MANIOC.org Bibliothèque Schoelcher
Conseil général de la Martinique
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TOPOGRAPHIE M E D I C A L E DE ANCIENNE
S A N - D O M I N G O
C A P I T A L E DES COLONIES DANS LES A N T I L L E S .
ESPAGNOLES
M É M O I R E SUR
L A
FIÈVRE DITE
JAUNE
FIÈVRE
L ' A N A L Y S E
ET
APPLIQUÉES
D'AMERIQUE
PERNICIEUSE.
À
L A
SYNTHESE
L A
MÉDECINE
Question Médicale mise au concours par la Société de Médecine pratique de M o n t p e l l i e r . PAR C H A R L E S F R É D É R I C R O U X DE L ' A I N D.r Médecin ordinaire de l'Armée d'Italie , ancien Médecin de l'Hôpital Impérial et M i l i t a i r e de M E T Z , Membre du Comité de Vaccine du Département de la Moselle , associé correspondant de l'Athéné de N I O R T , Membre de la Société des Sciences et A r t s de T O U L O N , ancien Médecin en chef des Hôpitaux Militaires du Cap Français et de S A N - D O MINGO.
À
V
Chez F r A N Ç O I S A N D R E O L A AN
E
N
I
S
E
Imprimeur de la M a r i n e Royale 1807,
A
MESSIEURS
COSTE
PERCY
DESGENETTES
LARREY
HURTELOUP
PARMENTIER
Inspecteurs généraux du service de Santé à Monsieur G U I L L A U M E médecin en chef de l'armée d'Italie.
JE
fais
hommage
savans
,
clairé
leurs
pas ils
dont
des
reconnaîtrons
malheureux de leurs les
de
cet
qui
maux.
ouvrage
lumières
concitoyens.
l'empreinte y
les
Ils grands
sans
s'identifie C'est
ont
à
des
souvent
é-
n'y
trouveront
talens
peine
,
avec eux,
à ce
titre
mais
V ami
des souffre
qu'il
doit
intéresser.
J'ai l'honneur d'être avec un profond respect
Votre très-humble très-obéissant
&
serviteur
C.F. Roux Dr. M .
1
TOPOGRAPHIE M E D I C A L E DE Ancienne
S AN-DOMINGO, capitale des colonies dans les Antilles.
San-Domingo
espagnoles
, ville épiscopale , ancienne capitale
des colonies espagnoles dans les Antilles,
cedée aux
Français par le traité de paix de 1 7 9 5 , est située dans l a partie méridionale de
l'île
St. Domingue,
à 18 dégrés 10 minutes de l a t i t u d e ,
308
dégrés
20 m i n u t e s de l o n g i t u d e , dans une plaine de huit à douze lieues de large depuis les montagnes de la Plate a u n o r d , jusqu'à la m e r a u
sud, &
d'en-
viron 20 lieues de long depuis l'ouest de l'île jusqu'à l ' e s t . Cette ville est environnée de forêts nord
et
à l'est,
baignée
l'est par le fleuve de Lozama. avoit été bâtie
à
l'est
du
au
a u sud pas l a m e r , à Dans son origine elle
fleuve
p a r Barthelemi
Colomb q u i l a n o m m a nouvelle Isabella; u n ouragan l'ayant d é t r u i t , Ovando gouverneur de l'île l a transporta en 1502 à l'ouest de Lozama et l u i donna le nom de St. Domingo. D e p u i s ce changement elle A
est
2
T O P O G R A P H I E
est exposée aux exhalaisons humides et marécageuses des bords d u
fleuve
qu'un
vent d'est
régulièrement sur une partie de la v i l l e . mat y
est
dant toute
très-beau,
pousse Le
la campagne p r o d u i t
clipen-
l'année une m u l t i t u d e de fleurs i n f i n i -
m e n t variés , les arbres sont toujours
chargés
de
fruits ; de q u e l côté qu'on tourne ses r e g a r d s , l ' o n est charmé par la beauté des objets et l a variété des paysages. L e s chaleurs sont excessives depuis
avril
jus-
qu'en novembre 5 le thermomètre de R é a u m u r
se
soutient pendant toute l'année entre 1 8 , 26 ; et q u e l quefois 28 dégrés. L e c l i m a t est moins chaud dans cette partie d u nouveau monde que dans l ' a n c i e n sous les mêmes cercles p a r a l l è l e s . L e s vents d'est et d u n o r d , s'élèvent régulièrement ; le p r e m i e r p e n dant le j o u r , le second pendant la n u i t , ils b r i s e n t , tempèrent les rayons d'un soleil brûlant, et tiennent
dans l'air une douce fraîcheur.
vembre à a v r i l , on voit souvent
le
entreD e no-
thermomètre
descendre et remonter de plusieurs dégrés en quel ques h e u r e s , et à une pluie froide succéder tout à coup u n soleil brûlant. A u x équinoxes de mars et de s e p t e m b r e , l'air est agité par de fréquens orages : ceux qu'en appelle les coups d u sud sont accompagnés d ' é c l a i r s , de tonnères et d'affreux tremblemens de terre ; les éclairs sont si terribles et s'entre-suivent de si près, que l'atmosphère en est embrasée ; le tonnère se
fait entendre
avec u n fracas épouvan-
M E D I C A L E .
3
vantable: souvent on rencontre dans les forêts arbres déchirés par la foudre. I l seroit à que les p r i n c i p a u x édifices de San-Domingo sent comme ceux d u cap français
fus-
surmontés
paratonnères : i l n'est point de v i l l e où
des
désirer de
leur u t i l i -
té soit plus m a r q u é e . D e novembre à a v r i l , l a p l u i e tombe en si grande abondance, q u ' i l semble que le c i e l en
eau.
Charlevoix
dit q u ' i l
va fondre
tombe autant
de
pouces cubiques de p l u i e pendant certaines s e m a i nes à St. Domingue, année à Paris,
ce
q u ' i l en tombe pendant m
qu'on évalue à 6 ,
une
c
50
(18
et 20 p o u c e s ) . A u plus beau jour succède souvent le tems le plus affreux, le ciel se c o u v r e de n u a ges s o m b r e s , d'où i l sort des colonnes de
pluies
et de vents en forme de t o u r b i l l o n s , que les Espagnols appellent tournado; dans l'espace d'une heure l ' a i g u i l l e aimanté fait le tour d u c a d r a n , les c a m . pagnes sont
ravagées , les terres dépouillées
de
leurs s u c s , les fleuves débordés, les places publiques changées en é t a n g s , les rues en r i v i è r e s . Q u e l q u e fois on ne peut sortir qu'en b a t e a u , San-Domingo
les rues
n'etant pas p a v é e s , sont rongées
de par
ces déluges d ' e a u . Pendant l a p l u i e l ' a i r est o r d i n a i r e m e n t très-frais, à peine est fait
elle finie que le soleil se montre
et
sentir une chaleur e x t r ê m e . Cette alternative
de chaleur et d'humidité favorise l a
putréfaction des
4
T O P O G R A P H I E
des c o r p s , le développement des vers et des insectes,
et rend la saison des pluies
très-malsaine.
L e contour de S a n - D o m i n g o a e n v i r o n une l i e u e , i l est fermé par des ramparts en maçonneries élevés
depuis
15 jusqu'à
20
m.
c.
pieds ( 6 ,
50
)
avec d i x - h u i t bastions liés par des courtines et un f o r t . On a voulu environner la ville d'un fossé sec, mais le roc impénétrable
sur
lequel elle est
as-
sise y a opposé ces obstacles insurmontables.
Les
ramparts d u côté de terre ne sont pas en état
de
résister à une attaque bien d i r i g é e . Cette v i l l e est assez grande pour
loger seize à
18 m i l l e habitans. Les rues sont larges
alignées,
coupées à angles droits par d'autres rues , de manière qu'elles forment des carrés
où
l'air
circule
avec facilité. Elles offrent un fond de graviers et de sables préférable
aux pavés dans les
sécheresses .
Pendant l a saison des pluies ce sable se convertissant en boue rend les rues i n c o m m o d e s . Des trotoirs très-étroits règnent le long des m a i sons; elles sont construites d'un mélange de t e r r e , de sables et de chaux ; ces matières mises dans des m o u l e s , battues avec des presses, le temps des murs solides, q u i ont présent
aux plus
ont formé résisté
violens tremblemens
de
avec
jusqu'à terre,
frequens dans cette î l e . L'expérience a prouvé que cette manière de bâtir est l a plus convenable dans ce p a y s . Les
M E D I C A L E .
5
Les maisons ont un é t a g e , plusieurs sont struites en bois, couvertes de taches de
con-
palmiste;
en général les toits sont faits en terrasse
sur les-
quels on recueille les eaux pluviales pour les conduire dans des citernes. Ces toits ou terrasses sont révêtus de plusieurs couches d'un ciment, q u i g a rantit les maisons du feu : i l seroit très-difficile de les brûler. On va le soir respirer un a i r frais sur ces terrasses d'où la vue est agréable et s'étend a u loin sur la mer et la campagne: on peut
y par-
c o u r i r plusieurs quartiers de la v i l l e . L a distribution intérieure des maisons est
très-
commode ; i l n'y a aucune recherche en o r n e m e n t , tout y annonce la simplicité . Les meubles sont faits en bois d'acajou
très-communs dans l'île; des murs
sans tapisserie très-bien blanchis, des lits de repos surmontés de moustiquières maringouins
pour se garantir
( 1 ) , des hamacs
suspendus
vastes appartemens où les habitans se
des
dans
de
balancent
mollement pour éloigner les inseftes et
dorment
une grande partie du j o u r : voilà à q u o i se bornent ses principaux meubles. Chaque maison renferme dans son intérieur une cour carrée. A u t o u r galleries
de cette cour règnent
soutenues par
des colonnes; de
des
grands bal-
(1) Culex minor vulgatissimus.
6
T O P O G R A P H I E
balcons donnent
sur
les r u e s .
Cette distribution
intérieure facilite les courans d ' a i r , entretient
une
douce fraîcheur dans les appartemens : elle est nécessaire dans ces climats où la chaleur sive et continuelle pendant
toute
est
exces-
l'année.
L e s casermes m i l i t a i r e s sont réunies à l ' a r s e n a l . Ces bâtimens sont vastes, forment deux ailes c o u pées à angles d r o i t s , donnant m e r , sur Lozama
sur
le bord de l a
et sur une grande
cour
fermée
à l'est par des murs b a s . Ils peuvent loger 15 à 1800 soldats. Ces édifices n'ont qu'un rez-de-chaussée quelquefois
humide à cause
du
peu d'éléva-
tion d u sol intérieur , i l s sont en général constamment rafraîchis par les vents d'est. L a trop grande élévation des croisées au les vents
nord ouest empêche que
de ces mêmes côtés puissent
s'y faire
sentir. D a n s l a cour des casermes sur la rive gauche de Lozama
en entrant
dans
ce fleuve , est situé l a
Force , bâtiment carré très élevé servant
tout-à-Ia
fois de prison civile et m i l i t a i r e et de tour des s i gnaux . Cet édifice est le plus sain de toute la v i l l e , à cause des brises continuelles de terre
et
de
m e r , auxquelles i l est sans cesse exposé. I l y a plusieurs places p u b l i q u e s ; la p r i n c i p a l e et l a plus grande est l a Place d'armes figurant un carré l o n g ; l a cathédrale, l'hôtel de v i l l e , la m a i son d u c o m m a n d a n t , celle de plusieurs particuliers en forment le c o n t o u r . L'égli-
M E D I C A L E .
7
L'église cathédrale renferme les portraits sculptés en relief des conquerans
espagnols
du
nouveau
monde. Cet édifice est surmonté d'une coupole , son architecture
est
gothique;
on peut
le
considérer
comme u n des monumens le plus remarquable
de
cette v i l l e . Ovando
gouverneur
avoit conçu le projet
de
San-Domingo
en
1503
d'amener sur l a place d'ar-
mes par u n canal les eaux de la rivière de na éloignée
de 3 lieues , et d'établir
Jay-
dans le m i -
l i e u de l a v i l l e une fontaine (1). Ce dessein n'a p u être encore
éxécuté.
Sur u n rocher
q u i domine le
les ruines d u chateau
de l'Amirando
fleuve,
on
voit
construit
pierre par Diego Colomb. L a grandeur et dité de cet édifice avoit fait croire à
la
en soli-
Ferdinand
que Colomb prétendoit à la souveraineté de l'île et vouloit se rendre independant de l'Espagne. A l'ouest d u fleuve près d u chateau de do est situé le palais d u g o u v e r n e m e n t . fice constamment exposé aux de Lozama,
exhalaisons
l'AmiranCet
édi-
humides
a été abandonné à cause de son insa-
lubrité. Les quartiers de la v i l l e les plus sains sont v o i sins de l a porte d u
Comte. La
(1) Histoire
pag.
223.
de St. Domingue
par Charlevoix
tom.
1.
8
T O P O G R A P H I E
L a boucherie
située près le fort St. Gille est art
bâtiment remarquable par sa construction en port i q u e s , sa simplicité et
les belles proportions
son a r c h i t e c t u r e . Sa situation sur les bords
de
de l a
m e r , exposée à tous les v e n t s , son éloignement de la v i l l e , rendent son emplacement
très-avantageux
pour la salubrité et la facilité qu'on a de l'approp r i e r en jettant les matières animales dans la m e r . Ces matières sont dévorées par les squals
affamés
q u i rôdent sur le rivage . Il y avoit autrefois à San Domingo des Jésuites
un collège
destiné à l ' i n s t r u c t i o n p u b l i q u e . Cet-
te institution n'existe p l u s . L'édifice q u i l u i étoit consacré sert actuellement de résidence à M . l ' A r chevêque. L a ville est remplie de chapelles . I l y a une paroisse et sept couvens r e l i g i e u x , dont deux de fill e s . St. Dominique,
les Pères de la Merci,
les Ja-
cobins , les Cordeliers , St. François , S.te Clara , la Regina
ont été supprimés depuis que les Français sont
en possession de l a v i l l e . Ces édifices occupent les plus beaux quartiers. J ' a i choisi le couvent de St. François
pour s e r -
v i r d'hôpital m i l i t a i r e . C e t édifice est situé dans l'enceinte des R a m p a r t s sur une hauteur d'où l'on voit tout-à-la fois la v i l l e , la campagne et la m e r . Il offre une perspective
agréable et
variée ; l ' a i r
qu'on y respire est p u r , aucune élévation n'empêche sa libre c i r c u l a t i o n . S i la fièvre jaune y m o i s son-
M E D I C A L E . sonna
9
moins de monde que dans les
autres hôpi-
taux de la c o l o n i e , on dut cet avantage à M . L e q u o y De Mongirand,
préfet colonial de la partie
espa-
gnole , mort dans ses fonctions v i c t i m e de son
dé-
v o u e m e n t . Cet administrateur probe et éclairé sentant l'insufisence des réglemens dans l'épidémie q u i regnoit a l o r s , m'avoit confié le commandement en chef de tous les services de St. François
l'hôpital.
a quatre salles principales q u i p e u -
vent être déservies
facilement par les galeries où.
sont des portes q u i correspondent directement dans les salles. L a plus grande peut contenir cent
lits,
les trois autres ensemble deux c e n t s , ce q u i fait un total de trois cents l i t s , sans compter les chambres particulières destinées pour les officiers. S i le d a n ger de réunir dans un même local un trop
grand
nombre de malades n'étoit pas parfaitement démontré par l ' e x p é r i e n c e , on pourroit dans u n e x t r ê me besoin placer cent lits dans l ' é g l i s e ; elle a été pleine en
l'an
d i x ; c'étoit
l'endroit le plus m a l
sain de tout l'hôpital, à cause de l a stagnation de l'air & de la coutume qu'avoient les Espagnols d'y ensevelir les morts depuis plusieurs s i è c l e s . I l seroit dangereux de placer des lits dans Rez-de-chaussée, à cause de la prodigieuse
le
quan-
tité de fourmis q u i piquent vivement les malades, et de l'humidité entretenue par les c i t e r n e s . Cette humidité réunie à l'air chaud favorise la c t i o n , donne naissance aux
fièvres
putréfa-
putrides
malignes
10
T O P O G R A P H I E
gnes ( adynamiques
ataxiques ) , aux diarrhées ,
s'oppose à l a propreté, et rend ce local tout-à-fait i n h a b i t a b l e . L ' e a u de citerne est la seule dont les malades font u s a g e . U n e grande savane
divisée en trois parties est ren-
fermée dans l'enceinte de l'hôpital; l'une contient une m i n e anciennement
exploitée , l'autre sert de
promenade aux convalescens. L ' o n pourroit établir dans la troisième un j a r d i n La
botanique.
v i l l e de S a n - D o m i n g o possède
les hospices
civils de St. Nicolas , St. André , et St. Lazarro Les deux premiers sont destinés digens des deux sexes attaqués
de maladie ,
que les pauvres viellards et les enfans n é s . L ' a d m i n i s t r a t i o n d u fisc s'est emparé venus affectés à ces établissemens de L'hospice St. Lazarro,
.
