Collection des constitutions, chartes et lois fondamentales des peuples de l'Europe...Tome III

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COLLECTION SES

CONSTITUTIONS, CHARTES ET LOIS FONDAMENTALES DES PEUPLES DE L'EUROPE ET DES DEUX AMÉRIQUES ; AVEC DES

PRÉCIS

OFFRANT L'HISTOIRE DES LIBERTES ET DES INSTITUTIONS POLITIQUES CHEZ

LES

NATIONS

MODERNES,

UNE TABLE ALPHABÉTIQUE RAISONNÉE DES MATIÈRES ET

UN SUPPLÉMENT.

PAR MM. DUFAU, J. B. DUVERGIER ET J. GUADET, AVOCATS A LA COUR ROYALE DE PARIS.

- Fais vivre tes sujets en paix, et maintiens leurs franchises et « libertés; étant plus raisonnable que celui qui veut être obéi, « sache jusqu où se peut et doit s'étendre son commandement; et « les sceptres nous étant mis en mains pour la manutention des « lois. »

Paroles de Saint Louis à son fils.

TOME TROISIEME.

PARIS CHEZ

LES

LIBRAIRES

PORQUET,

DUTOT,

CRETAINE,

Quai Voltaire, 1.

Place du Musée.

Rue de Seine, 2.

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A. CAILLAD. Libraire & Papetier,

Rue du Palais, N° 28. à la Rochelle.

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COLLECTION DES

CONSTITUTIONS, CHARTES ET LOIS FONDAMENTALES DES PEUPLES DE L'EUROPE ET DES DEUX AMÉRIQUES.

TOME III.

MANIOC.org Médiathèque Michel-Crépeau

Communauté d'agglomération de La Rochelle


Cette Collection de Constitutions,5 volumes in-8°, prix 40 fr,, se trouve : Chez les libraires des principales villes de France : Et à Aix-la-Chapelle , chez Lamelle, libraire. Amsterdam, chez Delachaux; — Dufonr, libraires. Bologne (Italie) , chez B. Guidotti ; — D. Gnudi, libraires. —— Breslau, chez T. Korn, libraire. Bruxelles, chez Lecharlier ; — Demat, libraires. Florence, chez Vieusseux, libraire. Gand, chez Van de Kerckhove fils; ■— Debuscher, libraires. , Genève, chez Paschoud , libraire. —— Leipsick, et pour toute l'Allemagne, chez Zirgès, libraire. — Liège, chez madame Collardin , libraire. Livourne, chez G. Mazi , libraire. Londres, chez M; Bossange et Ce ; — Duleau et Ce , libraires, Manheim, chez Artaria et Fontaine, libraires. ■ —— Mons, chez Leroux, libraire. —..— Madrid, chez Delance ; — Denné , libraires. Milan, chez Giegler ; — Bocca , libraires. —— Naples, chez Marotta et Wanspandoch ; — Borel, libraires, Varsovie, chez Glucksberg, libraire.

IMPRIMERIE DE J.-L. CHANSON,

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COLLECTION DES

CONSTITUTIONS, CHARTES ET LOIS FONDAMENTALES DES PEUPLES DE L'EUROPE,ET DES DEUX AMÉRIQUES; AVEC DES PRÉCIS

Offrant l'Histoire des Libertés et des Institutions politiques chez les nations modernes;

Et une

TABLE

alphabétique raisonnée des matières ; PAR

MM. P.-A. DUFAU; J.-B. DUVERGIER

ET

J. GUADET,

Avocats à la Cour royale de Paris. « Fais vivre tes sujets en paix ,et maintiens leurs franchises et « libertés ; étant plus raisonnable que celui qui veut être obéi, » sache jusqu'où se peut et doit s'étendre son commandement ; et » les sceptres nous étant; mis en mains pour la manutention des lois. » Paroles de Saint-Louis à son fils,

TOME III.

A PARIS, CHEZ BÉCHET AINÉ, LIBRAIRE-ÉDITEUR, QUAI

DES ET

AUGUSTINS, N°

;

A ROUEN,

MEME MAISON DE COMMERCE, RUE GRAND-PONT, N° 73.

182O.

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COLLECTION DES

CONSTITUTIONS, CHARTES ET LOIS FONDAMENTALES DES PEUPLES DE L'EUROPE ET DES DEUX AMERIQUES.

PAYS-BAS.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE

DES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS.

L'HISTOIRE de cette vaste enclave de la Gaule et de la Germanie, qu'on désigne ordinairement sous le nom de PaysBas, est d'un grand intérêts sous plusieurs points de vue. On y suit mieux qu'ailleurs le développement progressif de ces antiques libertés de l'Europe, qui naquirent sous les tentes des Germains. On y voit quelques pêcheurs fonder un État qui devait, moins d'un siècle après, renverser l'Empire commercial de Philippe II, ethumilier les armes de Louis XIV. Il semble qu'on trouve réunis dans ce coin du monde, les plus grands résultats que puissent opérer les forces morales et industrielles de l'homme. Nous suivrons dans cette nouvelle esquisse le plan que nous nous sommes tracé, et nous tâcherons de mériter de TOME III.

I


PRECIS M L'HISTOIRE 2 nouveaux éloges en offrant sur les Pays-Bas un tableau politique, où les faits soient suffisamment approfondis, quoiqu'exposés avec précision. Ce tableau se trouve de sa nature divisé en trois parties : La première doit présenter l'existence politique de toutes les provinces anciennement connues sous les dénominations diverses de Pays-Bas, Basse-Allemagne, et cercle de Bourgogne, depuis les premiers temps, jusqu'à l'époque de l' affranchissement de sept de ces provinces, c'est-à-dire jusqu'à la création de la république de Hollande. Dans la deuxième, nous continuerons l'histoire des provinces maintenues sous la domination espagnole, jusqu'au traité qui les a détachées de la France pour en faire une des portions principales d'un royaume des Pays-Bas. Nous présenterons dans la troisième, les vicissitudes mémorables de la république depuis son origine jusqu'à l'époque où son territoire est pareillement devenu partie intégrante de la monarchie, placée par les rois confédérés sous le sceptre des descendans de Guillaume le Taciturne,

PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE PREMIER. .

Jusqu'à la Maison de Bourgogne. Les peuples qui habitaient les rivages de l'Océan, entre les bouches du Rhin et de l'Ems, sont compris par les anciens, les uns parmi les tribus germaniques, les autres entre les nations gauloises. Aussi les faits que les livres des Romains nous ont transmis sur la condition ne ces deux grandes familles de la race celtique, forment-ils en même temps l'histoire générale des anciens habitans des Pays-Bas; il n'y a que quelques traits à ajouter au tableau. C'était la partie méridionale qu'on comprenait dans la


DES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS.

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Gaule. Là se trouvaient les Belges, dont Jules-César a dit: horum omnium fortissimisunt Belgœ (1), et qu'il eut tant de peine à soumettre au joug de sa république ou de son empire. Au-dessus étaient les Bataves, que ce grand capitaine aima mieux dès-lors avoir pour alliés que pour ennemis. Ils habitaient une portion de ce qu'on nomme aujourd'hui Hollande. Ainsi donc, au berceau même de ces peuples, on trouve établie cette distinction que la nature avait marquée quand elle avait donné aux uns , un des plus beaux sols de l'Europe, aux autres, quelques lambeaux de terre qu'il faudrait sans cesse disputer à 1'Océan. La nature semblait ainsi avoir décidé que, de ces deux portions, l'une serait naturellement riche et soumise , l'autre essentiellement industrieuse et libre. Les Bataves devinrent donc alliés des Romains , et il ne paraît pas , quoiqu'on dise l'historien Florus , que César ait dépassé leurs frontières. Braves et fidèles, ils méritèrent d'être introduits par Auguste dans les cohortes romaines. Les écrivains de cette époque ont donné à quelques-uns de leurs chefs le titre de rois. Dès-lors sans doute ils parcouraient dans des barques, ces canaux naturels qui coupaient leur territoire, et l'on peut croire que cette navigation intérieure leur donnait déjà quelque importance. Les Romains fortifièrent plusieurs points sur leurs frontières du côté de la Gaule, pour contenir l'ardeur naturelle des Bataves. Caligula bâtit une tour près de Gatwik, pour rester maître des embouchures du Rhin. Britten et d'autres places furent élevées dans le même but: les Bataves n'en concevaient point d'ombrages; ils faisaient un commerce actif avec ces places. Les troubles violents qui agitèrent les Gaules à la mort de Néron ne laissèrent point, les Bataves inactifs. Un chef (1) Commentaire, liv. I. 2.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

