Evènements des 18 et 19 juillet 1881 à Saint-Pierre Martinique

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VICTOR SCHŒLCHER

ÉVÉNEMENTS DES

18 & 19 JUILLET 1 8 8 1 A SAINT-PIERRE

MARTINIQUE)

Prix : 2 Franc;

Paris DENTU.

LIBRAIRE-ÉDITEUR

GALERIE D'ORLEANS (PALAIS-ROYAL)

1882

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Ville de Pointe-à-Pitre


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ÉVÉNEMENTS DES 18 & 19 JUILLET 1 8 8 1 A SAINT-PIERRE

(MARTINIQUE)

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Paris. — Imp. WATTIER et Cie, 4, rue des Déchargeurs

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VICTOR

SCHŒLCHER

ÉVÈMENTS DES

18 & 19 JUILLET 1 8 8 1 A

SAINT-PIERRE

(MARTINIQUE)

PARIS DENTU , GALERIE

LIBRAIRE-ÉDITEUR D'ORLÉANS

(PALAIS-ROYAL.)

l8820

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A V A N T PROPOS Nous avons écrit dans le Rappel (du 1 2 a o û t a u 29 décembre) les articles qui composent cette brochure au courant de l'agitation soulevée et entretenue depuis cinq mois à la suite des émeutes des 18 et 19 juillet 1881 àSt-Pierre, Martinique. Les incorrigibles partisans du préjugé de couleur ont exploité ces événements pour demander à la France de venir au secours des créoles d'origine européenne qu'ils ont faussement représentés comme menacés des plus grands périls. Nous nous sommes efforcé de dissiper les inquiétudes que firent naître un moment ces cris de détresse. Nous rassemblons ici nos articles en une brochure dans l'espoir qu'elle servira de protestation contre les injustes attaques dont les Français d'origine africaine viennent encore d'être l'objet à St-Pierre. Le lecteur verra qu'à la Martinique, les autorités locales et à Paris, l'autorité centrale ont nié et nient encore que la population blanche ait couru quelque danger. Deux jours de suite il est trop vrai, l'ordre a été troublé à St-Pierre par des émeutes, mais elles n'ont duré que quelques heures, n'ont pas dépassé un quartier de la ville et n'ont pas eu le moindre écho


— II —

ni à Fort-de-France ni dans l'île entière. Il est constant que depuis le 19 juillet la tranquilité n'a cessé de régner partout et que les bruits de pillage et de massacre que l'on a fait courir ne reposent sur rien, absolument rien. Jamais on n'a pu citer un seul acte de la classe de couleur sur lequel il fut possible de fonder avec une apparence de raison les hideuses accusations dirigées contre elle. Quant à nous, nous admirons la sagesse du peuple de St-Pierre qui a su contenir son indignation en s'entendant chaque j o u r traiter « de voleurs, de « bandits, de scélérats, d'assassins ». On cherchait par ces injures, si bien faites pour l'irriter, à le pousser à quel qu'acte de vengeance. Il n'est pas tombé dans le piège qu'on lui tendait, il est bien résolu à laisser à ses ennnemis les brutalités de la rue comme celle qui a provoqué son déplorable mouvement de colère du 18 juillet. Il n'est pas inutile de rappeler ici pour ceux de nos lecteurs qui ne se sont pas occupés des colonies que « l'élément africain » de leur population (selon l'expression de l'organe de « l'élément» rétrograde), c'est-à-dire les nègres et les mulâtres, tous nés à la Martinique, sont Français par la naissance, le l a n gage, les mœurs, les idées, les sentiments, le p a triotisme, le républicanisme, et que l'on compte parmi eux autant d'hommes ayant reçu leur éducation dans les écoles métropolitaines qu'il y en a parmi leurs concitoyens blancs. Les créoles d'origine africaine, ont oublié le passé,


— III —

rien n'est à craindre d'eux ; ils ont monté depuis leur émancipation en 1848 avec une étonnante rapidité au niveau de leurs compatriotes d'origine européenne, autrefois privilégiés. Ils forment aujourd'hui une classe honnête, laborieuse, patriote et reconnaissante envers la République qui les a

affranchis.

Cette classe nous la défendons et nous la défendrons toujoursparcequ'elle n'est pas assez connue en France et parce qu'elle est aux colonies calomniée par un groupe de rétrogrades auxquels l'ancienne prépondérance de leur caste laisse encore une grande i n fluence. Les hommes de couleur, nègres et mulâtres, ne demandent que la paix, la concorde et ceux qui leur imputent d'être ennemis de la classe blanche sont tout simplement des ennemis de la classe de couleur. V.

SCHŒLCHER.



ÉVÉNEMENTS DES 18 & 19 JUILLET 1 8 8 1 A

SAINT-PIERRE

I.

(MARTINIQUE)

— 12 août.

Prétendue demande d'état de siège par la population européenne. — Cette demande est une insulte pour la population non européenne. — Vieille tactique pour fomenter la division entre la classe blanche et la classe de couleur. — L e s deux c l a s s e s sont indispensables l'une à l'autre. — La France ne voit dans l e s créoles, quelle que soit leur origine, que des français tous égaux.

(Le 18 juillet 1881, a Saint-Pierre, eut lieu une émeute heureusement vite réprimée. Le gouverneur en l'annonçant par télégramme au ministre de la marine disait : « La paix a été immédiatement rétablie. » Le même jour, un groupe d'incorrigibles qui troublent souvent la ville, sautant par dessus la tête du gouverneur,'adressait directement au ministère un télégramme portant : « La population européenne demande l'état de siège. » Au reçu de cette dépêche le ministre télégraphia au gouverneur qui répondit aussitôt : « La paix est parfaite depuis le 19. Il n'y a rien à faire. » Ignorant comme tout le monde la cause et la gravité de l'émeute, remarquant que la paix avait été immédiatement rétablie, je crus qu'elle pouvait provenir d'une certaine agitation des esprits, que produisait alors l'opposition des frères de Ploermel à la laïcisation des écoles primaires, opposition qui avait justement amené quelque temps auparavant une petite émeute cléricale insignifiante. J'écrivis dans ce sens un article au Rappel. C'était une erreur. Je supprime donc ici tout ce que je disais à l'égard


—6 des frères, je ne garde suivantes qui restent

de l'article entières).

que les

réflexions

La paix est parfaite, é c r i t le chef de l a colonie ; la population européenne demande l'état de siège, é c r i v e n t en m ê m e t e m p s , à la m ê m e h e u r e , les g r a n d s a m i s de l ' o r d r e I D e m a n d e r t o u t à coup, p a r t é l é g r a p h e , sans la m o i n d r e explication, l'état de siège, cette grosse m e s u r e à laquelle le p o u v o i r ne r e c o u r t j a m a i s q u ' à la d e r n i è r e e x t r é m i t é , d a n s le d a n g e r le plus i m m i n e n t 1 Aveuglés p a r l e u r s passions, ils o n t p e r d u le sens c o m m u n au p o i n t de ne p a s voir qu'ils se c o u v r a i e n t de r i d i c u l e , qu'il é t a i t impossible q u e leur insolite dépêche n e t o u r n â t pas à l e u r dérision. Mais ici, l'odieux le dispute a u ridicule. En effet, il faut bien n o m m e r les choses p a r l e u r s n o m s et d é c o u v r i r les sous-entendus. L a population européenne signifie la p o p u l a t i o n blanche ; or, si les blancs de l a M a r t i n i q u e d e m a n d a i e n t l ' é t a t de siège, ce ne p o u r r a i t ê t r e qu'afin de se défendre c o n t r e les n è g r e s et les m u l â t r e s q u i les m e n a c e r a i e n t . Ou « les h o n n ê t e s gens » de S a i n t P i e r r e ne s a v e n t ce qu'ils disent, ou v o i l à ce qu'il y a a u fond de l e u r t é l é g r a m m e . On n e p e u t offenser plus g r i è v e m e n t et p l u s g r a t u i t e m e n t la population de c o u l e u r . Elle est p a r b o n h e u r assez sage e t assez forte p o u r m é p r i s e r ce g e n r e d ' i n s i n u a t i o n , C'est toujours la m ê m e t a c t i q u e : r a v i v e r les a n c i e n nes r i v a l i t é s de races qui s'éteignent, e x c i t e r les soupçonsles h o s t i l i t é s e n t r e les d e u x classes qui t e n d e n t , p a r la force des choses, à se r a p p r o c h e r ; t r o m p e r , i n q u i é t e r la m é t r o p o l e en c a l o m n i a n t les colons de c o u l e u r , en les r e p r é s e n t a n t c o m m e p r ê t s à d é v o r e r la m i n o r i t é . On n e s a u r a i t t r o p flétrir d'aussi m a u v a i s s e n t i m e n t s . Q u a n d donc les blancs de la M a r t i n i q u e , n ' é c o u t a n t q u e l e u r c œ u r , l e u r raison, l e u r c o u r a g e m o r a l , f e r m e ront-ils l'oreille à de pareilles suggestions et cesserontils de se laisser m e n e r p a r u n e poignée d é n e r g u m è n e s q u i font t a n t de m a l à l e u r p a y s ? N e voient-ils donc


–7 p a s q u e les d e u x r a c e s f o r m a n t la population sont destinées p a r la n a t u r e à v i v r e ensemble, qu'elles se sont r é c i p r o q u e m e n t nécessaires, qu'en conséquence a d h é r e r a u préjugé de c o u l e u r q u i les p a r t a g e en d e u x c a m p s , c'est a t t e i n d r e la société coloniale d a n s ses forces v i v e s et la l i v r e r à un m a l a i s e perpétuel ; q u ' a u c o n t r a i r e , l e u r fusion s u r le t e r r a i n politique e t social p e u t seule a s s u r e r le d é v e l o p p e m e n t de l e u r prospérité c o m m u n e . A cette fusion la m è r e - p a t r i e les convie c h a q u e j o u r d a v a n t a g e en a s s i m i l a n t de p l u s en plus le r é g i m e politique, administratif, j u d i c i a i r e , m i l i t a i r e , m u n i c i p a l des colonies à celui de la m é t r o p o l e . Elle témoigne m a n i festement ainsi qu'elle ne fait a u c u n e distinction de r a c e ni de couleur p a r m i l e u r s h a b i t a n t s , qu'elle ne voit en e u x ni Européens ni Africains, m a i s des F r a n ç a i s , tous é g a u x , a y a n t t o u s les m ê m e s droits, et qu'elle les v e u t unis ensemble comme elle les u n i t d a n s sa sollicitude. Q u a n d donc en finira-t-on a u x Antilles a v e c u n passé, d'ailleurs fort laid, et ne r e g a r d e r a - t - o n plus à l'origine de race d'un h o m m e ou à la n u a n c e de sa p e a u , m a i s à son h o n n ê t e t é , à sa m o r a l i t é , à ses t a l e n t s , et à son intelligence.


–8— II. — 2 7

septembre.

Exploitation du sac de la maison Lota. — M. Schoelcher, ministre perpétuel des colonies. — T o u s les ministres abdiquent leurs pouvoirs entre s e s mains. — C'est par son ordre que le parlement a doté les colonies de la représentation directe et voté leur assimilation à la métropole. — Minorité factieuse et turbulente. — Découverte du parti des séparatistes.

Un t r i s t e é v é n e m e n t vient d'affliger la ville de S a i n t P i e r r e (Martinique). Une maison a été mise à s a c a u milieu d'une é m e u t e . Un h o m m e a p o r t é en pleine r u e d e u x coups de poing- à M . H u r a r d , q u i no le v o y a i t m ê m e p a s q u a n d il a été frappé. M . H u r a r d , r é d a c t e u r en chef du j o u r n a l des républicains, président d u Conseil g é n é r a l , est t r è s p o p u l a i r e ; son b r u t a l a g r e s s e u r s'est a u c o n t r a i r e r e n d u depuis l o n g t e m p s t r è s impopulaire. De là l'émeute. Le coupable i e l'agression a été c o n d a m n é à u n mois de prison, les coupables du sac de sa m a i s o n sont e n t r e les m a i n s de la j u s t i c e qui. p r o n o n c e r a . L e j o u r n a l des r é a c t i o n n a i r e s , les Antilles, avait parlé de ce q u i s'était passé avec une c e r t a i n e m o d é r a t i o n ; il laissait a u x d é v a s t a t e u r s toute la responsabilité de l e u r acte de v a n d a l i s m e . Cela ne faisait p a s le compte d'un g r o u p e d'incorrigibles qui a g i t e n t c o n s t a m m e n t S a i n t - P i e r r e . Du j o u r a u l e n d e m a i n , ils ont a c h e t é les Antilles et ils en o n t fait u n i n s t r u m e n t de l e u r s h a i n e s de caste. Ils exploitent c o n t r e la race de couleur t o u t e n t i è r e un fait criminel a u q u e l n ' o n t p r i s p a r t q u e 100 ou 200 personnes a p p a r t e n a n t à la classe la plus ignor a n t e . Ils t r a n s f o r m e n t ces m a l h e u r e u x é g a r é s p a r la colère en b a r b a r e s d'une a u t r e espèce que la n ô t r e , c o m m e si l'Europe et P a r i s m ê m e , la ville la plus éclairée d u m o n d e , n ' a v a i e n t pas v u de semblables excès d a n s les commotions populaires. Ils a t t a q u e n t q u o t i d i e n n e m e n t a v e c frénésie M . H u r a r d et les p a r t i s a n s de son j o u r n a l , qu'ils appellent g a l a m m e n t « le j o u r n a l des s c é l é r a t s ; » ils s ' a c h a r n e n t à les r e p r é s e n t e r c o m m e des e n n e m i s de


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la classe blanche, c o m m e les i n s t i g a t e u r s du sac de la maison mise en pièces ! Les nouvelles Antilles (n° d u 13 août) d i s a i e n t : «La veille du 14 juillet, en pleine place « B e r t i n , u n naïf c u l t i v a t e u r , u n h e r c u l e , s'écriait t o u t « h a u t : On m ' a d i t que le m a s s a c r e a l l a i t c o m m e n c e r à « S a i n t - P i e r r e ; j e suis v e n u d o n n e r u n coup de m a i n . « Qu'est-ce qu'on a t t e n d ? » L e 24 a o û t elles disaient encore : « L a politique des d é m a g o g u e s est celle-ci : « G u e r r e à la classe blanche, son abaissement ou son « extermination. » De telles calomnies sont-elles excusables, s u r t o u t d a n s u n m o m e n t où les t è t e s s o n t encore un peu échauffées? Quoi de p l u s fait p o u r r a v i v e r l'ancien a n t a g o n i s m e des d e u x races q u i t e n d e n t , p a r la force des choses, à se r a p p r o c h e r ? E t notez q u e , d a n s les c a m p a g n e s , c h a q u e p r o p r i é t a i r e blanc d o r t les p o r t e s o u v e r t e s , e n t o u r é d ' u n e c e n t a i n e de ces h e r c u l e s n è g r e s q u i a c c o u r e n t à SaintP i e r r e p o u r y égorger les b l a n c s de la v i l l e ! Bien que n a g u è r e e n c o r e j ' a i e r e n d u « a u x fds des anciens m a î t r e s » la j u s t i c e qui l e u r est d u e , les rédact e u r s des nouvelles Antilles o n t t r o u v é utile à leur vilaine t h è s e de me p r e n d r e à p a r t i e . On lit d a n s l e u r n u m é r o d u 20 a o û t : « . . . . S u r v i e n t le 4 septembre, n o u s « devenons la proie de M. S c h œ l c h e r q u i , en 1848, a v a i t « a c c a p a r é à lui seul l ' h o n n e u r et les profits de l'aboli« tion de l'esclavage. » J e p r i e ces messieurs de vouloir bien expliquer c o m m e n t il m ' a été possible « d ' a c c a p a r e r » l'honneur de l'abolition? J e les p r i e p a r t i c u l i è r e m e n t de vouloir d r e s s e r l'état des profits q u e j ' e n ai t i r é s . Cet a c c a p a r e m e n t , fait à moi tout s e u l , des m é r i t e s de la g r a n d e œ u v r e , accomplie p a r la r é v o l u t i o n de 1848, s e r a i t u n t o u r de force d ' a u t a n t p l u s e x t r a o r d i n a i r e que c e r t a i n s d e l e u r s a m i s m a i n t i e n n e n t q u e j e m ' y suis opposé 1 « P o u r conserver, » ajoutent les incorrigibles, « p o u r « conserver u n e p o p u l a r i t é c o m m e celle d o n t j o u i t « M. S c h œ l c h e r , il faut u n e action incessante s u r les « m a s s e s . Cette a c t i o n , on l'exerce en a p p l i q u a n t le


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« « « « «

précepte de Machiavel : d i v i s e r p o u r r é g n e r , j e t e r la discorde e n t r e les d i v e r s e s p a r t i e s de la population, se d é c l a r e r l ' a m i des u n s et l'ennemi des a u t r e s , e x c i t e r l a h a i n e chez les fils des anciens affranchis c o n t r e les fils des anciens colons. » L'accusation est précise, formelle. Les i n s p i r a t e u r s a c t u e l s des Antilles sont de g r a n d s défenseurs de la religion, m a i s il ne p a r a i s s e n t pas a v o i r a p p r i s q u e me d é s i g n e r ainsi à l'inimitié de nos concitoyens s a n s fourn i r de p r e u v e s , c'est faire ce que nul h o m m e d ' h o n n e u r n e v o u d r a i t faire. J e crois donc a v o i r le d r o i t de les s o m m e r de p r o d u i r e l e u r s p r e u v e s . J e les m e t s au défi do t i r e r de mes l i v r e s et de mes b r o c h u r e s u n e seule ligne v i s a n t à e x c i t e r les h a i n e s e n t r e les d e u x p a r t i e s des p o p u l a t i o n s coloniales. Comme ils n ' y r é u s s i r o n t p a s , on v e r r a que, p o u r e u x , ê t r e « l'ami des fils des anciens affranchis, » c'est se faire « l'ennemi des fils des anciens colons. » A dire le v r a i , là est t o u t mon crime. L ' a m o u r du bien d o m i n e d a n s la n a t u r e h u m a i n e , aussi l ' h o m m e n e fait-il j a m a i s le m a l s a n s i n t é r ê t . Or, j e le d e m a n d e : q u e l i n t é r ê t pourrais-je t r o u v e r d a n s l'abominable passion qu'ils m e s u p p o s e n t ? P r é t e n d r e q u e moi, blanc, m o i q u e le g r a n d h u m a n i t a i r e Victor H u g o appelle son a m i , moi élu à P a r i s p a r 110,000 voix en 1871, j ' a u r a i depuis de longues années p r o v o q u é , e n t r e t e n u l a r a g e des n è g r e s c o n t r e les blancs ( r a g e d ' a i l l e u r s q u e ces b r a v e s gens sont incapables d'avoir), p o u r c o n s e r v e r ce q u ' o n m ' a c c o r d e de p o p u l a r i t é à 2,000 lieues de l a F r a n c e , d a n s u n e île où j e n ' a i p a s mis les pieds depuis 1841, c'est t o u t s i m p l e m e n t a b s u r d e . Dévots 1 mêlez a u moins u n peu de sens c o m m u n à v o t r e fiel. P o u r m o n t r e r à quelle e x t r a v a g a n c e les m é c h a n t s qui m e p e i g n e n t de la sorte p o r t e n t l ' a n t i p a t h i e que j e l e u r inspire, j e vais citer la suite des méfaits qu'ils m e t t e n t à ma charge : « Cette action de l'agitateur a trouvé encore moyen de s'exercer p a r l'influence sans limites qu'il fait peser sur le ministère de la


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marine. M. Schœlcher est le ministre perpétuel des colonies, c'est lui qui trace a chacun le programme à suivre, c'est lui qui distribue le blâme et la louange, la peine ou la récompense. Gare à ceux qui n'ont pas l'heur de lui plaire, surtout s'ils ont du talent. C'est lui qui destitue à son gré et nomme les fontionnaires, surtout ceux de l'ordre judiciaire. Le minitre n'est là que pour leur donner l'investiture. « Les ministres qui tour à tour abdiquent ainsi leurs pouvoirs en gémissent, nous le savons, mais aucun d'eux ne s'est encore révolté contre cette tutelle odieuse. « C'est par l'influence de cet homme, grandi outre mesure par sa popularité, que le P a r l e m e n t , qui semble s'inquiéter bien peu de notre existence, s'est hâté de nous assimiler à la métropole au mépris des principes les plus élémentaires, sans tenir compte de nos antécédents, de nos m œ u r s , de notre climat, de la diversité des éléments dont se compose notre population, et de son degré de civilisation. » Il nous dote de la représentation directe qui est pour nous une cause de déchirements. » (Les Antilles, 20 août).

