÈRES. On compte dans l'Ile 17 rivières dont les principales sont celles de Saint-Denis, des Pluies, du Mat,

BOURBON.

et de Sainte-Suzanne. Cette dernière, qui peut être parCourue en bateau durant l'espace d'un kilomètre, forme parmi des rocs volcaniques, au milieu desquels son cours est tracé, plusieurs belles cascades dont la plus remarquable est la cascade Beau verger. Toutes ces rivières ont leur source au centre de l'île et coulent très rapidement. — On remarque sur la rivière du Mât un beau pont en fer. Cette rivière, d'un développement de 10,000 mètres de longueur, a une largeur moyenne de 20 mètres et une profondeur commune d'un mètre. CANAUX. — L'ile possède deux canaux d'irrigation qui font aussi mouvoir diverses usines, Le canal SaintEtienne prend ses eaux dans la rivière de ce nom au bras de la plaine et a un développement de 9,255 mètres. Ce canal aboutit a un bassin contenant 3,200 mètres cubes, il passe deux ravines assez profondes sur des ponts aqueducs en charpente.— Le canal de la rivière du Mât fut commencé en 1827. — On projetait, en 1828, l'établissement de six autres canaux. ROUTES. — Une route, dite royale, circule autour de l'ile et facilite les communications; mais elle n'est pas dans tous les quartiers également bien confectionnée et entretenue. Parmi les ponts qui s'y trouvent, on en remarque deux suspendus, l'un sur la rivière du Mât et l'autre sur celle des Roches.— Cette route n'est praticable pour les voitures que sur quelques points. Les chemins vicinaux n'existent qu'en très petit nombre malgré les efforts de l'Administration pour les faire ouvrir. MÉTÉOROLOGIE. CLIMAT. — Le climat de l'ile est généralement sain et tempéré. En raison des différents degrés d'élévation, au-dessus de la mer, on y trouve tous les degrés de température. — D'après des calculs établis sur des observations recueillies pendant huit années, la température moyenne est 25°,03 centigrade. — La hauteur moyenne du baromètre est de 76 centimètres. — La quantité moyenne d'eau qui Tombe annuellement est de ( 'il centimètres, dans lesquelles l'eau tombée seulement dans la saison des pluies (Décembre, Janvier, Février, Mars et Avril), figure pour 105 cent. 42.— La moyenne de l'évaporation annuelle à l'ombre, est de 146 cent. 42, dont 92, 28, seulement dans la saison sèche (Mai à Novembre. ) VENTS. — Les vents généraux soufflent toute l'année de l'est au sud-est. Cette circonstance est cause du nom que portent les deux parties de l'Ile, partie du veut et partie sous le vent. RAZ-DE-MARÉE,— De Mai à Juillet, à l'époque où les vents soufflent avec plus de violence, l'ile est exposée aux raz-de-marée : ce ne sont point des vagues multipliées qui se brisent au rivage; la masse des eaux dont la surface n'est point agitée semble y être poussée tout entière, La mer gronde sourdement en arrivant, au bord de la plage; elle s'élève, elle se gonfle en un long rouleau qui s'abaisse avec un bruit pareil à celui d une montagne qui s'écroulerait tout à coup, de nouveaux rouleaux se succèdent presque sans interruption ; les communications cessent entre les navires et la terre. C'est dan» les raz de-marée, qui durent ordinairement vingt-quatre heures, que la niera le plus de grandeur et de majesté. OuRAGANs. — Les ouragans sont beaucoup moins violents à l'Ile Bourbon qu'à l'Ile-de-France; cependant on y conserve encore h' souvenir de celui du 28 février au 1er mars 1818. — L'Ile-de-France avait été surprise par l'ouragan, et il y avait causé de grands malheurs. Il s'annonça à Bourbon plus de vingt-quatre heures d'avance, par des signes capables d'effrayer; le calme le plus profond régnait sur la mer et sur l'ile entière; depuis plusieurs jours l'azur du ciel avait pris une teinte grisâtre, la chaleur était insupportable; dès la veille on avait entendu les bois ronfler dans la montagne; dans la journée du 28, l'horizon se rembrunit







FRANCE

PITTORESQUE

Case à Negres

Parny

Bertin.



FRANCE

PITTORESQUE

Bassin des Chites dans les Bras de la Plaine.

Cascade de la Ste. Suzanne.


FRANCE PITTORESQUE. — BOURBON.

par degrés, jusqu'à ce qu'il devint entièrement noir, au coucher du soleil, dont le disque tout le jour avait été rougeatre et sans éclat; les baromètres commencèrent à baisser, on donna l'ordre dans les habitations de couper la lige des maniocs, et le feuillage des bananiers et des papayers; le lendemain matin à six heures, l'ouragan ne s'était pas encore déclaré; mais bientôt , sans que l'air fût agité, les barbes de chat coururent du sud-ouest au-dessous de la voûte sombre qui enveloppait l'île (on appelle ainsi de petits nuages qui annoncent l'arrivée de l'ouragan, ce sont les courriers dp la tempête); bientôt après des nuages épais sortirent du fond des ravines; un navire, le seul qui fût dans la colonie, immobile au milieu de la rade de Saint-Paul, attendait le premier souffle de vent pour appareiller; une légère brise effleura la surface des flots, une plus forte la suivit; vinrent immédiatement après des rafales dont la violence alla toujours croissant; le navire, en partant pour l'Europe, s'enfuit à sec de voiles devant l'ouragan ; il arriva heureusement en France. — L'île de Bourbon n'eut pourtant que la queue de l'ouragan; sa violence se calma rapidement; le mal qu'il lit ne fut point à comparer aux désastres que l'Ile-de-France éprouva. TREMBLEMENT DE TERRE. — L'île renferme encore un volcan en activité, néanmoins les tremblements de terre y sont rares et peu sensibles. MALADIES. — Quoique placé sous la zone torride, Bourbon est peut-être un des pays les plus sains du monde : on n'y connaît aucune maladie endémique. — Aux changements de saison les noirs sont plus exposés que les blancs aux flux de sang, aux affections catarrhales. Les fièvres tenaces et les fièvres intermittentes y sont à peu près inconnues; presque toutes les maladies y sont plutôt l'effet de l'imprévoyance que de la maligne influence du climat. — D'après des détails donnés par M. A. Billiard , Bourbon a été ravagée en 1820, par le choléra-morbus asiatique qui y avait été apporte de l' Inde par un navire anglais. HISTOIRE NATURELLE. . — Les quadrupèdes sauvages sont en très petit nombre dans l'île: on y trouve : —les Cabris ou chèvres sauvages, de la même espèce à peu près que la chèvre domestique. Elles paraissent être originaires de Perse et avoir été importées par les Portugais. Au moment de la prise de possession par les Français, il existait aussi dans l'île des codions sauvages qui ont été détruits par les chasseurs et par les noirs marrons. Les chèvres n'ont résisté à ces chasses opiniâtres que parce qu'elles habilent les parties froides et inaccesibles ; elles vivent en troupes et marchent en bandes assez nombreuses. Cette espèce de chèvre est bonne laitière dans l'état sauvage ; sa chair, imprégnée d'odeur de bouc, est peu estimée. — Les lierres sont très nombreux ; leur fourrure est belle. On a cru remarquer que leurs oreilles sont plus longues que celles des lièvres d'Europe. Ils n'ont été importés dans l'île que depuis 50 ans environ. — Le tenrec (erinaceus ecaudatus), mammifère carnassier qui a été apporté de Madagascar depuis une vingtaine d'années seulement. C'est une espèce de hérisson appelé tangues parles noirs qui en mangent la chair. Parmi les espèces nuisibles , on signale les rats, les mulots et les souris. — Les quadrupèdes domestiques sont.ceux d'Europe : le cheval, l'âne, le mulet, le bœuf, le pore, le cochon d'Inde, le mouton, les chèvres, le lapin , le chien et le chat. — La race des chevaux , que l' on regarde aujourd'hui comme indigène, a été introduite par les Portugais et provenait de Java. On a cherche a l' améliorer en introduisant successivement des étalons anglais et français L'île renferme aussi un grand nombre de chevaux qui ont été récemment importés des I rides orientales. Les Anes sont généralement d'une belle espèce; ceux qui viennent de l'Arabie ( de Mascate) sont les plus estimés. — Les mulets sont au nombre RÈGNE ANIMAL

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des animaux les plus précieux de la colonie. On en a tiré autrefois de Buenos-Ayres ; ceux que l'on importe maintenant viennent tous de France et principalement du Poitou. — L'espèce bovine, née dans le pays, est généralement faible ; on importe beaucoup de bœufs et de vaches de Madagascar. L'animal qui vient de cette île est le zébu {bus indiens de Linné), remarquable par une loupe graisseuse sur le garrot. — Les moutons, en petit nombre, sont importés de France; ils perdent par l'influence du climat le moelleux et l'abondance de leur laine. Leur toison est grossière et ne pèse guère qu'un kilogramme. — Les chèvres sont d'une bonne espèce et donnent beaucoup de lait. — Les porcs proviennent généralement de la France ou de la Chine. —Les chiens, venus d'Europe, perdent la finesse de l'odorat. Ils sont sujets aux maladies cutanées , mais paraissent exempts de la rage. Les chats n'offrent rien de particulier que l'altération de l'odorat commune aux chiens. Pa rmi les oiseaux sauvages, on remarque : le Martin , qui rend de grands services à la colonie en détruisant les insectes, et qui a été apporté des Philippines; le perroquet noir, qui devient de plus en plus raie, et qui parait originaire d'Afrique ; deux espèces de tourterelles, une grise et une rouge; le gobe-mouche huppé, le merle . la caille , le cardinal, le bengali, etc. Les oiseaux domestiques sont les mêmes que ceux que l'on élève en France. On a introduit depuis quelques années dans les basses-cours la poule sultane de Madagascar, dont la chair égalé celle du faisan. — Les poissons de mer qui se trouvent sur les côtes sont, entre autres, les bal eines (rares ), les requins ( très' communs), les thons, les bonites, les maquereaux, les sardines, les raies, etc. — Parmi les poissons d'eau douce, on distingue le gouramier, originaire de la Chine et très estimé des gourmets, la carpe qui est très rare, et l'anguille qui acquiert des dimensions énormes. — Parmi les insectes, les abeilles, introduites depuis 1665, fournissent un miel vert estimé. — On a naturalisé depuis peu la cochenille du Nopal.—Les fourmis, les kakerlats causent de grands ravages dans les plantations et dans les habitations. — Le scorpion et la scolopendre ( ou mille pieds ) sont au nombre des insectes venimeux. —Parmi les crustacés, les homards, les crabes, les chevrettes et les tourlourous sont 1rs plus communs. — Les coquillages propres à servir de nourriture sont très rares sur les côtes; les huîtres que l'on mange à Bourbon viennent de l'Ile de-France. RÈGNE VÉGÉTAL. — La végétation varie dans l'île Bourbon avec le degré d'élévation du sol au-dessus du niveau de la mer : ses forces diminuent à mesure que la température se refroidit; au sommet des montagnes, où le thermomètre de Réaumur descend en hiver jusqu'à zéro, on ne voit plus que de chétives broussailles et les Ambavilles qui donnent leur nom à cette région. — Immédiatement au-dessous est la zone des Calumets. Les grands arbres en général ne croissent pas dans une région de plus de 1,500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les pluies influent aussi sur la végétation ; elles sont fréquentes à Sainte-Rose et à Saint-Benoît; mais le sol y est tel que quelques jours de sécheresse y font un grand tort aux plantes : quoique moins fréquentes à Saint-André, à Sainte-Suzanne et à Sainte Marie, elles y entretiennent une verdure constante. Le repos de la végétation est remarquable à Saint-Denis, où les pluies arrivent rarement en hiver, et dans la partie sous le vent , beaucoup moins pluvieuse en général que la partie au vent. En novembre, la végétation presque suspendue dans quelques quartiers, ralentie dans d'autres, reprend son activité. Les premières pluies produisent un changement extraordinaire: vingt-quatre heures suffisent au développement des semences, et le mouvement vital des plantes devient presque sensible à la vue. Pendant toute la durée des pluies et des chaleurs, c'est-à-dire jusqu'au


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mois de mai, rien n'arrête cet élan de la végétation. Dans la partie du vent, le maïs, récolté quatre mois après avoir été semé, est aussitôt remplacé par un nou veau semis du même grain, qui donne peu de temps après une nouvelle récolte. Il en est ainsi pour plusieurs autres genres de culture. Sans le bois noir, cultivé dans la partie du vent pour protéger les cafiers que l'on remplace presque partout par la canne a sucre , sans les manguiers, dont la graine jetée au hasard a multiplié dans les habitations et dans les ravines, la colonie manquerait déjà de bois de chauffage. Les arbres les plus communs dans les forêts sont : le bois de natte à grandes feuilles et à petites feuilles, le tacamaaka, le tan, le bois blanc, le palmiste, le bois de pomme, le bois d'écorce blanche, le bois de nèfle et le bois de gouyave. Il existe peu de pâturages: on nourrit les bestiaux, les bêtes de somme et de Irait avec des feuilles de cannes, de maïs, de l'herbe de Guinée, et des jeunes branches de bois noir.

Nous ne pouvons prétendre à donner ici la liste complète des végétaux de l'Ile Bourbon : nous nous bornerons à dire que ceux dont les produits servent à la nourriture des hommes sont au nombre de 159; — ceux affectés spécialement à la nourriture des animaux au nombre de 56 ; — ceux utiles aux arts et à l'industrie au nombre de 86;— ceux qui ont des propriétés médicales au nombre de 191 ; — ceux qui fournissent des bois propres aux constructions et aux arts au nombre de 41 ; — enfin ceux qui sont nuisibles ou vénéneux au nombre de 24. Une très petite partie des plantes coloniales cultivées à Bourbon sont indigènes. Ainsi, le cotonnier y a été apporté d'Amérique; le caféier y a été introduit, en 1717, de Moka, où Beauvollier de Courchant et Dufougeret Gremer allèrent le chercher par ordre de la Compagnie des Indes; l'arbre à pain est dû à La Billardière, le muscadier, le poivrier, le canne/lier, le riz en terre sèche , le mangoustan, etc., sont des présents du célèbre Poiyre: l'astronome Rochon, le naturaliste Commerson dotèrent l'Ile de plusieurs plantes utiles; c'est à Lejuge qu'on doit le manguier, l'avocatier, le corossolier et l'ai lier; l'abbé Gallois a introduit le camphrier ; Bellecombe le chêne de France; La Bourdonnaye l'indigotier, le blé d'hiver et la Fait/que; le comte d'Estaing la noix de Bancoul qui donne une huile pareille à celle du lin; enfin, de nos jours, l'ordonnateur Desbassyns de Richement a apporté du Brésil l'herbe de Guinée; il a aussi importé dans la colonie, l'arrouroute, l'abricotier, le framboisier, le poirier, l'amandier, le cerisier, l'olivier et le prunier de France. — Le vanillier y a été apporté de Cayenne, en 1819, par le capitaine Philibert, et l'arbre à thé par le capitaine Roquefeuille. Parmi les végétaux de l'île Bourbon qui pourraient être naturalisés en France, on remarque: la cerise-cannelle, le coing de Chine, l'houmine ( dont la racine sert à faire des confitures),le longanier (dont le fruit a le même emploi ) , la patate, les pois du Cap, le tan rouge ( dont la feuille sert à la nourriture des abeilles), l'ambaville ( dont les feuilles et la tige ont des propriétés médicales), le bois de pied de poule. ( idem ), le bois amer ( fébrifuge ), le cardamome (dont la graine est stomachique), la casse, la citrouille ( vermifuge ), le gingembre (stomachique), le mille-pertuis ( vulnéraire ). Parmi les bois, dont la naturalisation en France donnerait des avantages et qui pourraient être employés aux constructions ou aux arts économiques, on cite : le bois sans écorce , le bois de Judas, le bois de tan et le bois de Gaulette. RÈGNE MINÉRAL. — Toutes les pierres sont des produits volcaniques : ce sont des basaltes d'un gris pâle, qui ne diffèrent que par leurs degrés de dureté. On en trouve des blocs qui affectent des formes prismatiques; mais il n'existe dans l'Ile aucune colonnade, ou pavé régulier qu'on puisse comparer à celles que présentent les

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autres contrées qui ont été exposées au feu des volcans. — On se sert communément pour bâtir d'une pierre poreuse plus légère que la basalte, mais assez dure. — L'Ile renferme des mines abondantes de pouzzolane. Ses rivages sont entourés d'une ceinture de bancs de coraux avec lesquels on peut faire de la bonne chaux.— Il n'existe à Bourbon aucun gîte de substances métalliques. Faux minérales. — On ne connaît dans la colonie qu'une source d'eau thermale; elle est située dans la banlieue de Saint-Louis, au pied du Piton-de-Neige, dans la partie appelee la plaine des étangs. Cette eau renferme de petites quantités de muriate de chaux , de carbonate de soude et de carbonate de chaux ; on n'en a encore pu faire aucun usage médical. — On trouve sur les bords de l'étang Saint-Paul, une source qui parait renfermer des substances minérales; mais aucune analyse de ses eaux n'a été faite jusqu'à ce jour. Salines. — L'île Bourbon ne renferme aucunes substances salines naturelles. Une saline artificielle a été formée à Saint-Pierre ; on y obtient le sel par le moyen de l'évaporation de l'eau de la mer qu'on élève avec une pompe et qu'on verse dans des carrés peu profonds où elle est exposée à l'action des rayons solaires. — Le prix moyen du sel dans la colonie est de 10 francs le quintal métrique. VILLES, BOURGS ET QUARTIERS. SAINT-DENIS , chef-lien de la colonie, est situé au nord de l'Ile, et au bord de la mer. Cette ville .renferme environ 900 maisons, sa population est de 12,000 habitants. — Ou ne peut considérer comme monument que l'hôtel du Gouvernement, dont l'architecture, toutefois, n'a rien de bien remarquable.— Ses autres édifices publics sont une église, un collège, un hôpital et un arsenal. — Les maisons particulières, qui s'élèvent au milieu de jardins carrés, dont les murs alignés forment les rues, sont généralement eu bois ; cependant, depuis quelques années, on commence à bâtir eu pierre, et les constructions prennent plus d'élégance. — La ville s'élève sur un plateau au bord de la mer; la chaleur y est tempérée par des brises fréquentes; l'air y est sain , l'eau de bonne qualité, Il y existe quatre fontaines. — C'est à Saint-Denis qu'est placé le jardin du liai, remarquable par la richesse de ses collections botaniques et la beauté de ses promenades. Le jardin de naturalisation se trouve dans les montagnes, à une lieue de la ville; il renferme toutes les plantes d'Europe, que le gouvernement y fait naturaliser pour les transplanter dans la colonie. SAINTE-MARIE , sur la rivière de ce nom, à 2 l. 1/2 de SaintDenis, est uu bourg éloigné de la mer d'environ 100 mètres : il forme une rue traversée par la route royale, et compte environ 40 maisons groupées autour d'une église. Les établissements publics sont la mairie et un corps-de-garde. — Sainte-Marie possède un petit port. SAINTE-SUZANNE n'est ni ville, ni bourg, ni village; c'est une suite d'habitations entre la ravine des ('.lièvres et la rivière SaintJean. — Quelques maisons sont groupées auprès de l'ancien emplacement de l'église; les autres sont dispersées dans les environs. Les verdoyantes et gracieuses plaines qui l'entourent ont reçu le nom de Quartier-Français. SAINT-ANDRÉ, sur la rivière du Mât, est un quartier formé de plusieurs maisons bâties au prés d'il ne église qui a 40 m. de longueur et 16 de largeur, cette église est bâtie en pierre, couverte en bois, et son portail est surmonté d'un clocher. — La commune possède en outre un presbytère et deux écoles pour les filles et les garçons. SAINT-BENOÎT forme un joli bourg traversé par la rivière des Marsouins. On y trouve une église, un presbytère et une maison commune, SAINTE-ROSE. — Le chef-lieu de ce quartier, situé au bord de la mer, est formé de plusieurs maisons au milieu desquelles s'élèveut un presbytère et une église. Il y existe eu outre un corps-degarde pour la milice et une maison de sûreté. SAINT-JOSEPH est un quartier qui ne renferme ni bourg ni église. Il ne s y trouve qu' une petite chapelle avec presbytère , situés près de la rivière du Rempart. SAINT-LEU. Le chef-lieu de ce quartier, situé au bord de la mer, est un bourg d'environ 250 mètres de longueur; il renferme 74 maisons , dont une vingtaine sont au nombre des plus belles de la colonie. Il est traversé par la mute royale, qui forme une rue de 6 mètres de largeur, oruée d'une belle plantation de bois noirs; une autre plantation contourne le bourg et lui sert de boulevart Outre la rue principale, ou compte neuf autres rues plus étroites. — Malheureusement ce quartier manque d'eau, — Saint-Leu possède un presbytère et une bel le église.


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SAINT-LOUIS est un quartier où il existe plusieurs agglomérations de maisons. La plus considérable est celle qui avoisine l'église. On trouve dans ce quartier un beau presbytère et deux chapelles. SAINT-PIERRE forme un joli bourg de 120 maisons, disposées en amphithéâtre au bord de la mer, coupé par des rues droites, de 30 pieds de largeur, et arrosées par trois fontaines. — On y trouve une mairie, une justice de paix et un corps-de-garde. SAINT-PAUL, au sud de l'île, à 7 l.1^2 de S.-Denis.—Cette ville, ch.-l. de quartier et la seconde de la colonie, est bâtie entre un étang et la mer ; elle est composée d'environ 500 maisons ; sa population est de 10,000 habitants. — Ou y trouve un tribunal de première instance, un hôtel-de-ville, un presbytère, une école, un hôtel dit le Gouvernement, un autre dit de l'Intendance, un hôpital militaire , une caserne , un bureau de douanes , un bureau pour le capitaine de port, une prisou civile, une prison militaire, trois corps-de-garde et une belle fontaine. — Elle possède une église en pierre, qui est la plus belle de la colonie. — Ses rues ne sont point pavées ; elles ont une largeur de 8 a 10 mètres , et sont ombragées par de belles plantations. — Les principales dépendances de Saint-Paul sont : la Possession, située à 3 l. 1/2 N.-E., et Saint-Giles, situé a 2 1. 1/2 au S.-O. — La Possession renferme 20 maisous bâties le long de la route royale et au bord de la mer, au pied de la montagne appelée le cap de la Possession. — SaintGiles, situé près de la mer, Je long du ruisseau Saint-Giles , compte 25 maisons.

VARIÉTÉS. — HABITATIONS- — ESCLAVES. HABITATION. — Une habitation , à Bourbon', comprend ce qu'on appelle en Europe la ferme et la maison de campagne. Lorsque plusieurs habitations sont à peu de distance l'une de l'autre, elles forment un quartier. — Les terres en culture sont des champs de maïs, de manioc, de patates, de cannes à sucre, ou des plantations de café et de girofle; les champs employés à ces dernières cultures sont appelés enféieries ou girofleries. — La même habitation comprend une, deux ou trois de ces sortes de plantations, et les réunit quelquefois toutes. — Les propriétaires d'habitation, et particulièrement les personnes qui demeurent à la campagne, sont désignés sous le nom d'habitants. — Sur l'habitation existe presque toujours une maison de maître, ordinairement en bois : quelques-unes de ces maisons sont entourées de varangues ou galeries couvertes et à colonnes, qui ne manquent pas d'élégance. La maison est placée à l'endroit le plus agréable de l'habitation ; en avant il existe presque toujours une plate-forme sur laquelle ou fait sécher le café ou le girofle, et quelquefois le sucre; c'est Yargamasse. Non loin de là sont le magasin, la cuisine, les écuries, les poulaillers ; les parcs ou enclos pour les bœufs, les cochons et les tortues; le camp des noirs, c'est-à-dire, l'espace où leurs cases sont réunies, et, enfin, un hôpital pour les esclaves malades. Le nombre et l'étendue de ces bâtiments, la manière dont ils sont construits témoignent de l'importance de la propriété et de l'aisance de l'habitant. ESCLAVES. — La valeur moyenne d'un noir dans la force de l'âge, et attaché à la culture, qu'on appelle noir de pioche, est de 1,500 à 2,000 fr. La valeur moyenne de son travail est de 1 fr. 50 c,, ce qui , pour 300 journées par an , représente 450 fr. — La nourriture des esclaves consiste eu une livre trois quarts de riz, ou deux livres de mats, ou quatre livres de nnnioc. Cette nourriture peut coûter environ 30 c. par jour, ou 109 fr. 50 c. par an.— Leur habillement se compose d'une chemise et d'un pantalon de toile bleue, ou une jupe de même étoffe. —Quelques habitants leur donnent deux vêtements par an. C'est une dépense moyenne, annuelle, de 15 fr. par individu. — Il est défendu aux esclaves de porter des souliers. Les esclaves commencent leur travail à cinq heures du matin; ils déjeunent a huit heures, dînent à midi et soupent à sept heures. Us ont pour le premier de ces repas, une demi-heure , et pour le second une heure et demie. Quelques maîtres ajoutent des légumes à la distribution du riz; d'autres, plus aisés, notamment les fabricants de sucre, font distribuer des salaisons de bœuf ou de poisson , et de l'arack. Eu ville, les noirs se divisent en trois classes : les domestiques, les ouvriers , et les noirs attachés aux établissements de marine et de charrois. — Les domestiques sont vêtus avec quelque soin ; ils portent des vestes de toile bleue, une chemise blanche, un pantalon bleu, et quelquefois leurs vêtements sont en percale imprimée de France; les négresses, surtout, recherchent les étoffes des manufactures françaises, et particulièrement les grands châles de coton. — Ordinairement on s'attache comme domestiques les noirs créoles nés dans la maison. Le nombre de domestiques est plus considérable qu'en Europe, parce que les besoins du maître sout plus grands, l'intelligence et l'activité des domestiques moindres, et aussi, parce que le blanchissage et tous les ouvrages de lingerie, qu'en France on confie à des ouvriers, sont, aux colonies, faits dans les maisous mêmes. Les domestiques sont nourris des restes de la table du maître,— Les ouvriers sont d'un

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prix élevé dans les colonies; on les vend jusqu'à 8 et 10,000 fr. lorsqu'ils sont d'une graude habileté. — On leur abandonne ordinairement le produit de leur travail des dimanches et des jours de fête.— Les noirs de batelage et de charrois dans l'intérieur de la ville sont assujettis à des travaux plus pénibles que ceux des autres classes; mais on leur donne une nourriture plus abondante; ils reçoivent 3 livres de riz, du poisson salé et de l'arack. — Sur les habitations, les noirs domestiques sont employés à des travaux de jardinage. —Les noirs attachés à la culture se réunissent chaque jour en bandes, sous la conduite d'un commandeur; on envoie à la bande, et par forme de punition, les domestiques dont on n est point content Ces noirs ne travaillent pas les jours de fête et les dimanches, a moins que des circonstances extraordinaires n'exigent leur emploi dans l'intérêt des récoltes; dans ce cas , le maître leur accorde plus tard d'autres jours de repos, et en pareil nombre que ceux dont ils ont été privés. — L'habitation des esclaves forme une réunion de cases qu'on appelle le camp. Près de chaque case se trouve un terrain sur lequel le noir cultive des fruits ou élève des volailles et des porcs pour son profit particulier. Le soin que la plupart des maîtres prennent de la tranquillité de leurs esclaves est telle, que pour entrer dans leur habitation il lui faut des raisons presque aussi fortes que celles exigées par la loi pour que le magistrat puisse entrer dans le domicile du citoyen. — Les enfants de 9 à 12 ans sont employés à des travaux proportionnés à leur force, tels que balayer ou étendre les produits qu'il faut faire sécher. — Les noirs âgés ou infirmes sout employés comme gardiens; lorsqu'ils sont encore en état de travailler légèrement, ils arrachent les herbes des jardins ou fendent les roseaux destinés â la confection des sacs. — Les négresses, pendant leur grossesse, ne sont employées qu'à des ouvrages légers; ordinairement ce sont elles qui fout les sacs. Dans toutes les grandes habitations il y a un hospice pour les noirs malades; la maîtresse de la maison veille elle-même aux soins que les malades doiveut y recevoir. A Saint-Denis, la plupart des maîtres envoient leurs esclaves à l'Hôpital du Roi, et paient pour eux le prix de la journée d'hôpital. le maître peut punir son esclave de 30 coups de fouet, le mettre à la chaîne ou au bloc. Les châtiments plus sévères sont défendus. — Les sentiments d'humanité acquièrent chaque jour d'ailleurs un empire plus étendu, et le nombre des maîtres qui traitent durement leurs esclaves diminue chaque jour. La vie des esclaves ne commence, à proprement parler, qu'après le travail Durant tout le jour ce sont. en quelque sorte , des bêtes de somme, des machines de production, des instruments de travail.— A la nuit tombante, ils cessent leurs travaux et se rassemblent tous sur y argamassc (cour on terrasse de l'habitation); le géreur (c'est le blanc qui a la surveillance de l'habitation; fait l'appel nominal ; « Maintenant, vous autres, écoutez, leur dit-il, que les commandeurs viennent se placer autour de moi. JeanLouis, demain matin de bonne heure tu te mettras à la tête de la petite bande (celle des jeunes noirs de neuf à douze ans); vous irez dans la cotonnerie ramasser les cotons qui sout nouvellement ouverts. — Comme nous aurons beaucoup de bazar (marché), Cupidon aidera la négresse bazardière à porter ses paniers de légumes et de fruits —La grande bande se partagera eu deux : une moitié ira casser le mais qui nous reste dans les hauts, l'autre moitié ira à la cueillette du café rouge ; les commandeurs veilleront a ce qu'on ménage les arbres et à ce que les fruits ne soient cueillis qu'en parfaite maturité. Vous outres vieilles, et vous autres nourrices, vous continuerez à faire des sacs pour notre café, parce qu'après-demain les noirs feront un voyage pour porter au quartier ce que nous en avons de préparc. — Les noirs charpentiers se mettront à travailler à notre nouvel hôpital.- Zéphyr, tu donneras vingt-cinq coups de fouet à notre voleur de calé, et autant au marron qu'on vient de nous ramener. Vulcain le forgeron les mettra tous les deux à la chaîne ; ils ne feront autre chose que de moudre du maïs.— Jupiter, tu iras avec la Fortune, Oscar et Narcisse, porteries deux codions que nous avons vendus au boucher. — Comme il commence à faire froid, vous rapporterez une balle de toile bleue qu'on partagera entre vous tous; mais je préviens que je fais punir le premier qui vendra son rechange pourboire, ou qui donnera sa toile à des négresses. A présent vous n'avez qu'a vous en aller souper. » — Tous ces ordres sout donnés soit en langue française, soit en langue créole : un géreur exercé ne s'exprime que de cette deruière manière • bien parler créole est un talent que les blancs n'ont pas tous l'avantage de posséder au même degré. - La bande se précipite vers la case enfumée ou le vieux cuisinier fait cuire, dans deux grandes marmites, des pois du Cap et du maïs; chaque uoir se présente avec un débris de callebasse, un plat de bois, une moitié de coco de Praslin, ou seulement un lambeau de feuille de bananier, pour prendre part a la distribution; tous s'eu retournent au camp ou aux postes qui leur sont assignés. Il n'est pas encore huit heures du soir ; le plus profond silence règne bientôt sur toute l'habitation, il n'est troublé que par le cri des grillons, ou par le chant


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monotone d'un noir qui s'accompagne du bobre ou du vali. Le bobre est un arc dont la corde de pitte, Autrement d'agave, résonne sur une petite calebasse placée «à l'une des deux extrémités. — Les noirs ne prennent que peu de sommeil : à onze heures il y eu a encore un grand nombre qui ne sont pas endormis. Si l'on pénètre dans une cabane, ou y trouve le noir, sa commère qu'il appelle sa femme, et ses enfants, accroupis autour d'un foyer, car ils aiment à avoir du feu, même dans la saison la plus brûlante. — Auprès de ce feu est une marmite; un noir serait malheureux s'il n'était pas propriétaire d'une petite marmite pour y faire cuire ses brèdes assaisonnées à sa manière, ses pois du Cap et son maïs.— Le chef de la case raconte des histoires merveilleuses; la famille attentive l'écoute parfois d'un air effrayé : il leur dit comment un noir jaloux, ayant assassiné sa maîtresse, alla tuer son corps qu'il jeta du haut des remparts de la Ravine-à-Malheur, ou de la ravine des Lataniers. Depuis ce temps, son gniong (esprit) et celui de sa maîtresse reviennent tous les soirs; ce n'est qu'en portant des grisgris , c'est-à-dire des amulettes, qu'il est possible de se préserver de leurs maléfices. "VENTE. D'ESCLAVES. — La vente des noirs d'un héritage est un spectacle pénible. La bande arrive tristement dans la cour où l'encan doit avoir lieu ; on les appelle chacun à leur tour : quand c'est un petit noir, on le fait monter sur une chaise ou sur une table pour que le cercle des acheteurs soit a même de le mieux juger. — ««A cent piastres! A cent vingt piastres! » Le noir sourit lorsque c'est un bon maître qui cherche à l'obtenir, il semble l'encourager. — «A cent trente, cent trente-cinq, cent trente-six, etc. Adjugé! » Mais si l'adjudicataire passe pour être dur envers ses esclaves, s'il est d'un quartier éloigné, le noir vendu a de la peine à cacher son chagrin et son mécontentement. Il en est néanmoins, et heureusement, de la plupart, comme de l'Ane de la fable à qui le changement de maître est tout-à-fait indifférent. — La loi n'a pas voulu qu'on séparât de leur mère les enfants au-dessous de sept ans; mais quelquefois, sa us le vouloir, on sépare le mari de la femme, parce qu'on ignore les liens naturels qui se sout formés entre eux , alors ce sont des scènes dont il serait difficile de n'être pas attendri. Celui qui achète le mari se décide ordinairement à acheter la femme, car, il faut le reconnaître, le cœur des habitants de Bourbon n'est point insensible à la voix de l'humanité. — Les mourants ont coutume , soit dans leur testament, soit dans les instructions à leurs enfants, de laisser à leurs plus fidèles serviteurs le choix de l'héritier ou du maître auquel il leur conviendra de s'attacher.

DIVISION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE. La colonie se divise en deux arrondissements militaires, administratifs et judiciaires, qui renferment ensemble 12 communes. L'arrondissement du vent comprend les communes de SaintDenis, Sainte-Marie , Sainte-Suzanne, Saint-André, Saint-Benoit et Sainte-Rose.— L'arrondissement de sous le vent comprend les communes de Saint- Paul, Saint-Leu, Saint -Louis , Saint-Pierre , Saint-Joseph et Saint-Philippe. Le siège du gouvernement est à Saint-Denis. L'administration supérieure de la colonie est dans les attributions du ministre de la marine et des colonies. Le conseil général de la colonie envoie deux délégués à Paris auprès du ministre. GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION. — Un officier général ou supérieur de la marine est gouverneur (1). Il y a trois chefs de service : un ordonnateur chargé de l'administration de la marine et de l'intendance militaire, un directeur général de l'intérieur remplissant les fonctions de préfet, et un procureur général ayant les attributions d'un commissaire général de justice. — Les trois chefs de service, le commissaire de la marine chargé de Y inspection , et deux conseillers coloniaux, choisis par le roi parmi les habitants notables, composent un conseil privé que préside le gouverneur. — Il y a auprès de ce conseil un secrétaire archiviste. — Les attributions du gouverneur sont divisées en trois catégories : 1° pour certaines affaires il ne peut décider et agir que de l'avis de la majorité du conseil ; 2° pour d'autres, il consulte seulement le conseil ; 3° pour d'autres enfin, il agit à sa volonté et avec des pouvoirs extraordinaires. JUSTICE. — Il y a à Saint-Denis une cour royale composée de 7 conseillers, 3 auditeurs, un procureur général et un substitut. Lest un conseiller choisi pour trois années qui la préside. — Il y existe aussi un tribunal de première instance composé il un juge royal rendant seul la justice, d'un lieutenant de juge, de deux auditeurs, d'un procureur du roi et d'un substitut. — lin autre tribunal de première instance siège à Saint-Paul. La composition est la même, moins un auditeur et le substitut — 6 justices de paix existent dans l'île : a Saint-Denis , Sainte-Suzanne,

(1) Le gouverneur prend le titre de gouverneur de Bourbon et dépendances. — Les dépendances étaient nos possessions à Ma-

dagascar.

Saint-Benoît, Saint-Pierre, Saint-Louis et Saint-Paul. Les cours d'assises tiennent leurs séances à Saint-Denis et à Saint-Paul ; chacune est formée de trois conseillers et de quatre assesseurs pris dans un collège de 60 membres.— Les matières commerciales sont attribuées aux tribunaux civils. — Les af faires correctionnelles portées directement à la cour royale. — Les codes français sont cri vigueur. CULTE. — Le culte catholique est le seul répandu à Bourbon. — Un préfet apostolique , ayant des pouvoirs épiscopaux, régit le service spirituel. Les 12 communes ont chacune un curé. INSTRUCTION PUBLIQUE.— La colonie possède un collège royal, ayant 12 professeurs et 150 élèves. Les enfants de couleur y sont admis. 2 écoles tenues par les frères do la doctrine chrétienne, et 3 par les sœurs de Saint-Joseph.— 8 pensions particulières pour les garçons, et 7 maisons d'éducation pour les filles. — Six demibourses sont accordées a la colonie dans les collèges royaux de France. ÉTABLISSEMENTS PUBLICS. — On compte dans la colonie : un bureau de bienfaisance , deux hôpitaux royaux, un jardin botanique , un jardin de naturalisation , un comité médical ayant le droit de conférer le titre d'officier de sauté de la colonie, et une chambre de commerce. — Il n'existe à Bourbon aucune société scientifique. BANQUE. — Une banque de prêts et d'escomptes, à l'instar de celle de Paris, a été fondée en 1825 , avec un privilège pour vingt ans. Son capital est de 1,000,000. Elle émet, pour moitié en sus de billets, et escompte à 9 pour cent. — L'intérêt civil légal est fixé a 9 , et l'intérêt commercial à 12. MONNAIES. — Les valeurs monétaires existant en 1827 dans la colonie, pouvaient être évaluées comme il suit : Espèces d'or. 628,924 fr. d'argent , 1,645,774 2,419,698 fr. — de billon 145,000 Il existe dans la colonie des pièces de cuivre d'une valeur de 50 cent, — La livre coloniale est de 75 cent.— On compte communément par piastres de 5 fr. ; maison n'admet dans les comptes publies que les dénominations du système monétaire français. POIDS ET MESURES. — Les mesures coloniales de distance, de volume, de capacité, de longueur, de pesanteur, sont presque toutes les anciennes mesures de France , lieue , toise, pied , aune , corde, litre , pinte, livre, etc. — La mesure de superficie est lu gaulette de 225 pieds carrés, équivalant à 23 m. 74 c. carrés.

POPULATION. En 1767, la population blanche était de. La population esclave de

...

Total En 1788, la population blanche était de. . . . La population libre de couleur. ... La population esclave

5,197 20,379 25,576 7,833 918 37,265

Total 46,016 Des documents positifs, recueillis et imprimés en 1827, pour l'administration seulement, établissent qu'à cette époque, La population blauche était de 18,747 La population libre de couleur 6,387 La population esclave 63,447 Total général

88,581

Cette population était ainsi repartie dans les divers quartiers de l'île : Blancs. H. de coul, lib. Total. Esclaves. Saint-Denis. . . 2,168 1,705 11,744 7,871 Sainte-Marie. . . 407 366 4,795 5,568 Sainte-Suzanne. 367 832 4,957 6,156 Saint-André. . . 1,560 286 4,328 6,174 Saint-Benoît. . . 2,456 887 7,527 10,870 Sainte-Rose. . . 151 615 2,108 2,874 Saint-Joseph. . . 2,297 146 3,293 5,736 Saint-Pierre. . . 2,511 455 8,396 11,362 Saint-Louis. . . 2,886 305 4,113 7,304 Saint-Leu ... 577 246 5,004 5,827 Saint-Paul. . . . 2,438 1,473 11,055 14,966 La population allait encore en augmentant; car, d'après une note datée de 1832, de M. Sully-Brunet, délégué de la colonie en France, elle se serait élevée à 97,500 habit., dont 20,000 blancs, /,500 hommes de couleur libres, 4,000 Indiens engagé!» pour la culture et 66,000 esclaves. Cette note confirmerait, à quelques variations près , l'évaluation publiée récemment par l'Estafette du Havre , où l'on établit pour 1831 la population totale de l'île Bourbon à 100,558 habit., dont 27,645 libres et 6,628 Indiens (Chinois, Malais, etc.) engagés. Ce rapide accroissement de population prouve en faveur de la prospérité de la colonie.


FRANCE PITTORESQUE. — BOURBON.

Le mouvement de la population en 1826 avait été Population blanche. Naissances Immigrations Décès Émigrations

763 339 470 483 j

1,102 '

augmentation. .

149

953

Population libre de couleur. Naissances 242 Immigrations 39 289 Affranchissements. . 8 augmentation Décès 152 j 183 Émigrations 31 J

106

Population esclave. Naissances 765 Immigrations 3,456 4,221 augmentation. . 1,367 Décès 2,371 Émigrations 475 2,854 Affranchissements. . 8 Les déclarations de décès pour la population esclave sont généralement faites avec beaucoup d'inexactitude. Les mariages en 1826, inscrits sur les registres de l'état civil, ont été de, Population blanche 152 Population libre de couleur 31 Il y a dans la colonie peu d'esclaves mariés. Ces mariages sont inscrits sur un simple registre de renseignements. Les naissances d'enfants naturels se sont élevées en 1826, Population blanche 91 Population libre de couleur 111 En 1827, la population esclave , y compris les enfants , les vieillards et les infirmes, se composait de 63,447 individus ainsi divisés : Sur les habitations. — Attachés à la culture , 48,713 , — ouvriers, 1,376 ; — journaliers , 5 ; — pêcheurs , 18 ; — domestiques , 6,581. Dans les villes et les bourgs. — Attachés «à la culture , 1,549; — ouvriers, 452; — journaliers, 383; — marins, 26;— hommes de peine attachés aux établissements maritimes, 529; —pêcheurs, 218; — domestiques, 1,638. En 1831, d'après M. Sully-Brunet, la population libre était ainsi répartie : 5,145 propriétaires immobiliers (dont 777 hommes de couleur) ; — 444 commerçants patentés (dont 68 de couleur); — 414 artisans (dont 159 blancs) 44 avocats, avoués ou notaires; — 1,691 individus sans moyens de subsistance connus.

RÉGIME POLITIQUE. Une loi rendue le 24 avril 1833 a accordé à toutes les personnes nées libres ou ayant acquis légalement la liberté (blancs, mulâtres ou nègres), la jouissance daus les colonies françaises des droits civils et politiques. Une autre loi, promulguée le même jour, a réglé le régime législatif des colonies. D'après cette loi, il existe à Bourbon une assemblée représentatative de la colonie, qu'on nomme conseil colonial, et qui est composé de 30 membres élus par les collèges électoraux. Tout Français Agé de 25 ans, né ou domicilié à Bourbon , y payant 200 fr. de contributions directes, on justifiant qu'il possède des propriétés mobilières ou immobilières, d'une valeur de 20,000 francs, est de droit électeur. Tout électeur Agé de 30 ans, payant 400 francs de contributions ou possédant des propriétés d'une valeur de 40,000 francs, est éligible. Il y a a Bourbon 8 arrondissements électoraux, qui nomment: Le ler (Saint-Denis) 5 députés. Le 2e (Saint-Paul) 5 Le 3e (Saint-Pierre) 3 Le 4e (Saint-Benoit et Sainte-Rose). . . 5 Le 5e (Sainte-Suzanne et Sainte-Marie). 3 Le 6e (Saint-André) 2 Le 7e (Saint-Joseph et Saint-Philippe). . 3 Le 8e (Saint-Louis et Saint-Leu) 4 Le conseil colonial de Bourbon nomme 2 délégués de la colonie près le gouvernement français, et qui résident A Paris.

GARNISON ET MILICES. La défense de la colonie est confiée en temps ordinaire à la garnison et aux gardes nationales, qui portent le nom de milices. La garnison envoyée de France se compose d'une compagnie d artillerie de marine et d'un demi-bataillon (4 compagnies) d'infanterie de rua ri uc. Les mil ces locales présentent un effectif d'environ 5,400 officiers , sons officiers et soldats, dont environ 1,200 hommes de couleur libres. Elles forment : 7 bataillons d'infanterie, subdivisés en 71 comp., dont 15 d'élite. 1 escadron de cavalerie, subdivisé en 2 comp. de chevau-légers. 3 compagnies d'artillerie. Le nombre des officiers des milices s'élève à 270. — Il y a trois corps de musique.

T.

m. — 36.

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Chaque bataillon est composé de 10 compagnies , dont une compagnie de grenadiers de la population blanche, et une compagnie de voltigeurs de la population de couleur.— Le bataillon de Saint-Denis compte seul Il compagnies , parce qu'il renferme de plus que les autres une compagnie de carabiniers, qui est un dédoublement de la comp. de grenadiers. — Les compagnies d'élite sont, autant que possible , formées de gens uon mariés ; les autres compagnies sont des compagnies de fusiliers, composées de la population blanche, et de chasseurs, composées de la population, libre de couleur. — Le service est obligatoire de 15 à 55 ans pour tous ceux qui ne sont pas compris dans les exceptions légales. — Les milices sont divisées en deux classes : la première, des habitants valides de 16 à 45 ans; la seconde, des habitants valides de 45 à 55 ans. Cette dernière forme la réserve. Tous les citoyens faisant partie de la milice sont habillés et équipés, mais il n'y a d'armes que pour environ la moitié de l'effectif. La milice est commandée en chef par un lieutenant-colonel.

DÉPENSES ET RECETTES. Nous avons sous les yeux un budget détaillé de 1827 ; nous y voyons que les dépenses publiques à la charge de la colonie sont ainsi réparties : 1

Dépenses générales j P™'

j 1,459,670 f. „ c. 52

Id. municipales. . . J

j

561,711

07

Total 2,021,381 Cette somme n'est pas tout ce que coûte la colonie ; il convient d'y ajouter les dépenses de la garnison , à la charge du ministre de la 327,158 f. 72 c. j 382,040 guerre et celles du minist. de la marine 54,881 56 i

07

Total des dépenses.

. .

28

2,403,421 f. 35 c.

Les revenus publies se composent comme il suit : Contributions directes ( taXe des maisons , patentes , capitation des esclaves) 275,173 f. Contrib. indirectes (enregistrement, amendes , tabacs, etc.) 665,685 Douanes 1,014,882 Droits domaniaux , loyers, ete 7,985

16 ç. 31 41 »

1,963,725 f. 88 c.

PROPRIÉTÉS DE L'ÉTAT. La valeur des propriétés du domaine est évaluée comme il suit : Terrains et emplacements 188,500 f. Maisons et édifices f,523,802 Esclaves , 1,262,250 ; bêtes de trait, 23,800. . . 1,286,050 Valeur totale On évalue leur produit annuel à

2,998,352 f. 257,305 f.

Non pas tout en argent, mais partie en loyers, partie eu travaux exécutés par les esclaves , ete. Il n'y a point de biens domaniaux eu exploitation. Dans l'intérieur de l'île il existe quelques terrains propres à la culture, mais d un abord difficile. — Sur tout le littoral, le gouvernement s'est réservé cinquante pas géométriques,où des établissements ne peuvent être formés qu'avec permission , et à titre précaire, cette réserve étant déclarée inaliénable. — Les maisons et les édifices possédés par les communes peuvent être évalués à environ 2,000,000 de francs.

AGRICULTURE. Sur une superficie de 253,167 hectares, l'île en compte : 74,951 h. eu cultures. — 21,159 h. 40 c. en savanes. — 82,975 h. en bois debout. — 882 h. 62 c. en villes, bourgs et villages. — 4,098 h. 49 c. en routes et chemins.—6,129 h. 49 c. en rivières , canaux, lacs et étangs. — 62,966 h. eu terrains incultes. Fille renferme environ : 2,199 mulets. — 479 Anes. — 4,000 bœufs et 4,538 chevaux. 1 buffle. — 9,311 chèvres et 1,240 cabris. — 39,538 porcs. 3,253 moutons. CULTURES COLONIALES. — La colonie exporte peu de blé. Laculture du cacaoyer est presque abandonnée depuis l'extension de celle des cannes a sucre. — Le nombre des caféiries a aussi beaucoup diminué par la mortalité des bois noirs et par l'augmentation de la culture des cannes. — Celle du cannellier n'est pas assez suivie; on pourrait eu tirer un parti avantageux. — L'impulsion générale se dirige vers la culture du précieux roseau qui contient le sucre. La caune doune un double produit par les sucreries et les guildiveries. On s'adonne peu a la culture du cotonnier. — Depuis quelques années plusieurs belles girofleries ont fait place a des champs de cannes. Cette diminution de culture ne peut qu'aug-


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menter la valeur des giroflerics conservées : ce sera un dédommagement pour les quartiers où la canne réussit difficilement. — Il serait à désirer qu'on proscrivit la sortie des griffes qui ont servi a la distillation de l' huile essentielle, qui, privées d'arome et vendus à ha s prix , nuisent en Europe à la vente du bon girofle.— L'indigo venait bien dans plusieurs quartiers. Cette culture est aussi abandonnée.—La muscade de Bourbon a subi une dépréciation injuste, car des expériences provoquées par M. J Hubert, jardinier du roi à Saint-Denis, ont prouvé qu'elle contient autant d'huile et de principes aromatiques que la muscade des Moluques, d'où d'ailleurs elle est originaire. — Le poivrier réussit à Bourbon , mais la culture en est peu répandue. — Les plantations de vanillier faites depuis quelques années prospèrent à Sainte-Suzanne. Elles sont en rapport et donnent déjà des résultats avantageux. PRODUITS TERRITORIAUX. — Les produits annuels du sol destinés principalement à la consommation locale sont (en 1827) de : 1,702,000 kil. blé. — 13,376,400 maïs. — 346,700 riz. — 1,051,250 autres grains et légumes secs. —1,650,500 pommes de terre et patates. — 6,809,900 manioc. Les produits pour l'exportation sont de : 2,440,650 kil. café. —8,814,235 sucre. — 1,437,900 girofle.

La récolte en tabacs est de 207,600 kil. Le produit des bois est annuellement de : 298,000 stères bois a brûler. — 74,000 pieds cubes bois de construction. — 3,058,000 pièces de bois dit essentes. La masse de ces produits territoriaux, en y comprenant le produit des jardins , est évaluée à 20 674 344 f. Dans lesquels, La valeur des fruits figure pour. . . . 257,000 f. Et celle du jardinage pour. ...... 436,000 En outre, le produit des bestiaux, laitage, basse-cour et cuirs peut être évalué à 1,645,045 et celui des distilleries , à 1,215 000 (arack, 1,724,390 litr. ; huile de girofle, 100 litr.) — Le total des produits est de. . . . 23,534,462 (Le prix moyen d'un ananas est de 15 c. ; d'un artichaut, 15 c. ; d'une banane, 5 c.; — d'une carotte , 5 c. ; — d'une mangue ,15 c.; — d'un navet, 15c., etc. ; — un dindon coûte 30 f. ; une oie, 8 f. ; un canard, 7 f. ; une paire de pigeons , 3 f. ; un œuf, 25 c., etc.) Dont il faut déduire, pour les frais d'exploitation. . 10,443,000 ( Dans cette somme on compte la mortalité des esclaves pour 750,000 f. , leur nourriture et leur entretien pour 7,245,000 f.) Le produit net du sol est donc de. . . . 13,091,462 f. L'évaluation approximative de la propriété rurale étant de 196,184,000 fr. ( dans lesquels sont compris les esclaves pour 63,500,000 fr.) , il en résulte que le revenu rural est d'environ 6 1/2 p. 0/0 en moyenne (toutes cultures comprises), sur lesquels la colonie doit payer les impôts. — Les propriétés les plus productives sont les sucreries , dont on compte le produit à 18 p. 0/0 environ. La colonie renfermait en 1827 : 19 moulins à grains, dont 16 à eau, 3 à vent. 112 — a sucreries, dont 28 à eau , 4 à veut, 59 à manège, 21 à vap. 7 — à café , dont 2 a eau, 4 à manège, 1 à vapeur. 20 — à égrener le coton , a bras. Eu 1831 , le nombre des sucreries s'est élevé à 152, dont 86 ont des machines à vapeur. — Ces établissements produisent environ 25,000,00 de kil. de sucre. D'après M Sully-Brunet, la valeur des produits territoriaux en 1831 aurait été d'environ 32,000,000 de f., les frais, de 17,000,000 : revenu net, 15,000,000 de francs. A cette époque, la valeur représentative des terres cultivées aurait été de 1 f 8,500,000 f. Celle des bâtiments ruraux et usines 13,000,000 — esclaves 79,200,000 11,800,000 — bestiaux, basse-cour, etc 223,100,000 f. Dans ce total de 223,100,000 fr., ne se trouve pas comprise la valeur des maisons des villes et des bourgs.