nommé Civilis, voulut profiter de la situation où se trouvait l'empire , pour affranchir le pays d'un tribut d'hommes auquel il s'etait précédemment soumis. On prend les armes à sa voix; les frontières romaines sont franchies, et les Gaulois du Nord invités à lever l'étendard de la révolte. Les chefs se rangent en foule auprès du guerrier batave, plusieurs postes romains sont enlevés ; et l'on croit voir renaître les temps des Vercingetorix et des Sacrovir. La fortune favorisa d'abord les confédérés: ils firent des progrès dans la Gaule; mais la plupart des nouveaux compagnons de Civilis , ne tardèrent pas à se dégoûter de la guerre et à rentrer dans les bornes de la soumission. Après avoir lutté quelque temps encore, avec des succès balancés, contre un général de Yespasien, il se détermina lui-même à la paix , et la conclut. Les Bataves reconnurent donc l'empereur et rentrèrent dans leur île; Civilis déposant le glaive , vécut dès-lors et mourut inaperçu entre ses compatriotes. Trois siècles plus tard, il eût été sans doute le fondateur de quelque puissant état. L'histoire des Pays-Bas est maintenant pendant un long intervalle, couverte de voiles qu'il serait non moins inutile que fatiguant de vouloir soulever. Les noms des principaux peuples qui y habitaient, ne sont plus prononcés par les historiens que de temps à autre, et seulement comme fournissant de bons soldats aux milices romaines (1). On les voit aussi soutenir diverses luttes contre ces tribus franiques, dont l'inquiète audace fatiguait la tactique romaine: fils les repoussaient et en étaient repoussés tour-à-tour. Peu de détails, au reste, sur l'état de civilisation. Le christiame s'introduisait lentement; les institutions romaines •ait pu s'établir que sur quelques points, et l'industrie it d'être anéantie à son aurore, par ces légions de brigands nfestaient les rivages des fleuves. g Tableau de l'Histoire générale des Provinces-Unies,


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On voit les Bataves et les Frisons confondus vers le quatrième siècle; quelques historiens ont nommé rois les chefs qui ies gouvernaient alors, mais c'étaient des rois dont le sceptre se courbait devant l'épée d'un lieutenant du prétoire; et ceux de leurs noms barbares qui nous sont parvenus,.ne méritent pas d'être rappelles. Il faut croire que la plus grande partie des provinces belgiques se trouvèrent soumises aux Francs, lors de l'établissement solide de ceux-ci dans la Gaule, et c'est ce que divers passages des plus anciennes annales semblent confirmer; mais ces peuples cherchèrent à s'affranchir pendant les guerres qui suivirent les partages de la monarchie. Charles-Martel et ses successeurs les battirent plusieurs lois. Charlemagne les soumit enfin définitivement à son vaste empire. Il divisa le pays en un certain nombre de cantons, à chacun desquels il préposa un Comte (1) ; ces comtes étaient subordonnés à un duc,et amovibles comme lui. Ce duché de Frise, ducatun Frisiœ, ainsi le nomment les anciens annalistes, s étendait jusqu'à la Meuse. L'autre partie des provinces belgiques avait été comprise, dès les premiers temps dans le royaume d'Austrasie. Toutes deux subirent après Charlemagne la destinée commune : d'amovibles, ies délégués de la couronne devinrent partout inamovibles et héréditaires. Dans la Frise, le duc disparut entre les troubles où la faiblesse des monarques et l'ambition de leurs officiers jettèrent alors l'empire. Les comtes devinrent des souverains dont le nombre fut successivement réduit par des guerres ou par des alliances. Il n'y en eut enfin qu'un seul, et cela eut lieu, suivant les auteurs les plus accrédités, vers la fin du neuvième siècle, époque marquée aussi par une grande révolution physique dans ces contrées; au reste le titre de comte de Hollande paraît pour la première fois dans un diplôme donné par l'empereur Henri IV, en 1064 ; et c'est par anticipation que quelques écrivains ont ainsi désigné ces seigneurs de la (1) D. Bouquet , tom. V.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

Frise institués deux siècles avant ; le mot Hollande signifiait terre-basse ou marécageuse, et il ne fut d'abord que celui d'un petit canton. Mais ce pays s'offrait dès-lors sous un aspect fort remarquable : la féodalité n'y avait pas pris les caractères qu'elle présentait partout ailleurs; dès les premiers temps les comtes avaient reconnu qu'on ne pouvait gouverner ce peuple qu'avec justice et modération. Son humeur indépendante menaçait trop souvent leur faible puissance pour qu'ils osassent en abuser. Il arriva delà que les premières chartes et concessions du pouvoir, furent fécondes en résultats pour la masse de la nation. Elle prit rang dans la communauté, ses vœux durent-être entendus; ses droits durent-être représentés; c'est-à-dire que le parlement féodal (1) du souverain , composé primitivement de la noblesse et du clergé, se trouva changé dès les premiers temps en assemblée d'états par la présence de députés du peuple. L'origine de ces assemblées est ,en effet, fortancienne dans la Frise comme dans les autres provinces, et leur influence sur ies affaires publiques est signalée par un grand nombre de pièces. On voit en 1203, pour ne citer que ce seul trait, une comtesse de Frise ou de Hollande , douzième souveraine de ce pays , détrônée pour s'être mariée sans le consentement des états. Les princes célébraient ordinairement leur avenement par des privilèges qu'ils accordaient aux villes, et la moindre atteinte qu'ils y portaient ensuite, devenait la source de longues dissentions. Chaque année en ajoutant aux développemens du commerce et de l'industrie, surtout dans les provinces méridionales, ajoutait aussi à l'énergie nationale, car si, dans l'état social, les richesses avilissent quelquefois les hautes classes, il n'est certainement pas de plus sûr auxiliaire de la tyrannie, que les misères du peuple. Il faut voir aussi que la noblesse intermédiaire était beau(1) Voyez

Précis historique de la France (

Parlement).


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7 coup moins nombreuse, et n'avait jamais eu l'influence dont elle jouissait encore dans la plupart des contrées de l'Europe. Là, les barons étaient sous une foule de rapports assimilés aux autres sujets du suzerain, et les terres s'étaient presqu'en totalité maintenues en franc-alleux. On peut trouver dans l'histoire la raison de cet état politique. Les habitans de ces provinces avaient en effet conservé long-temps, comme on l'a vu , leur antique existence ; ils avaient fait une guerre opiniâtre aux tribus germaniques qui voulaient occuper leur sol. On peut donc penser qu'ils n'avaient subi que fort peu de mélange jusqu'à la grande révolution qui renversa l'empire romain. Quand cette révolution fut accomplie, quand la digue opposée aux Barbares fut franchie, tout fut soumis, les peuples des Pays-Bas comme ceux de la Gaule. Mais il arriva alors que le torrent dévastateur suivit les voies qui lui avaient été précédemment ouvertes , et se lança tout entier vers les parties australes et méridionales de la Gaule. C'était, en effet, dans ces contrées, si long-temps protégées contre leurs aggressions par les Romains , que les Barbares brûlaient d'assouvir leur soif de pillage et de destruction. Là donc se porta presque toute l'action de la conquête. Les contrées voisines de l'Océan, et dont l'accès, surtout vers le Nord, était plus difficile, se trouvèrent ainsi moins exposées; il s'y établit une quantité moins considérable des vainqueurs; c'est-à-dire que les effets de la victoire n'y furent pas tout-à-fait aussi sensibles, et par suite, que les antiques habitudes d'indépendance purent dès les premiers temps s'y manifester avec un peu plus d'énergie qu'ailleurs, et mettre quelques bornes à l'autorité exercée par les comtes au nom des rois ou des empereurs Francs. Ainsi donc, tandis qu'en Angleterre les communes et la noblesse se réunissaient contre la couronne pour fonder la liberté; qu'en France, au contraire, la couronne et les com-