« Dans quel p a y s u n citoyen, s u r t o u t un citoyen q u i , c o m m e moi, n ' a pas le don de la p a r o l e , a-t-il possédé u n e p u i s s a n c e égale à la m i e n n e ? Seul, ne c o m m a n d a n t p a s à u n p a r t i , « j e fais peser s u r le d é p a r t e m e n t de l a m a r i n e u n e influence s a n s limite, les m i n i s t r e s ne sont là que pour donner l'investiture à mes créatures ; tous, les u n s a p r è s les a u t r e s ( l ' a m i r a l P o t h u a u , l ' a m i r a l Dompierre d'Hornoy, l'amiral Montaignac, l'amiral F o u r i c h o n , l ' a m i r a l J a u r é g u i b e r r y , l ' a m i r a l Cloué) ont abdiqué l e u r p o u v o i r e n t r e m e s m a i n s , ils en gémissent, m e s s i e u r s des Antilles le savent!» L a seule chose qu'ils ne s a c h e n t pas encore, c'est p o u r q u o i t o u s ces officiers g é n é r a u x , d'opinion politique opposée et de c a r a c t è r e différent, « n e se s o n t pas r é v o l t é s c o n t r e m o n odieuse t u t e l l e I » Ce n'est r i e n encore, « le P a r l e m e n t » m'obéit « c'est par mon influence q u ' i l a doté les colonies de la « r e p r é s e n t a t i o n d i r e c t e et qu'il s'est h â t é d'assimiler « l e u r r é g i m e à celui de la m é t r o p o l e . » Voilà les ridicules idées d o n t se r e p a i s s e n t q u e l q u e s é n e r g u m è n e s enfermés à S a i n t - P i e r r e (Martinique), d a n s l e u r p e t i t cercle, n e v o y a n t , ne r e g a r d a n t r i e n de ce q u i se passe d a n s le m o n d e en d e h o r s de l e u r s v i e u x préjugés


— 12 e t d é t e s t a n t quiconque ne les p a r t a g e p a s . E n v é r i t é , s'ils n'étaient v é r i t a b l e m e n t a t t e i n t s d'aliénation m e n t a l e , on s'étonnerait qu'ils fissent assez peu de cas de l'intelligence de l e u r s l e c t e u r s p o u r espérer leur faire c r o i r e de pareilles inepties. Ils ne semblent pas m ê m e s a v o i r que le Courrier de la Guadeloupe si r é a c t i o n n a i r e qu'il s o i t , s'est prononcé « p o u r l'assimilation c o m p l è t e . » (N° d u 29 m a r s 1881). Ah ! ce sont bien toujours « les brouillons et les a n a r « chistes r e p r é s e n t a n t s d'une m i n o r i t é factieuse et t u r « bulente » c o n t r e laquelle des colons r a i s o n n a b l e s protestaient en 1865. Voyez : à cette époque, 1,717 de ces colons, p r o p r i é t a i r e s , n é g o c i a n t s , h a b i t a n t s , réclam a i e n t , d a n s une pétition au S é n a t de l'empire, « la cessation d'un régime exceptionnel pour les colonies et leur représentation directe dans les assemblées législatives » comme elles l'avaient eue de 1818 à 1851. P o u r les r é d a c t e u r s actuels des Antilles, « la r e p r é s e n « tation directe des colonies n'est q u ' u n e c a u s e de déchi« r e m e n t ; de t o u t e s les modifications apportées a u « r é g i m e des colonies, elle est la plus irréfléchie et la « plus funeste. » Or, l a M a r t i n i q u e , la Guadeloupe, l a R é u n i o n , la G u y a n e , le Sénégal, l'Inde ont passé p a r trois élections législatives depuis 1871, et il s e r a i t i m possible d'en citer u n e qui a i t occasionné le moindre déchirement 1 Dans la m ê m e pétition de 1865, les colons raisonnables d e m a n d a i e n t « l'assimilation aussi complète q u e possible « de l ' a d m i n i s t r a t i o n et de la législation des colonies « à celles de la métropole. » E n 1 8 7 1 , l'Assemblée n a t i o n a l e n o m m a i t une g r a n d e commission de q u a r a n t e cinq m e m b r e s p o u r lui r e n d r e compte de l'état de la m a r i n e . Cette commission, où figurait tous les m a r i n s de l'Assemblée nationale, q u e l'on a u r a i t bien de la peine à faire p a s s e r p o u r des d é m a g o g u e s , d i t d a n s son r a p p o r t : « Il y a lieu de s o u s t r a i r e les colonies a u « r é g i m e e x c e p t i o n n e l , de les faire j o u i r dès lors de « l'administration de la m è r e p a t r i e . . . P r e n o n s p o u r


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« devise : Assimilation des colonies à la m è r e p a t r i e . » Aujourd'hui, en 1881, les nouvelles Antilles déclarent q u e « l'assimilation des colonies s'opère a u mépris des « principes les plus é l é m e n t a i r e s s a n s t e n i r compte de « l e u r s i n t é r ê t s , de l e u r s m œ u r s , de l e u r climat, de la « d i v e r s i t é des éléments d o n t se compose l e u r population a et de l e u r d e g r é de civilisation. » Selon ces messieurs, incorrigiblement préoccupés de l e u r s distinctions de r a c e s , il e x i s t e r a i t d a n s l e u r p a y s d e u x degrés de civilisation, et il y faudrait d e u x ou trois législations différ e n t e s , q u i s ' a p p l i q u e r a i e n t à l a diversité des éléments de l a population ! C'est t o u j o u r s la m ê m e folie. Il y a v a i t d a n s l'ancienne société coloniale des p r e m i e r s et des seconds, l a loi n ' y r e c o n n a î t p l u s q u e des é g a u x , qu'ils aient la peau blanche, noire ou j a u n e . On voit, p a r ce qu'on v i e n t de l i r e , q u e ces messieurs ue v e u l e n t pas de cette égalité. Qu'ils exposent donc a u moins c a t é g o r i q u e m e n t l e u r p r o g r a m m e avec ses voies et m o y e n s , qu'ils expliquent enfin u n e fois ce qui p o u r r a i t les satisfaire et t i r e r l e u r p a y s « de l ' a b î m e » où le m è n e n t « les d é m a g o g u e s » des assemblées locales élues d u suffrage u n i v e r s e l . Depuis l o n g t e m p s on le d e m a n d e a u x « conserv a t e u r s » de cette école, j a m a i s on n ' a p u obtenir u n e r é p o n s e ni les faire s o r t i r do v a i n e s objurgations q u i n e concluent à r i e n . H o n n i r le p r é s e n t , d é b l a t é r e r c o n t r e ce qui est, é t e r n i s e r la b a r r i è r e du préjugé de couleur, voilà t o u t e l e u r politique m a r q u é e a u sceau de l'impuissance. Elle est d'accord avec l e u r aversion p o u r le gouv e r n e m e n t républicain. Ils l u i d o n n e n t seulement quelquefois, en m a î t r e s de bon g o û t et de bonne éducation, des v a r i a n t e s c o m m e celle-ci : « L a maison de c a m p a g n e « de M. Aries a été c o m p l è t e m e n t dévalisée, on s'y est « i n t r o d u i t au m o y e n d ' u n e fausse clef. E v i d e m m e n t « M. Aries se m o n t r e r a i t t r o p exigeant s'il faisait « entendre la moindre plainte. N e sommes-nous pas en « R é p u b l i q u e ? » ( L e s Antilles 21 août).


— 14 — Au défi que j e l e u r p o r t a i s d a n s cet article de citer u n e ligne de m o i v i s a n t à exciter les haines de r a c e s , ces m e s sieurs ont r é p o n d u : « M. S c h œ l c h e r « à bout de raison, « nous renvoie à ses livres et b r o c h u r e s ; il nous défie d'en « e x t r a i r e u n e seule ligne qui puisse le c o m p r o m e t t r e . « Ce qu'il nous d e m a n d e est bien pénible et il compte « trop s u r n o t r e c o u r a g e . N o u s affirmons q u ' à l a M a r t i « nique, il est absolument impossible de se p r o c u r e r u n « e x e m p l a i r e de ses o u v r a g e s . Il nous faut donc r e m e t t r e « à u n a u t r e t e m p s l'accomplissement d u l a b o r i e u x « devoir qu'il entend n o u s imposer. P a r t o u t et en t o u t e s « circonstances son l a n g a g e est subversif, il a toujours « été, et il est encore, un a g e n t d e division. » P u i s ils « r e v i e n n e n t é l é g a m m e n t « s u r la g u e r r e violente, « injuste, cruelle q u ' a déclarée a u x blancs M. S c h œ l c h e r , « cet h o m m e fatal et sombre, ce fanatique sans entrailles, « qui n'est cependant q u ' u n t a m b o u r sonore et c r e u x . » Mais s'il l e u r est impossible de se p r o c u r e r soit mes o u v r a g e s , soit les articles assez n o m b r e u x signés de moi d a n s le j o u r n a l les Colonies,depuis sa création, s u r quoi se fondent-ils donc p o u r r é p é t e r à satiété q u e « j e suis u n a g e n t de division q u e j ' a i déclaré l a g u e r r e a u x blancs, etc.? » J e l e u r dis « qu'en me désignant à « L'inimitié de nos concitoyens sans fournir de p r e u v e s , « ils font ce q u ' a u c u n h o m m e d ' h o n n e u r ne v o u d r a i t « faire. » L a plus petite p r e u v e qu'il a p p o r t e r a i e n t m o n t r e r a i t qu'en gens d ' h o n n e u r , ils n'accusent p a s sans bonne raison et ils no l ' a p p o r t e n t pas! J e n e puis répondre m a i n t e n a n t q u ' u n e chose : c'est qu'il est triste d'avoir affaire à des ennemis qui se respectent aussi peu. N e prétendent-ils pas en m ê m e t e m p s que « j ' a i fait « une déclaration d ' a m o u r a u x créoles européens. Vous « avez bien l u , a f f i r m e n t - i l s , a m i s et ennemis, une « déclaration d ' a m o u r . » C'est encore affirmer sciemment le contraire de la v é r i t é , ce q u e non plus a u c u n h o m m e d ' h o n n e u r ne v o u d r a i t faire. L e l e c t e u r a mon article sous les y e u x , il p e u t s'assurer qu'il ne s'y r e n c o n t r e a u c u n e déclaration d ' a m o u r ni directe ni indirecte. Les


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Antilles avaient t r o u v é utile p o u r elles de citer quelques lignes de moi où je disais q u e « pas u n fils des anciens « m a î t r e s ne v o u d r a i t r e v e n i r à l'esclavage. » J'ai rappelé « qu'elles avaient invoqué mon témoignage « q u a n d j e r e n d a i s j u s t i c e a u x créoles européens. » Rien de plus. Je ne suis pas d ' h u m e u r à é p r o u v e r la moindre tentation de me j e t e r à l e u r cou a u m o m e n t où ils m e laissent injurier p a r un j o u r n a l qui se proclame l e u r o r g a n e . Du r e s t e , l'aversion q u e m e p o r t e n t les i n s p i r a t e u r s des Antilles, a t o u r n é à l'état de m o n o m a n i e ; ils me voient en F r a n c e et à la Martinique faisant à moi t o u t seul t o u t le m a l dont ils p r é t e n d e n t l e u r p a r t i accablé. Notons en, p a r curiosité, quelques exemples : 1° « On croirait l'organisation donnée a u x colonies « sortie des cabanons de C h a r e n t o n , si l'on n e savait pas « que M. S c h œ l c h e r en est l'inspirateur. » (Les Antilles, 14 septembre). 2° « Nous n'aimons pas la République parce qu'en 1848 « e t 1870, elle nous a livrés en proie à M. S h œ l c h e r . » 3° « Les é m e u t e s , l'assassinat, les violations de la « propriété se font a u x cris de v i v e S c h œ l c h e r . . . haine « a u x blancs, l e u r effacement, l e u r disparition, voici le « p r o g r a m m e et c'est M. S c h œ l c h e r qui l'a dicté. » (22 octobre). 4° « M. S c h œ l c h e r est le grand m a î t r e de la substituiton. » (26 octobre). 5° « L e n o m de M. S c h œ l c h e r est pris « d'étiquette a u m e u r t r e , au pillage et à « Les r é v o l t é s qui vocifèrent vive Schœlcher « j a m a i s d'ajouter : mort aux b l a n e s . Si « d e u x cris sont d e v e n u s en q u e l q u e sorte (9 n o v e m b r e ) .

pour servir l'incendie... ne m a n q u e n t bien que les synonimes. »

6° « M. S c h œ l c h e r a prononcé quelque p a r t en naissant « un s e r m e n t d'Annibal contre la Martinique, et à l'aide « des influence qu'il s'est crées dans les ministères, il fait « p e s e r s u r n o u s le j o u g le plus d u r et le plus hypocrite


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« a u q u e l u n e population ait j a m a i s été soumise. » (23 novembre). 7° « N o u s avons assisté à l'absorption presque radicale « de nos c o u r s et t r i b u n a u x e t de n o t r e a d m i n i s t r a t i o n « supérieure p a r les h o m m e s de couleur q u e M. Schœl« c h e r , le pire ennemi des colonies, a désignés aux « choix des ministres. » (3 décembre). L e s i n v e n t e u r s de ces belles choses ont le c e r v e a u bien malade et le c œ u r bien m a u v a i s . Il v i e n n e n t encore t o u t r é c e m m e n t de d é c o u v r i r à la M a r t i n i q u e u n n o u v e a u p a r t i q u i ne t e n d rien moins q u ' à la r e n d r e indépendante, à la s é p a r e r de la F r a n c e et dans lequel j e suis e n t r é depuis longtemps 1 Le j o u r n a l Les Colonies r a c o n t e spirituellement la création de ce parti t r o p peu p a t r i o t i q u e qu'ils appellent « la bande des séparatistes. » « Dans son numéro du 10 novembre, les Antilles publient une lettre d'un M. Maréchal où il est parlé de « mulâtres séparatistes » au S é n é g a l . . . Mais à la Martinique il y a des mulâtres, pourquoi ne seraient-ils pas eux aussi séparatistes, pourquoi ne le dirait-on pas, dans tous les cas? — E t vite ils se jettent sur cette infamie, ils s'en emparent, ils se l'approprient, Ils la lancent. « Le Directeur do l'intérieur appartient corps et âme à la bande séparatiste. » (1G novembre). — Le parti naît. Dans le numéro suivant (19 novembre) : « M. Allègre fait les « affaires de la bande et M. Schœlcher est un vieux séparatiste. » — Le parti grandit. Dans le numéro du 23, « le j o u r n a l les Colonies est une feuille séparatiste. » — Le parti a un organe, il se fortifie. Enfin, trois jours après, le 26 novembre, les séparatistes ont fait tant de progrès qu'on est obligé de leur consacrer un article. Quatre numéros des Antilles, et le parti est définitivement constitué. M. Schœlcher en est le chef suprême, M. Hurard sert sous ess ordres avec M. Clavius Marius pour second. »

Décidément Messieurs des Antilles ont p e r d u la raison, m a i s on ne p e u t p a s dire que leur folie soit une douce folie.


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III. — 16

octobre.

M. Allègre manque de dignité et veut faire du bruit. — Massacre prochain placardé sur les murs de St-Pierre, ou se prépare une nouvelle St-Barthélemy ? — Excitation à la division entre les deux classes de couleur. — L e s blancs qui fréquentent la société de couleur ltvrés au mépris de leur classe. — Substitution — L e s blancs occupent encore en grande majorité les fonctions rétribuées. — Puissent-ils rentrer dans la vie publique. — Liste nominative des h o m m e s de couleur et des blancs dans le service judiciaire.

Les incorrigibles d o n t n o u s a v o n s r a c o n t é les h a u t s faits (n° d u Rappel d u 29 septembre) c o n t i n u e n t l e u r malfaisante c a m p a g n e . Bien qu'ils soient les défenseurs é m é r i t e s de l ' a u t o r i t é , q u a n d elle ne se r e n d p a s à e u x , ils ne la m é n a g e n t pas p l u s que « l a vile m u l t i t u d e ». M a i n t e n a n t c'est le t o u r de M. A l l è g r e , le nouv e a u g o u v e r n e u r de la M a r t i n i q u e . M. Allègre, a u m o m e n t de la période é l e c t o r a l e , a fait insérer a u Moniteur de la colonie u n e c i r c u l a i r e a u x chefs de l ' a d m i n i s t r a t i o n , d a n s laquelle il e x p r i m e , en t e r m e s aussi simples qu'élevés, le désir q u e « l ' a d m i n i s « t r a t i o n g a r d e à tous les degrés de la h i é r a r c h i e la neu« t r a l i t é la p l u s absolue. » R i e n , a s s u r é m e n t , qui p u i s s e m i e u x m o n t r e r le h a u t s e n t i m e n t de ses d e v o i r s q u e doit a v o i r u n chef c h a r g é de v e i l l e r à la m o r a l i t é p u b l i q u e ; rien de plus conforme à l'honnêteté q u i doit p r é s i d e r à t o u t sous la R é p u b l i q u e . Les incorrigibles ne sont p a s p o u r a p p r o u v e r cette m a n i è r e de g o u v e r n e r ; ils disent : « Les i n s t r u c t i o n s d u g e n r e de cette c i r c u l a i r e se d o n n a i e n t autrefois au sein d u conseil d ' a d m i n i s t r a t i o n , sans publicité bruyante ou intéressée, et le d i r e c t e u r de l ' i n t é r i e u r , q u i fait ici les fonctions de préfet, é t a i t c h a r g é de les p o r t e r à la connaissance des électeurs et fonctionnaires. Cette p r o c é d u r e p l u s simple, plus digne, é t a i t la b o n n e . » (Les Antilles, 7 septembre). Ainsi, M. Allègre a m a n q u é « de d i g n i t é », il a v o u l u 2


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« faire du b r u i t », et les « h o n n ê t e s gens » p o u s s e n t l a p e r v e r s i t é j usqu'à lui i m p u t e r des v u e s « intéressées ». P o u r q u o i ? P a r c e qu'il a publié, comme d u r e s t e l'ont fait en F r a n c e t o u s les m i n i s t r e s , les i n s t r u c t i o n s données a u x chefs de service p o u r faire r e s p e c t e r la liberté électorale ! Tel est, d u p r e m i e r coup, la m a n i è r e de ces délicats de d i s c u t e r a v e c le r e p r é s e n t a n t de l a F r a n c e . N o u s serions fort s u r p r i s s'ils g a r d a i e n t l'oreille des colons de bonne c o m p a g n i e . L a raison de ces a m é n i t é s est q u e M. Allègre, « en d é c l a r a n t que les élections d o i « v e n t a v o i r lieu d a n s le c a l m e le plus complet, a, p a r « t a n t de là, établi d a n s sa c i r c u l a i r e q u e ce c a l m e e x i s t a i t ! » Ce q u i le r e n d , il est v r a i , encore plus coupable, c'est q u ' i l a osé dire : « Q u a n t a u calme, j e m ' e n r e m e t s « e n t i è r e m e n t à la sagesse de la population elle-même, « q u e j ' a i pu déjà apprécier. J'affirme qu'elle est bonne, « douce et h o n n ê t e ». E n t r e t e m p s , la malfaisante coterie n ' a b a n d o n n e pas son complot des d é m a g o g u e s p r ê t s à é g o r g e r la population européenne. « Ce m a t i n encore, dit-elle d a n s « les Antilles d u 7 septembre, des listes de proscrip« tion, des a j o u r n e m e n t s p a r p l a c a r d s à u n m a s s a c r e « p r o c h a i n , ont été a r r a c h é s des a r b r e s de nos p r o m e « n a d e s et des m u r s de nos r u e s les plus fréquentées. » Ce n ' e s t toujours q u ' à S a i n t - P i e r r e , il f a u t le r e m a r q u e r , que ces m o n s t r e s de d é m a g o g u e s organisent des v ê p r e s siciliennes. N o u s les e n g a g e o n s , afin q u e cela paraisse moins e x t r a o r d i n a i r e , à ne pas négliger les a r b r e s e t les r u e s de F o r t - d e - F r a n c e . Ils ont l'air de croire qu'il y a q u ' à S t - P i e r r e ou se t r o u v e n t des blancs à e x t e r m i n e r ; m a l a d r e s s e à r é p a r e r . Ces p l a c a r d s de scélérats assez bêtes p o u r p r e n d r e soin de publier l e u r s projets de m a s sacre p r o c h a i n , c e u x qui les o n t a r r a c h é s les ont-ils portés à l a police, ne fût-ce q u e p o u r l a m e t t r e à m ê m e de c h e r c h e r de quelle main ils p e u v e n t a v o i r été écrits? On n e le dit p a s ; les a g i t a t e u r s n ' y r e g a r d e n t pas de si près ; l e u r affaire est d'inquiéter les esprits qui ont la crédulité facile.


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P u i s ils s'écrient d'un air t r a g i q u e : « Si la F r a n c e dev a i t persister d a n s la voie où elle nous a a b a n d o n n é s , si elle ne devait p a s d é c l a r e r r é s o l u m e n t qu'elle e n t e n d p r o t é g e r ses enfants, d a n s les veines desquels coule le m ô m e s a n g q u e celui de 40 millions de F r a n ç a i s d ' E u r o p e , il ne nous r e s t e r a i t plus q u ' à q u i t t e r a v e c nos familles ce sol qui ne nous offre plus ni a v e n i r ni sécurité, afin d'aller c h e r c h e r s u r la t e r r e é t r a n g è r e la protection q u e nous ne t r o u v e r o n s bientôt plus sous le d r a p e a u français. » (N° du 20 août.) L e s g r a n d s messieurs des Antilles, p l u t ô t q u e de se l i v r e r à ces p r é t e n t i e u x cris de détresse et de s'en t e n i r toujours à faire des p h r a s e s , feraient m i e u x de préciser enfin quelque chose, d ' e x p l i q u e r c l a i r e m e n t à la F r a n c e quel est l'ennemi contre lequel elle doit « p r o t é g e r ses enfants de s a n g européen ». Cet ennemi ne v i e n t c e r t a i n e m e n t p a s d u d e h o r s , ce ne p e u t donc ê t r e q u e des F r a n ç a i s « de s a n g africain » qu'ils e n t e n d e n t p a r l e r . Si nous n e n o u s m é p r e n o n s p a s , qu'ils le disent. P l u s d'équivoque. L e u r s perpétuels c r i s d ' a l a r m e sont u n e insulte p e r m a n e n t e p o u r la population e n t i è r e . Est-ce « le j o u r n a l des scélérats » à l u i t o u t seul, ou bien sont-ce les M a r t i n i q u a i s n è g r e s et m u l â t r e s , ensemble ou sép a r é m e n t ; sont-ce c e u x de la ville de S a i u t - P i e r r e ou c e u x de l'île entière qui p r é p a r e n t u n e nouvelle S a i n t B a r t h é l e m y ? Il i m p o r t e a u s a l u t public qu'on le sache. Où, q u a n d , d a n s quelle c i r c o n s t a n c e ont-ils laissé p e r c e r l e u r s desseins ? Quels de l e u r s actes p r é c u r s e u r s a-t-on à s i g n a l e r ? Il faut m e t t r e des faits à l a place de v a i n e s d é c l a m a t i o n s , d'assertions h a i n e u s e s , toujours sans l'omb r e d ' u n e p r e u v e . Qu'on n'aille pas c i t e r le sac de l a maison du b r u t a l a m i des Antilles, cause p r e m i è r e de t o u s les désordres ; ce s e r a i t déloyal. T o u t le m o n d e sait q u e cet a t t e n t a t est d û à u n m o u v e m e n t p o p u l a i r e subit, n'est i m p u t a b l e q u ' a u x 100 ou 200 personnes qui l'ont c o m m i s et q u e le gros du peuple de la ville y est r e s t é t o u t à fait é t r a n g e r . Les a u t o r i t é s locales en ont t é m o i g n é . C'est p o u r cela q u e , m a l g r é les c l a m e u r s des faux


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a l a r m é s , M. M o r a u , alors chef responsable, M. Moran, créole blanc, connaissant bien les h o m m e s et les choses, a refusé l'état de siège ; c'est p o u r cela encore q u e M. Allègre, le n o u v e a u g o u v e r n e u r , responsable aussi d e v a n t la F r a n c e , a dit do la p a r t i e de la population qu'on i n c r i m i n e : « J'affirme qu'elle est bonne douce et h o n n ê t e ». N o u s venons de poser des questions nettes a u x r é d a c t e u r s actuels des Antilles, ils y r é p o n d r o n t n e t t e m e n t , sans a m b a g e s , s'ils ne v e u l e n t point passer p o u r j o u e r la misérable comédie de la p e u r ; ils r e n o n c e r o n t à croire qu'il l e u r suffise d'écrire : « des listes de proscription sont placardées s u r les a r b r e s dos p r o m e n a d e s de SaintP i e r r e », p o u r q u e la F r a n c e s'inquiète beaucoup de l e u r terrible m e n a c e « d'aller c h e r c h e r protection s u r la t e r r e étrangère » ! Ce n'est pas assez p o u r e u x do souffler la discorde e n t r e les Martiniquais de diverses origines, ils s'attachent de m ê m e à j e t e r la désunion e n t r e les d e u x classes de couleur. M. F r a n ç o i s B e r n a r d , n è g r e , est n o m m é m a i r e de S a i n t - P i e r r e , m a i s on ne le croit pas très bon républic a i n ; ce n'est point impossible, les noirs ne sont pas plus infaillibles q u e n o u s ; ainsi que les rois, Ils sont ce que nous sommes Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.