à recevoir les i n ainsi
abandondes
re-
bienfaisance.
situé à une extrémité de
l a v i l l e , actuellement relégué à Las Minas
cinq lie-
ues plus l o i n , reçoit les personnes affectées
de la
lèpre. San Domingo
n'est pourvue d'aucune source d'eau
f r a i c h e ; i l faut aller à l a fontaine bâtie par Christophe Colomb sur le b o r d d u fleuve à un quart de l i e u e de l a ville pour s'en procurer : c'est la seule dont les vaisseaux mouillés dans la rade font
usa-
ge ; son trop long séjour dans un reservoir m a l nett o y é la rend désagréable
à b o i r e , les legumes y
cuisent avec l e n t e u r , le savon s'y dissout m a l . O n a suppléé a u manque d'eau par celle qu'on con-
M E D I C A L E .
11
conserve dans les c i t e r n e s . I l y en a de publiques et de particulières très-étendues
sous t e r r e :
bues
peu de tems après l a p l u i e ces eaux sont bonnes; mais lorsqu'elles ont
séjourné
long-tems dans ces
r e s e r v o i r s , privées d u contact de l ' a i r , dent
insensiblement l e u r p u r e t é ,
donnent naissance aux hydrocels,
elles per-
se
putrefient ,
aux
diarrhées.
L a prèmière de ces deux maladies est
très-com-
m u n e dans cette ville ; i l est difficile aux babitans de se délivrer de l a seconde sans changer de m a t : c'est l a plus ordinaire de
toutes leurs
clima-
ladies. On
préviendroit l a putréfaction
des eaux , en
construisant à côté des citernes principales des c i terneaux en grès r e m p l i s de sables et de charbons dans lesquels on
filtreroit
l ' e a u . L e d e r n i e r , c'est-
à-dire le c h a r b o n , a l a propriété d'enlever tous les gaz
unis à l ' e a u , et le grès celle de précipiter les
substances en suspension, L ' e n c e i n t e de l a v i l l e est percée de quatre portes dont les deux principales sont celles d u comte , et de St. Diego. L a première a u nord aboutit les routes d u fort St. Jérôme seconde à l'est
donne sur le
fleuve
de
et l'autre de l a Douane
la
Lozama.
L e s deux autres portes , l'une de la Savane to grande
sur
et de St. Carlos,
ou Por-
sont voisines des
d e u x p r e m i è r e s . T o u t e s sont protégées par des bastions ou des forts; celui de S. terie de Don-Diego
te
Barbe et
commendent l e p o r t . S.
l a batte
Barbe et
12 et
T O P O G R A P H I E
le Bastion
Sr.
Lazarro
fau-bourg St. Carlos,
sont
dominés par
le
bâti sur une hauteur à deux
portées de fusil de la v i l l e . L e fort St. Gille
domine la rade et la
Savane,
son emplacement près la boucherie rend ce poste m a l sain à cause des
émanations animales en p u -
tréfaction . Plusieurs batteries situées sur le bord de l a m e r rendent l'approche de ce côte difficile à l'ennemi. Savana
Réal ou plaine R o y a l e ,
fort St. Gille,
est une
située près le
p r a i r i e d'environ six cent
toises de long sur 400 de large ( 1169
m.
de
long-
sur 779 m de large ) bordé sur la route d'Azua sabliers
de
( hura crepitans ) dont les branches élevées
garantissent de l'ardeur du soleil ; les hommes
et
les femmes vont s'y promener le soir à cheval ou en
voitures. E n quittant cette Savane
et
dirigeant sa route
derrière le c i m e t i è r e , l'on va visiter une grotte trèsremarquable , éloignée de trois quart de l i e u e de l a v i l l e . Pour y arriver on suit une
route
étroite
bordée d'arbres dont les feuillages odoriférans ment par intervalle une
voûte de
for-
verdure ; l'on
traverse successivement plusieurs habitations espagnoles où l'on voit de
tout
côté des groupes
p a l m i e r s , de sapotilliers , d'orangers
de
, de g o y a v i e r s ,
dont les branches penchées d'elles mêmes présentent à q u i les veut c u e i l l i r des fruits délicieux ; l'on descend vers l a grotte p a r une pente d o u c e , coupée de
M E D I C A L E . de tems à autre
par
quelques
13
rochers
stériles .
L'entrée est une voûte d e m i - c i r c u l a i r e soutenue par des colonnes irregulières formées par des concrétim
ons c a l c a i r e s . E l l e a environ de h a u t e u r , sur autant de
c
3
25
largeur;
(10 pieds) quand
on a
passé cette première v o û t e , l'on arrive en
plein
a i r a u m i l i e u d ' u n e surface e l l i p t i q u e q u i a l'aspect d'un amphithéâtre.
Cette
surface
a
e n v i r o n soi-
xante et dix pas de long sur trente de l a r g e , son pourtour
est
environné
m.
de rochers de
( 24 pieds ) de h a u t . Dans toute l a
7,
80
c .
circonférence
de ces r o c h e r s , l a nature a creusé une
multitude
de grottes plus ou moins grandes. L e s parois sont remplis
de stalaclites
en colonnes striées, d'où i l
suinte une eau douce contenue dans les petites cavités qu'elle s'est formée. Ces belles grottes servoient autrefois de retraite aux I n d i e n s . Lozama
baigne les murs de San-Domingo,
un peu à l'ouest,
reçoit
la
rivière
coule
d'Isabella à
trois lieues de la v i l l e , l ' u n et l'autre forment deux vastes bassins entre-coupés de vallons , peuplé
par
intervalle de quelques habitations abandonnées. L e sol de ces
deux rivières est une
terre
argileuse
dont on fait une poterie rouge non vernissée , dans laquelle l'eau se conserve parfaitement
fraîche par
sa transudation continuelle à travers les parois d u vase. Lozama
n'a pas de pont : l'on traverse
ve par le moyen d ' u n
Bac,
il a
ce
116
m .
fleuc.
,
94 de
14
T O P O G R A P H I E m.
de largeur ( 60 toisss ) sur ( 6 brasses ) jusqu'à m .
c.
la et 4 , 50
19
de profondeur
son confluent avec
l'Isabel-
( d e u x brasses et d e m i ) à son e m -
b o u c h u r e ; ses bords sont remplis de lagons c a g e u x , son cours est
maré-
insensible jusqu'à la m e r ,
ses eaux sont limoneuses , grasses,
salées, elles
attirent le poisson et l'engraissent en peu d e t e m s . L a marée y monte jusqu'à
m.
1,
c.
14
( 3 pieds et
d e m i ) e n v i r o n . Les vaisseaux marchands de
600
t o n e a u x , les corvettes armées de 20 canons peuvent remonter ce fleuve l'espace de 4 à 5
lieues. Une
barre située à son entrée empêche les vaisseaux de guerre d'y e n t r e r .
L e s capitaines mouillent
dans
l a rade foraine sous la protection des batteries l ' a r s e n a l , de St. Carlos,
de
et d u fort St. Gille , ou sous
le fort St. Jérôme
éloigné d'une l i e u e de l a v i l l e .
L a rade foraine
offre un fond de vase sans r o -
cher n i b a n c ; elle est entièrement à decouvert au sud,
ce q u i rend son séjour très-dangereux lorsque
ce vent se fait sentir: o r d i n a i r e m e n t i l n ' y soufle que très-rarement. I l règne quelquefois dans l ' e q u i noxe de septembre d'une manière t e r r i b l e , alors la mer sort de son l i t , renverse tout ce q u i l u i fait obstacle. Après ces ouragans on trouve sur le rivage plusieurs sortes de coquillages , tels que des pettes marines, la porcelaine,
le lambis, le casque de
trom-
le burgau , l e musical
,
mer.
L'entrée d u fleuve est très belle , à droite est un charmant paysage et l'habitation Esparsa
ornée de
M E D I C A L E .
15
de deux jolis p a v i l l o n s ; plus loin le bourg du R o saire à d e m i caché sous les palmiers, les pommiers
L a côte à l'embouchure 4
m .
,
c.
8
les
bananiers,
rose; à gauche une forêt de
(15
de
mâts.
L o z a m a a environ
à 20 pieds ) d'élévation
au-dessus
du niveau de la m e r ; elle s ' i n c l i n e le long de l a savane royale et se prolonge insensiblement en pente douce jusque sous les eaux marines ; elle a à p e i ne dans cet endroit
c.
0,
50
( un p i e d et d e m i )
d'élévation . Cette côte est formée en général à une très-grande distance par des rochers de madrépores
,
espèce de polypes marins très-multipliés.
Les
droits où l'on peut
l'étonnant
le
m i e u x observer
en-
travail formé par ces polypes est situé le l o n g de la côte à l'est et à l'ouest du
fleuve;
on peut
les
considérer comme des phosphores vivans q u i c o n t r i buent a répandre l a l u e u r qu'on remarque sur les eaux de la mer . Plusieurs murailles sont c o n s t r u i tes avec ces roches de madrépores, liste va regarder c o m m e des
que le natura-
collections de fossiles
très-riches. E n parcourant les sinuosités les marins appellent côte
de
de cette côte fer,
que
on observe
un
gouffre creusé par les attaques continuelles de l a m e r nommé Bocca de est d e m i c i r c u l a i r e ,
l'inferno. sa largeur
Son
embouchure
d'environ
quatre
vingt pas, sa profondeur i n c o n n u e . L a m e r se préc i p i t e dans ce gouffre avec un fracas et un m u g i s sement épouvantable ; elle détruit sans cesse,
dé-
ta-
16
T O P O G R A P H I E
tache les terres et les rochers, commence à
ron-
ger les ramparts près de la B o u c h e r i e . L ' o n présume q u ' i l c o m m u n i q u e par des
conduits
souter-
rains avec des volcans éteints et les lacs salés
de
l'intérieur de l ' î l e . L a mer
le
gagne
sans cesse
long de cette c ô t e , elle met à découvert des r a c i nes d'arbres pétrifiées incrustées dans le rocher plusieurs espèces de Madrépores. genre
des
écrevisses se
long de ce
rencontrent
eu
du
foule le
gouffre.
Après avoir parlé de l ' a i r ,
de
l ' e a u , du
des établissemens civils et militaires de go , notre
et
Des Pagurits
attention
doit naturellement
site,
San-Dominse
porter
sur les qualités du sol de la v i l l e et des e n v i r o n s , sur les p r o d u c t i o n s , la n o u r r i t u r e des h a b i t a n s , et les maladies auxquelles i l s sont
sujets.
L e sol des bords de L o z a m a est g é t a l e , grasse et a r g i l e u s e ,
une
environnée
terre
vé-
de lagons
maracageux sur une grande é t e n d u e . C e l u i de l a v i l l e et des environs à l'ouest est composé de s a bles calcaires entremêlé
de terre
végétale
parse-
mé de rochers arides, brûlés par l ' a r d e u r d u s o l e i l . Cette différence dans l a composition d u
sol en
établit une dans l ' a i r , dans les productions v é g é tales et les maladies q u i affectent les h a b i t a n s . ON observe que les forêts nant Lozama
marécageuses avoisi-
et les terres des bords de ce fleuve ,
humectées par l a culture de la canne à s u c r e , exhalent dans l ' a i r des
vapeurs m i a s m a t i q u e s , lesquel-
M E D I C A L E .
17
quelles étant condensées par la fraîcheur des nuits se resolvent en
rosées abondantes , fécondent
humectent la t e r r e ; que les lianes, les
mapous
les
et
paletuviés,
et autres espèces d'arbres, situés sur
ce côté d u f l e u v e , sont surchargés de b o i s , étendent leurs branches avec e x c è s ; les plantes abondantes
sont
en suc selon que le sol est plus ou
moins humide , que les terres sablonneuses situées à l'ouest de la V i l l e ne pouvant retenir aucun principe fécondant, produisent des arbrisseaux
desse-
c h é s , des plantes m a i g r e s . Les terres basses des bords de L'lsabella sont souvent inondées par des torrens de pluie et par le débordement des e a u x ; les débris des plantes, les dépouilles des
arbres
a c c u m u l é s , ont
couche épaisse de terre
v é g é t a l e , ou
formé
tion est tellement sur-abondante , que les legumineux montent
rapidement
forêts sont impénétrables elles
empêchent
aux
ment de l'air q u i est
fruits
en g r a i n e s . L e s
rayons du
l'évaporation
une
la végéta-
et
le
soleil ;
renouvele-
sans ressort. U n e m u l t i t u -
de innombrable d'insectes et de reptils malfaisans, que la chaleur fait éclore , meurent, se putréfient et répandent au loin des miasmes q u i engendrent des maladies de peau , font p e r i r les hommes les plus vigoureux l'hydropisie.
dans les langueurs de la fièvre
et de
Outre les effets de la chaleur et
de
l ' h u m i d i t é , source de l a décomposition des substances végétales et animales , on a encore à redouter B
les
18
T O P O G R A P H I E
les tremblemens de t e r r e , les ouragans q u i bouleversent tous les élémens. L ' a i r est tellement c o r rompu
pendant
les sécheresses q u ' i l
anéantit
les
sources de l a v i e , donne aux habitans une couleur si pâle qu'on les prendroit pour des
hommes
ma-
lades. S i nous portons à "présent notre attention sur les maladies particulières auxquelles sont sujets les hab i t a n s , nous voyons que ceux d u Bourg saire
du
Ro-
et en général tous ceux q u i vivent le long
d u fleuve et sur-tout les marins dont les vaisseaux sont mouillés dans le p o r t , exposés aux exhalaisons marécageuses q u i suivent le cours de Lozama , sont accablés principalement pendant la saison des pluies , de fièvres
intermittentes,
de douleurs , de
sont dévorés par les moustiques
et
les
diarrhées, maringouins,
espèces de cousins q u i remplissent l'air ; que habitans des bords de l a mer à l'ouest de mingo)
les
San-Do-
ceux du bourg de St. Carlos situé à deux
portées de fusil de l a ville sur une élévation exposée à tous les v e n t s , jouissent d'une m e i l l e u r e santé que les p r e m i e r s , et sont moins sujets aux m a ladies. D'après ces observations, les marins doivent sentir combien i l est dangereux pour l e u r santé, p r i n cipalement dans la saison des p l u i e s , de d o r m i r sur les bords de Lozama sont mouillés dans ce L a plaine arrosée
et à bord des vaisseaux q u i fleuve.
par Lozama
et
l'Isabella cou-
est
M E D I C A L E .
19
couverte de forêts ; l'on y rencontre de jolies v a l lées , des cabanes à d e m i cachées sous l'ombre des feuillages. Les papillons se
font s u r - t o u t r e m a r -
quer par leurs g r a n d e u r s , la richesse, l a
variété
et le v i f éclat de leurs c o u l e u r s . L e s oiseaux m o u ches , les colibris gros comme des hannetons, donnent sans cesse sous les orangers, les jasmins,
les pommiers
bour-
les
acacias,
roses. Ces beaux
arbres
forment des voûtes de verdure entremêlés de qui
pendent
beaumes, parcourir
en guirlandes .
les resines parfument l a campagne sous
fleurs
L e s gommes , les l ' a i r . On peut
l'ombre des
arbres
au m i l i e u de la chaleur d u j o u r . L e s palmiers les bananiers
sont chargés de Régime
de
et de cocos.