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE.

inunes luttaient de concert contre l'aristocratie; que l'Allemagne subissait toutes les conséquences de la féodalité et voyait les feudataires de tous les degrés , s arracher les fractions de, son sol et les lambeaux de sa couronne, un petit coin de terre donnait un grand exemple : les communes plus éclairées, plus industrieuses, plus énergiques entraient seules dans la lice avec la chevalerie; fondaient et maintenaient leurs droits, et préparaient une révolution qui devait exercer une haute influence sur les destinées de l'Europe. Tels sont les aspects divers sous lesquels se présente l'histoire à l'époque du régime féodal ; aspects trop peu médités sans doute par les écrivains modernes, et que nous ne pouvons qu'indiquer simplement dans cette esquisse. On n'entreprendra pas ici de tracer l'histoire de ces divers comtés, jusqu'à l'époque où ils tombèrent tous successivement sous le joug d'une maison puissante. Ce serait une énumération fastidieuse de princes, dont plusieurs , à la vérité, ont reçu de leurs contemporains, les titres de grand et de magnanime; mais sur l'existence desquels la postérité n'en a pas moins jeté le voile de l'oubli. Le seul comté de Hollande compte vingt-six souverains dans un espace de cinq siècles, depuis les premiers dont on connaisse d'une manière un peu claire l'institution, jusqu'à cette comtesse Jacqueline, qui fut obligée de livrer sa souveraineté au duc de Bourgogne. Au reste, l'histoire n'offre ici, quoique dans un cadre moins vaste, que ce qu'elle offrait alors partout: des guerres sanglantes pour la possession ou la suzeraineté de quelques 1 alliages, oes rivalités funestes entre les grands, des calamités déplorables souffertes par les peuples, des fables absurdes sans cesse répétées par les anciens écrivains, telles par exemple, que celle qui est relative à une certaine comtesse , laquelle enfanta d'une seule portée , le jour des palmes, trois cent soixante-cinq enfans, lesquels furent tous baptisés flans deux bassins de cuivre; ( qu'on montre encore , dit-on ,


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dans l'églige de Losdunen , près de La Haye), pour avoir refusé avec dureté l'aumône à une vieille femme (1). Voilà quelle est l'ancienne histoire de ces provinces. Passons à l'exposé plus intéressant de leur réunion. CHAPITRE II.

Jusqu'à Charles V. C'est ce qu'on appelle l'histoire de Bourgogne, que nous avons à tracer dans ce chapitre, et nous nous efforcerons d'autant plus de l'exposer avec clarté, qu'il y a sans doute , pour le plus grand nombre des lecteurs , quelque confusion dans ces diverses dynasties de rois, comtes ou ducs de Bourgogne , dont l'histoire nationale fait si souvent mention. C'est là le motif qui nous fait reprendre un peu plus haut, qu'il ne serait absolument nécessaire. Les Bourguignons, nation d'origine germanique, habitaient vers les bords du Rhin , à l'époque de la grande révolution qui changea la face du monde civilisé. Le christianisme prospérait parmi les hordes qui composaient ce peuple. On est fondé à croire que leur caractère était en général, un peu moins farouche que celui des autres nations voisines. On était depuis long-temps dans l'usage d'armer les Barbares entre eux, et de se servir des uns pour détruire les autres. C'était une pratique sans danger dans des temps de prospérité, où ces auxiliaires ne pouvaient être que d'aveugles instrumens d'une force supérieure : mais sous des princes faibles et divisés , ils devaient contribuer à la chute de l'empire. C'est ce qui eut lieu lorsque le perfide Stilicon appela les Bourguignons dans la Gaule , au commencement du cinquième siècle. Il reçut , l'année sui(1) Histoire des comté» de Hollande, in-;8. La Haye, 1664.


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PRÉCIS DE LHISTOIRE

vante, sur l'échafaud , le prix de sa trahison ; mais les Bouguignons , qui s'étaient répandus à sa voix dans tout l'est de la Gaule, s'y maintinrent malgré tous les efforts de ses successeurs. Ainsi fut fondé le royaume de Bourgogne. Gondicaire, simple chef des Bourguignons , quand ils avaient passé le Rhin en 407, fut proclamé roi en 413 ou 414. Ce royaume embrassa dans sa plus grande étendue , la Bourgogne moderne, la Suisse presqu'entière, la Savoie, le Dauphiné et une partie de la Provence. La race du fondateur régna 120 ans. Elle s'éteignit alors, et le royaume devint la proie de ces monarques france ; qui se disputaient sans cesse, le glaive à la main, les misérables portions de la Gaule, qui leur étaient dévolues en partage. Il y eut néanmoins un interrègne de vingt-sept ans, depuis la mort du dernier monarque jusqu'à Gontran, premier souverain de la race de Clovis ; puis après le troisième monarque de cette race, le royaume devint en quelque sorte une annexe de celui de France, tantôt divisée , tantôt possédée intégralement. Le titre même de cette royauté se perdit entre les divers partages que subit le territoire, et d'autres le remplacèrent. En 855 , Lothaire fils du faible empereur qui succéda à Charlemagne, ayant partagé ses états entre ses trois fils, Charles, le troisième, eut la plus grande partie de l'ancien royaume de Bourgogne, sous le titre de royaume de Provence. une autre fraction peu considérable, et qui s'étendait vers la Suisse, forma en 888, pendant les troubles excités par la déposition de Charles-le-Gros, le royaume de la Bourgogne transjurane. La réunion de ces deux états en composa un nouveau qu'on appella royaume d'Arles. Rodolphe, deuxième roi de la Bourgogne transjurane, fut en 933 le premier roi d'Arles. Telles étaient à peu.près partout les couronnes dans ces siècles malheureux: posées sur le front des chefs les plus vaillans, par la main tremblante des évêques, elles suivaient les chances de la fortune. La violence renversait toujours


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l'œuvre de la violence; et l'huile sainte ne garantissait pas toujours du glaive. Il faut dire néanmoins qu'on aperçoit toujours, dans la courte existence de ces états, des traces de ce principe respecté en France sous les deux premières races, et que Montesquieu nous paraît avoir établi, le premier, d'une manière formelle. La couronne était à la fois héréditaire et élective, c'est-à-dire qu'on élisait le monarque, mais qu'il devait être élu dans la dynastie régnante; et il y a là sans doute une combinaison , fort remarquable pour ces âges, du principe d'hérédité, qui est une nécessité de la Monarchie à laquelle ces peuples avaient cru devoir se soumettre et du droit d'élection , qui était une conséquence naturelle, de la liberté absolue dont ils avaient joui long-temps. Un siècle s'était à peine écoulé, que déjà il s'était formé, au sein même du royaume d'Arles, plusieurs souverainetés héréditaires sous la simple mouvance de l'empire; le nombre en augmenta tellement dans la suite, que cet état se trouva réduit enfin à un vain titre dont les empereurs décoraient leur majesté.Voici comment s'effectua ce démembrement: la plupart des prélats, soit par commission des monarques, soit par abus introduits à la faveur des troubles, se trouvèrent successivement investis des droits régaliens dans la ville de leur résidence. C'est de là que l'archevêque de Lyon tira son titre d'Exarque, ainsi que l'archevêque de Besançon et d'autres évêques de France ou de Suisse, ceux de princes ou de comtes de l'empire. Les princes qui portaient le titre de rois d'Arles, ne conservèrent pas même la souveraineté sur les débris de leur monarchie; quelques portions furent incorporées à la couronne de France. Une autre partie adhéra aux ligues de 1' Helvétie, le reste, composé de la Savoie, du comté de Montbeillard, et de l'evêché de Bâle fut admis au rang des états de l'empire (1). Devenons maintenant à une portion de cet antique (1) Pseffel, etc.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