Les Colonies, j o u r n a l des républicains, c r i t i q u e n t cette n o m i n a t i o n . C'est u n e affaire t o u t e politique, les Antilles s'en e m p a r e n t p o u r l ' i n t e r p r é t e r m é c h a m m e n t . « M. F . B e r n a r d , disent-elles, a p p a r t e n a n t à la p a r t i e la « plus n o m b r e u s e de la population, sa n o m i n a t i o n , sous « le r é g i m e d u n o m b r e souverain, a u r a i t d û ê t r e accueil« lie avec faveur. Mais les m e n e u r s q u i m o n t e n t s u r les « épaules des noirs p o u r a r r i v e r à l e u r s fins, professent « p o u r les n è g r e s u n e mince estime, ils se sont c r u s d é s « honorés p a r la nomination d'un h o m m e noir à la mairie, « t a n d i s qu'il y a v a i t t a n t de m u l â t r e s d a n s le conseil « q u i a u r a i e n t p u r e m p l i r l'emploi. » Vains efforts de


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perfidie, les d e u x classes de couleur sont p l u s unies que jamais. M. H u r a r d , celui des « m e n e u r s » q u e le pieux j o u r n a l c h a r g e de tous les péchés d ' I s r a ë l , vient d'être élu député p a r le « n o m b r e s o u v e r a i n ». L a p o p u l a r i t é d o n t il j o u i t d e v r a i t a v e r t i r les a r t i s a n s de d é s o r d r e q u e de ce coté ils p e r d e n t l e u r t e m p s . Mais ce qui accuse encore d a v a n t a g e l'àcreté m a l a d i v e de l e u r s sentiments à l'endroit des h o m m e s q u e la n a t u r e , la raison, l a République, la loi e t le s e n s - c o m m u n ont faits l e u r s é g a u x , c'est qu'ils ne p a r d o n n e n t p a s à q u i conque de l e u r classe fréquente l a société de couleur ; celui-là, ils lui t o u r n e n t le dos, le m e t t e n t en q u a r a n taine comme u n r e n é g a t , ils le dénoncent c h a q u e j o u r a u vieil orgueil de sa p r o p r e famille et des anciens p r i v i l é giés. L e 20 août, ils disaient à l e u r s a d v e r s a i r e s : « L e « préjugé existe p a r m i nous, il serait insensé de le n i e r . « Mais se sent-on disposé à se r a p p r o c h e r de c e u x qui « vous h a ï s s e n t ? N o u s supposez-vous donc sans c œ u r , « p o u r nous r e p r o c h e r n o t r e r é s e r v e ? N'êtes-vous p a s les « p r e m i e r s à mépriser le petit n o m b r e de ceux d ' e n t r e « nous qui v o n t à v o u s p a r des motifs d'intérêt ou de « c r a i n t e q u e v o u s savez p a r f a i t e m e n t démêler à t r a v e r s « l e u r obséquieuse soumission? Quoi q u e v o u s puissiez « dire, v o u s pouvez refuser votive s y m p a t h i e , m a i s non « v o t r e estime à c e u x qui se t i e n n e n t d a n s l e u r dignité ». ( L e s Antilles, 20 août.) (1). L e 24, le m ê m e o r g a n e de gens qui p r é t e n d e n t posséder u n d e g r é s u p é r i e u r de civilisation r e v e n a i t s u r ce beau t h è m e : « Le p r o g r a m m e des d é m a g o g u e s est bien c l a i r : « seront accueillis avec u n e faveur a p p a r e n t e , m a i s avec « u n e déconsidération réelle, tous les h o m m e s de s a n g « européen q u i v i e n d r o n t g r o s s i r l e u r s r a n g s , p a n a c h e r « l e u r s assemblées et c o n s a c r e r p a r l e u r présence, sinon « p a r l e u r vote, toutes les m e s u r e s d é s o r g a n i s a t r i c e s (1). « C'est la p e u r qui a jeté MM. Dupuy et Chenaux dans vos b r a s ! » (Les Antilles, 26 octobre).


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« qu'il p l a i r a a u x n o v a t e u r s de p r e n d r e p o u r l'assouvis« s è m e n t de l e u r s liassions. » « Motif d'intérêt ou de p e u r , » — obséquieuse soumission », — « déconsidération réelle », — « oubli de sa « dignité », — « m é p r i s » : voilà les insultes q u ' a d r e s s e n t c h a q u e j o u r les incorrigibles à t o u t blanc qui secoue l e u r préjugé antisocial, p e r p é t u e l i n s t r u m e n t d ' a n t a g o n i s m e . N o u s le d e m a n d o n s à la F r a n c e , j u g e i m p a r t i a l du c a m p : c e u x qui t r a i t e n t ainsi le créole d'origine européenne qui met sa m a i n d a n s la m a i n d'un créole d'origine africaine, veulent-ils la conciliation, le r a p p r o c h e m e n t des d e u x classes q u i sont, quoi qu'on fasse, indissolublement liées l'une à l ' a u t r e , et ne p o u r r a i e n t e x i s t e r s u r le sol qu'elles h a b i t e n t l'une sans l'autre ? Mais, en m ê m e t e m p s qu'ils o u t r a g e n t d'une m a n i è r e aussi sensible les blancs qui e n t r e n t a u conseil général, ils se p l a i g n e n t p i t e u s e m e n t q u e « les i n d i v i d u s de s a n g « européen ne f i g u r e n t plus d a n s les assemblées où se « v o t e l'impôt et se d i s t r i b u e le b u d g e t On a s y s t é « m a t i q u e m e n t exclu de la discussion des i n t é r ê t s m a « t é r i e l s les p l u s r i c h e s , les plus c o m p é t e n t s , les plus « g r a n d s p r o p r i é t a i r e s , les p l u s g r a n d s i n d u s t r i e l s , « u n i q u e m e n t p a r c e qu'ils ne sont pas suffisamment « r é p u b l i c a i n s . On a frappé d ' o s t r a c i s m e les hommes « d ' o r d r e et do p r i n c i p e ». (N° d u 13 a o û t ) . « Les s i t u a « tions qu'ils occupaient l e u r sont successivement enle« vées et avec la complicité du gouvernement s'opère « la s u b s t i t u t i o n d ' u n e r a c e à l ' a u t r e . » (N° du 20 août.) D'abord il y a sous ces l a m e n t a t i o n s u n e prétention singulière. P a r c e qu'on est « g r a n d p r o p r i é t a i r e », « g r a n d i n d u s t r i e l », ce n'est p a s u n t i t r e suffisant p o u r ê t r e n o m m é d'emblée conseiller g é n é r a l . Dans tous les p a y s p a r l e m e n t a i r e s , les p l u s r i c h e s , q u a n d ils sont h o s t i l e s a u g o u v e r n e m e n t , n e s'étonnent p a s q u e les électeurs a m i s d u g o u v e r n e m e n t ne les choisissent p a s p o u r les r e p r é s e n t e r . E n s u i t e , il e s t a b s o l u m e n t cont r a i r e à l a bonne foi d'écrire q u e les citoyens a u n o m


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desquels p a r l e n t les p l e u r a r d s des Antilles, et qui, e u x , se r e s p e c t e n t assez p o u r ne pas se p l a i n d r e , a i e n t été « s y s t é m a t i q u e m e n t e x c l u s de la discussion des i n t é r ê t s m a t é r i e l s ». Ce q u i est v r a i , c'est q u ' i l s se sont r e t i r é s e u x m ê m e s des affaires, ils sont, p o u r r a i t - o n d i r e , des é m i g r é s à l ' i n t é r i e u r . N o u s défions les Antilles d'en c i t e r u n , u n seul, qui se soit présenté a u x électeurs et qu'ils aient repoussé. Cela dit, d u r e s t e , en r é s e r v a n t le d r o i t qu'ils a u r a i e n t eu de refuser ses services s'ils l'avaient j u g é p e u p r o p r e à l e u r en r e n d r e de l e u r g o û t . Au c o m m e n c e m e n t , ils e u r e n t la g é n é r o s i t é et le bon sens d'en n o m m e r p l u s i e u r s d o n t l'honorable passé l e u r i n s p i r a i t confiance sans a t t e n d r e q u ' i l s se p o r t a s s e n t c a n d i d a t s . Qu'est-il a r r i v é ? P e r s o n n e ne le n i e r a , ils o n t dédaigneusement donné leur démission ! Ce fut, sans d o u t e , p o u r ne point « panacher par leur présence les a s s e m blées locales, p o u r s o u t e n i r leur dignité. » Soit, c h a c u n e n t e n d la d i g n i t é à sa m a n i è r e . Mais ce qui rend les gémissements des Antilles e n c o r e plus pitoyables, c'est qu'en r é a l i t é « les i n d i v i d u s de s a n g européen » occup e n t en m a j o r i t é les fonctions r é t r i b u é e s . Sauf u n seul, (et cela depuis u n m o i s s e u l e m e n t ) , tous les chefs de service sont « de ces individus-là », q u o i q u ' i l s ne p r o fessent p a s p o u r la R é p u b l i q u e un a m o u r e x a g é r é . S a n s p a r l e r des chefs de service, s u r 1 9 j u g e s de paix et greffiers de j u g e s de p a i x , 1 5 sont aussi de ces « p a r i a s » et s u r 9 c o m m i s s a r i a t s de police 6 sont d a n s l e u r s mains. Q u a n d les J é r ê m i e des Antilles ne d i s e n t p a s q u e les blancs v o n t ê t r e m a s s a c r é s , ils r é p è t e n t qu'ils sont éliminés, frappés d ' o s t r a c i s m e , et q u ' a v e c « la compli« cité d u g o u v e r n e m e n t et de M. Schœlcher, le g r a n d « m a î t r e de la s u b s t i t u t i o n s'opère la s u b s t i t u t i o n d'une « classe à l ' a u t r e ». (les Antilles, 26 o c t o b r e ) . L a v é r i t é , s u r ce point, la v o i c i : S u r 2 2 1 fonctionnaires r é t r i b u é s à la M a r t i n i q u e , il y a 1 4 8 blancs (en m a j o r i t é créoles) et 7 3 h o m m e s de couleur, cela d a n s u n p a y s où, il ne faut pas l'oublier, les p r e m i e r s ne


— 24 — c o m p t e n t q u e p o u r u n d i x i è m e de la population ! Ces chiffres défient toute contestation, les vérifiera q u i v o u d r a d a n s l ' A n n u a i r e de la Martinique p o u r 1881. A n o t r e avis, n o u s n e le cachons n u l l e m e n t , cela n ' e s t pas é q u i table ; m a i s quelque soit n o t r e a v i s , il f a u d r a i t , on d o i t l'avouer, q u e ces p a u v r e s v i c t i m e s de la s u b t i t u t i o n fussent bien avides p o u r ne pas se contenter de l e u r p a r t a g e . Le privilège, d o n t ils ont j o u i t r o p l o n g t e m p s , d ' ê t r e es seuls d é t e n t e u r s des fonctions publiques, les a gâtés a u point d'être p e r s u a d é s q u e toute place donnée à u n n è g r e ou à u n s a n g mêlé est u n vol qu'on l e u r fait. N o u s formons a r d e m m e n t le v œ u q u e les créoles d'origine e u r o p é e n n e d i s c e r n e n t enfin où sont l e u r s véritables ennemis. L e p r é j u g é de couleur est en s o m m e la cause, l ' u n i q u e cause de t o u t le m a l . Qu'ils aient le c o u r a g e m o r a l de m é p r i s e r les o u t r a g e s si follement, si d a n g e r e u s e m e n t p r o d i g u é s p a r les incorrigibles à ceux q u i le b r a v e n t , e t l ' h a r m o n i e est a u s s i t ô t r é t a b l i e a u plus g r a n d a v a n t a g e de l a c o m m u n a u t é e n t i è r e . On les t r o m p e n t lorsqu'on s'efforce de l e u r p e r s u a d e r qu'ils sont sacrifiés; c'est f a i r e , d ' a i l l e u r s , u n e odieuse injure à l ' a d m i n i s t r a t i o n c e n t r a l e de p r é t e n d r e qu'elle s'y p r ê t e r a i t . Ils o n t déjà u n e l a r g e p a r t , selon n o u s , t r o p l a r g e , des fonctions r é t r i b u é e s ; qu'ils b r i g u e n t les suffrages de l e u r s concitoyens, et nulle d o u t e , s'ils font profession de r é p u b l i c a n i s m e — car, a p r è s tout, il faut bien conven i r q u e n o u s s o m m e s en R é p u b l i q u e — n u l d o u t e q u ' i l s n'obtiennent l e u r p a r t des fonctions électives. J e p u i s répéter, a u j o u r d ' h u i , ce que, t o u t « en e x c i t a n t la divi« sion, » j ' é c r i v a i s , il y a six ans, dans l'Opinion Nationale du 7 s e p t e m b r e 1875 : « Qu'ils r e n t r e n t dans la vie « p u b l i q u e , l e u r s a d v e r s a i r e s seront h e u r e u x de les y « voir p o u r t r a v a i l l e r ensemble au bien général. » Les gens qui crient à la substitution calomnient sciemm e n t les créoles d'origine africaine ; ceux-ci s a v e n t t r è s bien qu'il y a place p o u r t o u t le monde d a n s l e u r p a y s ; ils ne veulent p r e n d r e celle de personne, ils no v e u l e n t que la l e u r ; ils t r a v a i l l e n t , ils s'enrichissent p a r l'épargne,


— 25 — et p o u r que leur t r a v a i l fructifie, ils ne d e m a n d e n t que la p a i x , la concorde, la fusion pontiquc et sociale, laissant volontiers a u t e m p s d'opérer la fusion familiale. A ce q u e n o u s disions d a n s cet a r t i c l e , n o u s a v o n s m a i n t e n a n t p l u s i e u r s choses à ajouter. Les Antilles du 26 octobre o n t a v o u é que « D e p u i s que la loi de 1849 a « été appliquée a u x colonies, j a m a i s les blancs de l a « M a r t i n i q u e ne s'étaient mêlés a u x opérations électo« r a i e s . » J u g e z a p r è s cela de la s i n c é r i t é d e ce j o u r n a l affirmant d'une m a n i è r e i t é r a t i v e « qu'ils sont exclus « systématiquement de la discussion des i n t é r ê t s m a t é « riels et des assemblées où se v o t e l'impôt, où se d i s « t r i b u e le b u d g e t ! » Mais il s'est avisé t o u t à coup de p r e n d r e p a r t à la d e r nière l u t t e électorale ; il a présenté u n e liste de candidats au conseil municipal do S t - P i e r r e , formée d ' h o m m e s p r i s dans les trois classes, et il s'indigne qu'elle ait été r e poussée. Quoi cependant de plus n a t u r e l ? Que p a r m i les n è g r e s et les m u l â t r e s il en ait pu t r o u v e r q u e l q u e s u n s diposés à accepter son p a t r o n n a g e ; ce n'est pas i m p o s sible, et nous respectons l e u r opinion ; mais il est évident q u e t o u t candidat, se dit-il ou se crut-il m ê m e républicain, qui se r a n g e sous la b a n n i è r e d'une feuillo archi-réactionnaire, est nécessairement réactionnaire. Les Antilles prêchent o u v e r t e m e n t contre l'assimilation, la r e p r é s e n tation directe, le suffrage universel, l'égalité politique et la R é p u b l i q u e . Le r e n v e r s e m e n t d u r é g i m e actuel, est dans ce qu'on p e u t appeler l e u r p r o g r a m m e ; il est donc t o u t simple q u e les comités électoraux qui veulent le maintien du régime actuel, ne veuillent d'aucun candidat a d h é r a n t à ce p r o g r a m m e , quelle que soit la couleur de son é p i d e m i e , Toujours, sans s c r u p u l e , les Antilles, n ' o n t pas craint de r e v e n i r s u r l e u r assertion de la substitution : « Nous « avons assisté à l'absorption presque radicale de nos « tribunaux et cours de justice et de notre adminis« tration supérieure par les hommes de couleur que


— 26 —

« M. Schœlcher, le pire ennemi des colonies, a désignes « au choix des ministres. » (Les Antilles, 3 décembre). Les colonies ont v o u l u en finir avec cette audacieuse contre v é r i t é si effrontément r é p é t é e , elles y ont opposé le tableau s u i v a n t d u service judiciaire q u e n o u s croyons u t i l e de m e t t r e sous les y e u x d u l e c t e u r : PARQUET

Proc. général. 1 Substitut.. 2 . Substitut.. G. du parquet. e r

e

GÉNÉRAL

Baron S e r v a t i u s Fourn. L'Etang Liontel Guèze

blanc blanc h, de blanc

européen. créole. couleur. créole.

COUR D'APPEL

Président

D u c h a s s a i n g . . . blanc créole.

Conseillers..

Cr. auditeur.. Greffier

Marhneau . . . . Glandut Diavet Penavayre.... Pons Ferron Lacourné h. Herlé Garnier

blanc blanc blanc blanc blanc blanc de blanc blanc

créole. créole. créole. européen. européen. européen. couleur. créole. créole.

TRIBUNAL DE PORT-DE-FRANCE

Président Juge d'instr.. Juges .

Dupont Trillard Bougenot

blanc europée blanc créole. blanc créole.

Laroche

blanc créole.

Greffier

De F . S t - T o u r s . b l a n c créole. PARQUET

Procureur

...

Substitut

Recoing

blanc européen

Bernière

h . de couleur.

TRIBUNAL

D E SAINT -PiERRE

Président....

Thaly

h. de couleur.

Juge d'instr..

Baudin

blanc créole.


— 27 — Juges . . . Greffier

Unal Peux Garcin

b l a n c européen. h. de couleur. b l a n c créole.

PARQUET

Procureur . . . Moreau 1er Substitut.. De M o r a t i 2° Substitut.. Calixte JUSTICES

blanc européen. blanc européen. h . de couleur.

D E PAIX

F .-de-France. P i c h e v i n St-Hsprit.... St-Allary Diamant Gardié Marin Gres-Dubois . . . Trinité Desvouves Basse-Pointe. Ripéry St-Pierre (M) L a s s e r r e St-Picrre (F). L a g a r d e Lamentin.... Raymond

blanc blanc blanc blanc blanc blanc blanc h. de h . de

créole. créole. créole. créole. créole. créole, européen. couleur. couleur,

R i e n n e p e u t d é t r u i r e la puissance d'évidence de ce t a b l e a u , on y voit 3 0 blancs et 8 h o m m e s de couleur ! Qu'en c o n c l u r e ? De d e u x choses l'une : ou le préjugé a tellement obscurci la r a i s o n des r é d a c t e u r s des Antilles que, si e x p e r t s qu'ils soient, p r é c i s é m e n t en m a t i è r e de nuance d ' é p i d e r m e , ils ne p e u v e n t p a s toujours d i s t i n g u e r le blanc d u noir, ou ils disent ce qu'ils s a v e n t n ' ê t r e pas la v é r i t é lorsqu'ils d é c l a r e n t « a v o i r assisté à l'absorption p r e s q u e r a d i c a l e « des cours et t r i b u n a u x « p a r les h o m m e s de couleur. » P r i s en flagrant délit d'assertion c o n t r o u v é e , le peu s c r u p u l e u x j o u r n a l s'est t i r é d ' e m b a r r a s . Avec une d e s i n v o l t u r e fabuleuse : « Q u a n t a u x emplois a d m i « nistratifs, n o u s r e c o n n a i s s o n s volontiers, dit-il, qu'ils « sont encore en m a j e u r e p a r t i e e n t r e les m a i n s de « la classe blanche, m a i s on ne saurait douter que « c'est là u n é t a t de choses q u i se modifie r a p i d e m e n t « et q u i est appelé à disparaître bientôt ! » Si elles n ' o u blient pas cet a v e u , les Antilles en s o n t r é d u i t e s à j o u e r désormais de la substitution « à bref délai. »


— 28 —

IV. — 29

octobre.

Polémique honnête et modérée. — Toutes les autorités liguées contre la classe blanche. — Malédiction à la chambre des députés. — La population noire reconnue douce et bonne. — L e s hordes sauvages criant mort aux blancs sont composées de l'élite de la population de couleur.