INDUSTRIE ET COMMERCE. INDUSTRIE. — L'industrie manufacturière n'a pas un grand développement: la colonie renferme 2 établis sements de forge et de fonderie, utiles principalement pour les réparations des navires, et 3 ateliers de ferblanterie, 1 briqueterie, 8 ehaufourneries, 3 tanneries , et divers ateliers où l'on fabrique des sacs de vacotia (roseaux tressés). Le produit de ces divers établissements est évalué à 730,240 francs. En 1827, l'île possédait 4 architectes, 1 imprimeur, 1 relieur,

BOURBON.

1 armurier, 7 bijoutiers et orfèvres, 4 horlogers, 37 cordonniers bottiers, 1 vitrier, etc. — Le nombre des individus exerçant des arts ou des métiers est de 194 maîtres et 2,156 ouvriers, dont 1,828 esclaves. — Le produit du travail des diverses professions est de 1,903,000 fr.— Les boulangers tirent la farine d'Europe ou de la colonie.— Les bourreliers tirent les cuirs et laines d'Europe. — Les cordonniers tirent les cuirs d'Europe et de Madagascar.— Les forgerons tirent le fer d'Europe et de l'étranger. — Enfin , les ouvriers en bois tirent le bois de la colonie ou de l'Ile-de-France. CONSOMMATIONS LOCALES. — La consommation intérieure annuelle est évaluée eu marchandises et deuiées,à Produits du pays 10,867,514 f. Produits français 5,344,358 Produits des colonies françaises 1,285,355 Produits des colonies étrangères. .... 1,913,329 Total

19,410,556 f.

. — Le mouvement commercial maritime de la colonie en 1826, a été Avec ISav. entrés. Eal. des car g. Sortis. Cargaisons. 56 — 5,344,358 f. — 48 — 8,550,277 f. La France Colonies françaises. . 10 — 1,285,356 — 6 601,039 Colonies étrangères. 202 — 1,913,329 — 214 — 3,105,838 Gibraltar. ...... » —. >, — 1 — 19,429 L'exportation en produits coloniaux a été de : 2,407,374 kil. café. — 5,295,091 sucre. —892,508 girofle. Eu 1831 , les exportations ont été de. . . 9,910,980 f. Et les importations de. . . 7,335,755 La colonie traite directement et exclusivement de ses suCres et cafés avec la métropole; les girofles sont, en presque totalité, écoulés dans l'Inde, d'où l'on retire du riz pour la nourriture des noirs. L'importation de cette denrée fut, en 1829, d'environ 17,500,000 kil. Ce commerce est fait par les bâtiments français qui, arrivant trop tôt pour charger les sucres, font un voyage dans l'Inde pour utiliser le temps qu'ils doivent passer à attendre le moment où leur cargaison sera prête.—Madagascar fournit à la colonie environ 2,500,000 kil. de riz d'une qualité supérieure, des bœufs pour la consommation , et divers objets d'approvisionnement. En retour la colonie livre aux Madécasscs de grosses cotonnades, des poudres, de la quincaillerie commune et des spiritueux. MARINE LOCALE. — Le nombre des bâtiments de commerce appartenant a la colonie est de 54, dont 14 pour le long-cours. Le nombre des chaloupes et pirogues employées tant à la pèche qu'au chargement et déchargement des navires est de 362. — Tous ces bâtiments sont d'un tonnage total de 2,925 tonneaux. Le nombre des marins formant leurs équipages est de 434.—11 existe a .SaintPaul deux ateliers de construction. PÊCHERIES. — L'île renferme deux établissements de pêcheries, qui occupent 459 individus : 99 blancs, 60 noirs libres, 300 esclaves. — Il est assez difficile d'évaluer le capital représenté par les établissements et le matériel des pêcheries ; cependant, on a cru pouvoir l'estimer à 55,000 fr., dont 2,000 fr. pour les établissements, 13,000 pour les filets, lignes, etc., et 40,000, pour la valeur des cm haï cations non pontées, au nombre de 170. — La pèche produit annuellement environ 50,000 kil. de poisson frais, dont les 2/5 sont consommés par h s pêcheurs et leurs familles, et 3/5 vendus aux habitants, an prix moyen de 2 fr. le kil. La valeur totale du produit brut de cette branche d'industrie serait donc d'environ 100,000 fr. ; mais les frais d'exploitation sont considérables. Outre les journées de tous les individus employés, il faut subvenir aux frais d'entretien et de renouvellement des embarcatious, à ceux du raccommodage et remplacement des filets et des lignes; a la perte des grapins, des grelins et autres ustensiles de pèche; enfin à la nourriture des pêcheurs: il doit rester fort peu de bénéfice aux entrepreneurs de pêche. MOUVEMENT COMMERCIAL

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Etablissements français dans l'Inde. (Colonie en Asie.) HISTOIRE.

Ce fut sous François 1er qu'eut lieu la première expédition maritime des Français pour les Indes. Gonneville, marin hardi, partit du Havre avec un seul navire, mais assailli par une violente tempête, après avoir doublé le cap de Bonne-Espérance , il fut obligé de revenir en Europe, sans être même arrivé dans la mer d'Asie. — En 1601, une nouvelle expédition fut tentée, mais les vaisseaux qui en étaient chargés échouèrent aux Maldives, et ne reparurent que long-temps après. — En 1604, Henri IV voulut établir une compagnie des Indes orientales, et lui accorda en vain de nombreux encouragements ; cette compagnie n'eut pas de succès. — Louis XIII , en 1611 , autorisa la formation d'une nouvelle compagnie qui mit en mer deux navires pour les Indes. Les équipages se composaient en partie de marins hollandais ; l'expédition fut parfaitement conduite; mais l'adresse du président de la compagnie hollandaise aux Indes fit qu'on en retira peu de fruits. — La compagnie française ne se découragea pas: elle envoya , eu 1619, trois autres vaisseaux dans les Indes. Beaulieu, qui avait été de la première expédition , les commandait. Il ne lut pas heureux , perdit un de ses navires (corps et biens), prés de Java , et revint au Havre en 1620. Ce second échec ruina la compagnie.— En 1633, des négociants dieppois firent un nouvel essai. Le capitaine Réginon , envoyé par eux , visita le golfe de Bengale, toucha à la presqu'île de Dekkan et relâcha à Madagascar. A son retour en France, il fit les récils les plus pompeux sur la fertilité et la richesse de celle dernière ile, vers laquelle les vues des armateurs se tournèrent alors. Richelieu lui-même, en 1641 , créa une nouvelle compagnie des Indes dans le but principal de réduire et de coloniser Madagascar. Cette entreprise eut des résultats désastreux : la plupart des colons ne purent supporter le climat; les. autres furent massacrés par les naturels du pays.— Colbert reconstitua la compagnie des Indes sur de larges bases, et lui concéda le monopole du commerce de l'Inde pendant 50 ans ; celle compagnie réunit bientôt un fonds de quinze millions. Elle déploya une grande activité , mais elle échoua aussi en voulant coloniser Madagascar. —On renonça dès lors aux projets formés sur celte île, et le commerce de l'Inde fut repris. En 1668 , un négociant français, Caron , vieilli au service de la compagnie hollandaise , revint en France: il fut reçut avec joie par la compagnie française , qui le mit à la tête de ses affaires. Il pariit avec plusieurs vaisseaux et choisit d'abord Surate, pour le centre de ses opérations. Mais ne tardant pas à s'apercevoir du peu de convenance de ce port pour un établissement principal dans l'Inde, il porta ses vues sur l'île de Ceylan. Les Hollandais étaient alors en guerre avec la France: Caron, ayant reçu d'Europe le secours d'une escadre, enleva Trinquemalé aux Hollandais ; mais ceux-ci revinrent en force et reprirent cette place. Il passa alors sur la côte de Coromandel , attaqua et prit Saint-Thomé , où il se maintint pendant près de six ans. — En 1678, les Hollandais, aidés des naturels, en chassèrent les Français qui allèrent alors, sous les ordres d'un nommé François Martin , s'établir dans la petite bourgade de Pondichéry. Caron revint en France, laissant à Martin une so'xantaine d'hoinmes et l'argent de la compagnie. — Cet homme actif et industrieux géra si bien les affaires, qu'il acheta la ville et le territoire environnant, obtint du Rajah de Karnate la permission d'élever des fortifications, et se fit des amis sûrs des naturels ; par ses soins, la colonie donnait les plus belles espérances, quand les Hollandais vinrent l'attaquer. Après une belle défense,

I Martin fut obligé de rendre Pondichéry, et obtint une capitulation honorable. Les vainqueurs se hâtèrent d'achever les fortifications commencées ; de sorte qu'à la paix de Risvvick, en 1697, les Français recouvrèrent Pondichéry en bien meilleur état qu'ils ne l'avaient laissée. Martin fut réintégré dans son commandement, et bientôt la colonie devint une possession commerciale importante, un marché fréquenté , et le chef-lieu des comptoirs français dans l'Inde.— Un des successeurs de Martin, Dumas, gouverneur, en 1736, obtint du grand mogol, Mahomet Schah, le privilège de battre monnaie, ce qui accrut beaucoup les bénéfices de la compagnie. Cet homme habile, par sa conduite ferme et prudente, s'attira l'amitié des princes indiens, reçut d'eux de magnifiques présents et des terres, et fut honoré par le grand mogol de la dignité de Nabab, qui, sur sa demande, fut assurée à perpétuité à ses successeurs les gouverneurs français dans l'Inde. — Après Dumas , vinrent. deux hommes célèbres, Dupleix et Labourdonnais. Dupleix, de simple négociant, était devenu gouverneur de Chandernagor , fondé sur les bords du Gange. Dès qu'il eut la direction de ce poste, il lui donna le mouvement et la vie. A son arrivée, il n'avait pas trouvé une seule chaloupe, et, peu de temps après, il armait quinze bâtiments à la fois. Il soutenait depuis douze ans l'honneur français sur les bords du Gange, lorsque en 1742 , il fut nommé gouverneur de Pondichéry. — La guerre entre la France et l'Angleterre fut déclarée en 1744.— Labourdonnais, qui Commandait à l'Ile-de-France, voulant réparer autant que possible les pertes que les Anglais faisaient éprouver au commerce français, parvint, par son zèle, à armer cinq navires, et avec cette petite escadre montée par trois mille hommes de troupes, fit voile pour l'Inde. — Dupleix avait besoin de secours ; Labourdonnais rencontra la flotte anglaise vers la hauteur des côtes de Coromandel, et la dispersa. Ensuite il assiégea Madras, qui se rendit par capil ulation ; mais Dupleix, animé par la jalousie , cassa cette capitulation , entra lui-même dans Madras, et livra cette ville au pillage. Labourdonnais revint en France, où la Bastille fut la récompense de ses services. Les Anglais, délivrés de cet ennemi redoutable , prirent à leur tour l'offensive , et mirent le siège devant Pondichéry. L'amiral Boscawen parut devant cette place avec treize vaisseaux de guerre et dix-neuf bâtiments de transport, montés par 4,700 Européens. Dupleix, assiégé par terre et par mer, répara les torts de son orgueil par une défense courageuse ; après quarante-deux jours d'attaque inutile, l'armée anglaise fut forcée de se retirer.—La paix d'Aixla Chapelle, en 1748, fit cesser les hostilités. Dupleix profila de ce repos pour étendre les possessions françaises dans l'intérieur du pays ; mais bientôt les hostilités recommencèrent. L'amiral anglais Saunders, aidé du colonel Clives, s'empara de Chandernagor ; cette perle fut suivie de celles de tous les autres comptoirs secondaires. Dupleix , calomnié, fut rappelé en France. Lally , Irlandais d'origine, fut son successeur; il arriva , en 1758, à Pondichéry, avec l'amiral Aché. Ses premières expéditions furent heureuses; mais, après le départ de la flotte, les Anglais firent des progrès rapides, Pondichéry fut bientôt assiégée. Cette ville fut obligée de se rendre le 15 janvier 1761. Les Anglais avaient résolu de détruire ses fortifications • les démolitions eommencèrent aussitôt. Tous les Français furent embarqués pour l'Europe. Leurs réclamations décidèrent les ministres de Louis XV à ordonner une enquête sur la conduite du gouverneur. Lally fut mis en jugement, condamné à mort et décapité. La paix de 1763 rendit Pondichéry à la


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France : on supprima à cet époque, pour celte colonie, idolâtres; mais ceux-là- paraissent d'origine étrangère comme pour les autres possessions des Indes , le privi- au pays. lège de la compagnie. Tous les Français eurent la Les Hindous des castes supérieures sont généralement liberté d'habiter et de commercer dans cette ville. d'une couleur jaune-cuivré ; dans les castes inférieures, Dès 1764, on y vit reparaître les anciens habitants, et on remarque quelques familles où le teint a pris une la ville recouvra, sous l'administration de Law de couleur verdâtre, et d'autres dont la peau est d'une Lauriston, son gouverneur, bientôt une partie de son couleur noir-clair. Mais, à part ces légères différences ancienne propriété. Malheureusement la paix ne fut dans la couleur de l'épiderme , la figure des Hindous pas de longue durée. — Les. Anglais préludaient par' est très régulière, et ressemble en tout à celle des quelques conquêtes secondaires à l'établissement de Européens. Elle a même quelques chose de plus leur colossal empire dans l'Inde. Les princes indiens se grave, de plus antique, et se rapproche davantage confédérèrent contre eux à divers reprises, et trou- des belles proportions qu'on accorde aux anciens vèrent naturellement auprès des Français, sinon des Grecs. secours actifs, du moins d'utiles conseils et des muniLes Hindous forment un peuple paisible , superstions. — La guerre éclata de nouveau entre la France titieux et charitable. Ce caractère est le résultat de et l'Angleterre, et, en 1778, Pondichéry tomba de leur tempérance, de leurs usages et de leur religion. nouveau , ainsi que tous nos autres établissements , au Ils ignorent ces passions vives qui font le charme et la pouvoir de l'ennemi. — Le bailli de Suffren et le marquis peine de notre vie ; l'amour même leur est inconnu , de Bussi furent envoyés dans l'Inde : ils y arrivèrent au parce qu'ils se marient jeunes et parce qu'ils frémoment ou l'allié de la France , le prince des Marattes, quentent rarement la sociéié des femmes Haïder-Ali, remportait quelques avantages imporLeur religion , en conscrivant les individus dans une tants sur l'ennemi commun. Les victoires navales du 8phère étroite et bornée, a élevé une barrière contre Bailli, les combats glorieux de Bussi, rétablirent les leur ambition. Les règlements religieux qui les obligent affaires des Français ; Haïder mourut au milieu de son à s'abstenir de liqueurs fortes, s'opposent aux écarts armée ; mais son fils et son successeur, le célèbre qui résultent chez nous de la débauche; mais, par la Tippoo-Saeb , resta fidèle à l'alliance française, et con- même raison, ils ne possèdent pas cette vigueur de tinua la guerre. — De nouveaux succès plus glorieux tempérament, et toutes les vertus viriles produites par encore que les premiers, faisaient présager la ruine les passions énergiques qui donnent tant de ressort à des Anglais , lorsque la paix de 1783 mit un terme aux nos facultés actives. Ils sont apathiques et nonchalants, hostilités. — Tippoo-Saeb fit sa paix avec la compagnie et citent souvent cette maxime d'un de leurs livres anglaise en 1784. — La guerre de la révolution four- sacrés : « II vaut mieux s'asseoir que marcher, être counil bientôt aux Anglais un nouveau prétexte d'attaquer ché qu'assis, dormir que veiller: mais la mort est prénos établissements. Il s'emparèrent, en 1793, de Pon- férable à tout. » Leur tempérance, jointe à la chaleur dichéry, qui, n'ayant qu'une faible garnison de 1,500 excessive du climat, détruit en eux toutes les passions hommes, se défendit néanmoins pendant 41 jours de naturelles, et ne leur laisse que l'avarice qui, par consétranchée ouverte, contre 23,000 hommes , dont, 6,000 quent , excerce sur leurs esprits faibles un empire Anglais. — La chute de Pondichéry entraîna celle absolu. — Toujours subjugués , toujours patients , de nos autres établissements, que les Anglais ont con- toujours soumis, les Hindous, quoique braves natuservés jusqu'à la paix de l814. — Après avoir détruit la rellement, ont été plusieurs fois conquis et jamais puissance française dans l'Inde, les vainqueurs son- conquérants. Ils ont été vaincus par des peuples moins gèrent à renverser Tippoo-Saeb, qui se montrait encore nombreux, mais hardis et résolus. un brave allié des Français; la lutte fut opiniâtre et Les Hindous observent la plus grande propreté surcuxdura six années. - La fortune de Tippoo eut des chances mêmes et dans leurs maisons : la religion leur en fait un diverses; il reçut quelques légers secours qui lui furent devoir, et ils n'entreprennent rien sans se laver la figure envoyés de l'Ile-de-France. L'expédition d'Egypte rele- et les mains. C'est par une ablution qu'ils commencent va ses espérances; mais enfin, assiégé, à Seringapatnam, et qu'ils finissent leurs journées et leurs repas Très par deux armées anglaises, il fut tué sur la brèche. En souvent ils prennent des bains entiers. — Tous les lui finit l'empire des Marattes.—Son royaume de Mysore matins ils nettoient l'extérieur de leurs maisons, et en est aujourd'hui une province anglaise, où l'on voit lavent l'intérieur, qu'ils enduisent à la vérité de fiente encore le tombeau de ce prince guerrier.—Pendant les de vache délayée; mais cette pratique, dont l'origine guerres de la Révolution et de l'Empire, et quoique la est religieuse, éloigne les insectes. France ru; possédât aucune possession sur le territoire Les Hindous des provinces voisines de la mer Sont indien, on vil néanmoins flotter le pavillon tricolore d'une constitution plus faible et plus délicate que ceux dans les mers de l'Inde. Notre marine fit éprouver de des provinces centrales. Le riz est leur principal aligrandes pertes au commerce anglais. Les noms de ment, et ce parait être une nourriture chétive, car on Robert Surcouf, intrépide corsaire ; des contre-amiraux voit rarement parmi eux des hommes Fobustes. On Sercey et Linois, ont laissé des souvenirs glorieux. • La les marie dès l'enfance : les hommes sont nubiles à quaFrance a repris possession de ses colonies indiennes en torze ans, et les femmes à dix ou onze. On voit com1814. Le ne sont ni des établissements militaires, ni des munément des femmes de douze ans avec un enfant exploitations de cultures coloniales, ni même des colo- dans les bras; mais quoiqu'il y en ait peu de stériles, nies d'entrepôt : on ne peut les considérer que comme la population n'augmente pas : elles n'ont que peu de simples échelles commerciales; mais, telles qu'elles d'enfants, car à vingt cinq ans elles sont vieilles. Les sont, elles sont encore utiles à la fois à notre com- hommes se soutiennent un peu mieux, mais ils commerce et à notre marine. C'est un pied-à terre dans un mencent à décliner à trente. pays où les Français aussi aimés des Indiens que les Ai mais. — Les aidées qu on trouve aux environs de Anglais sont détestés, seront sans doute encore appelés Pondichéry sont, pour la plupart, très jolies.— Les à jouer un rôle important. Et d'ailleurs , de tous nos Hindous nomment ainsi leurs villages. Ce nom leur établissements coloniaux , les établissements dans l'Inde vient, sans doute, des Arabes ; car les Maures espagnols sont, comme on le verra plus loin, les seuls qui ne appelaient aussi a/itra les réunions d'habitations rurales. coûtent rien à la métropole. Les villages indiens sont environnés de bois épais et très hauts, qui les mettent à l'abri des vents chauds CARACTÈRE, CONSTITUTION, MŒURS, ETC. qui soufflent dans une certaine saison. Ces bois renLes Indiens de la côte de Coromandel, qu'on nom me ferment beaucoup d'arbres à fruits. Les rues et les Malabares, professent presque tous le brahmanisme. maisons sont propres et bien entretenues; les maisons Quelques-uns, en petit nombre, sont mahométans ou sont i petites et n'ont qu'un rez-de-chaussée; la plupart


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Le Banyan. Rives du Gange.

Pondichéry







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sont construites en terre et recouvertes en chaume ou en tuiles. La porte en est basse et étroite. Souvent, de chaque coté de la rue et près des maisons, se trouvent des allées de cocotiers et de palmiers', dont le tronc est peint, jusqu'à une certaine hauteur, de diverses couleurs, ce qui donne au village un aspect champêtre, riant, agréable et varié. CHAULTERIES. — Les Turcs ont des caravansérails, les Hindous ont des chanlteiies, espèces d'auberges d'institution religieuse, ouvertes aux voyageurs de toutes les croyances et de toutes les castes. Ce sont vraiment des fondations charitables et pieuses. Les chaulteries sont ordinairement placées au milieu d'un bosquet qui les ombrage, et près d'une source on d'un réservoir où le Voyageur peut se désaltérer. — Elles offrent un vaste bâtiment d'architecture régulière , qui se subdivise en un grand nombre de petites chambres. Une galerie à colonnes règne extérieurement, et sert à abriter les castes réprouvées. Quelquefois la prévoyance du fon dateur a été jusqu'à les doter d'une rente pour qu'on fasse chaque jour des distributions gratuites de vivres aux pauvres voyageurs qui viennent s'y reposer.

RELIGION. — CASTES. Les Hindous reconnaissent un Être suprême, créateur de tout ce qui existe, Para-Brama, au-dessous duquel se trouvent trois grandes puissances inférieures. Brama , Wishnou et S hiva, qui forment la trinité indienne connue sous le nom de Trimourti , et où sont réunis les trois principes, créateur, conservateur et destructeur. Au-dessous de cette triple puissance céleste se trouvent les Dévas ou Déoutas, bons génies chargés de protéger les hommes contre les inspirations des Deitti , mauvais génies et agents de Maissa sour, chef des anges rebelles (car les Hindous, comme les chrétiens, ont leur Satan . Les Hindous donnent au monde une antiquité de 131,400,007,205,000 années depuis la naissance de Bruina. — Brama est l'esprit créateur; il est fort respecté, mais il a moins d'adorateurs que Schiva, l'esprit destructeur. Wishnou , le dieu conservateur, est célèbre par ses incarnations; c'est a lui que se rapportent tous les avatars, qui paraissent autant d'allégories relatives à l'histoire du pays. — On compte neuf incarnations de Wishuou : la dernière, qui arrivera dans 90,000 ans, précédera la fin du monde. Au-dessous de ces trois divinités principales, il existe un graud nombre de divinités secondaires, dieux ou déesses, qui ont tous leurs destinations et leurs attributs; tels sont Indra , le dieu des météores; Tëhandm , la lune; Varna, la inort; Lacshmi , la fortune; Codcera , le dieu des richesses; slgm , le dieu du feu ; Pavan, le dieu de la musique et des vents, etc La croyance a la métempsycose est générale parmi les Hindous, et de là viennent leur horreur pour toute nourriture animale, et leur vénération pour certains animaux, parmi lesquels la vache occupe le premier rang. Depuis la plus haute antiquité, les Hindous sont divisés, par leurs lois religieuses, en quatre castes priucipulcs, dont la hiérarchie, suivant leurs livres saiuts, a été déterminée par Brama lui-même. — Ce sont les Brames , les Xut y s , les Vaiscias et les S miras. — Les Brames ont été tirés de la tête de Brama, ou, suivant d'autres, de sa bouche; les Xattryas sortent de ses bras, les Vaiscias, de son ventre, et les Soudrns, de ses pieds. — Les Brames forment la classe sacerdotale; les Xattryas sont voués au métier des armes ; la caste des Vaquas se compose d'agriuulteurs et. de négociants; enfin les Voudras comprennent les artisans, les ouvriers et les serviteurs. Quelques-unes de ces castes, qui renferment toutes un grand nombre de subdivisions, se composent de tribus de la main droite et de tribus de la main gauche.— Apres les Soudrns, il existe encore quelques castes mixtes et méprisées, provenant de mariages de membres de diverses castes les uns avec les autres.—-An-dessous d'elles, viennent les Parias , parmi lesquels les Hindous orthodoxes ne manquent point de classer les Européens; et enfin, au-dessous des Parias, «ne tribu plus mnlbcurefrse et plus méprisée encore, les Poulias , auxquels les Brames contestent même le droit de les regarder en lace louslcs Parias ont, eu général, la peau noire, non pas de la teinte foucée des nègres d'Afrique, auxquels ils ne ressemblent sous aucun rapport Les Parias sont d'assez beaux hommes; leur figure est rcgul.erc, leur nez aquiliu; leurs cheveux sont longs et noirs. Us sont très pauvres: ce sont des artisans, des cordonniers, des ouvriers qui fout les gros travaux de la campagne et s'occupent des métiers réputés infâmes chez les Brames. Leurs mœurs sont aussi plus corrompues que dans les autres castes. Ou trouve parmi eu* des femme» qui se prostitueut aux étrangers, tandis qu'il est rare qu'une fetnmc mulubare, fùt-ellc même publique

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pour les siens, se livre à ceux qui ne sont pas de sa caste. Si cela arrivait, elle serait répudiée par les siens, auxquels elle reste toujours attachée, malgré , sa conduite déréglée et quoique perdue de réputation. BAYADKRES.— Les dcvëdassis ou bayadères, ainsi nommées du mot portugais balladeiras (danseuses), peuvent être prises dans toutes les castes, à l'exception de celle des Parias. Elles sont consacrées au service des temples, où, entrées avant l'époque de leur nubilité, elles reçoivent les leçons et les instructions qui les rendent aptes à la profession qu'elles ont à excercer» — Les jeunes filles qui veulent se faire <<e'vëdassis subissent un examen préalable et sévère. Avant tout, elles doivent être jolies et bien faites. Quand elles sont admises et agréées, l'empreinte d'un fer chaud, portant le sceau du temple auquel elles appartiennent, indique leur initiation. On leur enseigne à lire, a écrire, à chanter, à jouer des instruments, a danser surtout. Le monopole de l'éducation est pour elles seules; car les "femmes Hindoues de toutes les castes, destinées a vivre chastement dans leur ménage, à élever leurs enfants, à soigner leurs maris, rougiraient d'apprendre aucune des choses que savent les dévëdassis. — Celles-ci, au contraire, se rendent capables de plaire, de séduire et de charmer.—Ce sont des avantages dont ceux qui les instruisent apprécient toute la valeur. I n costume brillant et voluptueux ajoute a leurs attraits naturels. Elles ont le haut du corps à demi-nu , des pantalons collants de mousseline transparente, une pagne d'etoffe légère, rayée d'or et de soie, ouvrant par derrière ou de côté, et que retient sur les hanches une ceinture d'argent ciselé; des colliers, des bracelets, des anneaux d'or à chaque jambe, des larges pendants d'oreilles, des clochettes et des grelots sonores, des cheveux tressés avec des perles, complètent leur parure. Les récits des voyageurs rapportent combien leurs chants sont libres et leurs danses lascives. Elles ont à faire impression sur des hommes à appétits grossiers, a sens blasés. Le prix misa leurs attraits est d'ailleurs une offrande à la divinité. Tons les moyens sont bons pour le rendre aussi considérable que possible. Il appartient au temple où elles ont été élevées. — Les Brames, dans leur prévoyance sacerdotale, ont songé à rendre toujours la richesse tributaire delà religion. Celui qu'une croyante ferveur ne rendrait pas suffisamment généreux devient prodigue par une débauche pieuse, et la prostitution a été ainsi élevée au rang d'institution religieuse.— Les dévélassis sont de toutes les fêtes; elles dansent dans les pagodes devant les idoles sacrées, dans les réjouissances nationales , dans les divertissements particuliers , aux solennités de familles , aux cérémo lies nuptiales, etc —Dans les pagodes, leurs chants, qu'accompagne une musique monotone interrompue fréquemment par les bruyants éclats des tambours et des cymbales, sont tristes et lents. — Ailleurs , elles répètent des paroles vives et obscènes. — Une vie déréglée use promptement les charmes des dévédassis. — Elles sont flétries à 18 ans et presque vieilles à 20 ans. Les Brames les renvoient alors. Elles rentrent dans leurs castes et se marient, sans que leur vie passée porte aucune atteinte .à leur réputation. Celles qui préfèrent, par piété (car la piété fait aussi des bayadères), rester dans les temples, y sont occupées aux travaux de leur sexe, et sont chargées de laver le linge des prêtres. SUTITES —On appelle ainsi la cérémonie pendant laquelle, lors des funérailles de leur mari. les veuves hindoues se brûlent, pour ne pas leur survivre. Ces sacrifices fanatiques deviennent de plus en plus rares; mais comme ils tiennent au libre exercice d'un culte, ou ne peut se servir pour les empêcher que de moyens persuasifs. Nous trou vous dans l'utile recueil intitulé Annales maritimes , qu'en 1830 , le gouvernement français a accord© une pension annuelle dé 20 francs (83 roup. 3 fan.) à une jeune bramine (de Tiruoular, district de Karikal), qui avait couseuti à ne point se brûler sur le corps de son mari. — Il paraît que le moyen décisif avait été de promettre a la veuve d'assurer son existence. — La réponse de Sarouvaugatainalle (c'est son nom)* adressée au commissaire de marine de Karikal, est curieuse et pas trop inal tournée ; «Je 4<»is a votre bonté ma nouvelle situation , et à votre sollicitude d'être admise parmi les personues qui tiennent leur existence du Roi. — Bevenue en que que sorte au monde , il est

naturel que je vive des bienfaits de celui au nom duquel j 'y aiëtë rappelée. — Le devoir impérieux que j'allais remplir n'a point été

rempli; votre humanité et votre persévérance s'y sont opposées. Vous m'avez entraînée, contre ma volonté et l'usage de mes semblables, à une actiou qui me procure la vie heureuse et douce que vous venez d'assurer Je n'ai pas sans doute assez pensé au bonheur sans bornes de la vie future, j'ai cédé à vos insinuations; mais j'espère que mes prières nie rendront SCHIVA favorable et que le jour où je serai à ses pieds, il me pardonnera d'avoir vécu sur cette terre une seconde fois bmm;ne. Votre sage conduite a vaiucu nue résolution que je croyais inébranlable. Je ne suis plus ce «pie j avais ete , et je ne voudrais pas changer ce que je suis. Ma reconnaissance pour vous sera celle d'une fille soumise; elle ne finira qu'avec nia vie. »


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TOPOGRAPHIE. — VILLES ET CHEFS-LIEUX. Toutes les possessions de la France en Asie se trouvent dans l'Inde : ce sont de petites fractions de territoire, séparées par les vastes provinces de l'Angleterre. — Leur ensemble forme le gouvernement de Pondichéry, qu'on est convenu de diviser en cinq districts, fort éloignés les uns des autres; ces districts, qui prennent le nom de leurs chefs-lieux, sont : Pondichéry, Karikal, Yanaon , Chandernagor et Mahé. PONDICHÉRY, sur la côte de Coromandel, dans le Karmatic, est le chef-lien de tous nos établissements dans l'Inde; cette ville, qui comptait sous Dupleix plus de 150,000 habitants, ne renferme plus aujourd'hui que 45,000 Indiens et 400 Européens. — Elle n'a pas de port, mais seulement une rade, et celte rade a pour rivage, comme une grande partie de la cote de Coromandel, une plage précédée d'une barre , et sur laquelle le débarquement n'est pas sans danger. On se sert ordinairement pour l'effectuer de chelingues ou massoulahs, bateaux d'une construction singngulière, dont les planches ne sont pas clouées; leur forme est celle d'une barque grossière ; leur fond est plat ; ils n'ont point de membrures; les planches qui les composent sont .ajustées, cousues et doublées avec l'écorce du cocotier. Leur flexibilité est telle. que leurs bordages cèdent facilement au battement des vagues, qui perdent ainsi leur violence en trouvant moins de résistance. Aussi ces bateaux bravent la marée, quelque redoutable qu elle soit, tandis qu'aucune chaloupe européenne n'a jamais pu s'y risquer sans être aussitôt mise en pièces Les massoulahs sont d'ailleurs moutés par des Indiens fort habiles matelots, et ont pour moyens de sauvetage accessoires, la compaguie des catimarons.— Un catimarou n'est autre chose que trois grandes poutres liées ensemble en forme de radeau, et dont celle du milieu, plus longue que les deux autres, s'élève et fait saillie sur les deux bouts. C'est a l'un de ces bouts que se place l'homme chargé de la manœuvre; perché sur ce siège a peine saillant au-dessus de la surface des eaux; on Je prendrait de loin pour une mouette. Celte embarcation fort simple a ordinairement dix pieds de long sur dix-huit pouces de large. Elle est insubmersible. — Les Européens qui arrivent a Pondichéry, doivent s'empresser d'adopter les coutumes du pays; à peine débarqués, ils sont assaillis par une foule de domestiques indiens, qui viennent leur offrir leurs services intéressés. Il faut se munir d'un i/aub-rclijrf espèce d'intendant, d'interprète ou de factotum, qui épargne à l'étranger la peine de s'occuper de son installation; c'est lui qui loue la maison , qui procure le palanquin , sans lequel un Européen ne peut sortir; les pé ns , qui doivent l'escorter pour témoigner de son importance et le défendre au besoin; les télingos, qui le transporteront sur leurs robustes épaules, etc. Un daubaihy ordinaire est nu meuble indispensable; quand il est honnête et intelligent, c'est un serviteur précieux. — La ville de Pondichéry ne parait point fort grande de la rade: elle est bâtie sur un terrain horizontal et plat, on ne voit (pie les maisons voisines de la mer, ou la partie supérieure des édifices Ce que la ville aurait d'imposant dans sou ensemble si elle s'élevait eu amphithéâtre, ue peut être saisi qu'en détail en parcourant sts rues. On conçoit pourtant alors ce qu'elle dut être au temps de sa splendeur; la structure élégante de ses édifices publics et des maisons particulières l'indique encore. — Elle est divisée en deux parties par un canal , qu'on traverse sur des ponts jetés en face des rues principales.— A l'est, et près du rivage, est la ville blanche ou Européenne; à l'ouest, la ville Noire ou Indienne En général; dans l'une et dans l'antre, les maisons sont éloignées les unes des autres; dans le quartier européen, elles ont de jolies façades d'architecture grecque, avec des colonnades et des pérystilesen stuc d'une blancheur éclatante. Dans le quartier hindou , beaucoup plus peuplé que l'autre, elles sont, inégalement bâties, en simples cabanes ou en maisons avec un premier étage et des pavillons; mais elles ont toutes des varangues pérystile* couverts), sont alignées sur la rue, et ombragées de beaux arbres. Elles semblent nu ta ut de fabriques au milieu d'une forêt de cocotiers percée a angles droits par des routes spacieuses et peuplées de voyageurs. - Dans la ville blanche toutes les constructions sont régulières et de bon goût; dans la ville noire, elles plaisent davantage, a cause de leur irrégularité même. — Le monument le plus remarquable de Pondichéry est Y liât l du Gouvernement. C'est un bâtiment a un seul étage, dont la façade, composée (l lin corps de logis et de deux ailes, est décorée de colonnes on pilastres . et surmontée d'une balustrade ; uu vaste jardin ceint d une grille l'entoure. — L'eglise des Missions, construite par les jésuites, présente un portail d'une architecture simple et On trouve nu milieu de la ville un vaste et beau bazar, sévère. — Pondichéry possédé un collège pour les blancs et des écoles pour les Indiens, un mont-de-piété, un jardin botanique qui est uu des plus considérables de l'Inde, et auquel se trouve annexé uu établissement agricole pour la culture du mûrier et la produc-

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tion de la soie. — On y trouve de belles promenades. — On remarque daps les envirous une aidée fort jolie, entièrement habitée par des tisserands indiens — Pondichéry est la patrie de deux hommes distingués de notre époque, LAURISTON , maréchal de France, et le cardinal DE BEAUSSET,membre de l'Académie française. KARIKAL est un comptoir français situé dans le royaume de lamjaour, à 30 I. S de Pondichéry. — Le territoire qui en dépend n'a que deux lieues de long sur une de large. On évalue la population indienne a plus de 15,' 00 individus, qui s'occupent spécialement de la fabrication des toiles dont les Européens font le commerce. YANAON , dans la province (l'Orixa, est situé sur la rivière de Godavery, un peu au-dessus d'une ville hindoue (Ciringui) qui en occupe l'embouchure. — On y compte IN,000 habitants, dont le tissage des toiles est la principale industrie. — On y trouve des ateliers de construction pour les vaisseaux marchands. — La ville doit à sa position d etre l'entrepôt des pays voisins. — Le territoire qui 1 entoure est sain et bien cultivé. Il y existe de belles plantatations de riz et d indigo. — La salubrité du climat contribue à y attirer une population européenne relativement assez nombreuse, et à accroître la population indigène. Un nouveau débouché ouvert a cette population, qui était naguère pressée sur un espace trop peu étendu , et que son nombre rendait misérable, contribue à répandre l'aisance dans le pays - C'est d'Yanaon que sont sortis tous les Indiens engagés qui, a défaut de nègres dont manquaient, les colons, ont été porter a l'île Bourbon le secours de leurs bras. L introduction de ces nouveaux travailleurs doit amener une révolution dans les cultures coloniales On a eu d'abord de la peine a décider les Indiens a s'expatrier; tous ceux qui sont passés à Bourbon (on en compte déjà plus de 6,Ont») ont laissé leurs bouilles dans l'Inde; néanmoins, comme les engagés sont bien traités à Bourbon, et comme ils ont déjà pu envoyer a leurs parents quelques petites sommes provenant de leurs économies, l'élan est aujourd'hui donné à ces migrations laborieuses qui inquiètent l'Anglerrc, et il est probable qu'elles iront toujours croissant ; peut-être même, au lieu de simples engagements temporaires, amènera-t-on les Indiens a une expatriation définitive; nos colonies ne pourraient que gagner à cette nouvelle population libre, de mœurs douces, d'un caractère patient et ferme , et depuis long-temps elevec dans les habitudes du travail. — Yanaon n'est qu'a 12 lieues de la fameuse pagode Jaggernaut, dédiée au dieu Jagat-Natlia (maître du monde), sous le cliar duquel les fanatiques tiennent à honneur de se faire écraser. CHANDERNAGOR , sur le liras du Gange appelé l'Ougly, est situé à 8 lieues au-dessus de Calcutta. - On y compte 42,< 00 habitants. C'est toujours le principal établissement français dans le Bengale; mais il est malheureusement bien déchu de son ancienne prospérité. Ce poste est aujourd'hui absolument sans importance et tout-à-fait enclave au milieu des plus riches possessions anglaises du Bengale.— La ville est dans une position pittoresque, sur une colline qui domine le fleuve; ses rues sont régulières, droites et se coupent à angle droit, ses maisons blanches et bien construites ; mais des quartiers déserts, uu grand nombre d'édifices inhabités, un port vide de navires, un quai sans marchandises, tel est le triste aspect que présente cette cité qui, il y a soixante ans, était une rivale redoutable pour Calcutta.— Calcutta , brillante de tout le luxe européen , de toute la richesse indienne, dotée des trésors de 1 Hindoustari et des tributs de tout le commerce asiatique , compte plus de 600,000 habitants ! MAHÉ , sur la côte de Malabar, dans le royaume de Cartenate, est aujourd hui un établissement de peu d'importance.— Son territoire n'a que deux lieues de rayon , et sa population ne dépasse pas 6,000 individus, presque tous indigènes. Le seul commerce qui s'y fasse est celui du poivre, de la canelle et des bois de senteur.

MÉTÉOROLOGIE. CLIMAT.

—La chaude température du pays est accablante pour les Européens, qu'énerve promptement une atmosphère humide et embrasée. Quelques années passées aux Indes Orientales, disent les Anglais, abrègent la vie de moitié : le sang s'appauvrit, les couleurs de là sauté disparaissent, le teint blêmit, la phtysie arrive. On dit aussi que les femmes européennes perdent leur féeondité naturelle par un séjour de quelques années dans ce pays; mais ce fait n'est pas prouvé.—La chaleur moyenne de la côte de Coromandel est 60°, Fahrenheit. VENIS MOUSSONS. — Dans les mers de l'Inde, au nord de la ligne, des vents réguliers connus sous le nom de moussons , soufflent alternativement du sud-ouest et du nord-est pendant six mois, et partagent l'année en deux saisons: l'hivernage ou la saison des pluies; l'été ou la saison des sécheresses.— Ces deux saisons ne sont point les mêmes pour toutes les contrées de la presqu'île en-deçà du Gange Elles • n'arrivent ni aux mêmes époques ni avec un même mousson : l'une existe à la partie orientale, tandis que l'autre règne sur les pays de l'ouest ; la


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chaîne des Gates, en s'élevant au milieu, forme la ligne de démarcation de chaque côté de laquelle elles s'arrêtent. LA MOUSSON. — « Le 15 octobre, le pavillon servant de signal fut hisse, et avertit les vaisseaux de quitter la rade pour ne pas se laisser surprendre par la mousson. Le matin même, quelques symptômes précurseurs s'étaient montrés ; on avait vu , par intervalles, poindre à l'horizon de légers flocons de nuages qui s'étaient promptement dissous en vapeurs Une brume légère s'élevait au loin sur les eaux; elle s'épaississait par degrés, mais sans acquérir assez de densité pour réfléchir les rayons du soleil qui continuait à répandre sur l'Océan son inépuisable lumière. La chaleur était suffocante, l'athmosphère lourde et embrassée ; les poumons avaient de la peine à respirer, les esprits étaient dans rabattement. — Vers l'après-midi. l'aspect du ciel commença a changer; peu à peu l'horizon se voila , et le soleil, qui s'était levé brillant, allait se coucher dans l'obscurité. Des masses de nuages noirs et sinistres paraissaient s'élever du sein delà mer, accompagnés de brusques rafales qui s'apaisaient soudain pour faire place à un calme profond, à un calme de mort. — ependant les couches inférieures de l'horizon prenaient une teinte bronzée, effet de la réfraction-partielle des rayons du soleil sur les nuages épais qui le voilaient — Vers quatre heures, le ciel se couvrit entièrement, et un crépuscule blafard s'étendit sur la ville et sur l'Océan; l'atmosphère condensée formait un brouillard épais ; la nier, fouettée par la violence croissante des vents, faisait rejaillir sur la terre de larges nappes d'écume. La pluie commença à tomber. En ce moment les sifflements du veut, unis aux mugissements des vagues, produisaient un fracas continu et complètement assourdissant. — Comme notre maison était située sur le rivage, nous pûmes contempler la naissance de la mousson dans toute sou effrayante grandeur. Le vent p iait jusqu'à terre les têtes touffues des hauts cocotiers ; il faisait voltiger dans l'espace des tourbillons de sable ; puis après, la pluie tombant de plus en plus épaisse, applatit la grève et en lit une masse compacte et immobile. De larges éclairs partant à la fois de tous les points du ciel sillonnaient les nues : on aurait cru que le monde allait être livré à une conflagration générale. Les coups retentissants du tonnerre ressemblaient à l'explosion d'un magasin à poudre, ou à une décharge d artillerie dans les cavernes de montagnes. — La pluie, qui se précipitait par torrents, dérobait aux yeux tous les objets, excepté dans les moments où la lueur de la foudre leur prêtait un éclat aussi vif que passager. — Le roulement du tonnerre était tel, que les oreilles en éprouvaient parfois un sentiment douloureux. La mer, soulevée hors de son lit, s'épanchait en lames écornantes sur l'esplanade, et s'élançait ainsi à plusieurs centaines de mètre du rivage. Pendant la mousson, on trouva sur le toit des maisons de petits poissons qui y avaient été lancés par les rafales, ou portés par des trombes, autres phénomènes effrayants, commuas dans la saison des orages Ces trombes tournoyantes enlèvent tous les objets qui se trouvent dans la sphère de leur action , et les transportent souvent à de grandes distances sur le continent. - Au plus fort de l'ouragan, la chaleur était, eu certains moments, tout-à fait insoutenable; le vent tombait par intervalles . et alors pas un souffle «l'air ne se faisait sentir. Le punk a (éventail indien) n'offrait qu'on soulagement insuffisant à l'oppression que tout le monde éprouvait. Mais ce n'était que le moindre de nos maux : des myriades d'insectes grimpaient le long des murs; les reptiles les plus repoussants se glissaient dans les maisons. Les fourmis et les lézards , chassés de leurs retraites inondées, envahissaient notre demeure. Les scorpions, les cancrelats, les crapauds, les myriapodes, et jusqu'aux serpents, pénétraient librement dans les appartements. Il était assez facile de se débarrasser des crapauds, des myriapodes et des serpents; mais quant aux scorpions, aux lézards, aux fourmis, ils étaient trop nombreux pour qu'on pût espérer de les chasser. »

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HISTOIRE NATURELLE. Nous n'avons pas la prétention, en nous occupant des établissements de si mince importance que la France possède dans l'Inde, de donner l'histoire naturelle de ce vaste pays; nous nous bornerons à quelques détails succints, pour que notre cadre sous ce rapport, ne soit pas entièrement incomplet. RÈGNE ANIMAL. — L'Asie est, comme on sait le pays, des animaux monstrueux ; l'Inde renferme des éléphants, des rhinocéros et des tigres de la plus grande espèce. On y trouve des singes, des cerfs, des antilopes, des buffles; plusieurs espèces d'ours, un grand nombre de reptiles parmi lesquels on remarque l'énorme b boa, et l mplushene, qu'on a long-temps nommée la couleuvre à deux têtes. — Au nombre des espèces domestiques se trouvent les bœufs, animaux sacrés parmi les ludions; la brebis à laine soyeuse, et la chevre du Népaul, dont la queue ondoyante et argentée sert de chasse-mouches aux nababs indiens. Les oiseaux sont d'espèces très variées et toutes remarquables par l'éclat de leurs couleurs. Les insectes y ont de même la parure ht plus brillante. — Enfin , outre un grand nombre de poissons particuliers au pays , les rivières renferment des serpents, des

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gavials et des crocodiles monstrueux. — Parmi les oiseaux il en est uu qui, sans appartenir aux espèces domestiques, vit cependant parmi les hommes: c'est une cigogne {nrdea argala) qu'on trouve à Pondichéry, à Madras et à Calcutta. Cet oiseau, dont la hauteur va jusqu'à cinq pieds, se nomme, dans le pays, adjudant ou mangeur d'os. Il porte à la partie inférieure du cou une vaste poche qu'il enfle ou resserre à volonté. Il marche gravement dans les rues, à travers les chevaux et les hommes. On le respecte comme contribuant a débarrasser le pays d'une foule de carcasses putrides. — L'a judant, au lieu de plumes, a sur la tête et sur le cou quelques poils noirs; sa poitrine, sou ventre, le haut de ses ailes, sont gris ; le reste de son'corps est d'un bleu foncé II a les pâtes longues et déliées.; sou bec, de 18 pouces de longueur , est triangulaire , pointu et solide. — Le grand nombre de cignogues qu'on voit perchées sur tous les édifices, ou voltigeant à l'entour, donne aux villes indiennes un aspect original. Intelligence des éléphants. — Voici, sur l'intelligence des éléphants indiens, un trait curieux rapporté par l'Oriental Annual , imprimé à Calcutta : Un détachement de cipayes, de garde auprès d'un grand magasin de riz, fut subitement envoyé à quelque distance pour une expédition pressée. A peine les soldats lurent-ils éloignés, qu'une troupe d'éléphants sauvages, qui depuis long-temps rôdait dans les environs, se présenta devant le magasin. Un éclaireur était préalablement venu s'assurer si la place était évacuée, et, sir s m rapport, le reste delà troupe s'était mis en marche. Deux Indiens, surpris par leur arrivée, n'eurent que le temps de monter sur un arbre et de se cacher dans le feuillage , d'où ils furent témoins de ce que nous allons raconter. Parvenus à quelques mètres de l'enceinte, en bous tacticiens, les éléphants firent balte et procédèrent à une reconnaissance des lieux : tout se passa avec méthode. Les murs du magasin étaient eu briques, épais et solides, et l'on ne pouvait pénétrer a l'intérieur que par une ouverture ménagée dans le toit, et a l'aide d'une échelle, chemin peu praticable pour des éléphants.— Si le magasin eut ou seulement une porte, toute difficulté pour s'y introduire eût cessé à l'instant. Mais un mur de quatre briques d'épaisseur était un obstacle presque insurmontable, malgré la force prodigieuse et la sagacité de ces animaux. Néanmoins ils ne se laissèrent pas décourager, et commencèrent aussitôt leur attaque contre uu des angles du bâtiment. Un éléphant mâle, d une grosseur énorme , travailla quelque temps à y faire brèche a laide de ses immenses défenses; quand ses forces s'épuisèrent, le plus grand et le plus f. rt après lui le releva ; puis un troisième prit la place. A force de faire jouer les puissants leviers qui armaient leurs mâchoires, ils avaient réussi a déranger une brique. La trouée une fois commencée, d'autres éléphants succédèrent, et bientôt ils eurent pratiqué une ouverture suffiante pour donner passage aux maraudeurs ; mais , comme ils ne pouvaient entrer tous a la fuis, ils se divisèrent en détachements de trois ou quatre individus. Quand uu de ces détachements s'était bien repu, il faisait place a un autre; de sorte que les vingt éléphants qui composaient la troupe firent ainsi successivement un repas des plus copieux. Cependant un de ceux du premier détachement, resté en .sentinelle , fit entendre un cri aigu. A ce signal , les derniers entrés sortirent précipitamment du magasin ; toute fa troupe se rallia , partit en brandissant les trompes eu l'air, et s'enfonça rapidement dans l'épaisseur du jongle. Les cipayes revenaient en hâte ; l'avis avait été donné a l'officier que le magasin était au pillage; mais il arriva trop tard. En entrant il reconnut que les éléphants avaient dévoré et détruit presque toute fa provision. RÈGNE VÉGÉTAI,. — La végétation a, dans l'Inde une grande puissance: on y fait deux récoltes par au. — Le riz est la princidale nourriture des Indiens ; il y en a jusqu'à 25 espèces.— D'autres farineux , particuliers au pays , sout le murrhus, le tonna, le toll , etc. — Les roses de Delhy et de Gazbipour fournissent l'essence célèbre en Orient. — Le nombre des plantes utiles à l'industrie est considérable : ce sont l'indigo , le tabac, le chanvre, le lin, le coton , le bétel, l'opium, le poivre, etc. — Le pays renferme des palmiers et des bambous de toutes sortes. Au nombre des arbres remarquables est le bonyaan, qu'on appelle aussi figuier des pagodes, et qui est sacré parmi les Hindous. Cet arbre, dont les branches, après être sorties du tronc horizontalement, ont la propriété de jeter vers la terre des rameaux qui y prennent racine, peut devenir à lui seul une petite foret. Le plus célèbre de l'Inde est celui de Guzarate, dont les troncs multipliés couvrent un espace de plus de 2,000 pieds de circonférence. — On trouve dans les forêts un grand nombre de bois propres aux - constructions navales, parmi lesquels figure en première ligne le bois de teck, incorruptible aux vers. RÉGNE MINÉRAL. L Inde possède de grandes richesses minérales. L'or, le cuivre, l'étain , le fer et le sel, se trouvent dans ses montagnes; mais on n'y connaît aucune grande exploitation de mines. L'existence des mines de diamants de Golconde parait devoir être placée parmi les fictions orientales. — Il y a des diamants dans le Nirzham et le Balaghar, ainsi que des rubis, des saphirs, des améthystes, des onyx et du cristal de roche.