royaume de Bourgogne, plus anciennement démembrée. Depuis le partage fameux que les fils de Louis-le-Débonnaire tirent entre eux , en 843, la partie du royaume de Bourgogne, située en deçà du Rhône et de la Saône , et qui fut réunie à la France comme portion des états de Charles , n'en tut plus distraite. Elle resta donc sous la couronne de France, avec titre de Duché de Bourgogne : les rois la cédérent d'abord comme fief à des princes de leur maison , puis simplement ensuite comme apanages reversibles à la couronne , à défaut de postérité directe. Le duché de Bourgogne fut donné par les monarques à divers princes , depuis un Richard-le-Justicier, le premier que l'histoire fasse connaître , et qui vivait à la fin du neuvième siècle. Mais Robert 1er, dit le Vieux, fils de Robert, roi de France, fut en 1032 le chef d'une race qui posséda ce fief héréditairement. Il n'avait été jusque là en quelque sorte qu'un bénéfice conféré aux princes de la maison royale. Ce Robert fut la souche de ce qu'on appelle la première race des ducs de Bourgogne. Le duc Eudes IV hérita, en 1330, par sa mère , du comté d'Artois et du comté de Bourgogne ; c'était à-peu-près l'ancienne Séquannaise ou la FrancheComté, c'est-à-dire un autre démembrement du royaume d'Arles. Les ducs de Bourgogne étaient donc encore à cette époque comtes d'Artois et de Bourgogne; on voit que leur puissance s'accroissait. Nous allons lui voir prendre de nouveaux développemens. Philippe Ier, dit de Rouvre, du lieu de sa naissance, succéda en 1550 à son aïeul Eudes IV, dont on vient de parler. La mère de ce prince était épouse du roi de France Jean , lequel dirigea le duché pendant la minorité de Philippe. A peine âgé de douze ans, il fut marié à l'héritière du comté de Flandre, et déclaré majeur à quinze ans ; mais il mourut peu de temps après sans postérité. Jean, roi de France, lui succéda dans le duché de Bourgogne. Les lettres


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patentes de réunion du duché à la couronne sont, de 1361. Philippe II , dit le Hardi, quatrième fils du roi Jean , fut la tige de la seconde race des ducs de Bourgogne. Ce fut en 1363 qu'il fut créé duc et souverain de cet état, à la demande de la noblesse et du peuple. Il fut en même temps déclaré premier pair du royaume , titre qui appartenait auparavant au duc de Normandie. Ayant épousé l'héritière de Flandre, fille de Louis de Mâle, dernier comte de Flandre, et veuve du jeune Philippe de Rouvre , dernier duc de Bourgogne de la première race, Philippe-le-Hardi ajouta ainsi à son état les comtés de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, de Réthel et de Nevers. Ce fut alors un des plus puis* sans princes de l'Europe, et l'on put prévoir jusqu'où devaient aller les prospérités de sa maison. Au reste, le même esprit d'indépendance se manifestait toujours dans ces provinces. Ces princes qui commençaient à pouvoir braver les monarques respectaient le vœu de leurs états-généraux : ces états étaient, comme ceux de France, composés des trois ordres. Mais il est manifeste que les députés des villes y jouissaient d'une influence plus considérable que dans toutes autres assemblées du même genre vers cette époque, en exceptant toutefois l'Angleterre, qui marchait dès-lors à la tête de tous les peuples de l'Europe dans la carrière des libertés publiques. Trois autres princes, après Philippe-le-Hardi , régnèrent en Bourgogne, et la puissance de cette maison ne fit que s'accroître jusqu'à la catastrophe qui termina les jours du dernier. Jean, dit Sans-Peur, succéda à son.père Philippe en 1404. Les inimitiés fameuses entre les maisons de Bourgogne et d'Orléans, qui furent pour la France la source de tant de calamités , avaient déjà pris naissance. Elles furent signalées sous le regne du nouveau duc par de grands crimes; il fit assassiner son rival à Paris, en 1407 , et fut lui-même assassiné , en l419 sur le pont de Montereau, par Tanegui du


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 14 Châtel. Philippe III, le Bon, qui lui succéda en 1413, fit d'abord cause commune avec les Anglais, et mit ce royaume à deux doigts de sa perte, puis enfin, il les abandonna et conclut la paix avec la couronne. Il lui fut livré, par le traité, les comtés de Mâcon, d'Auxerre, de Bar-sur-Seine et de Ponthieu , les villes de Péronne, de Roye et plusieurs autres places de la Picardie avec une somme de cinquante mille écus. Ce fut à ce prix, que ce prince du sang consentit à redevenir bon Français et vassal fidèle ; toutefois cette paix était un heureux événement pour la France; et elle eut donné plus encore pour se voir délivrée de ces farouches bandes bourguignones qui secondaient si bien, depuis près de trente ans, l'ambition des héritiers d'Edouard III. Marquons les principaux accroissemens de l'Etat de Bourgogne sous le règne de Philippe-le-Bon. Il acheta, en 142 \ , le marquisat de Namur,dont un certain Jean Thierry de la maison de Flandres était le souverain. Il hérita, en 1430, du duché de Brabant. Il devint comte de Hollande, de Zélande et de Frise , en 1436 , par la mort de la comtesse Jacqueline, qui l'avait nommée son ruward ou lieutenant pendant sa vie et son successeur après sa mort. Enfin, en 1451 , il fut reconnu duc de Luxembourg par les états de celte province. Son titre était une donation à peu près pareille à cellequiluiavait livré la Hollande. La mémoire de ce prince fut long-temps honorée dans les Pays-Bas. Son âme était élevée et son esprit éclairé, il aimait les arts et es protégeait ; sa cour devint le siège de la politesse et du bon goût ; il institua en 1430 , l'ordre fameux de la Toison-d'Or. Les finances et l'administration furent améliorées sous son règne, les manufactures de lin, de laine et de soie, prirent un accroissement considérable. Bruges et Anvers devinrent les rivales de V enise et de Gènes, il allégea ses peuples et amassa toutefois des richesses considérables. Ce Charles, surnommé le Terrible ou le Téméraire, qui succéda à son père Philippe , en 1467 , menaça quelques ins-


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tans l'Europe de son joug de fer. Il augmenta ses Etats du Brisgau, du comté de Ferrette, du Sundgau et de l'Alsace, qu'il acheta du duc d'Autriche, et de plusieurs districts où ses armes affermirent sa domination. L'état de Bourgogne s'étendait donc alors de 1'Ems à la Somme, et de l'Océan au Jura: son jeune souverain voulait obtenir le titre de roi, et il l'eût sans doute obtenu avec plus de prudence et de modération : sa fougueuse et barbare ambition le perdit. Diverses expéditions dans lesquelles il voyait brûler des villes en disant avec sans froid : Telfruit porte l'arbre de la guerre, absorbèrent les immenses trésors de sa maison et ruinèrent ses provinces. Enfin sa fortune qui, avait humilié les monarques, fut humiliée à son tour; il fut battu dans les champs de Morat par ces courageux montagnards qui venaient d'arracher leur sol à la tyrannie des Suzerains, et avaient les premiers planté au centre de l'Europe l'étendard de la liberté. Il n'eut plus alors que des revers et il termina bientôt après sa carrière , les armes à la main. Sa chute fut un événement européen ; car ses prospérités eussent probablement changé le cours des destinées de cette partie du monde. « La fin tragique et inespérée de Charles , » a dit un écrivain distingué (1), fit disparaître de la carte » du monde politique une puissance indépendante et res» pectable, qui dans la suite eût pu prévenir les guerres sanglantes de la France et de l'Autriche, s'opposer avec succès » aux projets de domination de l'une et de l'autre, assurer » la liberté de l'Allemagne et fixer l'équilibre de l'Europe. » Et telle eût été effectivement l'importance d'une monarchie des Pays-Bas, à cette époque. Cette création eût enlevé aux ambitions subséquentes un aliment, et peut-être épargné aux peuples de longues calamités. Charles n'avait laissé qu'une fille. Louis XI essaya d'abord de dépouiller cette princesse, nommée Marie, en offrant (1) Ancillon, Tableau politique, tora. II.


