Deux notes sur les pétitions présentées à la Chambre des Députés pour l'abolition de l'esclavage.

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B DEUX

NOTES SUR

LES PÉTITIONS PRÉSENTÉES A LA CHAMBRE DBS DÉPUTÉS

POUR

L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE, PAR M. DEJEAN DE LA BATIE. —

Première Note Sur les considérations développées dans les pétitions relatives à l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises.

Les motifs sur lesquels les pétitionnaires a p puyent leurs conclusions en faveur d'une émanci­ pation immédiate ou peu éloignée se résument ainsi : 1

0

II n'y a point à compter sur le succès du r é ­

gime fondé par la loi du 18 juillet 1845 : la q u e s ­ tion n'a pas fait un pas depuis la promulgation d e cette l o i ; 2° Le concours des colons a manqué au g o u ­ vernement , et leur mauvaise volonté paralyse ses intentions ; 3° Les colons s'opposent à l'instruction

reli­

gieuse des esclaves.

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— 2 — Ces motifs des pétitionnaires ne résistent pas à un examen sérieux. Personne n'a dû s'attendre que la loi du 18 juil­ let 1845 pût avoir des résultats immédiats. Les r a ­ chats doivent se faire au moyen de pécule. Il y aurait lieu de s'étonner que la loi eût déjà produit des effets appréciables, si l'on avait dû les a t t e n ­ dre exclusivement des pécules accumulés depuis sa promulgation. Ce p é c u l e , qui se c o m p o s e de l'excédant des fruits d'un petit champ cultivé le s a m e d i , du salaire de quelques heures de travail v o l o n t a i r e , et des gratifications ou tolérances du maître, ne peut évidemment former un capital suf­ fisant au rachat de l'esclave qu'après

plusieurs

années d'une é c o n o m i e soutenue : c e n'est d o n c pas douze ou quinze mois après la promulgation, dans les c o l o n i e s , de la loi du rachat f o r c é , qu'on peut dire que la question n'a pas avancé d'un pas. Un tel reproche manque de logique. Il manque aussi d'exactitude. Le compe-rendu par le ministère de la marine sur l'exécution des lois du 18 et du 19 juillet 1845 nous apprend que déjà , indépendamment des a f ­ franchissements volontaires, il y a eu dans les c o ­ lonies, Bourbon (1) e x c e p t é ,

(1) A Bourbon, le compte-rendu ne constate que 3 rachats. Un d o c u ­ ment que j'ai remis à la commission en constate 29 du 10 janvier 1846, jour de la promulgation de la loi, au 9 novembre suivant.

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— 3 — 454 rachats par arrangement de gré à gré entre les maîtres et les esclaves, 251 rachats forcés. 705 rachats en tout (page 25 du compte-rendu). L'assertion des pétitionnaires est donc d é m e n ­ tie par le compte-rendu, c o m m e leur reproche est condamné par la raison. Les autres motifs de la pétition ne sont ni plus justes ni mieux fondés. Bien loin de repousser l'instruction religieuse, les c o l o n s l'appellent de tous leurs vœux. Ils ont eu souvent occasion de faire des objections à des mesures

dites d'amélioration ; celle-ci a eu t o u ­

jours leur entière approbation. Ce n'est pas leur faute si le personnel du clergé ne répond pas à tous leurs besoins Ils souffrent autant que leurs esclaves de son e x i g u ï t é , de son insuffisance ; ils ont souvent fait, pour la construction des chapelles et pour la conservation de leurs prêtres, des sacri­ fices particuliers qu'on n'était pas en droit d ' e x i ­ ger d'eux. Quant au c o n c o u r s des c o l o n s qui manquerait au g o u v e r n e m e n t , au dire des pétitionnaires, le compte-rendu prouve le contraire. S'il s'agit de la population, on ne voit pas c o m ­ ment la résistance pourrait se tranformer en grief public contre elle, puisque l'hostilité que rencontre l'exécution des lois dans le mécontentement des administrés, si elle constitue une contravention,

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_

4 —

peut et doit être légalement r é p r i m é e , et qu'elle est innocente dans tout autre cas. Quelle est la loi fiscale, politique ou industrielle, qui ne soulève pas contre elle, en F r a n c e , les intérêts qu'elle froisse ? Est-il permis de s'en faire une arme contre les p o ­ pulations , en dehors des m o y e n s légaux et r é g u ­ liers de répression ? peut-on y puiser contre elle un motif pour aggraver la législation qui les contrarie? N'est-ce pas une exigence passionnée et i n a c c e p ­ table que de vouloir donner ainsi des c o n s é q u e n ­ c e s générales à des résistances individuelles que la loi punit? En p r i n c i p e , c e motif de la pétition est d o n c sans v a l e u r , si m ê m e il n'est pas empreint d'un caractère odieux. En fait, il est une erreur nouvelle des pétition­ naires. Le c o m p t e - r e n d u atteste partout le bon esprit des colons ; et c o m m e c'est par des actes , plutôt que par des r a i s o n n e m e n t s , que je veux les justifier, j'appellerai principalement l'attention d e la Chambre sur le témoignage officiel du c o m p t e rendu en c e qui c o n c e r n e le c o n c o u r s des c o l o n s au rachat f o r c é . De toutes les dispositions de la l o i , le rachat forcé est celle qui c o m p r o m e t le plus les intérêts et blesse le plus les sentiments c o l o ­ n i a u x , puisqu'elle expose les propriétaires à la dépopulation de leurs ateliers, et les d é p o u i l l e , aux yeux de l ' e s c l a v e , du prix de leur bienveil­ lance et de leur générosité.

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— 5 — Eh bien ! le c o m p t e - r e n d u constate à cet égard la facilité et, la libéralité des maîtres. Sur 705 rachats, 454 ont eu lieu de gré à gré. (Page 2 5 . ) Dans la plupart des rachats qui ont été p r é c é ­ dés d'une estimation de la c o m m i s s i o n , les m a î ­ tres ont refusé de fixer un prix. (Page 258.) Après l'estimation de la commission plusieurs esclaves obtiennent de leur maître, soit une diminutionjle p r i x , soit des termes pour le paiement. (Page 2 5 8 . ) A la Martinique seulement, sur une s o m m e t o ­ tale de 286,673 fr. 70 c , montant du prix des r a ­ chats,

les maîtres ont fait,

après

estimation,

remise volontaire à leurs esclaves de 60,657 fr. 60 c , 25 pour cent ! (Page 21.) Voilà.comment les pétitionnaires sont vrais dans leurs imputations. En dehors des cas de rachats forcés ou a m i a ­ bles , la bienveillance et la sollicitude des maîtres pour le pécule et pour la personne des_esclaves n'est pas moins facile à déduire du c o m p t e - r e n d u , puisqu'on y

lit

qu'il

a point eu lieu jusqu'à pré-

sent de recourir à la faculté qui est ouverte aux juges royaux de nommer aux esclaves des curateurs autres que leurs maîtres eux-mêmes. Ainsi le c o n c o u r s particulier des c o l o n s n'a point manqué à la loi. Voyons si c'est le c o n c o u r s des pouvoirs p u -

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— 6 — b l i c s , et en particulier des conseils coloniaux. En ceci môme le reproche serait frivole s'il n'é­ tait injuste : c a r , si le c o n c o u r s des pouvoirs p u ­ blics manquait à l'exécution de la loi du 18 juillet 1845 , un tel obstacle ne saurait motiver une loi plus radicale qui aurait à réclamer de c e s p o u ­ voirs un c o n c o u r s plus nécessaire à son e x é c u ­ tion , et qui les trouverait e n c o r e moins disposés à le donner. Mais le reproche n'est pas seulement injuste il est perfide. Puissent les hommes graves à qui tous les jours des pétitions sont présentées r e ­ connaître qu'il n'est pas de leur sagesse

d'ac­

cepter des rédactions qu'on ne les a pas appelés à discuter, pour ne voir dans une pétition que le but honorable et ostensible contenu dans le titre ! Je dis d'abord que le reproche est unjuste. Quels sont d o n c les pouvoirs publics appelés dans les colonies à l'exécution des lois ? Le g o u ­ verneur, la magistrature, les chefs d'administra­ tion, le clergé, d'une part ; d'autre part, les m u ­ nicipalités e l l e s conseils coloniaux. Les premiers sont des pouvoirs institués par la métropole ; nous n'avons point à les justifier, probablement ce ne sont pas eux que les pétitionnaires accusent. R e s ­ tent les municipalités et les conseils c o l o n i a u x . Ces derniers seuls pourraient, par leur inertie, paralyser en partie l'action de la loi. fait? C'est ce qu'il s'agit d'examiner.