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VARIÉTÉS. — JONGLEURS INDIENS. Los charlatans et les jongleurs de l'Inde passent pour les pins habiles de l'univers. Leurs tours sont tels , que des missionnaires chrétiens ont gravement affirmé qu'ils ne pouvaient être faits que par des hommes en commerce avec le dinde. Il est certain que ces jongleurs lussent loin derrière eux tous nos physiciens et nos escamoteurs. Cependant nous avons déjà vu eu France des Européens qui out exécuté après eux des choses qu'on avait proclamées impossibles. — Les Parisiens doivent se rappeler ce Normand qui avalait des épées aussi bien que le plus habile Pandarum de l'Hindoustan, et cet Espagnol incombustible qui s'exposait froidement a la chaleur d'un four où les Fakirs , amis du feu, auraient sans doute eu de la peine a demeurer. — Les charlatans indiens font voir encore, dans les rues de Madras et de Pondichéry, des quadrilles d'éléphants et des danses de serpents (pie charment les accords de la musique. Ce sont des résultats de patience et d'habileté dont il sera difficile de nous rendre témoins en Europe, niais nous ne devons pas désespérer d'y voir un jour les Indiens que vante le savant docteur Heber. L'un d'eux se soutenait eu l'air sans aucun support apparent ; l'autre marchait sur l'eau et établissait au milieu d'un étang un petit bazar où il conduisait a pied sec les personnes qui avaient envie de lui acheter quelque chose, et il lui suffisait de les tenir par la main pour les rendre insubmersibles. — Ce sont la des tours vraiment merveilleux, et qui dépassent tout ce qu'on est eu droit d'attendre des gens qui font métier de tromper ceux qui les regardent. Voici quelques-uns des tours cités par les journaux de Calcutta. LE PAVILLON. — Un homme porte une perche de seize pieds de longueur, et dont la base est fixée dans une ceinture de toile qu'il a autour du corps Un de ses camarades saute sur son dos, et de là, s'aidant des pieds et des mains, grimpe au haut de la perche avec l'agilité d'un écureuil. Arrivé la, il s'étend sur la pointe de la perche, tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos, les bras et les jambes à la foi» écartés en forme de croix; ensuite, prenant le bois avec ses bras tendus, il s'en éloigne horizontalement couché, et tourne autour comme une girouette autour de son axe. On ne sait ce qu'on doit admirer h. plus, on de l'adresse vigoureuse de cet homme, on delà force passive et ferme de 1'autre, qui porte toujours la perche en équilibre a sa ceinture, et la soutenant seulement avec ses bras. LE GRAND SAUT.— On place, un bout contre terre, une planche mince, et d'environ cinq pieds de longueur; le bout qui est soutenu en l'air lui donne une inclinaison d'à peu près quarante-cinq degrés. Derrière cette planche est un très grand éléphant ; deux hommes, prenant leur course sur la planche élastique. sautent successivement, en se renversant, par-dessus le dos de l'éléphant. Quelquefois le même saut a lieu par-dessus cinq chameaux placés de front. LE SAUT DES POIGNARDS. — On fixe à terre, et à une certaine distance les uns des autres, une épée, la pointe en-haut, et quatre poignards, le coupant en dehors. Les poignards n'offrent entre eux que la place d'une tête d'homme. Un homme alors enfonce en terre un sabre droit, s'assied , et, par un bond en arrière, se renverse par-dessus Te sabre, tombe sur la tête au milieu des poignards, et, au moyen d'un autre bond, se relève par-dessus l'épée sans se faire aucun mal. LE MANGUIER. — Un jongleur dépose dans la terre un noyau de mangue; il se promène circulairement en ayant l'air de faire différents sortilèges, et en faisant réellement de hideuses grimaces. Au bout de quelques minutes ou voit une faible tige sortir de terre, à l'endroit ou le noyau a été placé; peu a peu la tige grandit, elle croit a vue d'oeil, et, dans l'espace d'une heure, elle devient un arbre haut de quatre à cinq pieds ; ses branches s'étendent, ses feuilles s'ouvrent, ses fleurs s'épanouissent, et par suite, plusieurs belles mangues vertes, qui mûrissent bientôt. L'habile magicien invite les spectateurs à en cueillir et à en goûter. M. Brunet, de Nantes , qui a été témoin de ce tour merveilleux , dit qu'on ne peut pas être plus agréablement surpris.

GOUVERNEMENT, ADMINISTRATION, ETC. GOUVERNEMENT. — Un pair de France ou un officier général de la marine a été jusqu'à présent chargé du gouvernement des établissements français dans l'Inde. Les attributions du gouverneur sont les mêmes que celles des gouverneurs de Bourbon, de la Martinique, etc — il réside a Pondieliéry. — Il y a a Kurikal, aiusi qu'a Chandernagor, un officier supérieur chargé du service. ADMINISTRATION. — Il y a à Pondieliéry, 1 commissaire de marine, ordonna l eur ; 1 commissaire de marine inspectent-colonial ; — 3 sous-commissaires pour Pondieliéry et les dépendances; — 1 trésorier de lu marine. — Le service de santé est confié à un officier de santé de première classe. ÉTAT MILITAIRE. — Pondichéry, Karikal et Chandernagor sont les trois points militaires de no» établissements dans l'Inde.

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la police, on ne peut pas dire la défense do ces établisse| ments, est confiée à un détachement du 1er bataillon du 1er réI giment de la marine, composé de 3 compagnies de cipaye s, dont les officiers sont Européens, et dont les sous-officiers et soldats sont [ridions ou noirs. ÉTAT JUDICIAIRE. — Il y a a Pondieliéry une cour royale ! composée de 7 conseillers (dont I président et 2 auditeurs), d'un procureur-général et d'un greffier, eu chef ; un Tribunal de 1re instance composé d'un juge royal, de 2 juges , d'un procureur du roi et d'un greffier; une Justice de Paix.— Karikal, ainsi que Chandernagor, ont un premier juge et un procureur du roi.

DÉPENSES ET RECETTES. Par ordonnance royale du 6 novembre 1833, les dépenses du service colonial des établissements français dans l'Inde ont été réglées à la somme de . .' 860,956 fr. Il doit y être pourvu au moyen des droits et autres revenus locaux , dont le» produits présumés sont ' évalués à une somme égale de 860 956 fr Nos possessions coloniales dans l'Inde, si elles ne sont pas importantes , ne coûtent rien du moins à la métropole; car, outre les droits de douanes et autres revenus domaniaux et territoriaux qu'elles perçoivent, la compagnie anglaise des Iudes orientales leur constitue une rente de 4 lacks de roupies sicca, en échange de divers privilèges qui étaient autrefois attribués à notre administration dans ce pays , sur la vente du sel et de l'opium. Ce tribut de l'Angleterre a la France figure dans nos budgets sous le nom de million de l'Inde. Ce n'est pas uu chiffre tout-a-fait exact. — Un lack de roupies vaut 100,' 00 roupies. — Une roupie suça vaut 2 fr. 527 millièmes. — 4 lacks de roupies sicca équivalent à t ,010,800 f.

MONNAIES, POIDS ET MESURES. Les monnaies d'or et d'argent en usage dans les possessions françaises, notamment à Pondichéry, sont : La pagode (monnaie d'or), valant 8f. 81 c. La pago le se divise en 3 roupies d'argent. La roupie vaut . 2 77 La roupie se divise en 8 fanams d argent. La fana m vaut >> 34 1/2 Il y a des pièces d'argent doublé fanam, qui valent »» 69 Les MESURES DE PESANTEUR SOnt : Le e n/y, subdivisé en 10 maoney, 160 vit, 6,400 pollam . = 64,000 pagodes. Le candy équivaut à 234 kilogr. 963 gram. Les MESURES DE CAPACITÉ SONT : La garce, subdivisée en 80 parah, ~ 400 marrai. La garce équivaut à 3 hectolitres 66 litres. La MESURE DE LONGUEUR est Le covid, équivalant à 0 mètre 457 millimèt. La MESURE DE SUPERFICIE CSt Le casseney, équivalant à 53 ares 51 centiares.

COMMERCE. Le commerce des établissements français de l'Inde a lieu principalement avec la côte de Coromandel \ Sumatra , l'île Bourbon , l'Ile-de-France et le Sénégal. On y emploie des navire» français.— Les objets d'exportation de notre territoire indien sont des toileries, et particulièrement des toile» bleues dites gui née s, qui sont fort recherchées sur la côte d'Afrique, et des mouchoirs imitaut les madras, et qui trouvent un débouché à Bourbon ; de l'indigo, du riz, du coton, du salpêtre, production naturelle des terre» du pays , dont on en extrait une grande quantité par une simple lessivation. — Le salpêtre de Pondieliéry passe pour moins pur que celui du Bengale. — On exporte aussi des peaux de chèvres tannées et de» cornes de buffle ; du sucre et des drogueries; du poivre , de la cardamone, de la cannelle, de l'opium , etc. — On y importe de France tous les produits propres aux pays chauds; mais comme on a à soutenir la concurrence des Anglais et des Hollandais, il convient que les expéditions soient composées de marchandises de première qualité et parfaitement conditionnées.

BIBLIOGRAPHIE. Etat actuel de l'Inde, et considération sur les établissent, et le commerce de la France dans celte partie du monde, etc.; in-8°. Paris, 1787. Voyage à l'Ile-de-France et dans l'Inde, etc.; par P. Brunet de

Nantes; in-8°. Paris, 1825.

lissai historique , géographique et politique sur l'indoustan. par Legoux de Flaix; in-8°. Paris, 1807. L' Inde française , par Eugène Burnonf ; in-fol., avec planches. 1 Paris, 1827 a 1830. Album pittoresque de la frégate la Thétis , par le vicomte de la Tonanne ; in-fol., avec planches. Paris , 1827. A. HUGO. On souscrit chez DELLOYE, éditeur, place de la Bourse, rue des Filles-S.-Thomas, 13,

Imprimerie et Fonderie de RIGNOUX et Comp., rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel, 8.


FRANCE PITTORESQUE Antilles Françaises. Martinique. — Guadeloupe

NOTE TOPOGRAPHIQUE.

L'archipel Colombien ou des Antilles est situé dans l'océan Atlantique entre les deux continents américains, depuis le 10e jusqu'au 23e degré de latitude nord, et entre le 62e et le 83e degré de longitude ouest, méridien de Paris. Suivant certains auteurs, les 300 îles ou îlots qui le composent, sont les débris d'un continent, morcelés par les irruptions de la mer qui les travaille en dehors, et par l'action du l'eu qui les mine au dedans. M. Moreau de Jonnès attribue, au contraire , une origine volcanique à la plupart, et pense qu'ils doivent leur existence à l'action des feux sous-marins.

Les Antilles forment une chaîne semi-circulaire qui part du rivage de la Floride, dans l'Amérique septentrionale, et va se terminer au golfe de Maracaïbo, dans l'Amérique méridionale. D'après les anciens auteurs, il paraîtrait que leur nom vient d'une terre chimérique, nommée l'île d'Antilia , et qui figure sur d'anciennes cartes à 200 1. à l'ouest des Canaries et des Açores. Des auteurs modernes disent qu'on leur donna le nom d''Ant-Jles (Ante-Insulœ), qu'on écrit maintenant Antilles, pour désigner leur position eu avant du Nouveau-Monde. Les Anglais les appellent IndesOccidentales, WeSt-Indies, pour les ditinguer des Indes-Orientales. Les Espagnols les divisèrent en Iles-du-Vent et Iles-sous-le-Vent. Les Français ont adopté cette division,.et les quatre plus considérables de ces îles , Cuba, la Jamaïque, Haïti (Saint-Domingue) et Porto-Rico, situées dans le nort-ouest, ont toujours été connues sous le nom d'Iles-sous-le-Vent, ou Grandes-Antilles ; on désigne par le nom à1 Ilesdu-Vent, ou Petites-Antilles, les îles Caraïbes qui sont plus à l'est, parce que les vents d'est ou alisés, sont les seuls avec lesquels on puisse y arriver. Les colonies françaises des Antilles comprennent la Martinique, la Guadeloupe et la GrandeTerre, Marie - Galante, les Saintes, la Désirade et Saint-Martin. Ces îles font partie du groupe des Petites-Anlilles et sont comprises parmi celles auxquelles M. Moreau de Jonnès assigne une formation volcanique. HISTOIRE. L'archipel des Antilles fut découvert en 1492, par Christophe Colomb.— A son premier voyage, ce grand navigateur reconnut Haïti qui , dans la suite, fut appelée Saint-Domingue , et qui a maintenant repris son nom primitif.— La Désirade, la Dominique, MarieGalante , la Guadeloupe, Mont-Serrat , Anligoa et Saint-Christophe, ne furent découvertes qu'en 1493 , et ce fut seulement à sa quatrième expédition , en 1502 , que Colomb découvrit et visita la Martinique.— T. M.

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et

Dépendances.

Toutes ces îles étaient alors habitées par des Indiens de race caraïbe.— Les premières expéditions françaises pour les Antilles eurent lieu sous Louis XIII. En 1625, un Normand, le capitaine Desnambuc , partit de Dieppe avec un vaisseau, et aborda à Saint-Christophe. — En 1626, il revint en France, où il fut autorisé à créer une compagnie de commerce et de colonisation. — Il repartit l'année suivante pour Saint-Christophe, qu'il partagea avec les Anglais. — C'était un homme de tète et de courage. Après avoir colonisé Saint-Christophe , et battu , en diverses occasions, les Espagnols , qui voulaient s'emparer des possessions françaises, et les Anglais , qui refusaient d'observer le traité de partage, il vint fonder un établissement à la Martinique. — Déjà un de ses lieutenants, l'Olive, s'étant établi à la Guadeloupe, en avait été, en 1637, nommé capitaine général. — Desnambuc laissa à la Martinique le brave Dupont, qui fit courageusement la guerre aux Caraïbes, et eut pour successeur le neveu de Desnambuc luimême , Duparquet. Celui-ci reçut du Roi le titre de lieutenant général de la Martinique, que sa bonne administration fit bientôt prospérer. Desnambuc mourut à la fin de 1636, emportant les regrets de toute la colonie, qu'il laissait dans un état florissant. — En 1638, le chef d'escadre Lonvilliers de Poincv, commandeur de Malte , fut nommé , par le Roi, lieutenant général de toutes les îles françaises, et par la compagnie , capitaine général de Saint-Christophe. —- La culture principale de ces colonies était alors le petuii (tabac), dont on avait multiplié les plantations outre mesure. — Le tabac était tombé à vil prix. Poincy convint avec le chef des îles anglaises d'en interdire la culture pendant dix-huit mois , dans toutes les îles de leur dépendance, de crainte que la dépréciation de cette denrée ne rebutât l'Europe, et ne la fit renoncer à tout commerce avec les colonies. — Cette mesure fut exécutée partout, excepté à la Guadeloupe, où l'Olive commandait encore. — Les colons de cette île étaient toujours en guerre avec les Caraïbes qui y étaient nombreux ; Poincy dut y envoyer plusieurs fois des renforts pour vaincre et contenir les sauvages. — Le lieutenant général de cette colonie, Aubert, parvint enfin , en 1640, à faire la paix avec eux. — Sous son administration, la Guadeloupe commença à jouir d'une sécurité qu'elle n'avait pas connue jusqu'alors. — La culture se faisait encore dans les colonies au moyen de travailleurs blancs qui venaient s'y établir en se soumettant à un travail de plusieurs années, et que pour cette raison on nommait engagés, et de nègres que la traite fournissait aux habitants.—Aubert avait leprojet de créer des fabriques de sucre, mais leur établissement n'eut lieu que sous l'administration du sieur Houel • celui ci, non content de s'emparer du projet d'Aubert abreuva de dégoûts cet homme brave et intelligent, et le fit même, sur une fausse accusation , condamner à mort par contumace. — A la suite d'une expédition envoyée pour porter aux colons des femmes dont ils manquaient, le désordre s'introduisit, dans les îles. Cette expédition , composée d'un grand nombre de filles de toutes conditions et de mœurs très peu régulières , avait pour chef une demoiselle Lafayolle, dont les intrigues ne tardèrent pas à bouleverser la Guadeloupe. Des troubles éclatèrent de tous côtés. Houel


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ne voulut pas reconnaître l'autorité de M. de Poincy ; celui-ci refusa de son côté de recevoir à Saint Christophe le général Thoisy-Patrocles, qui avait été nommé pour lui succéder, et qui fut reconnu à la Martinique et à la Guadeloupe. La guerre civile désola les îles françaises pendant plusieurs années. — Ces désordres et la ruine des établissements de culture décidèrent la compagnie , qui ne pouvait plus soutenir les charges nombreuses qui l'accablaient, à vendre, en 1650, toutes ses possessions des Antilles, Un sieur Boisseret acheta alors , de moitié avec son beau-frère Houel , la Guadeloupe, Marie-Galante, les Saintes et la Désirade , pour 73,000 livres, payables en argent et en sucre. — Le gouverneur de la Martinique, Duparquet, paya 60,000 livres, la Martinique, Sainte-Lucie, la Grenade et les Grenadins. —Enfin, a la même époque, le commandeur de Poincy, au nom de l'ordre de Malte, fit acheter, pour 120,000 livres, la partie française de Saint-Christophe, celle de Saint-Martin , et les îles Saint-Barthelemy, Sainte-Croix et de la Tortue. En reconnaissance de cette acquisition, le grand-maître de Malte lui donna le titre de bailli, et le confirma dans sa charge de commandant général. En 1653, le roi de France approuva la vente faite à l'ordre de Malte , sous la réserve de la souveraineté, qui consista en l'hommage d'une couronne d'or de mille écus , à chaque nouveau règne. — Jusqu'au moment de cette vente , la compagnie avait confié le gouvernement des îles françaises à des capitaines généraux, qui reçurent plus tard les titres de gouverneur et de sénéchal, avec le pouvoir de présider à tous les jugements. — Les gouverneurs avaient pour émoluments un droit de capilation de 25 livres de tabac à prélever sur chaque habitant ( qui devait en payer autant pour l'entretien des forts). Un certain nombre de leurs domestiques était exempté des droits seigneuriaux , perçus pour la compagnie. — Ils avaient aussi le droit de choisir dans les cargaisons les nègres qu'ils voulaient acheter. — Après la vente , les acquéreurs des colonies en devinrent les souverains absolus, sous le titre de seigneurs propriétaires. — Cet état de choses fut encore plus préjudiciable , à la métropole et aux îles que le premier ne l'avait été. — Le bailli de Poincy, commandant pour l'ordre de Malte, et Duparquet avaient seuls la qualité de lieutenants généraux pour le Roi; les ordres de la cour leur étaient adressés directement. Ils recevaient dans les îles de leur gouvernement , ou en expulsaient qui bon leur semblait , et disposaient de la milice et de la judicature. Les juges nommés par eux condamnaient à mort, et le seigneur faisait grâce à sa volonté. Pour satisfaire à leurs grandes dépenses et à l'augmentation des troupes de leur garde ou des garnisons , ils prélevaient, sur chaque habitant libre ou esclave , au-dessus de dix ans, les 100 livres de tabac, ou 50 livres de coton, qu'on payait précédemment à la compagnie. — Quelques officiers, et un certain nombre de leurs gens, étaient seuls exempts de payer ce droit. — On ne pouvait se marier sans leur autorisation , sous peine d'être renvoyé de la colonie, que nul ne pouvait d'ailleurs quitter sans leur permission. Dans ce cas , (es départs s'annonçaient au prône, afin que les créanciers et les débiteurs pussent régler leurs intérêts. — Tous les habitants étaient soldats, chaque quartier formait une ou deux compagnies, suivant sa population. On obéissait aux capitaines avec la plus stricte ponctualité, car ils avaient le droit de mettre leurs subordonnés aux fers , pour la moindre faute. Chacun montait la garde a son tour; la durée de cette garde était dans toutes les îles, excepté à la Guadeloupe, de vingt-quatre heures; a la Guadeloupe seule, elle était de huit jours. L'exercice général se faisait, une fois par mois, dans chaque quartier ; il n'y avait alors de garnison dans aucune lie. Il n était pas permis aux esclaves de manier des armes. — En 1650, quarante français s'étaient établis à Sainte-Lucie. Leur chef, le brave Rousselan ,

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ANTILLES

FRANÇAISES.

s'était fait aimer des Caraïbes, mais à sa mort tous les Français furent massacrés par les Indiens , révoltés de leurs excès. — En 1654, les Caraïbes attaquèrent la Martinique ; cette île ne dut son salut qu'au secours inattendu de quatre vaisseaux hollandais qui arrivèrent fort a propos. — En 1656, les esclaves nègres de la Guadeloupe, devenus très nombreux, se révoltèrent, mais leur insurrection fut bientôt comprimée. — La paix générale, traitée avec les Caraïbes, par le bailli de Poincy et par le chef des Anglais, fut conclue par l'intermédiaire de M. Houel. Les Caraïbes se réservèrent Saint-Domingue et Saint-Vincent. — En 1664, on créa en France une nouvelle compagnie à laquelle de grands privilèges furent accordés. Le gouvernement racheta alors les îles françaises que la première compagnie avait vendues; le général Prouville de Tracy en prit possession au nom du Roi, et y établit la seconde compagnie. — Les Anglais s'étaient emparés de Sainte-Lucie , il les força à une restitution qu'ils ne firent néanmoins qu'en partie. — A cette époque , Colbert faisait acquérir, pour la France, une partie de Saint-Domingue et l'île de la Tortue , qui jusqu'alors avaient servi de retraite aux boucaniers et aux flibustiers. — L'administration de la nouvelle compagnie fut peu intelligente, et mécontenta les colons. — Des troubles éclatèrent fréquemment à la Martinique ; on ne les réprima qu'avec beaucoup de peine. Celte colonie avait même sérieusement projeté de se soutraire à un joug devenu insupportable. — Les instigations de l'Angleterre n'étaient sans doute pas étrangères à cette résolution; la Guadeloupe, qui s'y était montrée opposée fut, en 1666, attaquée par les Anglais, et les repoussa. — Néanmoins, en 1668, dans une organisation nouvelle de l'administration coloniale, elle fut mise dans la dépendance de la Martinique. Enfin , par la ruine de la nouvelle compagnie, les colonies furent, en 1074 , réunies définitivement au domaine de l'Etat. — Fin 1691 , malgré les traités qui avaient stipulé la neutralité des Antilles en cas de guerre, les Anglais s'emparèrent de Marie-Galante, et attaquèrent la Guadeloupe , qui les repoussa comme en 1666. — Ces perfides rivaux des établissements français n'attendirent pas, en 1702, la déclaration de guerre pour s'emparer de Saint Christophe. — En 1703 , la Guadeloupe fut de nouveau l'objet de leurs attaques. Le gouverneur des Antilles , dont la Martinique était devenue le chef-lieu, y envoya un renfort de douze compagnies, six de soldats, six de flibustiers. Ces braves battirent les ennemis sur tous les points, et les obligèrent à se rembarquer. — La guerre de la succession au trône d'Espagne amena de nouveaux desastres sur les îles françaises. — Mais les forces qui y furent envoyées d'Europe y firent respecter h: pavillon national. — Marie-Galante fut reprise aux Anglais. — Une division navale s'empara même des îles SaintChristophe et de Nièves , dont elle se contenta clef rançonner les établissements commerciaux. — La prospérité matérielle des Antilles paraissait devoir aller toujours en croissant, mais leur régime intérieur laissait beaucoup à désirer. Les instructions remises, en 1716, au gouverneur la Varenne et à l'intendant Ricouard , font connaître les abus qui s'y étaient introduits, — « Le rfti enjoignait à ces deux fonctionnaires : de surveiller le relâchement qui se manifestait pour la religion, surtout parmi tes prêtres religieux ; d'ôter aux jésuites et aux dominicains, devenus trop riches par leurs habitations de la Martinique et de la Guadeloupe , les appointements qu ils recevaient comme curés, pour les affecter à d'autres dépenses; d'empêcher les communautés religieuses de faire de trop grands établissements et d'avoir plus de cent nègres travaillant ; d'obliger les habitants a réparer les églises et à en construire de nouvelles; de réprimer le commerce étranger, le monopole et la contrebande ; de mettre ordre aux vexations des officiers de justice, et de leur faire payer leurs dettes; de soutenir


FRANCE PITTORESQUE. — ANTILLES FRANÇAISES, les petits habitants, qui font la force des colonies, contre les grands et tes puissants ; d'en attirer de nouveaux ainsi que des blancs engagés , qui devaient être dans la proportion d'un pour 20 nègres ; d'établir toutes sortes de culture, et d'empêcher de trop multiplier les sucreries, par la crainte que la trop grande culture de la canne n'épuisât les terres ; de placer de petits habitants dans l'intérieur de l'île ; de faire ouvrir des chemins pour le transport des denrées, etc., etc.» — Une pareille mission , tout opposée aux desseins de l'oligarchie , déjà organisée parmi les grands propriétaires, et que le gouvernement sentait la nécessité de réprimer, froissait leurs prétentions et leurs intérêts. Le caractère des deux chefs et les premiers actes émanés de leur autorité, prouvèrent qu'ils seraient sévères dans l'exécution des ordres dont ils étaient porteurs, les oligarques ne virent, pour s'y soustraire, d'autre moyen qu'une révolte , dont la minorité du Roi , la légèreté et la corruption de la cour, leur faisait espérer l'impunité. — Cette révolte éclata en effet, en 1717 , à la Martinique. Le gouverneur et l'intendant furent arrêtés par le sieur Dubuc , lieutenant colonel des milices, mis à bord d'un vaisseau et renvoyés en France. Au lieu de punir sévèrement les fauteurs de l'insurrection, le ministère français, cédant aux intrigues que les riches colons mirent en jeu à Paris, accorda une amnistie générale aux habitants de la Martinique, et leur envoya même un autre gouverneur. —On voit, par les instructions adressées en 1718 , à M. de Feuquières , qui fut alors nommé à cette haute fonction, qu'une partie de la population tendait, malgré le gouvernement, à se constituer en corps de noblesse , de clergé et de tiers état.— En 1720, le système de Law, dont on s'engoua aux îles comme à Paris, y causa de grands bouleversements dans les fortunes. Cependant la culture du caféier, apporté à la Martinique par le capitaine Desclieux, ouvrait une nouvelle source de prospérité pour les Antilles. Cette culture devint d'autant plus précieuse qu'un tremblement de terre fit périr, en 1727, tous les cacaotiers, seule culture des petits colons, trop pauvres pour entreprendre celle de la canne à sucre. — Nonobstant les calamités causés par de violents ouragans et par les tremblements de terre, la situation des Antilles devenait de plus en plus favorable , lorsque la guerre de 1741 éclata et détruisit encore une fois leur prospérité. — Cette guerre ne cessa qu'en 1748 , et fut suivie, en 1755, d'hostilités qui furent encore plus défavorables au commerce français. — La paix durait depuis sept années , rien ne semblait devoir la menacer. Le moment parut, aux Anglais, favorable pour exécuter l'inique agression à laquelle ils s'étaient secrètement préparés. Sans déclaration de guerre, sans aucun motif qui pût faire pressentir une attaque soudaine, ils envoyèrent à l'improviste sur toutes les mers des bâtiments de guerre , pour enlever les navires français naviguant sur la foi des traités. — La France s'indigna de cette perfidie, de grands armements furent le résultat de ses sacrifices , il y eut une véritable explosion nationale. — battus au Canada , les Anglais furent menacés d'une invasion dans la Grande-Bretagne ; la Galissonière remporta sur eux cette victoire navale qui fit tomber la tête de l'amiral Bing, sacrifié à l'amour-propre britannique. Port-Mahon, réputé imprenable, leur fut enlevé par Richelieu, et leurs armées de terre furent défaites en Allemagne. — Dés le début de la guerre, le cabinet de Londres avait dirigé des forces considérables contre nos colonies des Antilles. - Une flotte de 12 vaisseaux, G frégates, 4 galiotes à bombes et 80 bâtiments de transport, portant 8 mille hommes de troupes de débarquement, attaqua la Martinique, et fut vigoureusement repoussée. Les habitants, encouragés par leur gouverneur général , le marquis de Beauharnais , grand-père du prince Eugène, se portèrent en foule contre l'ennemi, et après lui avoir tue ou pris 400 hommes , l'obligèrent à

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se rembarquer. L'escadre se dirigea alors contre la Guadeloupe qui fut défendue mollement et capitula en 1759, au moment où le général Beauharnais arrivait de la Martinique à son secours. Le gouverneur de la Guadeloupe fut mis en jugement, dégradé et condamné à une prison perpétuelle. La reddition de cette lie donna lieu à une ordonnance royale défendant aux gouverneurs, commandants ou autres chefs des colonies, d'y contracter mariage avec des créoles, et d'y acquérir des biens-fonds. — Furieux d'avoir été repoussés à la Martinique, les Anglais y envoyèrent, en 1762, une nouvelle expédition, aux ordres de l'amiral Rodney, encore plus formidable que la première, et qui cette fois triompha du courage des habitants. — Néanmoins, l'Angleterre ne garda pas long-temps sa conquête, quoiqu'elle y eût déjà introduit 20,000 esclaves. A la paix de 1763 , la Guadeloupe et la Martinique furent rendues à la France. — L'Angleterre obtint, il est vrai, à cette époque, outre d'immenses territoires dans l'Amérique septentrionale , les îles de la Dominique et de Saint-Vincent. — Les faibles restes de la population caraïbe des Antilles se trouvaient réunis dans ces deux îles, les Anglais les concentrèrent dans celle de Saint-Vincent, dont ils les ont fait disparaître en 1795. — Les changements qui curent lieu à cette époque dans l'administration des îles françaises, rendirent la Guadeloupe indépendante de la Martinique. Cependant, délivrée du patronage de sa rivale en 1763, elle fut, en 1769, replacée dans sa dépendance, et n'obtint définitivement d'y être soustraite qu'en 1775. — La guerre des Etats-Unis d'Amérique appela de nouveau l'attention sur les Antilles. — M. de Rouillé, gouverneur de la Martinique, s'empara de l'de Saint-Eustache , qui venait d'être enlevée aux Hollandais par les Anglais. — Il leur prit aussi SaintChristophe, Nièves etMont-Serrat. — Les Français concevaient l'espoir de devenir les maîtres de toutes les Antilles , lorsqu'en 1782 , le fameux combat naval de la Guadeloupe, où le comte de Grasse fut battu par l'amiral Rodney, détruisit cet espoir. —La paix de 1783 rendit la tranquillité à nos colonies. Les habitants des Antilles françaises réparaient les pertes qu'ils avaient éprouvées, lorsque la révolution de 1789 éclata. Les trois couleurs furent d'abord arborées avec enthousiasme , mais bientôt des désordres graves éclatèrent à la Martinique et à Saint-Domingue. — Les habitants de Saint-Pierre (Martinique), furent obligés de demander des secours à la Guadeloupe. On leur envoya des hommes et des armes. Le brave Dugommier commandait celle expédition , qui eut tout le succès qu'on pouvait en espérer, mais qui ne fit qu'apaiser momentanément les troubles. Les hommes de couleur prirent les armes et augmentèrent les éléments de discorde. En 1790, des commissaires du Roi et de l'Assemblée nationale furent envoyés aux Antilles , où ils luttèrent inutilement contre les assemblées coloniales dont les passions bouleversaient le pays. Le général Rochambeau fut nommé commandant aux Iles-du-V ent et à la Martinique; le général Collot fut appelé au gouvernement de la Guadeloupe , et le général Ricard à celui de Sainte-Lucie. — Pendant qu'ils faisaient roule pour leur destination , on annonça à la BasseTerre (Guadeloupe), l'entrée des Prussiens et des Autrichiens à Paris. Une contre-révolution eut lieu , le drapeau blanc fut arboré à la Guadeloupe ainsi qu'à la Martinique. Cette dernière refusa de recevoir les généraux français qui furent obligés de faire voile pour Saint-Domingue dont le général Rochambeau fut nommé gouverneur provisoire. - Marie - Galante et SainteLucie restèrent seules fidèles au drapeau national. — La contre-revolution n'eut pas néanmoins un long règne. Le capitaine de frégate Lacrosse arriva de franco et apporta la nouvelle des événements du dix août. Les équipages de tous les bâtiments de commet ce reprirent les couleurs qu'ils avaient été con-


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traints de quitter , et après un combat entre les royalistes et les républicains, la Martinique et les autres îles rentrèrent sous les lois de la métropole. — Le général Rochambeau s'éloigna de Saint-Domingue à cause des horreurs dont cette île était le théâtre, et revint a la Martinique , où il fut reconnu gouverneur général. — En janvier 1793, les Antilles furent en proie aux fureurs révolutionnaires et à celles de la guerre civile; comme la France, la Martinique et la Guadeloupe eurent leurs massacres des prisons. — Les haines excitées par la couleur de la peau étaient impitoyables. — Les riches colons effrayés appelaient les Anglais. La République ne pouvait secourir ses colonies; elle décréta, en 1794, l'abolition de l'esclavage. — Le jour où ce décret était rendu par la Convention , la Martinique et les autres Antilles tombaient au pouvoir des soldats britanniques. — Ces lies furent rendues à la France en 1802 , par le traité d'Amiens , dont un article rétablissait l'esclavage dans nos colonies. — Les nègres de Saint-Domingue s'armèrent, se proclamèrent libres et brisèrent les liens qui unissaient cette colonie a la France. — En 1809, les Anglais reprirent la Martinique. La Guadeloupe fut prise par eux en 1810. — Les deux îles furent encore rendues à la France en 1814. — Les Anglais y reparurent en 1815, en apparence pour maintenir le gouvernement des Bourbons, mais avec le but secret d'être prêts à profiter des événements. — En 1816, le gouvernement français y envoya des troupes et de nouvelles autorités , et les Anglais les évacuèrent. — La Martinique a été, en 1822, le théâtre d'une révolte de nègres. Plusieurs blancs furent massacrés ; mais les troupes et la garde nationale comprimèrent bientôt cette insurrection , qui ne s'est heureusement pas renouvelée depuis. CARACTÈRE, MŒURS, ETC. La population des Antilles se compose de quatre classes bien distinctes. — Les Européens qui ne s'y trouvent que passagèrement ; les créoles descendants des Européens qui s'y sont établis et qui forment, avec les hommes de couleur libres et les esclaves, la population permanente de chaque colonie. Naguère encore d'anciennes lois et de vieux préjugés élevaient une barrière insurmontable entre les citoyens de couleur différente: aujourd'hui tous les hommes libres des colonies ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, — II y a lieu de croire que la population deviendra ainsi bientôt plus homogène et plus unie. A l'aide des meilleurs écrits publiés depuis peu sur les Antilles, nous allons essayer d'esquisser quelques-uns des traits de chacune des quatre classes de la population. Européens. — Après un séjour de quelque durée en Amérique , les Européens qui habitent les Antilles voient. leur constitution s'altérer ou tout au moins se modifier. Ils diffèrent alors par le tempérament et par le caractère de leurs compatriotes restés en Europe. En effet, entraînés par l'appât des jouissances faciles, ou accablés par des travaux que la soif du gain augmente chaque jour, ils perdent peu a peu leurs forces physiques. L'ardeur du climat abrège les jours de ceux qui n'ont pas soin de réparer la perte que leur cause une transpiration continuelle. Leurs facultés et leurs dispositions naturelles s'exaltent. Ils éprouvent le désir de quitter promptement une terre qu'ils regardent, en général, comme un lieu d'exil, et où souvent leurs espérances de richesse et de fortune s'évanouissent. Ils deviennent alors avides, remuants, intrigants, soucieux et perdant leur délicatesse première; ils cessent d'être difficil es sur les moyens d'accélérer le moment où suffisamment enrichis, ils pourront retourner dans leur pays natal pour y jouir agréablement de la vie. Ces réflexions s appliquent a ceux qui quittent l'Europe dans la persuasion insensée qu'il existe un lieu sur la terre où il est possible do faire fortune rapidement sait a

peine, sans travail et seulement avec un peu de bonheur. — Les colonies ne sont vraiment habitables que pour l'Européen qui peut y vivre dans l'aisance , et qui est assez sage pour n'y pas faire d'excès. Elles ont alors un certain charme secret, qui y retient presque toujours celui qui s'y est acclimaté. CRÉOLES. — On appelle Créole., aux Antilles, tout individu né dans la colonie, quelle que soit d'ailleurs la couleur de sa peau. Nous allons nous occuper de ceux qui font partie de la classe des blancs..— Le blanc de race pure, jouit, aux Antilles, d'une suprématie que les lois et les préjugés ont long-temps tendu à maintenir. Sa couleur était une sorte de noblesse, cause de la prééminence marquée accordée aux Européens qu'on recherche encore particulièrement dans les alliances des familles. — L'air humide, salin, et privé d'électricité , donne aux Créoles un teint blafard et sans coloris. Néanmoins ce teint est généralement un peu plus foncé que celui des habitants de nos départements méridionaux. Élevés, dans leur enfance, sans vêtements qui puissent gêner leurs mouvements, ils se développent en liberté et sont souples, bien faits et bien constitués. On remarque généralement en eux de la pénétration , une imagination ardente, un esprit vif, délié, une conception rapide; ils deviendraient sans doute des hommes d'une haute capacité, si leur éducation était complète et sévère ; mais environnés, dès le berceau, d'esclaves qui cherchent à deviner et à prévenir leurs volontés, de parents qui caressent jusqu'à leurs défauts, leur caractère devient indolent et léger, porté a l'indépendance et à la présomption. Ils finissent par avoir une confiance outrée en leur propre mérite. Ils se laissent aller à mépriser les connaissances utiles. — La vanité les domine; ils parlent de tout avec un ton décisif et tranchant qui peut imposer d'abord mais qui ne cache pas long-temps le peu de solidité de leur jugement et l' insuffisance de leur éducation. — Une constitution sensible et ardente les livre à toutes les passions extrêmes, les rend inconstants dans leurs goûts, les entraîne au plaisir avec impétuosité, et souvent même avec dépravation. Ces vices de leur éducation n'étouffent cependant pas leurs qualités naturelles. Les Créoles sont bons et compatissants. Ils tiennent leur parole avec fidélité et poussent le point d'honneur à l'excès. Ils exercent -généreusement et franchement l'hospitalité, et accueillent les étrangers avec une grâce admirable.— « Le luxe, disent Léonard et M. Boyer de Peyreleau, n'est général que chez les femmes, parmi lesquelles il serait difficile qu'il fit plus de progrès. Mais le colon est très simple dans son intérieur, car ses richesses ne sont que fictives, et il nevit souvent que sur son crédit. En effet, comment pourrait-il compter sur des récoltes, sur des établissements , sur des esclaves , que chaque instant menace de lui enlever?Malheureusement des voyages d'ostentation, des dépenses somptueuses, trompent souvent des calculs faits avec légèreté, et le forcent à rentrer sur ses biens, surchargé de dettes qu'il espérait pouvoir liquider, mais que des pertes imprévues ne font qu'accumuler Toujours préoccupés de l'idée de retourner en France, les Créoles ne regardent leur maison que comme un lieu de passage qu'ils n'ornent, assez ordinairement, pour tous meubles, que de tables, de lits et de chaises très simples. — Ils sont généralement adonnés au jeu : c'est la passion dominante aux colonies , où elle a toujours été poussée à l'excès. » Si les femmes créoles n'ont pas le teint frais et animé des Européennes, elles en sont dédommagées par des traits fins et délicats, par une tournure élégante et gracieuse, par une taille svélte et déliée, par une indolence et un laisser-aller ravissants. Sans être parfaitement belle, leur figure spirituelle a une expression de don eur qui va droit à l'âme, et leur accent, dénué d'afféterie, lorsqu'il n'est pas traînant, respire l'innocence et la candeur. Leur abord est timide , même froid avec les étrangers, fier avec leur inférieurs, simple et


FRANCE

PITTORESQUE



FRANCE

PITTORESQUE

Créole de la Martinique

Alex Beauharnais

Joséphine




FRANCE PITTORESQUE

Les trois Pitons du Carbet

Fort Royal




FRANCE

PITTORESQUE.

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facile avec leurs égaux; toujours douces , bonnes, prévenantes, elles apportent beaucoup d'agréments dansles relations sociales,— L'amour étincelle dans leurs yeux ; elles possèdent à un haut degré le talent de rappeler aux hommes qu'ils doivent un tribut de tendresse et d'admiration à la beauté. Quoique naturellement coquettes, elles sont fidèles et jalouses. Elles se montrent épouses tendres et mères excellentes, mais toujours passionnées. Aimables et sans artifice, chez elles la volonté la plus decidee s'allie cependant à une grande mobilité d'esprit. Quoique douées d'un caractère sensible et compatissant, elles sont exigeantes et sévères pour ce qui tient à leur service personnel, et l'étranger a besoin de se rappeler combien leur éducation est incomplète et mal dirigée pour comprendre comment ces êtres doux et bons peuvent s'armer contre leurs esclaves, d'une rigueur parfois cruelle. — Elles sont d'une sobriété parfaite pour les mets recherchés, les vins et les liqueurs, mais elles,cèdent fréquemment à des fantaisies bizarres, et se repaissent de fruits ou d'autres aliments qui altèrent leur constitution. — Nonchalamment couchées sur des lits de repos, entourées d'esclaves habiles à prévenir leurs désirs, elles passent leurs journées mollement abandonnées au dolce far niente des Italiennes; mais dès qu'il s'agit de danse et de fêtes, ces femmes qui paraissaient accablées de fatigue redevien„ nent vives et sémillantes. On est émerveillé de la légèreté de leurs pas, de la souplesse de leurs formes , du feu, de la grâce et de la vivacité qu'elles mettent dans tous leurs mouvements. HOMMES DE COULEUR. — Le nom de gens de couleur ou de sangs-mêles a été long-temps donné aux individus qui ne sont ni blancs purs ni entièrement noirs, et qui proviennent de l'union des blancs avec les négresses ou avec les mulâtresses. -On a aussi désigné sous le nom de population de couleur la masse collective des noirs et des gens de couleur. — Pour opérer parles couleurs la classification des habitants des colonies, il faut, d'après le système de Franklin, adopté et développé par Moreau de Saint-Méry , que les gens de couleur (véritables mulâtres) soient supposés former un tout de 128 parties moitié blanches et moitié noires.—-L'individu qui n'a pas huit parties de blanc, est réputé noir. — On distingue neuf souches principales entre lesquelles il existe encore d'autres variétés, d'après le plus ou moins de parties qu'elles retiennent de l'une ou de l'autre couleur, suivant les combinaisons des races qui concourent à leur formation.

ANTILLES

FRANÇAISES.

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ment dans la famille française et de leur accorder tous les droits civils et politiques. Reconnus les égaux des blancs, ils leur prêteront un appui utile contre la classe nombreuse des noirs, si elle venait à s'agiter. Le sang des Européens qui coule dans leurs veines les attache à la population blanche. Ils sont d'ailleurs intelligents, actifs et laborieux; fiers et généreux; braves et dévoués ; ils aiment l'état militaire , deviennent bons officiers, et, un peu plus disciplinés, seraient d'excellents soldats ; ils sont habiles marins ; ils excellent par les arts mécaniques où une adresse naturelle leur rend tout facile; ils sont aptes au commerce, à la culture des terres, aux entreprises industrielles. Ils ont l'intelligence qui fait les hommes utiles, le sentiment d'orgueil national et de dévouement patriotique qui distingue les bons citoyens. NÈGRES ESCLAVES. — Le caractère du nègre dépend beaucoup de la manière dont on le traite, il est toujours patient et craintif, mais suivant le maître auquel il est soumis, il se montre tantôt bon , docile et tendre, tantôt grossier, opiniâtre et indisciplinable. — Il est paresseux avec délice, et il a besoin d'être vivement excité pour se livrer au travail. Cette paresse naturelle, aujourd'hui universellement reconnue, est le plus grand obstacle à l'abolition de l'esclavage, puisqu'elle compromettrait l'existence même des colonies. Les Anglais qui ont proclamé tout récemment la liberté des noirs dans leurs colonies occidentales, commencent à éprouver des inquiétudes sur la manière dont ils pourront assurer la culture de leurs plantations. — Le nègre esclave a naturellement l'esprit mélancolique et dissimulé. Son intelligence est bornée, mais il excelle dans tous les exercices corporels, et il a des sens, sous certains rapports très perfectionnés. Son odorat est plus fin, sa vue plus perçante, son ouïe plus pénétrante et son tact plus sur que ceux des Européens. — Sa nourriture est frugale, mais il a un goût prononcé pour les liqueurs spiritueuses. — Il est constant dans ses affections; fidèle et dévoué, mais jaloux. — Il se montre très attaché à la femme qu'il a choisie, et rempli de tendresse pour ses enfants. — Ses forces corporelles ne sont pas aussi grandes qu'on le suppose; sa constitution parait plus vigoureuse qu'elle ne l'est réellement. Le travail d'un jour de deux nègres n'équivaut pas à celui d'un seul Européen dans le même espace de temps.—Ils travaillent avec nonchalance, et ils ont, chaque semaine, un ou deux jours de repos ; néanmoins , s'il faut en croire les écrivains qui ont dirigé leurs recherches sur les Antilles, Part, blanches. Part, noires. la vie moyenne des esclaves, quoique moins laborieuse Le Sacatra, le plus rapproché du nègre, que celle de nos paysans, n'a que la courte durée de et le résultat de 5 combinaisons, a de 8 à 16 et de 112 à 120 quinze ans. — En France, la vie moyenne est de vingtLe Griffe, résultat de 5 combin , a de 24 à 32 et de 96 à 101 huit ans. - Les nègres sont vindicatifs et oublient difficiLe Cabre un Marabou, rés. de 5 c., a de 10 à 18 et de 80 à 88 lement les injures et les mauvais traitements; mais ils Le Mulâtre, résultat de 12 combinais. 56 à 70 et de 58 à 72 Le Quarteron , résultat de 20 combin. 71 à 96 et de 82 à 57 sont également susceptibles de reconnaissance. — Us Le Métis , résultat de 6 combinaisons. 104 à 112 et de 16 à 21 portent le goût de la danse et de la musique a un degré Le Mamelouc, résultat do 5 combinais. 116 à 120 et de 8 à 12 dont on ne peut pas se faire une idée en Europe; ce Le Quarteronne , résultat de 4 combin. 122 à 124 et de 4 à 6 n'est pas une passion, c'est une fureur. Le député aux Le Sang-mclé, le plus rapproché du Cinq-Cents, Aymé, déporté à Cayenne, rapporte que blsine, est le résuit, de 4 corab., et a de 125 à 127 et de là 3 lorsqu'on y proclama la liberté des noirs, ils témoignèDans le principe on ne reconnaissait, aux Antilles, rent leur joie par des danses , et avec une telle ardeur d'autres conditions que celle de planteur r t celle d''esc/arc. qu'il y en eut qui périrent au milieu de la fête, après Les premiers affranchissements n'eurent lieu qu'à titre avoir épuisé toutes leurs forces en dansant. -— Le chaut, de récompense, et ces actes de reconnaissance ou de du nègre est triste et lent, comme celui de tous les philanthropie furent peu nombreux.—Quand un blanc peuples sauvages; mais sa .danse célère et fougueuse abusait d' une négresse, le mulâtre, qui en était le pro- annonce l'ardeur de ses désirs. Semblable au Caraïbe duit, était libre; le père obligé de le nourrir et de l'ente- qui dansait en pleurant sur la tombe de son père, avec tenir,jusqu' a douze ans, payait , en outre, une amende. le chant et la danse, le nègre supporte tout et se conL'execution de cette loi sévère diminua les abus de sole de tout. il chante au milieu des travaux les plus la débauché , a l' époque où les planteurs étaient encore pénibles; tous ses mouvements se font en mesure et en pauvres ; mais la licence et l'immoralité augmentèrent cadence; la mélancolie de sa musique a quelque chose avec les richesses. Les affranchissements, résultat d'un d attendrissant. Cependant tout a un aspect riant autour honteux concubinage, s accrurent en proportion- Le de lui, surtout sur les habitations dont les maîtres sont nombre des hommes de couleur a toujours été en aug- humains, tandis que le travail morne et silencieux des mentant. -— Ils sont devenus assez nombreux pour paysans européens donne une idée plus triste de leurs qu'il ait paru juste et saga de les admettre complète- fatigues et tic leur misère,


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FRANCE

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ANTILLES

FRANÇAISES.

le marsouin , le lamcntin , le requin , la becune, espèce de brochet colossal de 8 pieds de longueur, l'espadon, le poisson volant, la — Les «anciens quadrupèdes des Antilles, qui,, raie (on en trouve qui ont jusqu'à 9 pieds tic long et 6 pieds de quoique fort rares, existent encore aux Iles-du-Vent, sont : leL ' large), des lunes, des dorades, des bonites; des galères, espèce manitou, espèce de sarigue de petite taille, exhalant une mauvaise2 de vessie de mer, dont l'attouchement produit le même effet que odeur que ne partage pas sa chair, assez lionne à manger. — celui de la torpille; différentes espèces de tortues, etc. Ou trouve L'agouti , gros comme le manitou, animal qui tient à la fois du en août, septembre et octobre, à l'embouchure des rivières, une rat et du lapin, et dont le grognement est pareil à celui du coespèce de petit poisson très délicat, dont la forme et la grosseur chon; sa chair a un goût sauvage, néanmoins on la mange. — Le' sont celles d'un clou de gérofle, et qu'on appelle tri/ri ; ce poisson tatou ou armadille, quadrupède crustacé dont l'espèce devient de■ est très recherché ; les homards, les crabes et toutes les espèces de jour eu jour moins nombreuse et finira par disparaître entièrementt crustacés maritimes sont très multipliés. Les huîtres, beaucoup avant peu. — Le pilori ou rat musqué, de même forme mais plus• plus petites que celles d'Europe, sout aussi plus délicates; on les gros que les rats d'Europe. Les rats et les souris venus de France arrache, à la marée basse, aux palétuviers, sur lesquels elles se dans les caisses de marchandises se sont tellement multipliés à la fixent. Martinique et à la Guadeloupe , qu'on les comprend au nombre Les insectes de toute espèce sont très nombreux, et parmi eux des fléaux qui attaquent les habitations; ils gâtent tous les fruits, il en est de très incommodes. Les abeilles, plus petites aux Anravagent les champs de cannes et forcent les habitants d'à voit tilles qu'en France, n'y ont pas d'aiguillon. Ou n'en élève pas toujours sur pied plusieurs nègres chargés de leur faire lu chasse dans des ruches ; elles vivent en société dans les arbres creux , et avec des petits chiens dressés a les poursuivre. — Les autres quaproduisent un miel excellent et aromatique. On y remarque aussi drupèdes de l'île sont des animaux domestiques qui y ont été inla luciole , ou mouche luisante; les moustiques et les maringoins, troduits d'Europe ou du continent américain et dont les espèces dont ou ne peut se préserver qu'en s'enveloppant la nuit dans des paraissent avoir beaucoup perdu s ous le rapport de la force et de moustiquaires de gaze; et une espèce de blatte, dégoûtante par la taille. Ce sont les chiens, les chats, les bœufs, les âues, les son odeur, analogue à celle de la punaise, et qui cause de grands chevaux, les mulets, les brebis (on dit aux Antilles les mouravages dans les habitations, c'est le cacrelat, insecte ailé, large tons); une espèce de chèvres à poil ras, qu'on appelle cabris et de près d'un pouce, et long d'un pouce et demi. On redoute enles porcs. — Les lapins ne s'y trouvent qu'à l'état de domesticité. core le scorpion ; la scolopendre , ou bête à mille pieds ; l'acarus Les oiseaux domestiques sont les mêmes qu'en Europe. — On pourpre, qu'on appelle bête rouge, et dont la piqûre est extrêtrouve aux Antilles trois sortes de perdrix, les rouges, les noires et mement douloureuse; la chique (pulex pénétrant), insecte dangeles grises; des tourterelles, dont les espèces sont très variées; des reux qui dépose ses œufs sous la peau et y pullule avec rapidité; ortolans, des grives, des pigeons ramiers; un oiseau qu'on nomme — ou s'en débarrasse en attaquant avec une épingle la poche où il l'oiseau diable, et qui, semblable aux tadornes, niche dans des terest renfermé, et en y introduisant un peu de tabac ou de rocou ; riers.—Los perroquets et les perruches ont disparu des Antilles franles nègres qui ne prennent pas de précautions sont quelquefois çaises, mais ou y trouve encore une belle espèce de pic, a bec et à estropiés par les chiques ; — le pou des bois est un insecte destrucjambes rouges, à croupion jaune, et toute rayée de bleu et de blanc. teur des charpentes, et qui fait en peu do temps tomber en ruines Parmi les petits oiseaux ou admire le colibri et l'oiseau-mouche, les édifices qui paraissent les plus solides ; mais les insectes les qui, par leurs vives couleurs, ressemblent à des pierreries vivantes; plus incommodes sont les fourmis, qui se multiplient avec une le chat-huant est assez commun aux Antilles, ou y trouve aussi rapidité incroyable: c'est uu véritable fléau. En 1775, elles causèun grand nombre de grosses chauves-souris. — Les oiseaux aquarent tant de ravages à la Martinique, que les colons firent propotiques sont nombreux, les plus remarquables sont : le flamant au ser eu Europe, par l'intermédiaire du ministre de la marine, UN plumage éearlate, le grand gosier ou pélican, la frégate, oiseau MILLION de récompense à celui qui trouverait un moyen efficace de mer, de la grosseur d'une poule, mais dont l'envergure est pour les détruire; plusieurs concurrents se sont présentés, mais d'environ huit pieds; le héron-crabier, ainsi nommé à cause des le million est encore a donner. Les fourmis sout si nombreuses à crustacés dont il se nourrit. — Ou classe aux Antilles parmi les de certaines époques et dans de certaines localités, qu'elles détruireptiles, les lézards et les iguanes, qui sout très communs. L'isent un champ de cannes eu peu d'heures; on eu a vu qui forguane est un lézard inoffensif, à crête et a goitre, qui vit sur les maient des couches mobiles d'un demi-pied d'épaisseur. Aucune arbres, mais qui peut rester long-temps dans l'eau sans être sufculture ne peut dans ce cas résister a leurs ravages. Le feu et la foqué. Sa longueur varie de trois «à cinq pieds, sou aspect est efpoudre à canon ont été employés contre elles sans succès. — On frayant; mais il est très doux et se laisse prendre facilement. Sa a essayé à diverses reprises d'élever des vers à soie. Le mûrier véchair a le goût de celle du poulet; ses œufs sont bons à mangète bien à la Martinique et à la Guadeloupe ; mais les vers une ger. — Los Antilles renferment plusieurs espèces de couleufois éclos, ont toujours été dévorés par les fourmis, qui en pavres et de serpents qui acquièreut quelqufois des dimensions conraissent très friandes. sidérables. La Martinique et Sainte-Lucie sout les deux seules lies RÈGNE VÉGÉTAL. — Sous l'atmosphère humide et brûlante des où la morsure des serpents soit mortelle. Ou a long-temps prétendu Antilles, la végétation ne s'arrête jamais ; des feuilles nouvelles que les serpents de la Martinique, transportés à la Guadeloupe, y remplacent celles qui tombent; les fleurs éelosent sur la même mouraient ou y perdaient leur venin. Cette assertion ridicule est branche où les fruits mûrissent.—Le sol, disent quelques écrivains, reconnue fausse maintenant, mais il est certain qu'on trouve à la est dix-huit fois plus productif que celui d'Europe. — Le figuier y Martinique des nègres qui out la prétention de charmer les serproduit des fruits exquis, et plusieurs fois dans l'année. La vigne pents et de guérir leurs morsures. Les effets de leurs talents paporte des raisins deux fois par an , et souvent trois fois dans quaraissent prouvés; on ignore encore comment ils y parviennent. — torze mois ; il n'y a cependant pas de vignobles, parce que l'intérêt Il existe aux Petites-Antilles plusieurs espèces de crustacés de commercial a donné dans ces contrées une autre direction à l'aterro, ou amphibies , armés de pinces et qui tiennent du cancre, griculture. — Nous faisons connaître, à l'article des cultures cotels que le crabe-viole!, le crabe-tricolor ( bleu , violet et blanc ) , loniales, les principaux végétaux dont clic s'occupe. —Le climat le tourlourou couleur de feu, etc. — Les crabes des montagnes des Iles-du-Vent paraît beaucoup plus favorable aux végétaux des sont les plus curieux de ces animaux; ils vivent en société dans Indes orientales qu'à ceux des latitudes européennes. Parmi les les mornes, cachés dans le creux des arbres et des rochers; arbres utiles qui y ont été transportés de l'Inde et du continent lorsque arrive la saison pluvieuse, ils se réunissent pour descenaméricain, on remarque le jaquier à feuilles entières, dont le fruit, dre la nuit et par bandes vers la mer; si pendant leur marche la j pesant de 50 à 80 livres , est le plus gros qui soit connu ; la rima, pluie cesse, ils font halte et se cachent dans quelque lieu humide, ou < arbre à pain d'Otaïti ; le tapotilier, dont le fruit est singulièjusqu'à ce qu'elle recommence. Ils entrent dans la mer, s'y baiirement estimé des Créoles ; le cocotier; le palmiste franc , ou palgnent et s'y nettoient; les femelles secouent leurs œufs sur le sable mier i des Antilles, dont le bourgeon principal, qu'on nomme chou, et les livrent à la laine où ils ne tardent pas à éelore; après être <est renommé pour sa délicatesse; le manguier; le pommier cannelle ; restés sur le rivage et dans l'eau le temps suffisant pour que les 1l'acajou à pommes ; le tamarinier, qui offre dans son fruit une papetits crabes nouveau-nés soient assez forts pour voyager, ils se inacée presque universelle; le calebassier, qui fournit un grand réunissent de nouveau par bandes, afin de remonter dans les 1 nombre d'ustensiles de ménage aux cases des indiens; le cannesimornes. Tous les ans ils recommencent le même voyage. Ces crac cier, ou cahier, célèbre par ses vertus purgatives; le copayer, d'où bes sont bons à manger; les habitants dos Mes leur fout la chasse coule < le célèbre baume de copabu ; Valois sucotrin, le monbain ; dans leurs marches et leurs stations ; mais avaut de les faire cuire, 1 l'abricotier des Antilles ; le poivrier ; le muscadier, etc. —- L'ananas ils out soin do les faire jeûner pendant plusieurs jours, afiu d'é- épineux < y produit des fruits délicieux; on croit aux Antilles que viter d'être empoisonnés par les pommes de inaueeuiilier dont cçs f jus d'ananas a demi mûr est uu spécifique contre la gravelle et le crustacés se nourrissent assez souvent. Iles maladies de la vessie. Il existe deux espèces de choux caLes eûtes et la mer des Antilles présentent des coraux noirs et i raïbes , mais les autres plantes potagères ont été introduites d'Eublancs, un grand nombre de mollusques, de zoophites et coquilr rope ou de l'Inde. Les asperges, le piment, l'artichaut, y prosvariés.—-Le buccin, coquille dout les dimensions ont quelqueluges i pèrent. On trouve à l'état sauvage une petite fraise très odorante. fois 15 à 18 pouces, sert de trompette ou conque aux nègres. — L'herbe de Guinée est cultivée pour les chevaux, qu'on nourrit On remarque parmi les poissons qui approchent le» eûtes de la aau vert toute l'aimée. — Ou distingue parmi les plantes médiciMartinique et de la Guadeloupe, la baleine, le dauphin souffleur, L nales, le tlcin, dout les graines donnent une huile purgative, et HISTOIRE NATURELLE.