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(l'être son protecteur; mais son mariage avec Maximilien d'An» triche déconcerta toutes ses vues, et il y fallut renoncer. Ainsi fut effectuée cette première union des maisons de Bourgogne et d'Autriche. Marie et Maximilien eurent deux enfans , Marguerite et Philippe. La première eut en partage les comtés de Bourgogne, d'Artois et de Charolais ; le second fut reconnu comme souverain des Pays-Bas, à la mort de sa mère, qui eut lieu en 1482. Ce Philippe, surnommé le Beau, ayant épousé Jeanne héritière d'Aragon, de Castille et de Léon, eut un fils à qui sa tante Marguerite légua les comtés, sa mère les couronnes d'Espagne, son père les Pays-Bas , et son aïeul le duché d'Autriche. Ce fils est Charles V. CHAPITRE III.

Jusqu'à la fondation de la République. Charles V devint au moyen de divers arrangemens , sur lesquels il est inutile de s'étendre, souverain intégral des dix-sept provinces des Pays-Bas, savoir : des duchés de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre ; des comtés de Zutphen , de Hollande, de Zélande, de Flandre, de Namur , de Hainaut et d'Artois; du marquisat du SaintEmpire (Anvers et son territoire), des seigneuries de Frise, d'Overissel, d'Utrecht, de Groningue et de Malines. En 1549, il publia à Bruxelles une pragmatique portant réunion de ses dix-sept provinces en un état indivisible et héréditaire dans sa maison. Il était dit dans cet acte remarquable que toutes lois intérieures des provinces , relativement à la succession de la maison souveraine , seraient abolies en tant qu'elles ne seraient pas conformes au principe de représentation adopté pour la généralité des Pays-Bas. On y voit aussi que ce ne fut qu'après de longues conférences, et après avoir obtenu le consentement des états de chaque province , que cette loi fut publiée par le monarque.


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17 été les dans élevé avait Pays-Bays. Il Charles était né et divers , il en langages aimait les habien connaissait les tans. Là son front déposait ces habitudes graves et ce caractère de morgue qui devaient signaler la majesté suprême à Madrid. Il savait que dans ces provinces, sa personne pouvait être affable , pourvu que son gouvernement fût juste, et qu'il serait populaire sans danger s'il savait respecter les antiques privilèges du pays. Aussi, de toutes les parties de ses vastes Etats, ce fut sans doute celle où son joug fut le moins pesant, où ses bienfaits furent le plus nombreux. Il y encouragea les arts et le commerce ; on le vit visiter et honorer avec la reine de Hongrie sa sœur, la tombe de Guillaume de Benkelin, modeste inventeur de l'art de préparer et d'encaquer les harengs. L'industrie qui avait produit d'heureux résultats sous les prédécesseurs de ce monarque, prit alors un essor prodigieux et ouvrit le cours d une prospérité que toutes les fureurs de la guerre civile ne devaient que trop tôt réprimer, sous le règne suivant. Trois objets doivent spécialement fixer ici notre attention. Il est important de reconnaître ce qu'étaient les états des provinces vers cette époque; nous devons nous arrêter ensuite sur la forme de gouvernement introduite par Charles V. Enfin , il faudra dire ce qui est relatif à l'établissement du cercle de Bourgogne. Le gouvernement des Pays-Bas sous les deux maisons de Bourgogne et d'Autriche, offre une existence politique dont il est peu d'exemples dans l'histoire. La conquête, le droit de succession ou les traités ayant réunis sur une seule tête les divers titres de souveraineté dans ces provinces, toutes se trouvaient soumises à un chef commun; mais on aurait une idée fausse, si on les considérait comme formant dès-lors un état unique, dont le chef n'avait plus qu'à prendre le titre de roi. Des recherches moins superficielles apprennent, au contraire,qu' il y avait là autant d'états et en quelque sorte autant de chefs que de provinces, en d'autres termes, qu'il y avait TOME. III.

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toujours un comte de Hollande, un marquis d'Anvers, un duc de Brabant ; mais que seulement le même prince se trouvait investi de ces titres divers. La pragmatique de Charles V, n'avait rien changé à cet égard , car il y était formellement exprimé, qu'elle ne pouvait avoir force de loi que pour la succession dans la maison souveraine, et que, toutes autres dispositions relatives , soit à l'établissement général des états , soit à leur régime intérieur, resteraient intactes. Il y avait donc là une espèce de fédération d'états divers dont un prince commun était le lien. Le gouvernement intérieur de ces états mérite d'être étudié. Era composto, dit le cardinal Bentivoglio. (1) Di tre forme congiunte insieme ; cioe di monarchia , d'' aristocratia et di democratia ; uno temperato in maniera che la parte più sublime, consistera nella persona del. principe et la parte loro vi riteneva.no ancora con moderata proportione , gli ottimati et la moltitudine popolare. Ainsi donc, la souveraineté se composait dans chacun des états, du prince et du corps des députés de l'aristocratie et de la démocratie, c'est-à-dire , de l'assemblée des états. Il est impossible de s'étendre ici sur la formation de ces assemblées fameuses. Divers renseignemens nous manquent à ce sujet. Ce n'est guère que vers les derniers temps, qu'on peut présenter un tableau complet de l'élection des députés, et des formes de délibération des assemblées. Tout ce qu'on sait positivement, c'est qu'elles étaient composées de députés du clergé, de la noblesse et des cités. Ces trois classes ne siégeaient pas toujours dans les mêmes proportions. Ici le clergé, était presque ou totalement exclus. Là, la noblesse avait plus de prépondérance; ailleurs c'étaient les mandataires du peuple qui dominaient. Les députés du clergé étaient en général les abbés des divers ordres religieux, et à la di fférence des autres pays de 1'Europe à cette époque, ils n'avaient aucune influence dans les affaires du pays, et n'y (1) Relatione delle provincie-unite, libro I, cap. TV.


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jouaient un rôle, que par leur vote au sein de l'assemblée. Les nobles étaient en général en possession des offices principaux, à la nomination du chef de l'état; la plupart habitaient leurs châteaux situés hors des cités, et leur influence était balancée par l'organisation forte et libérale de ces cités. Dans presque toutes la population se trouvait divisée en trois classes : la première, composée d'une noblesse intermédiaire entre les grands possesseurs de terres et les bourgeois; la deuxième, composée des bourgeois, et la troisième du peuple distribué dans les diverses corporations d'arts et métiers ; toutes jouissaient de libertés municipales fort étendues, et plusieurs avaient des privilèges particuliers qui fondaient leur force et leur prospérité. Le souverain avait le droit de convoquer les états des provinces, quand il le jugeait nécessaire. Il ne paraît pas que les sessions aient jamais été périodiques d'une manière régulière. Quand le plus grand nombre de ces provinces eurent été réunies en une seule souveraineté, on sentit le besoin de former des états-généraux dans la résidence du prince. De pareils états furent souvent convoqués pendant les troubles religieux: ils étaient composés de députés des états particuliers, et au prince appartenait aussi le droit de les appeler auprès de lui. Au surplus , il est important de remarquer que la portion de souveraineté nationale non dévolue au chef de l'état, ne se trouvait point transportée dans cette nouvelle assemblée, comme on serait d'abord tènté de le croire, mais ait restée, au contraire, répartie entre les diverses assemblées d'états des provinces : c'était donc, au moins en principe, un conseil consultatif plutôt qu'un parlement.On nevoit pas d'ailleurs que les pouvoirs des états-généraux des dix-sept provinces, aient été jamais positivement spécifiés et il faut bien comprendre a ce sujet, que la connaissance théorique des droits n était guere avancée à cette époque; partout on savait qu'on fondait le pouvoir avec l'épée, et la liberté par l'énergie; mais la politique n était une science que pour quelques sages. 3.