L'ont-ils


Les

7 —

conseils coloniaux

n'interviennent

dans

l'exécution de la loi du 18 juillet \ 845 que de deux manières : D'abord, par la présence d'un de leurs membres dans la commission chargée de faire les estimalions à fin de rachat. Tous se sont acquittés de ce devoir. Nulle plainte à cet égard n'est parvenue au gouvernement, ou ne se trouve consignée dans le c o m p t e - r e n d u . Si l'on veut savoir dans quel esprit le conseiller c o ­ lonial, membre de cette commission, a c o n c o u r u à l'estimation, on peut s'en assurer par la lecture de la note que j'ai communiquée à la c o m m i s s i o n des pétitions, et qui est reproduite

c i - a p r è s . Ce

document n'est relatif qu'à l'île Bourbon ; mais les faits, plus concluants que les paroles,

prouvent

qu'aux Antilles et à la Guyane, l'équité n'a pas eu des organes moins éclairés et moins sincères. Les conseils coloniaux sont ensuite plus d i r e c ­ tement appelés à concourir à l'exécution de la loi de 1845, par des décrets, dans cinq cas seulement : 1° Dans les cas de mariage entre les personnes non libres appartenant à des maîtres différents; 2° Pour la distribution à chaque nègre ou n é ­ gresse d'une petite portion de l'habitation ; 3° Pour fixer la durée respective des deux p a r lies du temps de travail séparées par un intervalle de deux heures et d e m i e ;


— 8 — 4° Pour déterminer les é p o q u e s de travail e x ­ traordinaire de j o u r et de nuit ; 5° Enfin pour fixer le minimum du salaire qui pourra être convenu entre le maître et l'esclave p o u r l'emploi d e s heures et des j o u r s pendant les­ quels le travail n'est pas obligatoire. L e c o m p t e - r e n d u , depuis la page 193 jusqu'à la page 2 3 4 , mentionne les projets de décrets p r é ­ sentés aux conseils coloniaux et les décrets votés par c e s conseils. Nous ne v o y o n s pas qu'il y ait eu aucun projet p r o p o s é pour les mariages, et l'on sait que les conseils coloniaux n'ont pas d'initiative ; n o u s ne v o y o n s pas non plus qu'il y ait eu refus de c o n c o u r s sur les autres matières : chaque projet est suivi du décret v o t é , et si le contingent législatif de l'île Bourbon manque à cette collection de d é c r e t s , le c o m p t e - r e n d u explique cette a b s e n c e , à la page 1 8 , par l'éloignement de celte c o l o n i e , et par une dissolution du c o n s e i l , suivie, à quelques m o i s d'in­ tervalle, d'élections et d'une convocation nouvelles. L'inertie du conseil dans cet intervalle a tenu à des divisions entièrement étrangères à la loi du 18 juillet 1 8 4 5 , à des antipathies purement p e r s o n ­ n e l l e s , quoi qu'en aient dit certains journaux mal i n f o r m é s , et n o n à une dissidence q u e l c o n q u e sur l'exécution de la loi nouvelle. C'est c e que d é m o n ­ trent suffisamment et les p r o c è s - v e r b a u x du c o n ­ seil colonial lors de l'élection des d é l é g u é s , et les discours d'ouverture du gouverneur lors de la c o n -


— 9 — stitution et de la reconstitution du conseil colonial dans la m ê m e année 1 8 4 6 , et l'adresse des d e u x conseils en réponse à c e s d i s c o u r s . D'une part, le gouverneur se loue de la sagesse et du bon esprit du conseil d i s s o u s ,

et attend les m ê m e s d i s p o s i ­

tions du nouveau conseil ; d'autre part, promet,

celui-ci

c o m m e son p r é d é c e s s e u r , un franc

et

loyal c o n c o u r s à l'exécution de la loi du 18 j u i l ­ let 1 8 4 5 . N'est-il pas étrange, qu'après tant de témoigna­ ges réunis en faveur du b o n esprit qui anime les conseils c o l o n i a u x , les pétitionnaires motivent leur demande d'abolition immédiate de l'esclavage sur le refus de c o n c o u r s des c o l o n s et de leurs r e p r é ­ sentants! La Chambre appréciera c e qu'il y a d ' o ­ dieux et c e qu'il y aurait de décourageant pour les c o l o n s dans une pareille

injustice.

Serait-il vrai que les décrets votés par les c o n ­ seils coloniaux ont été préalablement a m e n d é s dans un sens contraire à l'esprit ou à la lettre de la loi ? La perfidie que nous r e p r o c h o n s aux rédacteurs des pétitions consiste à le faire s u p p o s e r , afin d'a­ voir une o c c a s i o n de faire retirer aux conseils c o ­ loniaux la part d'attribution que la loi du 18 juillet leur a d o n n é e dans des questions locales de leur c o m p é t e n c e e x c l u s i v e ; ils c o m p t e n t , pour arriver à leurs fins, sur l'appui d e s bureaux de la m a r i ­ ne , sur lesquels ils espèrent pouvoir e x e r c e r leur 2


— 10 — secrète tyrannie, et qu'ils supposent toujours d i s ­ p o s é s à ressaisir un pouvoir absolu sur les c o l o 1» nies. Je ne veux point a c c u s e r ici un pouvoir que c e l l e supposition o u t r a g e ; il doit me suffire de justifier les c o l o n s ou leurs représentants de l ' é ­ cart involontaire ou prémédité que les pétitions leur attribuent. Celte justification est facile. Le conseil des délégués a demandé au ministre . par lettre officielle en date du

, de vouloir bien

leur faire connaître les objections qu'il pourrait avoir à faire aux amendements votés sur ses p r o ­ jets de décrets pa les conseils c o l o n i a u x ; c e l l e l e t t r e , dont l'esprit conciliateur est manifeste, est d e m e u r é e sans r é p o n s e . Le silence du ministre ne permet pas de supposer que les amendements des conseils c o l o n i a u x aient été interprétés par lui dans le sens d'un refus de c o n c o u r s : car alors il n'aurait pu , sans manquer à ses devoirs , r e f u ­ ser une c o m m u n i c a t i o n et des explications p r o ­ pres à concilier les esprits. Si d o n c les décrets votés par les conseils ont été envoyés au g o u v e r ­ neur sans la sanction r o y a l e , c e doit être moins p o u r faire retirer des a m e n d e m e n t s contraires à l'esprit de la loi que pour ajouter au projet primi­ tif des dispositions importantes que l'initiative m i ­ nistérielle aurait d'abord oubliées. Quoi qu'il en s o i t , aucun grief n'a été formulé par le ministre ; et p o u r accuser dans un sens ou dans un autre les conseils coloniaux d'un

refus


— 11 (le c o n c o u r s , il serait juste d'attendre les plaintes du pouvoir à qui c e c o n c o u r s aurait m a n q u é . L e s pétitions pour l'abolition de l'esclavage r e posent d o n c sur des m o t u s dépourvus de