L e s arbres sont couverts de fruits
,
bananes de
toutes espèces. L ' h o m m e habitué à ce beau c l i m a t a moins de besoin, que c e l u i q u i habite l ' E u r o p e . Les terres sont vastes, extrêmement fertiles sur le bord des fleuves et des r i v i è r e s ; elles seroient capables de n o u r r i r une grande p o p u l a t i o n , si l ' a g r i culture étoit portée au dégré de perfection q u ' e l l e a acquise en Europe . L e s côtes présentent
une
grande é t e n d u e ; elles sont coupées en tout sens par des rivières navigables, par conséquent très-favorables au c o m m e r c e , à l ' i n d u s t r i e , très-propres faciliter les c o m m u n i c a t i o n s , et le transport
à des
marchandises. Les racines et les légumes sont très-abondans : toute
l'année se passe à semer et à r e c u e i l l i r . La
20
T O P O G R A P H I E
L a terre produit deux
fois l'année : on récolte
le
maïs (1) et le r i z deux f o i s , les patates (2), le m a nioc (3), l'igname ( 4 ) , toute l'année. L a canne sucre
( 5 ) , le café
(6), source des c r i m e s q u i
ensanglanté ce p a y s , font l'objet peu
étendu à San-Domingo.
d'un
à ont
commerce
L e cotonnié ( 7 ) , dont le
duvet filé sert à former les plus belles t o i l e s , croît dans les terreins
secs. On cultive
plats et humides le cacaoyer
dans les l i e u x
( 8 ) , arbre q u i
nit les amandes dont on fait le c h o c o l a t , et
fourl'indi-
go ( 9 ) , dont on retire une belle couleur bleu ; le gayac
(10) utile en médecine et employé dans les
ouvrages de tour et les poulies des vaisseaux. L e palétuvié
dont l'écorce astringente
sert à tanner
les c u i r s , croît sur les bords de Lozama et de l'Isabella . Le nopale (11) sur lequel on élève la cocheu i l l e s i l v e s t r e , les aloës (12) naissent sur les monts p i e r r e u x . L'acajou
(13), le mapou (14) dont les c i -
mes sont t r è s - é l e v é e s , servent à la construction des pi.
(1) Zea Mays. Linn. (2) Convolvulus patata. L. (3) Jatropha. L . (4) Dioscorea sativa. L. (5) Saccharum. L. (6) Caffoea arabica. (7) Gossypium. L. xilon arboreum . Tourn.
(8) Tbeobroma cacao. L. (9) Indigofera anil. L. ( 1 0 ) Guincum officinale . L. (11) Cactus cochenilifera. L. (12) Gave americana . L. (13) Senecarpus. L. (14) Bombax pyramidale. L .
M E D I C A L E .
2 1
pirogues : un seul tronc du dernier peut former u n pieds ) . L a
gomme
copal q u i découle par incision d u courbaril
canot de 13m. de long ( 4 0
(1) est
un des meilleurs v e r n i s . L e bois de fer (2) est propre à l a construction des roues de m o u l i n à s u c r e . I l y a plusieurs espèces de lianes (3) : les unes servent à faire des cordages, d'autres à désaltérer l e voyageur lorsqu'il y fait des incisions pour
rece-
voir l'eau qu'elles contiennent. On c u l t i v e le choux palmiste
(4)
haut de 9
m .
, 75
c.
( 3 0 pieds ) ,
corrossol (5) à fruit hérissé dont l a chair tre est s u c c u l e n t e ; l'ananas (6) pond à la b e a u t é ; le goyavier fruits
dont
on fait une
pommes sapotilles très-rafraîchissantes;
dont le goût
re-
(7) q u i donne des
confiture excellente ; les
(8) d'une les poires
saveur
delicieuse et
d'avocat
consistance butireuse fondant dans callebasses
le
blanchâ-
(9)
d'une
la b o u c h e ;
les
( 1 0 ) , dont les nègres font des bouteilles
et des vases pour leur usage domestique; le
lata-
nié ( 1 1 ) , espèce de p a l m i e r avec l e q u e l les n a t u rels d u pays font des c o r b e i l l e s . Les (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)
Hyménéa courbaril. Laurus chloroxylum. Convolvulus. Areca catecu . L. Anona muricata. L Bromelia. L . Psidium pomiferum.
L. L.
. L.
(8) Sapota achras. L . (9) Laurus perseca. L . (10) Crescentia cujet f r u c t u maximo. L . (11) Palma dactylifera , radiata major. L.
22
T O P O G R A P H I E
L e s autres espèces de fruits qu'on trouve les environs de San-Domingo teuse et gluante
de
dans
sont, l a pomme l a i -
caïmit
(1) d'une odeur
blable à l a vulvaire ; les pommes d'acajou
sem-
(2) dont
l a chair est acide et la coque de la noix un stique v i o l e n t ; la grenade
cau-
(3) d'un goût agréable et
rafraîchissant ; le papayer (4) mâle et femelle ( 5 ) , dont les fruits sont extrêmement relâchans et n u i sibles à l a santé; le piment (6), les melons (7),
d'eaux
les melons d'Europe dont l a saveur est
par-
tout e x c e l l e n t e . Les
arbres et les
manglier quina, rin
l'arbre q u i porte
(9) dont
safras
l a casse ( 8 ) ,
on fait une l i m o n a d e
te , le simmaruba mac,
plantes médicinales
sont
le
des tanneurs q u i peut remplacer l e (quin-
(10)
l a salsepareille
le
tama-
rafraîchissan-
dont l'écorce fortifie l'esto-
(11),
( 1 3 ) , l a vanille
la squine (14),
( 1 2 ) , le sas-
le gingembre
(15)
plan
(1) Chrysophylum caïmit. L . (2) Anocordium occidentale. L . Acajou pomiferum . Lam. (3) Punica nana. L . (4) Papaya carica. L . (5) Papaya fructu melopeponit. P l u m i e r . (6) Myrtus pimenta . L .
(7) Cucurbita citrulus . L . (8) Conocarpus erecta. L . (9) Cassia fistula. L . (10) Quassia simmarouba.L. (11) Smilax sarsaparilla. L. (12) Smilax squina . L . (13) Laurus sassafras. L . (14) Epidendrum vanilla. L . (15) Amomum zingiber. L.
M E D I C A L E . plantes extrêmement lap
chaudes ;
(1) dont on extrait
â c r e , le cannelier sitive
23
la
racine de
ja-
une résine d'un goût fort
(2) s a u v a g e , l'aloës ( 3 ) , la sen-
(4).
Les arbres et les plantes vénéneux croissent p r i n cipalement
dans les
liane
sang : l'une et l'autre
une
espèce
trouve
de l'lsabella et
.
à
On y
marais
Lozama
la liane
de
brûlante et
sont
la
des poisons,
de luzerne v u l g a i r e m e n t appelé
bec empoisonne les c h e v a u x . L e mancenilier
que(5)
,
q u i produit u n fruit agréable à la v u e , semblable à une pomme d ' a p i , est un poison m o r t e l des plus actifs. L e s feuilles et le suc d u manioc et les fleurs d u lilas font perir les hommes et les a n i m a u x . I l nous reste à parler des
habitans
de
San-Do-
mingo , de l e u r n o u r r i t u r e , des maladies auxquelles ils sont
sujets.
N o u s diviserons les habitans en trois races m i t i v e s : les blancs, les indiens Parmi
les nègres
pri-
o u noirs l i b r e s ,
et
couleur de c u i v r e . les blancs
i l y a des
Espagnols: les uns sont
Français
Européens
et
des
d ' o r i g i n e , les
autres a i n s i que tous les sangs mêlés nés dans l'île s'appelent créoles,
créolios. Du
(1) Jalap officinarun fructu rugoso. L . (2) Laurus cinnamomum. L.
(3) Aloës vulgaris . L. (4) Mimosa pudica. L . (5) Hipomene mancinella. L .
24
T O P O G R A P H I E
D u mélange des deux premières races proviennent plusieurs variétés de couleurs que nous réduirons à quatre p r i n c i p a l e s , s a v o i r : 1.° les mulâtres
mulattoës
de couleur jaune , nés d'un blanc et d'une négresse ou d'un nègre avec une blanche ; 2.° le
quarteron
basané, né d'un blanc avec une mulâtre
ou d'un
mulâtre avec une femme blanche ; 3.° l'octavon
ou
métif b r o n z é , né d'un blanc avec une quarterone ou d un
quarteron
blanc
presque p a r f a i t , né d'un blanc avec une octa-
avec une femme
blanche; 4.° le
vone ou de l'octavon avec une femme b l a n c h e . La
me
3.
R a c e , c'est-à-dire les Indiens couleur de
c u i v r e , f o r m o i t , disent les h i s t o r i e n s , une lation d'un
million
d'habitans,
lorsque
popu-
Christophe
Colomb fit la découverte de l ' î l e . Cette population a presque entièrement été détruite
par
les m a l a -
dies resultantes de l'exploitation des mines et par les chiens que les Espagnols avoient élevés à faire la g u e r r e . I l ne reste à présent de ce nombre d'hommes que quelques familles
leur grand
dispersées
dans l ' î l e . L e s colons espagnols actuels sont de sang la plupart affranchis q u i habitent
mêlé,
l a v i l l e et
la
c a m p a g n e : ils sont extrêmement paresseux. L a m o l lesse et la paresse sont tellement
naturelles
p a y s , qu'on a observé que les personnes en E u r o p e a u x plus rudes fatigues
y
à
ce
habituées deviennent
en p e u de temps aussi paresseux que les créoles. On doit attribuer ces changernens à l a transpiration
M E D I C A L E .
25
tion excessive q u i débilite le c o r p s , et anéanti tellement les sources de la v i e , qu'on habitans pour des hommes
prendroit
les
malades.
E n général les Espagnols mènent une v i e
pasto-
r a l e , n'ont d'autre industrie que celle qu'ils t i r e n t de leurs troupeaux. L e manque d'activité l e u r fait négliger l'agriculture et
le c o m m e r c e ; ils vivent
clans la plus grande insouciance , voient à côté d'eux les Catalans
leurs compatriotes et les Français i n d u -
strieux surmonter tous les obstacles , acquérir
de
grandes richesses par le commerce et
l'agriculture
sans que cela excite leur émulation.
Les
posses-
sions territoriales immenses que conservent les nobles sans les faire c u l t i v e r , sont une
des
causes
q u i s'oppose aux progrès de l ' a g r i c u l t u r e : i l y en a q u i possèdent trois et
quatre lieues de
terrein
encore en friche. I l seroit à désirer
pour
les défrichemens
et les progrès de
l'agriculture,
qu'on forçât ces
propriétaires
res par petites
faciliter
à vendre leurs t e r -
p o r t i o n s , ou
à les
faire c u l t i v e r
eux-mêmes. I l règne beaucoup de superstition p a r m i les habitans Espagnols. I l y a des créoles de
cette
tion q u i dans la persuasion où ils étoient , la
prise de
Français,
possession
que
plus
de
San-Domingo
ils étoient de
inhumés
part
par
les
près
prières
de
l'autel,
plus ils avoient
fidèles,
ont donné des sommes immenses pour être
ensevelis sous le maître autel.
aux
naavant
des
I l est résulté de-là que
26
T O P O G R A P H I E
que le séjour des églises est m a l s a i n , que les hôpitaux
devenu
extrêmement
français qu'on y a éta-
b l i pendant le séjour de l'armée
ont été
funestes
a u x malades par les odeurs infectes q u i s'en exhal a i e n t . L'humidité de ces édifices peu aérés , réun i à l a chaleur , favorise la putréfaction et le
de-
veloppement des insectes. Ils sont le séjour
des
chauve-souris
( 1 ) , des araignées
venimeuses,
des
chiques ( 2 ) , des scorpions (3), des scolopendres pieds ( 4 ) , des lézards
mille-
( 5 ) , et sur-tout des fourmis
dont on avoit l a plus grande peine de garantir les m a l a d e s . C e n'est q u ' e n mettant
les 4 pieds
lits dans des vases remplis d'eau
qu'on reussissoit
des
à les é l o i g n e r . P o u r détruire ces insectes q u i font les plus grands dégâts dans ce p a y s , i l seroit u t i l e d'y naturaliser le f o u r m i l i e r (6) o u mangeur L a propreté
dans
de f o u r m i s .
ce pays extrêmement
chaud
devroit être d'une nécessité indispensable pour conserver l a santé. Cependant
les Espagnols ne
l'ob-
servent p o i n t : i l s font si peu usage des b a i n s , q u ' i l n'y
(1) Vespertilio lanceolatus. (2) Culex minutissimus nigricans. (3) Scorpio nigricans. (4) Millepeda .
(5) II y a plusieurs espèces de lézards, le lézard anolis, le gobe-mouche , le rocquet, le brochet de terre. (6) Tamendua,
M E D I C A L E .
27
n'y en avoit pas de public à S a n - D o m i n g o avant l'arrivée des Français. Ce défaut de propreté
réu-
n i à une mauvaise n o u r r i t u r e les rend sujets à l a ladrerie,
maladie de peau dont ils ne peuvent se
guerir. L e s Espagnols portent le manteau et l'habit à la Française ; les femmes sont b e l l e s , ont beaucoup de g r a c e , elles commencent à adopter F r a n c e , portent de longues robes
les modes
flottantes,
de
ont les
bras n u s , l a gorge et les épaules moitié découvertes. L e u r habit de cérémonie consiste en u n g r a n d voile de taffetas noir q u i les couvre depuis l a tête jusqu'aux pieds. Les créoles de l ' u n e et
l'autre nation sont des
hommes d'un esprit n a t u r e l , très-portés à l ' a m o u r , bien faits, agiles, v i g o u r e u x , d'une constitution trèsforte , très-propres a u x exercices d u corps ; l a p l u part forment des
g u e r r i e r s adroits et
Ce sont e u x q u i exercent
les arts
intrépides.
mécaniques et
les emplois q u i exigent beaucoup d ' a c t i v i t é . L e s femmes créoles en général sont b e l l e s , ont de l'esprit n a t u r e l , beaucoup de graces ; elles sont hospitalières envers les étrangers , susceptibles
des
actions les plus généreuses. J ' a i éprouvé leurs bienfaits pendant des maladies dangereuses que j ' a i essuyé au cap Français et à S a n - D o m i n g o . L e s modes de France ont passé à S a n - D o m i n g o . L e s mulâtres Françaises sont insatiables de parures : elles portent des robes longues et flottantes, ce q u i leur
28
T O P O G R A P H I E
leur donne u n a i r élégant et n o b l e . L e u r coëffure consiste en un simple chale des Indes roulé autour de leur t ê t e . Elles ont les traits plus réguliers que les négresses; l e u r figure se rapproche de celle des Européens. L ' a i r
de
mélancolie q u i est
sur leur phisionomie les rend permis par l'usage
de
vivre
répandu
intéressantes.
II est
avec elles pour
un
t e m p s , sans les épouser et sans contract. Les F r a n çais profitent beaucoup de cet usage. L ' o n voit mêm e assez souvent des hommes
mariés
abandonner
leurs femmes pour vivre avec des mulâtres noires,
ce q u i occasionne de grands
les f a m i l l e s . E n général les femmes
et
des
troubles
dans
mulâtres v i -
vent avec é c o n o m i e , et sont d'une sobriété e x t r ê m e . Les nègres en général ont l'esprit borné ;
quel-
ques uns ont de l'intelligence et une discretion à toute é p r e u v e ; ils sont forts et robustes. Il y en a q u i sont m u s c u l e u x c o m m e des athlètes. E n d u r cis à toutes les injures de l ' a i r , exposés nus
presque
à un soleil b r û l a n t , leurs m e m b r e s , p r i n c i p a -
lement les b r a s , acquièrent des proportions herculéennes. Obligés à marcher les jambes et les pieds n u s , exposés aux piqûres des ronces et d'une m u l titude d'insectes, ces parties deviennent difformes ; u n grand nombre finissent par y avoir des ulcères i n c u r a b l e s . E n général ces hommes connaissent peu les m a l a d i e s : on en voit q u i vivent très-long- temps . Lorsqu'on Maniel,
s'empara
en l'an
1794 d u B o u r g
retraite des esclaves fugitifs
ou
du
marons, si-
M E D I C A L E .