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Le temps créait, modifiait et renversait les institutions; à peine voyait-on la trace des efforts qui opéraient ces changeniens; voilà pourquoi il est si difficile de suivre les progrès des libertés publiques chez les peuples de d'Europe ; pourquoi on est si souvent frappé en lisant leur histoire, par l'apparition ou la disparition subite de tels ou tels établissemens, dont la naissance ou la chute semblent avoir été amenées sans le concours marqué des hommes. C'est dans l'histoire des révolutions partielles dont les PaysBas furent souvent le théâtre jusqu'au XVIe siècle, qu'il faut étudier l'influence des assemblées d'états sur la liberté et la prospérité publiques.Nous ne pouvons ici en suivre le long développement; choisissons donc entre les pages de l'histoire de ces provinces celle qui nous parait le mieux caractériser la situation politique de l'époque à laquelle nous nous sommes arrêtés. En 1488 , Maximilien, roi des Romains, et souverain des Pays-Bas , en qualité de tuteur de son fds Philippe, fut fait prisonnier a Bruges, comme ayant attenté aux privilèges des cités, comme menaçant les antiques libertés de ces contrées. Il essayait alors lui-même de se rendre maître de la ville, mais, dit un ancien historien (1), la bourgeoisie et les métiers étant 'venus en armes, le saisirent et le firent loger et garder en la maison de Craumbourg, au nom des membres de Flandre, des états-généraux et pour leur propre assurance ; ce qu'ils firent avec toute civilité et révérence, ayant tous la tête nue et lui faisant tout bon traitement , séquestrant et lui ôtant ses principaux conseillers et trésoriers, etc., quelques-uns de ces serviteurs du prince furent décapités , et les autres transférés a Gand. Cet événement produisit une vive sensation dans toute l'etendue des Pays-Bas. Les membres du gouvernement non (1) Meteren, Traduction française, in-folio. 15»8.


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arrêtés se hâtèrent de convoquer les états-généraux à Malines, auprès du jeune Philippe; niais cette assemblée, peutêtre pour échapper aux influences qu on voulait sans doute exercer sur elle, se forma à Gand; là les députés de Flandre portèrent contre le roi des Romains quarante-sept chefs d'accusation , dont voici les principaux : On disait qu'il avait rompu la paix avec la France , jurée par lui connue par les états, et que de même qu'il n'avait pas eu le pouvoir de la faire tout seul, il avait aussi beaucoup moins le pouvoir de la rompre sans ceux du pays ; Qu'il dissipait les meubles et joyaux de la maison de Bourgogne ; Qu il s intitulait seigneur et souverain, sans faire mention de la qualité de tuteur; Qu'il faisait la guerre aux Pays-Bas sous prétexte de punir ses sujets rebelles, au lieu que ce n' étaient pas ses sujets, et,partant , ne pouvaient être rébelles ; et que cela était cause qu'ils avaient été contraints, vu le différend et la violence qu'on leur faisait, d'en appeler à leur souverain le roi de France ; Que , contre ses sermens , il ne faisait ni droit ni justice conformément à leurs privilèges ; Qu'il avait donné et vendu les offices à des étrangers contre les privilèges du pays; Quil avait fait introduire et exécuter par force et avec menaces des impositions en Flandres, lesquelles n'avaient pas UNANIMEMENT et ENTIÈREMENT été octroyées; ce que le seigneur et propriétaire même ne peut pas faire, beaucoup moins un tuteur, comme étant contre les privilèges ; Qu'il empêchait les états-généraux du pays de s'assembler selon qu'ils le jugeaient bon; et qu'étant assemblés il ne voulait pas qu'ils communicassent ensemble pour le bien, publie; qu'il leur permettait seulement d'adviser sur les propositions d'impôts faites au nom du roi des Romains, et que ceux qui voulaient s'occuper d'autres choses étaient suspects ;


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Qu'il avait fait battre monnaie à Bruges, sans le nom et les armes de son fils, leur légitime souverain; qu'il en avait élevé le taux sans l'aveu des états ; Qu'il avait établi de nouveaux péages contre leurs privilèges, ce que le seigneur lui-même ne pouvait faire sans l'assentiment du pays; Les députés flamands demandant la réformation de ces abus , s excusaient que, sur la pressante nécessité, et pour le profit de leur vrai seigneur, ils avaient été contraints de mettre la personne du roi des Romains en sure-garde , non pour admoindrir son honneur ou lui faire quelque injure , car ils le reconnaissaient pour père de leur vrai et légitime prince , auquel en telle qualité ils voulaient rendre tous l'honneur et la révérence qui lui étaient dus, pour ce qu'en honorant le pére ils honoraient le fils, mais pour prévenir la ruine du pays, etc. (1). Les états-généraux voulurent que Maximilien fût relâché préalablement; mais les députés de Flandre s'y refusèrent, et la captivité de ce prince ne put finir que par un traité avec ses sujets, dans lequel il leur donnait toute satisfaction, et promettait d'oublier ce qui lui était arrivé. Telle fut cette révolution, unique peut-être dans les annales des peuples par le caractère de modération que la population d'une province sut garder dans une atteinte aussi directe contre l'autorité souveraine. Il n'est besoin, ce nous semble, de rien ajouter à ce récit. Parlons des formes de gouvernement. Les affaires furent dirigées jusqu'à Charles V par des conseils, dont le nombre était ordinairement fixé par les volontés du prince; quelquefois ils se trouvaient réunis en un seul. Un magistrat suprême, titulé grand chancelier de Bourgogne, présidait les conseils et occupait le rang le plus élevé dans l'état : c'était (i) Mcteren, etc.


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un premier ministre. Ce titre fut supprimé en 1518 , et remplacé par celui de chef du conseil privé. Charles Y établit un gouvernement plus régulier, et qui exista avec quelques modifications jusqu'à la révolution. Il institua trois conseils appelés collatéraux, parce qu'ils sont ad latusprincipes , siègent dans son palais, et deviennent en quelque sorte une nécessité de sa couronne.Ces trois conseils furent le conseil d état, où se délibéraient les grandes affaires du pays, telles que la guerre ou la paix, les alliances, etc. ; le conseil privé destiné à s'occuper spécialement des affaires de justice; enfin le conseil des finances, que son titre explique suffisamment. Les lettres-patentes de création sont de 1 531 (2). Telles étaient alors , avec le système municipal fortement institué dans les villes, avec les étals des provinces et les états-généraux extraordinaires, les institutions des Pays-Bas. Ainsi naissait l'harmoniele souverain se contentant, dit le cardinal Bentivoglio, d'une autorité bornée par les droits du pays, et le peuple d'une liberté modérée par les droits de la couronne. Sous ce règne de Charles V enfin fut consolidé un établissement dont la création était antérieure «à son règne, et dont l'affermissement devait asseoir l'existence de cet état sur de solides bases. Maximilien , en voyant réunis sous son sceptre l'empire et les Pays-Bas, jugea politique d'unir lune à l'autre ces deux grandes parties de sa domination ; en conséquence, il érigea les dix-sept provinces belgiques en cercle de l'empire, dit cercle de Bourgogne : mais cette création souffrit de longues difficultés. On s'opposa d'abord de part et d'autre à son entier accomplissement. En Empire, on vit avec une espèce de sentiment jaloux un état étranger appelé par la volonté du souverain à jouir de toutes les hautes (1) Mémoires historiques et politiques des Pays-Bas autrichiens , in 80.

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prérogatives, que se garantissaient mutuellement les membres de la fédération germanique. Dans les Pays-Bas, l'esprit d'indépendance naturel aux peuples conçut quelques allarmes de cette alliance si puissante qu'on lui proposait. Cette seule possibilité de l'intervention des Allemands dans les affaires intérieures du pays suffisait pour y faire répudier cette mesure. Elle ne fut donc point regardée comme définitivement adoptée et passée en loi. Le bras vigoureux de Charles Y acheva ce que le caractère circonspect de Maximilien avait simplement essayé. Toutes les difficultés furent applanies par la transaction d'Augsbourg en 1548 : son objet fut d'assurer au nouveau cercle une protection qui lui fût toujours utile, et qui ne pût jamais lui être préjudiciable. Ce traité, conclu avec l'empire , et ratifié par les Etats des provinces belgiques, portait donc érection des dix-sept provinces et du comté de Bourgogne en cercle, aux conditions suivantes : « 1° Que lesdits pays seraient, sous la protection de l'empereur et de l'empire, associés à tous les privilèges, immunités et droits de l'Empire; 2° Qu'ils seraient maintenus et défendus, comme les autres membres de l'empire ; 5° Que le souverain des Pays-Bas aurait droit d'envoyer des ambassadeurs, avec séance et voix à la Diète, sur le même pied que l'archiduc d'Autriche; 4° Que dans les contributions de l'Empire, soit en troupes, soit en argent, le cercle de Bourgogne fournirait autant que deux électeurs; 5° Que lorsqu'il s'agirait d'une guerre contre les Turcs, le cercle contribuerait autant que trois électeurs; 6° Qu à la réserve du cas concernant les contributions de l'Empire, auxquelles le souverain et les états du cercle de (1) Mémoires historiques et politiques des Pays-Bas Autrichiens, toro. I.