A e n t e n d r e les h o m m e s a t t a r d é s qui a g i t e n t la ville d e S a i n t - P i e r r e , la classe blanche y c o u r t c h a q u e j o u r péril de m o r t , l a F r a n c e l'abandonne à des e n n e m i s implacables. E t q u i n'incriminent-ils pas? Ce fut d'abord le g o u v e r n e u r e t le p r o c u r e u r g é n é r a l , coupables de n ' a v o i r p a s v o u l u m e t t r e l a v i l l e de SaintP i e r r e en é t a t de siège. « M . le g o u v e r n e u r p a r i n t é r i m « M o r a u et M. le p r o c u r e u r g é n é r a l F o u r n i e r - L é t a n g « ont-ils efficacement s e r v i la cause de M. H u r a r d en « s ' a n n i h i l a n t ' d e v a n t lui? Ces p r o t e c t e u r s d ' a u j o u r d ' h u i , « d a n s l'espoir d ' ê t r e les p r o t é g é s de demain, ont-ils « a t t e i n t l e u r b u t ? » (Les Antilles, 24 septembre.) (1) L e m i s é r a b l e soupçon e x p r i m é ici est p l u s inqualifiable encore q u a n d on sait q u e M. Morau et M, F o u r n i e r - L é t a n g sont l'un et l ' a u t r e de ces « créoles de s a n g européen » q u e M. H u r a r d v e u t faire égorger, p a r f a i t e m e n t connus de p l u s p o u r n ' a v o i r j a m a i s « p a n a c h é d e l e u r p r é s e n c e » a u c u n e société de couleur. Que p e n s e r de la générosité d e c œ u r et d'esprit de gens p e r s u a d é s qu'on ne p e u t ê t r e d'opinion contraire à la l e u r sans ê t r e m û p a r quelque passion s o r d i d e . L e u r fièvre c é r é b r a l e e m p i r e c h a q u e j o u r ; ils en sont a r r i v é s à dire : « N o u s s a v o n s q u e M. Allègre n'est « v e n u à la M a r t i n i q u e que p o u r faire ses petites affai« r e s ! » (Les Antilles 23 n o v e m b r e ) Après M. M o r a u , M. F o u r n i e r - L é t a n g et M. Allègre, le g o u v e r n e m e n t t o u t entier : « C'est avec la complicité du gouvernement (1) Hélas 1 M. Fournier-Létang n'a pas continué à mériter les insultes des Antilles.


— 29 —

« q u e s'accomplit la substitution d'une r a c e à l ' a u t r e . (Les Antilles, 20 août) (1). T o u t le m o n d e (2) s'est ainsi v o l o n t a i r e m e n t coalisé c o n t r e « l a population de s a n g européen I » L a C h a m b r e des d é p u t é s elle-même souscrit à cette ligue de la b a r b a r i e , où, bien entendu, ses m e m bres, y compris t o u t p a r t i c u l i è r e m e n t les c o n s e r v a t e u r s , o n t c r u t r o u v e r quelque profit personnel I R i e n de plus certain ; voici t e x t u e l l e m e n t l'acte d'accusation dressé contre elle p a r les seuls gens honnêtes de la M a r t i nique : « L e g o u v e r n e m e n t vient de nous doter d ' u n n o u v e a u d é p u t é sans p r e n d r e en considération nos v é r i t a b l e s int é r ê t s ; il y a v a i t là u n e question de s t r a t é g i e p a r l e m e n t a i r e , et n o u s a v o n s été p r i s p o u r appoint... Quand c e t t e décision fut prise, le parti conservateur dominait dans le Parlement, aussi est-ce à lui qu'il faut en faire remonter la responsabilité. Alors, c o m m e a u j o u r d ' h u i , le principal souci de bien des r e p r é s e n t a n t s de la F r a n c e é t a i t de se c r é e r des situations l u c r a t i v e s ou honorifiques. Dans l e u r égoïsme, quelques-uns s'étaient figuré q u ' i l l e u r serait facile de se faire n o m m e r d é p u t é ou s é n a t e u r , celui-ci à l a R é u n i o n , celui-là d a n s l'Inde, d ' a u t r e s à la M a r t i n i q u e , à Cayenne. L e u r s calculs, h e u r e u s e m e n t , ont été déjoués; n u l d ' e n t r e e u x n ' a a t t e i n t l'objet de son ambition ; ils en ont été p o u r l a honte de l e u r défaite. Qu'ils c o n s e r v e n t d u moins le r e m o r d s de l e u r m a u v a i s e action aussi l o n g t e m p s q u e s u b s i s t e r o n t l e u r œ u v r e e t nos malédictions. » (Les Antilles, 6 août). « R e m o r d s », « m a u v a i s e action », « malédictions », (1) Ce journal disait : « Comment, c'est au moment où les der« nières situations qu'occupait la race blanche dans le pays lui sont « enlevées, c'est lorsque semble s'accomplir avec la complicité du « gouvernement la substitution radicale d'une race à l'autre, etc. » E h bien 1 il m'accuse (numéro du 7 décembre) « d'avoir tronqué son « texte, d'en avoir dénaturé le sens », parce que dans m a citation j ' a i passé « lorsque semble ! » (2) « Le ministère Ferry, relativement modéré, a été pour nous un « gouvernement de désorganisation et de terreur. » (Les Antilles, 3 novembre).


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quelle e m p h a s e , quel p r é t e n t i e u x emploi de g r a n d s m o t s appliqués à la chose la plus simple d u m o n d e ! Qu'a donc fait l a C h a m b r e p o u r s ' a t t i r e r des malédictions é t e r n e l l e s ? Elle a v o t é u n second r e p r é s e n t a n t à t r o i s colonies q u i y a v a i e n t d r o i t p a r le n o m b r e de l e u r s h a b i t a n t s en v e r t u de la loi é l e c t o r a l e ! E t toujours les i n t é r ê t s m a t é r i e l s v i l e m e n t donnés c o m m e mobile à quoi que ce soit de ce qui c o n t r a r i e ces f u r i e u x ! Si des blancs font société a v e c la classe de coul e u r , c'est « p a r des motifs de p e u r » ! Si MM. M o r a u et F o u r n i e r - L é t a n g n ' o n t p a s v o u l u l i v r e r a u t r a n c h a n t de la loi m a r t i a l e une ville r e n t r é e d a n s un c a l m e p a r f a i t « c'est d a n s l'espoir d'être p r o t é g é s p a r M. H u r a r d », le r é d a c t e u r « d u j o u r n a l des scélérats » ! Si M. Allègre, le g o u v e r n e u r responsable, d é c l a r e q u e « la M a r t i n i q u e est t r a n q u i l l e , e t qu'il c o m p t e s u r la sagesse de la population », c'est « d a n s des v u e s intéressées »! Si quatre ou cinq cents d é p u t é s o n t donné un r e p r é s e n t a n t à trois colonies, c'est encore p a r c e que b e a u c o u p « se sont i m a g i n é p o u v o i r se faire n o m m e r » ! Il r e s t e à s a v o i r quel a v a n t a g e p a r t i c u l i e r à c h a c u n des m e m b r e s du g o u v e r n e m e n t a pu le d é t e r m i n e r à « se faire le complice de l a s u b s t i t u t i o n d'une r a c e à l ' a u t r e » ! J a m a i s g r o u p e d'hommes ne se m o n t r a a n i m é de s e n t i m e n t s moins élevés. P a u v r e m a l h e u r e u s e classe b l a n c h e ! J u s q u ' a u x conserv a t e u r s en g r a n d e majorité q u i la sacrifient! Tout l'univ e r s l'abandonne, s u r l a t e r r e elle n ' a plus qui s'intéresse à elle que trois ou q u a t r e j o u r n a u x , enfants p e r d u s du r o y a l i s m e e t d u b o n a p a r t i s m e , q u i la défendent en ces t e r m e s à propos de l ' é m e u t e d u 18 j u i l l e t : « 11 p a r a î t qu'il s'est t r o u v é un p r o c u r e u r de la R é p u b l i q u e assez c o u r a g e u x p o u r r e q u é r i r l a force a r m é e . I l s e r a s û r e m e n t d e s t i t u é . L e s u r p l u s des fonctionnaires responsables de l'ordre, sauf le m a i r e , u n noir, q u i s'est comporté en h o m m e de c œ u r , a fait tous les frais de platitude qu'on peut attendre légitimement des fonctionnaires de la République française »: (Cité p a r les Antilles elles-mêmes.)


— 31 — Ces

victimes

de l a p e r v e r s i t é u n i v e r s e l l e s o n t

pendant des modèles

de

« Peut-on nous reprocher

douceur de

et

ce-

de résignation :

nous être montrés a r r o -

g a n t s , d ' a v o i r m i s o b s t a c l e à l'élévation d e s

nouveaux

v e n u s ? A v o n s - n o u s c r i t i q u é a v e c a i g r e u r les f a u t e s q u e l e u r i n e x p é r i e n c e l e u r a f a i t c o m m e t t r e ? N o n . On a t o u t livré

à des é c e r v e l é s ,

des i g n o r a n t s , sans

que

nous

a y o n s j a m a i s f a i t e n t e n d r e u n m o t de p r o t e s t a t i o n . » (Los Antilles

13 a o û t ) . (1)

P o u r d o n n e r u n e idée de ce q u ' a j a m a i s p u ê t r e c e t t e t o u c h a n t e i n d u l g e n c e , e t p o u r l'édification de la F r a n c e , il f a u t m o n t r e r q u e l g e n r e de p o l é m i q u e ces p e r s o n n a g e s , q u i se d i s e n t les seuls g a r d i e n s des t r a d i t i o n s de l a c i v i lisation e u r o p é e n n e o n t i n t r o d u i t d a n s l a p r e s s e m a r t i n i q u a i s e . E n voici q u e l q u e s é c h a n t i l l o n s p r i s d a n s d e u x ou t r o i s n u m é r o s s e u l e m e n t des Antilles

(le e t 20 août.)

« L'heure où il vous sera demandé compte sonnera tôt ou t a r d ; gardez-vous d'en douter, et, à son retentissement vengeur, vos serez marqué du sceau des criminels, et vos complices du moment (ceci est p o u r M. M o r a u e t M. F o u r n i e r - L é t a n g ) , trembleront de s'être abaissés jusqu'à vous. — « M. H u r a r d et ses complices sentent déjà sur leurs épaules l a main de la justice. » — « Si nous n'avions constaté l'effet terrifiant que produisent sur vous les mots de gendarmes et de procureurs, si vos visages blêmes et cadavéreux ne nous faisaient pitié, nous vous répondrions : « Allez prendre des i n formations au parquet. » — Allez, farceurs sinistres, allez, comédiens (1) A la Guadeloupe, e les nouveaux venus » sont aussi en majorité à l'assemblée locale, mais M. Laugier, gouverneur actuel de cette colonie n'a pas trouvé chez eux les vices d'inexpérience, d'ignorance et d'incapacité que les Antilles signalent avec tant de grâce chez leurs congénères de la Martinique. En ouvrant le 22 novembre 1881 la session ordinaire du Conseil de la Guadeloupe il a dit : « MM. les « Conseillers généraux, l'étude de vos précédents travaux, à laquelle « j e m e suis livré dès mon arrivée dans la colonie m'a apporté des « preuves nombreuses de votre partiotisme, de votre dévouement « aux intérêts qui vous sont confiés, des tendances tout à lalois sages « et libérales qui dominent dans vos délibérations. » Ne parait-il pas singulier que la même classe de parvenus qui se montrent éclairés et sages à la Guadelonpe soient à la Martinique les brouillons ineptes que représentent les superbes seigneurs des Antillesl


— 32 — lugubres ; allez, sombres paillasses, allez débiter vos boniments à la foule idiote qui tête encore votre encre (ceci est p o u r les n è g r e s ) , se nourrit de votre bave et vous rend en adresses stupides vos tartines indigérées. Vos accusations seront accueillies par des gens qui sentent la Cour d'assises. » — « Hordes saturées de tafia. » — « Hordes sanguinaires. » — « Braves menteurs. » — « Journal des scélérats. » — « Feuille des criminels. » N ' y a-t-il p a s d a n s ce s t y l e u n raffinement q u i n e s a u r a i t a p p a r t e n i r q u ' à des p a s s é - m a i t r e s en c i v i l i s a t i o n ? I l est bon d e

n o t e r ici q u e l a classe de c o u l e u r ost

t o u t e n t i è r e c o m p r i s e d a n s ces p r é d i c a t i o n s d ' u n gile h o n n ê t e

évan-

e t m o d é r é ; « les h o r d e s s a n g u i n a i r e s sont

formées de son élite m ê m e » ; ainsi l'affirme e x p r e s s é m e n t le p i e u x j o u r n a l , à q u i sa religion défend de p r o n o n c e r une injure : « L e s b a n d e s q u i vociféraient

à pleines m â c h o i r e s :

« Allez, H u r a r d , allez à l ' a s s e m b l é e », en e n t r e m ê l a n t ce c h a n t i d i o t de cris de m o r t e t de m e n a c e s s a n g l a n t e s , étaient

composées

été recrutées tilles,

dans

d'hommes l'élite

bien élevés ; elles

de la population.

avaient

» (Les

An-

13 août.) (1)

N u l d o u t e q u e les colons bien é l e v é s ne r é p u d i e n t le d é v e r g o n d a g e d ' u n e t e l l e i n t e m p é r a n c e de g r o s s i è r e t é s , (1) Ici encore j ' a i tronqué un texte et j ' e n ai dénaturé le sens. Vous allez voir. Les Antilles avaient d i t : « Les bandes étaient composées, — qui « oserait soutenir le contraire, — d'hommes bien élevés, etc. » J'ai omis dans ma citation : « Qui oserait soutenir le contraire. » « Nouvel escamotage, s'écrie l'honnête journal, qui enlève à dessein « le caractere ironique de la question (!), caractère que tout l ' a r ci ticle respire de son titre à la fin. E h bien! amis lecteurs, que « pensez-vous encore de la bonne foi du vertueux Schœlcher ? » La meilleure preuve du caractère ironique que respirait tout l'article, c'est qu'immédiatement après : « elles avaient été recrutées dans « l'élite de la population, » il porto : « On a vu aussi de ces hommes « bien élevés dans la maison Lota, se roulant s u r les lits, comme « l'âne sur le p r é , cassant, brisant, empochant, faisant tout à la « fois du communisme et do l'ordre, se montrant selon la minute « bons apôtres ou bons larrons. » (Les Antilles, 13 août.) Eh bien ! amis lecteurs, que pensez-vous de la bonne foi des pieux directeurs dos Antilles 1


— 33 m a i s ils m é r i t e n t le r e p r o c h e de ne pas p r o t e s t e r tout h a u t . B a n s quelles m œ u r s c e p e n d a n t t o m b e r a i t la Martinique si sa direction m o r a l e d e v a i t a p p a r t e n i r à c e u x qui les profèrent? Comme on sent bien du r e s t e , à leur ton h u m b l e et plein de réticences, q u e ce sont là des p a r i a s livrés à d'impitoyables e n n e m i s et qui, « à moins « de c h e r c h e r à se faire bien v e n i r des g e n s en f a v e u r « d a n s les couches d o m i n a n t e s , s o n t v o u é s a u x v e x a t i o n s , « a u x o u t r a g e s , a u x m e n a c e s perpétuelles et, s'ils r e « gimbent, a u m a s s a c r e , a u s a c , a u p i l l a g e ; ou s'ils « échappent, à la v e n g e a n c e du peuple, a u d é n û m e n t et « à la r u i n e ! » (Les Antilles, 24 a o û t . ) N o u s voulons croire que les n o u v e a u x r é d a c t e u r s des Antilles ne se r e n d e n t p a s compte d u m a l qu'ils font à l e u r p a y s . L e u r c r i « a u m a s s a c r e », continuellement j e t é a u milieu des d e u x p a r t i e s de la population, ne p e u t a v o i r d ' a u t r e r é s u l t a t q u e d'inquiéter les esprits faibles p a r m i c e u x qu'ils disent m e n a c é s , et d ' i r r i t e r les esprits é n e r g i q u e s p a r m i c e u x d o n t ils s o n t des m a s s a c r e u r s intentionnels. Ils e x c i t e n t de la sorte des défiances t o u j o u r s fatales a u r e p o s public. Ils p a r t e n t d u sac de la maison L o t a , c r i m e isolé p o u r dire : « L a politique des d é m a g o g u e s est celle-ci : e x t e r mination de l a r a c e b l a n c h e . » C'est l à p o u r e u x u n e p h r a s e stéréotypée, elle est vieille de d i x a n s . E n 1871, ils firent a u s s i de l'incendie qui m i t la P o i n t e - à - P i t r e en cendres, l ' œ u v r e d ' u n complot, et ils d i s a i e n t déjà a l o r s p r e s q u e m o t p o u r m o t la m ê m e chose : « Le mot d ' o r d r e des d é m a g o g u e s est qu'il f a u t r u i n e r la r a c e e u r o péenne afin de l'obliger à fuir la Guadeloupe. » Ce qui d e v r a i t p o u r t a n t l e u r faire a b a n d o n n e r c e t t e m o n s t r u e u s e calomnie, c'est q u e , q u a n d ils o u b l i e n t u n m o m e n t l e u r f u r e u r , ils c o n v i e n n e n t e u x - m ê m e s q u e « l a population n è g r e est n a t u r e l l e m e n t douce et inof« fensive... N o u s v i v o n s a v e c elle d a n s l a meilleure in« telligence, nos r a p p o r t s d'individu à individu n e l a i s « sent rien à d é s i r e r , les noirs sont p o u r n o u s pleins de « bons s e n t i m e n t s et de confiance, ce n'est point contre


— 34 —

« a u c u n de n o u s en p a r t i c u l i e r qu'ils sont a n i m é s , c'est « contre notre r a c e collectivement»(Les Antilles, 20 août). A r r a n g e z cela : les n è g r e s a i m e n t les blancs individuell e m e n t , mais ils les détestent collectivement! A-t-on j a m a i s poussé plus loin l'inconséquence et la c o n t r a d i c tion, s'est-on j a m a i s donné à soi-même un plus é c l a t a n t démenti? J u p i t e r les a frappés de démence. Voyons, est-il possible d ' a d m e t t r e , sans a v o i r r o m p u a v e c le bon sens, q u e ces h o m m e s simples vécussent a v e c les blancs « d a n s la meilleure intelligence », s'il était v r a i comme v o u s ne cessez de le dire, qu'ils fussent c o n s t a m m e n t excités à les h a ï r ? Est-il possible d ' a d m e t t r e qu'ils eussent n o m m é M. H u r a r d à une i m m e n s e majorité d a n s les villes, dans les b o u r g s , d a n s les c a m p a g n e s des d e u x circonscriptions électorales de l'île s'il était v r a i , c o m m e vous n ' a v e z p a s h o n t e de le r é p é t e r c h a q u e j o u r , qu'il eût l'infamie et la sottise de les p r o v o q u e r à piller et à m a s s a c r e r c e u x p o u r lesquels « ils sont pleins de bons sentiments et de confiance » (1)? Quoi qu'il en soit, nous prenons acte a v e c b o n h e u r de l'aveu q u e l a vérité a r r a c h e a u x incorrigibles, c'est un fait acquis à ces d é b a t s , ils ne p e u v e n t l'en r e t i r e r : « L e peuple noir est inoffensif. » Demandez a u x g o u v e r n e u r s les plus r é a c t i o n n a i r e s , ils vous d i r o n t aussi, c o m m e le g o u v e r n e u r républicain M. Allègre vient encore de le p r o c l a m e r , « le peuple n o i r est d o u x et bon ». Il serait donc h o n n ê t e de m e t t r e a u r e b u t « la vengeance du pence ple », « les h o r d e s s a n g u i n a i r e s », « les naïfs c u l t i v a « t e u r s qui v i e n n e n t en ville p o u r d o n n e r u n coup de « m a i n a u m a s s a c r e ». Il est donc deshonnête de présenter ces b r a v e s g e n s à la F r a n c e comme toujours p r ê t s à d é v o r e r les blancs. (1; Nos ennemis n'ont pas beaucoup de tétc; le 26 novembre il leur a échappé encore de dire : « C'est grâce aux noirs si nous sommes au courant des grands complots. » Quels complots ( Ne valent-ils pas la peine d'en parler ? Dans tous les cas, pourquoi donc tant crier au secours, qu'a-t-on à craindre? Que pourraient les scélérats, les assassins qui forment « les grands complots » sans l'aide des noirs ?


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Si la F r a n c e doit ê t r e complètement r a s s u r é e de ce côté, il n'y a u r a i t alors plus à c r a i n d r e que les saug-mêlés; m a i s les complots du féroce M. H u r a r d et de ses féroces a m i s n ' o n t j a m a i s eu d'existence q u e d a n s l'imagination des gens qui t i e n n e n t des asssies de haine à S a i n t - P i e r r e . Les h o m m e s de c o u l e u r ont, e u x aussi, de g r a n d e s p r o priétés, de g r a n d s m a g a s i n s et ils font de g r a n d e s e n t r e prises commerciales. N'est-il pas v é r i t a b l e m e n t insensé de dénoncer u n e classe qui est d a n s de telles conditions comme r ê v a n t des désordres, des b o u l e v e r s e m e n t s où loin d'avoir rien à g a g n e r , elle a u r a i t t o u t à p e r d r e . L a v é r i t é vraie est que les h o m m e s de c o u l e u r ne m è n e n t la Martinique à sa p e r t e que de la m ê m e m a n i è r e qu'en E u r o p e la R é p u b l i q u e conduit, depuis onze ans, de p l u s en plus r a p i d e m e n t la F r a n c e a u précipice. M a l g r é « l'ig n o r a n c e , l'inexpérience » dont les gratifient les Antilles ils g è r e n t bien au conseil général les finances de l a colonie, ils r e g r e t t e n t que cette assemblée ne soit pas plus « p a n a c h é e » qu'elle ne l'est, m a i s ce n'est pas la faute « des n o u v e a u x v e n u s » s'ils sont obligés de se p a s s e r des l u m i è r e s des anciens. N o u s s o u h a i t o n s q u e les h o m mes sages p a r m i les p r e m i e r s d'autrefois acceptent le monde c o m m e il est et r e n o n c e n t à d e m e u r e r sous l e u r s t e n t e s d'Achille. L e u r s concours est aussi d é s i r é q u e désir a b l e d a n s l'intérêt de la c o m m u n a u t é e n t i è r e . Qu'ils me p e r m e t t e n t do le l e u r d i r e : ils a s s u m e n t t o u t e la r e s ponsabilité du malaise q u i t r o u b l e la société coloniale en p e r s i s t a n t d a n s le stérile préjugé de couleur qui les sépare de l'immense majorité de l e u r s concitoyens.