logiquе

et d'exactitude. Elles accusent les c o l o n s d'un refus de c o u r s , quand

con­

un c o n c o u r s franc et loyal a été

promis par tous les conseils coloniaux, et réalisé dans des décrets que les gouverneurs des c o l o n i e s ont

approuvés

et r e c o m m a n d é s à la

sanction

royale. Elles accusent les c o l o n s de repousser l'instruc­ tion religieuse, quand ils ont fait et font tous les j o u r s pour l'instruction religieuse des sacrifices qu'on n'est pas en droit d'exiger d'eux. Elles accusent les c o l o n s de s'opposer aux effets du nouveau régime constitué par la loi du 18 juil­ let 1 8 4 5 , lorsque les arrangements de gré à gré et l'abandon de 25 p. 100 sur les estimations officiel­ les ont facilité l'exécution de cette loi dans ses dispositions les plus r e d o u t é e s , c e l l e s du rachat forcé. Des pétitions ainsi m o t i v é e s , quand elles s e ­ raient irréprochables sous le rapport de l'inten­ t i o n , inoffensives dans leurs résultats, n'en s e ­ raient pas moins sans f o n d e m e n t , et par c o n s é ­ quent peu d i g n e s , malgré leur objet s p é c i e u x , de l'honneur d'une discussion dans la Chambre des députés.



— 13 —

COMPTE-RENDU AU CONSEIL

COLONIAL

Par M. EliE P A J O T ,

An sujet des actes auxquels il a participé comme membre de la Commission du rachat et des engagements.

Dans sa séance du 3 0 d é c e m b r e d e r n i e r , le Conseil c o l o n i a l m ' a n o m m é p o u r faire partie de la C o m m i s s i o n du

rachat et des e n g a ­

g e m e n t s des esclaves instituée par la loi du 18 j u i l l e t 1845. J'ai p e n s é , M e s s i e u r s , q u e c e n'était point par de simples paroles q u e j e devais v o u s t é m o i g n e r c o m b i e n j e sentais v i v e m e n t la m a r ­ q u e de confiance q u e v o u s me d o n n i e z , et j ' a i cru q u e le m o d e d e manifestation qui v o u s a g r é e r a i t le plus serait consciencieux

accomplissement

sentation du c o m p t e

fidèle

d'un

d ' a b o r d le s t r i c t et

d e v o i r , et ensuite

et entier des m e s u r e s

la

pré­

auxquelles j'ai

pris p a r t . C'est ce c o m p t e q u e j e v o u s a p p o r t e a u j o u r d ' h u i . Il s'offrira

pro­

b a b l e m e n t à v o s y e u x c o m m e le r é s u m é des t r a v a u x collectifs d e la C o m m i s s i o n ; m a i s , si l ' o r d r e et la clarté e x i g e n t q u ' i l en soit a i n s i , v o u s v o u d r e z bien réserver

les p r i n c i p e s

et ne pas o u b l i e r

j e n'ai d r o i t de vous s o u m e t t r e q u e les actes du m e m b r e d e

que votre

élection. Diverses c i r c o n s t a n c e s , p a r m i lesquelles il faut r a n g e r en p r e ­ m i è r e ligne la l o n g u e maladie et enfin la m o r t du président

de

la


— 14 — Cour

royale,

n ' o n t pas p e r m i s à la C o m m i s s i o n

de se c o n s t i t u e r

avant le 27 mai de cette année ; elle a eu alors à vider l'arriéré : aussi

le

travail

q u e j e v o u s s o u m e t s e m b r a s s e - t - i l effectivement

t o u t e s les affaires q u i se sont présentées depuis le 10 j a n v i e r , j o u r de la p r o m u l g a t i o n de la loi du 18 j u i l l e t 1845, j u s q u ' a u 9 n o v e m ­ bre , jour

indiqué

pour

l'ouverture

de

la s e c o n d e

session

du

Conseil. La p r e m i è r e d e m a n d e en rachat qui a été formée n'est pas a r r i ­ vée devant la C o m m i s s i o n . La négresse qu'elle c o n c e r n a i t s'est d é ­ sistée au b o u t de q u e l q u e s j o u r s . La C o m m i s s i o n a été saisie de v i n g t affaires. rante

Elle a rendu

qua­

décisions , d o n t v i n g t - t r o i s préparatoires et d'instruction ,

d e u x d ' i n c o m p é t e n c e , et quinze de fond et définitives. Les décisions préparatoires ont tendu le plus souvent à la c o m ­ parution

des parties.

Q u o i q u e la loi autorise les évaluations s u r

p i è c e s , il a semblé à peu près impossible d'estimer

les

individus

sans les voir ; dans une seule o c c a s i o n , la C o m m i s s i o n s'est d é p a r ­ tie de celte r è g l e , et ç'a été parce q u e

la c a u s eseprésentait a v e c

un caractère tout d ' e x p é d i e n t . D e u x fois l'instruction o r d o n n é e par la C o m m i s s i o n a a p p o r t é la p r e u v e q u e les parties étaient d ' a c c o r d . Il en est résulté des d é c i ­ sions d ' i n c o m p é t e n c e . D a n s une autre c i r c o n s t a n c e , une première instruction o r d o n n é e p a r la C o m m i s s i o n sur la qualité des parties ne l'ayant point s a t i s ­ f a i t e , elle a réclamé de n o u v e l l e s i n v e s t i g a t i o n s , à la suite d e s ­ quelles le ministère public a

demandé

la suspension de l ' a f f a i r e ,

parce q u e l'individu qu'il s'agissait de racheter é t a i t , selon toutes les a p p a r e n c e s , de c o n d i t i o n l i b r e . U n e s e c o n d e affaire est é g a l e m e n t restée s u s p e n d u e , un m o t i f tout différent : l'esclave

mais

par

qu'elle c o n c e r n a i t s'étant évadé

d e c h e z son m a î t r e , sans q u ' o n sût où il s'était retiré , o n n'a pas pu lui signifier la décision de la C o m m i s s i o n qui o r d o n n a i t sa c o m ­ p a r u t i o n . A part les deux cas d o n t il s ' a g i t , et un troisième e n c o r e o ù les parties se sont a r r a n g é e s pendant

le c o u r s de l ' i n s t a n c e , la

Commission a p r o n o n c é sur toutes les demandes qui lui sont a r ­ rivées.


— 15 — Les diverses c o m m u n e s très inégale les d e m a n d e s fourni q u e t r o i s , d o n t

de File se s o n t p a r t a g é d'une

manière

en r a c h a t . La partie sous le veut n'en a

deux

venaient de S a i n t - L o u i s

et

une

de

Saint-Paul ; a u c u n e des t r o i s ne présentait m ê m e le caractère d'un débat bien sérieux. Dans

la partie

du v e n t ,

la répartition des affaires s'est faite

c o m m e il s u i t : S a i n t - A n d r é , d e u x ; S a i n t e - S u z a n n e , t r o i s ; S a i n t D e n i s , c i n q , et S a i n t - B e n o î t ,

sept. 11 n ' y a ,

c e me s e m b l e , a u ­

cune c o n c l u s i o n à tirer de ces chiffres, car ils se rapportent seule m e n t aux rachats c o n t e s t é s , et n'apprennent rien sur les rachats proposés et a g r é é s . Il y a plus : les décisions que la C o m m i s s i o n eu à rendre n ' o n t

pas t o u j o u r s

été la

preuve d'un

a

dissentiment

réel entre le maître et l ' e s c l a v e . S u r quinze décisions au f o n d , c i n q o n t été nécessitées par la position spéciale des parties. Les t u t e u r s , les m a n d a t a i r e s , les usufruitiers, le curateur a u x biens vacants, les héritiers sous bénéfice d ' i n v e n t a i r e ,