REGNE ANIMAL.


FRANCE PITTORESQUE. — ANTILLES FRANÇAISES. l'ipécacuanha, qui fournit un vomitif propre à remplacer l'émétique. —« Les fleurs les plus communes sont les roses, les jasmins, les giroflées et les tubéreuses. — En parlant des forêts de la Guadeloupe, nous faisons connaître les arbres qui croissent spontanément dans les Antilles. Ou y remarque des fougères colossales, des sensitives-arbres , des cierges épineux , des bambous énormes , et toutes sortes de bois de teinture, d'ébénisterie et de marqueterie. RÈGNE MINÉRAL. — Aucune mine métallique ne paraît exister dans les Antilles françaises. Ou y trouve cependant quelques traces d'arsenic sulfuré, de titane, de manganèse, de bismuth, de fer sulfuré, oligiste, où dé, de cuivre malachite?, etc. — Parmi les combustibles, on remarque le pétrole, le jayet, le lignite et la tourbe. — On y trouve aussi de l'argile, de l'ocre, du siliee, de la magnésie, de l'alumine et de la chaux sous diverses formes; delà pierre-ponce, des basaltes prismatiques, des laves de différents ordres , de la pouzzolane, du soufre , etc. — La Martinique et la Guadeloupe renferment plusieurs sources minérales et thermales,

MÉTÉOROLOGIE. — Il n'y a que deux saisons aux Antilles, la saison sèche , qui commence au 15 octobre et dure neuf mois, et Y hivernage, ou saison pluvieuse, qui dure depuis le 15 juillet jusqu'au 15 octobre. — La température moyenne annuelle est «à Fort-Royal (Martinique) de -{- 27° 24'. Les termes extrêmes du thermomètre au même lieu , sont : minimum , -j- 20° 56' ; maximum , -J- 35°. — A Basse-Terre (Guadeloupe) h température moyenne est de -f- 23° 38'. Le maximum , -{- 3i° 38', et le minimun, 19° 28'. — Malgré les indications tliermoinétriques, la sensation produite par la chaleur n'est pas la même qu'eu Europe. — A 16° 25' température des pitons du Carbet, à la Martinique, les hommes et les animaux éprouvent les mêmes phénomènes qui résultent en Europe de l'action d'un froid excessif; — à -f- 19° R., le froid est très vif; — «à -f- 20° 50', les créoles sont soumis aux effets que produirait en France le thermomètre au-dessous de zéro. A -f- 24° R., la chaleur est douce et agréable, il n'y a pas de maladies. — A + 23° elle devient étouffante et produit un malaise véritable. Il tombe annuellement ; auprès de la mer, environ 95 jouces d'eau. Cette quantité est beaucoup plus considérable sur es hautes montagnes , et s'élève quelquefois à 350 pouces. — Les jours sont à peu près égaux aux nuits. — Le climat est extraordinairement humide. — L'humidité, jointe à la chaleur, paraît être la cause principale des maladies qui frappent les Européens. — Cette humidité est continue et puissante; elle décompose et corrompt toutes les viandes avec une étonnante rapidité , elle fait éclorc des myriades d'insectes de toutes les espèces. Son action est tellement corrosivc, qu'eu peu de temps elle rouge parla rouille tous les métaux susceptibles de s'oxider. — Le bois d'Europe le plus dur, le chêne , ne lui oppose qu'une faible résistance ; tous les affûts de canon envoyés de France à la Martinique et à la Guadeloupe, neufs , bien ferrés et bien conditionnés, tombaient en poussière deux ans au plus après avoir été placés en plein air dans les batteries.— Le gouvernement français, instruit par uue longue expérience que les actes et papiers publics étaient exposés, par l'effet du climat, à uue si rapide destruction que les archives d'une génération se conservaient à peine saus altération jusqu'à la génération suivante, a dû, en 1770, pour éviter leur perte totale, établir eu France un Dépôt des actes et c/uirtres des colonies. CLIMAT.

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VENTS. — OUHAGAIFS, ETC. — La chaleur est toujours tempérée par les veuts d'est, ou a Usés. Ces vents , qu'on appelle brise de mer, soufflent chaque matin , s'accroissent à mesure que le soleil moute sur l'horizon, et tombent tout-à-fait vers le soir; de sorte 911e plus le soleil est élevé , plus le vent a de fraîcheur. — L'air qui reflue le soir et pendant la nuit de l'ouest vers l'est, produit la brise de terre; cette brise et la rosée abondante qu'elle fait tomber, donnent de la fraîcheur aux soirées et aux nuits. Les Antilles sont sujettes aux raz-de-marée et aux tremblements de terre. — Les ouragans y causent de grands désastres. Pour remettre en valeur les plantations qui ont été exposées à leur fureur, il faut (outre des travaux considérables et beaucoup d'argent) un an, si l'habitation produit des vivres; 18 mois, si c'est une sucrerie ; 3 ans, si elle est cultivée en cacao, et 5 ans, si elle produit du café. •— Les ravages des ouragans sont la cause principale des dettes qui grèvent la plupart des habitations. MALADIES. Les maladies qui attaquent les Européens sont la nostalgie, la fièvre jaune, la fièvre maligne et putride, et le tenesme. Les maladies des nègres sont, pour ceux qui arrivent d'Afrique, la nostalgie, l'éléphantiasis et la lèpre.— Les maladies pulmoniques, les fièvres malignes et putrides, l'hydropisie, la petite vérole, la rougeole, le tétanos, sont des maladies communes a tous les nègres, Créoles et Africains. — Ils sont aussi quelquefois sujets à cette espèce de dépravation de goût qui porte à manger de la terre, maladie qu'un auteur moderne a désignée sous le nom de géophagie,

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PREMIERS HABITANTS. Les Caraïbes étaient les habitants des Antilles Jors de la découverte.—C'étaient des peuples sauvages et belliqueux ; ils étaient forts et courageux, hardis guerriers, chasseurs infatigables, pêcheurs habiles. — Ils avaient la peau d'un jaune-clair tirant sur le bistre, les yeux noirs et petits, les dents blanches et bien rangées , les cheveux noirs plats et luisants ; mais point de barbe, ni de poils sur le corps ; leur physionomie était triste comme celle de tous les peuples du tropique. Quoique de taille moyenne, ils étaient vigoureux et bien constitués. Pour se garantir des insecte* ils s'enduisaient le corps de rocou. — Les hommes étaient tous guerriers; les femmes, dont ils exigeaient la soumission la plus absolue , restaient seules chargées des travaux du ménage. Elles ne pouvaient pas même manger en présence de leurs mari'. — Les Caraïbes n'étaient soumis à aucune autorité, n'avaient ai cune forme de gouvernement, et vivaient tous égaux entre eux. Chaque famille habitait un hameau appelé Carbet, où le plus ancien commandait. Leur courage était féroce et leur caractère vindicatif; ils ne s'occupaient que de chasse et de pêche et s'accoutumaient dès l'enfance au métier des armes. La guerre était leur état naturel, ils ne considéraient la paix que comme une trêve pour se préparer à de nouveaux combats. Ils élisaient pour la guerre, un grand-capitaine qui conservait ce titre toute sa vie. Leur ardeur dan» le combat dégénérait souvent en fureur sanguinaire; ils dévoraient les cadavres de leurs ennemis et tuaient leurs prisonniers pour se repaître de leur chair. Colomb , en débarquant à la Guadeloupe, trouva , dans plusieurs de leurs cases, des débris humains, a demi brûlés et dévorés. — Cet illustre navigateur remarqua, dans toutes les îles qu'il visita, et qui étaient habitées par les Caraïbes, diverses espèces de coton qu'ils avaient l'art de teindre de plusieurs couleurs, et surtout en rouge. Ils en fabriquaient des toiles et de ces toiles ils faisaient des hamacs pareils a ceux que lesJEuropéens ont adoptés. — Ce nom de hamac donné aux lits suspendus des matelots est un mot caraïbe. Le mot ouragan vient aussi du nom ourracan , que les Caraïbes donnaient aux violentes tempêtes qui désolent les Antilles. — Ces peuples savaient façonner, avec de la terre, des vases pour les usages domestiques, et ils les faisaient cuire au four. Ils n'avaient ni temples, ni cérémonies religieuses; cependant ils reconnaissaient deux principes celui du bien et celui du mal; leurs boyès ou magiciers évoquaient leurs bons esprits (car chacun avait le sien), pour chasser le mabouya ou esprit-malin. Ils avaient des espèces de bardes qui conservaient dans des chansons répétées aux grandes solennités nationales, la mémoire des hauts faits de leurs guerriers et des événements mémorable» de leur histoire. — La polygamie était en usage parmi eux; eu cas d'infidélité, le mari tuait sa femme. —Ils respectaient le courage et honoraient la vieillesse.—Leur humeur belliqueuse fut souvent fatale aux Espagnols, qui, malgré l'avantage de leurs armes, ne leur firent pas toujours la guerre avec succès. Mais ces conquérants ne cherchaient que de l'or, et comme ils n'en trouvaient poiut aux Iles-du-Vent, où d'ailleurs les Caraïbes, trop fiers, trop mélancoliques, trop indépendants pour se soumettre a l'esclavage, se laissaient mourir plutôt que de travailler pour des maîtres, il ne tardèrent pas à abandonner des îles qui ne leur fournissaient qu'un peu de tabac et de coton, et ils allèrent chercher fortuue sur le continent.—Les premiers colons qui succédèrent aux Espagnols eurent aussi à lutter contre les Caraïbes : ceux-ci leur firent une guerre acharnée; mais le nombre toujours croissant des habitants européens fit disparaître peu à peu la race aborigène, et après la paix de 1763, elle fut réduite à quelques centaines de familles que les Anglais réunirent daus l'île •Saint-Vincent.— Les Caraïbes y vécurent tranquilles et isolés jusqu'en 1795; à cette époque et dans la guerre que suscitèrent aux Antilles les événements de la Révolution, ils prirent parti en faveur des Français, contre les Anglais, dont uue antipathie naturelle les avait constamment éloignés; mais les Anglais facilement vainqueurs de ces malheureux Indiens, eu firent périr le plus grand nombre, et déportèrent le reste dans les îles de BOnaire et d'Aruba, près Je Curaçao.—il ne reste donc plus de peuplades caraïbes daus l'archipel des Antilles.

PREMIERS CULTIVATEURS. INDIENS.—L'introduction des nègres esclaves, pour la culture suivit de près l'établissement des Français aux Antilles. — Mais il fallait acheter ces nègres, et les premiers colons n'étaient pas riches. — Us ne pouvaient songer à se servir des Caraïbes que les Espagnols n'avaient pas pu soumettre au travail. Ils obtinrent au moyen d'échanges d'objets de peu de valeur, les prisonniers que les Caraïbes des îles faisaient daus leurs expéditions contre les naturels de la Terre-Ferme, prisonniers qui jusqu'alors avaient été mis a mort et dévorés par ces anthropophages; mais les Approuargues (ainsi se nommaient ces Indiens) n'étaient propres qu'a la chasse et à la pèche, et se laissaient mourir de mélancolie quand on leur imposait d'autres occupations. Ou essaya ensuite d'employer les sauvages que les Hollandais enlevaient sur la côte du


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PITTORESQUE.

Brésil et vendaient comme esclaves. Ces Brésiliens n'avaient de sauvages que le nom. — Doués d'un esprit vif et intelligent, ils avaient profité de leurs relations fréquentes avec les Portugais, et étaient devenus plus policés que tous les autres Indiens. Pourvu qu on les traitât avec douceur , sans leur parler de leur esclavage, ils supportaient leur condition avec patience , prêts à tout faire , excepté à travailler la terre. — Ou les achetait, mais seulement pour les occuper à la pêche, à la chasse et à tous les ouvrages d'adresse. ENGAGES.— Cependant ? comme il fallait des bras pour l'exploitation des terres, on fut obligé de suivre et d'étendre l'usage établi dans la colonie dès le principe d'employer aux cultures des Européens. — Ce sont des blancs venus d'Europe qui ont les premiers défriché le sol qu'on suppose aujourd'hui ne pouvoir être travaillé que par des nègres africains ou créoles. — On nommait ces cultivateurs blancs des Engagés. Tout Européen attiré aux îles par l'espoir d'y faire fortune , et qui ne pouvait pas satisfaire aux dépenses du voyage , était obligé, d'après un usage qui eut bientôt force de loi, de servir pendant trois ans, à compter du jour de sou débarquement, celui qui payait les frais de sa traversée. Ces engagements ressemblaient à un esclavage temporaire. — Le maître de l'Engagé avait le droit, non-seulement de l'employer lui-même pendant trois ans, mais encore de céder ce droit à qui bon lui semblait, de sorte que l'Engagé pouvait, malgré sa volonté, changer sept ou huit fois de maître, pendant la durée de son engagement. Moins heureux que les nègres esclaves de nos jours, l'Engagé n'avait jamais la permission de travailler pour son compte; sou temps, ses forces et son intelligence appartenaient à un maître dont le caprice étaient sa loi, et qui pouvait le forcer au travail à coups de bâton. — On donnait à chaque Engagé, pour nourriture, quatre pots de manioc et cinq livres de bœuf salé par semaine. Il ne pouvait quitter sou maître qu'à l'expiration de son engagement ; la peine infligée à celui qui l'aurait recelé était celle portée contre le receleur d'un esclave. — Les femmes qui passaient aux colonies étaient soumises au même usage ; mais étant fort rares , elles étaient assurées d'être promptement rachetées , et de trouver de bous partis , quelles que fussent leur origine et leur condition. — Les Engagés qui avaient fini leur engagement se présentaient au gouverneur, qui leur accordait gratuitement un terrain à défricher. — Ces concessions étaient, dans le principe , de 1,000 pas de longueur , sur 200 de largeur. Ou les réduisit plus tard de moitié. — En 1070, un arrêt du conseil limita à dix-huit mois , au lieu de trois ans, le temps de service des Engagés. Mais en 1710, un nouveau règlement remit les choses sur l'ancien pied, et un édit royal de l7l9, ordonna de transporter aux colonies, pour y servir comme Engagés, les vagabonds et gens sans aveu. L'usage de se servir d'Engagés cessa eu 1738. La misère , les mauvais traitements , décimaient ces malheureux. Les colons demandèrent des ouvriers et des cultivateurs à l'Afrique. La traite eut ses beaux jours et son temps prospère. Aux Antilles , l'esclavage des noirs remplaça la servitude des blancs.

CULTURES COLONIALES. La culture des Antilles et celle, des colonies où on plante la canne à sucre ne ressemblent point aux cultures européennes : un paysan peut, en France, sans autre secours que ses bras et sa charrue, ensemencer, faire sa récolte, la renfermer dans sa grange et la porter au marché. — Le café, le coton, l'indigo et surtout le sucre exigent le concours d'un grand nombre d'ouvriers , qui suivant le besoin du jour, puissent être en même temps employés aux travaux des terres ou a la manipulation des denrées. Lu jour de pluie, d'orage, de débordement, ou une longue sécheresse décident de la nature des travaux, de leur accélération, de leur suspension, du repos ou de la marche des travailleurs. —Tantôt il importe de les occuper à la culture de leur jardin particulier qui gênerait, dans une autre circonstance, les travaux généraux, de l'habitation, tautôt il est convenable de les employer à la réparation de leurs cases, ou à celle des chemins, des canaux et des fossés. L'intelligence du propriétaire ou du régisseur détermine avec autorité une répartition avantageuse des jours et des heures de travail. La multiplication des petites propriétés, utile en France, est dangereuse dans les colonies, où il est démontre que la subdivision d'une habitation entre les cohéritiers nuit a l'intérêt public. — Car la culture de deux cents arpents exploités eu sucre, exige les mêmes dépenses, le même emplacement en bâtiments et en pâturages pour les animaux, le même nombre d'ustensiles et les mêmes frais d'exploitation, que la culture de six cents. — Dix , vingt, cinquante arpents même, devenant une propriété isolée, ne peuvent plus être cultivés eu sucre.— Cette subdivision amènerait donc graduellement la perte des sucreries coloniales, quand la création des manufactures de sucre de betterave n'en serait pas une cause prochaine et continue. CULTURES POUR L'EXPORTATION. —Les principales cultures coloniales, aux Antilles, sont, maintenant :

-

ANTILLES

FRANÇAISES.

La canne à sacre ; cette culture se fait partie à la houe et partie à la charrue (depuis peu d'années seulement) : on coupe les cannes à 4 ou 16 mois, avant qu'elles aient porté leurs fleurs. — La canne est un roseau dont la sève renferme une substance sucrée que le rafinage cristallise et que l'industrie coloniale extrait sous une forme moins purifiée. Le café, dont les plants, établis en quinconce, doivent être espacés à la distance de 8 on 10 pieds , produit successivement et de mois en mois cinq floraisons. — La fleur ressemble, pour la couleur et pour l'odeur, au jasmin d'Espagne. — Le petit fruit pulpeux qui renferme les graines a la forme et la couleur d'une cerise. La graine mûrit cinq mois après la floraison. Sa récolte commence en août et finit en janvier, lorsque les graines de toutes les fleurs qui ont successivement paru ont mûri. — Le caféier n est en plein rapport qu'à la cinquième année. Il produit environ deux livres de café par pied. Le cacao est la fève du cacaoyer, arbre dont le fruit est contenu dans une enveloppe semblable à un petit melon. — Le cacaoyer demande à etre à l' abri du vent; on le sème en l'espaçant de 12 a 15 pieds. Le produit de chaque pied est d'environ trois livres, la récolte se fait en août et en septembre. Le cotonnier est un arbuste qui est en plein rapport au bout de huit mois. Le tabac qui, dans le principe des colonies des Antilles a été une branche de commerce fort utile, n'est plus cultivé en grand sur aucun point. — Celui du Macouba , à la Martinique, a cependant une réputation européenne. L indigo, la cannelle , la muscade, et le gérofle sont des cultures abandonnées ou sans grands développements. On évalue comme il suit, le produit auuuel des plantations coloniales aux Antilles. Un carré de terre (environ un hectare) donne, planté — — —

en en' eu eu

coton, de cacao , de café, de sucre, de

150 à 200 kilog, 500 à 750 750 à 1,000 2,000 à 3,000

"VIVRES.—Les plantations en vivres se composent principalement de bananiers dont le régime fournit des fruits sains et excellents ; de manioc, dont la racine purgée de son suc vénéneux et passée au feu, fournit une fécule savoureuse , qui forme la basé de la nourriture des nègres; déniais que l'on cultive entre les sillons et autour des fosses des cannes à sucre; de patates, espèce de pomme de terre sucree que les ouragans ne peuvent détruire, et qui dans les années de disette est une ressource préçieuse; d'ignames, dont le fruit est une raciue d'un goût exquis et d'une digestion facile, qui pese depuis 12 jusqu'à 30 livres ; enfin , de pois d'Augole, arbrisseau qui, planté en lisière , réussit bieu et offre une nourriture agréable au pauvre comme au riche.

BIBLIOGRAPHIE. Des colonies modernes sous la zone torride, par Barré Saint-Venant; iu-8. Paris, 1802. — lissai de statistique raisonner sur les colonies européennes des tropiques, par de Montvéran ; in-8. Paris, 1883. — Notes sur les colonies françaises , etc. , par G. Duverne avocat; in-8. Paris, 1833.-;— Le commerce au dix -neuvième siècle, par Moreau de Jonnès; in-8. Paris, 1825. —Histoire physique des \ Antilles françaises, par le même ; in-8. Paris, 1822. — Statistiq. de la Martinique, par Félix Renouard, marquis de Sainte-Lroix ; 2 v. iu-8. Paris, 1822. — Statist. des colon, franç. occident., savoir , la Martinique , les îles de la Guadeloupe et la Guiane, par Moreau de Jonnès. (Nous ignorons si cet ouvrage , couronné eu 1819 par l'Académie royale des Sciences, a jamais été imprimé.) — Mémoire sur la Martinique , avec des notes explicatives, par Benoît Duchesne Duvernay ; in-8. Paris. •— Les Antilles françaises , particulièrement la Guadeloupe , par le colonel Boyer-Peyreleau ; 3 vol. in-8. Paris, 1826. —Flore des Antilles, par Tussac; in-8. Paris, 1827. — Des hommes de- couleur, par Mondésir Richard; in-8. Paris, 1830. — Flore pittoresque et médicale des Antilles , par Descourtilz; in-fol. Paris, 1827-1829. — Colonies. — Les art. 1 et 61 de la Charte, par A. Crémieux; in-8. Paris, 1831. — Examen des deux projets de loi sur l'organisation des colonies , par Mondésir Richard, mandataire des hommes de couleur de la Guadeloupe; iu-8. Paris, 1881.— Droit et nécessité des garanties sociales et politiques, réclamées par les colonies françaises , par A. de Cools , délégué de la Martinique ; in-8. Paris , 1832. — De l'agriculture coloniale, par le baron de Cools, délégué de la Martinique; in-8. Paris , 1834,

A.

HUGO.

On souscrit chez DELLoYE, éditeur,[place de la Bourse, rue de* Filles-S.Thomaa, 13.


FRANCE PITTORESQUE. — MARTINIQUE.

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Martinique. nés servent à l'exploitation d'un grand nombre de sucreries. — Aucun de ces ruisseaux n'est navigable. — Les Créoles instruits ne pensent pas qu'on puisse donner le nom de rivières au Lamentin, à la riviere Salée et à la rivière Pilote, qui sont de véritables canaux formés par IPS eaux de la mer pénétrant au milieu des terres marécageuses. — Il existe à la pointe la plus méridionale de l'Ile une flaque d'eau salée qu'on appelle la Grande-Saline. SOURCES MINÉRALES. — La Martinique possède plus sieurs sources d'eaux minérales chaudes ; une de ces sources prend naissance au pied de la montagne Pelée, une autre au piton du Fort-Royal ; cette dernière a été analysée par Vauquelin, et contient du muriate et du carbonate de soude, de la silice , des carbonates de magnésie, de chaux et de fer. — 11 existe une troisième source très près de Fort-Royal : à la rivière de Monsieur» — Toutes ces eaux sont très fréquentées,

TOPOGRAPHIE.

L'Ile île la Martinique est située dans la mer des Antilles, par les 14° 36' de latitude nord et par les 63° 18' de longitude ouest du méridien de Paris ; elle tire son nom, suivant les uns, de Saint-Martin, auquel elle aurait été consacrée par les Espagnols lors de la découverte, suivant d'autres, de la francisation de son nom primitif Matinina. On évalue le développement de ses côtes à 56 lieues. — Sa superficie est d'environ 89,636 hectares. MONTAGNES. — L'Ile, vue de la mer, présente à l'œil quelques hautes montagnes éparses que lient entre elles de moindres aspérités que l'on nomme aux colonies mornes. — La plus considérable de ces montagnes et la plus apparente est la montagne Pelée, située dans la partie occidentale, et haute de 1,560 mètres au-dessus du niveau de la mer. — Au milieu de l'Ile s'élève un groupe de trois cônes qu'onsomme 1rs pitons du Carbet, et dont la hauteur culminante est de 1,765 mètres. Entre la montagne Pelée et les pitons du Carbet, se trouve le morne Calebasse, haut de 812 mètres. — Le morne du Diamant, au sud-ouest de l'Ile, n'a que 295 mètres. — La montagne du Vauclin, dans la partie orientale, est moins élevée que la montagne Pelée et que les pitons du Carbet ; elle est aussi beaucoup plus accessible et en partie cultivée.—M. Moreau de Jonnès attribue la formation de ces montagnes à l'action des volcans sousmarins. On compte effectivement à la Martinique six volcans éteints ; ce sont la montagne Pelée, les pitons du Carbet, les Roches carrées, le morne Jacques, le volcan du Marin et le morne de ta Plaine.—On trouve au sommet de la plupart de ces montagnes des coquillages et des substances marines pétrifiées qui indiquent qu'elles ont dû sortir des eaux. — On n'y connaît aucune mine métallique quoiqu'on ait prétendu y avoir trouvé des traces ferrugineuses. — Mais on rencontre sur quelques points des faisceaux de colonnes basaltiques. Sot. — La nature du sol est très variée et se ressent plus ou moins du voisinage des anciens volcans. — Dans les environs de la montagne Pelée, les terres ne présentent que des débris de pierres-ponces mêlés aux détritus végétaux. Cette terre légère est d'un bon rapport et d'un travail facile. — Du côté de la Trinité, les terres sont rouges, friables, sablonneuses et moins productives. .— Celles de la partie méridionale de l'île sont grasses, fortes et argileuses. — La partie du nord-ouest est d''une nature pierreuse et aride. CÔTES ET BAIES. — Dans la partie orientale située au vent de l'île, les bords de la mer sont généralement d'un difficile accès. On y trouve néanmoins le port de la Trinité, la baie du Robert et celle du Vauclin qui présentent des abris pour les bâtiments de médiocre capacité. La baie du Marin et les petites rades qui s'ouvrent au sud, offrent un meilleur asile aux navires lorsque les vents ne tournent point à l'ouest. — La rade de Saint-Pierre n'a à craindre que les vents de l'ouest. — Celle de Fort-Royal est la meilleure en tout temps. — La côte occidentale (sous le vent) est très élevée et à pic sur un grand nombre de points, et notamment depuis Fort-Royal jusqu'au quartier (lu Prêcheur, FORETS. - La partie montagneuse et centrale est couverte de bois très anciens, entrelacés de lianes qui les rendent impraticables même aux nègres marrons, et qui servent de retraite aux serpents. Ces forêts et les terrains incultes occupent environ le tiers de la superficie totale de l'île. RIVIÈRES.— La Martinique est arrosée par de nombreux ruisseaux qui, grossis par les pluies deviennent des torrents dangereux. — Leurs eaux limpides et saiT. III,

38.

WOÏIS BIOOSAfHIQVES.

L'impératrice des Français, la femme bien-aimée do Napoléon , JOSÉPHINE ( Tascher de la Pagerie), naquit à la Martinique; le brave général dont elle était veuve lorsqu'elle épousa Bonaparte, appartenait aussi à cette colonie; Alexandre BEAUHARNAIS était né à Fort-Royal peu de temps après la défaite des Anglais par son père, en 1759. — S'il faut en croire une tradition locale répétée, et quelques écrits publiés en Europe, deux des hommes les plus remarquables de l'Orient, le sultan Mahmoud et le vice-roi d'Egypte Méhémet-Ali, seraient fils de deux jeunes filles créoles de la Martinique, enlevées par des corsaires lorsqu'on les amenait en France pour y faire leur éducation. Nous n'ajoutons pas foi à cette historiette , bien qu'on ait dit que la sultane, mère du chef actuel de la maison d'Othman, était de la famille Dubuc, bien connue en effet dans la colonie. Parmi les hommes que la Martinique peut incontestablement réclamer nous citerons Thibaut DE CHANVALON, correspondant de l'Académie des Sciences, auteur d'un Voyage à la Martinique qui contient des observations intéressantes ; nous ignorons si c'est le même qui a dirigé , en 1763, la fatale expédition de Kourou , célèbre dans les fastes de la Guiane ; MOREAU DE SAINT-MÉRY, administrateur habile, président de l'assemblée parisienne des électeurs de 1789, membre de l'assemblée constituante et auteur d'un grand nombre d'ouvrages utiles sur les colonies américaines; BARRAS, neveu du fameux directeur, officier de marine qui se distingua a bord de la flotte (le M. de Grasse; le mulâtre BELGARDE, homme de tète et de courage, qui fit preuve d'habileté pendant le temps qu'il gouverna la colonie, après le départ du général Rochambeau; le chef de brigade, Ma gloire PELAGE, homme de couleur qui fut aussi temporairement placé à la tête du gouvernement de la Guadeloupe, et qui y fit preuve d'humanité, de talents et de courage; le littérateur d'AvRiGNY, auteur de la tragédie de Jcanne-cl'Arc, membre de l'Académie française. HISTOIRE CHRONOLOGIQUE.

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1502 — Découverte de la Martinique, par Cristophe-Colomb. 1635 — Prise de possession, an nom de la France, par L'Olive et Duplessis. — Premier établissement des Français conduits par Desnambuc (au Carbet, à 1/2 1. de l'endroit où est aujourd'hui Saint-Pierre). 16-19 — Arrivée des premiers missionnaires : c'étaient des jésuites. 1650 — Introduction de la culture de la canne à sucre, par un Juif nommé Benjamin d'Acosta. Révolté des Caraïbes. Ils sont défaits et 1658 chassés en partie. 1659 — Introduction de la culture du cacaotier. 1660 Établissement il un juge pour la colonie. — L'impôt jusqu' Mors payé en tabac doit être à l'avenir payé en sucre. 1664 — Expulsion des Caraïbes qui restaient à la Martinique, g


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FRANCE

PITTORESQUE.

MARTINIQUE.

Premier moulin à sucre. Il était à bras et fut établi par un 1762 — Prise de la Martinique par les Anglais , après 50 jours de Hollandais nommé François-Martin. résistance. —Dans la capitulation , on stipula que les nègres 1665 -—Établissement de l'hôpital Saint-Pierre : le prix de la qui avaient pris les armes pour la défense de la colonie sejournée y était fixé à cinq livres de tabac. — Guerre faite raient rendus à leurs maîtres, mais on abandonna aux Anglais, aux nègres marrons dont la capture est mise à prix de 50 comme esclaves, les gens de couleur libres , faits prisonniers a 800 livres de sucre. en défendant la cause commune. L'abandon de ces braves 1666 — Décision du gouverneur Labarre, relativement aux nègens victimes de leur courage et de leur dévouement était gres esclaves. — Ils sont meubles non sujets aux hypothèune infamie. Dans leur courte occupation, les Anglais traques quoique attachés aux immeubles ; non saisissables ni cèrent les premiers chemins réguliers de la Martinique. vendables par les créanciers, sans le fonds. — Ils suivent 1763 — Paix avec l'Angleterre. — La France reprend possession dans les héritages le sort des immeubles. de la colonie. — Premiers règlements sur l'exercice de la 1670 — Introduction de la monnaie de France. — Les pièces de profession de boulanger. — Etablissement d'un corps de 5 sous reçoivent une valeur de 6 et celles de 15 une de 18. maréchaussée pour la police de l'Ile et la poursuite des nè— Pour la liquidation des dettes on évaluait 100 livres pegres marrons (ce corps fut supprimé eu 1765). sant de sucre à 4 livres monétaires. 1764 Etablissement d'une chaîne ou bagne pour les esclaves. 1671 — Etablissement des poids réguliers et de marchés publics. — On marquait les condamnés d'une fleur de lys à la joue. — Incendie de la ville de Saint-Pierre. 1765 ■— Premier établissement d'une école publique pour les 1672 — Fondation de la citadelle de Fort-Royal. jeunes filles. — Etablissement de la poste aux lettres. — 1674 — Les Hollandais attaquent Fort-Royal et sont repoussés. Rétablissement des milices qui avaient été suprimées par les 1676 — Établissement de boucheries publiques. — Jusqu'alors Anglais. — Les milices dataieut des premiers temps de la coles habitants ne faisaient usage que de bœuf salé. lonie; en 1680 on les avait divisées en compagnies qui furent, 1678 — Persécutions et règlements contre les religionnaires. en 1705,réunies en quatre régiments.—En 1727 ou en revint 1680 — Introduction dans la colonie des mesures de Paris. aux compagn. : elles formèrent, en 1761, plusieurs bataill. — 1681 — Défense de saisir les noirs et les bestiaux attachés aux En 1765 on créa8 bataillons divisés en compagn. de paroisses. habitations. — Premier établissement de prisons. 1766 — Un ouragan terrible ravage la colonie. 1684 — Premier établissement des écoles. 1769 — La colonie avait eu , dès le principe, des notaires et des 1685 — Publication et mise à exécution du Code Noir. — Perséprocureurs ; il y vint des huissiers un peu plus tard. — Les cutions et règlements contre les Juifs. avocats s'y montrèrent en 1769. — A cette époque, au LIEU 1637 —Traité entre la France et l'Angleterre stipulant la neutradu juge unique de 1660, on comptait, dnns l'île, des tribulité des colonies. — Première division de l'Ile en paroisses naux de différents degrés et un conseil souverain. — Un (il y en avait alors 16). grand nombre d'arrêtés du ministre et des gouverneurs, 1689 ~ Envoi d'un botaniste chargé par le gouvernement d'exaa pour but de tarifier les vacations, honoraires, salaires et miner les végétaux de la colonie. épiées de tous les officiers de justice et des hommes de lois. 1691 — La pèche est déclarée libre dans toutes les rivières. 1772 — Les impositions de la Martinique fixées à 900,000 liv. en 1692 — Secours porté a la,Guadeloupe attaquée par les Anglais. 1763, sont portées à 1,200,000 liv. — Il est fait défense, — Au retour de l'expédition, le gouverneur d'Éragny meurt aux gens de couleur de prendre les noms des personnes de la lièvre jaune qu'on nommait alors le mal de Siam. blanches établies dans l'île. 1696 L évéque des Antilles espagnoles élève la prétention d'é1775 _ Révision des libertés. — La liberté est accordée à la tendre son autorité spirituelle sur les colonies françaises. Le femme esclave qui épouse son maître. — Les enfants suiclergé de la Martinique s'y refuse. vent la condition de la mère quelle que soit celle du père. 1704 •— Les individus nobles qui ont épouse des femmes de cou- I Ainsi, les enfants d'un homme esclave sont libres si la leur sont déclarés déchus de leur noblesse. mère est libre, et ceux d'un homme libre sont esclaves si la 1708 — Règlements concernant la chasse. mère n'est pas libre. 1714 — Ordonnance sur les affranchissements. — Défense faite 1777 — Etablissement du dépôt des chartres des colonies, existant aux prêtres de baptiser comme libre l'enfant d'une mère à Versailles. dont l'affranchissement n'est pas rigoureusement prouvé. 1778 ~ Défense faite aux colons d'amener en France aucun nè1715 — Premier et infructueux essai de l'établissement d'un ocgre ou homme de couleur, sans avoir préalablement déposé troi. — La colonie et ses dépendances mises alors en ferme une somme de 1,000 liv., pour garantie de sou retour. produisaient annuellement : 221,000 livres, savoir : 10,000 1780 — Établissement d'une chambre ardente pour poursuivre Marie-Galante; 10,000, la Grenade; 40,000, la Guadeloupe les nègres empoisonneurs. et 161,000, la Martinique: les frais de régie étaient de 1781 — Défense faite aux curés, notaires et officiers publics de 15,000 liv. — Les fermiers payaient au roi 86,000 liv. ; il qualifier, dans les actes, sieur et dame les gens de couleur. leur restait 170,000 livres. Remise des impositions de la colonie, à cause des désastres 1717 —Insurrection contre le gouverneur et l'intendant. L'ascausés par les coups de vents de 1779 et 1780. — Ordonsemblée où l'arrestation et le renvoi eu France de ces deux nance contre les jeux de hasard (ces ordonnances renouvefonctionnaires fut décidée, reçut des Créoles le nom de Calées déjà en 1722, 1744, 1758 et 1781, ne réussirent pas à raïbe de Gaoulé. calmer la passion du jeu qui ruine tant de Créoles). On commence à appliquer aux esclaves la peine du ban1718 1782 — Edit concernant les curatelles des successions vacantes. nissement. — Remise eu vigueur et publication tous les trois 1784 — Établissement d'une raffinerie de sucre au moyen de blanemois d'un ancien édit de Henri II, portant peine de mort d'œufs. Cette entreprise fut sans succès. contre les femmes qui cachent leur grossesse et font périr 1785 — Compte rendu au conseil de la Martinique des dépenses leurs eufants. de la colonie de 1777 à 1784. 1722 — Primes et exemptions pour la multiplication des bestiaux. 1786 — Ordonnance du 15 octobre qui servit de complément au 1728 —- Établissement de l'hôpital de Fort-Royal. — Ce vaste Code Noir, sur les devoirs et attributions des gérants d'habiétablissement a pu recevoir jusqu'à 5,000 malades. — Destation. — Etablissement de jaugeurs et étalonneurs jurés, clieux apporte à la Martinique deux plants de caféier. pour vérifier les poids et la qualité des sucres. — Ouverture 1724 — Ordonnance enjoignaut aux habitants de planter 500 de la salle de spectacle de Saint-Pierre. fosses de manioc par tête d'esclaves. — Les empoisonne1787 — Nouvelle organisation des milices. — Réduction du nomments se multiplient parmi les nègres. — Ordonnance enbre des fêtes dans les colonies. Cette réduction était au projoignant, à cause des ouragans, d'envoyer hiverner à Fortfit des maîtres, en ce qn'elle diminuait le nombre des jours Royal les navires en rade à Saint-Pierre. — Inondation de repos accordés aux esclaves. — Suppression de la chamextraordinaire : dans les endroits resserrés, les eaux monbre d'agriculture et formation d'une assemblée coloniale. tèrent jusqu'à 40 pieds. 1788 — Propagation de la culture du géroflier. — Terrible ou1727 — Ordonnance prononçant la peine des galères contre les ragan du 14 août. — Introduction de la monnaie de billon. étrangers qui viendraient s'établir à la Martinique. — Un Les protestants sont déclarés admissibles aux emplois de tremblement de terre fait périr tous les cacaotiers. — Extenla colonie, et aptes à se marier avec les catholiques. 1789 Fermentation parmi les noirs. — Projets de révolte dé. 0 sion, de la culture du café apporté par Desclieux. joués. Établissement d'une imprimerie. Prise de la cocarde tricolore à Saint-Pierre.— Com• A 1736 Vu le manque de numéraire, une ordonnance oblige les mencement des troubles. — Établissement des municipalités. capitaines de navires marchands à recevoir des denrées 1790 — Troubles et guerre civile; ils durèrent plusieurs années. coloniales en paiement des objets de -Eu 1792 , une partie des habitants reprit la cocarde blanche. première nécessité. 1741 — Disette affreuse à h, Martinique. — L'île rentra, eu 1793, sous l'autorité de la République. 1750 - Etablissement d'un hôpital pour les femmes. 1794 — Prise de la Martinique par les Anglais. 1759 - Les Anglais attaquent l'Ile et sont repousses. Wf 1802 — La paix d'Amiens rend la Martinique à la France. 1769 - Etablissement , a Saint-Pierre, 1814 — Reprise, en 1809, par les Anglais; elle est rendue au d'une cl,ambre de com. mcrcc et d agriculture, qui envoie un député à paris. gouvernement français eu 1814.

î





FRANCE

PITTORESQUE

Negres esclaves

Lethiere

Campenon


FRANCE

1820

PITTORESQUE.

Commencement de l'extension donnée à la culture de la canne à sucre. 1822 Révolte des nègres comprimée. 1833 Régime nouveau des colonies. — Admission des noirs et des hommes de couleur libres aux droits politiques. —Étaablissement d'un Conseil colonial.

MARTINIQUE.

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rence de la valeur qu'ils avaient entre les mains, à retenir pour leurs soins deux et demi pour-cent sur la vente , et à remettre aussitôt le solde au propriétaire. — Des ordonnances leur défendaient d'être négociants et commissionnaires en même temps , et de faire aucun chargement pour leur propre compte. — La hausse des denrées coloniales fit singulièrement rechercher ce genre d'indusfric, tout-à-fait avantageux à exercer; car il procurait, un bénéfice SCÈNE DE MŒURS COLONIALES. de sans aucune chance dans les pertes occasionées par les coups de UN MARCHÉ AUX ANTILLES. — Voici comment le marquis de le vents et autres fléaux communs aux colonies, mais ces fatales cirSainte-Croix, auteur de la Statistique de la Martinique, fait le constances firent changer les conditions de cette espèce de traité, tableau du marché qui a lieu tous les dimanches au Lamcntin. L ouragan de 1766 avait fait éprouver aux habitants sucriers le G est une peinture vive et originale d'une certaine partie des •s besoin de grands capitaux pour le rétablissement de leurs manumœurs créoles. « Il appartient tout entier aux pinceaux des Calot et des Téniers, de retracer les scènes factures ; ils s adressèrent au commerce, et surtout aux commisburlesques qu'offre ce sionnaires avec lesquels ils étaient en relation : ceux-ci, en les aimarche ou les nègres se rendent en foule le dimanche, de tous dant de leur crédit, exigèrent, pour leurs avances, des intérêts de les quartiers de l'île. — Comment faire connaître à l'habitant cinq pour cent, ce qui était légitimé. —— De nouveaux ouragans, européen le nègre vigoureux des hauteurs de Sainte-Marie , de la ceux de 1779 et 1780, amenèrent de nouveaux besoins; les comrinite ou du Gros-Morne, arrivant au bourg du Lamcntin, missionnaires demandèrent alors, à ceux qui ne pouvaient acquitportant sur sa tète une charge si forte qu'elle paraît incroyable , dettes, cinq pour cent sur la vente brute des denrées, et composée des végétaux récoltés dans son jardin ? Comment[ ter leurs en leur cautionnant la vente et la rentrée des fonds , et cinq pour reproduire la joie qu'il éprouve à la vente de ses fruits et de ses légumes, dont le produit doit servir à lui procurer cet inimitable cent sur la solde de leurs avances, si dans le compte courant la madras , convoité depuis long-temps par l'objet de ses désirs , et balance de solde penchait en leur faveur. Cette manière d'opérer qui, arrangé avec art, relèvera, par sa couleur tranchante, l'éclat a été mise eu pratique sans opposition et ratifiée par les tribunaux. Par la suite, les frais qui pèsent sur les planteurs, tels que lc de l' ébène animé de la beauté africaine? — Comment peindre ces jeunes négresses, dont les figures annoncent la gaîté , arrivant pesage, roulage et magasinage, ont augmenté; de2 liv. 5s. par chargées de bananes, d'ignames, d'ananas , et ayant dans leurs barrique , ils ont été portés à 6 liv. 15 s., et même quelquefois à bourses quelques gains illégitimes qui, grossis par le produit de, un taux plus élevé, quoique les propriétés de villes et les loyers la vente qu'elle vont effectuer-, paieront les grains de verre et les. aient éprouvé une baisse sensible. Maintenant une espèce de conornements grossiers dont leur sexe est si envieux ? — Comment trat synallagmatique et verbal existe entre les habitants planteurs et leurs commissionnaires; l'habitant livre tous les sucres de sa donner une idée de cette mulâtresse marchande, qui, pressée par fabrication au commissionnaire qui en effectue la vente, prélève ses créanciers, vient au Lamcntin offrir à moitié prix les objets les frais et perçoit sur le montant de cette vente brute son droit qu elle a achètes .à crédit à Saint-Pierre? Comment esquisser cette de cinq pour cent. (L'habitant conserve la disposition de ses simistive aux y eux noirs, aux regards langoureux, objet des tendres rops ou mélasses, dont le produit est appliqué aux dépenses parfeux d'un employé subalterne de sucrerie , qui a dérobé furtiveticulières de son ménage.) — De son côté, le commissionnaire ment la forme de sucre et le sirop qu'elle vient étaler au marché? fournit à l'habitant, au prix courant de la place, les objets néEt ce commis d'une maison de Saint-Pierre, opulente en appacessaires à son exploitation agricole et manufacturière; si, après rence, escortant la morue et les marchandises sèches qu'il doit la vente des denrées, le solde de compte on balance reste en sa vendre a tout prix, afin d'aider sa maison à se débarrasser d'un capitaine américain, dont elle n'a pas pu effectuer le chargement faveur, il perçoit encore cinq pour cent sur ce solde. On voit qu'il est juste de reconnaître que la condition du mai" au temps convenu , et dont par conséquent le navire reste en tre d'une plantation n'est pas aussi douce qu'on peut le supposer. rade à sa charge ? Et ce planteur des environs , laborieux et écoIl a ses travaux et ses tribulations. M. Boyer-Peyrcleau, qui a nome, qui, trouvant au Lamcntin à acheter à moitié du prix de long-temps habité les Antilles, a tracé le tableau des embarras Saint-Pierre, ou réside son commissionnaire, a livré quelques d un riche colon propriétaire d'une sucrerie. —— « Le propriétaire sucres a l'iusu de ce dernier, afin de se procurer l'argent nécesseul ou avec son économe, au milieu de tous ces esclaves, qui saire à l' acquisition des vivres de son atelier ? Enfin, comment n' ont aucun besoin, qui ne possèdent rien et qu'il faut conteuir reproduire ce jeune Européen, nouveau débarqué qui, riche en dans le devoir, a la tache pénible de mettre en action et de conarrivant de l' espérance d'une vente facile et lucrative, s'est vu, au cette grande machine qui ne se meut que pour lui, qu'une contraire, obligé de vendre sa légère pacotille h moitié prix de la server ' force purement morale maintient, mais qu'une force physique véritable facture, bien différente de celle qu'il avait fabriquée en ' opposante tend sans cesse à disloquer. La sollicitude passant le tropique? Le malheureux compte réparer les torts de la toujours ' du planteur doit avoir pour objet lc bien-être de ses fortune en achetant au comptant, avec le peu de numéraire qui première ! car de leur conservation dépend toute sa fortune. Il lui reste, des marchandises qu'il espère revendre avec avantage esclaves, ^ faut qu'ils soient logés, nourris, vêtus, soignés dans leurs malaen parcourant la colonie; hélas! ce voyage, en achevant sa ruine, 1dies ; excités et non forcés au travail ; que celui des femmes ensera cause de Ja maladie qui le conduira au tombeau , et livrera sa modique succession au curateur des biens vacans ! Tels sont 1ceintes soit léger; que la population soit encouragée, et qu'une à peu près ceux qui fréquentent le marché du Lamcntin , marché 5surveillance tout à la fois paternelle et sévère, maintienne parmi tous ces individus une exacte discipline. Il doit veiller à la multidont les négociants des villes se plaignent, mais qui est d'une ' plication des bestiaux, établir un ordre indispensable dans la grande ressource pour les habitants de l'intérieur de l'île. » distribution des travaux, et surtout entretenir une sage économie LES PLANTEURS ET LES ESCLAVES. dans l'emploi de toutes ses ressources. Pour atteindre tous ces RELATIONS DES PLANTEURS ET DES COMMISSIONNAIRES. — L'ébuts, le propriétaire est obligé de confier la surveillance et la ditat de planteur exige tous les soins et toute l'intelligence d'un rrection de divers détails à des sujets de choix qu'il distingue, homme; la variété des travaux qu'il faut exécuter promptement, ç quil récompense par des égards, et qu'il fait concourir au mainet dont l'exécution dépend de l'état de l'atmosphère, réclame la t tien du bon ordre dont sa vigilance, toujours attentive, ne perd présence du propriétaire ou de son représentant sur l'habitation, jjamais de vue l'ensemble et les détails. » afin qu'il soit en mesure de profiler des changements de pluie ou CONDITION DES ESCLAVES.—Pour faire connaître aussi la situation de sécheresse qui surviennent. — La nécessité de faire rendre des ddes esclaves, nous citerons le fragment suivant d'un rapport adressé comptes journaliers aux employés en sous-ordre prescrivant en c 1832 au ministre de la marine, par M. le contre-amiral Duimpérieusement à un administrateur de ne jamais s'absenter de potet, p alors gouverneur de la Martinique. Lc bien-être des esclal'habitation qu'il dirige, comment pourrait-il être en route conti- ves v fait l'éloge du caractère et des mœurs des Créoles. — « Sur iiuellcmcnt pour faire ses empiètes? ces voyages d'ailleurs extrêt< toute ma route, dit cet officier général, j'ai trouvé une tranquilment fatigants à cause de l'ardeur du soleil ; ces achats frequem- lité li parfaite, les esclaves soumis, traités avec bouté, et manifesinent répétés, joints à la vente dos sucres fabriqués et des sirops, tant leur joie sur mon passage par des danses, comme dans un jour t; absorberaient tout son temps. — On a donc reconnu qu'il était de d fête ou de repos. — La misère ne se fait pas sentir à cette classeindispensable à un planteur dont l'habitation est un peu éloignée elle cultive des légumes, élève des bestiaux, et profite", au concl des ports commerciaux de la colonie, d'avoir un agent à Saintti de la cherté des vivres pour vendre ses denrées à un prix traire Pierre ou à Fort-Royal, villes où se fait une grande partie du très élevé. — Les privations ne sont que pour le maître, qui, dans commerce de l'île, où toutes les provisions arrivent, où les sucres quelque circonstance qu'il se trouve et quels que soient ses moyens trouvent toujours des acquéreurs pour les prendre sur place, ou pécuniaires, est obligé de fournir à son atelier la pi nourriture acdes spéculateurs pour les charger sur des bâtiments : cet agent cordée et par les règlements. — Dans ma visite sur les habitations que est ce qu on nomme un commissionnaire. — Dans le principe où j'ai j'; parcourues , je n'ai eu aucune occasion de faire grâce à des es cet intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur a étc introduit claves cl punis, et la preuve la plus évidente que j'aie pu acquérir pour la vente des denrées coloniales, les commissionnaires ne qi que la sévérité d'autrefois n'est plus celle d'aujourd'hui, c'est que faisaient aucune avance aux habitants ; leurs fonctions se bornaient jj';ai trouvé la plus grande partie des cachots ou démolis on ne à recevoir les sucres et les autres denrées que leur envoyait le fe fermant pas. Depuis quelques années, une amélioration senv planteur, à faire des achats pour sou compte jusqu'à la concur- si] sible a eu, lieu eu faveur de la classe des esclaves. Les choses à cet


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FRANCE PITTORESQUE. — MARTINIQUE.