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novembre

M Allègre, incriminé pour s'être montré en public avec M. Hurard.—Il reçoit dans les salons du gouverneur des bandes avinées qui criaient dans les rues: Mort aux blancs. — L e s h o m m e s qui ont conquis l'estime de tout le monde se déclarent solidaires de M. Hurard.— M. Allègre a outragé la classe blanche. — On ne lui épargne aucun genre d'insultes.— Les chambres ont voté pour les colonies une organisation qu'on croirait sortie de Charenton. — La population de la Martinique composée de deux races différentes en civilisation.

La réputation de républicain de M. Allègre l'avait devancé à la Martinique ; aussi, à peine débarqué, les incorrigible commencèrent-ils à dire connue nous l'avons exposé plus h a u t qu'il a v a i t « m a n q u é de dignité et voulu b a t t r e la grosse caisse d a n s des v u e s intéressées ». (Les Antilles, 7 septembre). Quelque t e m p s après, M. Allègre, dont la résidence officielle est à F o r t - d e - F r a n c e , v i n t faire, selon l'usage, sa visite de g o u v e r n e u r à S a i n t - P i e r r e . Il a v a i t lu les r a p p o r t s de M. M o r a u . son prédécesseur, de M. F o u r n i e r l ' E t a n g , p r o c u r e u r g é n é r a l , s u r les é v é n e m e n t s des 18 et 19 juillet, il a v a i t pu e n t e n d r e M. R e c o i n g , procur e u r de la République, dire que M. H u r a r d s'était, avec M. Clavuis Marius, offorcé en sa présence, d ' a r r ê t e r le sac de la maison dévastée p e n d a n t l'émeute du 18 ; juillet : il a v a i t été à m ê m e de j u g e r tout à fond. L o r s donc q u ' à son a r r i v é e à Saint-Pierre, M. H u r a r d v i n t , comme président du conseil g é n é r a l , le saluer, il accepta sa c o m p a g n i e p o u r aller voir les établissements publics de la ville. Rieu ne semble plus n o r m a l q u a n d on songe q u ' o u t r e son t i t r e de président M. H u r a r d a v a i t été t o u t r é c e m m e n t élu député à une i m m e n s e majorité. Que cela ait été fort désagréable a u x Antilles et à l e u r s a m i s q u i se donnent le ridicule de faire de M. H u r a r d un h o m m e avide du s a n g de la classe blanche, on le conçoit sans peine, mais on p e u t en conclure seulement que M. Allègre n'ajoute a u c u n e foi à toutes les i m p u t a t i o n s p a r hypothèse qu'ils d i r i g e n t c o n t r e « l e u r ennemi. »


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Il n'en a pas fallu d a v a n t a g e , cependant, p o u r q u e ces messieurs des Antilles- déclarassent aussitôt M. Allèg r e « le chef de la proscription de la classe blanche ! » (n° d u 28 septembre). (1). (1) J'ai fait ici une grave erreur que je dois .réparer. Voici le texte des Antilles : « A quatre heures. M. le gouverneur sortait, en voiture. « ayant à ses côtés M. Hurard, et commençait une promenade qui « devait comprendre dans son parcours les lieux les plus fréquentés « de la ville. C'était là une étrange et incroyable manifestation qui « devait avoir pour inévitable conséquence de surexciter l'exaltation « non pas des amis raisonnables et intelligents du chef de la pros« cription de la race blanche, mais de la multitude qui s'est inféodée « à lui et qui est toujours à l'affût d'un prétexte au désordre et au « scandale. » L'épithète de « chef de la proscription do la race blanche » s'applique donc à M. H u r a r d (quoiqu'il ait des amis raisonnables et intelligents!) et non pas comme je l'ai dit faute d'attention suffisante à M. Allègre. Les Antilles me font un grand reproche de ma méprise accompagné selon leur coutume de beaucoup d'injures. Le reproche je le mérite, mais à lire leur texte, on reconnaîtra, je crois, que j ' a i pu faire une confusion involontaire. Elles accusaient en effet M. Allègre de s'être montré publiquement avec « le chef de la proscription de la race blanche » et d'avoir par « cotte incroyable manifestation surexcité l'exaltation de la multitude. » Ceci n'excusa pas certainement la confusion que j ' a i commise, mais montre ce qui m'y a fait tomber par mégarde. Pourquoi leur aurais-je forgé intentionnellement ce délit? Je n'en avais nul besoin, car dans le même numéro (28 septembre) elles m'en fournissaient un réel, encore plus odieux; elles l'accusaient « d'avoir reçu dans son hôtel l'orgie « des filles de joie et des vagabonds avinés qui criaient dans la « rue : Mort aux blancs!» Je crois bien d u reste que si les Antilles avaient véritablement appelé M. Allègre du nom de « proscripteur de la race blanche », il le leur pardonnerait plus facilement que d'avoir écrit « qu'il était venu à la Martinique pour faire ses petites affaires». (23 novembre.) Au surplus, je ne comprends pas pourquoi ces Messieurs se gend a r m e n t si fort à cette occasion, car l'expression que je leur ai attribuée, par erreur, est bien colle de leurs sentiments. Il leur serait difficile de le nier. Le 2 novembre, parlant d'un discours de M. Allègre à une députation des ouvriers de Saint-Pierre, ils disaient : M Malgré ses voiles hypocrites, quelque soient les artifices destinés à dissimuler l'odieux de ce factum, il n'en reste pas moins que c'est de la part de l'autorité supérieure un manifeste de mépris et d'ostracisme contre une partie de la population, un cri


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Le g o u v e r n e u r a v a i t d ' a u t a n t plus de motifs de donn e r au député u n e m a r q u e de considération q u ' u n épisode fort significatif de la querelle soulevée p a r les incorrigibles v e n a i t encore de t o u r n e r à l ' a v a n t a g e de celui-ci. Voici c o m m e : Après a v o i r v a i n e m e n t essayé de diviser les n è g r e s et les m u l â t r e s , ils firent u n e t e n t a t i v e semblable p o u r d i v i s e r les m u l â t r e s e n t r e e u x . « Vous feignez », dirent-ils a u j o u r n a l de M . H u r a r d , « de confondre d a n s vos r a n g s tous les h o m m e s hono« rables qui d o i v e n t à l e u r vie laborieuse et à l e u r sage « é m u l a t i o n n o t r e estime, qu'ils ont conquise.Vaine m a « n œ u v r e . P a s u n d'entre e u x ne v o u d r a sanctionner de« son n o m estimé les a t t e n t a t s à l'ordre public. » Quelques j o u r s après, le 7 septembre, M . H u r a r d r e c e v a i t la l e t t r e s u i v a n t e , p o r t a n t les « n o m s estimés » de q u a r a n t e - d e u x négociants, m a r c h a n d s , p r o p r i é t a i r e s , m e m bres de conseils m u n i c i p a u x ou du conseil g é n é r a l : « Cher concitoyen, nous venons à notre tour vous donner un témoignage public de notre sympathie. Nous sommes et avons toujours été unis à vous. Les électeure de la Martinique, en vous envoyant à la Chambre des députés, démontreront à tous qu'ils n e sont pas les dupes de ceux qui veulent semer la division parmi eux. Le suffrage universel, le 18 septembre prochain, vous vengera des injures et des calomnies dont vous êtes victime. »

E t p a r m i les s i g n a t a i r e s se t r o u v e n t cinq blancs. « Ces h o m m e s honorables q u i ont conquis l'estime générale, y compris celle des Antilles, » a t t e s t e n t ici qu'ils n e v o i e n t q u e des calomnies d a n s tous les h i d e u x projets d ' e x t e r m i n a t i o n de l a r a c e blanche, prêtés au r é d a c t e u r en chef d u j o u r n a l les Colonies. Espérons q u e l e u r t é m o i g n a g e é c l a i r e r a les quelques j o u r n a u x d e P a r i s qui se sont fait les échos de ces diffamations. Il s e r a i t croyons-nous difficile de s o u t e n i r bien longtemps q u e de tels h o m m e s , plus occupés d ' o r d i n a i r e de l e u r s de guerre joint a tous ceux qui la poursuivent déjà. » Y-a-t-il beaucoup de différence entre dire : « M. Allègre s'est fait le chef de, la proscription de la race blanche » ou dire : « le discours de M. Allègre est un manifeste d'ostracisme contre la race blanche I »


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affaires que de politique, a u r a i e n t donné d é l i b é r é m e n t une m a r q u e de s y m p a t h i e à u n c r i m i n e l . L e u r manifestation a fort désàpponité les Antilles, elles l'ont a t t r i b u é e « à la s t u p i d i t é d u préjugé et des plus v u l g a i r e s passions », elles ont d i t « qu'elle l e u r i n s « p i r a i t plus de pitié q u e de colère et qu'elles plaignaient « c e u x q u e de fatales passions ont poussé à p r e n d r e fait « et cause p o u r le fauteur d u d é s o r d r e , d u pillage et d u « c r i m e . » Toujours « le p i l l a g e , le c r i m e , le m a s s a c r e , » Mots terribles que les Antilles, à force de les r é p é t e r à t o r t et à t r a v e r s , o n t fini p a r r e n d r e d ' u n e b a n a l i t é sans valeur. Néanmoins, u n e chose de g r a n d e portée m o r a l e qu'elles ne p o u r r o n t r e t i r e r , d e m e u r e attachée à la cause de M. H u r a r d , c'est que ceux de « l'élément africain » qui sont v e n u s lui dire s p o n t a n é m e n t « nous avons été et n o u s s o m m e s a v e c v o u s », c e u x qu'on voit se r e n d r e ainsi solidaires d u r é d a c t e u r en chef d u j o u r n a l Les Colonies sont, d u p r o p r e aveu des Antilles, « des h o m m e s h o n o r a b l e s qui ont conquis p a r l e u r vie laborieuse l'est i m e de t o u t le m o n d e » R e v e n o n s à M. Allègre : L e s incorrigibles sont descend u s j u s q u ' à l u i i m p u t e r d ' a v o i r accueilli d a n s ses salons de g o u v e r n e u r u n e bande de m é g è r e s et de misérables avinés qui criaient d a n s la r u e : « Mort aux blancs !! » (Les Antilles, 28 septembre). Une aussi abominable invention soulève le c œ u r . Qui e s p è r e y faire croire p r é s u m e o u t r a g e u s e m e n t de la crédulité de ses l e c t e u r s . On ne t r o m p e p a r de tels procédés q u e les blancs égarés q u i a s p i r e n t p a s s i o n n é m e n t à ê t r e t r o m p é s . C'est ainsi p o u r t a n t q u e les seuls civilisés de la M a r t i n i q u e t r a i t e n t u n h o m m e bien élevé, ancien d é p u t é e s t i m é de ses collègues, a n c i e n m a i r e de sa ville natale, celui q u i a été j u g é digne d'être mis à la tête d ' u n e g r a n d e colonie, celui à qui son seul t i t r e de r e p r é s e n t a n t du P r é s i d e n t de l a R é publique devait m é r i t e r quelques é g a r d s de forme I Que v a u t , d'ailleurs, cet e x é c r a b l e c r i de : « Mort a u x blancs I » s u r lequel les Antilles reviennent à chacune


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de l e u r s pages? Voila q u a t r e mois que cela d u r e , comment se fait-il que depuis q u a t r e mois il ne se soit pas t r o u v é u n seul blanc indigné q u i ait a r r ê t é et livré à la justice un des misérables h u r l a n t en pleine r u e leurs sanguinaires vociférations ? Attendent-ils donc q u e p e r s o n n e ne puisse les voir et les e n t e n d r e ? Q u a n d on v e u t faire prendre de vilains contes p o u r des histoires, il faudrait au moins ê t r e assez habile p o u r leur donner q u e l q u e vraisemblance. A m o i n s de supposer q u e le p a r q u e t , composé p r e s q u e t o u t e n t i e r de créoles d'origine européenne, la g e n d a r m e r i e et la police soient a u s s i les complices des « trois mille bandits qui e n t o u r e n t , acconi« p a g n e n t , p r é c è d e n t et s u i v e n t M . H u r a r d » ( l e s Antilles d u 8 octobre), c o m m e n t e x p l i q u e r q u e l'on n'ait j a m a i s m i s la main s u r u n seul des v a g a b o n d s qui a g r é m e n t e n t de cette façon l e u r s r é j o u i s s a n c e s ? Le chiffre des trois mille aides de c a m p de M. H u r a r d est p e u t - ê t r e légèrem e n t e x a g é r é , m a i s à p a r t cela il faudrait ê t r e un triple s a u v a g e africain p o u r ne pas r e c o n n a i t r e à quel h a u t d é g r é d'honorabilité sont p a r v e n u s ceux q u i o n t p u le fabriquer. L a p r o m e n a d e de M. Allègre a v e c le député de la colonie n ' a p a s moins r e m u é la bile du Propagateur q u e celle de Antilles. Cette a u t r e feuille «honnête gens» s'est a b s t e n u e , il faut lui r e n d r e cette justice, des grossièretés de son é m u l e , mais elle l'a pris de très haut avec le g o u v e r n e u r , elle s'adresse d i r e c t e m e n t à lui : « M. Allègre, vous savez que le journal les Colonies ne poursuit qu'un but : l'anéantissement et l'abaissement de la classe blanche dans ce pays; vous le savez et vous avez voulu faire voir à la popu, lace que son idole est aussi la vôtre. Monsieur le gouverneur, vous avez insulte la classe blanche. Monsieur le gouverneur, nous voua subirons désormais et nous attendrons, mais il n'y aura plus rien de commun entre nous et vous. N'essayez pas de nous proposer des solutions que vous prétendez nous être avantageuses, nous n'accepterons ni n'examinerons rien venant d'un ennemi. Monsieur Allègre, lorsque nous vous avons vu passer sous nos fenêtres, escortant M. Hurard, nous avons éprouvé un sentiment plus que douloureux, car il ressemblait à celui qui agiterait le cœur d'un colon de l'Algérie qui verrait le général Saussier servir d'aide-de-camp à Bou-Amena.


— 41 — pour chasser les français de notre colonie africaine, » (Le teur, 28 septembre.)

Propaga-

N o u s a d m i r o n s p a r t i c u l i è r e m e n t le d e r n i e r trait. : M. Allègre p a r c o u r a n t la ville de S a i n t - P i e r r e en compagnie de M. H u r a r d , c'est ce que serait le g é n é r a l Saussier escortant Bou-Amena p o u r chasser les français de l ' A l g é r i e ! Les a m i s de l'ordre les plus m o dérés ont r a r e m e n t t r o u v é m i e u x . On ne les a d m i r e pas moins lorsqu'ils disent a u r e p r é s e n t a n t de l a F r a n c e : vous avez tenu c o m p a g n i e avec un h o m m e q u i n o u s déplaît, t o u t est r o m p u e n t r e nous, et lors m ê m e q u e v o u s proposeriez q u e l q u e chose d ' a v a n t a g e u x p o u r n o u s , n o u s le repoussons d ' a v a n c e ! L ' e s p r i t d ' a n a r c h i e a-t-il j a m a i s été plus l o i n ? Les g a r d i e n s « des meilleures t r a d i t i o n s européennes » ne donnent-ils pas là u n bien fécond e x e m p l e « à l'élément africain « de l a M a r t i n i q u e ? Q u e l s i n g u l i e r é t a t m e n t a l , quelle l é g è r e t é apportée d a n s les affaires sérieuses I Ces gens-là se p r é t e n d e n t éliminés, sacrifiés, l i v r é s s a n s protection à des e n n e m i s implacables, et ils signifient a u g o u v e r n e u r , de qui seul p e u t v e n i r la protection, qu'ils n ' a c c e p t e r o n t rien de lui ! Il n'est a u c u n g e n r e d ' o u t r a g e que les « a m i s de l'ord r e » é p a r g n e n t a u « proconsul » r e p r é s e n t a n t de la F r a n c e , t o u t l e u r d e v i e n t m a t i è r e p o u r l'insulter, souv e n t avec u n e v u l g a r i t é r e p o u s s a n t e . « Une invincible « s y m p a t h i e a t t i r e M. Allègre v e r s les gens de bas lieu « et de m a u v a i s r e n o m . » (Antilles, 12 n o v e m b r e ) . I l r e c o n n a î t d a n s un a g e n t de police un de ses c o m p a t r i o t e s e t l u i d o n n e la m a i n . L e s Colonies disent que c'était u n g e n d a r m e , aussitôt les raffinés des Antilles d'affirmer l e u r d i r e s u r ce ton : « « « « « «

« Le compére Allégre fait si bien les affaires de la bande s é p a r a tiste qu'il faut à tout prix le sauver de l'étreinte de l'agent de police, comme il a essayé de sauver qui nons savons, de l'étreinte du véritable gendarme. Echange de bons procédés 1 Entre purs, vous savez !... Donc, nous qui avons tout intérêt à le renverser, ce gros compere, nous tenons à démontrer que... c'est bien à un agent de police que le gouverneur a serré la main... C'est incontestable-


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« ment un spectacle scandaleux que de voir le chef d'une grande « colonie serrer cordialement la main a un agent de police devant « ses chefs directs... Le jour ou le gouverneur donne le spectacle « d'un pareil oubli de convenances,preuve incontestable de l'abais« sement de caractere, nous avons parlé surtout parce que... nous « n'avons vu dans cette démarche que le démagogue investi par « e r r e u r ou p a r faiblesse d'un poste au-dessus sa dignité ! » (Les Antilles, 19 novembre).

Quel noble éclat d'indignation p o u r u n e poignée de m a i n donnée à u n c o m p a t r i o t e ! Si encore ces messieurs s'en t e n a i e n t là, m a i s où est donc l e u r respect d ' e u x - m ê m e s lorsqu'ils en v i e n n e n t à d i r e : « Or, nous savons que « M. Allègre n'est venu ici q u e p o u r faire ses petites « affaires, p o u r se débrouiller, comme il le dit lui« m ê m e ! » (Les Antilles, 23 n o v e m b r e ) . P a r ces t e r m e s ce n'est p a s s e u l e m e n t le g o u v e r n e u r qu'ils a t t a q u e n t , c'est l'homme p r i v é d a n s le g o u v e r n e u r qu'ils c h e r c h e n t à d é s h o n o r e r . Il a r a i s o n de m é p r i s e r d'aussi r é v o l t a n t e s infamies ; il domine de plus h a u t c e u x qui s'abaissent à les proférer, c e u x d o n t l ' a c h a r n e m e n t p r o u v e combien son i n t é g r i t é le r e n d r e d o u t a b l e a u x e n n e m i s de la République et de l'égalité. M. Allègre, p a r b o n h e u r , est un h o m m e c o u r a g e u x , de sang-froid et de c a r a c t è r e ; l a i s s a n t les factieux à l e u r folie d é l i r a n t e , a s s u r é comme il l'est de posséder a u j o u r d ' h u i a u t a n t q u ' à son d é p a r t de F r a n c e la confiance du m i n i s t è r e , il c o n t i n u e r a t r a n q u i l l e m e n t à bien r e m p l i r la h a u t e et difficile mission d o n t il est c h a r g é , à i n t r o d u i r e à la M a r t i n i q u e la politique républicaine, à g o u v e r n e r avec la majorité en r e s t a n t i m p a r t i a l vis-àv i s de l a m i n o r i t é . Il est l ' a u t o r i t é constituée, que les factieux l a r e c o n n a i s s e n t ou non, il s a u r a les m a i n t e n i r d a n s le r e s p e c t de la loi et « e m p ê c h e r , comme l'a dit l ' a m i r a l Cloué, le désordre de quelque p a r t q u ' i l vienne». Du r e s t e , c e u x qui lui font d a n s le Propagateur une d é c l a r a t i o n de g u e r r e en règle n ' o u b l i r o n t pas, espéronsle p o u r e u x , qu'ils y o n t e n g a g é l e u r d i g n i t é et q u ' i l s y m a n q u e r a i e n t si, d a n s u n e circonstance quelconque, ils s ' a d r e s s a i e n t au g o u v e r n e u r auquel ils d i s e n t : « Désor-


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m a i s , il n'y a plus r i e n de c o m m u n e n t r e n o u s et vous. » P u i s q u ' a u c u n b l a n c ne p r o t e s t e c o n t r e le l a n g a g e d ' u n e violence t o u t à fait d é r a i s o n n a b l e des Antilles et du Propagateur, q u i déclarent p a r l e r en l e u r n o m , on est forcé de c o n c l u r e qu'ils les a p p r o u v e n t . E h bien, qu'ils en finissent, qu'ils les c h a r g e n t do formuler clair e m e n t l e u r s v œ u x , d'exposer c a t é g o r i q u e m e n t ce q u ' i l f a u d r a i t faire p o u r l e u r d o n n e r satisfaction. Impossible de s o r t i r a u t r e m e n t de l'impasse où ils p i é t i n e n t . Ils l'ont u n e fois laissé e n t r e v o i r ; écontez-les : « On a conféré a u x n o u v e a u x F r a n ç a i s u n e p a r t h o r s « de proportion avec l e u r é t a t de civilisation. Ce q u e n o u s « désirons, c'est u n g o u v e r n e m e n t a r m é d ' u n e législation « appropriée à n o t r e é t a t social. A des populations com« posées de d e u x r a c e s différentes en civilisation, divisées « p a r des préjugés, on a d o n n é des i n s t i t u t i o n s s e m b l a b l e s « à celles d o n t la vieille F r a n c e v i e n t à peine de c o m m e n ce cer l a périlleuse é p r e u v e . L'intolérable s i t u a t i o n a u « m i l i e u de laquelle se débat la M a r t i n i q u e n'est q u e la « conséquence inéluctable de la m o n s t r u e u s e o r g a n i s a t i o n « d o n t les colonies ont été dotées, organisation qu'on croi« r a i t sortie des c a b a n o n s de C h a r e n t o n , s i l ' o n ne s a v a i t « que M. S c h œ l c h e r en est l ' i n s p i r a t e u r . » (Les Antilles, 14 septembre). « Les i n s t i t u t i o n s sont toutes en faveur de « l'élément a f r i c a i n . (Les Antilles, 18 septembre). » Donc, le g o u v e r n e m e n t a proposé et les C h a m b r e s o n t v o t é p o u r les colonies « u n e o r g a n i s a t i o n qui semble sortie d ' u n e maison de fous. » L e compliment n'est pas plus g r a c i e u x p o u r le g o u v e r n e m e n t q u e p o u r les C h a m b r e s , m a i s n ' y r e g a r d o n s pas, c h a c u n discute selon son degré de bonne é d u c a t i o n ; toujours est-il qu'il n ' y a là q u e de la c r i t i q u e et qu'il v a u d r a i t m i e u x en v e n i r a u fait et a u x m o y e n s de c o r r i g e r l ' œ u v r e d u P a r l e m e n t élevé d a n s les cabanons de C h a r e n t o n . L e point s a i l l a n t est qu'il n ' a p a s t e n u c o m p t e d u d e g r é de civilisation des différentes p a r t i e s de la population. L a m è r e - p a t r i e doit-elle donc e n t e n d r e qu'il c o n v i e n d r a i t de d o n n e r à l a M a r t i n i q u e des lois spéciales «appropriées à l'état social