sont venus

devant la C o m ­

mission m o i n s p o u r contester sur le p r i x q u e p o u r abriter leur

re­

sponsabilité. Les v i n g t affaires d o n t la C o m m i s s i o n a eu à s'occuper

embras­

sent un total de v i n g t - n e u f i n d i v i d u s , d o n t quinze h o m m e s et q u a ­ torze f e m m e s ,

seize adultes et treize enfants. Sous le rapport des

c a s t e s , on t r o u v e v i n g t - c i n q c r é o l e s , d e u x M a l g a c h e s , un Cafre et un Indien. Ces n o m b r e s ne g a r d e n t aucune proportion avec les élé­ m e n t s c o r r e s p o n d a n t s de la population esclave : a i n s i , q u o i q u e les Cafres dans la c o l o n i e soient presque aussi n o m b r e u x q u e les c r é o ­ l e s , on

voit à quelle distance ils se tiennent de c e u x - c i , dès q u ' i l

s ' a g i t d'opérer dans un but de liberté. Il a été r e n d u , c o m m e j ' a i déjà eu l ' h o n n e u r de vous le dire , quinze décisions au fond ; elles intéressaient v i n g t - t r o i s i n d i v i d u s ; parmi c e u x - c i il s'en t r o u v e deux à l ' é g a r d desquels l'estimation n'a été q u ' é v e n t u e l l e . Je m ' e x p l i q u e

: une m è r e , en d e m a n d a n t à se

r a c h e t e r e l l e - m ê m e , voulait laisser en esclavage d e u x de ses e n ­ fants âgés de m o i n s de sept a n s . Le m a î t r e , au c o n t r a i r e ,

exigeait

q u e les enfants fussent c o m p r i s dans le r a c h a t , a l l é g u a n t que l ' a r ­ rêté c o m p l é m e n t a i r e an Code civil du 1er b r u m a i r e an X I V

dispose

q u ' e n c a s de vente volontaire ou f o r c é e , si une m è r e est séparée de


— 16

ses enfants âgés de m o i n s de sept a n s , c e u x - c i , par une sorte

de

pénalité c o n t r e le v e n d e u r , sont réunis à la mère sans a u g m e n t a ­ tion de p r i x . On déduisait

de ce

texte l ' o b l i g a t i o n de c o m p r e n d r e

la mère et tous ses enfants en bas â g e dans la même d e m a n d e en r a c h a t , et par suite de les s o u m e t t r e tous ensemble à la formalité de l ' é v a l u a t i o n . C'était là sans contredit un véritable l i t i g e , d o n t la s o l u t i o n se rattachait à une question de d r o i t , et sortait c o m p l è t e m e n t des a t ­ t r i b u t i o n s de la C o m m i s s i o n . Celle-ci l'a très e x p l i c i t e m e n t

recon­

nu ; mais elle a pensé q u ' i l n ' y a u r a i t pas d ' i n c o n v é n i e n t à évaluer sans autre retard tous les e n f a n t s , sauf à la m è r e , d o n t les droits o n t été expressément réservés , à n ' e x e r c e r effectivement le rachat q u e dans les limites à déterminer ultérieurement par la j u r i d i c t i o n compétente. L a presque-totalité des adultes s o u m i s «à l'estimation

étaient des

esclaves d'un g r a n d p r i x . Un seul pouvait être classé parmi les m a n ­ œ u v r e s . Tous les autres e x e r ç a i e n t des professions lucratives. Je ne sais, Messieurs, j u s q u ' à quel point mes c o n j e c t u r e s peuvent être f o n d é e s ;

mais il m'a semblé q u e , toutes les fois qu'il y a un

d é b a t réel et sérieux entre le maître et l'esclave , la cause de c e débat provenait s u r t o u t de la difficulté q u e le maître é p r o u v a i t à se faire à l'idée d'une séparation qui allait r o m p r e les habitudes de sa d o m e s t i c i t é . Aussi les o u v r i e r s p r o p r e m e n t d i t s , quels que f u s ­ sent d'ailleurs leurs talents, ont-ils é p r o u v é m o i n s de résistance au r a c h a t q u e les esclaves attachés au service personnel.

La

question

du prix à r e c e v o i r , q u o i q u e prééminente en a p p a r e n c e , n'a été bien souvent dans la réalité q u e tout à fait s e c o n d a i r e . Ne p o u v a n t . en droit,

s'opposer au r a c h a t , on essayait de le rendre impossible en

f a i t . Alors l'exagération des prétentions principe m ê m e de la loi du 18 j u i l l e t .

masquait une attaque au Il est inutile de v o u s dire ,

M e s s i e u r s , que la C o m m i s s i o n a t o u j o u r s fait j u s t i c e de c e

moyen

d é t o u r n é , dont l'adoption eût été, selon m o i , aussi i m p r u d e n t e sous le rapport politique que c o n d a m n a b l e a u x y e u x de la c o n s c i e n c e . Il n'entrait pas dans les a t t r i b u t i o n s de la C o m m i s s i o n de r e c h e r ­ c h e r l ' o r i g i n e des fonds offerts p o u r le r a c h a t . T o u t e f o i s

l'instruc­

tion a révélé spontanément, et a v e c un d e g r é de certitude qui peut


— 47

paraître suffisant, q u e quatre seulement des esclaves q u i se r a c h e ­ taient avaient f a i t , par leur travail e l leur é c o n o m i e , le p r i x q u ' i l s offraient.

Assez souvent des parents déjà l i b r e s fournissaient l ' a r ­

gent ; plus r a r e m e n t c'étaient des tiers désintéressés ; d'autres f o i s , quand il s'agissait de f e m m e s , les deniers n'avaient p o i n t une o r i ­ g i n e qui pût être a v o u é e par la m o r a l e . On n'a eu à relever q u ' u n seul cas d ' e m b a u c h a g e caractérisé , c a r o n ne peut qualifier

parfaitement

d'embauchage

la

simple

avance de fonds faite à l'esclave sans a u c u n e pensée de spéculation et sans a u c u n e intention de transférer le travail d'un atelier

dans

un a u t r e . Les cas o ù les prétentions de l'une o u de l'autre des parties s o n t vues accueillies p u r e m e n t b r e u x . L'offre

n'a

et s i m p l e m e n t o n t

été validée q u e dans

mande q u e dans d e u x seulement-

se

été peu n o m ­

t r o i s espèces, et la de-

P o u r t o u t le r e s t e ,

la

Commis­

sion a eu à r a m e n e r dans les limites du vrai des e x a g é r a t i o n s

op­

posées : diminutives c h e z l'esclave , amplificatives c h e z le m a î t r e . V o i c i , du reste, des chiffres totalisés qui f o n t c o n n a î t r e , c e m e s e m ­ b l e , avec assez de p r é c i s i o n , la lutte des intérêts devant la C o m m i s ­ sion e t l'action r é g u l a t r i c e de c e l l e - c i . Dans les quinze affaires qui o n t r e ç u des solutions définitives, e t qui c o m p r e n a i e n t 23 i n d i v i d u s de t o u t â g e , les offres de p r i x

ne

se sont élevées q u ' à 2 2 , 0 0 0 f r a n c s , tandis q u e les d e m a n d e s

des

m a î t r e s a t t e i g n a i e n t le chiffre de 5 2 , 0 0 0 f r a n c s . Les évaluations de la C o m m i s s i o n se sont arrêtées à 3 8 , 7 5 0 f r a n c s , ce qui r e p r é s e n t e une m o y e n n e de 1,684 fr. 7 7 c. par i n d i v i d u . Cette m o y e n n e est i n ­ férieure à celle q u e d o n n e n t

les ventes effectuées dans les années

1 8 4 3 , 1844 et 1 8 4 5 . J'ai fait dans les études des notaires de S a i n t D e n i s un relevé d o n t le résultat a c l é que pendant les trois a n n é e s susdites les n o i r s ont v a l u , p r i x b a l a n c é , 2,375 francs l ' u n .