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Bourgogne auraient nommément consenti, les provinces demeureraient exemptes de toutes obligations envers l'Empire, ainsi que de toutes jurisdictions impériales. » Tels sont les points sur lesquels nous devions nous arrêter ; (1) reprenons la suite des événemens. L'humeur turbulente des Belges avait marqué de quelques troubles le règne brillant de Charles V ; mais ils lurent passagers , et n'altérèrent que partiellement les prospérités commerciales et industrielles de ces provinces. Toutefois un orage se formait. Les nouvelles doctrines religieuses agitaient les esprits, et malgré les soins du gouvernement de l'empereur, elles faisaient des progrès, surtout dans les parties septentrionales. Telle était la situation du pays à l'époque où Charles, las de gloire et de pouvoir, quitta la pourpre et endossa le froc. Le règne de celui qu'on devait surnommer le démon du midi s'ouvrit sous de brillans auspices. Les Belges attachés à son sang se montraient disposés à le servir avec enthousiasme. C'était par leur belle gendarmerie, si renommée sous Charles V, qu'il triomphait à Saint-Quentin et à Gravelines; et leur célèbre et malheureux comte d'Egmont avait dans son armée la plus grande part à ces victoires. Cependant, on devait prévoir dès-lors que la guerre étrangère pouvait seule maintenir des dispositions amicales entre un prince comme Philippe, dont le naturel paraissait porté vers le plus sombre despotisme, et un peuple comme les Belges, dont l'esprit de liberté fondait surtout le caractère national. A peine la paix de Cateau-Cambresis fut-elle signée, que Philippe se hâta de retourner dans son Espagne, où l'action de son gouvernement pouvait mieux répondre aux inspirations de son farouche et sanglant génie. Il laissa, pour gouverner les Pays-bas, Marguerite d'Autriche, fille naturelle de Charles V, (1) Histoire de l'Empire, etc.


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et lui donna pour conseil le fameux évêque d'Arras, cardinal de Granvelle. Il ne crut plus alors devoir garder de mesures; ses ordres formels furent de détruire l'hérésie avec le fer et la flamme. Les édits barbares que Charles-Quint semblait avoir abandonnés dans ses dernières années furent remis en vigueur ; enfin un conseil de sang ( c'est le nom qu'on lui donna à cette époque), un tribunal d'inquisition, vint siéger dans ces belles contrées pour en faire une arène de carnage, et y assurer le triomphe de l'hérésie. Par tout ce qu'on a dit précédemment, on doit comprendre quelle impression produisirent ces mesures. L'agitation fit en peu de temps de rapides progrès. De fortes représentations parvinrent au pied du trône. Le roi parut y céder d'abord en éloignant le cardinal, mais ce fut pour combler bientôt après la mesure, en y envoyant ce farouche duc d'Albe, dont la mémoire doit être éternellement en horreur à tous les amis de l'humanité. La gouvernante Marguerite demanda son rappel, et l'obtint. Les provinces se trouvèrent alors entièrement livrées au glaive du misérable Espagnol. Il n'y eut plus de lois que ses caprices. Toutes les antiques libertés furent outragées, toutes les jurisdictions méconnues; des échafauds furent dressés partout, et des satellites transformés en juges, envoyèrent chaque jour des victimes à la mort. Cependant l'aurore d'un temps plus heureux luisait déjà. Un homme, doué d'une âme forte et d'un esprit ardent, dévorait en silence les outrages et les calamités qu on prodiguait à sa patrie. Il observait les progrès du mécontentement public, et méditait une lutte qui devait renverser la tyrannie. C'était le célèbre Guillaume de Nassau, prince d'Orange. Deux seigneurs, le comte d'Egmont , dont nous avons parlé, et le comte de Horn, issu d'une des plus illustres familles des Pays-Bas, secondaient ses généreuses résolutions : toutes les espérances étaient tournées vers ces trois grands citoyens , et c'était le point où se concentraient les


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dispositions hostiles et violentes que le gouvernement accumulait contre lui. Quelques associations partielles s'étaient formées dans les provinces. Une réunion de quatre cents gentilshommes ose, en 1566, venir porter une requête à la gouvernante. Là, cette princesse ayant témoigné quelque crainte en voyant le chef de cette troupe aussi bien accompagné : Ne craignez rien, madame, répond un courtisan, CE SONT DES GUEUX ! Ce mot retentit aussitôt dans toutes les provinces, et il aide à réunir des élémens épars. Les gueux forment alors une vaste confédération , qui n'attend plus que le moment de prendre les armes. La noblesse prend avec enthousiasme les emblèmes de la gueuserie. Elle porte un vêtement gris, et l'humble besace du mendiant ; on voit au cou des plus hardis une médaille sur laquelle est l'effigie du roi, et de l'autre deux mains jointes, avec ces mots : Fidèlesjusqu'à la besace. Les écussons et les valets sont décorés des mêmes signes. Enfin tous les chants des assemblées évangéliques se terminent toujours par ces cris mille fois répétés : VIVENT LES GUEUX (1) ! Le duc d'Albe crut abattre les esprits en redoublant de fureur. Les comtes d'Egmont et de Horn furent traînés à l'échafaud, comme pour apprendre aux peuples jusqu'où pouvait aller le confident de Philippe II : ses agens remplis du cruel délire qui l'agitait, se signalèrent par les plus déplorables excès; et pour célébrer de sanglans triomphes, ils érigèrent une statue au scélérat pour qui l'on eût dû créer de nouveaux supplices. Des taxes ruineuses qu'il voulut établir amenèrent la fin de sa tyrannie. C'était dépasser toutes les bornes ; aussi le soulèvement fut-il général. On courut aux armes de toutes parts; les ecclésiastiques mêmes déclarèrent qu'on devait résister à 1' oppression. Il fut rappelé en Espagne. Les habitans

(1) Introduction à la révolution des Pays-Bas, 1784.


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de ces contrées s'imposèrent à eux-mêmes dans la suite des sacrifices bien plus considérables que ceux qu'on exigeait alors d'eux ; mais ils aimaient mieux, dit Grotius à ce sujet, donner tout de leur plein gré que payer un dixième contre leurs privilèges (1). Cette réflexion s'applique à tous les temps comme à tous les peuples : il y a là une vérité générale qui est la base de la société politique, et que le pouvoir devrait méditer sans cesse. Mais le sanguinaire Espagnol était rappelé trop tard. Ses excès portaient déjà leurs fruits. La guerre civile avait éclaté partout, et dans les partiesseptentrionales la révolte avait déjà un caractère qui annonçait de grands événemens. Le prince d'Orange s'y était rendu, et, à la tête de ces hardis wassergueusen (gueux de mer), il avait enlevé le port de Brille l'année précédente. Ce succès avait produit une révolution dans la Zélande. Enfin les états de cette province , ainsi que ceux de la Hollande et d'Utrecht, s'étaient réunis à Dordrecht, et avaient reconnu le prince d'Orange pour stathouder au nom du roi. Ils déclaraient par leur acte d'union , que les provinces ne pourraient traiter que conjointement, et reconnaissaient solennellement le calvinisme. Une scission existait donc par le fait. Mais ces peuples, fidèles et loyaux, voulaient être absolument forcés à rompre le joug de la soumission. La réaction produite dans toutes les provinces par suite des succès de Guillaume et de la retraite du duc d'Albe, eut pour résultat la pacification de Gand : cet acte fameux était une union entre toutes les provinces. Il y était déclaré que les troupes espagnoles sortiraient du territoire des PaysBas ; qu'immédiatement après leur sortie, il serait formé une assemblée des états-généraux pour rétablir l'ordre dans les affaires publiques; que les sujets de toutes les provinces seraient tenus de respecter la religion catholique; que les (1) Annales. de rébus Belgicis.