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« et a u x préjugés de c h a c u n e des d e u x r a c e s de ses h a b i « t a n t s » ? — « T o u t y est on faveur de l'élément africain » ne signifie-t-il p a s qu'il s e r a i t n é c e s s a i r e de s u p p r i m e r la suffrage universel, dans cette p r o v i n c e p a r t i c u l i è r e de la F r a n c e m a r i t i m e , et de r e v e n i r a u x électeurs censitair e s ou à q u e l q u e chose de semblable? Est-ce bien cela? Que les sages r é f o r m a t e u r s siégeant à S a i n t - P i e r r e , o s e n t le d i r e formellement et indiquent d u m ê m e coup les voies p r a t i q u e s de l e u r double législation. F a u d r a - f il accommoder les cinq codes à leur usage spécial ? En a t t e n d a n t l e u r réponse, n o u s d e m a n d o n s l a p e r m i s sion de l e u r r a p p e l e r q u e la Réunion est contente de « la m o n s t r u e u s e organisation actuelle », et que la Guadeloupe n ' y voit pas la fin d u m o n d e , Une d e r n i è r e question : n o u s p r i o n s messieurs des Antilles de-dire si oui ou non ils ne r a n g e n t p a r m i « les civilisés » q u e les créoles de race e u r o p é e n n e quelle q u e soit l e u r éducation, s'ils e x c l u e n t de l e u r s n o u v e l l e s lois « protectrices des civilisés » les n è g r e s et les m u l â t r e s q u i viennent r e c e v o i r eu F r a n c o une éducation absol u m e n t égale à celle des blancs, ceux qui obtiennent des diplômes de d o c t e u r s en droit, de d o c t e u r s en médecine, c e u x qui g a g n e n t au concours l e u r s places à l'Ecole polytechnique, à l'Ecole de m a r i n e , à l'Ecole Saint-Cyr et à l'Ecole des mines ? N o u s v o u d r i o n s aussi savoir q u a n d on ferait « p o u r « les nouveaux français des lois appropriées à l e u r é t a t « de civilisation » ce que d e v i e n d r a i t la position d a n s la société coloniale de ceux d ' e n t r e e u x qui sont déjà fonctionnaires publics et m a g i s t r a t s ? Resteraient-ils d a n s l ' o r d r e dos p r i m a t e s ou passeraient-ils d a n s l ' o r d r e intérieur? « Cette difficulté v a u t bien qu'on la propose, »


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V I . — 22

novembre.

Note du ministère au journal officiel démentant le bruit des dangers qui menaceraient la classe blanche. — Le crédit de la Martinique compromis sur le marché de la métropole. — La classe de couleur n'a aucune raison de haïr la classe blanche. — L'amiral Cloué, ministre, inaugure l'ère de la discorde et de l'émeute. — 6 0 0 0 blancs livrés sans protection à 1 2 0 , 0 0 0 s a u v a g e s africains. e r

L e Journal officiel du 1 n o v e m b r e a p u b l i é la note suivante : « Depuis q u e l q u e t e m p s , le g o u v e r n e m e n t a r e ç u de d i v e r s e s c h a m b r e s de c o m m e r c e et de p a r t i c u l i e r s a y a n t des r e l a t i o n s a v e c l a M a r t i n i q u e des c o m m u n i c a t i o n s de n a t u r e à faire c r o i r e q u e l ' o r d r e est profondément t r o u blé d a n s c e t t e colonie, et que l'existence m ô m e d ' u n e c e r t a i n e p a r t i e de la population est m e n a c é e . « L e g o u v e r n e m e n t a le d e v o i r de faire c o n n a î t r e imm é d i a t e m e n t que ces b r u i t s inquiéfànls sont contredits d'une manière absolue par les rapports officiels qui lui sont parvenus. « L e g o u v e r n e u r affirme q u e l ' o r d r e r è g n e à la M a r t i nique, et le g o u v e r n e m e n t doit a v o i r confiance d a n s les d é c l a r a t i o n s du chef de l a colonie. « On p e u t ê t r e a s s u r é , d ' a i l l e u r s , q u e les m e s u r e s nécessaires p o u r m a i n t e n i r la sécurié ont été prises, et q u e si, c o n t r e t o u t e p r o b a b i l i t é , quelque d é s o r d r e se p r o d u i s a i t , l ' a u t o r i t é s a u r a i t f a i r e son devoir. » Cette n o t e é m a n é e de l ' a u t o r i t é c e n t r a l e , f e r m e r a p e u t ê t r e la bouche a u x a g i t a t e u r s s y s t é m a t i q u e s en l e u r d é m o n t r a n t l e u r impuissance t o t a l e a u p r è s du g o u v e r n e m e n t qu'ils o n t espéré p o u v o i r t r o m p e r . En tous cas, elle r a s s u r e r a c o m p l è t e m e n t ceux qu'ils o n t t r o m p é s . L e chef désintéressé de la colonie m é r i t e certes p l u s de confiance q u e la fameuse « population européenne » (composée de trois personnes I ) , t é l é g r a p h i a n t « p o u r d e m a n d e r l'état de siège ». Cette note est u n démenti éclatant donné a u x affreuses


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allégations s u r les d a n g e r s q u e c o u r r a i t l a classe blanche, m a i s on voit quel m a l elles o n t p r o d u i t . L e s c h a m bres de c o m m e r c e effrayées, les p a r t i c u l i e r s e t les familles a l a r m é s , les n a v i r e s destinés à l a M a r t i n i q u e r e t e n u s à l ' a n c r e d a n s les p o r t s , son crédit compromis s u r le m a r c h é de l a métropole, les affaires en souffrance : voilà où a b o u t i t l a c a m p a g n e q u e les incorrigibles de Saint-Pierre ont menée avec t a n t d'acharnement. A e u x seuls en r e v i e n t t o u t e l a responsabilité. P u i s s e ce r é s u l t a t si fatal à tous les i n t é r ê t s , d o n n e r enfin à réfléchir a u x b l a n c s r a i s o n n a b l e s e t les d é t e r m i n e r à faire t a i r e les h a l l u c i n é s qu'ils laissent p a r l e r en l e u r n o m . Si l e u r s a p p r é h e n s i o n s n ' é t a i e n t p a s dissipées q u a n d le m i n i s t è r e , q u i puise ses r e n s e i g n e m e n t s a u x sources les p l u s s û r e s , l e u r d i t qu'ils n ' o n t r i e n à c r a i n d r e et qu'il veille, il n ' y a u r a i t p l u s q u ' à les a b a n d o n n e r a u x p e u r s qu'ils s'obstinent à se forger. Après tout, on ne p e u t c o u r i r a u secours de g e n s q u i ne sont pas a t t a q u é s . P o u r m o n t r e r t o u t ce qu'il y a d e faux d a n s les b r u i t s horribles q u ' o n t r é p a n d u les a n a r c h i s t e s , il e s t bon de r é p é t e r u n e fois de plus, d'abord q u e l a Guadeloupe ne se d o u t e p a s q u e sa population b l a n c h e c o u r t le m o i n d r e d a n g e r , e n s u i t e que, depuis le p r e m i e r j o u r , les a m a t e u r s d ' é t a t do siège d e l a M a r t i n i q u e o n t eu c o n s t a m m e n t toutes les a u t o r i t é s c o n t r e e u x : le g o u v e r n e u r p a r i n t é r i m , M. M o r a u ; le p r o c u r e u r g é n é r a l , M. F o u r n i e r l ' E t a n g ; M. Allègre, le g o u v e r n e u r , le p a r q u e t , « à la faiblesse d u q u e l M. H u r a r d doit l a liberté d o n t il j o u i t » ; (1) (1) 20 janvier. — Le procès des inculpés du sac de la maison Lola, se juge en ce moment à la Martinique. L'acte d'accusation, dressé par M. Fournierl'Étang, qui assurément n'est plus suspect, vient de nous arriver. NOUS 1J lisons : « L a population demande « alors, exige l'arrestation immédiate de Lota, menaçant d'envahir « la maison si satisfaction no lui est pas donnée. Le procureur de « la république, le maire et ses adjoints, les deux commissaires de « police, M. Hurard lui-même, s'efforcent de l'apaiser et de la « dissiper ; leur voix est méconnue. »


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enfin M. l ' a m i r a l Cloué, m i n i s t r e « q u i a p r i s p a r t i avec u n e iniquité flagrante p o u r les a g r e s s e u r s contre les faibles. »

« « « « «

« S'imaginant que Lota est mis en liberté, le peuple ne se contient plus, sa fureur ne connaît plus de bornes,... les émeutiers mettent tout à sac... D'inutiles efforts sont de nouveau tentés pour arrêter cette sauvage exécution. Les pillards n'écoutent ni les magistrats, ni M. Hurard qui, monté sur une fenêtre du rez-dechaussée, 1rs adjure de se retirer. »

Voilà l'homme qui « n e d e v a i t sa liberté q u ' à la fai« blesse d u p a r q u e t , » l'homme que L e s Antilles dénoncent incessamment depuis quatre mois comme l ' i n s l i g a t e u r de la colère populaire, comme ayant

participé à l'attentat Du même

commis!

acte d'accusation

nous extrayons

ce qui

suit : « Dès la veille de l a fête (le 13 juillet), Lota affirme, mais il est contredit sur ce point par les rapports des agents de l'autorité, que son nom commença a être associé à celui de son adversaire (M. H u rard), dans les cris poussés par des bandes qui passaient sous ses fenêtres... Dans la nuit du samedi au dimanche (17 juillet), les outrages lui parurent tellement directs et graves qu'il ne p u t rester impassible, et il lança une carafe d'eau au devant d'une bande qui stationnait en chantant vis-à-vis do sa maison. Aussitôt la foule furieuse se mit à h u r l e r : A bas Lota ! Il fallut l'intervention de la police pour la dissiper. Apprenant le lendemain que l'imprudente manifestation à laquelle il s'était livré donnait lieu à des menaces plus inquiétantes contre sa personne, il alla demander au procureur de la République une protection spéciale pour la nuit suivante, et toujours dominé par la même préoccupation, il ajouta que les cris : Vive H u r a r d ! poussés en même temps que ceux de : A bas Lota ! indiquaient, selon lui, que M. Hurard, son adversaire politique déclaré ne devait pus être étranger à ces attaques ; mais il ne put fournir aucune preuve à l'appui de sa supposition. L a protection qu'il avait réclamée lui fut accordée, et elle fut assez efficace pour le préserver, pendant la nuit du dimanche 17 au lundi 18, de toute attaque, de toute provocation directe. Mais tandis que l'autorité le protégeait au dehors, il était entériné chez lui avec cinq de ses amis qui étaient venus, chacun avec u n révolver, pour le défendre en cas d'agression, et cette veillée d'armes, en grossissant à ses yeux le danger, n'avait pas peu contribué, sans doute, à accroître ses ressentiments et à exciter son imagination. « Le lundi 18 juillet, vers neuf heures du matin, il rentrait chez


— 48 — Ce q u i accuse d a v a n t a g e e n c o r e l a p e t i t e s s e

d'esprit

e t l ' i m m o r a l i t é des m e n e u r s de la r é a c t i o n q u e

nous

c o m b a t t o n s , c'est q u ' i l s i n t e r p r è t e n t t o u j o u r s p a r d ' i g n o lui lorsqu'il aperçut Hurard qui descendait la Grand'Rue : il marcha droit à lui et le frappa en le traitant de canaille. « Cette agression en pleine rue, en face d'une population dévouée à Hurard, no pouvait manquer de produire la plus vive émotion. Un acte encore plus téméraire allait bientôt porter à son comble l'exaspération du peuple et provoquer pendant deux jours des troubles graves dont Lota a failli être l a première victime et dont le souvenir agite encore le pays. « Des pierres commencèrent à pleuvoir sur la maison ; l'une d'elles brisa une persienne et blessa M. Lathifordière fils (l'un des cinq amis qui étaient venus pour le défendre). Atteint à la tempe, M. Lathifordière eut la figure ensanglantée. A cette vue, Lota se saisit d'un fusil et fit feu par une fenêtre qu'il entrouvrit, espérant p a r la, a-t-il dit, contenir la fureur des assaillants jusqu'à l'arrivée de l'autorité, en leur faisant voir qu'il était armé et résolu à vendre chèrement sa vie. « Ce coup de feu, une information minutieuse l'a établi, est le seul qui ait été t i r é ; encore a-t-il été tiré en l'air, de façon à n'atteindre aucun de ceux qui cernaient la maison et dont le nombre était déjà considérable. Dans l'état do surexcitation des esprits, il n'en constituait pas moins la plus grave des imprudences, la p l u s téméraire des provocations. » Au résimté, « carafe ce maison, la nuit

M. Zola,

contre

« en lançant

une bande

commet

vis-à-vis

laquelle

il

a

chez

on c h a r g e son fusil à 14 coups

correctionnelle

du

lendemain

matin

ce en frappant

« en pleine

rue,

Hurard,

dans

lui u n e veillée

(audience

ce M.

une de sa

: 1° u n a c t e i m p r u d e n t ; » 2°

du 10 au 17 juillet,

d ' a r m e s durant

le 17 juillet

qui chantait

18 juillet en face

il commet

d'une

25

août

population

1881);

M.

dévouée

« met

à

un acte téméraire qui ne pou-

« v a i t m a n q u e r de p r o d u i r e la plus v i v e émolion ; 4° ce tirant

le

Hurard

un coup de feu en l'air contre

la foule,

il

En

com-

u n a c t e qui d a n s l ' é t a t de s u r e x c i t a t i o n des esprits

ce c o n s t i t u a i t la plus g r a n d e des i m p r u d e n c e s , la plus t é « m é r a i r e des p r o v o c a t i o n s . » Tel martyr

est !

l'homme

d'ordre

dont

L e s Antilles font

un


-

49 —

bles motifs d'intérêt personnel la c o n d u i t e de quiconque ne s'associe pas à l e u r levée de boucliers c o n t r e la classe de couleur. P a s plus q u e les a u t r e s , l ' a m i r a l Cloué n ' a échappé à ce s y s t è m e d ' a v i l i s s e m e n t de tout s e n t i m e n t honnête. Il faut citer l'article qu'ils lui c o n s a c r e n t d a n s le n° d u 19 octobre des Antilles : « C o m m e n t se fait-il que n o t r e p a y s qui s e m b l a i t destiné à p r o s p é r e r sous son m i n i s t è r e se soit v u précipiter p a r lui d a n s l'abîme où nous n o u s d é b a t t o n s ? C o m m e n t u n h o m m e si bien r e n s e i g n é a-t-il p u , p a r u n e serie de m e s u r e s m a l a d r o i t e s et p a r u n c h o i x détestable de fonct i o n n a i r e s , i n a u g u r e r ici l'ère de la discorde et de l'ém e u t e ? C o m m e n t ? P a r c e q u e , à la fin de sa c a r r i è r e noblement r e m p l i e , l ' a m i r a l Cloué a laissé f r a p p e r à la p o r t e de son c œ u r de v i e u x soldat les a m b i t i o n s m a l saines. P o u r q u o i ? P a r c e q u e M. S c h œ l c h e r , d o n t l'influence toute puissante et la h a i n e i n v é t é r é e n o u s o n t voués à la substitution, a p u faire accepter à ce v a i l l a n t q u i ne d e v r a i t plus rien a v o i r à c o n q u é r i r en ce m o n d e de h o n t e u x compromis et m i r o i t e r à ses y e u x des h o c h e t s q u i ne p o u r r o n t q u e l ' a m o i n d r i r . » Quand n o u s disons q u e ces m a l h e u r e u x sont fous ! Les voilà qui r e p r é s e n t e n t le m i n i s t r e l u i - m ê m e o u v r a n t à la M a r t i n i q u e « l'ère de la discorde et de l'émeute, et c o u r o n n a n t sa belle c a r r i è r e par de honteux compromis, p a r c e que M. S c h œ l c h e r (1) a fait miroiter à ses yeux on ne sait quels misérables hochets ! » Quel h o m m e n ' a y a n t pas p e r d u , c o m m e e u x , l'usage de l a raison, v o u d r a croire q u e t o u t e s les a u t o r i t é s , à P a r i s et à la M a r t i n i q u e , t o u t e s sans e x c e p t i o n , m i n i s t r e , g o u v e r n e u r , d i r e c t e u r des colonies, p r o c u r e u r g é n é r a l , se sont coalisés p o u r l i v r e r , en t r o m p a n t la F r a n c e , les créoles de s a n g européen à des b o u r r e a u x ? Il suffit de réfléchir u n peu p o u r se c o n v a i n c r e q u e toutes les idées d ' e x t e r m i n a t i o n de la classe b l a n c h e q u e l'on i m p u t e à la classe de c o u l e u r sont des c a l o m nies de la pire espèce. D e r n i è r e m e n t encore son o r g a n e , le j o u r n a l les Colonies, y r é p o n d a i t p a r u n e d é c l a r a t i o n 4


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dont la n a t u r e ne laissera a u c u n d o u t e aux. g e n s de bonne foi q u i n e sont p a s a l a r m é s d e p a r t i - p r i s : « N o u s n ' a v o n s p a s d e h a i n e c o n t r e la classe b l a n c h e . « Nous la regardons comme un élément absolument « nécessaire, indispensable dans ce pays. Le rêve de « substitution d ' u n e r a c e à l ' a u t r e q u e nous p r ê t e n t n o s « e n n e m i s s e r a i t u n e imbécilité d ' a u t a n t plus s u r p r e n a n t e « q u e c h a q u e j o u r n o u s d e m a n d o n s l'assimilation à l a « m è r e - p a t r i e . N o t r e p r o g r a m m e est d a n s c e m o t : l ' a s s i « milation. E h bien I pense-t-on q u ' a v e c l'assimilation « nous a y o n s les m o y e n s , si m ê m e n o u s en avions le e r i « minel projet, d'éliminer l a classe b l a n c h e ? » (LesColonies, 22 octobre.) Impossible de r é p o n d r e à cela. A moins d'être u n incorrigible a v e u g l é p a r les plus m a u v a i s s e n t i m e n t s , c o m m e n t ne p a s v o i r q u e l a classe d e c o u l e u r n ' a p a s même l'apparence d'une raison pour désirer la disparition des b l a n c s ? Ses d r o i t s sont r e c o n n u s , les lois l u i a s s u r e n t l'égalité sociale, elle c o m m e n c e enfin à e n t r e r en p a r t a g e des fonctions publiques, le suffrage universel l u i donne l a m a j o r i t é d a n s le conseil g é n é r a l et dans les conseils m u n i c i p a u x , elle t r a v a i l l e , elle s'enrichit p a r l'épargne, elle p r o g r e s s e , elle m o n t e , e t c'est d a n s l ' o r d r e qu'elle t r o u v e la sécurité de son ascension c o n t i n u e . Elle a u r a i t t o u t à p e r d r e e t rien à g a g n e r d a n s u n boulev e r s e m e n t quelconque. Elle n e d e m a n d e q u ' u n e chose, c'est q u e les gens assez d é r a i s o n n a b l e s p o u r ne p a s se consoler de la perte de l e u r s p r i v i l è g e s la laissent t r a n quille et ne l a dénoncent p a s c h a q u e m a t i n à l a Bièrep a t r i e c o m m e a v i d e d u sang d e ses r i v a u x . Dire q u e les 6,000 blancs d e l a M a r t i n i q u e sont al t a n donnés s a n s protection à 120,000 s a u v a g e s africains p r ê t s à les d é v o r e r e s t u n é p o u v a n t a i l assez h a b i l e m e n t i m a giné p o u r é m o u v o i r en F r a n c e c e u x qui n e connaissent p a s les colonies, m a i s il suffit de réfléchir u n p e u p o u r c o m p r e n d r e q u e le g o u v e r n e u r disposant de l a force m i l i t a i r e , comme des m a r i n s de tous les n a v i r e s e n r a d e et aidé de six mille blancs q u i sont p a r n a t u r e très b r a v e s


— 51 et presque tous a r m é s a u r a i t vite r a i s o n de toute e n t r e prise criminelle, si contre t o u t e espèce de p r o b a b i l i t é , il s'en p r o d u i s a i t u n e . En somme : q u e la F r a n c e soit donc c o m p l è t e m e n t r a s surée. Il est faux, d é m o n s t r a t i v e m e n t faux, que l'existence des blancs de l a M a r t i n i q u e soit m e n a c é e . E n d e h o r s des d e u x m o u v e m e n t s p o p u l a i r e s du 18 et d u 19 juillet i m m é d i a t e m e n t r é p r i m é s , il n ' y a d a n s tous les b r u i t s a l a r m a n t s qu'on a fait c o u r i r q u e des calomnies contre une classe bonne, laborieuse et bien intentionnée. Le c a l m e le plus p a r f a i t r è g n e d ' u n b o u t à l ' a u t r e de la colonie ; le g o u v e r n e u r , M. Allègre, l'affirme, et la note d u ministère responsable, citée a u commencement de cet article, le confirme ; en m ê m e t e m p s , qu'elle est une m a r q u e publique donnée p a r le m i n i s t r e q u e l'honorable M. Allègre g a r d e toute sa confiance. Cette note est u n e g a r a n t i e de plus p o u r éclairer s u r le v é r i t a b l e é t a t des choses l'opinion publique.