Mais

il ne faut pas o u b l i e r q u e depuis l o r s , et peut-être par le fait m ê m e de la loi du 18 j u i l l e t ,

le p r i x des esclaves a fléchi.

Il faut

aussi

p r e n d r e en c o n s i d é r a t i o n les termes q u i , dans les ventes a m i a b l e s , o n t pu être a c c o r d é s p o u r le p a i e m e n t . A u d e m e u r a n t , Messieurs , il a é t é , et v o u s le c o n c e v e z a i s é m e n t ,

i m p o s s i b l e d'adopter

r è g l e u n i q u e et inflexible dans les évaluations à o p é r e r .

La

une Com-


— 18 — m i s s i o n , en prenant p o u r p o i n t de ralliement la valeur des esclaves dans les transactions p r i v é e s , a tenu c o m p t e , dans c h a q u e cas p a r ­ t i c u l i e r , de la s a n t é , de l ' â g e , des avantages o u des désavantages p h y s i q u e s , des talents a c q u i s o u de l'absence de talents. L a C o m ­ m i s s i o n a d i s t i n g u é , autant qu'elle l'a p u , les qualités i n t e l l e c t u e l ­ les des qualités m o r a l e s . Les p r e m i è r e s , qui se révélaient le plus s o u v e n t par des c a p a c i t é s i n d u s t r i e l l e s , sont entrées avec q u e l q u e s m o d i f i c a t i o n s dans les éléments de l'évaluation ; les secondes

ont

été c o n s t a m m e n t tenues à l ' é c a r t . 11 a u r a i t paru c o n t r a i r e aux p r i n ­ c i p e s de la j u s t i c e a b s o l u e de faire la c o n d i t i o n de l'esclave d'autant p l u s m a u v a i s e , q u e sa m o r a l i t é aurait été m e i l l e u r e . L'application de c e l t e r è g l e a été le plus s o u v e n t désavantageuse au m a î t r e , c a r p r e s q u e t o u s les esclaves adultes q u i se sont présentés au

rachat

étaient d'excellents s u j e t s . D a n s un cas c e p e n d a n t , la r è g l e a p u être profitable au maître : il s'agissait d'une négresse sur laquelle la p o l i c e avait fourni la note la plus désavantageuse. La C o m m i s s i o n a é c a r t é c e d o c u m e n t , et a évalué l ' i n d i v i d u sur son p h y s i q u e et ses t a l e n t s , a b s t r a c t i o n faite de sa m o r a l i t é . M e s s i e u r s , la loi d u 1 8 j u i l l e t 1845 a m i s un f o n d s à la d i s p o s i ­ t i o n d u G o u v e r n e m e n t p o u r c o n c o u r i r au rachat des esclaves. L ' a d ­ m i n i s t r a t i o n locale a invité la C o m m i s s i o n du r a c h a t à faire c o n ­ naître les c a s où elle j u g e r a i t q u ' i l existe des c i r c o n s t a n c e s p r o p r e s à m o t i v e r l ' i n t e r v e n t i o n du t r é s o r p u b l i c en c o m p l é m e n t du

prix

o f f e r t p a r l'esclave. L a C o m m i s s i o n a usé de cette latitude dans p l u s i e u r s c i r c o n s t a n c e s ; l'enfance a s u r t o u t attiré sa s o l l i c i t u d e . Elle a r e c o m m a n d é aussi divers sujets signalés p o u r leurs h a b i t u ­ des d ' o r d r e et d ' é c o n o m i e . D a n s une seule c i r c o n s t a n c e , les a n t é ­ c é d e n t s d u m a î t r e et de l'esclave ( c e l u i - c i

r e c o n n u d'ailleurs b o n

s u j e t ) o n t p o r t é la C o m m i s s i o n à e n g a g e r l'administration à i n t e r ­ venir

pour

s o l d e r la différence

e n t r e le p r i x

offert et le

prix

alloué. Je d e v r a i s i c i , M e s s i e u r s , v o u s entretenir des e n g a g e m e n t s

de

travail q u e t o u t esclave affranchi d o i t c o n t r a c t e r a v e c une p e r s o n n e d e c o n d i t i o n l i b r e , et q u e l'article

5 de la loi du 18 j u i l l e t 1845

s o u m e t à l ' a p p r o b a t i o n de la C o m m i s s i o n ; m a i s , c o m m e celle-ci n ' a pas d ' i n i t i a t i v e , et q u ' a u c u n

contrat d'engagement

ne lui a été


— 19 — s o u m i s , c e l t e partie de ses attributions

est restée

complétement

nulle entre ses mains ( 1 ) . Je j o i n s au c o m p t e actuel un tableau où les principales

circon­

stances des diverses affaires q u i o n t été soumises à la C o m m i s s i o n se t r o u v e n t rappelées s o m m a i r e m e n t .

(1) Depuis le 9 novembre, jour où s'arrête ce c o m p t e , l'administration a livré à la commission 22 actes d'engagement.


Tableau récapitulatif des actes D U 10 J A N V I E R A U

Noms d'ordre. des esclaves. f

S s wo

1

André.

1

2

Basilité.

1

3

Ernestine.

»

4

Pierre.

1

S

1

Caste.

o H

Commune

Prix

d'origine.

offert

Prix

Prix

demandé alloué.

1

Créole.

St-Benoit.

1000

3000

2000

1

Créole.

St-Benoit.

1000

2500

1800

1

Créole.

St-Benoit.

750

2500

1750

1

Cafre.

St-Benoit.

2500

5000

3500

Louis.

1

»

1

Créole.

St-Louis.

»

»

6

Joséphine.

»

1

1

Créole.

St-Paul.

1500

1500

1500

7

Laure.

1

1

Créole.

St-Benoit.

1000

3000

2250

8

Elisinne.

1

1

Créole.

St-Denis.

2000

6000

4500

2000

3500

3500

850

850

850

5

9

Jean-Marie

1

»

1

Malgache. St-Denis.

10

Céleste.

»

1

1

Créole.

11

L'Éveillé.

1

»

1

Malgache. St-Benoit.

12

1

3

Créole.

»

2

2

Créole.

14

A u r é l i e et 2 d e ses fils A u r é l i e et 1 enfant. Frontine.

1

"

1

Indien.

Ste-Suzanne

450

750

700

15

Prosper.

1

»

1

Créole.

Ste-Suzanne

2000

3500

3500

16

2

2

4

Créole.

St-Denis.

1250

4000

3900

2

2

4

Créole.

St-Denis.

200

500

500

18

Finette et 3 enfants. Zéline et 3 enfants. Louise.

»

1

1

Créole.

Ste-Suzanne

2000

2000

2000

19

Merveille.

1

»

1

Créole.

St-André.

»

»

20

Fasy.

1

1

Créole.

St-Benoit.

13

17

29

St-Louis.

»

»

»

St-André.

3500

12000

6500

St-Denis.

»

»

22000

»

»

»

52600

38750


de

la C o m m i s s i o n , de r a c h a t .

11 N O V E M B R E 1 8 4 6 .

OBSERVATIONS.