égard sont arrivées à un tel point, que je puis dire, sans trop m'avancer, que quelques-uns refuseraient leur liberté pour conserver les avantages qu'ils trouvent dans leur position. En voici un exemple : — Me trouvant sur l'habitation Peter-Maillet, au Saint-Esprit, j'entrai dans une des cases à nègres où l'on ne s'attendait pas à me voir , car mon départ de l'habitation était fixé à l'heure où je faisais celte visite. Je trouvai deux pièces, dont l'une servait d'atelier de menuiserie, et l'autre de chambre à coucher ; celle-ci meublée d'un fort beau lit et d'une armoire en acajou, glace et montre en or suspendue. Je fis appeler M. Peter, qui ne m'avait pas suivi, et lui demandai à qui appartenait cette case ; il me répondit que c'était celle de son chef d'atelier de charpentage et de menuiserie. Cet homme se présenta avec sa femme : je les questionnai sur les économies qu'ils pouvaient avoir; après des regards échangés1, sa femme répondit qu'ils ne possédaient pour le moment que cinq doublons; mais qu'ils avaient sept bœufs à vendre, des cochons, des lapins, des volailles, une grande quantité de manioc à récolter et des meubles commencés. — Je vis la case du commandeur, aussi bien meublée que la précédente : il avait des chevaux à vendre et les vivres de son jardin. Celles des autres nègres que je visitai furent trouvées convenables, et en rapport à leur plus ou moins d'industrie; car je me suis assuré qu'ils ont tout le temps, après leur tâche remplie, de s'occuper de leurs affaires particulières. — Un bon ouvrier tonnelier doit fournir à son maître un boucaut par jour, mais il peut facilement en faire deux ; dans ce cas, le second lui est payé de 8 fr. à 8 fr. 50cent. En général, la presque totalité des vivres que récoltcut les ateliers sout vendus à leurs maîtres, et à des prix plus élevés que ceux qu'ils trouveraient dans les villes on bourgs où ils seraient obligés de les transporter. — Vous vous ferez facilement une idée du changement de position qu'éprouveraient les esclaves dont il s'agit, puisque, eu devenant libres, ils auraient à leur charge femmes et enfants, et perdraient la jouissance qu'ils ont pour la vie de leurs cases et des terres dont ils disposent pour élever des bestiaux ou cultiver des vivres, et enfin l'assurance d'être bien traités quand ils tombent malades. — On a répété jusqu'à satiété que les esclaves qui ne peuvent plus travailler sont abandonnés à la plus profonde misère : j'ai vu le contraire en visitant les infirmeries de différentes habitations ; des vieillards infirmes ou accablés par l'âge y sont traités avec tous les soins qu'on prodigue en Europe à la vieillesse. »

ARRONDISSEM., VILLES, QUARTIERS, ETC. La Martinique se divise en 4 arrondissements territoriaux, qui se subdivisent en quartiers ou paroisses. Fort-Royal 8 quartiers. Pop. environ 84,500 habitants. 6 . ——. LE Marin 14,562 La Trinité 7 — —. — 27,575 6 — — — Saint-Pierre 34,600 27 quartiers. Population 111,387 habitants. Les quartiers de Fort-Royal sont : le Fort-Royal; — la CasePilote ; •— le Lameentin ; — la Rivière-Salée ; — les Trois-Islets ; — les Anses-d'Arlets ; —- le Saint-Esprit; — et le Trou-du-Chat. Ceux du Marin : le Mariu ; — Sainte-Anne ; —- le Vauclin ; — la Rivière-Pilote; —- Sainte-Luce; — et le Diamant. Ceux de la Trinité : la Trinité ;—Sainte-Marie;—la Grande-Anse; — le Marigot; — le Gros-Morne ; — le Robert ; — et le François. Enfin, ceux de Saint-Pierre : Saint-Pierre ( le mouillage et le fort Saint-Pierre); — le Carbet; — le Prêcheur; — le Macouba ; et la Basse-Pointe. FORT-ROYAL , dans la partie sud-ouest de l'île, au bord de la mer, capitale et ch.-l. militaire de la colonie. Pop. de la ville et du quartier , environ 11,800 habitants. —«Cette ville, fondée en 1672 , est dans une position avantageuse ; son port sera excellent lorsqu'il sera débarrassé des carcasses de bâtiments qui y ont été coulés ; il est protégé par un fort et bordé de quais plantés d'arbres ; l'anse de carnage est une création toute nouvelle duc aux intelligents travaux de M. Anglade, capitaine du port. — Elle est séparée par le fort Louis, du port proprement dit avec lequel elle communique par le canal nouvellement creusé et qui évite de doubler la pointe de la presqu'île où le fort est situé. Une promenade (dite des Savanes) plantée de beaux arbres, se trouve au milieu de la ville dont les principaux édifices sont l'église paroissiale, l'hôtel du gouveruement, ceux de l'intérieur et du génie. On y remarque aussi les casernes, les magasins de la marine, l'hôpital, 1' arsenal, les prisons , la geôle, et l'hôtel du préfet apostolique. Les rues de Fort-Royal sont larges et tirées au cordeau, les maisons bien bâties, quoique plusieurs soient construites eu bois. —- Ou y voit d'assez jolies fontaines. — La campagne des environs est bien cultivée; parmi les maisons de plaisance, on distingue celle de Bellevue, résidence habituelle des gouverneurs. LE LAMENTIN. -— Ce bourg, situé sur le canal du même nom, est le plus considérable de la Martinique — Quoique malsain à cause des marais et des mangles qui l'environnent, il est avanta • geusement situé et il s y fait un grand commerce de détail. — H

ce compose de vastes magasins appartenant aux habitations voi-

sines ; de maisons assez bien bâties et d'un grand nombre de boutiques en bois destinées à recevoir les denrées pour le marché qui s'y tient tous les dimanches, et auquel se rendent les habitants des quartiers environnants. — On y voit une grande place ; il a une église avec son presbytère. — Les rues sont larges et bien pavées; les chemins qui conduisent aux autres quartiers sont bien entretenus. LA RIVIÈRE-SALÉE. — Ce bourg se divise en deux parties distinctes, le grand et le petit bourg. — Le grand bourg se compose d'une quarantaine de maisons environnant une église et un presbytère. Le petit bourg, situé à peu de distance du grand , est formé de magasins qui servent pour mettre à l'abri les denrées et les productions du territoire environnant. C'est dans une sucrerie de cette partie de la colonie qu'a été établi le premier moulin à vapeur. LES TROIS-ISLETS. — Ce bourg, situé au bord de la mer, au N.-E. de Fort-Royal, est ainsi nommé à cause de trois gros islets situes vis-a-vis. — Il se compose de quelques maisons en bois groupées autour d'une église : ces maisons sout la plupart occupées par des mulâtres.— Les trois petites îles qui donnent le nom à ce quartier et qui sont situées près de terre, forment pour l'hivernage un excellent abri, que les vaisseaux de la marine royale préfèrent au port de Fort-Royal. Sur une des trois, l'Islet-àRamier est un fort composé de quelques casernes armées de canon qui défendent l'entrée de la baie de ce côté. L'abord de l'esplanade où sont situés les bâtiments est difficile. L'Islet-à -Ramier sert quelquefois de prison d'Etat. LE MARIN. — Ce bourg , CH.-l. d'arrond., est placé au fond de la baie de ce nom. Il est assez considérable : ou y trouve un bon port, une église et un presbytère bien bâtis, de jolies maisons et des magasins assez vastes. Il y existe un bureau de douane. LE VAUCLIN. — Ce bourg, malgré sa situation assez rapprochée de la mer, n'offre que quelques maisons, des magasins et des cases habitées par les mulâtres libres; on y trouve une église et un presbytère. Le quartier du Vauclin est montagneux et fort sain. L'eau néanmoins y est fort rare; on y conserve, dans des jarres, celle de pluie, qui sert de boisson aux habitants. LE DIAMANT. — Ce bourg est situé au fond de lu baie du même nom, dans l'endroit le plus abrité et le plus propre à l'embarquement des denrées. Il se compose de cases assez mal entretenues; on ne trouve que les quatre murs de l'église qui a été détruite en 1817. Le presbytère seul a été réparé. Le quartier doit son nom à un gros îlot anguleux dont les Anglais s'étaient emparés avant la prise de la colonie, eu 1800, et où ils avaient établi des batteries qui interceptaient les communications par mer entre Fort-Royal, le Vauclin et le Marin. Le mancenillier semble se plaire sur les bords de la baie du Diamant, il y croît mieux que partout ailleurs. LA TRINITÉ, port au fond de la baie de ce nom , ch.-l. d'arr. Pop. environ 4,550 hab. — Cette ville a été autrefois le siège d'une sénéchaussée et amirauté qui n'existe plus depuis 1778. — Elle fut incendiée eu grande partie en 1794 ; on y voit encore les ruines des édifices qui étaient construits eu bois. On trouve, à la Trinité , de grands magasins, une geôle , une caserne pour une compagnie , une belle église, un presbytère et un hôpital. — Les maisons sont régulières et les rues belles et bien tracées. La rade et le port sout surs. Le mouillage y est bon , mais l'entrée en est difficile. Cette entrée était autrefois protégée par un fort dont il ne reste que quelques murailles. LE GROS-MORNE. — Ce bourg, un des mieux situés pour la salubrité , se trouve à peu près au centre de la colonie. L'église et le presbytère sont'les seuls bâtiments remarquables. — On y cultivait autrefois le café, mais la plupart des caféiers ont été détruits par les ouragans, et remplacés par des plantations de vivres et de cannes à sucre.—Il y existait aussi une grande quantité d'orangers que les pucerons ont fait périr. SAINT-PIERRE , port et ville à 7 1. N.-O. de Fort-Royal, ch.-l. d'arrond. Pop. de la ville et du quartier, environ 23,000 hab. — Celte ville forme deux paroisses distinctes, celle du Mouillage et celle du Fort. Sa fondation remonte à 1635. Par sa position et son commerce , c'est la ville la plus importante des Antilles françaises : elle possède plus de 1800 maisons, formant environt 8,000 feux sans y comprendre la banlieue qui fait partie des deux paroisses. — Ses rues nombreuses sont toutes pavées : des ruisseaux d'eau vive et abondante y entretiennent la fraîcheur et contribuent à la salubrité de l'air. — les maisons sont bien bâties et possèdent des fontaines alimentées, comme les fontaines publiques , par la rivière du Fort qui partage la ville en deux parties distinctes , dont l'une conserve le nom de Saint-Pierre , et l'autre prend le nom de paroisse du Fort. — Le Mouillage, partie nord de Saint-Pierre, renferme 9,400 habitants. On y compte plus de 760 maisons, sans compter celles de la campagne. L'église est d une belle construction. — Ce quartier, particulièrement affecté au commerce, possède peu de monuments publics. On y remarque le ci-devant collège royal, dit des pères blancs ; un couvent de dames , une maison d'éducation pour le» jeunes filles, nu hos-


FRANCE PITTORESQUE. — MARTINIQUE. pice de charité et l'hôpital maritime. On y trouve d'assez jolies promenades, un marché et des bains publics. — Plusieurs sucreries, un très grand nombre de maisons de plaisance et d'habitations a vivres, fout partie de cette paroisse. — La paroisse du dort, située loin du commerce, est habitée par les personnes que leurs affaires n'appellent pas constamment au Mouillage : sa population est de 13,600 hab. — On y remarque, parmi les édifices publics, l'hôtel des douanes, le trésor, la salle de spectacle, l'hôtel du gouvernement, les greffes, les casernes, les prisons , le tribunal de première instance, un couvent des ursulines et la promenade dite le cours de haussai, près de laquelle se trouve le jardin des plantes, établi en 1803, dans le but de naturaliser, à la Martinique y les plantes des Indes orientales. Une partie de ce jardin est consacrée à la culture des plantes médicinales, pour les pauvres. — L'église du Fort, placée dans un lieu élevé, est bien bâtie ; le presbytère est vaste et se trouve au milieu de l'allée de Perinelle, qui conduit à la belle sucrerie de ce nom. Il y a , comme à la paroisse du Mouillage, un curé et deux vicaires. —Depuis 1819, il existe une glacière à Saint-Pierre. LE CARBET. — Ce bourg consiste dans la réunion de quelques cases autour d'une église et d'un presbytère : il est situé sur la petite rivière du Carbet, dont les eaux sont arrêtées par une barre à peu de distance de la mer, ce qui rend le quartier malsain. C'est au Carbet qu'a eu lieu le premier établissement des Français à la Martinique. LE PRÊCHEUR, petit bourg au N. du fort de Saint-Pierre; il est formé de plusieurs maisons habitées par des mulâtres libres ; OD y trouve une église et un presbytère. — Les habitations du quartier de ce nom sont fort élevées et dans d'heureuses positions. Les cannes à sucre, le Café, le cacao et les vivres y viennent en abondance. Le café récolté au Prêcheur passe, avec celui des Anses-d'Arlets, pour le meilleur de la Martinique. Les mulâtres libres du bourg s'occupent de pêche et trouvent, à Saint-Pierre, un débouché facile pour leur commerce. On prétend que cette paroisse fut habitée par madame de Maintenon, lorsqu'elle n'était encore que mademoiselle d'Aubigné. LE MACOUBA. — Ce bourg a été détruit par les coups de vent de 1813 et 1817; il n'en reste plus qu'un petit nombre de cases. — Le quartier est parsemé de mornes escarpés, qui laissent peu de terrain à cultiver. On y récolte cependant une assez grande quantité de sucre et de vivres. — Le café et le cacao y viennent difficilement. Le père Labat, qui a laissé des mémoires sur la Martinique et sur les Antilles, a été long-temps curé de cette paroisse. —• Autrefois le tabac du Macouba était extrêmement renommé. Cette culture, qui a été l'unique lorsque la colonie a commencée à être peuplée, et dont les produits servirent longtemps à payer les impôts, et même les achats des nègres, semble aujourd'hui [être presque entièrement oubliée. —• Quelques mulâtres libres , des nègres, de petits habitants cultivant les vivres , sont aujourd'hui les seuls qui s'en occupent. La qualité du tabac est toujours parfaite, mais donne peu de bénéfice, parce que les pluies rendent quelquefois lu culture nulle, en détruisant ou faisant couler la plante, LA BASSE-POINTE. — Joli bourg formé d'une soixantaine de maisons et d'un assez grand nombre de cases qu'habitent des hommes de couleur libres, et qui environnent l'église et le presbytère. — Ce bourg, situé entre la paroisse de Macouba et celle de la Grande-Anse, donne son nom au quartier le plus beau , le plus salubre et le mieux cultivé de la Martinique. Ses produits sont en sucre, cacao, café et vivres. Ou y voit peu de terrain en friche. — Le sucre de la Basse-Pointe passe pour le plus beau de la colonie.

GOUVERNEMENT, ADMINISTRATION, ETC. GOUVERNEMENT. — Jusqu'à présent un officier général de terre ou de mer a été chargé du gouvernement de la colonie et de ses dépendances. Les attributions du gouverneur sont les mêmes que celles des gouverneurs de Bourbon et des autres colonies françaises. Il réside à Fort-Royal. CONSEIL PRIVÉ. — Il y a à la Martinique un commandant militaire, un ordonnateur, un directeur général de l'intérieur et un procureur général. Ces quatre fonctionnaires, avec trois conseillers coloniaux, l'inspecteur colonial et le secrétaire archiviste, forment le conseil prive du gouverneur. JUSTICE. — Il y a à la Martinique une cour royale, composée de 9 conseillers , 3 auditeurs , uu procureur général, un substitut et uu greffier eu chef. C'est un conseiller choisi pour trois années qui la préside. — Il y existe : à Fort-Royal et à Saint-Pierre, deux tribunaux de première instance, composés chacun d'un juge royal, d'un lieutenant de juge , de deux juges auditeurs , d'un procureur du Roi et d un substitut.— Il y a en outre dans la colonie quatre a Fort-Royal, au Marin, à la Trinité et à Saintjustices de paix : Pierre. — Les assises se tiennent à Fort-Royal et à Saint-Pierre. ADMINISTRATION.— Il y a à la Martinique : — 1 commissaire de marine de lre classe, ordonnateur ; — 1 commissaire de marine , inspecteur colonial ; — t commissaire de marine de 2° classe ; —

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1 sous-commissaire de marine de l classe et 5 sous-commissaires de 2e classe ; — 1 commissaire des subsistances de la marine • 1 trésorier. — Le service des ports comprend 2 capitaines de port, à Fort-Royal et à Saint-Pierre. DIRECTION DE L'INTÉRIEUR. — Outre le directeur général, on compte à la Martinique : — 1 vérificateur de l'enregistrement ; — 2 receveurs de l'enregistrement, conservateurs d'hypothèques , à Fort-Royal et à Saint-Pierre;—3 receveurs de l'enregistrement, a Saint-Pierre (2e bureau) , à la Trinité et au Marin. — Le service des douanes comprend : — 1 directeur ; — 1 inspecteur ; — 2 sousdirecteurs (à Saint-Pierre et à Fort-Royal). — L'inspecteur général des douanes dans les Antilles françaises réside à la Martinique. CULTE. — Le culte catholique est le seul exercé à la Martinique. — Uu préfet et uu vice-préfet apostoliques sont chargés de la direction du service spirituel. — Plusieurs quartiers ont des curés ou des desservants. — Le préfet apostolique est revêtu des pouvoirs épiscopaux. HÔPITAUX. — SERVICE DE SANTÉ. — Outre les hôpitaux de la marine, la colonie possède 3 hospices, dont un de charité, un pour les orphelins , et uu pour les fous. — Il y a deux comités de vaccine. — Le service de santé est confié «à 2 médecins , 3 chirurgiens et 1 pharmacien appartenant à la marine royale. INSTRUCTION PUBLIQUE. — Il y a dans la colonie 11 écoles et 1 maison royale d'éducation pour les filles. Soci ÉTÉS SAVANTES, ETC. — Il existe à la Martinique une Société médicale d'Emulation;—un Jardin colonial de naturalisation pour les plantes des Indes orientales , qui fournit au Jardin des Plantes de Paris ce qui peut y manquer une pépinière de caféiers ; — et un vivier destiné à propager dans la colonie l'espèce de poisson nommée gourang, apporté de Bourbon. — Il y existe une imprimerie et ou y publie un journal officiel et un almanach de la colonie.

GARNISON ET MILICES. Comme à Bourbon, la défense de la colonie est confiée en temps ordinaire à la garnison et aux gardes nationales, qui portent le nom de milices. La garnison envoyée de France se compose d'une compagnie de gendarmerie, de la 3e compagnie et d'un détachement de la 4e compagnie d'artillerie de marine, d'un détachement de la 2e compagnie d'ouvriers et des 2e, 3e et 4e bataillons du 1er régiment d'infanterie de la marine. Tous les hommes libres sont appelés à faire partie de la milice ; le service est obligatoire de 15 à 55 ans pour tous ceux qui ne sont pas compris dans les exceptions légales. Il y a a la Martinique une direction d'artillerie de marine, dirigée par uu chef de bataillon assisté de deux capitaines d'artillerie , et une sous-direction du génie, qui comprend un capitaine d'étatmajor, sous-directeur, un capitaine et uu lieutenant de sapeurs.

POPULATION. Elle était au 1er janvier 1833, de : Population libre. Hommes, 13,047; femmes, 15,417 ; total Population esclave.

28,464

Hommes, 39,999; femmes; 42,874; total

82,873

Total général

111,337

Le mouvement de la population libre avait été en 1832 ; 913 naissances. — 677 décès. La population générale était ainsi répartie : Villes cl bourgs : 28,172 habitants, dont 15,772 esclaves. Habitations rurales : 83,165 —— 67,101 — 1833 AFFRANCHISSEMENTS. — De décembre 1830 à novembre 5,207 Le nombre des affranchissements a été de esclaves.) (Dont 4,518 patronés et 689 6,380 Et celui des déclarations de liberté, de Total

,

11,587

RÉGIME POLITIQUE. Une loi rendue le 24 avril 1833, accorde à toutes les personnes nées libres ou ayant acquis la liberté (blancs, mulâtres ou nègres) , la jouissance dans les colonies françaises, des droits civils et politiques.— Uue autre loi, promulguée le même jour, règle le régime législatif des colonies. — D'après cette loi, il existe à la Martinique une assemblée représentative de la colonie, qu'on nomme conseil colonial, et qui se compose de trente membres élus par les collèges électoraux. — Tout Français âgé de 25 ans', né ou domicilié à la Martinique, y payant 300 francs de contributions directes, ou justifiant qu'il possède des propriétés mobilières ou immobilières d'une valeur de 30,000 francs, est de droit électeur. — Tout électeur âgé de 30 ans, payant 600 françs de contributions ou possédant des propriétés d'une valeur de 60,000 francs, est éligible.


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FRANCE

PITTORESQUE.

Il y a à la Martinique 6 arrondissem. électoraux, qui nomment : Le 1er, comprenant le Fort-Royal (intra-muros, extramuros), la Case-Pilote et le Laimentin 6 déput. Le 2e, Saint-Pierre (intra-muros , extra-muros) , le Prêcheur et le Carbet 8 e Le 8 , la Basse-Pointe, le Macouba, la Grande-Anse, le Marigot et Sainte-Marie 4 Le 4e, la Trinité, le Gros-Morne, le Robert et le François 5 Le 5e, le Marin, la Rivière-Pilote,le Vauclin et SainteAnne : : 3 Le 6e, la Rivière-Salée, le Trou-au-Chat, les Trois-Islcts, Sainto-Luce, le Diamant, les Anses-d'Arlets et le Saint-Esprit 4 Le conseil colonial de la Martinique nomme deux délégués près le gouvernement français, et qui résident à Paris.

RECETTES ET DÉPENSES. flT Avant 1834 , le budget de chaque colonie des Antilles était fixé par ordonnance royale. En 1833, les dépenses de la Martinique avaient été arrêtées à 1,948,886 f.

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MARTINIQUE.

483 sucreries, qui occupent 32,719 esclaves, et qui ont produit 29,567,573 kil. de sucres bruts et terrés , 12,901,685 litres de sirops et mélasses; et 2,263,367 litres de tafia. 1,455 caférics , qui emploient 9,918 esclaves, et ont produit 706,140 kil. de café. 96 plantations de coton, travaillées par 388 esclaves, et qui en ont produit 18,500 kil. 1,014 plantations de vivres, occupant 6,250 esclaves, et ayaut donné des produits d'une valeur de 2,156,406 francs. Le produit des plantations de cacao a été de 171,912 kil.

COMMERCE. En 1832, la valeur des importations dans la colonie a été de : Denrées et marchandises françaises. Venant de France 14,175,000f. >» c. j i .Q,r iarc rn * 8Cf. 60 c. Vcn. des col. et pêcher, fr. 771,186 60 1 Denrées et marchandises étrangères. Par navires français. . . . 414,493 87 ( 0 7Qi ra Par navires étrangers. . . 2,021,300 81 i '' Total des importations. . . 17,381,981 28

Dans la même année, la valeur des exportations a été de : Denrées et marchandises de la colonie. Dont le montant devait être couvert par le produit présumé des Pour la France 11,691,685 52 1 droits et revenus locaux. Pour les colonies françaises. 21,888 45 [ 12,337,194 15 Ces revenus se composaient alors (à la Martinique ainsi qu'à la Pour l'étrauger 623,620 18 | Guadeloupe) du produit des contributions directes et indirectes, Denrées et marchandises réexportées. de celui des domaines et droits domaniaux, et des recettes extraFrançaises j . A007*7 1,329,679 52 ordinaires. Etrangères - 1,609,747 20 280,067 68 Les contributions directes comprenaient : — la capitation des esdes Total exportations. . . 13,916,941 35 claves ; — celle des gens de couleur libres ; — la trace des maisons ; — les patontes et licences. L'excédant de l'importât, sur l'export., a été de 3,435,039 f. 93 c. Les contributions indirectes étaient : — les droits de douanes ; — Dans lesquels la balance au,profit delà métro-' ceux d'entrée, de sortie, d'ancrage, d'entrepôt; — les francisa(et tenir pôle sans compte des importations tions et congés de bâtiments;—les droits de pesage et de jaugeage; des pêcheries, dont l'importance , apparte— les frais de perception ; — et les droits à la sortie des denrées nant aux ports de la France, ne nous est en remplacement de la eapitation des noirs des grandes cultures. pas connue ) figure pour 2,483,314 f. 48 c. On comprenait sous le nom de domaines et droits domaniaux : — les locations et fermages; — les rentes foncières; — les épaves, Les principaux articles d'importations ont été les chevaux, mudéshérences, bâtardises; — les ventes du domaine; — les verselets et bestiaux ; les viandes salées, le beurre salé et la graisse ; les ments des curateurs aux successions vacantes; — les droits sur les huiles; les vins, vinaigres et caux-de-vie ; les farines, le riz, les ventes à l'encan. légumes secs , les pommes de terre ; le biscuit de mer ; les futailles Les recettes extraordinaires se composaient : — de la vente des vides; les fils et cordages; les tissus de lin, de laine , de soie et objets hors de service , des magasins; —des journées d'hôpitaux; de coton ; le linge et les habillements confectionnés; les articles — des amendes et confiscations non susceptibles d'être réclamées de modes , de mercerie et de bijouterie ; les meubles , la faïence et par les invalides ; des recettes locales, telles que : — produits des la porcelaine; le savon et la parfumerie, les articles de papeterie greffes; •— produits des libertés; ferme des jeux; — ferme des et de librairie; la houille et les métaux ; le sucre raffiné en pains privilèges exclusifs; rachat du service des milices ; et des recettes dont la fabrication est interdite dans les colonies, etc. imprévues. Les exportations en produit de la colonie se sont composées de L'article 5 de la loi du 24 avril 1833, qui a transporté aux consucre brut et terré; de mélasse, tafia, liqueurs, sirops et confiseils coloniaux la fixation du budget de chaque colonie, est ainsi tures, pour une valeur de 11,262,980 fr. 87 c.; de café pour une conçu : valeur de 939,776 fr. 60 c.; de cacao, girolle, cannellc ; de farine « Le conseil colonial discute et vote, sur la présentation du de manioc; de casse sans apprêt; de coton ; de bois de teinture et gouverneur, le budget intérieur de la colonie. d'ébénisterie ; de peaux brutes et de tabac fabriqué ; ces divers « Toutefois le traitement du gouverneur et les dépenses du articles pour une valeur de 234,4*26 fr. 48 c. — Ainsi, la somme personnel de la justice et des douanes, sont fixés par le gouvertotale des exportations , tant pour la France que pour les colonies nement, et ne peuvent donner lieu, de la part du conseil, qu'à françaises et pour l'étranger, a été de 12,337,194 fr. 15 c. des observations. » Les tafias de la Martinique et de la Guadeloupe peuvent lutter Nous ignorons quel a été pour 1834 le budget fixé par le conseil sans désavantage avec les rums des colonies anglaises. — Les colonial de la Martinique. confitures de la Martinique sont fort recherchées. — Les liqueurs Une ordonnance royale a arrêté les dépenses auxquelles donnedes fies françaises ont une réputation européenne. On place touront lieu, en 1834, le traitement du gouverneur, le personnel de jours au premier rang celles de la Martinique. la justice et des douanes, à la somme totale de 891,530 f., à prendre Voici quel a été, eu 1832, le mouvement de la navigation : sur les fonds généraux affectés au service intérieur de la colonie. bâtiments entrés :

AGRICULTURE. On comptait daus la colonie en 1832: 9,787 hectares eu terrains non cultivés. 18,994 —. eu savanes. 20,000 — eu bois et forêts. 48,781 hectares non affectés aux cultures. 26,186 hectares plantés en cannes à sucre. 3,529 — — en café. 500 — — eu cacao. 208 — — en coton. 10,097 — — en vivres. 83,636 hectares , auxquels on peut en ajouter 6,000 environ eu cultures diverses, parmi lesquels on compte 5,000 pieds de giroflier actuellement existant, et qui ont produit 6,600 kil. de clous.'— Les cultures diverses occupent 3,141 esclaves. La colonie renferme environ : 2,550 chevaux.— 7,600 mulets. —- 550 ânes. 15,500 bêtes à cornes (race bovine). — 8,500 moutons et cabris. — 5,000 porcs. Parmi les habitations rurales affectées à des cultures spéciales, on compte :

353 français, d'ensemble 56,870 tonneaux, et portant 3,842 marins. 463 étrangers. Bâtiments sortis : 345 français, d'ensemble 57,502 tonneaux, et portant 3,617 marins. 466 étrangers.

POIDS ET MESURES. — MONNAIES. La toise, l'aune, le pied de douze pouces, la livre de seize onces, sont les mêmes que ceux qui étaient eu usage à Paris avant l'adoption des mesures métriques. Mesures agraires. — Le pas, de 3 pieds 6 pouces. — Le carré, de 100 pas de chaque côté, et dont la superficie est de 122,500 pieds carrés. Mesures de capacités pour les liquides. — Le pot , contenant 1 16 pouces cubes, ou 2 pintes de Paris. — La pinte se subdivise en 2 chopines, la chopine en 2 roquilles, la roquillc en 2 muces.— On se sert aussi dans la colonie du gallon, mesure anglaise qui équivaut à 2 pots. Mesures de capacités pour les légumes secs. — Le baril , contenant 56 pots , et se subdivisant en demi, quart et demi-quart. MONNAIES. —- Les monnaies ayant cours à la Martinique sont les mêmes que celles de la Guadeloupe ; le taux du cours est soulement un peu différent (voyez ci-après, page 308). A, il.


FRANCE

PITTORESQUE

Une Habitation

Soufrière de la Guadeloupe





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Guadeloupe. TOPOGRAPHIE.

Le gouvernement colonial de la Guadeloupe comprend l'île de la Guadeloupe, les îles de Marie-Galante, des Saintes, delà Désirade et les deux tiers de l'île Saint-Martin, dont la partie méridionale est occupée par les Hollandais.—Toutes ces îles font partie des Petites-Antilles ou Iles-du-Vent. L'île de la Guadeloupe, découverte en 1495, par Christophe-Colomb , est située dans la mer des Antilles, par les 15° 59' et 16° 40' de latitude nord et entre les 03° 20' et 64° 9' de longitude ouest, méridien de Paris. Son nom primitif était Karou-Kera : le nom de Guadeloupe lui fut donné par les Espagnols qui la consacrèrent à Notre-Dame de Guadelupe, une des madones les plus révérées de l'Estramadure. Sa superficie est d'environ 85,000 hect.— La Guadeloupe est séparée en deux parties par un canal (la rivière salée), qui a une lieue et demie de longueur sur 30 à 120 mètres de largeur, et qui n'est pas navigable pour les gros bâtiments ; elle forme ainsi deux îles, l'une occidentale, hérissée de hautes montagnes que domine un volcan encore en activité : c'est la Guadeloupe proprement dite; l'autre, orientale, généralement plate ou n'offrant que des coteaux de peu d'élévation, on la nomme la Grande-Terre. MONTAGNES. — Les montagnes boisées dont la chaîne occupe le centre de la Guadeloupe , sont d'origine volcanique. Leur hauteur moyenne est d'environ 700 mètres. La plus élevée est le morne qui porte le nom de la Soufrière. Cette montagne, dont les éruptions ont formé la plus grande partie du territoire méridional de l'île, présente un cône oblique et tronqué dont la base doit avoir 72,000 mètres de circonférence et dont la hauteur est de 1,557 mètres au-dessus du niveau de la mer. Une immense fissure divise sa région supérieure, et donne naissance dans son prolongement au sommet de. la montagne, aune des bouches d'où s'échappent des fumeroles abondantes: c'est le principal cratère du volcan qui en a plusieurs. A la fin du xvie siècle, et après un violent tremblement île terre, le cratère vomit une grande quantité de pierres brûlées, de sable et de cendres enflammées.— En 1798 et en 1799, de nouvelles éruptions eurent lieu.—Les abords du cratère sont parsemés d'énormes rochers que recouvrent des cristallisations et des stalactites produites parle soufre.— Outre la Soufrière, on reconnaît dans l'île d'autres volcans aujourd'hui éteints; ce sont : la Grosse-Montagne, qui par ses éruptions a formé la pointe septentrionale de l'île ; les pitons qu'on nomme les deux Mamelles et le piton de bouillante : ces trois derniers paraissent appartenir au même système. Leur point culminant s'élève à 957 mètres:- Il existe dans leurs environs plusieurs sources sulfureuses assez chaudes pour qu'on puisse y faire euire des œufs. — Les autres montagnes remarquables de l'île sont : le groupe de Houelmont, d'environ 800 m. de hauteur et le M orne-sa us- Touché, situé sur les limites de la partie de l'île qui est restée inexplorable. Tous les sommets des montagnes sont taillés en cônes, et de leurs lianes s'écoulent un grand nombre de cours d'eau. CÔTES. — On évalue le développement des côtes de l'île à 80 lieues. Les côtes orientales de la Guadeloupe proprement dites, exposées aux vents réguliers de l'est, sont les plus élevées et les plus saines; tandis que les terres basses de l'ouest, auxquelles la partie orientale intercepte les vents alises, sont a la fois arides et malsaines. L lie possède plusieurs ports et rades qui offrent tin abri aux bâtiments : les plus importants sont ceux de la Basse-Terre et de la Pointe-à-Pitre. RIVIÈRES. — Le nombre des rivières et des ruisseaux de la Guadeloupe est d'environ 70 ; la plus considérable est la Rivière-à-Goyayes, qui a sa source dans les hautes

i montagnes impraticables du centre de l'île et qui coule j du sud au nord. — Cette rivière est très poissonneuse, ainsi que toutes celles qui sont un peu fortes. — Le cours des rivières est très rapide, parce que, à l'exception de la Riviere-a-Goyaves,elles n'ont à parcourir qu'un espace d'environ trois lieues pour arriver à la mer; leur pente, surtout dans la partie occidentale de l'île, a 3 pouces par mètre. La plupart de ces rivières coulent dans des lits escarpés et encaissés qui, en quelques endroits, ont jusqu'à 150 pieds de profondeur. FORÊTS. — PÂTURAGES. — Les forêts de la Guadeloupe sont considérables, mais rien n'est réglé pour leur exploitation. Parmi les arbres qui y prospèrent on remarque le gaïac , dont le bois est un sudorifique excellent ; le sandal, le campèche, l'acajou, l'acacia, le bois de fer, le catalpa, le gommier, le savonnier, etc. — Ces forêts couvrent environ la cinquième partie de la colonie. — Les montagnes de la Guadeloupe offrent des pâturages excellents et bien arrosés, où il serait sans doute facile de former des établissements pour l'éducation des bestiaux. Soi. — GRANDE TERRE. -— Le sol de la Guadeloupe proprement dite est d'une nature médiocre, et doit sa fécondité à la chaleur et à l'abondance des eaux. Il est composé principalement de détritus végétaux et de matières volcaniques. —Le sol de la Grande-Terre est une terre grasse et fertile qui repose sur une base calcaire; les coquillages, les madrépores et les fossiles dont il est rempli, offrent de nombreuses traces du séjour de l'Océan. Le pays est généralement plat. Les plus hautes collines n'ont pas 35 mètres d'élévation. Toutes les hauteurs voisines de la mer sont composées de madrépores pétrifiés qui ont acquis la dureté de la pierre de taille ordinaire. Aucune rivière n'arrose la Grande-Terre. Quelques sources et des puits d'une eau saumâtre, sont la seule ressource pour l'arrosement des jardins. L'eau Mes puits recueillie dans des citernes ou dans des mares sert à la boisson des habitants. La chaleur est plus forte qu'à la Guadeloupe proprement dite; le climat y est aussi moins sain. Les côtes marécageuses de la Grande-Terre sont couvertes de mangliers, d'oliviers sauvages, de corrossoliers des marais, de mancenilliers et d'autres végétaux qui, en interceptant la circulation de l'air, y entretiennent l'humidité et augmentent le méphitisme de ces terrains inondés. ROUTES. — Il existe dans la colonie 9 routes qui portent le titre de rvutes royales. —Celle de la Basse-Terre a la Pointe-à-Pitre est la plus importante. — Leur largeur est fixée à 7 mètres, et dans les passages difficiles ne peut être réduite à moins de 6. — 11 n'y a dans la colonie d'autres voitures que des chars à bœufs appelés cabrouets. — Les chemins manquent de ponts et sont fréquemment interrompus dans la saison pluvieuse par les torrents qui coulent dans (ous les ravins. VOIES BIOGRAPHIQUES.

Parmi les hommes distingués qui sont nés à la Guadeloupe, nous citerons l'illustre général DUGOSIMIER général en chef de l'armée de la République, mort glorieusement sur le champ de bataille de la MontagneNoire , en chassant les Espagnols du territoire nationalun des braves officiers de l'Empire, le général de division GOBERT; le colonel SAINT-GEORGES , célèbre par son caractère chevaleresque, ses talents pour l'escrime et l'équitation et sa science musicale; le peintre LETIIIÉRE, membre de l'Institut, auteur du beau tableau représentant la mort des fds de Brulus; le poëte LÉONARD , auteur d'idylles gracieuses et de poésies pastorales estimées; son neveu CAJIIPENON, poëte agréable et spirituel, auteur de XEnfant Prodigue, successeur de Delille à 1 Académie française.


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changé l'esprit de la défense. Les habitants n'étaient plus HISTOIRE CHRONOLOGIQUE. ces anciens flibustiers qui , au premier signal de guerre, 1493 — Découverte delà Guadeloupe par Christophe-Colomb.— allaient chercher sur la mer des ressources qu'ils emL'ile, habitée par les Caraïbes, se nommait alors Karou-Kera. ployaient à la culture de la fertilisation. Ils étaient circons1625 — A cette époque les Caraïbes possédaient la canne «à sucre. crits dans la ville de la Basse-Terre, qu'ils avaient enrichie 1635 — Premier établissement des Français à la Guadeloupe. — Par les nombreuses prises de leurs corsaires. Les petits L'Olive et Duplessis y conduisent 500 engagés et 4 dominipropriétaires, qui font la force des colonies, avaient cédé cains. — Construction du fort Saint-Pierre sur un emplacela place aux grands colons. Ceux-ci n'avaient plus la même ment compris aujourd'hui dans le quartier Sainte-Rose. — énergie pour défendre des biens qu'il n'était plus question Misère des nouveaux débarqués. —Mort de Duplessis. de leur ravir ; ils voyaient d'ailleurs avec dépit l'espèce 1636 — Guerre avec les Caraïbes, qui se retirent à la Granded'abandon où les laissait la France, et l'accusaient d'être Terre, d'où ils continuent leurs incursions dans la Guadela cause de leur ruine par le bas prix où elle avait maintenu loupe proprement dite. les denrées coloniales. » 1610 — Traité de paix avec les Caraïbes, après des victoires 1763 — La Guadeloupe est rendue à la France : elle devient obtenues à l'aide de secours venus de Saint-Christophe. indépendante de la Martinique. — Fondation de la Pointc1613 — Arrivée du sieur Houel, sénéchal et gouverneur pour la à-Pitre. compagnie des îles d'Amérique. — Arrivée de la demoiselle 1764 —- Etablissement d'une imprimerie» Lafayolle avec une cargaison de femmes. — Troubles dans 1765 — Etablissement de la poste aux lettres. la colonie. 1766 — Ou refait tous les chemins de la colonie. 1644 — Commencement de la fabrication du sucre par les colons. 1767 — Plusieurs familles allemandes s'établissent à la Guade1646 — Guerre entre Thoisy-Patrocles, lieutenant général des loupe, sur les hauteurs du Matouba. — Ordre de conserver îles, pour le roi, et le commandeur de Poincy, gouverneur ou de planter le dixième du terrain en bois, dans chaque de Saint-Christophe.—Etablissement d'un conseil souverain habitation. pour rendre la justice à la Guadeloupe. 1769 — La Guadeloupe est replacée dans la dépendance de la 1647 — Révolte de la Guadeloupe contre le général Patroclcs. Martinique. —La paix fut faite et une amnistie accordée au sieur Houel, 1775 — Elle recouvre définitivement son indépendance. moyennant 61,7(5 livres de tabac. 1778 — Révolte du régiment d'Armagnac.—Massacre des habi1650 — Dissolution de la première compagnie des îles d'Améritants , par les soldats, à la Basse-Terre. que. — Achat de la Guadeloupe par le sieur Boisserct. — 1782 — Combat naval de la Guadeloupe. — Défaite du comte La compagnie n'avait tiré d'autre produit annuel de ses de Grasse par l'amiral Rodney. — Incendie de la Basseîles que 100 livres de tabac et 50 livres de cotou par tétc Terre ; cette ville existait déjà en 1660. d'habitant. 1786 — Etablissement de paquebots entre la France et la Gua1654 - La ( iuadcloupe donne asile aux Hollandais chassés du deloupe. Ils étaient au nombre de douze, partaient tous Brésil par les Portugais.—Les Anglais se présentent devant les mois alternativement du Havre et de Bordeaux, et faila colonie, la bonne contenance des habitants les empêche saient le service des Antilles , en touchant à la Martinique, de débarquer. «à la Guadeloupe et à Saint-Domingue. 1656 — Révolte des noirs comprimés. — Ravage des ouragans. 1787 — Création des assemblées coloniales. 1657 — Iloucl augmente les droits seigneuriaux et porte l'impôt 1789 — Troubles dans la colonie; insurrection des noirs comde capitation a 278 livres de tabac par tête. — La colonie primée. — On y envoya, en 1791, des commissaires du se révolte contre lui, et il est obligé de les réduire. 11 établit gouvernement, ils eurent à lutter contre les autorités de la plus tard la dîme. colonie. — La guerre civile et le trouble durèrent plusieurs 1660 — Paix générale entre les Français, les Anglais et les années. — Introduction , dans la colonie , de la canne à Caraïbes, conclue à la Guadeloupe. — On réserve aux sucre d'Otaïti et du Mangoustan. réduits à 6,000 individus, Caraïbes, la possession pleine et 1794 — Prise de la Guadeloupe par les Anglais, et reprise de entière de la Domingue et de Saiut-vincent. ( Eu 1732 il l'île par Victor Hugues. n'eu restait plus que 938. ) 1797 — Elle forme un département divisé en 27 cantons. 1664. — Le Roi rachète toutes les iles françaises des Antilles. — | 1801 — Révolte des hommes de couleur. — Le capitaine général Création d'une nouvelle compagnie d'Amérique et d'Afrique, Lacrosse se retire à la Dominique. — Gouvernement du dont les nobles peuvent devenir membres sans déroger. — conseil provisoire. Introduction de la culture du cacaotier ; cette culture n'ac1802 — Arrivée du général Richepanse. — Pucification de la quit de l'extension qu'en 1684. Guadeloupe. 1665 — La Guadeloupe secourt le gouverneur de la Marti1810 — Elle est reprise par les Anglais. nique, menacé par le soulèvement des colons. 1814 — Elle est rendue à la France. 1866 — Une flotte anglaise vient attaquer la Guadeloupe ; elle 1833 — Nouveau régime politique. — Admission des gens de est détruite par un ouragau qui cause à la colonie^ des couleur libres à tous les droits de citoyens.—Création d'un ravages évalués à plus de 1,500,000 livres. conseil colonial. 1668 — La Guadeloupe est placée sous l'autorité du gouverneur VILLES, BOURGS ET QUARTIERS. de la Martinique. La Guadeloupe se divise en deux arrondissements territoriaux, 1670 — Réduction du service des engagés de 8 aus à 18 mois. qui se subdivisent en paroisses ou quartiers. Chacun des arrondis— Ordonnance qui prescrit à tous bâtiments allant aux Ansements renferme une ville qui est son chef-lieu, et un certain tilles , d'y porter 2 juments, 2 vaches ou 2 Anes&es. nombre de bourgs. 1674 — Dissolution de la compagnie d'Amérique et d'Afrique ; Arrondissement. Villes ch.-lieux. Bourgs. en dix ans , elle s'était endettée de 3,52 1,000 livres tournois. Quartiers. La Guadeloupe. . 1 La Basse-Terre. . . 6 1675 — Les colonies des Antilles sont réunies au domaine de — 15 La Grande-Terre. 1 La Pointe-à-Pitre. .5 l'Etat. Le commerce y est déclaré libre avec la France. — 9 1685 — Arrivée d'une cargaison de 100 femmes envoyées de 11 2 villes. 24 quartiers. France à la Guadeloupe. 1691 — Les Anglais attaquent la Guadeloupe et sont repoussés. Les quartiers de la Guadeloupe sont ceux : de la Basse-Terre, du Pare-et-Matouha , du Baillif, des Habitants, de Bouillante, de 1703 — Nouvelle et infructueuse attaque des Anglais. 1718 — paix d'Utrcolit. —- Un ouragan ravage la Guadeloupe. la.Pointe-Noire, do Desbayes, de Sainte-Rose, do Lamentin , de la Baie-Mahaut, du Petit-Bourg, de la Goyave, de la Capesterre, 1724 — Coup de vent suivi d'une disette. des Trois-Rivières , et du Vieux-Fort. 1728 — Création de la léproserie de la Désirade. 1738 — Les ravages causés par un coup de veut ruinent un grand Les quartiers de la Grande-Terre sont ceux : des Abymes, du Gosier, de Sainte-Anne, de Saint-François, du Moule, de l'Ansenombre d'habitants et les obligent à quitter la colonie. 1759 à-Bertrand , du Port-Louis, du Petit-Canal, et du Morne-à-l'Eau. Prise de la Guadeloupe par les Anglais. « Le succès avec lequel cette colonie avait repoussé, en 1691 et en 1703, les LA BASSE-TERRE , sur la côte occidentale de la Guadeloupe proattaques dirigées contre elle , donnait une haute idée de «a prement dite, ville chef-lien et résidence du gouvernement coloforce aux ministres français, qui se dissimulaient les channial. Pop. environ 9,000 bah., dont 4,000 esclaves.—La fondation gements survenus pendant cinquante-six années, dans l'inde la Basse-Terre remonte à 1635. — En 1660, elle comptait déjà térieur de l'ilo. L'usage avait été long-temps, pendant les plusieurs rues, une belle église, deux couvents, et un grand guerres coloniales, de détruire, par le fer et par le feu, nombre de maisons à deux étages. — Elle fut pillée, brûlée et tout ce qu il était impossible d'enlever; aussi tous les habisaccagée par les Anglais en 1691, 1703 et 1759 ; néanmoins elle tants, sans distinction., rivalisaient et d'audace et de patrioavait déjà réparé ses ruines, lorsqu'on 1782, un épouvantable tisme , pour concourir à la défense commune. Mais les incendie y occasion» un désastre dont elle ne ,s'est pas complèteprogrès de la civilisation, en abolissant l'usage de ces ment relevé. — La population était alors de 13,000 habitants; la dépossessious, avaient malheureusement amorti l'ardeur et perte des maisons fut évaluée à un million, et celle des marchun-