29
situé sur une des plus hautes montagnes de l ' î l e , on y trouva deux nègres de cent ans chacun . Les nègres ont tous les vices attachés à
l'escla-
vage: ils sont craintifs , rusés, t r o m p e u r s , v o l e u r s , et dissimulés. I l y en a q u i sont durs et
cruels;
d'autres ont de très-bonnes q u a l i t é s , sont
très-re-
connaissans envers quelquefois
aux
leurs bienfaiteurs ,
plus
grands
être u t i l e s , Ils mènent
s'exposent
dangers
pour
leur
une v i e très-sobre , m a r -
chent n u s , ont p e u de b e s o i n . Quelques de la cassave , des ignames,
bananes,
un peu de poivre et
du sel suffisent à l e u r nourriture et à leurs provisions pour
entreprendre
des voyages
de
longue
durée. L e s négresses ont les traits saillans , le nez épat é , l a bouche et les lèvres épaisses. I l y\en a dont le corps est très-bien proportionné; elles repandent une odeur forte , p r i n c i p a l e m e n t lorsqu'elles sont en r u t . L e s unes sont vêtues d'une simple chemise de t o i l e ; d'autres s'habillent avec g r a c e , mettent l e u r jupe autour de l e u r col en forme de d r a p e r i e , les fentes de côté font entrevoir leur sein , laissent passer leurs bras nus ornés
de
bracelets
d ' o r . J'en a i vu q u i depuis qu'elles portoient des robes de soie et
d'argent o u
étoient libres
de mousseline
des Indes d'une blancheur éclatante , ce
fine
q u i con-
trastoit avec leur peau c o u l e u r d'ébêne . L e u r s dents 6ont extrêmement blanches par
l'habitude qu'elles
ont de manger leurs alimens froids;
elles
aiment pas-
30
T O P O G R A P H I E
passionnément
la danse, joignent leurs voix a u x
sons des tamtams,
des flageolets, et improvisent des
chansons l u b r i q u e s ; en dansant, elles se
meuvent
de divers côtés en faisant des gestes et i m i t a n t des postures extrêmement l a s c i v e s . Après avoir b i e n dansé,
les hommes et
s'enivrer avec d u L e s menstrues
les femmes
finissent
par
taffia. des
négresses ne sont pas aussi
copieuses que celles des femmes d'Europe ; elles ont une grande facilité à accoucher. L e u r s enfans naissent
blancs
avec quelques teintes de
ils ne changent totalement
de
rouge ;
couleur que
ques jours après l e u r naissance. A l o r s le
quelscrotum
est de l a c o u l e u r que tout le corps doit avoir par la s u i t e . S i l'enfant est issu de parens scrotum est d'une mulâtre,
de
n o i r s , le
cette c o u l e u r ; j a u n e , s ' i l est né bronzé s ' i l est quarteron
&c.
Les mères n'emmaillottent n i ne bercent
jamais
leurs e n f a n s ; elles les alaitent jusqu'à huit ou d i x m o i s ; dès qu'ils peuvent un peu se s o u t e n i r , elles les portent sur le c ô t é ,
les jambes
à cheval ,sur
les hanches où ils se tiennent c r a m p o n n é s . Q u a n d elles vont a u t r a v a i l , elles les mettent
tous
sur le sable où ils se traînent à l e u r g r é . ce p e u de soins ces
nus
Malgré
enfans ne deviennent jamais
bossus n i boiteux: leurs membres délivrés de ces liens q u i captivent c e u x des Européens
acquièrent
en se développant les proportions que
la
leur a assignées. E n général ils sont
nature
malheureux, leur
M E D I C A L E .
31
leur enfance n'est q u ' u n enchaînement
de peine et
de mauvais t r a i t e m e n t . Depuis l'âge de 4 à 5 ans jusqu'à l'âge de 14 ils font tous les travaux dant que les pères et
mères
se reposent.
roissent avoir beaucoup d'esprit n a t u r e l , facilement
et
donnent
pen-
Ils
pa-
apprennent
beaucoup d'espérance
jus-
qu'à 16 a n s ; passé ce temps ils deviennent en quelque sorte stupides, oublient ce
qu'ils avoient ap-
pris. On pourroit attribuer ce changement à l ' i n f l u e n ce de l ' e p r i t reproductif q u i à l'époque de la p u berté produit aussi chez les jeunes
gens
d'Europe
des effets extraordinaires en anéantissant
ou con-
firmant
les espérances qu'on avoit conçu de l a v i -
vacité de leur enfance. I l se pourroit
encore
la rapidité d u mouvement d u sang dans des mulâtres et des
nègres et
son
que
l'enfance
ralentissement
dans l'âge m û r , cause d u plus ou moins
d'activi-
té d u corps, produisissent la différence morale q u ' o n remarque dans leurs différens â g e s . Ces diverses races
d'hommes
sont
nuancés
de
plusieurs couleurs selon qu'ils vivent dans les hab i t a t i o n s , les b o i s , les plaines ou les
montagnes;
leur penchant pour les femmes est t r è s - f o i b l e .
Ils
ont à l'exception des créols blancs p e u o u presque point de poils sur le c o r p s , ce q u i annonce le p e u d'énergie
de
l'esprit r e p r o d u c t i f .
L e sang
noirs coule plus paisiblement que c e l u i
des
des E u r o -
péens: aussi o n t - i l s l'esprit moteur très-peu
abon-
dant ;
32
T O P O G R A P H I E
d a n t ; ils sont lents , paresseux , ont tous les caractères des tempéramens
purement
phlegmatiques.
L e u r passion dominante est la mollesse et le l u x ; ils aiment passionnément les liqueurs fortes et les salaisons. L e s anciens colons européens sont pâles, b l ê m e s , ressemblent
à
des hommes convalescens ou
qui
luttent avec peine contre la malignité d u climat ; néanmoins malgré cet air v a l é t u d i n a i r e , ils jouissent d'une assez bonne santé. L a pâleur du visage est ordinairement d'un bon présage chez les n o u veaux Européens : elle annonce un travail de la nature q u i les dispose à subir l'influence d u c l i m a t . Cette influence
a p r o d u i t ses effets après u n an environ
de séjour dans l a colonie : alors les nouveaux a r r i vés perdent l e u r vivacité et leurs c o u l e u r s , i l s s'apperçoivent d'une grande d i m i n u t i o n dans
les f o r -
c e s , toutes leurs actions se ressentent de la foiblesse qu'ils éprouvent .
L e travail
d'esprit
extrêmement p é n i b l e , la progression
devient
est lente , l a
voix f o i b l e , la fibre s ' a m o l l i t , la digestion est difficile;
les remèdes débilitans, tels que les s a i g n é e s ,
les émétiques , les purgatifs , donnés i m p r u d e m m e n t disposent aux fièvres, aux diarrhées : i l faut être très-circonspect
dans
l ' a d m i n i s t r a t i o n de ces
re-
mèdes . Q u a n d on est a l t é r é , affoibli par les s u e u r s , on évite comme par un instinct naturel tout peut rafraîchir,
on recherche avec
ce q u i
empressement. les
M E D I C A L E . les échauffans . R i e n ne c'est-à-dire
ne
momentanément fomentations
de
fortifie m i e u x , ne repare
effet, mieux
les forces que le punch l é g e r , les rhum
ou d ' e a u - d e - v i e
peau ; ce dernier m o y e n sur-tout lorsqu'après
33
produit m i e u x cet
est
sur
avoir été exposé à la p l u i e , en a
soin de ne pas
laisser sécher ses
la.
très-salutaire
vêtemens
eu
sur le
corps et de changer de l i n g e . Les a n i m a u x
d'Europe et d u
nord de l ' A m é r i -
q u e , tels que les c h e v a u x , les b œ u f s , les c h i e n s , les moutons (1) qu'on
transporte
à
San-Domingo
dégénèrent. L e s chevaux deviennent petits ; un grand n o m b r e ne pouvant chiens
perdent
s'acclimater y périssent . Les leur
voix
s'affoiblit ; les moutons ont p e u de laine ; la
vian-
de de boeuf est
l'odorat
et l'instinct ,
filamenteuse
vais goût . Il n ' y a que
, c o r i a c e , d'un m a u -
les cochons
(2) q u i
se
plai-
(1) On trouve encore plusieurs futres espèces d'animaux à San-Domingo : tels sont le mulet, mulus vel equus anriculis erectis ; l'âne, asinus vel equus auriculis longis flaccidis; la chèvre, capra; le chat, felis domesticus ; le rat domestique, mus domesticus major, sive ratus; le rat piloris, mus pilorides; la souris, mus domesticus ; l'agouti, cuniculus omnium vulgatissimus agouti vulgo ; le cayman , crocodilus cataphragus ; le caméléon, cameleo . (2) Sus major niger. c
34
T O P O G R A P H I E
plaisent
naturellement
forêts
humides
abondantes en fruits q u i y ont prospéré.
dans
les
Les a n i -
m a u x i n d i g è n e s , tels que les chiens muets , sont r a bougris
d'une
petite taille . Cette dégénérescence
doit être attribuée a u mauvais a i r et défaut de c u l t u r e . Lorsque les défrichemens auront découvert l a surface de la terre , donné de l'écoulement aux eaux stagnantes ,
l'air
deviendra plus s a i n , les m a l a -
dies moins fréquentes , les hommes
et
les
ani-
m a u x prospéreront, la population s'accroîtra au l i e u de d i m i n u e r . Il faut mèner une vie b i e n reglée pour p o u v o i r s'habituer
et v i v r e long-temps dans ce
tempéramens
flegmatiques
q u i ont
logie avec ceux des indigènes stent le plus Ceux
et
s'acclimatent
q u i tremblent
pays. Les
le plus d'ana-
sont c e u x q u i resiplus facilement .
au seul mot de m a l a d i e , en
sont les p r e m i e r s atteints. I l faut pour s'acclimater s'éloigner des habitations malsaines. L e s excès a u près des femmes
sont sur-tout
funestes aux n o u -
veaux Européens. Pendant la première année i l faut v i v r e de r é g i m e , choisir ses alimens de préférence p a r m i les v é g é t a u x , prendre des b a i n s , ne pas s'exposer pendant
la
nuit
aux rosées n i à
l'ardeur
brûlante d u s o l e i l , ou si l'on ne peut s'en dispenser porter
u n parasol pour s'en g a r a n t i r , ou bien
se c o u v r i r la tête d'un m o u c h o i r plié en plusieurs doubles . L e s vêtemens et les chapeaux blancs refle-
M E D I C A L E . flechissant
35
beaucoup m i e u x les rayons d u soleil q u e
les autres couleurs doivent être préférés. S i on habite les endroits m a r é c a g e u x , pour
on
s'en
éloignera
aller vivre sur les mornes , les l i e u x élevés
où l ' o n respire u n air frais. Q u a n d on se propose de passer
d'Europe dans
les
colonies
des
pays
c h a u d s , i l faut choisir la fin de l'été . Cette saison est l a plus avantageuse par ce qu'on
est déjà h a -
bitué aux c h a l e u r s . Malgré toutes les
précautions
qu'on a p u p r e n d r e , on n'a pu empêcher
que
les
Européens n ' y mourussent en g r a n d nombre ; ils y vieillissent de bonne h e u r e . L e s femmes
d'Europe
y sont moins fécondes que dans leurs pays ; on conserve e n v i r o n le q u a r t , quelquefois l a enfans
blancs et
noirs :
c'est-pourquoi
moitié des on a été
obligé de recruter ces derniers par c e u x qu'on achète en A f r i q u e ; sans ce recrutement l e u r n o m bre se seroit éteint . Les habitans de San-Domingo
vivent de l a m ê -
m e manière qu'en E u r o p e : i l s se lèvent avec le sol e i l pour j o u i r de l a fraîcheur délicieuse repandue dans l ' a i r ; ils prennent le café à six heures d u m a tin , le bain à m i d i , fument
du
paisible qu'ils mènent contribue à
tabac . L a v i e les rendre
dolens , paresseux ; ils n'oublient jamais de
infaire
la sieste, c'est-à-dire de d o r m i r après le dîner
et
pendant les grandes
o-
chaleurs.
L o r s q u ' i l s sont
bligés de sortir pendant le m i l i e u d u j o u r , ils p o r tent un parasol pour se garantir de l'ardeur brûlan-
36
T O P O G R A P H I E
lante d u s o l e i l , et s'enveloppent l a tête d'un m o u choir . L e s nouveaux Européens
se moquent o r d i -
nairement de ces précautions , ils s'exposent sans c r a i n t e au
soleil , dorment quelquefois en
plein
air pendant la n u i t : ces imprudences les rendent sujets a u x diarrhées , aux ophtalmies,
au tétanos -
L e peuple mène une vie sobre, v i t p r i n c i p a l e m e n t de l a i t de racines et de fruits , tels que figues
bananes,
la farine lui tiennent
maïs,
patate,
cassave,
bananes,
dont on fait
de m a n i o c , igname ; ces trois
derniers
lieu de pain ; i l prend beaucoup de
chocolat , mange de l a c h a i r de b o e u f ,
beaucoup
de porc : tous leurs alimens sont apprêtés
avec l a
graisse de ce dernier a n i m a l , qu'ils appèlent manteca
ou s a i n - d o u x , dont ils se servent a u l i e u de
b e u r r e : ils coupent la viande de porc par tranches minces c o m m e du Bif-tek , la salent , l ' i m b i b e n t de jus d'orange sûre et la font
ensuite
déssécher
ou boucanner à la f u m é e ; ainsi préparée , elle porte le nom de tassao et peut se conserver. L a viande qu'ils appèlent grossura,
consiste en
t ê t e , l a n g u e , l a r d , i n t e s t i n s , et pieds d ' a n i m a u x ; ils l'assaisonnent avec une si grande quantité
d'ail
et de p i m e n t q u ' i l est impossible d'en g o û t e r . Ces a l i m e n s , c'est-à-dire le tassao et grossura
sont
très-malsains ; continués pendant quelque temps , ils vicient les h u m e u r s , contribuent à faire naître p a r m i les hommes et les femmes cette m a l a d i e de peau à l a q u e l l e les porcs sont sujets, que les Espagnols
M E D I C A L E .
37
gnols désignent sous le n o m de ladrerie,
maladie
très-difficile à g u é r i r . Quelques Espagnols boivent de l'infusion plante nommée Koka,
d'une
ou thé d ' A m é r i q u e dont on
fait un grand usage
a u Paraguay
Cette infusion est s a l u t a i r e ,
et au Pérou .
d ' u n aussi bon
que le thé ; elle fait légèrement
saliver et
goût donne
une odeur désagréable à ceux q u i en font u n usage c o n t i n u e l . L e chien turc , sans poil , est bon à manger ; l'iguane (1) est une espèce de lézard dont la chair est tendre c o m m e Celle de poulet ; ste à ceux q u i en ctés de
vice
mangent
vénérien ;
on
elle est
fune-
lorsqu'ils sont prétend
affe-
qu'elle
a la
propriété de réveiller ce virus a s s o u p i . Les nègres aiment beaucoup cette chair ainsi que c e l l e autres lézards: ils mangent aussi miste q u i sont
des oeufs de
des
les vers du p a l -
mouche déposés dans
cet arbre et changés en vers : ce sont c o m m e boules de graisse de la grosseur
d'une
des
amande
longues de deux pouces. L a manière de les
,
apprê-
ter consiste à les faire frire à la poële ou à les faire rôtir devant le feu c o m m e des petits o i s e a u x . Ce mets est e x c e l l e n t . L e s pêcheurs apportent
au marché plusieurs espèces
(1) Lacerta seu leguana pectinata
&
strumosa c o e r u l e a .
38
T O P O G R A P H I E
spèces de tortue
( 1 ) . I l y en a q u i pèsent jusqu'à
3 0 0 l i v r e s , dont la chair est délicieuse . L a tortue caret recherche
son
n'est point agréable au goût : on
écaille q u i est estimée
d'un
grand
p r i x dans le c o m m e r c e . Les crabes (2) sont
des espèces d'écrevisse dont
quelques-unes sont fort bonnes à m a n g e r . Les créols estiment beaucoup les crabes
rouges q u ' i l s appèlent
tourlourou:
régal.
ils en font l e u r
Leur
manière
de les apprêter consiste à enlever l a c h a i r q u i est dans les cuisses après les avoir fait b o u i l l i r
et
à
t i r e r l a substance q u i est dans le corps ; ou à les faire c u i r e entières beaucoup de
avec d u gombo en y mêlant
piment et d u suc d'orange sûre : ce
ragoût est e x c e l l e n t . Les crabes q u i vivent sous les mancenilliers
ont
une qualité v e n i m e u s e ; l e u r c h a i r peut empoisonner . L a m e r et les rivières sont abondantes en p o i s son. L e lamentin, l a carangue,
espèce de m a m m i f è r e , le mulet ( 3 ) ,
la bonite,
le poisson lune ( 4 ) , le balaou ou
(1) Les diverses espèces de tortue sont les : testudo terrestris major, testudo terrestris minor, testudo palustris , testudo vulgaris . (2) Il y a plusieurs espèces de crabes: le cancer terrestris minor , cancer vialaceus , cancer albicans minor , cancer parvus. (3) Mugilis. (4) Orbis marinus.