Recommandée. L e p r i x offert a été r é e l l e m e n t fait par P i e r r e . R e c o m m a n d é p a r le g o u v e r ­ nement. L e m a î t r e reconnaissait avoir r e ç u le p r i x . I n c o m p é t e n c e . Décision d'expédient. Sujet-race sous les rapports p h y s i q u e s . R e c o m m a n d é . E m b a u c h a g e . L e p r o d u i t d u travail d e cette esclave est d e 180 fr. par m o i s . L e p r i x offert a été fait p a r l'esclave. R e c o m m a n d é . D é c i s i o n d ' e x p é d i e n t . P r i x fait par l ' e s c l a v e . D é c i s i o n d ' i n c o m p é t e n c e . L e s parties étaient d ' a c c o r d . Recommandée. Affaire retirée par les p a r t i e s , q u i se sont a c c o r d é e s p o u r le p r i x d e 3,250 fr. L e p r i x offert a été fait p a r l'esclave. Recommandé. E s t i m a t i o n é v e n t u e l l e q u a n t à d e u x des enfants. Décision d'expédient. Décision d'expédient. E n suspens p a r suite d u m a r r o n n a g e d u sujet. Affaire retirée p a r le ministère p u b l i c . L e sujet avait trois m o i s



— 25 —

Deuxième Note. Sur les inconvénients d'un accueil favorable dans la Chambre des Députés à la Pétition relative à l'abolition de l'esclavage.

Ma première note a p o u r objet de mettre en évidence l'injustice et l'inexactitude des

motifs

sur lesquels les pétitions rapportées par M. Paul de Gasparin fondent leurs conclusions en faveur de l'abolition immédiate de l'esclavage dans les c o l o n i e s françaises. Dans c e l l e - c i , j'ai pour but de faire ressortir les c o n s é q u e n c e s funestes que pourrait avoir un vote favorable à c e s p é t i t i o n s , m ê m e dans les termes adoptés par le rapport. Le r a p p o r t , en effet, s'il conclut au renvoi d e s pétitions au m i n i s t r e , raisonne néanmoins

dans

le sens de l'ordre du j o u r . Les pétitions condamnent la loi du 18 juillet 1845 c o m m e insuffisante, c o m m e inutile, c o m m e c o m p l i c e de l'esclavage l u i - m ê m e ; le rapport veut l'exécution de cette loi : — c'est pour rappeler les ministres à l'exécution de la loi du 18 juillet 1845 qu'on demande à la Chambre de leur r e n v o y e r une pétition contre cette l o i . — L e renvoi sérieux de la pétition au ministre serait d a n g e r e u x ; les m i n i s ­ t r e s , la commission , n'en veulent p a s ; l'ordre du j o u r paraîtrait brutal aux rédacteurs de la pétition, on veut leur épargner cette affliction. — De part et


— 24 — d'autre on sera satisfait : la p é t i t i o n , échappant à l'ordre du j o u r , sera r e n v o y é e au ministre, à c o n ­ dition que la loi du 18 juillet 1845 sera e x é c u t é e c o m m e si la pétition n'existait pas Si c e jeu de l'omnipotence parlementaire n'avait d'autre inconvénient que celui d'une contradiction, il n'y aurait point à s'en o c c u p e r . L ' a c c o r d qui se serait fait sur c e terrain peu solide n'en aurait pas m o i n s son prix, et le b o n sens peut bien consentir à un sacrifice pour mettre la paix entre la s u s c e p ­ tibilité de l ' a m o u r - p r o p r e et la légitime puissance des convictions ministérielles; mais la c o n c l u s i o n p r o p o s é e à la c h a m b r e porte en e l l e - m ê m e

des

effets que les conventions de la c o m m i s s i o n et du ministre ne peuvent pas b o r n e r . Le renvoi de la pétition aux ministres pouvait bien être pour eux un e m b a r r a s ; mais c'est pour l e s c o l o n i e s , c'est pour l'exécution de la loi du 18 juillet 1 8 4 5 , c'est pour la préparation des esclaves à la l i b e r t é , que c e renvoi était un danger. Par une convention dont la logique gémit, l'embarras du ministère disparaît; mais le danger de la loi préparatoire subsiste. Certes, quand M. le baron de Bussière et M. l ' a ­ miral de Mackau faisaient entendre à la tribune de la Chambre des pairs des paroles si é l o q u e n ­ tes,

ce n'était pas pour soulager le ministère

qu'ils réclamaient l'ordre du jour, mais pour p r é ­ venir dans les c o l o n i e s , par l'exécution tranquille,


— 25 — uniforme de la loi, des espérances et des illusions incompatibles avec les conditions

préparatoires

de l'émancipation future des esclaves. Et qu'importe aujourd'hui que le renvoi des p é ­ titions au ministre soit expliqué de manière à a f ­ fermir le gouvernement dans sa pensée de c o n t i ­ nuer la préparation , au lieu de l'inviter à l ' a b a n ­ donner c o m m e inutile pour m a r c h e r droit à l ' é ­ mancipation? Le renvoi au ministre en sera-t-il m o i n s , aux yeux des esclaves, une dissidence e n ­ tre les pouvoirs de l'état? en c o n c e v r o n t - i l s au moins l'espérance d'une victoire plus c o m p l è t e dans un nouvel et prochain c o m b a t parlementaire ? en s e r o n t - i l s moins rappelés aux habitudes i n ­ quiètes qu'entretient la p r o m e s s e d'une p r o c h a i n e émancipation générale et gratuite? Les c o l o n s en s e r o n t - i l s moins ébranlés dans la confiance que semblait c o m m a n d e r la loi ? p o u r r o n t - i l s ne pas craindre le retour périodique des assauts abolitionistes? leur sera-t-il permis d'en regarder le s u c ­ c è s prématuré c o m m e impossible, et de travailler sans d é f i a n c e , au prix de tant de peines et de s a ­ c r i f i c e s , à l'amélioration, au p r o g r è s et à la n o u ­ velle organisation qui sont le but de la loi ? Je ne veux pas répéter ici c e qui a été si bien dit à la tribune de la Chambre des p a i r s , mais j'essaierai d'y ajouter c e que la circonstance r é ­ c l a m e , car la question n'est pas tout à fait la m ê m e aujourd'hui : les conclusions

du rapport de la


— 26 — c o m m i s s i o n l'ont m o d i f i é e , sinon dans son e s ­ s e n c e , au moins dans son aspect. La question en e l l e - m ê m e est d'une grande s i m p l i c i t é : un s y s ­ tème nouveau vient d'être inauguré aux c o l o n i e s ; on doit refuser de faire accueil à une pétition qui en demande le renversement. — Ce système n o u ­ veau exige de la suite et de la persévérance dans le g o u v e r n e m e n t , du travail et de la résignation de la part des e s c l a v e s , de la c o n f i a n c e , de la sou­ mission et du dévoûment de la part des m a î t r e s ; il ne faut pas d é c o u r a g e r tous c e s sentiments par la menace d'un retour prochain à l'instabilité des tentatives rudimentaires et des premières études de la réforme c o l o n i a l e . Nous n'en sommes pas là. On veut bien c o n c é ­ der aux ministres le f o n d , mais à condition

que

les ministres fassent c o n c e s s i o n de la f o r m e . On ne nie pas la nécessité d'exécuter la loi de 1845 et le danger d'en arrêter les effets , mais on veut que le renvoi de la pétition au ministre soit un nouveau témoignage du caractère transitoire et préparatoire qu'on attache à cette loi ; on

veut

q u e , dans la pratique du nouveau régime , l ' a b o ­ lition de l'esclavage ne cesse pas d'être en p e r ­ s p e c t i v e , c o m m e un but dont on n'est plus séparé que par une période de tolérance a c c o r d é e au r é ­ gime transitoire fondé en 1845. Cette transaction est moins inoffensive qu'elle ne paraît