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dises à 1,900,000 livres. — La Basse-Terre a eu encore à souffrir, en 1794, d'un incendie, pendant lequel la populace noire pilla et détruisit l'hôpital, l'intendance, les archives et un quartier de la ville basse. — En 1802 , les nègres révoltés s'emparèrent du fort, et firent éprouver à la ville de nouveaux désastres.— Eu 1821. elle fut victime d'un ouragan terrible. — Cette ville est située au pied, des montagnes , au bord de la mer, sur un emplacement resserré , beaucoup plus long que large. — Elle forme deux quartiers , et possède deux paroisses, Notre Dame-du-Mout-Carmel, à l'est, et Saint-François, à l'ouest. Ces deux quartiers sont séparés par la rivière aux Herbes, qui prend sa source à la Soufrière , et sur laquelle existent deux ponts, l'un en pierre et l'autre eu bois. La ville est protégée du côté de terre par le fort Richepanse, et du côté de la mer par plusieurs batteries. — Le fort Richepanse, où se trouve le tombeau du brave général dont il porte le nom , est bati sur l' emplacement du Donjon (maison carrée, fortifiée par des parapets et des fossés) , que le gouverneur-propriétaire Houel avait fait construire, eu 1647, pour se garantir des surprises des Caraïbes. — Sur un des morues voisins de la ville, dans un lieu sain et bien aéré , est établi le Camp Saint - Charles, formé de baraques en bois, solides et élégantes, destinées au logement des troupes de la garnison.— Les environs de la Basse-Terre , entourée de collines qui s'élèvent en amphithéâtre, parées de riches moissons de cannes, couronnées de bois, et parsemées de jolies habitations, offrent un aspect charmant et pittoresque. — La ville est propre et bien bâtie; on y remarque entre autres édifices, l'hôtel du gouvernement ; le palais de justice ; l'hôpital, qui est vaste et bien distribué ; les deux églises paroissiales; l'arsenal; la belle promenade dite Cours Nolivos, plantée de magnifiques tamarins; le Champ d'Arboud, près de la maison du gouverneur. — Le jardin colonial mérite aussi d'être visité. — La ville possède de jolies fontaines publiques. Le quartier Saint-François est le plus moderne et le plus populeux ; ses rues sont larges et bien percées. — Un port manque à la Basse-Terre. Elle n'a qu'une rade foraine ouverte à tons les vents. Les navires sont obligés d'aller hiverner aux Saiutes ou «à la Pointe-à-Pitre, qui attire ainsi tout le commerce de la colonie. Ce quartier, le plus petit de l'île, est le seul qui MATOUDA. ne touche pas à la mer.— Adossé aux morues qui forment la base de la Soufrière, il est le plus sain et le plus agréable de tous pour les Européens. Sou climat peut être comparé a celui du midi de la France; néanmoins l'air y est plus humide. LE. BAILLIF. —On remarque dans ce quartier, sur la rive droite de la Rtv ère- les-Pèr*s, au milieu des halliers qui couvrent la plage, la tour a demi ruinée du Père-Labat, que ce moiue ingénieur fit construire en 1701, pour couvrir deux habitations que son couvent possédaient dans ce quartier, et que les Anglais avaient déjà ravagées en 1691.— Le bourg du Baillif, sur la rivière de ce nom, a été détruit deux fois par les Anglais, et est maintenant «à peu près désert.— Non loin de ce bourg, sur une hauteur qui domine lu mer, se trouvent les ruines du château fortifié de la Madeleine, construit en 1659, par MM de Boisscret neveux, co-seigneurs de la Guadeloupe. Les Anglais ou détruit ce château en 1091. ROUILLANTE. — Ce quartier renferme un bourg qui a été brûlé et saccagé par les Anglais, en 1703, et qui se dépeuple tous les jours à cause de son insalubrité. — Le sol de Bouillante porte des traces de l'action récente des feux souterrains. On trouve, en creusant à un pied de profondeur,la terre et le sable très chauds, a un pied plus bas ils deviennent brûlants, et exhalent une fumée sulfureuse. — Le quartier renferme plusieurs sources d'eaux thermales, dont une, qui jaillit sur le rivage est assez chaude pour cuire un oeuf et pour échauffer, dit-on, les eaux de la mer dans un rayon de quelques pieds. Non loin de cette source est une marc de 45 à 50 pieds de diamètre, dont l'eau blanchâtre est aussi très chaude, sent le soufre, et laisse continuellement échapper de grosses huiles d'air. —Toutes ces eaux passent pour très bonnes contre les hydropisies, lés engorgements et les maux de nerfs ; mais il n'y a aucun établissement pour les administrer. LA POINTE-NOIRE. — Le bourg a peu d'importance; il ne se compose que de quelques maisons, d'une église et d'un presbytère. Bien qu'il ait été formé par la réunion de trois autres petits bourgs, il est fort peu peuplé. Le quartier doit son nom à la couleur des roches volcaniques, dont le terrain est couvert. Un camp de nègres marrons existe dans les montagnes presque inaccessibles qui le dominent. SAINTE-ROSE. — LE bourg est beau et bien entretenu, il renferme des magasins, une église, un presbytère et un assez grand nombre d'habitations. — C'est dans le quartier Sainte-Rose que Lolive et Duplessis firent, en 16.45, leur premier établissement : ils y avaient construit deux petits fortius dont on ne voit plus de traces. On nomme encore, le lieu où ils débarquèrent l'Anse du Vieux-Forl. — Les nègres marrons se sont réunis sur les montagnes les plus élevées de ce quartier, et dans ces endroits fourrés et presque inaccessibles , ils ont établi nu camp qui communique avec celui des hauteurs de la Pointe-Noire. — Leur nombre était de mille environ, en 1822. — Lorsque, dans une battue t. m — 39

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générale, des chasseurs parviennent jusqu'à eux, ils se sauvent dans les bois; mais, le danger passé, ils reviennent construite leurs ajoupas (cases à nègres) et replanter leurs vivres. Leur existence est celle de vrais sauvages, ils vendent parfois du gibier aux nègres des habitations voisines , avec lesquels ils ont toujours des communications secrètes; ils se nourrissent des fruits, des légumes et des racines qu'ils cultivent; et ils préfèrent cette liberté, toute misérable qu'elle est, à l'aisance dont ils pourraient jouir en travaillant sur une habitation. LE LAMENTIN. — Le bourg est peu habité à cause du mauvais air qu'on y respire. Le quartier est séparé de celui de Sainte-Rose par la grande Rivière-à-Goyaves, dont le cours est de plus de 4 lieues, que les navires peuvent remonter jusqu'à 1,000 toises et les bateaux jusqu'à 2 lieues de sou embouchure. — On trouve dans ce quartier une source d'eau minérale chaude, qu'on dit excellente pour les rhumatismes et les paralysies. Ou vient s'y baigner des quartiers environnants; mais il n'y a d'autre établissement pour prendre ces eaux que quelques mauvaises cases à nègres éparscs le long du ravin où elle coule. LA BAIE-MAHAUT. —Le bourg, dont l'église et le presbytère sont en ruines , n'est formé que de quelques chaumières éparses au bord de la mer. Ce quartier, le plus bas , le plus inondé et le plus couvert de mangles et de palétuviers de toute l'île, en est aussi le plus malsain. Il est bordé d'un côté parla rivière Salée.— Ce bras de mer, long d'environ 0,000 mètres, n'est navigable que pour les bateaux, parce que les hauts-fonds de ses deux embouchures ne répondent pas à la profondeur de son canal. —- La BaieMahaut où s'ouvre l'embouchure nord , se nomme aussi le Grandcul-de-Sac , elle est fermée en partie par huit îlots et par plusieurs rangs de hauts-fonds qui forment un bassin de 5 à 6 lieues de long, et de 1 a 3 de large, où les vaisseaux peuvent se mettre en sûreté. — Le Petit-cul-de-Sac, où s'ouvre l'embouchure sud de la rivière Salée, forme la baie de la Pointe-à-Pitre LE CAPESTERRE. — Le bourg de Capesterre ou du Marigot est un des plus considérables de l'île. — On trouve dans le quartier les ruines du bourg Saint-Sauveur, incendié en 1802, par les nègres révoltés. — L'anse Saint-Sauveur est commode pour le cabotage, mais elle présente à l'ennemi extérieur un point facile de débarquement. — Le quartier renfermait autrefois le marquisat de Sainte Marie qui a appartenu à MM. de Boisseret. — On y remarque une habitation jadis seigneuriale, entourée de belles allées de poiriers, ees arbres n'y portent malheureusement aucun fruit. LES TROIS-RIVIÈRES. — Ce bourg, incendié en 1802, a été rétabli depuis : il possède une belle église construite eu 1812. LE VIEUX-FORT. — CE quartier renfermait autrefois le château que M. Houel, propriétaire delà Guadeloupe, habitait avant de se fixer à Ja Basse-Terre. — Les Anglais Vont détruit eu 1703. — La côte, de ce côté, est taillée à pic et n'offre partout qu'une falaise escarpée et coupée de précipices qui en iuterdiseut l'accès. C'est dans une des vallées abritées et bien exposées au sud, formées par les mornes de ce quartier, qu'a été faite la première plantation de gérofliers. LA POINTE-A-PITRE. — Dans la Grande - Terre, au fond de la baie qui porte ce nom, à l'embouchure de la rivière Salée, port et chef-lieu d'arrondissement, à 12 lieues N.-E. de Basse1 erre. Pop. 12,000 haï). — Cette ville, qui manque d'eau douce, est environnée de marais ; l'air y est malsain surtout pendant l'hivernage , mais la sûreté et la commodité de sou port, sa position, au centre des cultures de l'île, lui assure le premier rang parmi les villes commerciales des Antilles. — Elle a été fondée récemment, en 1763. Jusqu'en 1772 elle porta le nom de Villedu-Morne-Renfermé. Celui de la Pointe-à-Pitre, nom du pêcheur qui habitait l'emplacement où les premières maisons furent construites, a prévalu plus tard. La ville fut incendiée en 1780, depuis elle a été rebâtie en pierres tirées des mornes voisins; elle est propre, élégante et régulière, ses rues sout larges et bien alignées, quelques-unes ont des trottoirs. Le port, où règne une grande activité dans les temps favorables au commerce , est bordé par de belles maisons et de vastes magasins. Il est toujours rempli de bâtiments de toutes les nations, dont les pavillons variés et les banderolles flottantes donnent à la ville un air de fête et un aspect pittoresque. — Il serait facile de remédier au manque d'eau douce, qui est un des plus graves inconvénients de la Pointe-àPitre, en y en conduisant de la partie orientale de la Guadeloupe, au moyeu d'un aqueduc et à travers la rivière Salée. Les plans dressés pour cette entreprise de première nécessité, prouvent qu'elle est non - seulement possible, mais encore facile; elle fut même partiellement et momentanément exécutée pendant la Révolution au moyen d'un aquéduc eu bois incorruptible qui amena l'eau au bord de la rivière Salée , travail utile détruit en 1802 lors de la révolte des nègres. — La Pointe-à-Pitre possède une jolie église, quelques beaux édifices particuliers et trois places publiques, parmi lesquelles ou remarque celle de la Victoire, vaste, entourée d'arbres et située au fond du port. — L'entrée de ce port est défendue par l'liet-à-Cochons, où s'élèvent deux batteries dont le feu se croise avec celles du fort Saint-Louis, construit sur


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FRANCE PITTORESQUE.

- GUADELOUPE.

Ja cote opposée. — Au-dessus du fort Saint-Louis, et à 1,000 toisess Sucrerie. — Les bâtiments de la sucrerie comprennent : 1° le plus a l'est sur le prolongement de la cote, s'élève 1e fort Fleur-- moulin, pour exprimer le jus des cannes, qu'on nomme vesmi. La. d'Epée , environné de fossés, armé de bastions, et renfermantt canne qui a passé par le moulin et dont tout le sucre a été expriune citerne, des casemates, des casernes, des magasins et less nié, se nomme bagastc. Les moulins sont de quatre espèces, à établissements nécessaires à une garnison de 150 hommes. Cei; eau, à vent, à manège et à vapeur ; 2° Ja suxene projwcmenî fort est malheureusement dominé par le morne Mascotte et exposé,, dite; bâtiment, tout en maçonnerie et couvert en tuiles, qui malgré sa position, aux miasmes morbifiques si pernicieux danss contient le fourneau et les quatre chaudières formant ce qu'on les environs de la Pointe-à-Pitre. Il fut, eu 794, le théâtre d'un appelle l'équipage d'une sucrerie , et où le vesou doit passer sucfait d'armes honorable pour la mémoire du commissaire de la cessiveinent avant d'arriver à l'état de sucre; 3° les cases à basasConvention , Victor Hugues qui reprit la Guadeloupe aux Anglais. ses, vastes hangars sous lesquels ou empile pour les faire sécher les LE GOSIER. — Ce bourg, situé daus le plus petit quartier de lai bagasses vertes qui sortent du moulin ; 4° la purge rie, on l'on fait Grande-Terre, et celui où les mornes ont le plus d'élévation , ai egoutter , dans des formes-, le sucre qui sort des chaudières ; été ravagé et incendié en 1802; il n'y reste que quelques maisonsi 5° Yéluve, bâtiment hermétiquement fermé , où l'on fait sécher, éparses. Les matériaux des autres et ceux de l'église ont servi,, au moyen d'une chaleur douce, Je sucre qui est déjà resté trois en 1795 a augmenter les fortifications du fort Fleur-d'Épée. semaines dans la purgerie. SAINTE-ANNE. — Ce bourg, situé à 4 1. S.-E. de la Pointe-àFumerie.— Ce sont les ateliers où l'on distille le rum , ce Pitre, était autrefois le tribunal de sénéchaussée de la Grandequ'on nomme guildiverie à l'île Bourbon. Terre. — Il eut beaucoup à souffrir lors de la révolte des nègres,, Lcurtcs à mulets.—Grands hangars destinés à recevoir les mulots en 1789 et en 802, c'est néanmoins après le Moule, le plus beau du manège, qui ont toujours chaud, lorqu^ils reviennent du travail. et le plus grand bourg de la colonie — On y voit une église Magasins. —- Il en faut deux dans chaque habitation, l'un pour vaste et bien ornée et un presbytère bien bâti. Le curé porte le les vivres, et l'autre pour les denrées fabriquées. titre de curé de Sainte-Anne et du Gosier. Gragcric. — On appelle ainsi une presse destinée à presser le SAINT-FRANÇOIS. — Ce bourg, situé sur une cote basse, manioc râpé, pour le purger de son eau, qui est un poison. Cette au bord de la mer, est peu considérable, quoiqu'il possède une presse a pour accessoires des fourneaux , où on fait sécher la église et un presbytère. — Le quartier renferme environ 2,000 fécule avant de la donner aux nègres comme nourriture Dans hectares de landes et de terres vagues et stériles, où paissent quelques habitations , le râpage du mauioc se fait au moyen d'un des moutons qui sont réputés les meilleurs de la colonie. Ces lau- moulin. des forment une longue terre, la plus orientale de l'île, qu'on 7ouncllcrie. — Toutes les sucreries possèdent un atelier pour nomme la Pointe-d.cs-Châteaux. — A 2 1. en mer au S.-E., se trou- la fabrication des tonneaux etboucands qui leur .sont nécessaires. vent deux îlets très bas, d'une lieue de longueur sur deux tiers de Grande case. — On nomme ainsi la maison du planteur, elle lieue de largeur et qu'on appelle la Petite-Terre. — Ces îlets pa- contient les bâtiments nécessaires à son logement et à celui de-sa raissent susceptibles de culture, mais ne sont visités que par des famille; le logement des économes, la cuisine, l'écurie, etc. pécheurs. Embarcadères et canaux. — Afin d'éviter les frais de transport LE MOULE. — Sur la cote N.-E. de la Grande-Terre. Ce bourg au port du quartier, chaque habitation voisine de la mer a , sur est agréable, propre, bieu bâti et a l'aspect d'une petite ville. Il la côte , un embarcadère particulier , où on charge les sucres dans possédait, avant la révolution, une sénéchaussée, supprimée en le canot qui doit les porter au négociant commissionnaire 'chargé 1783. — Au commencement de la révolution, on y établit un trid en opérer la vente. Un canot est aussi un des objes nécessaires bunal de première instance qui a été supprimé en 1802. — Le a une grande exploitation coloniale. Palais-de-Justice et les prisons construits en pierre , y sont encore ATELIERS ET TRAVAUX. —— On nomme atelier, chez les plansans destination et tombent en ruines. L'église et le presbytère teurs, les nègres réunis pour les travaux des plantations , et sont en bon état. Cette paroisse est une des plus lucratives de la principalement des sucreries. On nomme jardins, les plantations colonie. Le port du Moule est pou considérable, et peu sur, il ne en général. — Dans les sucreries , les nègres sont, suivant leurs reçoit que des bâtiments d'un faible tirant d'eau; il est exposé aux forces, partagés en grands et petits ateliers. — Le grand atelier raz de marée; néanmoins, la ville est assez commerçante. comprend les individus des deux sexes, qui sont propres aux forts ANSE-A-BERTRAND. — Ce quartier manque d'église, ses habitants travaux , qui sont la fouille et la coupe des cannes sur le terrain ; se rendent à celle de Saint-Louis. — Sur sa côte orientale, à Y anse le chauffage des fourneaux, et l'écumage du sucre dans la manudu Petit-Port-Land, on trouve un hameau composé de quelques facture. — Le sarclage des cannes , le transport des plants dans cases où vivent sept à huit familles descendant des Caraïbes, uni- les fosses préparées ; le soin de mettre en faisceaux les cannes ques restes de ces anciens et infortunés habitants de la Guadeloupe. coupées, et de les transporter au moulin ; celui d'empiler les — Ces familles qui ne s'occupent que de poche, paraissent avoir bagasses vertes dans les cases où on les fait sécher, et de fournir .surtout conservé du caractère de leurs aïeux, un irrésistible penles bagasses sèches aux chauffeurs qui alimentent le feu des chant à l'oisiveté. En examinant les individus qui les composent chaudières ; tels sont les travaux du petit atelier. — Les deux on reconnaît que leurs cheveux sont noirs et lisses, leurs yeux ateliers sont éveillés à cinq heures du matin par les nègres comgros et saillants, leurs membres épais comme ceux des Caraïbes, mandeurs. Après la prière , qui a lieu au point du jour cl pendant mais ces Indiens dégénérés se confondent avec les mulâtres, par laquelle on voit si quelque esclave est en retard, les nègres des la couleur de leur peau et par leur langage. ateliers se rendent, avec l'économe et les commandeurs, aux PORT-LOUIS. — Ce bourg, à 6 lieues do la Pointe-à-Pitre, est champs de cannes où les travaux du jour doivent avoir lieu. —vaste, bien bâti et ombragé. il possède une grande église et un Chaque nègre porte une houe , un coutelas pour couper les cannes, presbytère bien entretenu; on y trouve une rade, protégée par un bâton pour écarter les pailles, demeure ordinaire des serpents; des rescifs contre les vagues du large, et défendue en temps de une corde pour lier les pailles qui doivent servir au chauffage ; guerre par deux batteries; mais elle ne peut servir qu'aux bâti- et enfin , un panier rempli de fumier , dont le contenu est déposé ments caboteurs. dans un des champs de l'habitation. — Le transport des engrais LE GRIPON. — Dans le quartier du Morne-à-L'Eau. Après LA se fait ainsi insensiblement. — An lieu du travail, les nègres se destruction, en 1802, du bourg du Morne-à-l'Eau, ce petit bourg rangent sur une seule ligne, ayant à chaque extrémité un coms'est formé par la réunion des cases destinées à servir de bouti- mandeur et l'économe au milieu. Ils travaillent ainsi rangés Cette ques aux nègres des quartiers environnants qui s'y rendent cha- méthode a pour luit de rendre la surveillance plus facile.— Le traque dimanche pour y vendre les denrées de leurs petites cultures; vail dure depuis Six heures du matin jusqu'à six heures du soir. ce marché très fréquenté ressemble ail marché du Lamentin, si Les travailleurs ont une heure pour déjeuner, de 8 à 9, et deux connu à la Martinique. heures pour dîner et se reposer, de midi à 2 heures. En revenant a l'habitation, chaque travailleur doit rapporter un paquet d'herbe HABITATIONS, TRAVAUX, ETCpour les bestiaux. La prière se fait à sept heures du soir; c'est HABITATIONS. — SUCRERIES. — Les bâtiments qui composent alors que l'administrateur donne, aux économes et aux commanune manufacture à sucre sont coûteux et en assez grand nombre, deurs, les ordres qui doivent être mis à exécution le lendemain. Nous allons le s mentionner successivement : Après la prière , la journée des nègres est finie; ils rentrent daus Cases à nègres, — Les logements des nègres se composent de leurs cases et s'y reposent ou s'occupent, à leur volonté,des cases ou faisons en planches, couvertes en paille de cannes. — travaux qui leur sont personnels. Elles ont de 10 à 20 pieds de longueur, sur 10 h 12 de largeur. PUNITIONS. — NOURRITURE ET VÊTEMENTS DES ESCLAVES. — — Chaque case renferme 2 chambres, et chaque chambre est Des ordonnances rigoureusement observées défendent, sous les occupée ou par un nègre marié, on par deux nègres non mariés. peines les plus sévères, aux administrateurs, économes et comCe bâtiment doit être construit près de la maison mandeurs d'habitations, de L'hôpital. porter des bâtons avec lesquels, dans d'habitation et dans un lieu aussi sain que possible ; il renferme un moment d'emportement, ils pourraient frapper les nègres nu moins trois salles : une pour les hommes, une pour les femmes qui auraient commis quelques fautes graves. Ces ordonnances démalades, et une les femmes en couches. Il est entouré fendent aussi de donner en punition plus de vingt-neuf coups de d'un mur, afin d empêcher les malades do communiquer au defouet aux esclaves, et d'employer contre eux le cachot quand hors. Les visites du médecin ont lieu régulièrement deux fois par il s'agit de discipline d'habitation; lorsque les crimes sont de nasemaine , et plus souvent dans les ras graves. ture a intéresser le maintien de la société, on doit livrer le délin-





FRANCE

PITTORESQUE

Indiens jouant au ballon avec le pied

Radeau Indien sur les fleuves de la Guyane


FRANCE PITTORESQUE. — GUADELOUPE.

quant, avec 1RS preuves, aux tribunaux du gouvernement ; une caisse particulière, dite des nègres justiciés, sert à indemniser le propriétaire du nègre coupable et dont le crime entraîne la peine capitale. — La nourriture que les règlements coloniaux assurent aux nègres consiste en trois livres de morue., 2 pots 1/2 de farine de manioc par semaine, et environ un gallon de sirop par mois. — Leurs vêtements annuels garantis par les ordonnances , se composent de deux chemises , de deux pantalons de grosse toile et d'un chapeau. BESTIAUX. — Les mulets et les bœufs sont les seuls animaux employés aux cultures et aux charrois. — On laisse les mulets vaguer dans les savanes pendant le jour, on les met en parc pendant la nuit. Leur prix varie depuis 1,000 jusqu'à 1,500 liv. coloniales.—Ou les tirait autrefois en grande partie de la cote ferme du continent d'Amérique. Les mulets d'Auvergne et des États-Unis, accoutumés à la nourriture daus l'écurie, avaient, ainsi que ceux de Buenos-Ayres , mal réussi dans les Antilles ; néanmoins, il paraît qu'on a trouvé le moyen de les y acclimater; eu 1833 on eu a importé de France 1,228 à la Martinique et à la Guadeloupe.—Les bœufs sont créoles eu grande partie. On les laisse aussi vaguer daus les savanes, ou on les attache dans les broussailles, en ayant soin de les changer de place deux fois par jour. — Les bœufs étrangers que la colonie reçoit, vienneent du cap Vert et surtout de Porto-Rico ; ces derniers sont les meilleurs pour le travail : leur valeur est d'environ 150 livres coloniales. GOUVERNEMENT,

ADMINISTRATION,

ETC.

GOUVERNEMENT. — Le gouverneur de la Guadeloupe et de ses dépendances est un officier général des armées navales. — Il réside à la Basse-Terre ; ses pouvoirs sont les mêmes que ceux du gouverneur do la Martinique. CONSEIL PRIVÉ.—.Ce conseil, dont le gouverneur est président, se compose en outre de neuf membres à la nomination du Roi : le commandant militaire, l'ordonnateur, le directeur général de l'intérieur, le procureur général, trois conseillers coloniaux, l'inspecteur colonial et le secrétaire archiviste. ÉTAT-MAJOR. — L'état-major de la colonie comprend : 1 colonel commandant militaire ;— 2 capitaines de l'état-major du gouverneur; — 1 chef de bataillon, commandant la place à la Pointe-àPitre;—1 capitaine, adjudant de place à la Basse-Terre;—1 chef de bataillon, commandant à Marie-Galante;— 1 capitaine, commandant aux Saintes,— et 1 capitaine, commandant la partie française de Saint-Martin. ADMINISTRATION. — Il y a a la Guadeloupe -1 commissaire principal de marine, ordonnateur ; — 1 commissaire de marine de l'c classe, inspecteur colonial ; — 1 commissaire de marine de 2e classe ; — 6 sous-commissaires de inariue de 2e classe, et 1 trésorier. -- Le service des ports comprend— 2 capitaines de port (à la Basse-1 erre et à la Pointe-à-Pitrc);—- 1 lieutenant de port à Saint-Martin. DIRECTION GÉNÉRALE DE L'INTÉRIEUR. — Outre le directeur général, ce service comprend:— 1 vérificateur de l'enregistrement;—• 4 receveurs conservateurs des hypothèques (à la BasseTerre et à la Pointe-à-Pitrc,—à Maric-Gaiantc et à Saint-Martin) ; —• 1 receveur de l'enregistrement (2e bureau) à la Poiute-à-Pitrc. —-Le service des douanes compte l directeur; 1 inspecteur et 2 sousinspecteurs (à la Pointe-à-Pitrc et à la Basse-Terre). JUSTICE.— IL y a à la Basse-Terre : — une cour royale composée de 9 conseillers (dont un président), de 3 conseillers auditeurs, d'un procureur général, d'un substitut et d'un greffier en chef; — et un tribunal do première instance.—Un autre tribunal de première instance siège à la Pointc-à-Pitre.—Ces tribunaux sont formés chacun d'un juge royal, d'un lieutenant déjuge, de deux juges auditeurs, d'un procureur du roi, d'un substitut et d'un greffier. — La Guadeloupe possède en outre 4 justices de paix (à la BasseTerre , à Capesterro, à la Poiutc à-Pitre et au Moule. — Les assises pour la colonie se tienneut à la Basse-Terre et à la Pointe-àPitre. — Marie-Galante a un tribunal de première instance (composé de 2 juges, 1 procureur du roi et 1 greffier), et uu tribunal de paix. — II y a à Saint-Martin un tribunal de paix. CULTE. — 11 y a à la Guadeloupe et dans ses dépendances un préfet apostolique et uu vice préfet. — Ou y compte en outre 13 curés ou desservants. HÔPITAUX. — SERVICE DE SANTÉ. — Outre les hôpitaux de la marine, la colonie renferme 1 hospice de charité, et 1 hospice pour les lépreux (à la Désirade). — Il y a 2 comités de vacciue , à la Basse-Terre et à la Pointe-à-Pitre. — Le service de santé est confié à 2 médecins, 4 chirurgiens et 1 pharmacien appartenant a la marine. INSTRUCTION PUBLIQUE. — On compte à la Guadeloupe 18 écoles, dont 5 à la Basse-Terre, 5 à la Pointe-à-Pitre, et 8 réparties dans divers quartiers. — Il y a 3 écoles à Marie-Galante. ETABLISSEMENTS DIVERS. — Il existait à la Pointe-à-Pitre une banque fondée eu 1827, et qui avait le titre de Banque de la Guadeloupe. Elle a été mise eu liquidation eu 1831. — La Basse-Terre possède une imprimerie; ou y public une Gazelle officielle.

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GARNISON ET MILICES. La défense de la colonie est confiée à des troupes envoyées de France, et aux milices ou gardes nationales. La garnison, eu temps de paix, se compose d'une compagnie de gendarmerie, de la 5e compagnie et d'au détachement de la 4a compagnie d'artillerie de marine, d'un détachement de la 3e compagnie d'ouvriers, et des 1er, 2e et 3e bataill. du 2e régiment d'infanterie de marine. — La garnison de la Guadeloupe fournit des détachements à Marie-Galante, aux Saintes, à Saint-Martin, etc. La garde nationale est nombreuse et bien tenue. Elle est soumise aux mêmes lois et règlements que celle des autres colonies françaises. Il y a à la Guadeloupe une diteclion d'artillerie, qui comprend un chef de bataillon d'artillerie, directeur, et deux capitaines d'artillerie de la marine, et une sous-direction du génie, comprenant un chef de bataillon du génie, sons-directeur, et deux capitaines de sapeurs. POPULATION. Elle était au 1er janvier 1833, de: Population libre. Hommes, 11,049 .; femmes, 12,306; total

23,355

Population esclave. Hommes, 47,959; femmes, 51,505 ; total Total général

9.9,464 .

122,819

Le mouvement de la population libre avait été en 1832: 877 naissances. — 658 décès. La population générale était aiusi répartie: Filles et bowgs : 24,362 habitants, dont 12,920 esclaves. Habitations rurales : i)3,457 — — 86,544 — AFFRANCHISSEMENTS. — De décembre 1830 à novembre 1833, Le nombre des affranchissements a été de 2,873 (Dont 1959 patroués et 923 esclaves.) Et celui des déclarations de liberté, de 1,798

Total

4,671 "

RÉGIME POLITIQUE. Deux lois, promulguées la 24 avril 1833, établissent et régularisent L'exercice des droits des citoyens dans les colonies. L'une accorde à toutes les personnes nées libre»; ou ayant acquis légalement la liberté (blancs, mulâtres ou nègres) , la jouissance des droits civils et politiques. — L'autre règle le régime législatif des colonies. D'après cette loi, il existe à la Guadeloupe une assemblée représentative de la colonie, qu'on nomme conseil colonial, et qui est composée de 30 membres élus par les collèges électoraux. Tout Français âgé de 25 ans, né ou domicilié à la Guadeloupe, payant 300 francs de contributions directes, ou justifiant qu'il possède des propriétés mobilières ou immobilières d'une valeur de 30,000 francs, est électeur de droit. — Tout électeur âgé de 30 ans , payant 600 francs de contributions ou possédant des propriétés d'une valeur tic 60,000 est éligible. Il y a a la Guadeloupe (ses dépendances comprises) 9 arrondissements électoraux, qui nomment : déput. Le 1er comprenant la Basse-Terre (intra-muros, extra-inuros), Baillif, Parc et Matouba 3 Le 2^, Poiute-à-Pitre (iutra-inuros, extra-muros) et Abyines. 0 Le 3e, Anse-Bertrand, Port-Louis, Petit-Canal et Mornc-à-L'eau. 3 Le 4ft, Moule, Saint-François, Sainte-Anne, Gosier et Désirade. 5 Le 5e, Deshayes, Bouillante, Pointe-Noire et Vieux-Habitants. 2 Le 6e, Goyave, Capesterre, Trois-Rivières, Vieux-Fort et les Saintes 3 Le 7e, Saiute-Rose, Lamentiu, Baic-Mahaut et Petit-Bourg. . . 4 Le 8e, Marie-Galante (île) 8 1 Le 9ft, Saint-Martin (partie française) Le conseil colonial de la Guadeloupe nomme 2 délégués de la colonie près le gouvernement français, et qui résident à Paris. RECETTES ET DÉPENSES.

(Voir le même article à la Statistique de la Martinique.) Eu 1833, les dépenses du service colonial de la Guadeloupe avaient été arrêtées , par ordonnance royale, à. . . 1,857 642 f Dont le montant devait être couvert par les produits présumés des droits et revenus locaux. Nous ignorons quel a été, pour 1834, le budget voté par le conseil colonial do la Guadeloupe. Une ordonnance royale a fixé les dépenses auxquelles donneront lieu , en 1834, le traitement du gouverneur, le personnel de la justice et des douanes, à la somme totale de 632,100 fr., à prendre sur les fonds généraux affectés au service intérieur de la colonie.


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A la Martin. A la Guadeloup. , Or. — Loms de 24 livres 421.15s.-— 451. 17s. 6 tL Pièce de 20 francs 36 » — 37 » » Quadruple espagnole 146 5 — 160 » » Moëde portug.de 3 gros 54 grains. 81 » — 83 5 » Guinée anglaise 48 » — 49 10 » Ces valeurs , comme on voit, sont très arbitraires. — La monnaie de billon est rare et recherchée. Une pièce de 6 liards vaut 2 sous 6 deniers aux Antilles. On y connaît aussi une monnaie idéale, Ycscalin, qui vaut 15 sous.

AGRICULTURE.

Ou comptait dans la colonie en 1832 : 26,380 hectares en cannes à sucre. 5,684 — eu café. 1,122 — en coton. 78 — en cacao. 10,720 — en vivres. 25,442 —— en savanes. 21,517 — en bois debout. 26,201 — en terrains non cultives.

POIDS

117,144 hectares. Elle renfermait environ : 1,800 chevaux. — 6,2C0 mulets.— 400 ânes. — 18,000 bêtes à cornes (race bovine).— 10,000 moutons et cabris — 5,000 porcs. Les habitations rurales étaient au nombre de 1513, et avaient les destinations spéciales suivantes : 583 sucreries, employant. . . 42,015 esclaves. 556 caférics 9,160 — 133 plantations de coton.. . . 1,665 — 2 plantations de cacao.... 20 — 239 plantations de vivres. . . 3,810 —

ET MESURES.

La toise, l'aune, le pied de douze pouces, la livre de seize onces, sont les mêmes que ceux qui étaient en usage à Paris avant l'adoption des mesures métriques. Mesures agraires. — Le pas, de 3 pieds. — Le carré, de 100 pas sur chaque coté, et qui a une superficie 90,000 pieds carrés. Mesures de capacité pour les liquides. — Le pot, contenant 116 pouces cubes, ou 2 pintes de Paris. La pinte se subdivise en 2 chopines, la chopine en 2 roquilles, la roquille en 2 muces, On se sert aussi dans la colonie du gallon, mesure anglaise qui équivaut à 2 pots. Mesure de capacité pour les légumes secs. — Le baril, qui contient 52 pots, et qui se subdivise en demi, quart, et demi-quart.

COMMERCE.

Eu 1832, la valeur des importations dans la colonie a été de: De urées et marchandises françaises. Venant de France 14,579,841 f 96 c. I ih . |Q °»224,018f. 11 c. Veu. des col. et pécher, fr. 644,176 15 i Denrées et marchandises étrangères. Par navires français. . .. 878,037 30 j 0 j Par navires étrangers. . . 1,693,870 19 Total des importations. . .

r7<

l,J07

<9

17,795,925

60

Dans la même année, la valeur des exportations a été de : Denrées et mardun Use: de la colonie. Pour la France 14,803,723 20 j Pour les colonies françaises. 17,810 » 1 15,294,721 62 Pour l'étranger. . ..... 473,158 42 ( Denrées et mar handises réexportées. Françaises 1,377,443 91 ) . ..nqf, Etrangères I M'0,913 16 63,469 25 Total des exportations. . .

16,735,634

78

L'excédant de l'importât, sur l'export., a été de

1,060,290

82

La balance du commerce avec la métropole est au profit de la colonie de

223,881

24

Les articles d'importations à la Guadeloupe sont les mêmes qu'a la Martinique (voyez page 302) Les produits de la colonie exportés en 1832, ont été: — des sucres bruts et terrés; des mélasses, tafias, sirops et confitures, pour une valeur de 14,052.115 fr. 24 c. ; des cafés pour une valeur de 1,127,423 fr. 18 c. ; du cacao , du gérofle, de l'écorce de quinquina , du coton; du tabac; du bois de Campêche ; des peaux bru tes; des écailles de tortues; du cuivre vieux, etc.; ces divers articles pour une valeur de 115,178 fr. 20 cent. ; le total de ces diverses sommes donne 15,294,721 fr. 62 cent., valeur des exportations. Voici quel a été eu 1832 le mouvement de la navigation : Bâtiments entrés. 467 français d'ensemble 71,707 tonneaux, et portant 4,782 marins. 216 étrangers. Bâtiments sortis. 481 français d'ensemble 72,963 tonneaux, cl portai.t 4,966 marins. 208 étrangers.

DÉPENDANCES

DE LA

GUADELOUPE.

MARIE-GALANTE. Cette île, à 7 1. S.-E. de la Guadeloupe, dont clic est la principale dépendance, est située par les l6o 3» do latitude nord et par les 63° 29' de longitude ouest méridien de Paris. — Elle a 14 lieues de circonférence. Sa forme est presque ronde. — On évalue sa superficie à 16,500 hectares. Des mornes, dont le plus élevé n'a que 200 mètres, y forment une chaîne qui se prolonge de l'est à l'ouest. — Cette île n'a point de port, elle n'est accessible que du côté de l'ouest et même dans celte partie, le rivage y est traversé par une barre de rescifs qui s'étendent vers l'est jusqu'à la Capesterre. Toutes les côtes sont défendues par des falaises élevées, taillées a pic, et au pied desquelles sont des gouffres cl des brisants qui ne permettent pas d'en approcher. L'île manque d'eau douce, elle ne renferme que quelques sources et des mares, les habitants sont obligés de recueillir avec soin les eaux pluviales. — Le sol est fertile et propre aux mêmes cultures que celui de la Guadeloupe. — Ou trouve dans l'île et proportionnellement plus de bois de campéche et plus d'animaux. — Elle produit d'excellents chevaux qui, malgré leur petite taillé, sont très estimés dans les Antilles. Marie-Galante a été découverte par Colomb, en 1493. Les Caraïbes l'habitèrent seuls jusqu'en 1648; alors quelques Français de la Guadeloupe y formèrent un premier établissement. Elle fut au nombre des îles achetées par M. de Boisserct en 1650. — En 165?, les Caraïbes de la Dominique y détruisirent les habitations et massacrèrent un grand nombre de colons. On y envoya des renforts de la Guadeloupe, et les Caraïbes, vaincus en plusieurs rencontres, se Hâterent de faire la paix. Ils furent, plus tard, entièrement chassés de Marie-Galante. — L'île a eu jusqu'en 1763 un gouverneur particulier. A cette époque elle fut placée dans la dépendance de la Guadeloupe et on n'y envoya pins qu'un cornmandant et un aide-major, — Elle a eu beaucoup à souffrir des attaques des Anglais qui l'ont prise et reprise, en 1691 , 1763, 1759 , 1794 et 1803. — Elle a été aussi dévastée par les ouragans. Celui de 1776 a anéanti presque entièrement ses cultures. DIVISION, POPULATION, CULTURES, ETC. — Marie-Galante se divise en trois paroisses ou quartiers, où la population se trouve ainsi répartie : Blancs. H. de coul. libr. Esclaves. Total. — Grand-Bourg. 750 520 — 4,600 — 5,870 Capesterre. . . 550 — 100 — 3,000 — 3,650 Vieux-Fort. . 260 — 60 — 2,000 — 2,320 1,560

680

9,600

11,840

MONNAIES.

Pour les transactions habituelles, on calcule aux Antilles par livres, sous et deniers, mais dans les comptes publics', on se sert des dénominations du système monétaire français. Les espèces fabriquées pour l'usage des colonies ont, relativement aux espèces ayant cours en France, une valeur intrinsèque moindre de deux cinquièmes; ainsi un sou vaut 3 centimes ; une livre coloniale — 60) centimes; 10,000 livres équivalent à 6,000fran s. Le cours des monnaies est ainsi réglé : A la Martin. A la Guadeloup. Argent. Ecu do 6 livres 101. KO. — 101. 15s. »d Pièce de 5 francs. 9 » 9 5 » ' '. 1 — de 2 francs 3 15 — 3 15 » Gourde entière 9 15 10 » » Gourde percée. . . , . : . . , . . » » « 9 }) )}

Marie-Galante envoie 3 députés au conseil colonial siégeant à la Guadeloupe. — La partie cultivée de l'île est ainsi divisée . 1,800 hectares en cannes à sucre ; — 460 h. en café; — 600 h. eu coton ; — 3 h. en cacao. — H y a de plus 6,460 h. en friches; — 1,250 h. en bois; — 3,300 h. en savanes. — L'île renferme environ : 400 chevaux ; 450 mulets, 10 ânes; 2,500 bêtes à cornes (rare bovine), et 2,800 moutons et cabris. BOURGS ET QUARTIERS. — Grand-Bourg ou Marigot, nu sud de l'île chef-lieu , siège du tribunal de première instance et du tribunal de paix. — Le commandant militaire y fait sa résidence. — Ce bourg, protégé par un petit fort, renferme une dixaine de rues et environ 20) maisons. Sa population est de 1,409 habitants Quelques-unes des maisons sont fort jolies. L'édifice en bois qu sert de logement un commandant a été construit en 1811 par les


FRANCE PITTORESQUE.

Anglais. Il offre un bel aspect et des distributions commodes. L'église est assez belle. Les trois paroisses de Marie-Galante étaient autrefois desservies par les carmes, un seul curé aidé de vicaires les dessert aujourd'hui. La rade de Grand-Bourg, quoique mauvaise, est toujours ouverte au cabotage. Le quartier est très sain , et le mieux cultivé de l'île. — Capes ferre. Ce bourg, situé à l'ouest de l'île, n'offre rien de remarquable. L'église est en mauvais état, le quartier est sain, mais moins bien cultivé que celui du Grand-Bourg. — Pieux-Fort. Ce bourg, situé au nordouest de l'île, doit son nom à une ancienne fortification qui est aujourd'hui ruinée. Son église est aussi dans le plus grand état de délabrement. Le quartier, environné de marais et couvert de palétuviers, est malsain. — Saint-Louis. Ce hameau, situé à 2 lieues sud du Grand-Bourg, près d'une rade qui porte son nom et qui est la moins mauvaise de l'ile, est le reste d'uu bourg autrefois populeux, maintenant ruine et abandonné. La plaine qui l'entoure est riche et fertile, mais malsaine.

LES SAINTES. A 1. au S.-E. delà pointe méridionale du Vieux-Fort de la Guadeloupe , se trouve par les 15° 54' de latitude nord, et 64° 1' de longitude ouest.méridien de Paris, un groupe de deux petites îles , de deux îlots et de quelques rochers que Colomb nomma les Saintes, parce qu'il les reconnut le jour de la Toussaint. — Ces îles, découvertes en 1493, furent occupées par les Français, pour la première fois, en 1618. —Elles ont toujours été sous la protection et la dépendance de la Guadeloupe, dont elles ont partagé toutes les vicissitudes. — Les Anglais les ont occupées deux fois en 1791 et en 1809. — Elles sont peu cultivées, mais leur position et la bonté du mouillage les rendent importantes en temps de guerre pour la Guadeloupe dont elles protègent les communications et le cabotage. La plus grande des deux îles , nommée Terre-i'en-Haut, ou du Vent, est la moins stérile, la plus peuplée et renferme les presque tous établissements. — L'autre île, au sud-ouest de la première, est appelée Terrc-d'eu-Bas ; elle n'offre que peu de culture. Il en est de inéine du Grand-Ile/, situé au sud —Le petit îlet, placé au nord et qu'on nomme Vile -à-Cabris , forme avec la Terre-1 en-Hant, une rade vaste et sûre où peuvent mouiller à l'abri des vents huit vaisseaux de ligne, autant de frégates et le double de bâtiments inférieurs : c'est là que les vaisseaux de la marine royale attachés à la station de la Guadeloupe, passent le temps de l'hivernage. — L'air des Saintes est très salubre, il y a un petit hôpital pour les militaires eu convalescence. Le sol est néanmoins sec et aride, offrant partout des mornes, dont le plus éleve (dans la Lerre-d en-Haut) a 314 mètres. — Les Saiutes manquent d'eau, il n'y existe qu'une petite source qui tarit dans les temps de grande sécheresse. — La pèche est abondante sur les côtes, on y trouve même quelques tortues. POPULATION, CULTURES, ETC. — Les Saintes font partie du sixième arrondissement électoral de la Guadeloupe. — Leur population est d'environ !,2j0 hab., dont 100 gens de couleur libres et 750 esclaves.— Leur superficie est évaluée à 600 hectares parmi lesquels il y en a 200 en culture et 230 en bois et savanes.—Elles renferment environ 400 têtes de bétail dont 120 bœufs et vaches. BOURG. — Il y avait autrefois deux églises aux Saintes, que le curé résidant à la Terre-d'en-Haut desservait alternativement: il ne reste plus que celle de la Terre-d'cu-Haut Le bourg est composé de quelques maisons pour les habitants, des casernes, de l'hôpital et du logement du commandant, belle habitation en bois, construite du temps des Anglais.

3

LA DÉSIRADE. Cette île,.située auvent des autres Autilles, fut, en 1493, la première découverte de Colomb , qui lui donna le nom de Désirade; elle est située à 2 1. N.-E. de la Guadeloupe, par les* 16° 20' lat. nord , et les 6 1° 22' longit. ouest M. de Paris. — Elle fit partie des îles acquises par M. de Boisseret, et depuis lors placée dans la dépendance de la Guadeloupe , clic en a toujouas partagé le sort. — On y établit, en 1723 , une léproserie pour la Guadeloupe et ses dépendances. — Cette léproserie fut aussi, en 1786, affectée aux malades de la Martinique. — Eu 1788, le nombre des lépreux s'élevait à 95 : à cette époque , un officier de milices , qui fut chargé du commandement de la Désirade , s'appropria le terrain de la léproserie , pour s'y créer une habitation, et vendit ou distribua aux habitants, ces malheureux , à l'exception de 14 ou 16 mutilés, qui furent abandonnés à leur triste sort et qui périrent de misère; nous regrettons de ne pas connaître le nom de cet officier, afin de le vouer à l'infamie qu'il mérite. — La léproserie de la Désirade fut rétablie au commencement de la Révolution, — Victor Hugues consolida, eu 1795, cet établissement, que les Anglais, maîtres de l'île en 1808, eurent la barbarie de détruire. Ils le rétablirent néanmoins en 1811 ; et depuis ou a continué a l'entretenir. — Les malades sont au nombre d'environ 60, on leur a affecté une vingtaine d'hectares autour j delà source où ils s'abreuvent, et dont l'eau, coulant à tra- i Vers les racines de gayac, s'imprègne des sucs de cet arbre, et de- '

- GUADELOUPE.

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vient une espèce de tisane sudorifique naturelle. Ils sont nourris aux frais de l'administration coloniale.—L'île a aussi renfermé depuis 1/63 jusqu en 1790, un établissement correctionnel pour les mauvais sujets,//* de famille. — La Désirade a deux lieues de long sur une lieue de large. — Le canal qui la sépare de la Grande-Terre, est toujours houleux. — Elle est traversée, dans sa longueur, par une chaîne de montagnes où l'on reconnaît les traces d'un ancien volcan, et qui renferme plusieurs cavernes curieuses. — Elle possède plusieurs sources d'eaux abondantes et bonnes. On y trouve deux salines qui pourraient devenir importantes. — Il n'y a ni ports, ni rades; l'anse du galet où est le mouillage, est exposée à de fréquents raz de marée. — L'air est salubre, le sol sablonneux et aride , produit seulement du coton , qui passe pour le meilleur des Antilles. — Ou y cultive aussi, mais en petite quantité , des vivres et des fruits. Les bois y sont principalement composés de gaïacs. POPULATION , CULTURES , etc. — La Désirade fait partie du 4e arrondissement électoral de la Guadeloupe. — Sa population est d'environ 1,250 hab., dont 300 blancs et 50 gens île couleur libres. — Sa superficie est d'environ 2,600 hect.— Les cultures en occupent 550. il y en a 300 en savanes et bois. — Le nombre des bestiaux est d'environ 550, parmi lesquels on compte 5 chevaux et 275 bœufs. BOURG. — L'île ne renferme qu'un petit bourg formé dp quelques cases et magasins groupés auprès de l'église. — Les habitauts ont divisé le territoire en sept parties, qu'ils appellent : la Baie-Mabaut, le Souffleur, le Désert, la Grande-Anse , le Galet , le Latanier et la Montagne.

SAINT-MARTIN. Cette île, située a 45 1 N.-O. de la Guadeloupe parles 18° 4' de latitude nord, et65° 25' de longitude ouest, a 6 lieues de long , 5 de large et 18 de circonférence. Ou évalue la superficie a 50,000 hectares. — L'intérieur est hérissé de montagnes dont la plus haute a 600 mètres d'élévation. — Le sol est léger et pierreux, exposé à des sécheresses fréquentes. — Le ciel est pur et le climat très sain. — Les côtes sont coupées par des baies profondes ; il n'y a point de ports, mais d'excellents mouillages. — Elle ne renferme aucune rivière, mais elle possède des sources qui ne tarissent jamais, et des étangs dont l'eau limpide quoique un peu saumâtre est suffisamment potable. - Cette île était déserte lorsque le commandeur de Poiney en prit possession en 1639. — Les Français ne s'y établirent point alors. Les Hollandais qui y construisirent un petit fort, en furent d'abord chasses par les Espagnols, mais ils ne tardèrent pas à y revenir. — Un neveu de M. de Poiney qui y passa en 1648, avec 300 Français de Saint-Christophe pour y faire un établissement, y trouva les Hollandais déjà de retour. Les deux chefs se réunirent sur un morne appelé depuis Montagne -de s-Accords , et arrêtèrent le partage de l'île entre les deux nations. — La partie du nord échut aux Français et celle du sud aux Hollandais. Les limites furent fixées et désignées. — Il lut convenu que la pêche , la chasse, les salines, les rivières, les étangs, les bois de teinture, les mines et minéraux, les rades et les baies seraient communs aux deux peuples ; qu ils vivraient en lionne intelligence, et en cas d'attaque extérieure se prêteraient un mutuel secours; cet engagement a été fidèlement observé — Saint-Martin fit partie des îles achetées d'abord par l'ordre de Malte et rachetées eu 1665 pour le roi. En 16, 4 elle fut réunie au domaine de la couronne et annexée au gouvernement de la Guadeloupe. — Les Anglais ont occupé cette île en 17Si , eu 1794, eu 180 ) et en 1810. Elle a été restituée à la France eu 1814. — Les dix-neuf vingtièmes des habitants de Saint-Martia sont anglais, ils possèdent presque toute l'île sous le nom des deux nations auxquelles elle est censée appartenir. DIVISION , POPULATION, CULTURES, etc. — La partie française de Saint-Martin forme le neuvième arrondissement électoral de la Guadeloupe, et envoie un députe au conseil colonial — Elle est divisée eu quatre quartiers : le Marigot, le Colombier, la Grande-Case et Orléans. - Sa population est d'environ 3,600 hab., dont 400 blancs et 200 hommes de couleur libres. — Sa superficie est d'environ 33,200 hectares: mais ses cultures se bornent à 1,200 eu vivres, en cannes et en coton; 1,250 en savanes, et 600 en bois debout. — Ses produits annuels sont évalués à 900,000 kilogrammes de sucre, 11,000 kil de sirop, et 50,000 gallons de rum. Toutes ces denrées sont exportées et vendues en fraude à Saint-Barthélémy et dans les îles voisines. On compte, comme appartenant AUX colons français, 2,500 têtes de bétail, dont 200 chevaux, 150 mulets, 100 ânes , 1,000 bêtes à cornes (race bovine), et le reste moutons et cabris. Boum;. - Le Mari go', chef-lieu de Saint-Martin, est composé d'environ 50 maisons assez mal bâties. On n'y trouve ni église , m hôpital, m magasins. — Il est défendu par un fortin en assez mauvais état, où se trouvent un logement pour le commandant militaire , et une caserne pour la garnison. - il possède un tribunal de pais. La vaste haie qui lui tient lieu de port et au fond de laquelle il est placé, offre un hou mouillage. A (i,


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FRANCE PITTORESQUE. - GUYANE FRANÇAISE.