M E D I C A L E .
39
ou a i g u i l l e de mer ( 1 ) , la dorade ( 2 ) , l'aquador ou poisson volant ( 3 ) , le merlan (4) , l a sardine, barbarin
, plusieurs espèces de rouget,
la génoite
électrique (6), le cabeliau
te ( 8 ) , le vivano,
le baret sont
le
l a vieille
(5),
( 7 ) , le
pilo-
bons à m a n g e r .
On assure que le perroquet de mer et
la
becune
sont des poisons pour l'homme , en ce que le prem i e r ronge le
c u i v r e des vaisseaux et le second
avale les pommes de mancenillier
qu'il
dans les r i v i è r e s , poison très-violent
rencontre q u i ne l u i
fait aucun m a l . L a volaille est très-abondante ; elle au p i a n , espèce de fungus ressemblant
à la framboise
est
sujette
ulcéré situé sur l a peau q u i l a fait périr
grand nombre. O n voit dans l a saison des vols prodigieux de ramiers
des
en
pluies
q u i viennent
du
nord et se d i r i g e n t a u s u d ; dans le temps d u passage de ces o i s e a u x , on ne v i t que de ramiers (9) . L e coq d'Inde
(10), la poule pintade
(11),
la
poule
d'eau ( 1 2 ) , le faisan, l'oie (13), le canard ( 1 4 ) , l a be-
( 8 ) Pastinaca barbata , a(1) Acus centriscuit spera, & longius c a u d a t a . (2) Aurata marina. (9) Colomba sylvatica. (3) Sardina. (10) Gallus indicus . (4) Merlangius. (11) Gallina africana. (5) Asellus maximus. (6) Torpedo sive anguilla (12) Gallina aquatica. tremorem inferens. (15) Anser vulgaris . (14) Anser minor . (7) Molva seu morrhua.
40
T O P O G R A P H I E
bécassine ( 1 ) , le pluvier ( 2 ) , la tourterelle ( 3 ) , sont très-bons à manger
(4).
L'année peut être divisée entre
la saison h u m i -
de ou l'hiver et la saison sèche ou l'été . L a première est l'intervalle q u i existe entre novembre et a v r i l . Dans cette saison , que l'on pourroit appeler le printemps de ce p a y s , les vents du N o r d
amè-
nent les p l u i e s ; elles durent trois ou quatre m o i s , pendant lesquels la nature se pare
d'une nouvelle
v e r d u r e , l ' a i r est chargé de v a p e u r s , de b r o u i l l a r d s , et les terres sont continuellement abreuvées d ' h u m i d i t é . Alors les soldats sont sujets aux fièvres variées , aux rhumes,
aux péripneumonies,
aux dyssenteries,
aux diarrhées
aux opthalmies , au
,
tétanos. Avant
(1) Gallinago minor . (2) Pluviatilis cinereus. sylvaticus .
(3) Turtur
( 4 ) Les autres oiseaux qu'on voit à Saint D o mingo sont: l'aigle, aquila ; le paille en cul , B ; le grand gosier, pelicanus piscator, B ; l'épervier , fringilarius sive falco ; le corbeau des savanes, corvus sylvaticus ; le héron nommé aigrette, ardea alba maxima ; le héron cendré, ardea cinerea ; plusieurs espèces de pics ; le hibou, ulula strix ; le perroquet, prittacus viridis ; la perruche ,psittacus totus viridis ; le merle, merula; le musicien ou organiste; le guêpier, merops major & minor sive apiastre; le pluvier, pluvialis cinereus; la becassine, gallinago minor; l'hirondelle, hirundo americana ; la mouette , larus piscator cinereus ; le flammant, flemingo.
M E D I C A L E
41
A v a n t d'entrer dans l a description de
chacune
de ces maladies , je dois prévenir qu'en général elles ont une marche plus rapide à qu'en
E u r o p e . Cette
spasmes nerveux
qui
San-Domingo,
rapidité paroît
tenir
aux
troublent les périodes
des
maladies. Le
rhume
est
ordinairement
accompagné
d'un
dessèchement dans les membranes muqueuses
qui
revêtent les fosses nasales. Après quelques jours , ces parties privées d'humidité, se tapissent de m u cosité et la maladie se t e r m i n e
d'elle même
par
l'expulsion de l ' h u m e u r . Quelquefois l'irritation se propage phage,
dans
l'intérieur de
détermine
la gorge et de l'œso-
des catharres
accompagnés
de
fièvre. D a n s ce dernier cas les remèdes q u i conviennent s o n t , les boissons édulcorées et a c i d u l é e s , les légers d i u r é t i q u e s , les gargarismes , les pédiluves , lavemens nombreux , les fumigations
les
émollientes
dirigées sur les parties m a l a d e s . L a péripneumonie
avec f i è v r e ,
douleur au c ô t é ,
crachement de sang , nécessite rarement ne
plus d ' u -
saignée dans ce c l i m a t en raison de la r a -
reté des
affections
inflammatoires :
très-circonspect dans l'emploi
de ce
l'indication est bien m a r q u é e ,
i l faut
être
m o y e n ; si
elle doit être
pla-
cée le premier jour , rarement le deuxième ;
pas-
sé ce
faire
dernier terme
,
i l ne faut
pas en
usage. Les
42
T O P O G R A P H I E
Les boissons délayantes,
telles que l'eau
d'orge
miellée acidulée, les fomentations, les applications chaudes
sur l a
partie
doloureuse , les lavemens
en grand n o m b r e , les vésicatoires sur le côté de la poitrine o u aux jambes appliqués de bonne h e u r e , sont les remèdes q u i conviennent. Lorsque l a maladie se complique et se prolonge au-delà d u terme ordinaire avec redoublement
de
fièvre le s o i r , le syrop de quinquina devient alors indispensable : on l'emploie à l a dose de 96 g r a m mes ( trois onces ) trois à quatre fois par jour de trois heures en 3 heures. L a diarrhée
des soldats est souvent due à l'usa-
ge immodéré des fruits a c i d e s ,
ou à un p r i n c i p e
âcre fixé sur le canal i n t e s t i n a l . Pour
la guérir,
on a recours
à
l'ipécacuana
comme v o m i t i f , aux boissons de r i z , aux lavem e n s . Quelques minoratifs d o u x , tels que 4 grammes
mes ( un gros ) de rhubarbe , 6 4 g. mes
de manne dans 128 g.
( d e u x onces)
( quatre onces ) d ' e a u ,
complètent le t r a i t e m e n t . L a dyssenierie e t le tenesme sont de douleurs nu ventre et souvent
accompagnés
d'excoriations à
l ' a n u s , de déjections sanguinolentes; elles sont e n tretenues par des v e r s , des matières acres ou des spasmes nerveux fixes sur le tube intestinal . C e sont les maladies les plus ordinaires des habitans , elles sont d'une curation
difficile
lorsqu'elles d e -
viennent chroniques . Dans ce dernier cas les m a la-
M E D I C A L E . lades
doivent changer
de c l i m a t
43 le
plutôt
pos-
sible . Les vent
m u c i l a g i n e u x , les boissons gommeuses , d o i être
employées .
L'ipécacuanha
u n i à l'o-
p i u m à petite dose, l e v i n t h é r i a c a l , les d e m i - l a vemens anodins produisent de bons
effets.
L a poudre de castillon q u e le D . r Gilbert présum e être u n mélange de salep de sagou et de carbonate de m a g n é s i e , l a poudre de banane en m a turité bien sèchée prise dans d u l a i t , ont
souvent
p r o d u i t des prodiges dans des cas désespérés. Ceux
q u i dorment
a u x rayons
e n p l e i n a i r , q u i s'exposent
d u s o l e i l , de la l u n e , a u x rosées e x -
trêmement abondantes
entre
les tropiques ,
sont
sujets a u x ophtalmies q u i se terminent quelquefois par l a c é c i t é . Cette m a l a d i e cède souvent a u x bains de p i e d s , au petit-lait n i t r é , a u x c o l l y r e s rafraîchissans ; l'eau froide est le m e i l l e u r de tous. L o r s q u e c e l u i - c i ne suffit
pas , on emploie l ' e a u - d e - v i e
mêlée
avec
l ' e a u . L e s vésicatoires à l a n u q u e ne doivent pas être n é g l i g é s . I l faut
avoir grand soin d'éviter
la
lumière trop v i v e , les collyres et les a l i m e n s â c r e s . L e repos
total d u corps et de l a v u e sont i n d i -
spensables . L e tétanos
(1) est u n e maladie
convulsive q u i affe-
(1) Voyez l'ouvrage du Doct. Dazile vé à St. Domingue.
sur le tétanos obser-
44
T O P O G R A P H I E
affecte quelquefois ceux qui dorment en p l e i n pendant la n u i t , q u i s'exposent
à la p l u i e ,
rosées; elle survient encore à la suite des
air aux
plaies
d'armes à f e u . Cette maladie met
tous les muscles dans
des
contractions violentes, le gosier est resserré par des mouvemens convulsifs , les mâchoires sont tellement rapprochées
q u ' i l n'est
pas possible de les o u v r i r
pour introduire des alimens dans l a bouche d u
ma-
lade . On traite cette maladie par les b a i n s , les a p p l i cations émollientes , les antispasmodiques tels que le m u s c , le c a s t o r e u m ; l a
saignée,
les
ligatures
multipliées autour d u corps ont quelquefois arrêté les convulsions. Pendant l'été d ' a v r i l à novembre et p r i n c i p a l e ment aux approches de l'équinoxe de septembre , i l règne souvent des orages , les chaleurs
devien-
nent excessives, la viande ne se conserva pas
24
h e u r e s , les f r u i t s , les
un
légumes se
gâtent
en
court espace de t e m p s , les gaz morbifiques se d é gagent des m a r a i s ,
ils corrompent
l'air,
s'appli-
quent par la respiration: et l'inhalation de la peau au systême sanguin et n e r v e u x ,
s'y
développent
comme par un mouvement de fermentation , de-là naissent des fièvres irrégulières,
les fièvres p e r n i -
cieuses ( a d y n a m i q u e s ataxiques P i n . ) putrides m a l i gnes , les fièvres nerveuses, les fièvres t i e r c e , d o u ble t i e r c e ,
quarte
q u i dégénèrent
quelquefois en CON-
M E D I C A L E .
45
continue et en fièvres l e n t e s . L e s accès
rentrent
souvent les uns dans les autres, c'est-à-dire se c o m m u n i q u e n t , l ' u n est à peine
fini,
qu'ils
que l ' a u -
tre recommence ; elles prennent des caractères i n s i d i e u x très - bien décrits par
Messieurs G i l b e r t
et
B a l l i (1) médecins en chef de l'armée dans leur o u vrage sur les maladies des troupes à St. D o m i n g u e , ouvrage auquel je renvoie le l e c t e u r . E n général ces fièvres sont d'une curation longue et difficile ; elles cèdent plutôt climat qu'aux
remèdes
au changement de
de l a médecine:
le seul
qu'on ait à l e u r opposer est le q u i n q u i n a e m p l o y é après u n c e r t a i n nombre d ' a c c è s . On le donne dans les rémissions fébriles à l a dose de h u i t g r a m mes
( 2. drachmes ) 4 ou 6 fois par jour
de
3
heures en trois h e u r e s . Plusieurs voyages,
observations
r e c u e i l l i e s pendant
p r i n c i p a l e m e n t dans
l ' I t a l i e , voisins des eaux
mes
les pays plats
stagnantes,
et
de
sur p l u -
sieurs points marécageux des côtes de la méditerr a n é e , m'ont démontré q u ' i l régnoit dans ces pays en été et
particulièrement
M a n t o u e et
de V e n i s e ,
dans
des
les environs
fièvres
de
semblables à
celles qu'éprouvent les habitans des bords de L o za-
(1) Voyez le Journal de médecine et de chirurgie cliniques de M . Balli imprimé au cap français.
46
T O P O G R A P H I E
zama et de l'Isabella ;
qu'elles
prenoient
comme
dans les pays m a r é c a g e u x d'entre les tropiques des caractères i n s i d i e u x ; que
ce n'étoit
le plus s o u -
vent qu'en s'éloignant d u foyer des émanations i n s a l u b r e s , en allant respirer un air p u r , habiter les l i e u x é l e v é s , exposés à tous les vents , que les m a lades parvenoient à se Les
nouveaux
retablir.
Européens, principalement ceux
d'une constitution forte et s a n g u i n e , sont sujets à la
fièvre
ardente.
E l l e se manifeste par l a c é p h a l a l g i e , soif ardente,
lassitudes, y e u x
enflammés;
les malades
ne
respirent q u ' a v e c p e i n e , poussent de profonds soupirs,
l a langue
est
r o u g e , l a gorge
enflammée,
les artères battent avec une v i o l e n c e e x t r ê m e . Ces m a l h e u r e u x frappés quelquefois de phrénesie brisent leurs et
l i e n s , s'échappent du séjour de l'horreur
finissent
quelquefois
par
succomber
à
(1)
leurs
maux. J ' a i traité
cette maladie par
l'eau
froide , les
boissons d é l a y a n t e s ,
les lavemens en
bre,
les demi-bains de c o r p s ,
les p é d i l u v e s ,
grand
nomles
s i n a p i s m e s , le q u i n q u i n a . Sans a v o i r l ' i n t e n t i o n de rien apprendre de nouv e a u a u x praticiens, q u ' i l me soit p e r m i s
de c i ter
(0 H .
M E D I C A L E .
47
ter pour l a c u r e de cette m a l a d i e une observation d u Doct. B r a n d i n , q u i prouve les bons effets aspersions et des douches d'eau froide l e s c r o t u m (1) dans le cas de
des
dirigées sur
phrénesie.
Claude Anselin âgé de 28 a n s , d'un tempérament foible et s e c , caporal dans l a legion d u
cap,
fut
apporté à l'hôpital m i l i t a i r e d u cap français le 28 décembre
1803 avec une
fièvre des plus aiguës ,
douleurs dans tout le c o r p s , prostration des
forces
m u s c u l a i r e s , violent m a l de t ê t e , d é l i r e , t r e m b l e ment s p a s m o d i q u e , pouls p l e i n , a c c é l é r é , sèche, tremblotante, cardialgie,
douleur
g a s t r e , visage r o u g e , y e u x v i f s ,
ardens.
langue à l'épi—
Ces symptômes se soutinrent avec plus ou moins d'intensité,
les trois premiers j o u r s , pendant
les-
quels le malade fut m i s à l'usage des boissons d é layantes et acides , des bains de p i e d s , des mens des potions rent
camphrées;
les
lave-
vésicatoires
fu-
appliqués.
L e ventre étoit l i b r e , le malade alloit b i e n , les me
urines couloient a b o n d a m m e n t , lorsque le 4.
jour
elles furent supprimées. T o u t - à - c o u p le malade
fut
pris d'une phrénesie si violente, q u ' i l parcourut les salles en frappant tous ceux q u ' i l r e n c o n t r o i t : on fut
(1) On connoît la sympathie qui existe entre les génitales et le cerveau .
48
TOPOGRAPHIE
fut obligé de réunir les forces de plusieurs
hom-
mes pour le faire l i e r dans son l i t : dès ce m o m e n t on eut recours a u x aspersions et a u x douches d'eau f r o i d e , dirigées p r i n c i p a l e m e n t s u r le scrotum et sur l e bas ventre : elles
produisirent les
m e i l l e u r s effets, calmèrent le malade , rétablirent l e cours des u r i n e s , appaisèrent
les spasmes n e r v e u x .