— 27

C e r t e s , la loi du 18 juillet 1845 ne mériterait pas m ê m e les égards que lui a c c o r d e le rapport , si elle n'avait d'autre

mission que

d'ajourner à

demain c e qui n'était pas possible hier ; le délai ne sauve pas de l ' é c h é a n c e , et pour que c e l l e - c i arrive sans ruine il faut autre c h o s e que la courte patience du c r é a n c i e r . L'abolition de l'esclavage s'est présentée depuis bien des années avec des caractères divers : elle a été pour l'Angleterre un acte de haute politique qui est aujourd'hui c o n s o m m é ; elle est pour q u e l ­ ques philosophes une réparation que l'humanité r é c l a m e ; elle est pour la politique française un p r o b l è m e dont la solution, long-temps c h e r c h é e , a reçu en 1845 une formule préparatoire. L o g i q u e m e n t , qu'y a-t-il d o n c à d e m a n d e r a u ­ jourd'hui? R i e n , si c e n'est le rejet de la formule adoptée pour travailler à la r e c h e r c h e d'une

for­

mule nouvelle. C'est en effet c e que veulent les pétitionnaires. Mais maintenir la formule adoptée et faire accueil aux pétitions , c'est un n o n - s e n s dont le ridicule et le danger ont pu échapper à un premier e x a m e n , mais d o n t , après r é f l e x i o n , ni la c o m m i s s i o n , ni la C h a m b r e , ni le

gouverne­

m e n t , ne voudra accepter la responsabilité. Supposons que la loi du 18 juillet 1845 n'existe pas : les pétitions ont alors un objet. Quel parti pourrait prendre le

gouvernement

pour le satisfaire, si ce n'est de p r o p o s e r aux


— 28

Chambres les m o y e n s les plus c o n v e n a b l e s , selon l u i , pour arriver sans peine à l'abolition de l ' e s ­ clavage ; et que resterait-il à demander s i , sur la proposition du g o u v e r n e m e n t , et après plusieurs années d'étude, les c h a m b r e s avaient adopté l ' o r ­ ganisation des m o y e n s préparés pour arriver aux fins des pétitions? Evidemment il ne resterait plus qu'à attendre la réalisation de c e s m o y e n s ; c a r , si les pétitionnaires peuvent ne s'occuper que du b u t , ils n'ont pas apparemment la prétention de contraindre le gouvernement à faire, c o m m e e u x , abstraction des m o y e n s , et tout ce qu'ils peuvent raisonnablement

demander,

c'est

sans

doute

qu'aux fins de leurs pétitions, les m o y e n s c o n v e ­ nables soient organisés. O r , c'est c e qui a été fait en 1 8 4 5 , après quinze ans d'hésitation, de t r a ­ vaux continuels et d'agitations plus ou moins p é ­ rilleuses. L e s pétitions aujourd'hui méconnaissent tout cela et se replacent deux ans en arrière de l'époque actuelle. La loi du 18 juillet 1845 constitue un

système

avec lequel le vœu des pétitionnaires est i n c o m ­ patible : accueillez c e vœu , le système est d é s o r ­ ganisé. C'est un système préparatoire et par conséquent transitoire, il est vrai, mais dans lequel la p r é ­ paration est le caractère essentiel, et qui , par c o n s é q u e n t , ne saurait rien admettre de ce qui peut contrarier, retarder cette préparation. Le


-_

29 —

caractère transitoire de la loi lui est s u b o r d o n n é ; cette loi n'est pas un décret d'ajournement, elle est une organisation de m o y e n s . Sous l'empire d'une telle l o i , demander l'aboli­ tion de l'esclavage , c'est

méconnaître tout à la

fois c e qui est fait et c e qui reste à faire. La Cham­ bre et le gouvernement ne peuvent s'associer à la transaction illogique p r o p o s é e par la c o m m i s s i o n . La loi du 18 juillet 1845 est e l l e - m ê m e une r é ­ ponse aux pétitions;

elle est la satisfaction du

v œ u qu'elles e x p r i m e n t , puisqu'elle a fondé l ' o r ­ ganisation, les m o y e n s p r o p r e s à le réaliser, et par conséquent elle devrait prévenir le

retour

d'une d é m a r c h e à laquelle elle a fait droit. L'ordre du j o u r est d o n c la seule réponse l o g i ­ que à une pareille aberration ; elle est aussi la seule convenable à la dignité du gouvernement et des c h a m b r e s . Elle est la seule p r o p r e à assurer à la nouvelle organisation coloniale la fécondité qui lui fut promise par ses auteurs, en fruits de travail et de liberté. L'ordre du j o u r ne signifiera point que le r é ­ gime actuel est définitif, et ne doit plus être m o d i ­ fié ; mais il signifiera que c e régime r é p o n d aux vœux légitimes des pétitionnaires, par la c o n s t i ­ tution des moyens qui seuls peuvent r e n d r e p o s ­ sible l'abolition ultérieure des dernières traces d'un esclavage singulièrement adouci et modifié. L'ordre du j o u r ne signifiera pas que le régime


— 30 — actuel n'est pas transitoire , mais il signifiera que la production de ses fruits exige le calme et la faveur des influences politiques. En effet, quelles sont les conditions de s u c c è s du système fondé en 1845 ? C'est un changement c o m p l e t dans les habitudes m o r a l e s du n è g r e ; il faut qu'il passe de l'indifférence au souci de l ' a ­ venir, que la pratique du travail volontaire lui d e ­ vienne facile et familière, qu'il apprenne à é c o ­ n o m i s e r son p é c u l e , et q u e , l'ayant é c o n o m i s é , il l'emploie à sa libération. Mais c e n'est pas t o u t , dans c e système la liberté n'est pas donnée c o m m e le prix du passé sans garantie pour l'avenir. L'ha­ bitude du travail volontaire c o n t r a c t é e , en vue de la liberté,dans l'esclavage, doit être continuée, en vue de l'ordre et du p r o g r è s , dans la liberté. L e s habitudes du maître ne sont pas soumises à des r é ­ formes moins radicales ; il avait pour instruments de travail des esclaves soumis à sa v o l o n t é ; il aura d é s o r m a i s , dans une proportion toujours c r o i s ­ s a n t e , des h o m m e s libres sous la loi ; au péril de sa fortune, il devra étudier et trouver l'emploi d e s matériaux qui se détacheront j o u r n e l l e m e n t de l'ancien édifice colonial. Rejeter tout c e q u i , dans c e travail d'une é d u ­ cation nouvelle , tend à troubler les efforts et les p r o g r è s des esclaves et des maîtres, i m p o s e r s i ­ lence aux passions qui sèment le d é c o u r a g e m e n t et la d é f i a n c e , c e n'est pas méconnaître le c a r a c -


— 31 — tère préparatoire du s y s t è m e , c'est le c o n s a c r e r et en hâter le développement. La durée de cette période ne peut pas être d é ­ terminée d'une manière précise ; mais elle peut être indiquée c l a i r e m e n t , e t , pour ceux qui n e veulent le progrès que dans l ' o r d r e , celte indica­ tion doit suffire. Il n'y a eu jusqu'à c e j o u r , contre l'abolition de l'es­ clavage dans les c o l o n i e s françaises qu'une seule objection sérieuse, qu'un seul obstacle insurmonta­ b l e , c'est la cessation du travail après l'émancipa­ tion. Parcourez tous les documents émanés des c o n ­ seils coloniaux , des délégués et des autres d é f e n ­ seurs de nos intérêts maritimes, vous v e r r e z que toutes les oppositions se résument en définitive à c e c i : Constituez, garantissez le travail libre. F o n ­ dée sur l'expérience aussi bien que sur le r a i s o n ­ n e m e n t , cette objection est en effet la seule d e ­ vant laquelle le gouvernement se soit

arrêté.