Guyane Française. ( Colonie

dans l'Amérique méridionale. )

gneux et sec, mais un peu aride, w Les trois lies du Salut ou du La Guyane française est située sur la côte orientale de• Dialde près du Kourou, forment un triangle qui renferme un l'Amérique méridionale, entre les 4e et 6e degrés de latitude nord, mouillage excellent pour les bâtiments de haut bord. Ces îles, et entre les 53e et 62e de longitude ouest méridien de Paris. — dont une seulement est habitée, et qui servent d'asile aux tortues, Elle est bor née au nord par la Guyane anglaise , la Guyane hol- ont été, en 1763, le tombeau des Européens engagés dans la landaise et l'océan Atlantique, à l'est par l'Océan; à l'est et au fatale entreprise du Kourou. — Le groupe de Remire, au sud de sud par la Guyane portugaise qui fait maintenant partie de Cayenne, est composé dc cinq îlets réunis, le Père, la Mè e, les 1' empire du Brésil , et enfin à l'ouest par le territoire encore peu Peux-tilles, le Malingre, et d'un îlot détaché, l'Enfant-Perdu. — exploré qu habitent les Indiens libres du centre de l'Amérique.— La Mère sert de léproserie ; ou y envoie les nègres. attaqués de Les côtes de la Guyane française présentent un développement 1' éléphantiasis. — Les Connétables sont deux rochers voisins l'un d'environ 75 lieues. Ses limites ne sont pas encore exactement dc 1 autre, et dont le plus grand est remarquable à cause dc la arrêtées. — Celle du nord est depuis long-temps invariablement multitude d'oiseaux de mer qui y ont établi leurs nids. Le pourfixée à la rivière Maroni. — Mais celle du sud a donné lieu à pier croît naturellement sur la plate-forme qui le domine. Ou y plusieurs contestations avec le Portugal. — Le traité de 1802 la trouve quelques lézards énormes (iguanes), qui se nourrissent fixait à la rivère d'Aragouari, près le cap de Nord, à l'embou- des œufs des oiseaux. chure de la rivière des Amazones. — En 1815 , au congrès de RIVIÈRES. — Les, principales rivières de la Guyane sont le Vienne , le Portugal, qui s'était emparé de Guyenne, en 1809, et Maroni , l'Oyapock , l'Approuague , le Kourou, le Sinamary, qui, d après le traité de 1814 , devait rendre cette colonie à la l'Ouyac , la Cayenne, la Mana, l'Iracoubo, le Canamana , le France, ne s'engagea à restituer que la partie comprise depuis le Kaou, etc. — Ces rivière» sont larges, mais non profondes.— le Maroni jusqu'à l'Oyapock, dont l'embouchure est située entre A l'exception de l'Oyapock et du Maroni, toutes ont un cours le 4e et le 5e degré de latitude nord, limites ( dit l'acte du con- peu étendu (de 3 ) à 50 lieues). — Quelques-unes sont sujettes, grès) que le Portugal a toujours considérées comme celles qui avaient été quoique faiblement, à un phénomène qu'on nomme Barre à la fixées par le traité d'Utrecht. Les Français ont dit depuis, avec Guyane, Pororoca, a 1' embouchure de la rivière des Amazones quelque raison , que la rivière dont il est question dans le traité (où il est terrible), et qui est analogue au Mascaret de la Dordogne d'Utrecht, est celle de Yapock ou de Vincent Pinçon; quoi qu'il (t ii, page 60) et à la Barra de la Seine (t. m, page 131). CANAUX. — Plusieurs canaux de dessèchement ont été creusés en soit, la limite méridionale a été maintenue au cap d'Orange, à 1' embouchure de l'Oyapock. — Quant «à la limite occidentale pour rendre propres à la culture les terrains fertiles de la côte, qui détermine la profondeur de la Guyane dans les terres, sa que la mer et les eaux pluviales inondaient chaque année. C'est fixation a été, jusqu' a présent, arbitraire. — Quelques auteurs ainsi qu'on a commencé à mettre en valeur les plaines alluvioula reculent au Rio-Negro. — Il nous semble qu'elle doit naturel- nelles qui séparent la rivière d'Approuague de Cayenne. Le plus lement s'arrêter à la sierra de Tumucaragua, si, comme l'indiquent important est le canal de Tony, qu'a voisinent de riches plantales grandes cartes espagnoles, cette chaîne de montagnes ferme tions de cannes à sucre , de café, de coton, do rocou , etc. de ce côté le bassin de tous les fleuves qui ont leur embouchure ROUTES. — Il n' y a pas, à la Guyane , de chemins qu'on puisse sur les cotes françaises. — On évalue la superficie totale de la appeler routes. Les habitations et les plantations sout placées Guyane française à 5,400 lieues carrées ; le territoire sur lequel près des rivières et des canaux. On voyage en bateau ail sud il existe des établissements à ('avenue et dans ses dépendances , n'a de Cayeuue (a Appronague, Oyapoek, etc.).— Eu remontant vers pas plus de 40 lieues carrées de superficie, et la culture u'y le nord (a Kourou, Sinamari, Iracoubo , la Maua ) , ou peut faire une partie du chemin à cheval , par terre, eu longeant la côte; occupe pas plus de 20,000 hectares. mais il faut, pour le reste , traverser des savanes noyées ou l'on a ASPECT nu PAYS. — Sou. — MONTAGNES. — La Guyane est le pays le plus jeune, le plus nouveau de toute l'Amérique. On y de 1 eau jusqu'à la ceinture; tous les trausports se font eu bateau. voit partout les traces des volcans éteints et celles des eaux qui MÉTÉOROLOGIE. couvraient les parties basses du continent, lorsque les terres élevées au-dessus de leur surface étaient encore bouleversées par CLIMAT. — A la Guyane, comme dans les autres régions équales feux souterrains. —Les terres hautes ne sont composées que torialcs , deux saisons distinctes partagent seules l'année; la de sables , de roches à craie et de matières vitrifiées où les graines saison sèche (qui dure dc juin à septembre) et la saison pluvieuse. portées par les vents et analogues au sol ont fructifié et formé de — Les termes extrêmes de la température sont, en minimum, vastes Forêts. Ces arbres précieux , uniquement de l'espèce des -|- 23° 75', et en maximum, -|- 31° 25'. — Le climat, quoique moins bois durs, à racines traçantes et horizontales,indiquent une terre sain que celui de la France , l'est beaucoup plus que celui des aride et argileuse. — On considère le sol cultivé de la Guyane Antilles. — Il suffit d'une vie régulière et de quelques précautions comme renfermant un tiers de terres argileuses de formation d'hygiène, pour jouir d'une santé parfaite. — Pendant la saison volcanique , et deux tiers de terres grasses et riches de formation pluvieuse, les chaleurs sont assez modérées, malgré le voisinage alluvionnelle. Les terres s'y divisent en terres hautes et en terres de l'équateur ; les nègres mêmes, à cette époque, se plaignent basses ou mouillées ; — celles-ci, qui forment la partie fertile, quelquefois du froid, et l'on se porte généralement presque aussi comprennent les terres marécageuses, les savanes ou prairies bien qu'eu Europe. — Il n'est pas rare de voir, à la Guyane , des naturelles inondées dans la saison des pluies, et la partie litto- habitants octogénaires Le teint des Européens y conserve ces rale couverte par la zone des mangles et des palétuviers. Les couleurs vives qui disparaissent si promptement aux Antilles. forêts vierges des terres hautes, d'une végétation antique et viVENTS, ETC —Les phénomènes atmosphériques ne causent goureuse , offrent toute la richesse et tout le luxe naturel aux aucun ravage à la Guyane. On n'y connaît ni tremblements de régions équatoriales. Elles ont, sur les forêts vierges du Brésil, terre , ni raz dc marée, ni ces ouragans affreux aussi redoutables l'avantage d'être salues et aérées — Le terrain de la Guyane aux habitants qu'aux navigateurs. s'élève par une pente peu sensible. Les coteaux qui avoisinent les MALADIES. — Les affections scorbutiques et les maladies cuterres basses n'ont pas plus de 50 à 60 mètres au-dessus du tanées, sont communes à la Guyane. — Le tétanos et l'éléphanniveau de la mer; mais eu s'enfonçant dans l'inférieur du pays , tiasis y sont plus rares ; mais l'éléphantiasis y attaque également on trouve des chaînes assez hautes pour mériter le nom de mon- les blancs et les gens de couleur des deux sexes. — Une maladie tagnes. — La côte n'offre d'autres élévations que les collines assez fréquente, et qui y fait de grauds ravages parmi les enfants , de Cayenne et la montagne (l'Argent, près de l'Oyapock , dont le est une espèce dc croup qu'on y appelle mai de mâchoire. sommet a la forme d'une selle , et qui est couverte de bois. HISTOIRE NATURELLE. CÔTES. — Les côtes sont plates et formées de terrains alluvionnels, auxquels une étroite forêt de mangliers et de palétuviers RÈGNE ANIMAL. — Les plus grands quadrupèdes naturels de sert de ceinture. Cette forêt se prolongeant sur la ligne que la la Guyane sont : le tigre, dont la fourrure est d'une grande marée couvre et découvre, met progressivement à l'abri les con- beauté; le tapir, animal delà grosseur d'un mulet, dont la lèvre quêtes qu'elle fait chaque jour sur l'Océan. La mer est peu pro- supérieure est allongée en forme de petite trompe, ce qui l'a fait fonde , néanmoins l'embouchure des rivières offre partout un nommer aussi éléphant américain : le tapir est doux et facile à mouillage sur et facile aux bâtiments d'un faible tirant d'eau. apprivoiser ; le tamanoir ou grand fourmilier; deux espèces de paILES, ETC. Quelques îles, des îlots et plusieurs rochers resseux, l'unau et l'aï ; un daim à peu près pareil à celui d'Eupercent a travers les vases molles qui bordent les côtes. I a rope; six espèces de singes, parmi lesquels on remarque le singe plus grande des îles est l'Ile de Cayenne, où se trouve-la ville ,ronge, classé parmi les gibiers : sa chair ressemble, pour le goût, colonie. la Cette chef lieu de île n'a que cinq lieues de long ;a celle du veau , et les colons en mangent avec plaisir; le tamarin sur trois de largo , et présente ,par exception , un terrain monta- j et le sapajou, qui figurent parmi les plus petites espèces, et qui TOPOGRAPHIE.


FRANCE

PITTORESQUE

Terreins mouillés Maison sur piliers. Moulin à sucre.

Ruses des Indiens pour prendre les oiseaux aquatiques





FRANCE PITTORESQUE. - GUYANE FRANÇAISE. existent encore dans l'île de Cayenne. — On trouve en outre le -porc-épie; le chat sauvage ou chat-tigre, fléau des basse-cours de la Guyane, comme La fouine en Europe; le cochon marron , espèce de sanglier; l'agouti, gros comme le lièvre d'Europe; l'acouchi qui, par la taille, est pareil à noire cochon d'Inde, mais qui est bon à manger; le pac, gros comme un fort cochon de lait, et dont la chair est très délicate; le tatou qui, comme le hérisson, se roule on boule dans sa cuirasse, etc. — La tortue de terre est considérée comme un animal de basse-cour; on en élève dans toutes les habitations. — Les animaux domestiques importés d'Europe, ont presque tous dégénéré On doute même si le cabri, (chèvre sans barbe, et dont la chair est bonne à manger), n'est pas une espèce américaine. — Outre les oiseaux de basse cour, pareils à ceux d'Europe, on a apprivoisé et on élève à la Guyane plusieurs oiseaux des forets; le hoc os joint a un superbe plumage la grosseur et la qualité du dindon. — Les perroquets, les perruches et les haras sont assez communs pour être considérés comme gibier.— Oa compte à la Guyane une quinzaine d'espèces de colibris ou oiseaux-mouches. — Le toucan est un oiseau remarquable qui a le bec gros comme le reste du corps.— Les cotes sont très poissonneuses. Parmi les poissons à écailles, ou remarque les mulets et les gros-yeux. Ces derniers, dont les plus gros pèsent a peine six onces, doivent leur nom à leur conformation particulière. Ils nagent par bandes nombreuses et tellement à la surface de l'eau, que leurs yeux saillants d'un demi-ponce se montrent tout-à-fait en dehors. On les tue soit à coups de fusil, avec de la cendrée, soit avec des flèches à quatre ou cinq branches, uniquement destinées à cet usage, et qui en percent plusieurs à la fois. — Les poissons de grande dimension sont : le marteau, le requin , l'espadon et le m choiran ; ec dernier , ennemi de l'espadon , a sur le dos un plastron armé d'un piquant de la grosseur du doigt et long de plusieurs pouces. — Parmi les raies, qui sont nombreuses et des grandes espèces , on en remarque une qui est vivipare, et une autre que ses énormes dimensions et doux cornes dont elle est armée ont fait surnommer la raie-diable. il y a des raies-diables qui pèsent jusqu'à 10,000 livres; ec poisson monstrueux est un des ennemis acharnés de la baleine. — On pèche du coté de Sinamary de grandes tortues de mer, du poids de 250 à 300 livres ; leur chair est excellente , mais leur écaille n'a aucune valeur. — Les palétuviers baignés par les eaux de la mer, présentent une grande quantité de petites huîtres attachées à leurs branch s. — Les crabes et différentes espèces de crustacés sont nombreux sur divers points. — On trouve, dans les étangs des terres basses, des anguilles grosses et courtes, qui ont des propriétés électriques^ analogues a celles de la torpille; on les nomme anguilles tremblantes ou «tes savanes. — Les rivières ne sont fins moins poissonneuses que les cotes de l'Océan. Il y en a où les caïmans (crocodiles américain») sont si nombreux, que d'après M. de Galard-Terraube, auteur du Tableau de Cayenne, la surface de l'eau eu paraît quelquefois couverte comme de bois flotté. — On distingue parmi les reptiles, le serpent à sonnettes qui vit dans les quartiers reculés des hautes terres , et un énorme serpent assez grand pour dévorer de jeunes faons, et que les habitants nomment couleuvre. Ces serpents atteignent quelquefois une longueur de 30 à >5 pieds. On rencontre également dans les forêts (les iguanes de très grande proportion. — Les insectes incommodes et nuisibles sont les mêmes qu'aux Antilles. La chique n'y est pas moins redoutable pour les nègres. — On y remarque aussi la mouche carton ère, qui suspend aux branches des arbres une espèce de nid fabriqué avec une substance imperméable, et divisé en étages garnis d'alvéoles comme une ruche; et une fourmi qui, avec les débris des feuilles, compose une substance spongieuse connue dans le pays sous le nom de nid de fourmi, et plus efficace que l'agaric pour arrêter les hémorrhagies. RÈGNE VÉGÉTAL. — Les forêts renferment jusqu'à 259 espèces d'arbres utiles à exploiter. — En parlant de l'agriculture , nous mentionnons les productions végétales qui peuvent être classées parmi les cultures coloniales.—La Guiane offre en outre un grand nombre de plantes qui ont des propriétés médicinales. — On y trouve le copayer , qui produit le baume de copahu ; le caout-chouc, qui donne la gomme élastique; le quiamadou, dont les graiues fournissent une cire propre aux mêmes usages que celle des abeilles; le baobab, le sagoutier et des palmistes de différentes espèces. — On y cultive avec succès les fruits d'Amérique et Ceux de l'Inde asiatique. Le manguier, le mangoustan et le rima (arbre a pain) y ont prospéré. Le climat paraît moins favorable aux végétaux européens. On y trouve des orangers, des grenadiers , des melons, et la plupart des plantes potagères de nos jardins; mais on n'a jamais pu y naturaliser le chou - fleur et la pomme de terre. Le chon ordinaire n'y pomme pas, et la racine de l'ognon n'y produit pas cette tête dont on fait usage comme aliment. RÈGNE MINÉRAL. — Les richesses minérales de la Guyane française n'ont point été explorées. On suppose qu'il existe des mines d'argent et d'or dans l'intérieur. On trouve dans les terrains de la savane sur laquelle la partie nouvelle de Cayenne est aujourd'hui bâtie, des particules ferrugineuses attirables par l'aimant,

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Les collines voisines des basses terres sont composées, soit de craie, soit d'argile vitrifiée. — Ou n'y rencontre aucune trace de formation calcaire. HISTOIRE.

Christophe Colomb découvrit en 1408 la partie du continent américain qui forme aujourd'hui la Guyane française ; Améric Vespuce n'aborda vers l'Orénoque que l'année suivante. Ce pays était habité par des Indiens de race caraïbe. — Dans le xvie siècle, le bruit répandu en Europe qu'au centre de la Guyane existait une ville d'El - Dorado, où la famille des lu cas avait trouvé refuge avec tous ses trésors, attira en Amérique une foule d'aventuriers qui y firent vainement la recherche de cette quelques Français s'établirent dans cité imaginaire. — En l'île de Gayennc. Cette colonie naissante servit de refuge à leurs compatriotes protestants, chassés du Brésil portugais. En 1624, des marchands de Rouen s'associèrent pour créer un établissement à Sinamary. — Une autre colonie se fixa en 16 56 sur la rivière de Cananama.— Peu de temps après, fut fondée la première compagnie de la Guyane, qui n'eut pas de succès, et fut obligée de se dissoudre. — En 1640, des Français s'établirent à Surinam ; mais, inhabiles à dessécher le pays, ils en furent bientôt chassés par 1 insalubrité des marécages. — lin 1643, une nouvelle compagnie formée à Rouen envoya à Cayeonc un chef, Poucet de Bretigni, d un caractère follcinoul cruel. Les colons exaspérés par ses mauvais traitements, abandonnèrent la colonie et se réfugièrent dans les forêts de la Guyane Ponect, en cherchant à les y poursuivre, fut tué et dévoré par les Caraïbes. —En 1652, et •sons les auspices du gouvernement royal, une colonisation sur un plan vaste fut tentée. Douze personnages qui prenaient le titre de seigneurs de la colonie amenèrent a Cayenne une première expédition de 600 familles-; en route, ils avaient poignardé celui qu'ils nommaient leur général; à peine débarqués , ils se firent la guerre entre eux. Les Indiens, depuis long-temps irrites des violences des Français, profitèrent de leurs dissensions pour les expulser du pays. — Uu Hollandais, Guérin Spranger, offrit des présents aux Indiens, et, de leur consentement, s'empara alors du territoire de la colonie. Après l'avoir défriché, à l'instar de Surinam, il y éleva des sucreries et y cultiva avec succès le coton , le rocou et l'indigo. Son établissement prospéra. — C'était l'époque où Colbert créait la grande compagnie de la France équinoxinle. Une expédition nombreuse et des forces respectables furent, en 1664, envoyées à la Guyane française; Sprangor se vit contraint de la restituer par capitulation.—La colonie continua à prospérer; mais en 1667 les Anglais l'attaquèrent, la prirent et la pillèrent. — Elle commençait a réparer ses pertes, Iorsqu'en 1672 les Hollandais s en emparèrent de nouveau. — L'amiral d'Estrées la leur reprit en 1674. La Guyane fut alors enlevée au régime dos compagnies commerciales, et, comme toutes les autres colonies franco-américaines, réunie an domaine royal. Elle végéta pendant un siècle, sans que le gouvernement songeât à tirer parti des ressources qu'elle présente. Le premier essai tenté à» Kourou , en 1763, ne fut pas heureux : l'expédition avait été-préparée à grands frais, et sur une grande échelle; mais l'imprévoyance du gouverneur amena un épouvantable désastre. 12,090 hommes débarques sur une plage déserte, où ri - n n'avait été préparé pour les recevoir, y périrent de misère et de faim. Une nouvelle entreprise, commencée à Tonuégrandc, en 1768, sur une moindre échelle, n'eut pas un résultat plus satisfaisant. I a colonie eut une époque d'espérance et de prospérité, en 1774, sous l'administration de Malouet, qui apprit aux colons à cultiver les terres basses , et y mit à exécutiou la méthode de dessèchement usitée à Surinam. — Des plantes à épiées, de nouvelles et riches cultures furent introduites à la Guyane, par ses soins et par ceux de l'illustre Poivre, en 1772, en 1783 et en 1788. — C'est aux importations de cette époque que la colonie actuelle doit ses plus,important»produits — La Révolution arrêta subitement cette prospérité. Le gouvernement républicain choisit la Guyane pour un lieu de déportation, et envoya à Sinamary les proscrits du 18 fructidor. — Cette mesure politique qui livra aux discussions des partis les éléments divers et souvent contradictoires recueillis jusqu'alors sur la Guyane, est la principale cause de la défaveur qui pèse encore sur cette contrée, et de l'opinion qui s'est formée sur l'insalubrité du climat, sans distinc* tion do lieu ni d'exposition. — En réveillant les souvenirs de l'expédition de Kourou, l'envoi dos déportés à Sinamary a fait attribuer exclusivement à la nature même du pays, des désastres qui avaient pour cause première l'incurie de l'administration coloniale.— Lors de la division territoriale de 1790, la Guyane forma un département. — Sons le gouvernement de Victor Hugues, de 1800 à 1809, la colonie fut enrichie par les prises des corsaires armés a Cayenne. Mais cette richesse momentanée dura peu, it nuisit à sa prospérité future, en éloignant les habitants de la culture des terres. — lin 1809, la Guyane fut attaquée par les l'or, tugais, qui s'en emparèrent par capitulation. Mlle fut rendue à la France en 1814; mais les événements de 1815 empêchèrent qu'on en reprit possession avant 1817.—Celle colonie a depuis lors, et à


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diverses reprises, attiré la sollicitude du gouvernement. Plusieurs projets y relatifs ont été présentés et débattus. L'établissement de la colonie agricole de La Mann , où sont fixées quelques familles du Jura, a été l'objet de vives attaques, et parait néanmoins avoir réussi. La Guyane est aujourd'hui dans un état de prospérité qui doit augmenter progressivement. INDIENS DE LA GUYANE.

étouffé ; l'Indien l'attache à sa ceinture et ne regagne la terre que lorsqu'il trouve sa chasse suffisante. — L'industrie de ces Indiens est d'ailleurs très bornée : ils fabriquent des arcs et des flèches , des hamacs en tresse de coton, des nattes en joncs et en écorces, des paniers très délicatement travaillés, et une poterie légère d'excellente qualité et qui résiste parfaitement au feu. Leurs antres vases et ustensiles sont formés de calebasses creusées et ornées de divers dessins. — Leur indifférence pour toutes les productions des habitants civilisés de la colonie ne s etend pas jusqu'au tafia. — Les Indiens aiment passionnément les boissons spiritueuses. Quand ils ne peuvent s'en procurer ils s enivrent avec des boissons fermentées de leur composition et dont la plus répandue est le Wicou, liqueur détestable qui a pour base le jus vénéneux du manioc. — Ils aiment beaucoup les danses et la musique. — Parmi les jeux que les premiers Européens trouvèrent établis parmi eux, un des plus singuliers était celui du ballon; ils y jouaient avec le pied, réunis plusieurs joueurs contre un seul qui conservait la faculté de se servir de ses mains. — L'exercice de lu natation est un de leurs amusements favoris. — Ils y sont fort habiles. — Us sont également bons navigateurs , et savent diriger avec adresse leurs pirogues et leurs radeaux. — Ils traitent leurs femmes avec peu de considération , néanmoins ils en sont très jaloux. Cette jalousie est même la seule passion capable de les faire sortir de leur caractère habituellement pacifique. — Le désir de vendre quelques objets, provenant de leur chasse ou de leur industrie et d'eu employer le produit à de petites emplettes, les conduit souvent «à Cayenne, avec leurs femmes et leurs enfants, ils y viennent et ils y sont reçus sans défiance. En dehors de la porte de la ville, du côté de la rivière, se trouve un hangar qui leur sert en quelque façon de caravansérail et où en arrivant ils suspendent leurs hamacs. — C'est là que ceux qui ne sont pas à portée de voir leurs villages ou carbets peuvent observer leurs mœurs et leurs habitudes, car ils souffrent volontiers qu'on viennent visiter leur petit établissement et ne se dérangent pour personne. Il y en a qui parlent un français corrompu et avec lesquels on peut causer. Ils tutoient toujours et donnent à tout le monde le titre de banari qu'on leur rend et qui en langue indienne veut dire : «Mon ami.» — Pendant la journée, tout se passe ordinairement fort bien; mais vers le soir, le tafia brouille les têtes, et il n'est pas rare de voir des menaces, des querelles, et même des batailles entre eux. Quand la rixe devient trop sérieuse, un caporal et deux ou trois fusiliers viennent prendre les plus ardents, et les conduisent en prison ; on les relâche dès le soir même, ou au plus tard le lendemain , et cette petite punition correctionnelle ne nuit en rien à la bonne harmonie. Il est sans exemple qu'en pareil cas ils aient jamais essayé d'opposer de la résistance, tant 1s sont naturellement pusillanimes, et tant est grand leur respect pour la supériorité des blancs.

Les Indiens de la Guyane forment un grand nombre de petites tribus nomades distinguées par des noms différents ( Approuagues, Galibis, Emerillons , Oyampis , Acoquas , Noragouès , etc. ) et qui, suivant les besoins de leur chasse ou de leur pèche, errent dans ces vastes contrées encore si peu explorées par les Européens. Ils ont tous les caractères physiques de la race caraïbe*; mais ils sont doux , lents et même apathiques. — Ce naturel pacifique a garanti leur existence Ne donnant point d'inquiétudes aux premiers colons, ils ont été bien traités par eux, et leur indépendance a môme été respectée, tandis que la race guerrière des Caraïbes a disparu dans ses guerres contre les Européens. La peau des Indiens de la Guyane est d'un rouge cuivré; ils donnent un nouveau lustre à cette couleur naturelle en se bar. bouillant de rocou. Cette peinture qui, malgré son odeur désagréable, est pour eux une mode et un ornement, a l'avantage de les mettre à l'abri des insectes. — Leur taille est médiocre, leur figure insignifiante, leur complexion peu nerveuse. — Ils ont de l'embonpoint et des formes arrondies comme celles des femmes. — Leurs cheveux sont longs et noirs, très rudes au toucher. Us les portent ou flottants sur leurs épaules, ou attachés en forme de queue avec nue ficelle. — Leur costume diffère peu de la nudité absolue. Quand ils visitent Caycune, les hommes revêtent une longue chemise de toile grossière et mettent quelquefois une culotte. Les femmes, dont le cou et les bras sont ornés de bracelets eu verroteries, et dont les jambes sont comprimées audessus et au-dessous du mollet, par des bandelettes d'étoffe rouge, portent un court jupon. Ailleurs, les deux sexes n'ont d autre vêtement qu'un petit tablier en forme de trapèze orné de grains de verre, large en haut de cinq pouces , en bas de dix pouces et de dix pouces de longueur. — Les chefs de quelques peuplades éloignées de la côte ont un costume d'apparat composé de manteaux de plumes ou de fourrures et de bonnets en plumes d'une grande beauté. — Sous Louis XV, on avait donné aux chefs des Indiens voisins des établissements français, un costume uniforme qui consistait en un habit bleu galonné en or, une canne à pomme d'argent et une médaille d'argent à l'effigie royale, qu'ils portaient suspendue sur la poitrine. Ces distinctious extérieures ne parurent pas exalter beaucoup leur vanité Ils se promenaient gravement à Cayenne dans leur magnifique vêtement, avec une culotte de toile, les pieds et les jambes nues. — L'autorité de ces chefs est d'ailleurs extrêmement bornée. Elle n'est pas plus grande que celle des maires de villages. Ils n'ont VARIÉTÉS. de commandement qu'a la guerre, qui se décide en conseil comLE CENTENAIRE DE LA GUYANE. — « En visitant la colonie, dit mun. — Les armes des Indiens sont le bouton ou casse-tête, l'arc Malouet, je trouvai, à six lieues du poste d'Oyapock, sur un et les flèches. Leurs flèches sont communément armées des pi- îlot, placé au milieu du fleuve qui forme la une magnifique casbarbelés quants de la raie vivipare ou du dard aigu du machoi- cade, uu soldat de Louis XIV, qui, blessé à la bataille de Malran ; quelques-unes sont empoisonnées. — Les flèches leurs serplaquet, avait obtenu alors les invalides. — Lorsque je le vis, il vent à chasser et a pécher, à tuer les oiseaux dans les airs et le ;avait 110 ans, et vivait depuis 40 ans dans ce désert. U était poisson au fond des eaux. — Pour atteindre l'iguane qui vit sur aveugle et nu , assez adroit, très ridé ; la décrépitude était sur sa la cime des arbres les plus élevés, ils se servent de flèches dont figure, mais point dans ses mouvements ; sa démarche , le son l'extrémité, au lieu d'avoir une pointe acérée qui resterait fixée sur fde sa voix, étaient d'un homme robuste ; une longue barbe l'arbre avec l'animal, est garnie d'un épi de maïs. Lancées avec blanche 1 le couvrait jusqu'à la ceinture. Deux vieilles négresses vigueur, elles assomment l'iguane et le font tomber à terre. — <composaient sa société , et le nourrissaient du produit de leur Les Indiens sont naturellement paresseux. — Leurs travaux se jpêche et d'un petit jardin qu'elles cultivaient sur les bords du bornent à la culture de quelques pieds de rocou et de quelques fleuve. f C'est tout ce qui lui restait d'une plantation assez consicarrés d'ignames et de manioc dont ils se nourrissent. — Quand dérable et de plusieurs esclaves qui l'avaient successivement ( leur nourriture du jour est assurée, ils se couchent dans leurs abandonné. — Les gens qui l'accompagnaient l'avaient prévenu a hamacs et s'y endorment au son d'une flûte grossière faite avec de ma visite qui le rendit très heureux; car il m'était facile de une tige de bambou. — Ils ne sortent de leur engourdissement pourvoir j à ce que ce bon vieillard ne manquât plus de rien , et que lorsque la faim les oblige à aller à la chasse ou a la pêche. — terminât t dans une sorte d'aisance sa longue carrière. U y avait La nature qui ne les a pas gratifiés d'une intelligence bien vive, leur vingt-cinq \ ans qu'il n'avait mangé de pain ni bu de vin. Il a donné par compensation des sens d'une perfection rare. — Leur éprouva é une sensation délicieuse du bon repas que je lui fis faire. agilité et leur adresse sont extrêmes. — Une flèche lancée par Il I me parla delà perruque noire de Louis XIV, qu'il appelait un un Indien manque rarement le but vers lequel elle a été dirigée. - beau b et grand prince ; de l'air martial du maréchal de Villars, de la Dans leurs chasses ils se servent avec un égal succès de la vue, contenance c modeste du maréchal de Catinat, de la bonté de de 1 ouie et de l'odorat. Ils connaissent toutes les ruses des aui- Fénelon f , à la porte duquel il avait été en sentinelle à Cambrai. maux, et ils en ont eux-mêmes de très curieuses.— Ainsi, pour Il I était venu a Caycnnc, en 1730; il avait été économe chez les atteindre les oiseaux aquatiques qui habitent hors de la portée ji jésuites, qui étaient alors les seuls propriétaires opulents , et il de ses flèches, dans des étangs trop découverts pour qu'il puisse était lui-même un homme aisé lorsqu'il s'établit à Oyapock. — Je é s'en approcher sans être vu, l'Indien se cache la tête dans une passai p deux heures dans sa cabane, étonné , attendri du spectacle vide ou des trous sont pratiqués pour voir et pour res- de courge d cette ruine vivante; la pitié, le respect, imposaient à ma pirer, et après en avoir couvert le sommet de quelques graines ccuriosité : je n'étais affecte (pic de cette prolongation des misères servir d'appât, il s'enfonce dans l'eau de manière à ce d propres à de la vie humaine , dans l'abandon , la solitude et la privation que son corps étant tout-a-fait caché, la courge ait l'air de d de tous les secours de la société. Je voulus le faire transporter au surface; il s avance ainsi lentement vers les oiseaux fort; flotter à la fi il s'y refusa. Il me dit que le bruit des eaux, dans leur qu'il veut prendre, des qu' un d'eux est a sa portée, il le saisit près- cl chute, était pour lui une jouissance, et l'abondance de la pêclis tement et l'entraîne au fond de l'eau ; l'oiseau pris est aussitôt uuuc ressource ; que puisque je lui assurais une ration de pain ,


FRANCE PITTORESQUE. - GUYANE FRANÇAISE. dé vin et de viande salée, il n'avait plus rien à désirer. — Il ni avait reçu d'abord avec de grandes démonstrations de joie ; mais lorsque je fus près de le quitter, son visage vénérable se couvrit de larmes. Il me retint par mon habit ; et prenant ce ton de dignité qui sied si bien à la vieillesse, s'apercevant, malgré sa cécité, de ma grande émotion , il me dit : « attendez » ; puis il se mit à genoux, pria Dieu, et m'imposant ses mains sur la tête, me donna sa bénédiction. » DIVISION. — VILLES, BOURGS, ETC. La Guyane française est divisée en 14 quartiers ou communes, qui sont : — Çayenne ; — île de Cayenne; — Canal ; Tourde-l'ile; — Tonnégrande; — Mont-Siméry ; — Roura ; — La Comté; Maconria ; — Kourou; — Sinamary; — Iracoubo ; — Oyapock; — Approuague; — et Kaw ou Kaou. CAYENNE , dans L' île de ce nom (1), sur la rive droite et à l'embouchure de. la Cayenne, dans l'océan Atlantique, par le 4° 57 de latitude nord, et les 54° 87' de longitude ouest. Pop. environ 8,000 hab. — Cette ville, chef-lieu de la Guyane française , est le siège du gouvernement colonial. Elle a été fondée en 1685, et se divise en ville ancienne et ville nouvelle. L'ancienne ville est petite, mal bâtie et dominée par un fort où sont des casernes pour la garnison et des citernes, et qui, avec plusieurs batteries basses, défend l'entrée du port. — On ne trouve, dans la vieille ville, d'autres édifices remarquables que l'hôtel du gouvernement et la ci-devant maison des jésuites, qui occupent les deux faces opposées de la place d'armes. Cette place est vaste, bien aérée et plantée d'énormes orangers dont les fleurs par fument l'air et qui servent de retraite à de nombreux colibris. Elle sépare l'ancienne ville de la nouvelle. Celle-ci, plus considérable que l'ancienne, est de fondation toute moderne; elle date de la fin du siècle dernier. — Les rues en sont larges, propres, tirées au cordeau, et se coupant à angles droits. La plupart sont pavées ; on y remarque une belle église, plusieurs maisons particulières bien bâties, et de vastes magasins. — Cayenne est le centre du commerce de toute la colonie. sa position, à l'entrée d'un fleuve, est heureuse, son port est excellent et pourrait contenir un grand nombre de vaisseaux, mais il a peu de profondeur et n'admet que des bâtiments de commerce. Il manque de quais commodes. Le débarcadère est une espèce de pont qui s'avance dans la mer. Il existe, près de Cayenne, un jardin botanique et de naturalisation. APPROUAGUE , sur la rivière de ce nom, à 20 lieues S.-E. de Cayenne, est une des principales bourgades de la colonie. Pendant la révolution , elle posséda un tribunal correctionnel. Elle a été bâtie sur l' emplacement d'un ancien village indien qui était le chef-lieu de la nation assez nombreuse des Approuagues , ennemis des Caraïbes , et qui a été presque entièrement détruite dans ses guerres avec ces peuples féroces. OYAPOCK. — Ce bourg, situé dans la rivière de ce nom , à 4 lieues de son embouchure, et à 31 1. S.-E. de Cayenne, renferme des maisons bien construites, de vastes magasins et une église. — L'embouchure de l'Oyapock forme une baie abritée qui offre tin mouillage sur à plusieurs centaines de bâtiments ; c'est là que les navires qui tirent plus de 10 à 11 pieds d'eau, doivent attendre l'époque des grandes marées pour aller à Cayenne. KOUROU. — Ce bourg, à 13 1. N.-O. de Cayenne, fut construit en 1665. Ses rues sont tirées au cordeau et aboutissent à une place centrale. Ou y trouve une église et quelques maisons bien bâties. Il a été fortifié, et on voit encore, à l'entour, les traces de ses fossés, de ses palissades et de ses petits bastions. 11 est situé à une lieue de l'embouchure de la rivière qui porte son nom , et près de laquelle existent quelques rochers plats , où , pendant les grandes chaleurs, la mer forme des salines naturelles. SINAMARY.— Sur la rivière de ce nom, «à 27 l.'N.O de Cayenne, est un bourg peu important, quoique, pendant la révolution , il ait été le chef-lieu d'un tribunal correctionnel. Il doit sa célébrité au triste honneur qu'il a eu de servir de lieu de déportation pour les proscrits du 18 fructidor. GOUVERNEMENT, ADMINISTRATION, ETC. GOUVERNEMENT. — La Guyane française est actuellement gouvernée par un commissaire général de la marine. CONSEIL PRIVÉ. — Le gouverneur, l'ordonnateur, le directeur de l'intérieur, le procureur général, deux conseillers coloniaux, l' inspecteur colonial et un secrétaire archiviste composent ce conseil. ADMINISTRATION.—Il y a à la Guyane : 1 commissaire de marine classe, ordonnateur ;— 1 sous-commissaire de marine de 1 declasse, inspecteur colonial ; — 1 sous-commissaire de mariuc; - 1 trésorier de la marine. — Un capitaine de port est chargé du service du port de Cayenne. DIRECTION DE L'INTÉRIEUR. — Outre le directeur, ce service (1) Lo nom donne à cette île tants, était Muccumbro. T. m.—40.

le* Indien», ses anciens habi-

313 re

comprend : — 1 ingénieur ordinaire de l classe, 2 receveurs de l'enregistrement, dont l'un est conservateur des hypothèques, et 1 directeur des douanes. JUSTICE. — Il y a à Cayenne, chef-lieu de la Guyane française: —uue cour royale, formée de 5 conseillers (dont un président), de 2 conseillers auditeurs, d'un procureur général et d'un greffier; — et un tribunal de première instance, composé d'un juge royal, d'un lieutenant juge , de 2 juges auditeurs , d'un procureur du roi et d'un greffier. — II existe en outre à la Guyane 2 tribunaux de paix (à Cayenne et à Sinamary). CULTE. — Le culte catholique est le seul exercé à la Guyane française. — La direction du service spirituel est confiée à un préfet apostolique revêtu de pouvoirs épiscopaux. HOPITAUX. — SERVICE DE SANTÉ, ETC. — Outre l'hôpital de la marine, il existe à Cayenne 1 hospice de charité. — Un officier de santé de lre classe est chargé du service de santé. INSTRUCTION PUBLIQUE. — La Guyane française ne renferme que 2 écoles. GARNISON ET MILICES. Un détachement de la 7e compagnie d'artillerie de marine et un demi-bataillon du 1er régiment d'infanterie de la marine, sont les seules forces militaires chargées de la défense de cette vaste colonie. — La Guyane, ou plutôt Cayenne, a sa milice ou garde nationale; mais elle est peu nombreuse. POPULATION. Elle était au 1er janvier 1882, de: Populat. libre. Hommes, 1,873 ; femmes , 1,887; totaL 3,760 Populat.esclave. Hommes, 10,218; femmes, 8,889; total. 19,102 Total général

22,862

Le mouvement de la population libre avait été en 1831 : 99 naissances. — 124 décès. La population générale était ainsi répartie : Pilles et bourgs: 5,576 habitants, dont 8,399 esclaves. Habitations rurales : 17,286 — — 15,703 On évalué le nombre des naturels de la Guyane française, non encore parfaitement explorée, à 20,000 Indiens. AFFRANCHISSEMENTS — De décembre 1880 à novembre 1883 , Le nombre des affranchissements a été de. 243 (Dont 141 patronés et 102 esclaves.) Et celui des déclarations de liberté de 371 Total

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RÉGIME POLITIQUE. D'après les lois rendues en 1833, tous les individus nés libres 011 ayant acquis légalement la liberté (blancs , mulâtres ou nègres), jouissent des droits civils et politiques. — La Guyane française a une assemblée représentative , qu'on nomme conseil colonial, et qui se compose de 16 membres élus par les collèges électoraux. . Es* Recteur de droit, tout Français âgé de 25 ans, né ou domicilié à la Guyane, et payant 200 francs de contributions directes, ou y possédant des propriétés d'une valeur de 20,000 francs. — Tout électeur âgé de 30 ans, payant 400 francs de contributions directes, ou possédant des propriétés d'une valeur de 40,000 fr., est eligible.—La Guyane française est divisée en 6 arrondissements électoraux, qui nomment : Le 1er, Cayenne 3 députés. Le 2e, Ile de Cayenne , Canal et Tour- dc-l'fle .... 5 Le 3e, Tonnégrande et Mont-Siracry 2 e Le 4 , Roura , La Comté 1 Le 5e, Macouria, Kourou, Sinamary et lracoubo. . . 2 e Le 6 , Oyapock, Approuague et Kaw 8 Le conseil colonial nomme un délégué de la colonie près le gouvernement français ; ce délégué réside à Paris. RECETTES ET DÉPENSES. En 1831, et par ordonnance royale, les dépenses du service colonial de la Guyane franç. avaient été fixées pour 1832, à 713,800 f. 1 Il devait être pourvu â ces dépenses avec les recettes provenant des droits et autres revenus locaux. 188 800 Et au moyen d'une allocation de.. . 525 000

Total

713,800 f.

Nous ne connaissons pas le décret colonial qui a dû fixer les dépenses du service intérieur de la colonie pour 1884 • mais il résulte de celui portant fixation du budget des recettes locales pour 1834, que les rotes et moyens de la colonie peuvent être évalués pour l'année, a 213 250 f. Les recettes se composent du produit des contributions directes et indirectes , dont le taux a été fixé par le conseil colonial. Les contribution! directes sont : la capitation des esclaves autres


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FRANCE PITTORESQUE. - GUYANE FRANÇAISE.

que ceux de culture ; — les droits de sortie sur le sucre, le café, le coton, le gérofle, le tafia et la mélasse en remplacement de la capitation des esclaves de culture ; — le droit sur les maisons; — les patentes. Les contributions indirectes comprennent: — les droits d'enregistrement et d'hypothèques ; — ceux sur les ventes publiques ; — ceux de greffe , de pilotage , de lazaret, d'abattoir ; enfin ceux sur le débit des poudres; — et les taxes sur les boulangeries et cabarets ; — sur les permis de colportage ; — sur les ports d'armes et passeports. AGRICULTURE. Les cultures de la Guyane sont les mêmes que celles des Antilles. — Le rocou seul y forme une branche de l'industrie agricole particulière au pays. Cette plante tinctoriale est indigène au pays, ainsi que le coton , le cacao et la vanille. — Les premiers Européens qui abordèrent à la Guyane,, y trouvèrent les naturels barbouillés de rocou. — On trouve, dans les forêts des terres hautes, de la vanille sauvage qui, pour le parfum, ne diffère en rien de la vanille cultivée; et des cacaotiers dont les fruits sont de bonne qualité, mais plus amers que ceux produits par la culture. — La canne à sucre a été introduite par les premiers colons. En 1788, on comptait déjà seize sucreries à la Guyane. La culture de la canne a pris une grande extension depuis 1822. L'exportation du sucre qui, en 1820, n' avait pas atteint 350,000 kilogrammes, s'est élevée, en 1833,pour la France seulement, à 1,684,929 hilo. — L'habitation royale de Tilsit, est une sucrerie. — Le café a été apporté de Surinam , en 1716; mais sa culture n'a commencé à prendre du développement qu'eu 1820. Il en arrive encore très peu en France (17,062 kil. en 1833). Ce calé, quoique d'un grain large et plat, paraît être celui qui, par sa qualité , se rapproche le plus des cafés Bourbon et Moka. —- L'introduction des arbres à epices a commencé en 1772. On cultive peu la cannelle et la muscade. La culture du poivre a pris tout récemment une grande extension. La colonie en a déjà exporté pour la France, en 1888, 18,587 kilo. — Le géroflier a parfaitement prospéré. Il fut cultivé d'abord dans les montagnes du quartier du Roura, sur l'habitation royale de la Gabrielle, qui en possède plus de 20,000 pieds. — Aujourd'hui tous les habitants plantent du gérofle. — Le géroflier paraît se plaire à la Guyane autant que dans les lieux dont il est originaire. C'est un arbre d'une grande élévation, et d'un bel aspect. Une plantation, en quinconces , de gérofliers offre un coup d'œil imposant ; mais la récolte de clous est, à cause de la hauteur des arbres , difficile et même périlleuse. Les nègres qui, perchés sur de longues échelles, en font la cueillette avec la main, sont exposés a de nombreux accidents. — Eu 1820, une expédition envoyée aux îles Philippines, ramena, à Cayenne, quelques travailleurs chinois et quelques plants de l'arbre à thé. Pendant long-temps, la culturc du thé ne prit aucun développement. Il paraît qu'elle commence à prospérer et à s'étendre. Caycnnc a envoyé en France, en 1833 , 442 kilog. de thé d'une bonne qualité. La colonie possède environ : 150 chevaux; 800 mulets; 250 ânes; 7,000 bêtes à cornes (race bovine) ; et 4,000 moutons et cabris. On peut évaluer à 240,000 hectares la quantité des terres basses qui, au moyen de canaux de dessèchement, sont susceptibles d'être mises en valeur. — Environ 20,000 hectares seulement sont maintenant en culture. — Pour avoir une idée du parti qu'on pourrait tirer de la Guyane, il suffit de savoir que le grand carré des colonies (8,402 toises carrées , l'hectare en contient 2,682 ) fournit, au minimum, suivant la culture à laquelle il est affecté : 3,000 kil. de sucre; 1,000 de café; 750 d'indigo; 500 de coton. Le nombre des travailleurs qu'exige chaque espèce de culture, est : en cannes à sucre, de 8 pour 1 carrés (1); en caféiers, de 1 pour 1 carré; en indigotiers, do 2 pour 1 carré; et en cotonniers, de 1 pour 2 carrés. Les terres hautes delà Guyane renferment des forêts dont l'exploitation pourrait devenir avantageuse. On commence à s'en occuper. Déjà en 1883 , il a été exporté pour la France 105,035 kil. de bois précieux pour l'ébénisterie. (1) D'après l'enquête faite en 1828 sur les sucres, on considérait le travail d'un noir comme pouvant produire annuellement : à Cayenne. . . . 1,650 kilog. de sucre brut, — à la-Guadeloupe. 1,676 — a Bourbon. . . . 1,650 —- de sucre mi-terré. L état des importations, en 1831, réduit considérablement cette évaluation. Le rendement annuel d'un noir en sucre n'est: a la Guadeloupe, que do 922 kilog. sucre brut. à la Martinique. .... 1,048 a Bourbon. ....... 1,530 — sucre mi-terré. La Statistique de la Havane, par Ramon de la Sagra, le porte pour cette île a 1,682 kil. sucre terré (1,200 kil. brut équivalent à 1,000 terré) ; et d'après des renseignements particuliers, recueillis pur M. de Mtontvcran, A serait à Surinam de 2.222 sucre brut.

Les habitations royales de Tilsit et de la Gabrielle, dont nous avons parlé plus liant, sont des établissements de culture et de naturalisation , qui servent de type et de modèle aux habitations particulières : on y essaie les nouveaux procédés de culture et de fabrication. Elles renferment des pépinières de végétaux d'Afrique , d'Asie et même d'Europe, dont l'introduction peut être utile à la colonie. Nous ignorons quel peut être leur produit actuel. En 1819, la vente seule du gérofle récolté à la Gabrielle, a procuré au trésor une rentrée d'environ 250,000 francs. COMMERCE. En 1831, la valeur des importations dans la colonie a été de: Denrées et marchandises françaises. Venant de France 962,927 f. 52 c. 948,745f. 02 c. | 62,8271. 52 c. 19,082 50 1 Ven. des col. et pêcher. fr. Denrées et marchandises étrangères. Par navires français. ... 111,907 80 | 752,273 Par navires étrangers.. . . ) ' 640,865 47 Total des importations. . . 1,715,100

27 79

Dans la même année, la valeur des exportations a été de: Denrées et marchandises de la colonie. Pour la France 1,480,504 10 | 1 , 633, 294 95 Pour l'étranger 152,790 85 | 1,633,294 95 Denrées et marchandises réexportées 76,547 05 Total des exportations. . 4

1,709,842

»

L'excédant de l'importât, sur l'export., a été de

5,258

79

La balance du commerce avec la métropole est, au profit de la colonie, de :

536,759

08

Les exportations de 1831 se composent des articles suivants : Sucre, mélassey rum, tafia, sirops , etc., pour. 941,798f. 82 c. Grofle et gériffes de gérofle, pour 160,231 )) Coton, pour. . 287,949 18 Rocou, pour 96,036 50 Café, cacao, cannelle, vanille, muscade, poivre, piment,indigo, bois d'ebénist. et construction. 147,284 45 Total des exportations

1,683,294 f. 95 c.

Parmi les articles d'importations de la même année, on remarquait : les chevaux et les bestiaux ; les viandes salées et fumées; le beurre salé, le saindoux , les fromages, les chandelles ; les peaux ouvrées; la morue et le bacaliau (merluche); le biscuit, la farine de froment, le tapioca, les légumes secs; les vins, liqueurs, vinaigres et eaux-de-vie ; les huiles; les tissus de lin, de laine, de soie et de coton , les habillements confectionnés, les chapeaux de paille; les parapluies; les métaux, la bouille, la coutellerie, les armes de luxe, les machines et les instruments aratoires; la chaux et les briques; les porcelaines, faïences et verreries; les livres et gravures ; la parfumerie ; le sel , le sucre en pains , etc. Ou porte de France à la Guyane la majeure partie des matériaux de construction: chaux, briques, carrés de terre, tuile, etc. Les bois de charpente seuls sont fournis par les forêts du pays. Voici quel a été le mouvement de la navigation : Bâtiments entrés. 37 français, d'ensemble 6,234 tonneaux et portant 387 marins. 18 étrangers, — 2,554 •—• —153 — 55 bâtiments.

8,788 tonneaux.

490 marins.

Bâtiments sortis. 89 français, d'ensemble 6,474 tonneaux et portant 870 marins. 14 étrangers, .— 2,068 — — 115 —. 53 bâtiments.

8,537 tonneaux.

485 marins.

BIBLIOGRAPHIE. Collection de Mémoires et Correspondances officielles sur l'administration des colonies, et notamment sur la Guyane française et hollandaise, par V. P. Malouet ; 5 vol. in-8. Paris, au x. Voyage à ta Guyane et à Cayenne, par L. M. B. in - 8. Paris , an Vf. Tableau de Cayenne ou de la Guyane française ; in-8. Paris, an VII. Mémoire sur la Guyane, inséré à la suite du Mémoire historique et politique sur la Louisiane, par de Vergennes, in-8. Paris, an x. Déportation et naufrage de J.-J. Aymé , ex-législateur, déporté à Cayennes in-8. Paris, an vu. Des colonies , et particulièrement de la Guyane française en 1821 , par P. C. H. de Saint-Amand; in-8. Paris, 1822. Description de la Guyane française, par Leblond ; in-8. Paris, 1824. A, H.


FRANCE PITTORESQUE. — SAINT-PIERRE ET MIQUELON.

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Iles Saint-Pierre et Miquelon. — Terre-Neuve. (Pêcheries Françaises.) HISTOIRE. On croit être certain que vers 1504 , Terre-Neuve et les terres du continent voisin (le Canada et l'Acadie) ont été reconnus par les Basques français et par les marins bretons qui se livraient à la pêche de la baleine. Quelques écrivains ont même prétendu que dès le milieu du xive siècle, avant la découverte des Antilles par Colomb, l'Amérique septentrionale était fréquentée par les Basques qui, dans l'intérêt de leur pêche, tenaient cette découverte secrète. On sait que lorsque Jacques Cartier, qui passe pour avoir découvert le Canada et Terre-Neuve, toucha à cette île , la plupart des caps et des baies portaient déjà des noms français et basques. — La France a long-temps possédé le Canada, elle a eu des établissements fixes à Terre-Neuve, tant à la baie de Plaisance au midi, que dans la partie de l'est et du nord. — En 1713 , par le traité d'Utrecht , elle a été forcée de céder à l'Angleterre (outre l' Acadie), la possession entière de Terre-Neuve, eu se réservant seulement le droit de pêche sur le grand banc qui en dépend , et, pour les sécheries et les établissements temporaires des pêcheries, l'usage d'une certaine étendue de cotes.— Le traité de 1763 , a enlevé, à la France , le Canada , l'île Royale (ou du cap Breton), et l'île Saint-Jean située à l'embouchure du golfe Saint-Laurent. — Il ne lui est resté depuis lors que les îles SaintPierre et Miquelon. — En 1783, le traité de Versailles, a fixé l'étendue des côtes de Terre-Neuve, dont la France a l'usage temporaire4 à la partie située, en remontant par le nord, depuis le cap Saint-Jean jusqu'au cap de Raye. Ce traité a de plus assuré à la France son droit de pèche, qu'elle ne peut excercer, dans le golfe Saint-Laurent, qu'à trois lieues des côtes appartenant à la Grande-Bretagne, et en dehors de ce golfe, qu'à quinze lieues de l'île Royale, et qu'à trente de l'Acadie. DESCRIPTION. L'île Saint-Pierre et les deux îles Miquelon (la Grande et la Petite) forment un groupe situé au sud de Terre-Neuve, à l'embouchure du golfe St-Laureut, par le 47° latit. N., et entre les 68° et 59° longit. O. M. de Paris. Elle sont plates et peu boisées. — Le climat, pareil à celui de l'île de Terre-Neuve, est très sain. D'après le journal météréologique de M. Leroi , capitaine de port, à SaintPierre, sur 761 jours, ou en a compté 288 de très beau temps , 196 de gelée et 191 de brumes. Les vents dominants ont été ceux de l'ouest au nord, qui ont soufflé'pendant 182 jours. — Ou trouve, dans ces îles, quelques-uns des arbres et arbustes fruitiers de France. Les bois renferment des pommiers sauvages, des groseillers à maquereau, des framboisiers et des fraisiers dont les fruits sont très parfumés et très abondants. — On y remarque aussi deux végétaux (le vaccinium hispidulum et le ledum latifolium), avec lequel les habitants fout une boisson chaude qui remplace pour eux le thé; on la nomme thé lucet. Cette boisson , d'un goût agréable, d'un parfum suave, a sur le thé l'avantage de ne point ébranler le système nerveux, quelle que soit la quantité qu'on en prenne; il serait à désirer qu'on essayât d'en introduire l'usage et la culture en France, — Parmi les minéraux, on trouve une substance lamelleuse pareille au talc, et des cristaux d'un éclat métallique jaunâtre, faisant feu sous le briquet, et répandant alors une forte odeur de souffre. — Les côtes des îles Saint-Pierre et Miquelon sont, généralement basses, plates et propres à établir des sécheries ; elles appartiennent au gouvernement, qui en fait concession aux pêcheurs , moyennant certaines conditions. — Ces îles ont été peuplées en grande partie par les colons français chassés de l'Acadie eu 1755. — Les Miquelonais, qui forment environ la moitié de la population sédentaire de la colonie , descendent sans mélange, des anciens Acadiens. Les habitants de Saint-Pierre sont de race acadienne et normande , mêlées. SAINT-PIERRE , situé dans l'île de ce nom , est le chef-lieu du gouvernement ; c'est une petite bourgade où tout annonce l'activité et l'industrie. Ou y trouve des bâtiments publies passables, plusieurs maisons assez bien bâties quoique petites, des magasins vastes, commodes, impénétrables à l'humidité, et où la qualité de la morue qui y a passé un hiver, s'améliore. — Le bourg a malheureusement un parfum de pêche qui eu rend le séjour peu agréable pour un étranger.— Il est à proximité d'une rade ouverte aux bâtiments de toute grandeur, et possède un excellent port ou peuvent mouiller cinquante navires d'un tirant d'eau de douze pieds , et capable de contenir en outre un grand nombre de bâtimonts de moindre grandeur. MIQUELON. — Ce bourg , situé dans la Grande-Miquelon , n offre rien do remarquable. — Ses habitants sont actifs et industrieux, pécheurs habiles, bardis matelots, — Ils possèdent 40 à 50

goélettes pontées, et 250 à 300 embarcations et pirogues, avec lesquelles , aidés des passagers hivernants , ils vont pêcher à l'embouchure du Saint-Laurent et à la côte ouest de Terre-Neuve. Chacune des goélettes fait trois voyages par saison et rapporte environ 2,500 kil. de morue. GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION. Le commandement des îles Saint-Pierre et Miquelon est confié à un officier de marine. — Un sous-commissaire de marine de 2° classe est inspecteur colonial. — Un officier de santé de lre classe est chargé du service de santé. — La police du port et de la côte est confiée à un capitaine du port.—La réunion de ces fonctionnaires et du juge de lre instance forme le conseil de gouvernement et d'ad ministration, dont le commandant des îles est président. ,» JUSTICE. — Il existe -dans la colonie : — 2 tribunaux de paix dont les juges sont en même temps juges de police et officiers de police judiciaire (l'un à Saint-Pierre. — Les fonctions de juges y sout remplies par le notaire de la colonie. — L'autre à Miquelon. Les fonctions de juge sont remplies par le commis de marine chargé du service de cette île). — Un tribunal de Ve instance (à Saint-Pierre), composé d'un seul juge sans ministère public, assisté d'un commis-greffier assermenté. — Un conseil d'appel (à Saint-Pierre) , composé du commandant de la colonie, président, et de deux fonctionnaires. Les fonctions du ministère public y sont remplies par l'inspecteur colonial.— Ce conseil, auquel sont portés les appels du tribunal de première instance, juge en premier et dernier ressort les affaires correctionnelles et criminelles. Dans le cas où il se constitue eu tribunal criminel, il se complète par l'adjonction de quatre notables, choisis sur la liste générale. HYPOTHÈQUES — Il y a à Saint-Pierre un bureau de conservation des hypothèques pour les îles Saint-Pierre et Miquelon. — L'inspecteur colonial remplit les fonctions de conservateur. RECETTES ET DÉPENSES. Les dépenses du service colonial aux îles Saint-Pierre et Miquelon , sont fixées, pour 1834, à 106 300 f. Il doit être pourvu à ces dépenses arec les recettes provenant des droits et autres revenus locaux 1,300 Et au moyen d'une allocation (sur le million affecté au service intérieur des colonies) de 105,000 Total. * . . ; , , 106,800 f. POPULATION. La population de la colonie se compose : Des colons en résidence permanente, dits pécheurs sédentaires , et au nombre (en 1831) de Des pécheurs hivernants (population mobile et renouvelée chaque année)

891 300

Total de la population pendant l'hiver. ... Il faut y joindre les pécheurs qu'on nomme passagers, et qui retournent en France après la pêche.