Il faut ajouter à ce q u e dit l'article p r é c é d e n t que la n o t e officielle a v a l u à l'honorable a m i r a l u n nouvel out r a g e d ' u n cynisme inoui. » N o u s ne pouvions c r o i r e à « tant de haine de l a p a r t de l ' a m i r a l Cloué... N o u s n e « flétrirons p a s a u j o u r d ' h u i comme elle le m é r i t e sa « note, n o t e m i s é r a b l e , faite p o u r d o n n e r le c h a n g e à « l'opinion, arrhes honteuses d'un marché plus hon« teux encore q u e n o u s v e r r o n s s'accomplir a v a n t peu « a u S é n a t ! » (LesAntilles 23 novembre.) Ainsi, toujours le m ê m e ignoble p r o c é d é , toujours d'avilissants motifs d ' i n t é r ê t p r ê t é s à quiconque n ' e n t r e p a s d a n s les v u e s de ces é n e r g u m è n e s . L e u r s p r o p r e s a m i s n ' y é c h a p p e n t p a s . On p e u t se-rappeler q u e « les conservateurs de « l a C h a m b r e n ' o n t voté u n second député p o u r c h a c u n e « des t r o i s g r a n d e s colonies q u e d a n s l'espérance de s'y « faire n o m m e r ! » (Voir p l u s h a u t , p a g e 29). E t les blancs ne d é s a v o u e n t p a s u n j o u r n a l q u i , en u s a n t de ce poison à j e t c o n t i n u , d é c l a r e p a r l e r en l e u r n o m 1


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C'est l'usage des défenseurs entérites de l ' o r d r e q u i d o n n e n t des leçons de respect de l'autorité a u x b a r b a r e s africains de t a x e r t o u s chefs qui n ' e m b r a s s e n t pas l e u r s détestables passions de p a r t i s a n s « des scélér a t s q u i complotent l ' e x t e r m i n a t i o n de la r a c e blanche. » — « Nos lâches a u t o r i t é s protègent les a t t e n t a t s de la t o u r b e . » (Les Antilles 5 n o v e m b r e ) . L ' a m i r a l K e r g r i s t , quoiqu'il n ' e û t pas le vice d'être un g o u v e r n e u r civil, fut incriminé de la m ê m e m a n i è r e lors des d e u x incendies d e S a i n t - P i e r r e , en 1876. L ' a m i r a l K e r g r i s t « enci h a r d i s s a i t les incendiaires p a r l'impunité », c o m m e à cette h e u r e , M. Allègre « fait cause c o m m u n e avec le « j o u r n a l les Colonies qui p o u r s u i t l ' a n é a n t i s s e m e n t de « la classe blanche », comme aussi à cette h e u r e , « l'a« m i r a i Cloué i n a u g u r e à S t - P i e r r e (toujours St-Pierre) « l'ère de la discorde et de l'émeute. » Ce procédé de loyale discussion d a t e de l o i n . En 1849, l ' a m i r a l B r u a t , g o u v e r n e u r g é n é r a l des Antilles, y fut soumis p o u r n ' a v o i r p a s voulu e m b r a s s e r la cause des incorrigibles de ce temps-là. L e u r o r g a n e , le Courrier de la Martinique, ne calomniait pas moins son c a r a c t è r e m o r a l q u ' a u j o u r d ' h u i Les Antilles celui de M. All è g r e . L e Courrier de ta Martinique d u 6 octobre 1849 accusa l'amiral B r u a t ni plus ni moins q u e « d'un outrage aux mœurs. » C'est u n e chose é t o n n a n t e de r e m a r q u e r c o m m e « les honnêtes gens » se r e n c o n t r e n t à près d'un demi-siècle de distance. On croit en imposer a u v u l g a i r e et a c q u é r i r de la force p a r l'audace avec laquelle on s'en p r e n d a u x a u t o rités s u p é r i e u r e s désobéissantes. H e u r e u s e m e n t , on y met t r o p de b r u t a l i t é p o u r ne pas c h o q u e r , au c o n t r a i r e , les esprits les moins délicats.


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VII. — 8

décembre

Jusqu'au 1 8 juillet la ville de Saint-Pierre était en paix. — Ce sont l e s incorrigibles qui, en exploitant les émeutes du 1 8 et du 19 juillet, ont provoqué et entretenu la crise qui a suivi. — L e s blancs égorgés se portent à merveille. — L e s incorrigibles d e mandent des lois d'exception. — Quels sont l e s barbares ?

J u s q u ' a u 18 j u i l l e t , l a ville de S a i n t - P i e r r e était p a r faitement t r a n q u i l l e . M. L o t a , d e v a n t le t r i b u n a l de police correctionnelle, a c o m m e n c é sa déposition en ces t e r m e s : « Depuis assez l o n g t e m p s n o u s vivions en p a i x à S a i n t - P i e r r e . » L e j o u r n a l les Antilles d i t encore le 19 octobre : « Dans cette ville n a g u è r e si c a l m e , nous ne r e n c o n t r i o n s q u e des visages a m i s . » Ce j o u r n a l , a v a n t q u e les furieux d u p r é j u g é de c o u l e u r en fissent l'acquisition, r e n d a n t compte de la fête d u 14 j u i l l e t d i s a i t : « L a fête a été b r i l l a n t e , c h a r m a n t e e t des plus correctes ; on a u r a i t d i t q u e c h a c u n p r e n a i t u n m a l i n plaisir à d é m o n t r e r qu'il c o m p r e n a i t q u e la satisfaction d u t r i o m p h e de ses opinions p o u v a i t t r è s bien se concilier a v e c le c a l m e et la politesse. » L e Propagateur n ' é t a i t p a s moins élogieux : « C'est avec satisfaction, écrivait-il q u e n o u s constatons le bon o r d r e qui p a r t o u t existe, p a r t o u t on a r e m a r q u é l a plus grande tranquillité. » Les d e u x j o u r s s u i v a n t s de la fête a v a i e n t été t o u t aussi h e u r e u x . M. Recoing, p r o c u r e u r de la R é p u b l i q u e , d a n s u n e l e t t r e lue a u t r i b u n a l l o r s d u procès L o t a , l e t t r e adressée a u n u i r e en date d u 17 j u i l l e t , lui m a n d a i t : « L a cité a d i g n e m e n t célébré l ' a n n i v e r s a i r e de la R é p u b l i q u e . » (1). ( 1 ) M. Recoing, magistrat, que ses opinions notoirement connues rattachent au parti réactionnaire, écrit en fait : du 14 au « 16 juillet, la cité a dignement célébré l'anniversaire de la Ré« publique. » Les rédacteurs des Antilles osent écrire le 26 novembre : « Des bandes armées ont fait des fêtes de la Républiqus des orgies « populaires, où l'insulte et la menace étaient sans cesse lancées a u r « blancs ! »


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Voilà, au dire de M. Recoing, dont « les honnêtes gens » n e p e u v e n t r é c u s e r le t é m o i g n a g e , et de l e u r p r o p r e a v e u , quel é t a i t l'état des e s p r i t s à S a i n t - P i e r r e lorsque éclata l'émeute du 18 j u i l l e t , souillée p a r le sac de la maison Lota. L e lendemain 19, v e r s six h e u r e s du soir, M. Godé, qui a v a i t été s u r le point d ' a v o i r un duel avec M. H u r a r d , a y a n t p a r u on v i l l e , la foule qui lui p r ê t a i t le dessein d ' a t t a q u e r M. H u r a r d , se r e n d i t e n v e r s lui encore plus coupable que la v e i l l e ; elle le s u i v i t en vociférant, on d u t r e q u é r i r la force a r m é e , qui croisa la baïonnette et fit é v a c u e r la r u e . M . Codé, au milieu de la t r o u p e , se r e t i r a d a n s la c a s e r n e de l'infanterie do m a r i n e où il r e s t a librement. N o u s sommes convaincu q u a n t à nous, q u e cette manifestation d e r r i è r e M. Codé a fait p l u s de m a l au p a r t i h o n n ê t e q u e l'acte de v a n d a l i s m e d u j o u r précédent. N u l n ' e s t t e n t é d ' e x c u s e r des violences aussi c r i m i nelles, m a i s il est s t r i c t e m e n t v r a i qu'elles ne sont a t t r i buables q u ' à cette p o r t i o n i n c u l t e , grossière de la popul a t i o n que l'on t r o u v e d a n s toutes les villes du m o n d e ; la masse d u peuple n ' y p r i t a u c u n e p a r t , les Autilles elles-mêmes ( n u m é r o d u 10 septembre) disaient, d a n s u n m o m e n t lucide : « On a u r a i t t o r t d'accuser tous les nègres du s o u l è v e m e n t . » L e 20 a u m a t i n , S a i n t - P i e r r e , r e v e n u à u n e t r a n q u i l lité p a r f a i t e , a v a i t r e p r i s ses h a b i t u d e s , si bien q u e le 2 1 , M. M o r a u , le g o u v e r n e u r , n ' h é s i t a pas à i n a u g u r e r le n o u v e a u lycée, cérémonie qui fut c o n s t a m m e n t pleine de g r a v i t é . M. M o r a u , en o u v r a n t le lycée ce j o u r - l à , a a encore bien m é r i t é de la M a r t i n i q u e ; il a m o n t r é que le c a l m e qu'il a v a i t su r é t a b l i r p a r sa sagesse était réel, profond, et q u e t o u t le m o n d e p o u v a i t c o m p t e r s u r l'excellent esprit de la p o p u l a t i o n . Une a u t r e p r e u v e qu'il ne se t r o m p a i t pas, c'est que les élections m u n i c i pales de S a i n t - P i e r r e et les élections législatives qui se firent peu de t e m p s a p r è s , en l'absence de t o u t e force a r m é e , et qui a u r a i e n t pu occasionner quelques t r o u b l e s ,


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si le peuple y e û t été disposé, s'opérèrent d a n s le plus grand ordre. N o u s venons de faire le r é s u m é e x a c t des t r i s t e s événem e n t s des 18 et 19 juillet, n o u s n ' a v o n s r i e n a t t é n u é de ce qu'ils ont de s é r i e u x ; m a i s d ' u n côté, il est indéniable que l'indigne agression de M. L o t a c o n t r e M. H u r a r d en fut la cause originelle, de l ' a u t r e , M. Morau a constaté q u e « les questions de r a c e s y é t a i e n t é t r a n g è r e s . » Eût-on laissé les choses s u i v r e l e u r c o u r s n a t u r e l , le procès des inculpés des 18 et 19 j u i l l e t a u r a i t eu lieu comme u n procès o r d i n a i r e , et n u l l e a g i t a t i o n n e s'en s e r a i t suivie. L e p e t i t g r o u p e des incorrigibles du p r é j u g é de coul e u r n e l'a pas v o u l u . E u x seuls sont responsables de la crise actuelle, e u x seuls se sont s e r v i d u sac de la maison d'un blanc p o u r d i r e que tous les blancs é t a i e n t menacés de mort, p o u r r a v i v e r l'ancien a n t a g o n i s m e de r a c e s q u i t e n d a i t à s'éteindre et p o u r éveiller chez les b l a n c s des c r a i n t e s qui n ' a v a i e n t pas le m o i n d r e fondement. P e n d a n t q u e les a n a r c h i s t e s p o u s s a i e n t l e u r s faux cris de t e r r e u r si i n j u r i e u x p o u r l e u r s a d v e r s a i r e s , ceux-ci l e u r r e n d a i e n t , à la v é r i t é , insultes p o u r insultes, m a i s plus g é n é r a l e m e n t , ils d i s c u t a i e n t a v e c convenance, les a n a r c h i s t e s en o n t fait l'aveu : « N o u s a t t e n d i o n s l ' a p p r é ciation du j o u r n a l les Colonies s u r le r é s u l t a t d u s c r u t i n , c e r t a i n s q u e , d a n s l'ivresse d u t r i o m p h e , ses r é d a c t e u r s p e r d r a i e n t un peu de la r é s e r v e de c o m m a n d e q u e celui q u i , de P a r i s , fait a g i r toutes les ficelles, l e u r impose. » (Les Antilles, 26 octobre.) Que la r é s e r v e soit de comm a n d e ou n o n , t o u j o u r s ce j o u r n a l confesse-t-il ici qu'elle existe. Puisse-t-il t r o u v e r q u e l q u ' u n de P a r i s ou de Chine qui l u i impose la m ê m e bonne t e n u e . Après t o u t , la comédie de la p e u r q u i a été assez bien jouée n e t r o u v e p l u s de dupes ; le bons sens public a bientôt r e m a r q u é q u e le m a s s a c r e , p r ê t à se consommer si la F r a n c e n ' a c c o u r a i t vite a u x appels de secours qu'on lui adressait, é t a i t u n e d é t e s t a b l e fantasmagorie ; le m i n i s t r e , bien renseigné p a r le g o u v e r n e u r , est d e m e u r é


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sourd à ces appels, et l a F r a n c e n ' a pas t a r d é à v o i r qu'on l a t r o m p a i t . Il ne lui a p a s échappé que les colons d'origine e u r o p é e n n e q u e l'on é g o r g e depuis cinq mois se p o r t e n t tous à m e r v e i l l e , et q u e les b a r b a r e s Africains n ' o n t pas t o u c h é à un c h e v e u de la tête des énerg u m è n e s qui l e u r a p p l i q u e n t q u o t i d i e n n e m e n t les anodines épithètes « de b a n d i t s , do v o l e u r s , d'incendiaires, d'assassins et de cannibales i v r e s de tafia. » Les égorgés ne t a r d e r o n t p a s n o n plus à r e c o n n a î t r e que l a g u e r r e qu'ils laissent faire en l e u r n o m l e u r est on ne p e u t plus funeste; il s e r a i t sage qu'ils y missent un t e r m e ; elle ne c o m p r o m e t pas s e u l e m e n t le bien-être m o r a l de la M a r t i n i q u e , elle c o m p r o m e t g r a v e m e n t ses i n t é r ê t s c o m m e r c i a u x . Ceux-là les t r o m p e n t , comme ils ont essayé de t r o m p e r la F r a n c e , q u i i m p u t e n t à la classe de c o u l e u r d'être e n n e m i e de la classe blanche. L a c a m p a g n e e n t r e p r i s e p a r les Antilles est d u t e m p s p e r d u . L e g o u v e r n e m e n t et le P a r l e m e n t n'écouteront j a m a i s des gens assez dévoyés p o u r vouloir m a r c h e r à reculons. Les blancs r a i s o n n a b l e s d e v r a i e n t enfin en v e n i r à l'esprit de conciliation, de r a p p r o c h e m e n t , e t laisser les r é t r o g r a d e s d a n s l'isolement de l e u r s m a u v a i s rêves. « Les bandits, les assassins, les cannibales, » décidés à se m a î t r i s e r , c o u v r e n t ces injures de l e u r d é d a i n ; ils j u g e n t bien qu'elles ont p o u r b u t de les p r o v o q u e r à quelque acte de colère. On n ' y r é u s s i r a pas. Il faut d i r e d'ailleurs, p o u r c e u x q u i ne connaissent pas les colonies, q u e ces b a r b a r e s Africains nègres et m u l â t r e s tous nés à la M a r t i n i q u e , sont F r a n ç a i s p a r la naissance, le l a n g a g e , les m œ u r s , les idées, les s e n t i m e n t s , le p a t r i o t i s m e , et ils le sont plus que l e u r s i n s u l t e u r s p a r la politesse et le républicanisme Ajoutons q u e l'on compte p a r m i e u x a u t a n t d ' h o m m e s a y a n t r e ç u l e u r éducation dans les écoles m é t r o p o l i t a i n e s qu'il y en a p a r m i l e u r s concitoyens de sang européen. Où est donc la b a r b a r i e ? Elle est chez les insensés q u i s è m e n t des h a i n e s de g u e r r e civile en f a i s a n t d'injurieuses distinc-


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tions « de civilisés et d'incivilisés » e n t r e les créoles de différente origine ; les b a r b a r e s , ce sont les enfiellés capables de l i v r e r a u m é p r i s le blanc assez éclairé p o u r m e t t r e sa m a i n dans la m a i n d'un h o m m e de couleur ; les b a r b a r e s , ce sont les r é t r o g r a d e s qui, r e p o u s s a n t le d r o i t c o m m u n , « déplorent l'abrogation des lois d'exception » (les Antilles, 10 septembre), lois q u i consacrer a i e n t l a division e n t r e les d e u x r a c e s de la population en r é t a b l i s s a n t d a n s la F r a n c e d ' o u t r e - m e r le r é g i m e des castes et des privilèges ; les b a r b a r e s , ce sont les a n c i e n s privilégiés q u i se disent, a v e c g r a n d e s l a m e n tations, « sacrifiés, opprimés, t r a i t é s en p a r i a s » p a r c e que, s u r 221 fonctions publiques, ils n ' e n occupent plus q u e 148 ; les b a r b a r s s , ce sont « les a m i s de l ' o r d r e » q u i , r o m p a n t a v e c l a déférence q u e l'on doit, a u moins dans la forme, a u r e p r é s e n t a n t de l a métropole, p r o d i g u e n t au g o u v e r n e u r , M. Allègre, les o u t r a g e s les plus offensants ; les b a r b a r e s , ce sont les c a l o m n i a t e u r s qui é c r i v e n t : « H a i n e a u x blancs, l e u r effacement, l e u r disparition, voici le m o t d ' o r d r e , et c'est M. S c h œ l c h e r q u i l'a dicté » (les Antilles, 22 octobre) ; les b a r b a r e s , ce sont les r é d a c t e u r s des Antilles q u i d é g r a d e n t la p r e s s e m a r t i n i q u a i s e p a r u n langage comme celui qu'on v a lire : « Et tout cela pour satisfaire l'orgueil insensé d'un parvenu sans talent qui, sorti d'un ruisseau, grimpe sur les épaules de vauriens fiers de faire la courte échelle à sa vaniteuse ambition. « Puisqu'il faut absolument endurer l'oppression de cette tourbe, du moins devrait-on être dispensé de la payer. « Nous consentirions encore, tant que nos lâches autorités proégeront de pareils attentats, à fermer nos portes et nos fenêtres tandis que défilent dans nos rues les assassins et les voleurs, les incendiaires armés de torches, les filles publiques ivres de luxure et de vin Mais payez de votre poche ces orgies sans nom, dont vous seuls tirez profit, et qui ne sont pour les honnêtes gens qu'une humiliante mystification. « Donc, faites appel au ban et a. l'arrière-ban de vos sinistres souteneurs ; lancez dans nos rues et sur nos places publiques le grotesque personnel de vos C O U M des miracles ; organisez la danse infernale des sorcières de Macbeth. Dansez kahuras, buvez klavimas, et embrassez de vos impures étreintes prostituées et filles publiques. Donnez aux honnêtes gens opprimés l'odieux spectacle de vos satur-


— 58 — nales criminelles, mais ne leur faites pas payer le tafia qu'ils n'ont pas bu. (Les Antilles, 5 novembre.) »

P e r s o n n e , en l i s a n t de pareilles choses, ne disconv i e n d r a q u e ceux q u i les o n t écrites sont des hommes de m a u v a i s e compagnie et d ' u n e grossièreté r é v o l t a n t e . « H o n n ê t e s g e n s » t a n t qu'ils v o u d r o n t , m a i s gens honnêtes, non.


— 59 VIII. — 29 Décembre Dernier mot sur les troubles de Saint-Pierre. — La Chambre des Députés prononce- que « ce sont les imprudences de M. Lota qui ont amené l'émeute du 1 8 juillet. — Elle déclare que M. Morau et les autorités ont fait leur devoir.— Au Sénat, M. Lareinty demande l'assimilation complète des Colonies à la Métropole.-- Le ministre, M. Rouvier, confirme que les autorités ont bien rempli leur mission. — Il annonce que le Gouvernement e3t décidé à appliquer aux Colonies le principe de l'égalité.

L e 14 d é c e m b r e , la commission do la C h a m b r e des d é p u t é s , c h a r g é e de la vérification des p o u v o i r s de M. H u r a r d , n o m m é d a n s les d e u x circonscriptions de la M a r t i n i q u e , a l'ait son r a p p o r t . N o u s y lisons : « . . . Votre 11" bureau a examiné avec soin les graves accusations portées contre l'élection de la Martinique et dans lesquelles se trouve impliqué le gouvernement de l'île, qui aurait, suivant les protestataires, laissé libre carrière à l'émeute et fait cause commune avec elle. Nous avons entendu M. le docteur Lota, M. Bernard Feyssal, deux des auteurs des protestations, et M. Hurard, et après avoir compulse tous les documents mis à notre disposition, nous croyons que l'élection de M. H u r a r d est bien l'expression de la volonté des électeurs de la Martinique. Certes des excès de polémique ont été commis. Mais nous estimons que ces excès ne sont point particuliers au journal de M. Hurard et que ses adversaires doivent supporter une large part de responsabilité dans les incidents qui ont précédé l'émeute du 18 juillet et qui l'ont provoquée. En effet, ce sont les imprudences du docteur Lota vis-à-vis d'une foule surexcitée, c'est l'agressiou violente dirigée par lui en pleinerue contre M.Hurard, que la population considérait, à tort ou à raison, comme le défenseur de ses droits, qui ont amené l'émeute, le pillage de la maison Lota et les incidents qui ont suivi. « C'est vainement qu'on reproche à ce sujet au gouverneur par intérim, M. Morau, d'avoir fait appel à M. Hurard lui-même pour calmer la foule révoltée et qu'on voit dans ce fait « une abdication « des pouvoirs de l'autorité entre les mains du chef de l'émeute. » Votre 11 bureau apprécie que l'appel du gouverneur à M. Hurard était, en l'état des choses, et dans les termes où il a été adressé, absolument naturel et que l'autorité administrative n'a pu encourir de ce chef auoune responsabilité (1). Les autorités administratives e

(1) L'honorable M. Morau se trouve ainsi justifié par le haut jugement do la commission de la Chambre, des indignes imputation» dirigées contre l u i ; il faut noter que d'ailleurs son télégramme à M. H u r a r d n'était nullement destiné à la publicité.