C'est d o n c un pas immense qu'il a fait dans la question de l'affranchissement des nègres de n o s c o l o n i e s , quand il a formulé dans la loi du 18 juil­ let 1845 les m o y e n s de conserver le travail après l ' é m a n c i p a t i o n , en faisant s o r t i r progressivement la liberté, du travail lui-même. Dans la tâche diffi­ c i l e qu'il a entreprise, c e ne sont pas des pétitions pleines de récriminations et d'impatience qui p e u ­ vent hâter le s u c c è s de l'œuvre; au c o n t r a i r e ,


— 32 — elles ne peuvent que le compromettre ou l ' é l o i ­ gner , et tous les abolitionistes éclairés devraient être les plus empressés de d é c o u r a g e r par un vote sévère c e s imprudentes tentatives. Les pétitionnaires ne comptent pas sur le succès de la loi préparatoire; l'abolition de l'esclavage n'a cependant pas d'autre voie honnête et prudente q u e la constitution préalable du travail libre. On ne peut pas garantir le s u c c è s d'une entreprise si difficile, mais les m o y e n s adoptés par le g o u v e r ­ nement sont e n c o r e les plus acceptables qui aient été p r o p o s é s , et il est permis d'espérer qu'ils ne tromperont pas les précieuses espérances qui s'y rattachent. Quoi qu'il en s o i t , à cette question : Quelle sera la durée de la période préparatoire inaugurée aux colonies ? le gouvernement a d é s o r m a i s une r é ­ ponse toute p r ê t e , une r é p o n s e qui n'a rien d ' a r ­ bitraire et qui sort toute faite de l'organisme du nouveau système colonial. L o r s q u e , par l'attrait de la liberté, le nègre aura contracté d'une manière assez générale l'habitude du travail volontaire; lorsque

la religion

aura

triomphé clans son c œ u r des premiers et

plus

grossiers obstacles qu'elle r e n c o n t r e , lorsque la pratique vulgarisée du rachat aura prouvé que le nègre a cessé d'être incapable de prévoyance et d ' é c o n o m i e ; lorsque les engagements exigés après


— 33

le rachat se réaliseront avec facilité , sans c o n ­ trainte et sans subterfuge ; lorsque l'art. 16 de la loi du 18 juillet 1845 r e c e v r a une exécution f a c i l e , c ' e s t - à - d i r e , en un m o t , lorsque l'autorité de la loi aura remplacé par la consécration du t r a v a i l , d'une manière suffisamment efficace, l'autorité du maître, alors la période préparatoire aura atteint son t e r m e . Qu'on n e perde pas de vue que la mission de la loi de 1845 n'est pas seulement de détruire d'un c ô t é , mais aussi et surtout de c r é e r de l'autre ; c e sont les résultats qu'elle a m è n e q u i , en se m u l t i ­ pliant et en se perpétuant, doivent constituer les bases d'un nouvel o r d r e de c h o s e s . En attendant, c e n'est pas par d e s pétitions h o s ­ tiles au principe et à la première application du nouveau régime colonial qu'on peut favoriser

les

résultats sur lesquels reposent tant d ' e s p é r a n c e s , lorsqu'il faut e n c o r e travailler à établir dans l e s c o l o n i e s l'intelligence m ê m e de la loi qui est d e s ­ tinée à les produire. L'auteur de la présente note ne peut pas être suspect de partialité en faveur de cette loi : il en a assez combattu certaines d i s p o s i t i o n s , il voudrait e n c o r e en amender p l u s i e u r s , s'il en avait le p o u ­ v o i r ; mais il ne saurait méconnaître les garanties d'ordre et de travail qu'une discussion c o n s c i e n ­ cieuse et approfondie y a maintenues o u ajoutées. Si toutes les objections des délégués d e s c o l o -


— 34 — nies n'ont pas été accueillies en 1 8 4 5 , les p r i n c i ­ pales (je le dis avec reconnaissance pour la part que j'ai pu avoir dans c e résultat) ont obtenu une satisfaction plus ou moins c o m p l è t e . Ainsi la constitution légale du pécule devait fa­ voriser le vol et les abus de c o n f i a n c e : la loi a sti­ pulé contre l'esclave la justification de la légitimi­ té de la provenance du p é c u l e . Le rachat forcé devait ouvrir la porte à un vaste et ruineux système d ' e m b a u c h a g e : la loi a c o n s a ­ c r é l'engagement simultané de 5 a n n é e s , et l ' o ­ bligation de faire approuver l'engagement par la c o m m i s s i o n du rachat. L e propriétaire pouvait être lésé dans la

fixation

arbitraire du prix du rachat : la loi a institué une c o m m i s s i o n qui offre aux parties des garanties d'équité. Le maître devait redouter les charges e x t r a o r ­ dinaires qui pouvaient résulter p o u r lui de la r i ­ gueur de ses obligations relativement aux p r e s t a ­ tions : la loi a c o n s a c r é la substitution facultative d e s arrangements amiables à c e s obligations. L'ordre public paraissait m e n a c é par l ' a c c r o i s ­ sement du

prolétariat,

résultat probable

d'un

grand n o m b r e de rachats et d'affranchissements ; la loi a j e t é , dans son article 1 6 , les bases d'une répression efficace de l'oisiveté dans le d é n û m e n t . Enfin il était permis de s'inquiéter d'un

grand

n o m b r e de difficultés de détails : la loi a c o n s a c r é ,


— 35

p o u r les r é s o u d r e , l'intervention d e s c o n s e i l s c o ­ loniaux. Certes voilà d e s g a r a n t i e s ;

mais n'est-il

pas

évident que l'exécution de la loi o ù elles

sont

f o r m u l é e s est d'une e x t r ê m e d é l i c a t e s s e , qu'elle offre de grandes difficultés,

qu'elle e x i g e

d'une

part la sécurité et la c o n f i a n c e , d'autre part la p r u d e n c e , la p e r s é v é r a n c e , la suite? Ces s e n t i ­ m e n t s n'ont pas e n c o r e eu le temps de s'établir aux c o l o n i e s . L'action du p o u v o i r m ê m e n'y est pas e n c o r e , dans certain c a s , parfaitement éclairée et r é g u l a r i s é e ; quelle idée nette la plupart d e s maîtres et des e s c l a v e s ont-ils d o n c pu se faire de leurs nouveaux rapports ! Les pétitions d o n t on p r o p o s e le renvoi au ministre s o n t - e l l e s bien p r o p r e s à fixer

c h a c u n dans l ' i n t e l l i g e n c e , dans la j o u i s ­

s a n c e et dans l ' a m o u r de sa nouvelle situation ? Toute

incertitude , toute inquiétude

jetée

sur

l'avenir d e la loi dans les c o l o n i e s , n e peut q u ' a ­ jouter au trouble dont les esprits ne sont pas e n ­ c o r e revenus , et d é t a c h e r l e s c œ u r s d e s d e v o i r s que la loi i m p o s e . L'esprit du r a p p o r t , c o n f o r m e

à celui d e la

Chambre et du g o u v e r n e m e n t , a une signification rassurante p o u r l'avenir c o l o n i a l ; mais l a c o n c l u sion qui en est une e x p r e s s i o n fausse, et qui seule c o n s e r v e r a l'autorité d'un v o t e

solennel,

aussi laissera son i m p r e s s i o n dans l e s

seule

souvenirs


— 36

que l'on exploitera plus tard. L ' o r d r e du j o u r , tra­ duisant a v e c fidélité l e s sentiments et l e s v o l o n t é s de la C h a m b r e et du g o u v e r n e m e n t ,

confirmera

l e s dispositions naissantes qu'il i m p o r t e de d é v e ­ l o p p e r aux c o l o n i e s , et préviendra un d é c o u r a ­ g e m e n t fécond en mauvais r é s u l t a t s , et d'autant plus regrettable qu'il serait fondé sur une e r r e u r .

DEJEAN DE LA B A T I E .

Paris. — Imprimerie de GUIRAUDET et JOUAUST, rue Saint-Honoré, 315.


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