1,191

Total pendant la saison de la pêche. . . .

1,491

300

Toute la population sédentaire de la colonie (hommes, femmes, vieillards, enfants, à partir de l'âge le plus tendre) se livre aux travaux de la pêche. Sur les 891 habitants dont elle se compose , 591 sont occupés aux travaux de manipulation dout l'exécution a lieu à terre, les 300 autres sont pêcheurs , et vont en mer prendre le poisson. INDUSTRIE ET COMMERCE. Il n'y a d'autre industrie dans la colonie que celle de la fabrication[de la morue: les négociants de la métropole, armateurs des navires qui vont pêcher au banc de Terre-Neuve, sont véritablement les chefs de la fabrique de morue de Saint-Pierre et Miquelon à laquelle ils impriment le mouvement et la vie. La colonie ne possède qu'une très faible somme d'espèces monétaires; la véritable monnaie est la morue. Tous les objets de première nécessité importés de France (biscuits, farine», sels, vins, eaux-de-vie, voiles, cordages, fers, ustensiles de pêche, lainages, chaussures, etc.) sont soldés avec de la morue. Ce sont les avances de ces articles remboursables en morue qui mettent les Miquelonnais en état de gréer leurs goélettes et leurs embarcations de pêche. La morue est même consacrée aux transactions de détail. Une délibération du conseil de gouvernement et d'administration


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FRANCE PITTORESQUE. — TERRE-NEUVE.

porte que le pécheur doit payer, par privilège sur sa part de poche, le marchand qui lui fournit ses habillements de pêche et les substances de sa famille, le boulanger qui cuit son pain, l'habitant qui le loge pendant l'hiver et celui qui a blanchi ses effets pendant l'année. M. de Montveran, dans sa Statistique des colonies européennes, évalue à 6,700,916 fr. la valeur réelle des importations de SaintPierre et Miquelon, il a sans doute compris dans cette somme 1 importance de la morue pêchée sur le grand banc par les navires venus de France. En estimant avec M. Marec, chef du bureau des pêches, les exportation des pêcheries de Saiut-Pierre et Miquelon a 4,000,000 k. de poisson, on trouve que cette quantité représente à 32 fr. 50 c. le quintal métrique (prix moyeu des colonies), une somme de 1,900,000 fr. égale a lu masse des importations évaluées par le même M. Marec, à 1,300,000 fr. dont 1,000,000 fr, pour les importations de France et 300,000 fr. pour les importations en bois et farines tirées d'Amérique.

son attention sur les moyens de ranimer et de nationaliser la pêche de la baleine, qui, comme celle de la morue, offre, outre l'exploitation d'une importante branche d'industrie, une école propre à produire d'excellents matelots. Malheureusement, durant la longue guerre qui venait d'avoir lieu , les anciens marins baleiniers avaient disparu ; les traditions s étaient éteintes ; de nouveaux pêcheurs n'avaient pu se former. Les spéculations dirigées vers la pêche de la baleine étaient donc loin de s'offrir au commerce sous un aspect rassurant. — On fut dans la nécessité d'adjoindre des marins étrangers aux marins français, imitant ainsi, dans un sens inverse, les Anglais et les Hollandais du xvie siècle, qui, pour leurs premières expéditions à la pêche de la baleine, envoyèrent des bâtiments montés par des matelots basques et normands, engagés à prix d'or.—Des encouragements extraordinaires furent, sous la forme de primes , accordés aux armateurs. — Ces primes pour la pêche de la baleine et celle de la morue, s'élèvent encore annuellement à la somme de 3,000,000 de francs. Il résulte de documents officiels, que dans l'espace de quinze TERRE-NEUVE. années (de 1817 a 1831), il est sorti des ports français pour la CÔTES. — Les côtes de Terre-Neuve sur lesquelles la France a le droit d'élever temporairement quelques établissements de pêche, pêche de la baleine : 147 bâtiments de 250 à 450 tonneaux. sont situées dans la partie septentrionale , à l'Est et à l'Ouest de cette ile. — Elles offrent un grand nombre de havres et plu- Sur ce nombre 128 ont été destinés à la pêche du Sud, et 19 seulement à la pèche du Nord. sieurs baies commodes et sûres, parmi lesquelles on remarque principalement la Baie-Blanche , la Baie-aux-Lèvres et la BaieLa pêche du Sud se fait communément par 84 et 49 degrés do Saint-Georges. latitude, sur les bancs du Brésil et devant la côte des Patagons , ainsi qu'au sud du cap Horn , et à l'ouest de ce cap, dans l'Océan HABITANTS. — CANADIENS. — Les environs de la Baie SaintGeorges qui est la plus fréquentée par les habitants des îles Saint- pacifique, sur les côtes du Chili et du Pérou. — Ou comprend Pierre et Miquelon, sont habités par plusieurs familles cana- aussi sous ce nom la pêche qui a lieu sur la côte ouest d'Afrique et diennes , de la tribu des Micmas ou Souriquois , originaires de à l'est du cap de Bonne-Espérance. — L'espèce de haleine pêchée l'Acadie, et de celle des Mantogners sortis des bords de Saint- dans le Sud est principalement le cachalot, qui fournit cette subLaurent. Ces Canadiens ont conservé leurs moeurs primitives. Ou stance précieuse pour les arts, appelée sperma ceti.— La pêche du voit un de leurs villages, sur la côte sud de la baie Saint-Georges, Nord se fait sur les côtes du Groenland, au détroit de Davis, et non loin d'une source d'eau minérale gazeuse qui paraît avoir de dans la baie de Baffin. l'affinité avec l'eau de seltz factice. Là, habitué à la vie sauvage, Les produits des armements pour la pèche de la baleine sont se trouve un marin de Saint-Malô, qui, surpris, en 1793, aux très variables. M. Winslow, armateur américain fixé au Havre, et rives du Saint-Laurent, par les événements de la révolution, s'est un de ceux qui s'occupent le plus de la pêche de la baleine dans marié à une femme canadienne et a vieilli au milieu de sa posté- les mers du Sud, établit, dans un écrit qu'il a publié sur l'état rité. —• Les mœurs de ces hommes simples, tous chasseurs ou pê- actuel de cette pêche en France, que les huit bâtiments baleiniers cheurs, sont tranquilles et pures. Leur caractère est bon et doux , qui lui appartiennent, jaugeant ensemble 3,442 tonneaux, ont leur vie frugale, la tempérance chez eux est un résultat de l'habi- déjà accompli 54 voyages à la pêche du Sud, et ont rapporté au tude des privations. Ils montrent beaucoup d'intelligence et d'ac- Havre le produit de 1,326 baleines , pesant net, savoir : tivité ; mais ils sont très malpropres dans leurs habitations.— 9,398,265 kilogrammes d'huile. •—241,255 kilogr. de fanons. L'odeur insupportable de leurs personnes, de leurs ustensiles et Chacun de ces bâtiments a donc fait 7 voyages environ, et rapde leurs pirogues, ressemble à celle qu'exhalent les loges des ani- porté par voyage 24 haleines et demie, produisant moyennement maux féroces. — Ces Canadiensont cependant un commencement chacune 7,087 kil. d'huile et 189 kil. de fanons. Ce qui fait 173,681 de civilisation. Ils ont une écriture particulière. M. Mielielet, chi- kil. d'huile et 4,630 kil. de fanons par navire et par voyage. rurgien de la marine royale auquel nous empruntons une partie Le même armateur cite une autre expédition de cinq navires des détails qui précèdent, a ru dans leurs mains un livre manusenvoyés par lui, en 1830, dans la mer du Sud , et qui sont rentrés crit contenant l'office des principales fêtes de l'année, traduit après avoir harponné 110 haleines, ce qui fait 27 haleines par dans la langue des Micmas ; les caractères de ce livre étaient hiébâtiment. — En 1830, le navire le Bourbon en avait pris 31, — roglyfiques, les mots Jésus et Marie y étaient seuls représentés M. Winslow trouve que la pêche dans les mers du Nord est beaupar les monogrammes connus des chrétiens. coup moins productive, et cite six armements qui ont en lieu de 1829 à 1831, et qui, suivant lui, n'ont produit que la capture GRANDES PÊCHES. Les Basques français sont les premiers marins qui se soient d'un souffleur, fournissant environ 500 kilogrammes d'huile. En 1833, il a été expédié pour la pêche de la baleine 52 bâtiadonnés à la pêche de la baleine et à celle de la morue. Ils péchèrent d'abord sur leurs propres côtes..— Les baleines ments, d'ensemble 14,949 tonneaux, et montés par 1,228 marins. étaient, au xve siècle, encore fort nombreuses duns le golfe de — Il est revenu de cette pêche 12 bâtiments, jaugeant 4,757 tonn., Gascogne. La guerre qu'ils leur firent les en chassa promptement. et montés par 406 marins. —11 a été importé en 1883, 4,125,000 kil. de graisse et 72,000 kil. de fanons. — Si ces quantités proviennent En naviguant à la poursuite de ces cétacés jusque dans les parages du Canada , ils découvrirent ces morues innombrables qui uniquement de la pêche de ces navires, chacun d'eux aurait rapporté environ 343,700 kil. de graisse et 6,000 kil. de fauous. viennent périodiquement peupler, chaque année, les contours de l'île de Terre-Neuve et principalement les eaux du Grand banc. PÈCHE DE LA MORUE. — La pêche de la morue a subi les mêmes Dès lors ils joignirent la pêche de la morue à celle de la baleine. vicissitudes que la pêche de la baleine, mais elle est plus facile et L'exemple des Basques fut suivi par les Bretons, les Normands demande moins d'habileté. Cette pèche forme aujourd'hui la Jmtriet les Gascons. cho la plus importante do nos expéditions commerciales. — Elle a employé, eu 1888, 418 navires, montés de 11,310 marins, et PÈCHE DE LA HALEINE. Pendant long-temps LES marins français firent, avec succès et sauf redouter de rivaux, la pêche de la ba- jaugeant 51,715 tonneaux; elle occupe des ouvriers de toute espèce, procure un débouché considérable aux produits de notre dissensions surtout, civiles leine. Los guerres maritimes et les interrompirent leurs expéditions; les nations étrangères profilèrent sol, offre un aliment sans cesse renaissant à nos caboteurs, par les de cette interruption et prirent leur place. — Ce fut seulement transports multipliés auxquels elle donne lieu, et enfin imprime après la paix de 1788 , que le gouvernement s'occupa des moyens une utile activité à la navigation du long cours. Le produit de la pêche française de la morue sur les différents de raviver cette industrie.Une colonie de Nantukais, insulaires américains fort habiles dans l'art de pêcher la baleine, fut attirée points où elle a lieu est (année moyenne), et établie à Dunkerque. — On arma des bâtiments baleiniers. — à la côte de Terre-Neuve. . . 16,000,000 kilogrammes à Saint-Pierre et Miquelon. : 4,000,000 Malheureusement cette utile colonie de pêcheurs fut dispersée en 1793, au moment où ses opérations commençaient à prendre en Islande 5,000,000 quelque importance. Elles avaient suffi néanmoins pour faire reau Grand-Banc . 5,000,000 naître le goût de la grande pêche. — Pendant la courte paix de 1803, le commerce de Dunkerque fit quelques «armements; mais Total général. . . .30,000,000 k. les sept bâtiments dont se composaient les expéditions effectuées ayant été pris a la brusque rupture du traité d'Amiens, la pccho Depuis rétablissement de sécheries à Dunkerque, à Dieppe, à de la baleine fut de nouveau interrompue. Bordeaux, à la Rochelle, la majeure partie de ces produits séchée A l'époque ou la paix de 1814 permit de nouveau au commerce en France est rendue propre à l'exportation. — Le» colonies franfrançais dos navigations lointaines, le gouvernement porta toute çaises eu reçoivent) annuellement environ 4,000,000 kil. A. H.







FRANCE

PITTORESQUE

Combat de Foullepointe

Tintingue Ă Madagascar




FRANCE PITTORESQUE. - MADAGASCAR.

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Madagascar et Sainte-Marie. (Etablissements Français dans l'Océan indien.) HISTOIRE.

rain de Foullepointe et celui de Tamatave, débat à la Découverte en 1506, parle Portugais Lorenzo Almeida, suite duquel Foullepointe et Tamatave furent occupés l'Ile de Madagascar ne fut occupée qu'en 1642, cent par les Français. — Le traité de 1815 , ne stipulant rien trente-six ans après, par les Français. Il paraîtrait que pour Madagascar, impliquait la reconnaissance des' les anciens ont connu et fréquenté cette île, à laquelle droits de la France sur cette île. Cependant les Anglais se rapportent quelques circonstances des traditions sur essayèrent alors d'y former quelques établissements , Taprobane , conservées par les Grecs et par les Romains. notamment près de l'excellent port de LouqUez , mais «Taprobane, île immense, disent les auteurs de l'anti- leur premier essai n'eut d'autre résultat que le massacre quité, est si reculée vers le sud, que l'on n'y aperçoit des hommes débarqués. Ils tournèrent alors leurs vues ni l'ourse, ni les pléiades, et que le soleil y parait, à d'un autre côté. Déjà le souverain des Ovas , Radama , celui qui le regarde poindre à l'horizon, se lever à avait laissé entrevoir les pensées d'agrandissement. Les gauche.» On ne doute pas que les Arabes, avant et agents britanniques parvinrent à se faire recevoir à la après Mahomet, n'aient visité Madagascar. Le premier cour du roi malgache , et l'on vit bientôt ce conquéétablissement des Français eut lieu sur la péninsule de rant marcher contre les nations du littoral avec des Tholangar, où ils élevèrent le fort Dauphin. — De Pronis, troupes armées de fusils anglais et commandées par Flaccourt et Chamargou, agents de la compagnie des des officiers en uniformes rouges En cinq ans il soumit Indes, s'y succédèrent comme gouverneurs. Les bonnes la majeure partie de l'île. Bientôt les frontières de son dispositions des naturels furent détruites par les excès royaume touchèrent aux limites de nos postes.—En 1819, des colons, et surtout par les violences que l'esprit de le gouvernement français avait enfin tourné les yeux prosélytisme inspira aux missionnaires qui les accom- vers Madagascar Quelques soldats et des spéculateurs pagnaient. La compagnie eut à lutter contre les hosti- parurent au fort Dauphin et à Sainte-Marie. Le premier lités des Malgaches et contre les révoltes des colons poste reçut une garnison. M. Carayon avec quelques eux-mêmes. — Les plus mutins parmi ceux-ci furent hommes pour la garde du drapeau , s'établit sur le déportés à Bourbon.— Les Malgaches attaquèrent deux second. Dans le même temps M. Sylvain Roux , officier fois les Français. — Ils furent repoussés par Flaccourt, de marine , explorait nos anciens comptoirs de la en 1652 ; mais la seconde fois, le fort Dauphin allait grande terre, et amenait à Paris, pour y être élevés être pris sans le secours qu'apporta à ses compatriotes dans les collèges de la capitale, les jeunes princes un Français nommé Levacher, dit Lacase. Celui-ci, quoi- malgaches, Bérora , petit fils de Jean René , souverain que simple soldat, était devenu par son courage et son in- de Tamatave et de Foullepointe ; et Mandi-Tsara , petit telligence , influent parmi les naturels ; il avait épousé fils de Tsi-Fana, possesseur de Tintingue. Les services la fille du souverain d'Amboule et succédé à son de cet officier furent récompensés par le grade de beau-père dans la dignité de Roi d'une peuplade malga- capitaine de vaisseau et le commandement des établische. — La colonie végéta en paix jusqu'en 1667. Mais sements français, à Madagascar. Mais l'expédition qu'il l'orgueil d'un nouveau gouverneur excita alors parmi les lut chargée d'y conduire eut line malheureuse issue, naturels un soulèvement dans lequel périrent tous les l es premiers travaux de défrichement, à Sainte Marie, Français et Lacase lui même. — La compagnie des firent naître des maladies qui enlevèrent, trois cents Indes rendit au Roi, vers cette époque , son privilège hommes, et le reste fut attaqué de nostalgie et de de Madagascar. — Les projets de colonisation furent découragement. — En 1822, les Ovas déclarèrent la abandonnés pendant un siècle. — Les colons échappés guerre aux Belimsaras et aux Betanimènes. Radama au massacre se sauvèrent à l'Ile Bourbon. — En 1768, parut à Foullepointe et établit sa tente sur la pierre* on tenta un nouvel essai. M. Demodave prit de nouveau, même qui constatait la souveraineté de la France. il et au nom du Roi, possession du fort Dauphin. Ses occupa Pointe Larrée, prit Tintingue , soumit les chefs instructions étaient plus pacifiques que guerrières. Au nos alliés, arrêta et pilla les convois destinés à la lieu de missionnaires, il avait avec lui des agriculteurs ; garnison de Sainte - Marie ; ces actes hostiles furent mais le manque de fonds empêcha celte expédition de combattus par des protestations, que le souverain prospérer, tandis que deux millions accordés au Po- des Ovas accueillit avec dédain et qui ne l'empêchèrent lonais Beniowski étaient gaspillés dans l'établissement pas de s'emparer du fort Dauphin et de chasser de.' d'Antongil. Cet aventurier quitta l'île après avoir fait Madagascar nos soldats et nos colons.— Plusieurs andes dupes et des victimes; puis il y revint bientôt avec nées se passèrent sans qu'aucune vengeance lût tirée de. une expédition préparée dans les ports de l'Amérique ces affronts. — Les chefs de la colonie française étaient anglaise; il fit la guerre aux Français et fut tué à la morts successivement ■ les troupes et les colons avaient première rencontre. —Ce fut alors que dans une petite été décimés par la maladie, le pouvoir Radaina s'était' île voisine de la côte orientale de Madagascar, se forma consolidé. L'influence anglaise prévalait dans ses conun nouvel établissement civil et commercial. — Sainte- seils, quand la face des événements changea tout à coup. Marie, que les naturels appellent Aussi-Ibrahim , éta it Un Français, nommé Robin, ancien sous-officier de habitée par une race plutôt arabe que nègre , chez l'Empire , s'étant attiré par sa bravoure et ses services laquelle existent les traditions do Noé, d'Abraham, de les bonnes grâces de Radaina, avait été créé maréchal Moïse et de David.—Cette île offrait depuis long temps du nouveau royaume ; appelé ensuite, parla confiance un refuge aux pirates de l'océan indien, qui s'y étaient du Roi, au commandement supérieur dos côtes de l'est naturalisés et alliés avec les insulaires. Par eux la traite il protégea notre commerce de tout son pouvoir. des hommes, inconnue jusqu'alors dans ces contrées, y Radama , sous son influence, s'éloignait de jour en était devenue un commerce répandu et lucratif. Les jour de la politique anglaise pour se rapprocher de la Européens y eurent bientôt un comptoir. La compagnie France , et le crédit de Robin inspirait de vives inquiédes Indes, excitée par la prospérité croissante de Sainte- tudes aux agents anglais. — Tout à coup, en 1828 , Marie, y envoya une expédition. Le fort Dauphin fut Radama mourut empoisonné. La reine Ran'avala-Manabandonné.—Depuis lors jusqu'en 1814, un seul événe- joka, qui avait commis le crime sur les instigations de" ment important eut lieu dans ces contrées, ce fut l'inter- son amant, jeune africain élevé par les missionnaires' vention d'une escadre française sous les ordres du anglais , usurpa le trône.—L'influence anglaise reparut' contre-amiral Hamelin, dans un débat entre le souve- plus puissante ; clos réactions eurent lieu. — Le


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FRANCE PITTORESQUE. - MADAGASCAR.

sang coula dans Madagascar ; les proscrits se réfu- vres. Les maladies et les fièvres devinrent les auxiliaires gièrent à Sainte-Marie,— Tout commerce et toute rela- de la disette. Les Malgaches, réfugiés auprès du fort tion étaient suspendus, lorsqu'en juillet 1829, vint français, périrent de faim et de misère. — En 1831 , les mouiller, dans la baie de Tamatave, une division fran- soldats de la garnison qui, en petit nombre, purent çaise composée d'une frégate, de 3 corvettes et d'un résister à tant de maux, se retirèrent à Sainte-Marie. aviso auquel se joignirent plus tard une corvette et une MADAGASCAR. gabare. Cette division transportait des troupes et avait L'île de Madagascar est située dans l'océan indien, sous le a bord les deux princes malgaches , Berora et Mandilatitude sud, et sous le 40° 49' de longitude. Elle est Tsara, revenant de Paris où ils avaient terminé leur 35 éducation. Le chef de la division française tenta séparée de l'Afrique par le canal de Mozambique. — Sa plus grande est de 340 lieues, et sa plus grande largeur de d'abord des démarches pacifiques ; mais voyant que 120. — longueur On évalue sa population à 4,000,000 d'habitants, et sa par la mauvaise foi des Ovas, elles resteraient sans superficie territoriale à 28,000 lieues carrées. — Une double résultat, il débarqua des troupes à Tintingue , et com- chaîne de montagnes dont les sommets culminants sont hauts mença sur cette presqu'île l'établissement d'un poste d'environ 2,400 mètres, la traverse dans sa plus grande longueur militaire.— Les Malgaches accoururent avec joie au- du nord au sud, et y forme un plateau central qui la divise en devant de nos soldats, et les aidèrent dans leurs tra- deux parties à peu près égales. De ce plateau coulent de nomvaux. lis établirent leurs camps à l'abri du pavillon breuses rivières, larges, profondes et poissonneuses.—On trouve, a Madagascar, de vastes plaines, des forêts immenses où la végéfrançais, et la baie de Tintingue en fut bientôt entourée. tation est remarquable par sa richesse et par sa majesté; des lacs La reine des Ovas protesta contre l'établissement des fort étendus (dont le plus remarquable, celui d'Antsianake, a 25 français à Tintingue. Ses envoyés ne purent s'entendre lieues de circonférence). — La masse des eaux stagnantes , est avec le chef de l'expédition, et la guerre fut déclarée. cause de l'insalubrité qui rend le climat de l'île insalubre pour les Dès lors le chef de la division française (M. Gour- Européens. — Madagascar renferme de grands quadrupèdes : on beyre), ne garda plus de ménagements ; il laissa une gar- trouve, dans les rivières , des hippopotames, et dans les forêts des nison à Tintingue, et vint, le 10 octobre 1829, s'embos- léopards, des babi-roussas (sangliers à quatre défenses, dont deux ressemblent à des cornes), et des Anes sauvages. Les singes de difser devant Tamatave. La canonnade commença le 11, les férentes espèces y sont très nombreux.-—Les bœufs de MadagasOvas ripostèrent avec vigueur; mais le feu nourri des car , qui fournissent à la consommation de l'île Bourbon, sont de vaisseaux français ayant embrasé un magasin à pou- l'espèce zébu, à bosse de graisse, et pèsent de 7 à 800 livres. Les dre, l'explosion détruisit le fort. L'ordre de débarquer moutons, pareils à ceux du cap de Bonne-Espérance, sont refut donné et effectué malgré la résistance de l'ennemi. marquables par la grosseur de leur queue. La flore de Madagascar Les débris de la garnison de Tamatave se retirèrent dans est une des plus riches du globe. Les montagnes de l'île recèlent les bois, où ils furent poursuivis et dispersés. Aban- des métaux précieux. — On prétend y avoir trouvé des traces de mines d'argent et de cuivre. donnant ensuite Tamatave après en avoir détruit toutes Après avoir été long-temps le chef-lieu des colonies françaises les fortifications, M-Gourbeyre fit voile vers Foulle- dans l' océan indien , Madagascar a fini par ne plus être qu'une pointe qui fut attaqué le 27. — Une canonnade de deux dépendance de l'île Bourbon , autrefois sa vassale. La France n'y heures a laquelle l'ennemi riposta par quelques déchar- possède même plus aucun établissement, et malgré ses récents ges à mitraille, suffit en apparence pour décider le gé- efforts, n'a conservé qu'un poste dans la petite île de Sainte-Marie. néral ova, Rackelly, à évacuer le fort. Mais cette reMŒURS, CARACTÈRE, COSTUMES, ETC. traite n'était qu'une ruse de guerre. — Il se posta dans Les habitants de Madagascar se divisent en trois races princiune grande redoute élevée au-delà des palissades du pales : les Malgache,, les Séclave, et les Ovas —Les Malgaches fort, au milieu de la plaine, à l'insu des Français et paraissent être les habitants indigènes. — Les Séclaves sont sans hors de la portée du canon de leurs vaisseaux. Cette doute issus des nègres venus d'Afrique et des Malgaches ; ils haredoute était armée de huit pièces. — Le débarque- bitent la côte ouest de l'île. Ils ont la peau d'un noir d'ébène, les ment eut lieu.— L'avant-garde française en débouchant cheveux crépus et les traits du visage assez semblables à ceux des hors des palissades se trouva devant la redoute, et fut nègres. Ils vivent en nomades , sont naturellement braves , gueraccueillie par un feu de mitraille. Il y eut un peu d'hé- riers , amis de l'indépendance. Radama a trouve en eux îles adversaires difficiles à soumettre. — L'opinion la plus commune est sitation. Le capitaine Schæll s'élança vers l'ennemi avec que les Ovas tirent leur origine d'Arabes qui sont venus s'établir une compagnie de troupes africaines, malheureuse- dans le centre de l'île ; la couleur de leur peau est cuivrée, leurs ment il fut renversé grièvement blessé par un biscaïen. cheveux sont lisses, et les traits de leur figure ont beaucoup de Les Yolofs épouvantés de la chute de leur chef, se re- ressemblance avec ceux des Européens. Ils sont remplis de fierté jetèrent sur la colonne d'attaque qu'ils mirent en dé- et de bravoure; fins et astucieux dans leurs relations avec les route. Rackelly profita de ce moment pour faire une Européens ; dédaigneux et sévères avec les peuples conquis ; mais sortie et le désordre dévint un déroute. On ne se rallia doués d'une intelligence remarquable et amis des habitudes de la civilisation. que sous la protection des vaisseaux. Cependant le sousMOEURS , ETC. Les naturels des côtes de Madagascar voilieutenant Larevanchère, chargé avec trente hommes sines de rétablissement français, appartiennent aux peuplades d'opérer une fausse attaque du côté opposé à celle de malgaches. Nous allons en parler avec un peu plus de détails; ce la colonnie, avait pénétré entre la palissade et la re- que nous disons de leurs mœurs et de leur manière de vivre peut doute, et ses soldats commençaient a faire feu sur les d'ailleurs s'appliquer à tous les peuples de l'île, que les precanonniers ovas. La fuite de la colonne compro- miers usages de la civilisation n'ont point encore soumis. — Les Malgaches sont de race éthiopienne, mais les caractères distinctifs mettait son détachement. Il se décida à revenir du côté de cette race sont beaucoup moins remarquables chez, eux que du fort, et escaladant la palissade voisine de la mer, il chez, les nègres africains. Leurs cheveux ne sont point laineux, parvint avec ses soldats, malgré le feu de l'ennemi, à mais rudes et courts ; leurs joues ont des pommettes moins sailrejoindre les troupes françaises. — Le commandant de lantes, leur nez. est moins épaté, leurs lèvres sont moins grosses, l'expédition fit embarquer les troupes et revint à Sainte- leur angle facial est moins obtus; leur peau n'est pas noire, mais Marie. — Mais les Ovas occupaient une position for- de couleur marron foncé. Ils sont généralement bien constitués. tifiée près de Tintingue, d'où "ils pouvaient inquiéter On n'en voit point d'atteint par des infirmités naturelles, car ils ont encore la coutume barbare de noyer les enfants qui naissent avec vivement ce poste. On résolut de les en chasser. — Ils quelque vice de conformation. — Les Malgaches sont néanmoins y furent attaqués le 3 novembre et malgré leur énergi- doux, hospitaliers, intelligents, et par conséquent susceptibles de que résistance, le fort fut emporté. On y prit huit ca- civilisation ; mais ils sont paresseux et apathiques.—Les deux sexes nons. Les canonniers ennemis furent tués sur leurs se font remarquer par la blancheur des dents et par un sourire pièces. — Un armistice eut lieu ensuite : la reine Rana- agréable et spirituel. Ils aiment les Européens, avec lesquels la vala voulait gagner du temps.—M. Gourbeyre retourna plupart des familles ont des relations de parenté par suite de ces à Bourbon. — Après son départ, les Ovas désespérant mariages temporaires, en usage à Madagascar comme au Sénégal. de prendre Tintingue de vive force, songèrent à réduire Une fille malgache se trouve* toujours fort honorée quand un Européen veut bien la prendre temporairement pour femme. — ce poste par, la famine. Ils occupèrent les environs et Les hommes aiment la fie aventureuse et la guerre , où ils ont l'ess'opposèrent à ce que les naturels y portassent des vipoir du faire des esclaves. Ils se servent du sagayes longues du 7 à

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FRANCE PITTORESQUE. — MADAGASCAR. 8 pieds , et d'armes européennes quand ils peuvent s'en procurer. Il est rare de rencontrer un Malgache sans une sagaye à la main. — La culture du riz et les soins donnés aux bestiaux sont leur principale occupation. —Les femmes sont bonnes ménagères et très laborieuses; ce sont elles qui tissent les étoffes, qui tressent les nattes de jonc et ces tissus d'écorces d'arbre si lins et si recherchés sous le nom de pagnes de Madagascar. Elles font aussi presque tous les travaux des cultures autres que celles du riz. Les Malgaches, hommes et femmes, aiment passionnément la danse et la musique. — Leur langue est douce et harmonieuse. Ils ont le sentiment poétique et conservent dans des chansons nationales les traditions de leur histoire.— Leurs chants sont d'ailleurs gracieux et plaintifs. Parny, qui était né à l'Ile-de-France, a fait connaître, par des imitations, quelques poésies madécasscs qui prouvent un véritable et instinctif sentiment de la poésie. Lorsque la saison de cultiver le riz n'est pas arrivée, les Malgaches passent souvent les jours entiers couchés à l'ombre devant leur case, ou assis nonchalamment sur une natte, répétant leurs chansons nationales et s'amusant à jouer d'une espèce de flûte en bambou , dont les sous langoureux portent à la mélancolie. — Le goût de la danse paraît dans tous les temps avoir été naturel à tous les habitants de Madagascar, car on voit dans les anciens voyageurs que les dames créoles de Fort-Dauphin , qui ne paraissaient pas pouvoir faire un pas sans être soutenues ou même portées par des esclaves , retrouvaient toute leur agilité et leur souplesse dès qu'il s'agissait d'un bal, et passaient une nuit entière à danser sans être fatiguées. — Dans les familles malgaches, le fils ne porte jamais le nom de son père; il est rare de rencontrer deux personnes du même nom : c'est alors un effet du hasard. — Les Malgaches ne donnent à leurs enfants que des noms de leur invention, et qui souvent font allusion aux diverses qualités dont ils supposent que ces enfants seront doués. C'est ainsi que le jeune prince de Tintingue, élevé à Paris, dans l'excellente institution de M. Morin, avait reçu le nom de Mandi-Tsara , ou beau-danseur. COSTUME. — Le costume des Malgaches est simple et commode. — Les hommes se ceignent les reins d'un large morceau de toile blanche, puis ils s'enveloppent le corps avec un simbou, pièce d étoffe du pays. Ce simbou leur sert de ceinture quand il fait chaud ou lorsqu'ils travaillent, et de manteau lorsqu'ils ont froid. Ils se couvrent la tête d'un bonnet carré, en feuilles tressées ; quelques-uns d'entre eux portent des colliers en verroterie. —— Les femmes s'entourent également les reins d'un morceau de toile blanche, par-dessus lequel se drape une pièce de toile bleue ou d'étoffe du pays , de manière à figurer un étroit jupon qui descend jusqu'à la cheville et dessine parfaitement les formes. Une espèce de camisole bleue, fermée devant et derrière , leur couvre les liras et la poitrine. Elles font aussi usage du simbou , et portent des chapeaux pareils à ceux des hommes. — Leurs oreilles, leur cou, leurs bras, sont ornés de nombreux bijoux. —Les deux sexes se tatouent les bras et les jambes. NAINS DE MADAGASCAR. — L'existence au milieu de Madagascar d'une nation de nains de race blanche , remplie de courage , de résolution , qui habiterait les hautes montagnes de l'île, et qui sacrifierait parfois ceux qui viennent sur son territoire, a été long-temps un fait accepté comme vrai par les géographes des derniers siècles. Le naturaliste Commerson l'a affirmé. Sonnerat ne garantit pas, il est vrai, l'existence de cette tribu ; mais il a vu, dit-il, au Fort-Dauphin, une fille de trente ans, assez blanche, haute de trois pieds et demi, et qui lui a été présentée comme provenant de la nation Aimasse. Malte-Brun cite dans ses Annales M. Fressanges, qui, en 1802 ou 1803, a vu aussi un autre nain madécasse. Ce nain, interrogé s'il existait réellement dans l'île une race d'hommes de sa taille, a répondu que non ; il a ajouté que son père et sa mère étaient de taille ordinaire, et que c'était la raison pour laquelle ou l'avait vendu. Les marchands d'esclaves qui connaissent Madagascar, dont ils parcourent toutes les provinces, assurent qu'il n'y existe aucune peuplade naine. L'existence des Quimos ou Kimasses doit doue être mise au nombre des fables géographiques.

RÉGIME POLITIQUE, ARMÉE, ETC. GOUVERNEMENT, — Le gouvernement des petits Etats de la côte orientale de Madagascar, qui n'ont pas été subjugués par les Ovas , est une espèce de monarchie constitutionnelle et héréditaire. Le roi n'a, par lui seul, aucune autorité; ses volontés, pour être exécutoires, doivent être préalablement discutées et approuvées par les anciens. Le pavillon qui flotte sur sa case est l'unique marque extérieure de sa puissance. Rien ne le distingue de ses sujets, qui ne lui témoignent même de respect qu'autant qu'il sait les y contraindre. Tous les rois d'une même famille, quoique indépendants, reconnaissent toujours pour prince suzerain le chef de leur maison , et se rangent sous sa bannière lorsqu'il les en requiert. CLASSES. — On remarque trois classes distinctes dans chaque peuplade : les princes et leurs familles, les hommes libres et les esclaves. Ces derniers, tout-à-fait à la discrétion de leurs maîtres et destinés à toutes les fondions de la domesticité, sont traités

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avec une extrême douceur ; leurs patrons partagent souvent leurs travaux , et l'étranger ne peut pas distinguer de prime abord l'esclave du maître. MARINE. Les Malgaches du nord de la haie d'Antongil sont de très hardis navigateurs. Autrefois, lorsqu'ils étaient plus nombreux , ils se livraient sur mer des combats dans lesquels chaque parti comptait quelquefois jusqu'à deux cents pirogues; maintenant que leur nombre a diminué, ils se battent rarement de cette manière, et préfèrent les expéditions lointaines. — Ce sont eux qui, doublant le cap d'Ambre à la fin de la mauvaise saison , et recrutant sur leur passage les pirates du cap Saint-Sébastien , portent la désolation à Anjouan et même sur la côte d'Afrique. ARMÉE. — Les armées de terre des petits princes malgaches so forment spontanément, par la réunion de tous les hommes en état de porter les armes ; dès que la guerre est finie, chacun rentre dans ses foyers. — Le roi ne s'occupe ni de la solde ni de la subsistance de ses soldats. C'est à eux à se les procurer par le pillage des terres ennemies. — Les guerres sont rarement meurtrières; la mort de quelques hommes de part et d'autre, décide presque toujours à terminer les différends. Les généraux ne tiennent pas à gagner des batailles ; leur premier talent est d'être assez rusés pour parcourir le pays de leurs ennemis en enlevant les femmes # les enfants, les troupeaux, sans être jamais forcés à combattre. Pour cela, il faut tromper la vigilance des peuples auxquels on fait la guerre par des marches et des contre-marches continuelles. CAMPS. — TOUBYS. — Quand les Malgaches veulent rester sur la défensive et centraliser leurs forces, ils construisent des camps retranchés , nommés toubys. Ces toubys , bâtis sur des lieux élevés pour éviter les surprises, sont composés d'un rang de cases palissadées et unies l'une à l'autre par des cloisons de pieux très serrés. Dans les cases et dans les cloisons sont pratiquées, à hauteur d'homme, des meurtrières pour découvrir les mouvements des ennemis et tirer sur ceux qui s'approcheraient. Il n'y a qu'une seule porte sur chaque face d'un touby. —- Les guerriers y portent des vivres et y restent renfermés tant qu'ils ne se croient pas en état de prendre l'offensive. —- Si un touby est attaqué et que l'ennemi l'emporte d'assaut, ce qui est rare, ils se défendent en se retranchant de case en case jusqu'à la dernière. Alors seulement ils se décident à poser les armes.

ÉTATS ET PAYS. ROYAUME DES OVAS. — Ce grand royaume, fondé de NOS jours à Madagascar, par Radama , chef des Ovas , comprend la majeure partie de l'île. Les chefs des Antavares, des Betimsaras, des Bétanimènes, les peuples habitant le long des côtes et ceux de l'intérieur sont ses tributaires. —- Comme Mohammed-Aly en Egypte, Tamehameha à Hawaii et Finow à Tongatabou, Radama s'est occupé de la civilisation de ses sujets ; il a créé des écoles pour la jeunesse. Il a envoyé à Londres et à Paris quelques Malgaches jeunes et intelligents pour étudier nos arts et nos sciences. Sa capitale a été ornée de plusieurs édifices.— Aidé de quelques Européens , en peu d'années il a réussi à créer une armée de 50,000 hommes, avec laquelle il projetait de soumettre l'île entière. Ses généraux ont été montés de chevaux étrangers et bien dressés, il a eu une artillerie mobile et bien servie; ses soldats, dont plus de 30,000 sont armés de fusils, ont été exercés à l'européenne et soumis à une sévère discipline. Les autres sont armés de lances, de sagaies et de flèches. — Les séditions qui, après la mort de Radama , ont éclaté parmi les peuplades conquises, font pressentir la dissolution de son empire. Le Pays des Ovas, noyau du royaume, comprend l'intérieur de l'île entre le 16° et le 19° parallèles environ. C'est un plateau élevé très peuplé, et dont les habitants sont fort industrieux.— Tanarive, où l'on compte 50,000 habitants, en est la capitale ; c'était la résidence ordinaire de Radama. Cette ville malgache n'offre qu'un assemblage de petites bourgades, formées de cases disséminées sous les arbres et cachées sous la verdure. «Les proportions gigantesques de la végétation, dit M. de Fontmichel, présentent un singulier contraste avec l'exiguité chétive des habitations humaines. » Radama, qui avait le goût des constructions durables y a fait élever par un maçon de l'Ile-de-France un temple à Jankar (le bon génie des Ovas). Ce temple est enclos de murailles et voûté. L'intérieur, presque vide, ne renferme qu'un autel où l'on brûle des parfums. Une des murailles est couverte par une peinture à fresque , informe et grossière, mais originale. Elle représente Jankar, le bon génie, luttant contre Agathia, le mauvais génie. Les palais de Tranouvalo et de Bessakane, le tombeau de Radama sont les autres édifices remarquables de Tanarivc • ils ont été construits d'après les règles de l'architecture européenne ; les appartements de ces palais sont décorés avec luxe et élégance. Radama y conservait plusieurs portraits de Napoléon , auquel il avait voué une sorte de culte. — Les Anglais emploient tous les moyens pour étendre leur influence sur Madagascar. — Leurs sous-officiers servent d'instructeurs aux troupes de la reine Ranavala, et leurs missionnaires ont établi à Tanarive un collège d'où sont déjà sortis plusieurs maîtres, qui sont placés à la tête des écoles fondées par


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FRANCE PITTORESQUE. — SAINTE-MARIE.

Radama dans les principales.villes de ses Etats. On enseigne au pays renferme Mananzari et Malatane, ports commerçants où sont Collège de Tanarive l'arithmétique, la géographie, le malgache, établis des traitants français pour les achats de rizAndevourante l'anglais, etc. Il y a dans l'île des écoles inférieures pour les gar- passait, il y a quelques années, pour le plus grand village de Maçons et des écoles particulières pour les jeunes filles , où ou leur dagascar. — Les articles d'exportation sur cette côte et dans le* enseigne à coudre, a lire et à écrire. —Les missionnaires viennent autres villes que nous avons citées , sont, outre le riz , les bœuf*, d'y établir une imprimerie. — Ils publient uue traduction de la la gomme, la cire, le tabac, les salaisons, etc. Bible en langue madécasse. PAYS D'ANOSSY. — Ce territoire, où les Français fondèrent, eu : PAYS DES SÉCLAVES. — Ce pays , conquis par Radama , a depuis 1642, leurs premiers établissements, et où ils'font toujours le la mort de ce prince, secoué le joug des Ovas. Il renferme deux commerce, est partagé entre plusieurs chefs, qui out résisté villes principales : — Bombetouk, ville considérée comme capitale heureusement à toutes les attaques de Radama. Ces chefs sont et qui possède un port ou viennent commercer les peuples des indépendants et amis des Français. — Le port Sainte-Lucie , près côtes de Mozambique et de Zanguebar. — Mouzangayet dont la ' duquel on voit encore les ruines du fort Dauphin, est le port prinpopulation est évaluée a 30,000 habitants, et qui passe pour la cipal de cette partie de la côte. ville la plus Commerçante de toute la côte occidentale; son port est fréquente par les mêmes nations qui visitent Bombetouk ; les SAINTE-MARIE. Arabes forment une partie considérable de sa population. — On Cette île, située dans l'Océan indien , à l'est de l'Afrique , n'est trouve aussi dans le pays des Séclaves Je beau port de Lonquez, où séparée de Madagascar que par un canal dont la largeur varie de les Anglais ont obtenu de Radama un territoire de 100 milles cardeux à ciuq lieues. — Elle est terminée au sud par des brisants rés, pour y former un établissement qui n'a pas réussi. qui s'avancent a plus d'une demi-lieue au large et bordent toute PAYS DES ANTAVARES. — Ce pays s'étend le long de la côte sa côte orientale; à l'ouest, la mer est ordinairement tranquille, orientale et au sud du port Louquez, jusqu'aux confins du pays et la côte offre presque partout un excellent mouillage. — Pendes Bctimsaras; la partie septentrionale seulement a été soumise dant six mois, de mars en septembre, le canal de Sainte-Marie par Radama : on y trouve lu baie- Woemar, où l'on traite le riz et est fréquenté par les baleines. — L'aspect de l'île est agréable et les viandes salées. La partie méridionale est encore indépendante, pittoresque, la disposition variée de ses coteaux verdoyants, les elle possédé la superbe baie d Atongil et le port Choiseul t siège arbres qui les couronnent, l'heureuse disposition de quelque* d'un ancien établissement français. villages, lui donnent un air gai et riant : cette impression favoFOULLEPOINTE , petite ville très commerçante, est le chef-lieu du rable s'évanouit malheureusement bientôt. On ne rencontre dans pays des Bétimsaras, qui s'étend depuis le territoire de Pointe-àl'île que des terres sablonneuses, pierreuses et impropres à de Larrée jusqu a celui de Tamatave. Ce pays dépend depuis peu grandes cultures; le fond des vallées est occupé pur des marais d'années du royaume des Ovas. fangeux. Les collines méridionales ne présentent d'autre verdure TAMATAVE est le chef-lieu du pays des Bétinaménes, le plus fertile que celle des ravenals (nepenthes distillatoria), et de quelques autre* de tous les territoires maritimes de Madagascar, et qui embrasse arbustes grêles et clair-semés. — Les lieux marécageux offrent foute la côte depuis les limites des Betimsaras jusqu'à l'embouuue végétation plus riche, des lianes, des bambous, des cannes chure dû Tantamane vers le port Mauourou. — Cette ville était et du riz. Sur le bord, des ruisseaux croissent des bananiers, des naguère la résidence du chef ou roi Jean René, mulâtre français, citronniers et des raffias ; quelques cocotiers et des vaquois (arbre originaire de 1 Ile-de-France, et qui avait reconnu pour suzerain a nattes) s'élèvent sur le rivage de la mer. — La partie méridiole roi Radama; il régnait aussi comme tuteur de sou neveu, le nale de l'île est plus «aine que celle du nord ; clic comprend des jeune Berora, sur le territoire d'Yvondrou, situé au sud de celui collines découvertes et des marais peu éleudus; la partie septende amatave. Berora , qui a été élevé a Paris avec Mandi-Tsara, est trionale, au contraire, présente des bois touffus et de vastes mal'héritier de ces deux petits royaumes. —Tamatave parait être ac- récages dont les exhalaisons vicient l'air. — Port-Louis est le cheftuellement la ville la plus commerçante de Madagascar. Avant lieu de Sainte-Marie. C'est le poste mi itaire et la résidence du comabolition l' de la traite, elle était aussi le plus graud marché d'esmandant. — Luc passe étroite, profonde de six brasses, conduit claves. Dans la partie de Tamatave nommée la Batterie, qui sert au port, qui bien que vaste eu apparence, n'a qu'un barachois a la défense, se trouvent plusieurs édifices isolés; le plus grand où deux frégates seulement pourraient mouiller. Le reste est enétait l'habitation de Ratafé, gouverneur de Tamatave, et beau- combré de sables et de coraux. — L'île aux Cayes, rocher qui frère de Radama ; c'était aussi la résidence de ce prince lorsqu'il forme uu des côtés de la passe et défend le port, présente un séjournait à Tamatave. Les appartements, sans être vastes et endroit propre a établir un chantier pour de petits bâtiments, et une dignes d'un souverain, sont propres, commodes, et la salle de anse de carénage. La mer qui le baigne est très profonde. Cet îlot réception est décorée avec luxe. M. de Font-Michel pense que sert de résidence au chef malgache charge de la garde de notre Tamatave, qui a été pris par les troupes françaises en 1829, est le pavillon , et. offre encore les ruines du premier établissement que point le plus important de l'île, a cause de la sûreté de la rade, les Français out fondé a Sainte-Marie; mais elles sont tellement du peu de dépense que la ville exigerait pour être mise eu état cachées sous les broussailles et les plantes, qu'on a peine à les de défense, et de la disposition du terrain , sur lequel ou pourrait découvrir. — Ou voit sur la montagne la plus voisine, à l'est de établir facilement des fortifications formidables. Port-Louis, les ruines du monument de prise de possession au TINTINGUE, ancien établissement français, et qui n'a été abannom de lu France. C'est une pyramide creuse, de forme quadraudonné provisoirement, sans doute) qu'eu 1831 , est situé sur une gulaire et tronquée, reposant sur uue base de douze pieds carré», presqu'île à l'est de Madagascar et vis-à-vis l'île Sainte-Marie. On et dont les arêtes out quinze pieds d'élévation. —— Sur un des y trouve uu port au fond d'une baie spacieuse qui offre uu excel- côtés sont gravées les anciennes armes do France et celles de la lent mouillage, quoique ses rives soient garnies des récifs. — La compagnie des.Indes. Chacune des autres faces est percée d'une passe du port est étroite et tortueuse, mais le port est beau et embrasure de deux pieds carrés et de meurtrières. Dc l'intérieur bien abrité. Il peut contenir des vaisseaux de ligne — La pres- de la pyramide s'élance un arbre touffu qui a pris racine dans ses qu'île sur laquelle était le fort de Tintingue est un isthme sablon- débris. Les parois de l'édifice sont tapissées de lianes dont la verneux et boisé, à la pointe duquel est un village qu'habite le chef dure contraste singulièrement avec la couleur rembrunie de la dès naturels de la côte, Tsi-Fana, grand-père du jeune Mandi- muraille. — Sainte-Marie , à ce que prétendent les naturels, a été Tsara, qui a été élevé en France et qui règne sur le territoire de jadis dépeuplée par les guerres continuelles que se faisaient les Pointe-à-Larrée. Ces deux princes malgaches sont vassaux de la princes do Madagascar. Ou y compte une population de 1,500 France. — La baie de Tintingue est environnée de montagnes malgaches, répartis en plusieurs villages, et environ 400 Eurodont les cimes sont couvertes de forêts et qu'une lisière basse et péens ou colons de l'île Bourbon. marécageuse sépare de la nier. Deux rivières navigables pour les RECETTES ET DÉPENSES. — Les dépenses du service colonial chalands y ont leur embouchure.—Les Malgaches prétendent (pie de des deux rivières se réunissent dans l'intérieur de l'île : elles for- Ste-Marie de Madagascar, out été fixées, pour 1838, à 90,000 fr. Il a du y être pourvu au moyeu d'une allocation de pareille meraient ainsi les deux branches d'un même fleuve. Lu disposition somme sur le million affecté au service intérieur des colonies. du sol ne paraît pas confirmer cette allégation. PAYS DES ANTACIMES , uu sud de celui des Bétanimènes. — Ce A. HUGO.

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FIN DU TROISIÈME ET DERNIER VOLUME.

Paris. — Imprimerie et Fonderie de RIGNOUX et Ce, rue des Francs-Bonrgeois-Saint-Michel, 8.




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