Continuées j u s q u ' a u 4 j a n v i e r 1804, septième jour de l a m a l a d i e , i l sortit de l'hôpital parfaitement g u é r i . L e s affections crainte,
de l'ame débilitantes , tels que l a
l a tristesse, l a l a n g u e u r , annoncent
chez
les nouveaux Européens une disposition à l a fièvre jaune ,
fièvre
p u t r i d e m a l i g n e , vomito prieto des
Espagnols. Cette m a l a d i e que M . B a l l i Ier. médecin colonie a très-bien
de l a
désigné en l a n o m m a n t
fièvre
miasmatique , est d u e à l'air c o r r o m p u par les c h a leurs
e x c e s s i v e s , a u x miasmes
infecté,
a u x émanations
d u corps
humain
marécageuses, au m a u -
vais a i r qu'on respire dans les h ô p i t a u x , dans les p r i s o n s , a u x alimens g â t é s . E l l e se manifeste par u n e fièvre des p l u s a i g u e s , y e u x a r d e n s , anxiété , faiblesse extrême , vomissement h a b i t u e l , déjections de b i l e n o i r e ,
quelque-
fois l e malade rend des v e r s , tension dans l e v e n tre , épigastre très-sensible à l a pression , toute l a p e a u devient j a u n e , quelquefois
engorgement
p a r o t i d e s , a n t h r a x , hémorragie d ' u n sang décoloré, semblable
des
dissout,
à u n fluide â c r e , corrosif q u i mi-
M E D I C A L E .
49
m i n e les sources de l a vie . S ' i l n ' y a pas de
cri-
se par les urines et les s u e u r s , le coma et l a m o r t surviennent. L a c u r e consiste à renouveller l'air des mens
apparte-
et des s a l l e s , à le purifier par le gaz
acide
m u r i a t i q u e oxigéné ou gaz acide n i t r i q u e au m o yen d u mélange d u m u r i a t e
de
soude
et
d'oxide
de manganèse , sur lequel on verse un peu
d'aci-
de sulfurique ou bien d u nitrate de potasse sur l e q u e l on verse de l'acide n i t r i q u e . Les
remèdes
sont
l a limonade minérale
faite
avec l ' a c i d e n i t r i q u e , le p e t i t - l a i t n i t r é , l'eau froide , l ' e a u v i n e u s e , l'eau de t a m a r i n ,
l'infusion
de
serpentaire de V i r g i n i e , les lavemens acidulés en très-grand
n o m b r e , les bains
pismes . I l faut avoir le plus
de pieds , les s i n a grand
soin
d'éviter
les émetiques et les p u r g a t i f s : i l s i r r i t e n t le canal i n t e s t i n a l , troublent le t r a v a i l de l a n a t u r e , chent les crises , déterminent intestins
auxquels
empê-
des spasmes dans les
les malades ne
sont
que
très-
disposés dans ce c l i m a t . L a marche de l a maladie étant extrêmement r a p i d e , les remèdes doivent être employés de bonne h e u r e . Les bains ont
alternativement
quelquefois changé
froids et
la nature
de
chauds
la m a l a d i e
en déterminant une perturbation générale. L e q u i n q u i n a à l a dose de 8 g .
m e s
en trois heures quatre o u
( deux gros ) de trois cinq
fois par jour pro-
d u i t les m e i l l e u r s effets. L o r s q u e les vomissemens D
50
T O P O G R A P H I E
sont c o n t i n u s , la potion de r i v i è r e , l a l i q u e u r m i nérale anodine d'Offman appaisent les v o m i s s e m e n s . Le
camphre
à haute
dose
d i m i n u e les
spasmes
c o n v u l s i f s . Dans le d é l i r e , les douches d'eau
froi-
de sur le scrotum produisent u n e dérivation a v a n tageuse . Si les hoquets, les vomissemens noirs , les soubresauts dans les tendons surviennent vers le 4. 7.
me
me
et
j o u r s , l a mort est c e r t a i n e .
L e s sécrétions signes les plus Les
des urines et des sueurs sont les avantageux.
convalescences sont o r d i n a i r e m e n t longues ,
difficiles et souvent L a lèpre
trompeuses.
a été de tout temps endémique à San-
Domingo . Cette
m a l a d i e se c o m m u n i q u e
par l e
contact ; elle excite les passions sensuelles et n ' e m pêche pas c e u x q u i en sont atteints de vivre temps;
on a permis à ceux q u i e n sont
longaffectés
de fonder u n v i l l a g e à Las-minas à c i n q lieues de l a v i l l e où ils sont
séquestrés
de l a société sans
distinction de sexe , d ' â g e , n i de r a n g . La
lèpre
donne
un air hideux ,
détermine l a
chute des p o i l s , le visage et l a peau sont couverts de tubercules d u r s , i n é g a u x , l a voix est r a u q u e , le front r i d é , les pieds et les jambes sont g o n f l é s , u l c é r é s , semblables à une masse i n o r g a n i q u e . U n régime d o u x , les sucs d'herbes , les frictions et lotions m e r c u r i e l l e s , les d i a p h o r e t i q u e s , les p u r gatifs d e u x , sont les remèdes q u i conviennent : s u i -
M E D I C A L E .
51
vis avec c o n s t a n c e , i l s produisent une amélioration et quelquefois l a g u é r i s o n . Les dartres sont communes à San-Domingo ; elles font
des progrès
rapides et deviennent i n c u r a b l e s
lorsqu'elles sont n é g l i g é e s . Les remèdes q u i m'ont réussis dans le t r a i t e m e n t de cette m a l a d i e s o n t : les sucs d ' h e r b e s , le l a i t , le p e t i t - l a i t , les lotions m e r c u r i e l l e s , le suc d'indigo dont on frotte le soir l a partie affectée pendant plusieurs m o i s , q u i n z e jours ,
les purgatifs
doux
pris tous les
u n cautère a u bras entretenu
pen-
dant le traitement , l e r é g i m e végétal et l ' a b s t i nence des boissons s p i r i t u e u s e s . Les
maladies syphilitiques
sont
endémiques
St. Domingue. L a transpiration habituelle
à
entrete-
n u e p a r les chaleurs excessives empêche qu'elles ne fassent autant
de ravage
q u ' en E u r o p e . L e s
habitans possesseurs de l a salsepareille, d u du sassafras,
de l a lobelia (1) syphilitica,
pas besoin d u m e r c u r e
gayac, n'ont
p o u r se guérir ; i l s font
avec ces simples une décoction dont les effets sont aussi certains que ceux d u m e r c u r e et moins dangereux q u e l u i . L a petite vérole
étoit inconnue a u x habitans de
St. D o m i n g u e en 1500. L e s Européens l e u r ont a p porté cette m a l a d i e , c e u x - c i l e u r ont c o m m u n i q u é le m a l vénerien : j a m a i s échange n'a été plus f u -
(1) Rapuntium fort .
americahum
flore dilute
coerulio.
Tcuine-
TOPOGRAPHIE MEDICALE.
52 reste
à l'humanité . E n 1517 l a petite
vérole fit
beaucoup de ravage à S a n - D o m i n g o et a u x A n t i l les (1) :des cantons entiers furent dépeuplés ; depuis qu'on a i n t r o d u i t l'inoculation , elle est sinon cessée,
d u moins beaucoup diminuée . I l est à espérer
que l ' i n t r o d u c t i o n de la vaccine finira par l ' é t e i n d r e . Une
m a l a d i e singulière est celle q u i est formée
par une chique (2), petit insecte gros c o m m e u n e mite. I l se loge a u x jambes , a u x orteils , sous les o n g l e s , perce l ' é p i d e r m e , ronge l a c h a i r et p r o d u i t bientôt de petits abscès où i l fait de petits œufs . L e s chiques q u i en naissent se développent de t e l le
sorte q u e lorsqu'on n'a pas soin de les tirer ,
elles forment u n ulcère ou survient quelquefois l a gangrène. Les
nègres
retirent
les chiques
avec beaucoup
d'adresse : ils ouvrent l'abscès avec u n e a i g u i l l e , cernent l'insecte autour d u trou q u ' i l a fait
et le
r e t i r e n t avec tous les petits œufs q u i l'environnent . Q u a n d ils l'ont e x t r a i t , i l s remplissent le trou avec de l a poudre de tabac pour achever de faire périr les
petits œufs q u i peuvent y être resté . En
terminant
i c i m o n t r a v a i l , je ne dois pas
o u b l i e r de faire m e n t i o n des eaux thermales s u l f u reuses de Boynes que l'on trouve à St. D o m i n g u e . Ces
eaux
sont
employées avec
succès dans p l u -
sieurs maladies c h r o n i q u e s .
(1) C h a r l e v o i x t o m . I . pag. 3 4 9 . (2) Culex minutissi-
mus
nigricans.
53
M É M O I R E S U R
L A D
'
A
Dite
fièvre
La
F I È V R E M
E
R
fièvre
I
J A U N E
Q
U
E
pernicieuse.
jaune (1) est endémique
entre les tro-
p i q u e s . E l l e a été observée à St. D o m i n g u e p r i n cipalement
depuis j u i l l e t
jusqu'en
époques o ù l e thermomètre
novembre
de Réaumur
aux
se soutient
entre 20 et 28 d é g r é s ; elle varie selon les vents , les contrées , la plus ou moins grande gaz
quantité de
morbifiques répandus dans l ' a i r . E l l e a u g m e n -
te ses
ravages
pendant
l e c a l m e de l ' a i r ,
les
et par
(1) Febris flava putrida, S a u v a g e : febris maligna
India
maligna
temps les
Bruce
de sécheresse ,
vents d u S u d ; e l l e
L i n d : typhus
icterodes
biliosa Americae , . M o u l t r i e :
occidentalis,
Makitrick.
d é s i g n é e s o u s l e n o m d e comitto prieto,
febris
L e s Espagnols
l'ont
fiebre
; les
amarilla
F r a n ç a i s s o n s c e l u i d e Maladie
de Siam ; les A n g l o i s e r l e s
A m é r i c a i n s s o u s c e l u i de blak
vemiting,
tique ataxique,
Balli.
Fièvre
miasma-
54
M E M O I R E
S U R
d i m i n u e par les vents d u N o r d ; elle s'éteint
et
renaît en raison de l a température chaude et froide de l ' a i r . S i le thermomètre est au- dessous de 20 dégrés , elle
prend
u n e apparence
d ' inflammation
suivie des symptômes b i l i e u x sans c o m p l i c a t i o n d'ataxie; s ' i l est au-dessus, elle devient a t a x i q u e ( m a l i g n e ) avec gangrène
et
n'attaque q u ' u n e
dans l a v i e , les n o u v e a u x
fois
vomissemens n o i r s . E l l e
Européens t r è s - s a n g u i n s , épuisés par les excès a u près des f e m m e s , par les f a t i g u e s ,
l a débauche ,
enclins a u x passions t r i s t e s , subjugués par l a c r a i n t e ; les personnes sales sette d'alimens et de
q u i ont souffert de l a d i leur
sont plus particulièrement
m a u v a i s e qualité , e n affectés et les plus d a n -
gereusement m a l a d e s . I l e n est de m ê m e de c e u x q u i s'exposent à l'insolation et à l ' i m p r e s s i o n f r o i de des rosées d u m a t i n et d u soir extrêmement a bondantes entre les tropiques. E l l e ménage les gens s o b r e s , c e u x q u i vivent de végétaux et
habitent
les mornes, les l i e u x é l e v é s , bien a é r é s . L e s miasmes m a r é c a g e u x , les matières animales
en
putré
faction ont l a propriété de l ' e x c i t e r , a i n s i que les exhalaisons créoles
des corps malades . L e s noirs et les
n ' y sont pas sujets. E l l e
attaque les v i l l e s
plutôt que les villages et les c a m p a g n e s ; elle m a l traite moins les femmes et les enfans dultes .
L e s tempéramens
l e plus d ' a n a l o g i e pays , ainsi
avec
que c e u x
que les a -
flegmatiques ceux
des
q u i ont
naturels
du
q u i ont des c a u t è r e s , des
LA
F I E V R E
J A U N E .
55
ulcères, résistent davantage et s'acclimatent facilement. Cette m a l a d i e
se déclare le plus souvent sans
q u ' a u c u n symptôme précurseur en ait annoncé
le
développement. P r e m i e r j o u r ( 1 ) . F r i s s o n , n a u s é e , lassitude , accablement cipalement augmentée ,
extrême , douleurs g é n é r a l e s , p r i n le long
de l'épine d u d o s , sensibilité
y e u x animes , conjonctives rouges ,
douleur au fond des orbites et au-dessus des y e u x , violent m a l de t ê t e , vertige , toujours excessif
dans les artères
battement
de l a t ê t e ; pouls élevé ,
p l e i n , d u r , sensibilité extrême à l a région épigas t r i q u e , langue sale, s è c h e , soif a r d e n t e , peau aride 2.
m
quelquefois h u m i d e ;
brûlante.
j o u r . Foiblesse e x t r ê m e , pouls foible , acca-
b l e m e n s , s t u p e u r , tremblement spasmodique, respiration pénible , a i r exhalé des
poumons
brûlant ,
douleurs à l'épigastre , vomissemens d'une
bile
â-
cre , soif i n e s t i n g u i b l e , figure d é c o l o r é e , extrêmement b l ê m e , peau s è c h e ,
suppression des
sueurs
(1) Selle, R u d i m . p y r e t o . m é t h o d . p a g . 2 5 6 . , s ' e x p r i m e a i n s i d a n s l a d e s c r i p t i o n d e l a fièvre j a u n e : febris acutissima, ardor magnus oculorum , anxietas pragravis , summa debilitas; vomitus immanis ,assiduus , bilis nigritamis ; tensio hypocondriorum , pressione dolens: universa cutis flavida; hoemorragia ; & nunc vcl cutis humida & crisis, vel coma & mors ,
56
M E M O I R E
et des u r i n e s ; quelquefois
S U R
ces deux
sécrétions
se
soutiennent .
3.me jour .
Impuissance musculaire , le
malade
est couché sur le clos sans pouvoir se remuer , le pouls
est
quelquefois
dans son
état
naturel , i l
survient souvent un calme perfide et momentané les symptômes s'appaisent
,
un instant , puis r e p a -
roissent avec plus de v i o l e n c e ; une teinte de j a u ne
se fait appercevoir sur
l'épigastre, quelquefois
le
les conjonctives , sur 2. j o u r ,
d'autres fois
le 3.me; cette teinte gagne ensuite le reste du c o r p s ; langue n o i r e , s è c h e ,
tremblotante,
gangrène
sur
les moindres égratignures, vomissement jaune , souvent diarrhée, pouls foible , assoupissement , ou point de transpiration , tremblement
peu
spasmodi-
q u e , désordre général dans toutes les fonctions. 4me j o u r .
Lorsqu'il n'y
a
pas
de
diminution
dans les s y m p t ô m e s , délire comateux dans l ' i n t e r valle des rendent
vomissemens ,
quelquefois
les
malades
des v e r s , langue desséchée, dents c o u v e r -
tes d'un e n d u i t noirâtre , déjections noires par haut et par b a s ; hémorragies par le nez et par la bouche d'un sang clair
et
dissout;
pouls m o u ,
iné-
g a l ; face l i v i d e ; taches gangréneuses sur les plaies des vésicatoires; souvent diarrhée; hébêtement chez les u n s , raisonnement
juste
les autres; tremblemens
jusqu'à la mort chez
nerveux,
quefois i l se fait une crise par
les
hoquet. sueurs
Quelet
les
u r i n e s ; elles coulent chargées d'une c o u l e u r ictéri-
LA
F I E V R E
J A U N E .
57
q u e . L a fièvre s'affoiblit en raison de l a
diminu-
t i o n des forces v i t a l e s , à mesure que l a vie s'éteint, la gangrène a u g m e n t e ; l'ouie et l'odorat d i m i n u e n t , l ' o d e u r devient i n s u p p o r t a b l e . 5.
me
jour .