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et judiciaires ont fait leur devoir... Rien ne démontre, dans les documents qui nous ont été fournis, que M. Hurard puisse être tenu pour responsable dans une mesure quelconque, et de l'attaque de la maison Lota et du pillage qui a suivi... S'il ne s'est produit aucune candidature rivale, si celles qui avaient été annoncées o n t été retirées, c'est qu'elles n'avaient aucune chance de succès en présence de la popularité de M. Hurard, qui est constatée par les protestataires eux-mêmes. Nous n'avons point à rechercher si cette popularité était, comme le prétendent les protestataires, de mauvais aloi : il nous suffit de constater que l'élection de M, H u r a r d est bien le résultat du libre vote de la colonie. En conséquence, votre 11" bureau vous propose de valider l'élection de M. Hurard. »

L a proposition, mise a u x v o i x , a été adoptée, on p e u t d i r e , à l ' u n a n i m i t é , c a r p a s u n m o t d'objection n ' a été prononcé, e t il n e s'est p a s t r o u v é d a n s l a C h a m b r e u n seul m e m b r e p o u r a p p u y e r les p r o t e s t a t i o n s des mécontents I L a r e p r é s e n t a t i o n n a t i o n a l e a ainsi porté le d e r n i e r coup à l ' é c h a f a u d a g e q u e dresse, depuis cinq mois, le j o u r n a l les Antilles s u r le déplorable é v é n e m e n t d u sac de l a m a i s o n d'un homme de race européenne, pour é t a b l i r q u e tous les habitants de race européenne de la Martinique sont en danger de mort. Les incorrigibles p e r t u r b a t e u r s de la ville de S a i n t P i e r r e o n t crié : « Malédiction s u r la C h a m b r e des d é putés de 1880, » coupable d ' a v o i r d o n n é à c h a c u n e d e s g r a n d e s colonies u n second d é p u t é , conformément a u n o m b r e de l e u r population ! (les Antilles, 6 août), ils sont bien capables de crier e n c o r e : Malédiction s u r celle de 1881, t o u t aussi coupable p o u r a v o i r r e c o n n u r é g u l i è r e l'élection de M. H u r a r d ? Ils n ' o n t p a s moins échoué a u S é n a t . Dans sa séance d u 15 d é c e m b r e , M. L a r e i n t y est v e n u , en g a r d a n t u n e r é s e r v e digne d e l a t r i b u n e p a r l e m e n t a i r e , « supplier « M. le m i n i s t r e des colonies d e p r e n d r e les m e s u r e s les « plus n e t t e s e t les plus décisives p o u r r a s s u r e r n o s « c o m p a t r i o t e s m a r t i n i q u a i s , quelle que soit leur « nuance, quelle que soit leur origine. » C'était, i l semble, s'y p r e n d r e u n peu t a r d . Quand on songe q u e , d u r a n t les cinq mois écoulés depuis le 18 juillet, la ville


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de S a i n t - P i e r r e n ' a pas cessé de j o u i r de la plus g r a n d e t r a n q u i l l i t é , comme celle de F o r t - d e - F r a n c e , (1) comme tous les a u t r e s q u a r t i e r s de l'île, où l ' o r d r e n ' a j a m a i s été t r o u b l é , ces cinq mois de p a i x générale g a r a n t i s s e n t q u e personne n ' a besoin d'être r a s s u r é . Dans tous les cas, les Antilles n e s a u r o n t à M. L a r e i n t y a u c u n g r é d'avoir p a r l é de «ses compatriotes quelles q u e soient la n u a n c e de l e u r peau ou l e u r origine. » « J e d e m a n d e », a d i t M. L a r e i n t y , en t e r m i n a n t son discours, « j e d e m a n d e à M. le m i n i s t r e de se s o u v e n i r q u e nous s o m m e s F r a n ç a i s , et de t r a v a i l l e r é n e r g i q u e m e n t à l'assimilation complète des colonies à la m é t r o pole. » F a i s o n s t o u t d'abord r e m a r q u e r q u e s u r ce point, les Antilles, qui p r é t e n d e n t p a r l e r au n o m des créoles blancs, se t r o u v e n t contredites p a r l ' h o n o r a b l e sénat e u r a u q u e l elles ne contesteront pas p e u t - ê t r e sa qualité de créole blanc. Elles é c r i v a i e n t le 20 a o û t : « L e P a r l e m e n t n o u s a assimilés à la métropole au m é p r i s des principes les plus é l é m e n t a i r e s . Il n ' a p a s t e n u compte de nos a n t é c é d e n t s , de nos moeurs, de n o t r e climat, de la diversité des éléments d o n t se compose n o t r e p o p u l a tion et de son d e g r é de civilisation. » Les r é t r o g r a d e s des Antilles a u r o n t , croyons-nous, q u e l q u e peine à p r o u v e r q u e M. L a r e i n t y n ' e n t e n d r i e n « a u x principes les plus é l é m e n t a i r e s , a u x m œ u r s , a u c l i m a t » de son p a y s n a t a l . 11 a m o n t r é , selon nous, a u c o n t r a i r e , l'intelligence la plus claire des i n t é r ê t s m a t é r i e l s et m o r a u x de l a M a r t i n i q u e , en ne faisant p a s de h a i n e u s e s différences de civilisation e n t r e les éléments de sa population (1) Il y a là un fait d'importance à bien noter. La crise soulevée par la levée de bouclier du journal les Antilles est restée confinée à Saint-Pierre, il a eu beau crier que « la classe blanche est menacée » nulle autre part ses clameurs n'ont trouvé d'écho, à Fort-de-France, la capitale de la colonie, la classe blanche n'a jamais rien redouté de « l'élément africain » ni « des scélérats » que mène le j o u r n a l les Colonies. Dans une correspondance locale en date de décembre, M. Fossarieu, ami des Antilles, parle encore de « Fort-de-France, « ville paisible, calme, étrangère à toutes les questions de parti. »


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en v o u l a n t , c o m m e il l'a dit, « q u e les colonies d e v i e n n e n t « de toutes laçons de v r a i s d é p a r t e m e n t s français. » N o u s d i r o n s s e u l e m e n t ici que de « t o u t e façon » est u n e question à e x a m i n e r q u a n d il y a u r a lieu, a u point de v u e des l i m i t e s d u possible. Voyons m a i n t e n a n t quelle réponse lui a faite le m i n i s t r e . Les incorrigibles ne se r é j o u i r o n t pas qu'elle ait été p r o v o q u é e , et ils v o n t , sans doute, j e t e r M. R o u v i e r a u x gémonies, c o m m e ils ont déjà fait de son prédécess e u r , M. l ' a m i r a l Cloué, et de t o u s les fonctionnaires q u i n'ont p a s voulu s e r v i r l e u r s m a u v a i s e s passions. Chaque mot de sa réponse est u n e réfutation de l e u r réquisitoire j o u r n a l i e r contre ce q u i est et doit ê t r e . L e m i n i s t r e a dit : « R i e n n ' a u t o r i s e les c r a i n t e s m a nifestées p a r M. L a r e i n t y . J'ai r e ç u , ce matin encore, u n e dépêche de l'honorable g o u v e r n e u r de la Martinique qui déclare q u e l'ordre le plus parfait r è g n e dans cette colonie. » Ils crient, e u x , q u e les blancs sont j o u r n e l l e m e n t menacés de m o r t p a r des é m e u t i e r s . — L e ministre a dit ; « L'autorité publique a rempli sa mission le 18 juillet. Elle a confié à la j u s t i c e le soin d e r é p r i m e r les é c a r t s commis de part et d'autre. On ne pouvait tenir la balance plus égale ». Ils accusent, e u x , t o u s les j o u r s l'autorité publique d'avoir déserté son d e v o i r ; ils ajoutaient encore r é c e m m e n t : « Nos lâches a u t o r i t é s p r o tègent la tourbe 1 » — Le ministre a dit : « N o u s s o m m e s décidés à assimiler de plus en plus les colonies à la m é t r o pole, à les faire bénéficier de nos institutions, et c'est p a r c e q u e nous a v o n s cette volonté q u e nous maintiendrons inébranlablement la sécurité de tous. » Ils p r o fessent, e u x , q u e « les colonies sont des p a y s d'exception (d'où, p a r p a r e n t h è s e , il suivrait q u e les créoles français sont des F r a n ç a i s d'exception) et ils déplorent qu'on y ait aboli les lois d'exception — L e ministre a dit : « Si n o u s r e c h e r c h o n s les causes de l'état de choses s u r lequel est appelée l'attention du Sénat, n o u s en t r o u v o n s l'explication dans ce fait q u ' a u x colonies on n'est pas encore h a b i t u é c o m m e en F r a n c e à accepter sans p r o t e s t a -


— 63 tion les a r r ê t s du suffrage universel et u n e situation q u i est cependant la base de n o t r e droit public, j e v e u x p a r l e r de l'égalité politique... Je dois déclarer au Sénat que la ferme volonté du gouvernement est de faire respecter aux colonies aussi bien q u e dans la métropole, le principe q u e j ' i n d i q u a i s t o u t à l'heure : celui de l'égalité politique ». Ils soutiennent, e u x , a v e c l e u r politesse habituelle « q u e l'intolérable situation a u milieu de laquelle se débat la M a r t i n i q u e est la conséquence inéluctable de la m o n s t r u e u s e organisation donnée a n x colonies et qu'on croirait sortie de C h a r e n t o n » . (Les Antilles, 18 juin.) Or, cette m o n s t r u e u s e organisation qui a été v o t é e p a r les d e u x C h a m b r e s , elle est précisément fondée s u r le principe m ê m e de l'égalité politique. L e l a n g a g e ferme, d r o i t , h a u t e m e n t libéral, décisif, d u ministre, ne p e u t m a n q u e r d'avoir un r e t e n t i s s e m e n t t r è s s a l u t a i r e à la Martinique, il inspirera confiance a u x bons esprits ; les incorrigibles v o y a n t q u e le g o u v e r n e m e n t a les y e u x bien o u v e r t s et j u g e p o u r ce qu'ils v a l e n t leurs f a u x cris de t e r r e u r , ; c o m p r e n d r o n t p e u t - ê t r e q u e ce qu'ils ont de m i e u x à faire, c'est de d é s a r m e r . Ils n e p e u v e n t se dissimuler que c'en est fait irrévocablement d u r é g i m e d'exception pour les colonies. Quoi qu'il en soit, M. L a r e i n t y s'est m o n t r é satisfait de la réponse de M. R o u v i e r : « J e r e m e r c i e M. le ministre, a-t-il dit, des déclarations « si nettes qu'il vient de faire. Ces déclarations, répétées « dans nos colonies, feront plus q u e t o u t déploiement île « force. Ce sera la force d u droit, la force de la j u s t i c e , « la force de l'égalité. C'est ce q u e nous demandons. » Rien de m i e u x , c'est aussi ce q u e d e m a n d e le j o u r n a l des républicains q u e les Antilles, donnant toujours l'exemple de la modération et de l'urbanité appellent « le j o u r n a l des scélérats ! » C'est de m ê m e ce q u e d e m a n d e n t les h o m m e s d'origine européenne qui fréquentent l e u r s concit o y e n s d'origine africame et q u e les Antilles « vouent au m é p r i s , parce qu'ils ne se tiennent pas dans leur dignité ». (Les Antilles, 20 août.)


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N o u s ne sommes pas s o u v e n t du m ê m e avis que l'honorable M. L a r e i n t y , aussi avons-nous u n double plaisir à e n r e g i s t r e r ses paroles ; elles sont la condamnation directe de la g u e r r e menée p a r les r é d a c t e u r s des Antilles; il est bon qu'ils entendent de sa bouche q u e « les forces morales font plus que le déploiement de la force ». Ces paroles v e n a n t d'un p r o p r i é t a i r e , de sang européen, « ancien délégué de la colonie, c o m m e il l'a rappelé, né à « la Martinique, y a y a n t des intérêts, des p a r e n t s , des « amis », p e u v e n t réveiller les sages et devenir un prog r a m m e de r a p p r o c h e m e n t et de conciliation. Que c e u x qui se sont laissé t r o m p e r p a r les esclaves du préjugé de c o u l e u r abandonnent l'impasse de la politique de résist a n c e , qu'ils ne v e u i l l e n t plus faire bande à p a r t , qu'ils p r e n n n e n t virilement l e u r parti de m a r c h e r au pas du monde m o d e r n e , qu'ils acceptent « la politique du droit, de la justice, de l'égalité », et la M a r t i n i q u e , r e n d u e à la concorde, r e p r e n d r a v i t e le chemin de la prospérité. Après t o u t , on ne p e u t pas plus s u p p r i m e r l'une des d e u x r a c e s q u e l ' a u t r e , elles sont indissolublement liées et destinées p a r la force des choses à v i v r e ensemble ; leur union dans le présent, leur fusion dans l'avenir sont la condition sinequâ non de leur bien ê t r e ; elles ne p e u v e n t passer l e u r existence à se r e g a r d e r l ' a r m e a u b r a s ; on ne fait pas de bonnes affaires l ' a r m e a u b r a s ; il f a u d r a t ô t ou t a r d en finir a v e c le préjugé de couleur, la seule b a r r i è r e qui les sépare, et le plus tôt qu'on eu v i e n d r a là sera le m i e u x d a n s l'intérêt g é n é r a l .


TABLE DES

MATIÈRES

I. — 12 AOUT. P r é t e n d u e d e m a n d e d ' é t a t d e s i è g e p a r la p o p u l a t i o n e u r o p é e n n e , p a g e G. — C e t t e d e m a n d e est u n e i n s u l t e p o u r la p o p u l a t i o n n o n e u r o p é e n n e , p a g e G. — Vieille t a c t i q u e p o u r f o m e n t e r la d i v i s i o n e n t r e la classe b l a n c h e e t la classe d e c o u l e u r , p a g e 6. — L e s d e u x c l a s s e s s o n t i n d i s p e n s a b l e s l ' u n e à l ' a u t r e , page 7 . — L a F r a n c e n e v o i t d a n s les c r é o l e s , q u e l l e q u e soit l e u r o r i g i n e , q u e des F r a n ç a i s t o u s é g a u x , page 7.

II. —

27

SEPTEMBRE.

E x p l o i t a t i o n d u s a c d e la m a i s o n L o t a , p a g e 8. — A c c u s a t i o n s c o n t r e M. S c h œ l c h e r , p a g e 9. — M. S c h œ l c h e r , m i n i s i r e p e r p é t u e l des c o l o n i e s , p a g e 11. — T o u s les m i n i s t r e s a b d i q u e n t l e u r p o u v o i r e n t r e s e s m a i n s , p a g e 11. — C ' e s t p a r son o r d r e q u e le P a r l e m e n t a d o t e les c o l o n i e s d e la r e p r é s e n t a t i o n d i r e c t e et v o t é l e u r a s s i m i l a t i o n à la M é t r o p o l e , p a g e 1 1 . — M i n o r i t é f a c t i e u s e et t u r b u l e n t e , p a g e 12. — L e s r é d a c t e u r s d e s Antilles n ' a g i s s e n t p a s en g e n s d ' h o n n e u r , p a g e 14. — D é c o u v e r t e d u p a r t i des s é p a r a t i s t e s , p a g e 16. III.

16

OCTOBRE.

M. A l l è g r e m a n q u e d e d i g n i t é e t v e u t faire d u b r u i t , p a g e 1 7 . — Massacre prochain placardé s u r les m u r s de S a i n t - P i e r r e où s e p r é p a r e u n e n o u v e l l e S a i n t B a r t h é l e m y ? p a g e 18. — Où est l ' e n n e m i ? p a g e 19. — E x c i t a t i o n à la d i v i s i o n e n t r e l e s d e u x c l a s s e s d e c o u l e u r , p a g e 20. — L e s b l a n c s q u i f r é q u e n t e n t la s o c i é t é d e c o u l e u r l i v r é s au m é p r i s d e l e u r


— 66 — classe, p a g e 2 1 . — S u b s t i t u t i o n , p a g e 2 2 . — L e s b l a n e s é l u s p a r l e suffrage u n i v e r s e l d o n n e n t l e u r d é m i s s i o n , p a g e 2 3 . — L e s b l a n c s o c c u p e n t e n c o r e en g r a n d e m a j o r i t é l e s fonctions rétribuées, p a g e 2 3 . — Puissent-ils r e n t r e r dans la v i e publique, page 24. — Participation des incorrigibles a u x élections municipales de Saint-Pierre, page 25. — Liste n o m i n a t i v e d e s h o m m e s de couleur et des blancs dans le service judiciaire, page 26. IV.

— 29

OCTOBRE.

Polémique h o n n ê t e et m o d é r é e , page 28. — Toutes les a u t o r i t é s l i g u é e s c o n t r e l a classe b l a n c h e , p a g e 2 8 . — Malédiction à la C h a m b r e d e s d é p u t é s , p a g e 2 9 . — T o u t e s l e s autorités liguées contre les blancs, page 30. — Style des incorrigibles, page 31. — Les hordes sauvages criant mort a u x b l a n c s s o n t c o m p o s é e s d e l'élite d e l a p o p u l a t i o n d e c o u leur, page 32. — L a population noire reconnue douce et bonne, page 33. — L e s sang-mêlés auraient tout à p e r d r e au d é s o r d r e , p a g e 3 5 .

V.

13

NOVEMBRE.

M. A l l è g r e i n c r i m i n é p o u r s ' ê t r e m o n t r é en p u b l i c a v e c M. H u r a r d , p a g e 36. — N o t e s u r le chef d e la p r o s c r i p t i o n d e la classe b l a n c h e , p a g e 3 7 . — L e s h o m m e s q u i o n t c o n q u i s l ' e s t i m e d e t o u t le m o n d e se d é c l a r e n t s o l i d a i r e s d e M . H u r a r d , p a g e 38. — M. A l l è g r e r e ç o i t d a n s l e s s a l o n s d u g o u v e r n e m e n t d e s bandes avinées q u i c r i e n t dans les rues : M o r t a u x b l a n c s , p a g e 39. — L e c r i d e m o r t a u x b l a n c s , p a g e 40. — M. A l l è g r e a o u t r a g é la c l a s s e b l a n c h e , p a g e 40. — On n e lui épargne aucun g e n r e d'insultes, page 4 1 . — Il s a u r a e m p ê c h e r le d é s o r d r e , d e q u e l q u e p a r t qu'il v i e n n e , page 42. — L e s C h a m b r e s o n t voté p o u r les colonies u n e organisation qu'on croirait sortie de Charenton, page 43. — L a population d e la Martinique composée de d e u x races différentes e n c i v i l i s a t i o n , p a g e 44. VI.

— 22 N O V E M B R E .

Note d u m i n i s t è r e a u Journal Officiel, d é m e n t a n t l e b r u i t d e s d a n g e r s q u i m e n a ç a i e n t la c l a s s e b l a n c h e , p a g e 4 5 . — L e


67

-

c r é d i t d e la M a r t i n i q u e c o m p r o m i s .sur le m a r c h é d e la m é t r o p o l e , p a g e 46. — M. H u r a r d e t M. L o t a , d ' a p r è s l ' a c t e m ê m e d ' a c c u s a t i o n des i n c u l p é s d u s a c d e la m a i s o n L o t a , p a g e 46. — L ' a m i r a l C l o u é , m i n i s t r e , i n a u g u r e l ' è r e d e la d i s c o r d e e t d e l ' é m e u t e , p a g e 49. — L a c l a s s e d e c o u l e u r n ' a a u c u n e r a i s o n d e h a i r la c l a s s e b l a n c h e , p a g e 50. — 6,000 b l a n c s l i v r é s s a n s p r o t e c t i o n à 120,000 s a u v a g e s a f r i c a i n s , p a g e 50. — L e s i n c o r r i g i b l e s de 1849 i m p u t a i e n t à l ' a m i r a l B r u a t un o u t r a g e a u x m œ u r s , p a g e 52.

VII

— 8 DÉCEMBRE

J u s q u ' a u 18 j u i l l e t la ville d e S a i n t - P i e r r e é t a i t en p a i x , p a g e 53. — E m e u t e C o d e t , p a g e 54. — C e s o n t l e s i n c o r r i g i b l e s qui, en e x p l o i t a n t l e s é m e u t e s d u 18 e t d u 19 j u i l l e t , o n t p r o v o q u é e t e n t r e t e n u la c r i s e q u i a s u i v i , p a g e 55. — L a c o m é d i e de la pour, page 53. — Les blancs égorgés se portent à m e r v e i l l e , p a g e 56. — Q u e l s s o n t les b a r b a r e s ? p a g e 56. — L e s i n c o r r i g i b l e s d e m a n d e n t d e s lois d ' e x c e p t i o n , p a g e 57. — N o u v e a u s p é c i m e n d e la g r o s s i è r e t é d u s t y l e d e s i n c o r r i g i b l e s , p a g e 37.

VIII. -

29

DÉCEMBRE.

D e r n i e r m o t s u r les t r o u b l e s d e S a i n t - P i e r r e , p a g e 39. — L a C h a m b r e d e s d é p u t é s p r o n o n c e q u e « c e s o n t les i m p r u d e n c e s d e M. L o t a q u i o n t a m e n é l ' é m e u t e d u 18 j u i l l e t , p a g e 59. — Elle d é c l a r e q u e M. M o r e a u a fait son d e v o i r , p a g e 59. — A u S é n a t , M. L a r e i n t y d e m a n d e l ' a s s i m i l a t i o n c o m p l è t e d e s c o l o n i e s à la m é t r o p o l e , p a g e 59. — L e m i n i s t r e , M. B o u v i e r , c o n f i r m e q u e l e s a u t o r i t é s o n t b i e n r e m p l i l e u r m i s s i o n , p a g e 6 2 . — Il a n n o n c e q u e le G o u v e r n e m e n t e s t d é c i d é à a p p l i q u e r a u x c o l o n i e s le p r i n c i p e de l'égalité, p a g e 6 3 .

Paris — Imp. Wattier et Ce, 4, rue des Déchargeurs




PARIS. — IMPRIMERIE WATTIER ET Ce, 4, RUE DES DECHARGEURS


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