Continuation
diarrhées
noirâtres
et
en
l'anus
tellement
des
vomissemens
âcres
que
sont corrodés, h o q u e t ,
gorge
taches
pour-
prées et l i v i d e s , g a n g r è n e , hémorragies, fois f u r o n c l e s , charbons, engorgement des , dans ces mou,
cas analogie
avec
et
la
quelque-
des
paroti-
l a P . . . pouls
p e t i t , lent ( 1 ) , c o n v u l s i o n s , suppression
to-
tale des u r i n e s ; coma , taches noires sur l a p e a u , fétidité
extrême;
enfin
le
malade
succombe
ou
g u é r i t entre les c i n q u i è m e et le huitième j o u r s , le plus ordinairement le c i n q u i è m e . T e l l e tst la marche l a plus o r d i n a i r e de m a l a d i e ; dans sa plus grande force elle se
cette termi-
ne quelquefois en trois jours par la m o r t . J'ai Henri,
v u mes m a l h e u r e u x collaborateurs Hugonin , Laera,
frères Magnier,
Forgeait, frappés
Duburga, chacun
et
à leur
les tour
deux par
cette c r u e l l e m a l a d i e , m o u r i r dans les t o u r m e n s , oubliés de tout le m o n d e . L e médecin Balli et ses collaborateurs Brandin,
Vavasseur,
Mercier ont été
(1) Pulsus sape mollior, tardior vel celer, & tam tenuis ut taclui fili forman gerat. M a k i t r i c k , de Febre maligna flava, pag. 166.
58
M E M O I R E
S U R
p l u s i e u r s fois sur le point de d e v e n i r les victimes de leurs dévouement cin de
Démon
auprès
étoit
des m a l a d e s . L e m é d e -
devenu
sa m a l a d i e ; i l avoit
m o i t de l a bouche ,
hydrophobe sur l a fin horreur
mordoit tous
de l'eau , é c u ceux
q u i l'ap-
p r o c h o i e n t , entroit a u m o i n d r e b r u i t dans des convulsions h o r r i b l e s . L e s habitans de l a v i l l e d u Cap étoient terrasses par l a c r a i n t e , effrayés d u présent et de l'avenir ; ils se cachoient
avec inquiétude . D e s
entrepre-
neurs avides refusoient à de braves m i l i t a i r e s m a lades u n p e u de p a i l l e pour se reposer. A ' l'île de l a Tortue
les malades s'arrachoient
a l i m e n t ; le désordre et l a terreur comble.
O n enchaînoit
le plus étoient
dans les prisons ,
nocens avec les coupables p o u r
léger à leur les i n -
les l i v r e r
ensuite
à l a m o r t . L e u r s cadavres infectés jettés à l a m e r servoient de p â t u r e a u x requins affamés
q u i , at-
tirés par l ' o d e u r , rodoient sans cesse sur le
riva-
g e . V o i l à e n abrégé le tableau effrayant des désastres q u i ont ravagé St. D o m i n g u e pendant
l'épi-
démie des années 1 8 0 2 , 1 8 0 3 , et 1 8 0 4 . O n observe d e u x périodes (1) dans la fièvre j a u n e : l a première est celle de l ' i n f l a m m a t i o n . E l l e
(1) In duo stadia, ardens nempe ac putridum, febrim distinguere convenu . M a k i t r i c k , de Febre maligna flava pag. 90.
LA
FIEVRE
J A U N E .
59
exige les rafraîchissans, les relâchans et non les ton i q u e s . L a seconde décomposition,
est
l'état
de
putridité et de
accompagné de spasmes.
Celle-ci
nécessite les toniques et ne peut se t e r m i n e r que par la c r i s e , ou l ' e x p u l s i o n d u principe m o r b i f i q u e . L o r s q u e le thermomètre elle
se
est à
dix-huit dégrés,
prolonge quelquefois j u s q u ' a u
rarement jusqu'au
me
3.
deuxième,
septennaire; passé ce
der-
nier t e r m e , elle a quelquefois une terminaison heureuse . Les vomissemens n o i r s , les h o q u e t s , les
hémor-
r a g i e s , la suppression des urines et de la t r a n s p i ration , l a dyssenterie sur le déclin de la m a l a d i e , sont ordinairement des symptômes m o r t e l s . L e s sécrétions soutenues des urines et des sueurs , sont les signes les plus a v a n t a g e u x . L ' o u v e r t u r e des cadavres gangréneuses sur les
a
montré
des
poumons ; le f o i e ,
taches la
tombant en pourriture ; l ' e s t o m a c , les intestins l a vésicule g a n g r e n é s ,
remplis d ' u n e bile
rate et
noire,
d'une odeur i n s u p p o r t a b l e . Cette m a l a d i e a le plus souvent résisté
aux ef-
forts de l a nature et de l'art ; sa marche est q u e l quefois si rapide que les périodes se confondent et laissent à peine au p r a t i c i e n le plus éclairé le temps de les s a i s i r . L e traitement consiste dans le choix d u moment : l a perte
de quelques heures
est i r -
réparable; i l faut épier l a nature , remarquer indications qu'elle présente.
les
60
M E M O I R E
S U R
Des praticiens disent avoir éprouvé des bons
ef-
fets de la saignée employée au début de la m a l a d i e . P o u r m o i , j ' a i constamment observé les m a u er
vais effets. Pratiquée le 1.
j o u r , elle déterminoit
l'affaissement du p o u l s , abattoit les forces du m a l a d e , et augmentait la tendance des humeurs à l a putridité et à la dissolution. T r o i s canoniers d'une forte constitution atteints de la
fièvre
ient été saignés dans l a caserne
dès le 1.er j o u r ;
jaune
ava-
transportés ensuite à l'hôpital d u C a p , ils y m o u rurent le lendemain de leur a r r i v é e . L ' i n f l a m m a t i o n doit être combattue par les boissons d é l a y a n t e s , les p é d i l u v e s ,
les bains de 10 à
12 d é g r é s ; en les donnant alternativement chauds et froids dans le p r i n c i p e de la m a l a d i e , ils produisent une secousse s a l u t a i r e , et s ' i l étoit possible de
la
soupçonner d ' a v a n c e , i l est à présumer que les bains prolongés de 2 à 3 heures l'empêcheroient de se dév e l o p p e r . L'observation suivante prouvera les bons effets Jean
des bains et des aspersions d'eau f r o i d e . Biscuit
Mayene,
né
dans
le
département
âgé de d i x - h u i t a n s , d'un
de
ta
tempérament
sec et s a n g u i n , fut affecté à l'hôpital m i l i t a i r e d u C a p le 10 janvier 1804 d'une fièvre violente avec frisson, fciblesse g é n é r a l e , douleurs a u x l o m b e s , violent m a l de t ê t e , i n s o m n i e , chaleur mordicante à la p e a u , pouls plein d é v e l o p p é , langue agitation
c o n t i n u e l l e , ventre
abondantes le 1.er jour.
rouge,
s o u p l e , urines
peu
LA
FIEVRE
J A U N E .
61
C o n t i n u a t i o n des mêmes symptômes avec plus o u moins de force les jours s u i v a n s . Boissons a c i d e s , lavemens
i d e m , pédiluves , s i n a p i s m e s , q u i n q u i n a
un 3.me et 4 .
me
j o u r s ; à cette époque suppression to-
tale des u r i n e s , avec d o u l e u r au ventre ,
bains et
aspersions d'eau froide dirigées p r i n c i p a l e m e n t sur le scrotum.
Ces derniers moyens répétés plusieurs
fois dans les momens favorables ont rétabli le cours des urines l e j o u r
même
où j ' e n a i fait
L e malade est sorti parfaitement guéri le
usage. 18 j a n -
v i e r , huitième jour de sa maladie et de son entrée à l'hôpital. Les
vomitifs et
les
purgatifs
employés par
les
officiers de santé c o l o n s , ont constamment a u g m e n té les spasmes de l'estomac et accelérés des vomissemens toujours
funestes, contre lesquels les
efforts
de l'art ont été insuffisans. Les
purgatifs donnés avec la plus grande c i r c o n -
spection i r r i t e n t le canal intestinal ,
déterminent
des dyssenteries : si l'on se détermine à en faire usage ,
on
doit
préférer
les minoratifs les
plus
doux. L ' o p i u m n'étoit d ' a u c u n s o u l a g e m e n t . L e s vésicatoires déterminoient souvent
un
effort
c r i t i q u e et
u n e voie utile de solution ; la gangrène q u i survenoit sur
les plaies des vésicatoires étoit le résultat de l a
m a l a d i e et non l'effet de ce r e m è d e . Clarck, Walker, Bruce,
(1)
Médecin
Balli
en chef de l'armée à St.
(1) ,
ont
Domingue.
obtenu
62
M É M O I R E
S U R
des guérisons avec le calomelas ( muriate de mercure ) pris intérieurement
et employé en
friction
sur les plaies des vésicatoires, les l è v r e s , les gencives . L e u r but étoit de faire promtptement saliver. Les
praticiens q u i ont
eu
le plus de succès ont
employé les boissons délayantes acides,
la limonade minérale
que dulcifié , l'eau
de
n i t r é e s , sur tout
avec l'acide n i t r i -
tamarin , la bière , l'eau
v i n e u s e , le p e t i t - l a i t , les dissolutions de a c i d u l e de potasse à la dose
de
tartrite
12 decigrammes
( u n scrup, ) par pinte ; les p é d i l u v e s , les de 10 a 12 dégrés au thermomètre les applications sur
le bas
bains
de R é a u m u r ,
ventre et sur-tout
lavemens acidulés au n o m b r e
de d i x à
les
douze les
premiers j o u r s , les fomentations avec le jus de c i tron premièrement
sur les extrémités
et
ensuite
sur toutes les parties d u corps ; les bains acidulés avec le jus de citron ; les c i l i n d r e s d'eau
tiède ,
appliqués constamment sous la plante des p i e d s . D a n s les violens m a u x
de tête avec
battement
excessif dans les artères temporales ; b a i n s ,
topique
d'oxicrat autour d u front , air f r a i s . Dans les cas d'ardeur d ' u r i n e , lante
à la
de chaleur brû-
p e a u , les b a i n s , les i m m e r s i o n s , les
aspersions d'eau froide produisent de bons effets. L e q u i n q u i n a (1) à la dose de 8 grammes ( d e u x
(1) L ' a v i d i t é d e s e n t r e p r e n e u r s , l e d é s o r d r e
administra,
tif étoient e x t r ê m e s . O n Iaissoit les h ô p i t a u x p r i v é s de m é -
L A
F I E V R E
gros ) en consistance
J A U N E .
d'opiat ,
63
donné 6 ou 8
fois
par jour de 3 heures en 3 h e u r e s , a souvent d i m i nué les progrès de l a
maladie.
4 G r a m m e s ( u n gros ) de carbonate de m a g n é sie mêlés avec 2 g r a m m e s ( u n demi-gros ) de s u cre donnés p l u s i e u r s
fois
dans
les premiers jours
ont modéré les vomissemens en absorbant et émoussant l'âcreté de l a Dans faciliter
les
bile.
momens favorables ,
les
évacuations
des
on donnera p o u r
bols
dicamens. N e pouvant m e procurer
de
savon
à la
d u q u i n q u i n a p o u r le
s e r v i c e d e l ' h ô p i t a l m i l i t a i r e d e S t . Domingo , je t r o u v a i l a m ê m e v e r t u m e d i c i n a l e d a n s l ' é c o r c e du manglier
des tan-
n e u r s , e t l ' e m p l o y a i a v e c u n s u c c è s é g a l à c e l u i de l'e'corce du
P é r o u . L a m e ' d e c i n e et le c o m m e r c e p o u r r o n t
tirer u n
g r a n d a v a n t a g e d e c e t t e d é c o u v e r t e : j e d o i s les r e n s e i g n e m e n s que j ' a i s u r cette espèce Domingue,
distingué
d ' a r b r e à M.
Tussac
p a r ses connoissances
c o l o n de St. en
botanique
q u i t r a v a i l l e a c t u e l l e m e n t à l a Flore de St. Domingue. la description de cette espèce d e
Voici
manglier.
P e n t a n d r i a m o n o g y n i a : conocarpus erecta, caule arboreo diverse ramoso;
ramulis junioribus
ovate lanceolatis , evasis , integris, latis ; fiori bus latescentibus minalibus; lorato,
calice
corolla
erectis, subulatis
angulatis; glabris
: racemulosis
fostif
alternis
, breviter axillaribus
& ter-
campanulato ; limbo quinque-dentato
monopetala ; staminibus ; antberis
rum compressum , obtusum ,
quinque
didymis ; pistil
;
,
petio,cofilamentis
luna germen
infe-
64
M E M O I R E
S U R
close de 4 decigrammes ( h u i t g r a i n s ) 2 o u 3 fois p a r jour. Il faut e x a m i n e r attentivement
si l a nature fait
quelques efforts pour procurer une c r i s e , à fin de l a séconder. L a crise s'opère o r d i n a i r e m e n t par l a d i a r rhée , quelquefois
par
les urines , rarement par
les s u e u r s , souvent par l a jaunisse . Dans les vomissemens
noirs prolongés ,
mixture
effervescente de carbonate de soude ou de potasse 12 d e c i g r a m m e s ( 1 scrup. ) avec suc 32 grammes ( 1 once ) étendu ( 3 onces ) d ' e a u . L i q u e u r
de c i t r o n
clans 9 6 g r a m m e s
minérale
d'Offmann ,
éther v i t r i o l i q u e à l a dose de 18 gouttes ;
potion
camphrée. Rusch et Wistar, cités par Mathew carey conseillent les boissons froides. Souvent vomissemens empêche
la
violence des
le malade de garder
aucun
remède : alors on les donne en lavement , on les fait
entrer
par l a peau
au moyen
des fomenta-
tions . Dans les cas d'affection soporeuse , de délire f u r i e u x , de spasme
nerveux , r i e n n'est plus propre
pour r e v e i l l e r , pour rompre les spasmes ,
que les
douches d'eau froide sur l'épigastre et sur-tout sur les testicules (1) . L e s s i n a p i s m e s ,
les vésicatoires
( 1 ) O n c o n n o î t l a s y m p a t h i e q u i e x i s t e e n t r e les génitales et l e c e r v e a u .
LA
F I E V R E
J A U N E .
65
qu'on a soin d'enlever avant la f o r m a t i o n des c l o ches usque
a d rubedinem,
on les applique dès le
commencement de la maladie à
la nuque
, sur l a
plante des pieds et les j a m b e s . L o r s q u ' i l y a impuissance absolue m o t e u r s , foiblesse des
des
organes
sens internes et externes ,
h é m o r r a g i e s , vomissemens, on r e v e i l l e , on s t i m u le les forces vitales par les eaux spiritueuses aromatiques , le q u i n q u i n a , le camphre , l'éther ; les sinapismes, les vésicatoires promenés sur différentes parties d u c o r p s ,
les lavemens préparés avec
le
q u i n q u i n a , le camphre etc. Dans les vomissemens noirs et sanguinolens, p o tion de rivière, Dans
le
eau f r o i d e , lavemens f r o i d s .
hoquet ,
éther
sulfurique ,
d ' H o f f m a n , v i n thériacal, camphre
liqueur
à la dose
de
8 à 10 g r a i n s . Q u e l que soit l'effet de tous ces remèdes , on i n siste les premiers jours sur les b a i n s , les fomentations , les applications émollientes sur le bas v e n tre , les lavemens rafraîchissans , les boissons nitrées abondantes. Les convalescences (1) sont l o n g u e s , et difficiles et souvent trompeuses.
L a n o u r r i t u r e q u i convint
à cette époque est le s a g o u , les bouillies de m a ï z ,
(1) Spes enim convalescentiae fallax saepissime est.
op. pag.
167.
E
Moultrie
66
M E M O I R E
S U R
de fécule de pommes de terre , les gelées végétales et a n i m a l e s , aromatisées avec l a cannelle et le gérofle, les viandes b l a n c h e s , et l e bon v i n v i e u x . Les préservatifs généraux dependent d u nement et de l a police particulière des
gouver-
v i l l e s ; ils
consistent 1.° A rassurer les esprits effrayés s u r
la
con-
tagion . 2. ° A établir
des lazarets ou b u r e a u x de
santé
pour s u r v e i l l e r les maladies q u i peuvent être trans portées par les v a i s s e a u x . 3.° A m a i n t e n i r l a propreté
dans
les
villes , à
e n t r e t e n i r les pavés pour empêcher les amas d'eau croupissante et les matières ction,
à
animales en
putréfa-
éloigner les cimetières des v i l l e s , les sé-
pultures des églises encore conservés dans quelques colonies espagnoles avec u n respect s u p e r s t i t i e u x . 4.° A des
désinfecter
malades
avec
les appartemens
et
les salles
l'acide m u r i a t i q u e oxigéné
m c y e n d u mélange de m u r i a t e de soude et
au
d'oxi-
de de manganèse sur lequel on verse u n p e u d'acide sulfurique o u d u nitrate de potasse
sur
lequel
on verse u n peu d'acide n i t r i q u e . Ces moyens méritent la préférence sur tous c e u x
a
vantés
jusqu'à présent. L e s grands feux établis sur
qu'on
diffé-
rens p o i n t s , sont encore des moyens préservatifs. C e u x q u i par état sont obligés de respirer stamment les émanations des corps m a l a d e s , nations q u i ont beaucoup
d'affinité
avec
les
conémahu-
LA meurs
FIEVRE
J A U N E .
67
v i v a n t e s , doivent avoir attention de
avaler l e u r salive lorsqu'ils sont auprès
ne pas
des m a l a -
des , de se r i n c e r l a bouche avec des boissons a c i des, de se laver les mains avec du v i n a i g r e affoib l i et de faire usage des I l faut habiter l'on
bains.
les mornes, les l i e u x élevés o u
respire u n a i r frais et p u r ;
ne
faire d ' e x c è s
dans a u c u n g e n r e , m e n e r une vie sobre , se n o u r r i r de bons alimens
choisis de préférence
les v é g é t a u x , user avec beaucoup
de
parmi
modération:
des boissons spiritueuses ; le café à l ' e a u ,
pris l e
m a t i n à j e u n , est salutaire ; on évitera les é m é t i q u e s . L e s bains t e m r é r e s , les p é d i l u v e s , les l a v e mens acides offrent de grands avantages . Les
rayons d u soleil et de la l u n e
sont
dange-
un
certain
reux : on évitera de s'y exposer. On peut encore se garantir
jusqu'à
point de l a fièvre j a u n e en se faisant p r a t i q u e r des cautères. S i l'on passe d'Europe dans les A n t i l l e s à d'Août,
on s'y acclimatera plus facilement
y passant à d'autres époques.
la fin qu'en
69
L'ANALYSE E T L A SYNTHESE Appliquées
La
à l'enseignement de
la
médecine.
société de médecine pratique de Montpellier
a proposé en juillet 1805,
pour
sujet
d'un
l a question suivante ; l'analyse est-elle
un
prix
moyen
de perfectionnement en médecine ? J'ai cherché à resoudre cette question
par
une
méthode de raisonnement claire et précise que j ' a i adopté dans un cours de m é d e c i n e . Celte méthode ou cette manière rigoureuse de raisonner a l ' a v a n tage de lier les faits e n t r ' e u x , d'une
telle s o r t e ,
qu'on peut comparer les principes que je développe à ces vérités géométriques, d'où découlent une multitude d'autres vérités essentiellement
dépen-
dantes les unes des autres; je pose u n fait s i m p l e , passe à un plus composé et successivement à d'autres faits plus compliqués que je cherche à éclairc i r ; je finis synthétiquement à m'élever à des r é sultats généraux sur l'art de g u é r i r . L ' h o m m e dans l'état de santé et de maladie fait le sujet de mes observations. J'examine l'action des agens extérieurs
dans le
7 0
L ' A N A L Y S E
1.er cas , ce qui me conduit à parler des t é s de l'air atmosphérique,
proprié-
des différens g a z , de
l e u r influence sur l a r e s p i r a t i o n , de la c h a l e u r , d u froid ( j'explique ce que l'on doit entendre par le froid d'après la théorie du calorimètre de
La-
voisier ), de l'humidité, des variétés des c l i m a t s . D e l à je passe à l'examen des moyens que l a nature emploie pour conserver la santé et la rétablir lorsqu'elle a été troublée. Ces moyens sont le repos, le s o m m e i l , le t e m p s , les crises , la fièvre, la s u p p u r a t i o n . J'examine successivement ces différens m o y e n s . Je fais sentir combien le repos
trop
long-temps prolongé est préjudiciable à la santé, et combien l'exercice l u i est salutaire
lorsqu'il
est
modéré . Je distingue chez l'homme sain et m a l a de les époques où le sommeil et le repos deviennent nécessaires
pour
réparer
les forces épuisées par
le t r a v a i l , l'intempérance, le trouble des passions, pour amener la coction des h u m e u r s , rétablir l'équilibre entre les fluides et les solides, en un mot dans tous les cas où la nature est appliquée à u n travail quelconque. Fidèle à la méthode
que j ' a i adopté, je passe
successivement d u simple au composé et
j'ajoute,
au repos, au s o m m e i l , un troisième moyen q u i vient tellement à l ' a p p u i des lois de la n a t u r e , que sans l u i , aucune fonction ne peut être parfaite. Ce moyen est le temps, c'est-à-dire la révolution d'un
certain
nombre de
mouvemens d'après les-
ET
L A
SYNTHESE.
71
quels l a nature règle ses procédés. L e temps entre tellement dans les lois de la n a t u r e , que sans l u i les germes ne peuvent se développer, les fruits ne peuvent mûrir, la fermentation ne peut avoir lieu ; A i n s i faisant à l'art de guérir l'application des moyens que la nature emploie pour parvenir à son b u t , je conclus que le médecin doit attendre chez l'homme
malade,
le moment
de la nature pour
obtenir par elle ou par les moyens
de l'art l'effet
qui doit le délivrer d'une cause morbifique. Pour prouver de plus en plus que la nature règle son travail par le t e m p s , que je regarde c o m me une des bases fondamentales de l'art rir,
je m'appuie
sur des observations
de g u é faites sur
l'homme en le considérant I.° dans l'état de santé, 2.° dans l'état de m a l a d i e . Dans le premier cas, c'est-à-dire
chez l'homme
s a i n , j'examine successivement le temps que la n a ture emploie pour
terminer
les sécrétions
et
les
L a digestion exige 4 ou 5 heures; sécrétion
du
excrétions. sperme 24 heures; suc pancréatique et bile 7 ou 8 heures ; urines cuites 3 ou de-robes
4 heures ; les gar-
12 h . ; air q u i se dégage des alimens pen-
dant la digestion, 6 ou 8 heures; chez les femmes se renouvellent
les
tous
menstrue les
28 ou
30 j o u r s ; le lait se forme en 3 jours pour la première
f o i s , lorsque l'impression a été
le s e i n , c'est-à-dire quand i l en a existé
faits dans un
pre-
72
L ' A N A L Y S E
mier a m a s ,
le chyle se convertit en lait
6 on 7
heures après le repas tout au p l u s . Après avoir examiné succinctement le temps que l a nature emploie pour terminer son travail chez l ' i n d i v i d u en état de santé,
je m'environne des
connaissances puisées dans les œuvres de phisiologie de Dumas et Richerand, et j'explique les fonctions de la vie dans l'ordre s u i v a n t : Respiration (je cite les expériences de Godwin sur la respiration ) ; c i r c u l a t i o n , m a s t i c a t i o n , déglutition, d i g e s t i o n , c h y lification , hématose, nutrition , accroissement, formation et sécrétion des h u m e u r s , excrétions, génér a t i o n , accouchement. Je rappèle sur la digestion les expériences de l'immortel Spallanzani , sur la génération celles des Haller , Bonnet et Spallanzan i , et les idées du celèbre Cabanis sur les rations spontanées . J'engage de ces grands
hommes
pour
géné-
à lire les ouvrages bien
concevoir en
quoi consiste l'analyse. D'après la théorie de Cabanis, j'analyse les sensations que je distingue en internes
et
externes.
Telles sont dans le premier c a s , la perception des i d é e s , le j u g e m e n t , le raisonnement,
la m é m o i r e .
Dans les sensations externes , le t o u c h e r , le g o û t , l'odorat, l ' o u i e , la v u e , la f a i m , la soif, l'appétit vénérien. T o u t e s ces fonctions ne s'opérant pas de la même manière
chez, les différens i n d i v i d u s , i l
en
variété
résulte
nomme
cette
tempéramens ,
de
constitutions
que je classe
qu'on
suivant la
E T nouvelle
LA S Y N T H E S E .
théorie
d'Hallé
,
mise
73
au
jour par
Husson . Considérant l'homme dans l'état de maladie , j ' é tablis que l a nature a des termes pour amener les maladies à une solution q u e l c o n q u e , dont elle ne s'écarte p a s , à moins q u ' i l n ' y ait erreur de t r a i tement , et qu'on ne change che
en la détournant
absolument
sa m a r -
d u but où elle
t e n d . Je
prouve cette assertion par l'histoire des maladies décrites avec beaucoup de précision de dans l a Médecine Ici
je traite
augmentation
et d'exactitur
expectante du D . Vitet.
de la fièvre : je la définis, une de mouvement
de ressort dans les solides, à
dans les fluides et l'occasion
de
quel-
ques obstacles q u i troublent quelques-unes des fonc t i o n s , ou d ' u n foyer i m p u r dont la nature
tend
à se débarrasser . J ' a i soin de faire sentir la différence essentielle des fièvres salutaires de celles q u i détruisent. J'analyse les dans leur Ne
différentes
maladies ,
m'assujettis
classification à la Nosographle de Pinel.
pouvant
déterminer ,
faute
d'observations
suffisantes de la part des gens de l ' a r t ,
si toutes
les maladies ont des périodes fixes , j'examine le temps que la nature emploie pour terminer l a p l u part
d'entr'elles, lorsqu'elles ont été
abandonnées
à elles-mêmes. L a fièvre déphémère est ordinairement bornée à 2 4 heures , rarement elle passe les 48 h . ; la fié-
74
L ' A N A L Y S E
vre continue
simple synoque des G r e c s , ne dure
pas ordinairement
plus de 4 jours ; la fièvre con-
tinue putride ( adynamique II.
m e
, le 14.™ ou le 2 1 .
me
P... ) se termine
le
jour ; la fièvre maligne
(ataxique P . . . ) dure 1 4 , 1 7 , ou 20 j o u r s ; l a peste du L e v a n t se termine quelquefois en 48 h. ; nairement Antilles,
en 3 ou 5 jours ; la
pas
ordi-
jaune
des
dure 3 , 5 ou 8 jours; lorsqu'elle passe
ces termes, fièvre
fièvre
la solution est souvent heureuse ; la
ardente cesse souvent au-delà
jusqu'au-delà
du 7. du
me
le
me
4.
; la fièvre lente
40.
me
j o u r , ne va se
soutient
jour ; l'accès de la fièvre
quotidienne, se termine environ après 18 heures , la maladie dure environ 64 jours; gulières se terminent
les fièvres r é -
communement
en
14 jours
c'est-à-dire après 7 accès; la fièvre de lait n'a ordinairement qu'un
accès qui se termine
en
24
heures, quelquefois plus t a r d ; la fièvre q u i précède l'ébullition
de plusieurs maladies éruptives,
com-
me la rougéole, la petite vérole , le m i l l e t , dure environ 4 jours et a coutume de cesser quand l'éruption
paroît ; la
fièvre
rouge
ou
dans laquelle on distingue l'ébullition , et
scarlatine, l'éruption
le dessèchement, parcourt ses trois termes en
4 ou 5 jours , quelquefois plus tard . L ' i n f l a m m a t i o n , quand elle est au plus haut d é gré , se termine souvent en 24 heures par la gang r è n e , ordinairement elle se dissipe en 5 ou 6 jours par la résolution , lorsqu'elle est attaquée par les
E T
L A S Y N T E S E .
75
moyens que l'art i n d i q u e ; mais lorsqu'elle résiste, elle conduit à la suppuration ; i l y a au reste beaucoup de variétés à cet égard . Continuant d'observer les maladies dans périodes ,
je
prens
pour
phlegmasies la petite
comparaison dans
leurs les
vérole et la pleurésie , q u i
peuvent servir de modèle dans le maladies de cette classe. L a première, c'est-à-dire la petite vérole, a 3 o u 4 jours d'ébullition, 3 ou 4 jours d'éruption , auprès lesquels la suppuration s'établit ; i l en est de même dans le clou , le panaris et
les autres
meurs phlegmoneuses . Dans la pleurésie , les
tusym-
ptômes d'inflammations sont annoncés 4 jours d'avance , par la nature du p o u l s , par une
douleur
ressentie dans le siège où l'humeur se convertit eu pus et se termine vers les 7 ou 8. Ce q u i peut
apporter des
me
jours.
différences dans les
termes que j ' é t a b l i s , c'est qu'on se trompe s o u vent ; et qu'on ne calcule pas au juste les m o mens où commence l'inflammation , mais qu'on prend date du terme de la m a l a d i e ; aussi ai-je le plus grand soin dans
la pratique de distinguer
l'époque d u commencement de la maladie d'avec l'époque où commence l ' i n f l a m m a t i o n . D e tous les faits que je viens d'analyser , je conclus q u ' i l entrer
dans l'exercice de
successivement
doit nécessairement
la médecine un calcul
de t e m p s , puisque la nature l'emploie à exercer une fonction , ou à soumettre le principe morbifique .
76
L ' A N A L Y S E
Aux
moyens que j e viens d'exposer ,
je joins
encore la connoissance des c r i s e s ,
comme
un des
plus puissans moyens de la nature
pour
combat-
tre les maladies: je fais connoître
avec
beaucoup
de détail ces secours merveilleux décrits par Hippocrate , Voulonne et Planchon. A u repos, au sommeil , au temps , aux crises , j'ajoute
deux
genres
de
secours
que l a nature
emploie pour expulser le p r i n c i p e m o r b i f i q u e . Ces secours sont l a fièvre et l a suppuration . L e s empiriques regardent l a fièvre comme une maladie ; les Stahliens comme u n travail salutaire de l a n a ture,
pour atténuer , dépurer les h u m e u r s ,
pré-
venir les obstructions, détourner les maux c h r o n i q u e s ; je discute cette question, ayant soin de d i stinguer les fièvres salutaires de celles q u i détruisent . La
suppuration
me
est un 6.
uniquement à l a n a t u r e ,
travail appartenant
d'après
lequel elle par-
vient à régénérer les fibres, à se délivrer des m o lécules impures
q u i se sont
introduites
dans les
fluides et les solides; je m'environne pour prouver ces assertions
de faits
nombreux puisés dans les
œuvres de Quesnay et autres a u t e u r s . Je regarde donc l a suppuration
comme u n
me
6.
moyen compris dans ceux que l a nature met en usage pour se rétablir dans son intégrité. Cette manière d'envisager l'art
de guérir
doit
faire présentir que les moyens curatifs dont je fais
E T
L A S Y N T H E S E .
77
usage pour combattre les maladies ne doivent pas être nombreux : je les rapporte à trois chefs p r i n cipaux : le régime
, les médicamens
et les
opéra-
tions. Régime.
L e régime doit varier en raison de la
m a l a d i e , des forces d u m a l a d e , de ses habitudes, de son tempérament. Médicamens.
L a nature dans ses productions or-
ganiques et inorganiques clature de noître
nous offre
une
médicamens très-étendue.
nomen-
Je fais con-
ceux dont la vertu me paroît être l a mieux
constatée déterminer
par l'expérience ; je cherche t. si les médicamens
ensuite à
agissent sur les
forces de l a vie , en les augmentant ou en les d i minuant ; 2. s'ils purifient la masse
de nos f l u i -
des , en chassant au-dehors les humeurs viciées . prouve que dans l'état de santé et
Je
dans beaucoup
de m a l a d i e s , ils agissent de la première manière ; que dans d'autres ils agissent de la seconde, c'està-dire qu'ils purifient les f l u i d e s , en expulsant l e principe morbifique , que quelquefois ils
produi-
sent une secousse salutaire dans tout le systême : que dans tous les c a s ,
ils sont
subordonnés
aux
forces vitales. Q u e l qu'importante que soit au médecin la c o n noissance des
médicamens , elle
l u i deviendroit
nuisible , s'il ne savoit en faire une
application
juste et raisonnée. C'est s u r t o u t en quoi consiste la difficulté de l'art de guérir .
78
L'ANAL.
Opérations.
ET L A SYNTH.
On a souvent recours aux opérations
chirurgicales dans le traitement des
maladies: la
plus ordinaire est l a saignée, remède puissant q u i comme tous les autres, exige dans son emploi
le
plus grand discernement. Je termine i c i mon travail , en souhaitant que ceux q u i sont chargés de diriger les malades, apprennent enfin à m i e u x apprécier le travail de la n a t u r e , et qu'ils ne l a troublent pas aussi souvent qu'ils le font, en agissant contre ses l o i s .
F I N.
BIBLIOTHEQUE SCHOELCHER