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ordonnances criminelles du duc d'Albe seraient suspendues ; les biens par lui confisqués rendus, et les statues élevées en son honneur, détruites. La cour de Madrid dut. donner son consentement à cet acte si grave, pour voir reconnaître par les états les gouverneurs qu'elle envoyait. Le règne des Espagnols dans les Pays-Bas paraissait alors sur le point d'être renversé; leurs troupes ne tenaient plus que dans quelques provinces, et la guerre civile, que les accommodemens des assemblées et des conseils ne terminaient pas, était tout à l'avantage des confédérés. Le prince de Parme, envoyé comme gouverneur en 1578, changea la face des choses. Son épée reconquit plusieurs provinces, et son génie sut habilement profiter des divisions qui se manifestaient parmi les confédérés. Guillaume désespérant alors de maintenir l'union générale, conçut l'idée d'une confédération particulière de certaines provinces plus propres, par leur position, à résister à l'Espagne. C'étaient les sept provinces du Nord, unies par les mêmes intérêts maritimes comme aussi par les principes de la foi commune qu'elles avaient adoptée. L'acte d'union fut conclu à Utrecht le 29 janvier 79. Il fonda la république de Hollande (1). Ce premier et grand démembrement du cercle de Bourgogne doit terminer notre première partie. Nous allons dans la seconde poursuivre l'histoire des dix provinces qui vont maintenant composer la souveraineté des Pays-Bas.

SECONDE PARTIE. CHAPITRE PREMIER.

Jusqu'au règne de Joseph II. Nous n' avons qu'un petit, nombre de remarques à faire dans le cours des deux siècles qui remplissent l'intervalle entre (1) Wiqueford, preuves, etc.


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la fondation de la république et le règne du fils de MarieThérèse. L'histoire des Pays-Bas espagnols ou autrichiens mériterait certainement d'être traitée un peu plus au long; mais notre plan nous prescrit des limites, et nous devons nous borner à marquer les institutions politiques introduites par les souverains, et les démembremens successifs sanctionnés par les traités. La situation des Pays-Bas était remarquable à cette époque. Des influences diverses y agissaient constamment en sens divers. Les états-généraux considéraient encore la pacification de Gand comme loi du pays, et ils portaient à la tête des affaires tantôt un archiducMathias, de lamaison d'Autriche, tantôt un duc d'Anjou, du sang des Valois. D'une autre part, 1' Espagne avait toujours une armée dont les vicissitudes marquaient celles de sa domination dans ces provinces. Presque tous les états de l'Europe s'intéressaient à la querelle. Les calvinistes venaient de toutes parts pour chasser Philippe II d'un pays que son absurde tyrannie avait soulevé; et les catholiques accouraient pour maintenir le monarque, principal appui de cette vaste ligue, qui avait juré l'extermination des sectaires. Des ambitions particulières se mêlaient aux vues générales. Un chef, une ville, une province, cessaient d'agir dans le sens de l'union, pour créer une influence individuelle. La confusion était générale, et les campagnes opprimées par les Espagnols , dévorées par les étrangers et ravagées par les calvinistes, demandaient au ciel le terme de tant de calamités. Après de longs combats et de lentes négociations, le prince de Parme réussit enfin à ramener à peu près les dix provinces sous le joug espagnol. Ce grand homme de guerre étant mort en 1592, trois gouverneurs généraux qui lui succédèrent ne firent que soutenir sa fortune. En 1596, le cardinal-archiduc Albert fut investi de ce poste par la cour d'Espagne : les Pays-Bas respirèrent alors. Bientôt la paix de Vervins, conclue par Philippe II avec Henri IV, vint les dé-


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livrer des hostilités fâcheuses de la France. Quatre jours après la conclusion de ce traité, le roi fit cession des PaysBas à sa fille, l'infante Isabelle-Claire-Eugénie, en la donnant pour épouse au cardinal-archiduc. L'acte daté de Madrid , 4 mai 1598, porte que « le roi y a été déterminé par la con» sidération du bien et du repos des Pays-Bas, pour parvenir » à une solide paix ; et parce que le plus grand bonheur qui » leur puisse advenir est de se trouver régi et gouverné à la » vue et par la presence de son prince et seigneur. Dieu est » témoin, ajoute le roi, des peines et soins qu'avons eus sou» vent de ne l'avoir ainsi pu faire personnellement par delà, » comme, en vérité, l'avons grandement désiré (1). » Ceci est un édit de Philippe II ! Ainsi commença le règne d'Albert et d'Isabelle. Tant de sang n'avait pas été tout-à-fait infructueusement versé. L'exemple de la France pacifiée agissait d'ailleurs sur tous les esprits. Les principes d'une sage tolérance remplacèrent donc dans le gouvernement les maximes sanguinaires du conseil de Madrid. Le résultat fut cette mémorable trêve de douze ans, où prirent tant de part Henri IV et le président Jeannin. Cette trève, signée le 9 avril 1609, consolidait la république des Provinces-Unies, et suspendait des troubles religieux qui duraient depuis près d'un demi-siècle. La guerre des Pays-Bas recommença à l'expiration de la trève , et elle dura vingt-sept ans, soutenue avec plus ou moins de vigueur de part et d'autre; le traité de Munster, en 1648 , entre l'Espagne et la Hollande, termina enfin ce long différent. Ce traité abandonnait aux Provinces-Unies le pays de Limbourg et diverses places du Brabant et de la F landre dont ils étaient saisis ; il fermait définitivement l'Escaut, et cet article mérite d'être remarqué, car il ruinait Anvers et. détruisait le commerce maritime des Pays-Bas espagnols. Deux mondes, les Indes-Orientales et Occidentales, (1) Mémoires historique ».


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étaient au contraire livrés au génie aventureux des Hollandais. La position des Pays-Bas devait naturellement en faire le théâtre de la guerre, toutes les fois qu'elle éclaterait entre la France et la maison d'Autriche. Les vicissitudes des combats pouvaient donc à chaque instant amener des démembremens partiels, et renverser même tout-à fait cet état qui semblait n'être placé là que pour servir d'aliment à l'ambition des monarques de l'Europe. Le traité des Pyrénées, en 1659 , acquit à la France plusieurs districts et diverses places fortes des provinces limitrophes; il signala formellement la prépondérance de ce royaume dans les affaires du continent. La guerre éclata de nouveau en 1667, entre l'Espagne et: la France. Louis XIV entra dans les Pays-Bas à la tête d'une forte armée, pour s'emparer de quelques provinces qui devaient , suivant lui, revenir à sa couronne par droit de dévolution. Selon ce droit, la propriété des biens passait aux enfans du premier lit, lorsqu'un des époux contractait un second mariage. Comme donc Marie-Thérèse, reine de France; était fille du premier lit de Philippe IV, et que Charles II , qui venait de succéder à ce monarque, était fils du second lit, Louis prétendait que la reine devait entrer en possession de divers pays où ce droit paraissait spécialement en vigueur (1). La cour d'Espagne répondait que ce principe de dévolution ne pouvait s'appliquer qu'à la succession des particuliers, et qu'on ne pouvait l'opposer avec justice aux lois fondamentales qui établissaient l'indivisibilité de l'état des Pays-Bas. Ces raisons étaient bonnes, sans doute, mais les légions de Louis XIV valaient mieux encore, et la campagne de 1667 fut presque une marche triomphale. Ses armes allaient sans doute faire d'autres conquêtes, quand l'Europe allarmée (1) Traite des Droits de la Reine très-chrétienne, réfuté par le bouclier d'état et de justice , etc.


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arrêta, par la fameuse triple alliance, le cours de ses prospérités. Ce traité entre la Grande-Bretagne, la Hollande et la Suède, obligea la France à consentir à la paix : elle fut signée en 1668, à Aix-la-Chapelle. Louis XlV y rendait la Franche-Comté qu'il venait de conquérir, mais il conservait Lille, Charleroi, Douai, Court rai, etc., avec leurs dépendances. Quatre ans après, la guerre ayant éclaté de nouveau, ■elle fut terminée en 1778 par le traité de Nimègue , qui livra à la France, outre la Franche-Comté, plusieurs villes de Flandre et du Hainaut, telles que Valenciennes, Condé , Boucha in, etc. Enfin , la chambre dite des Réunions, instituée par Louis XIV, pour faire revenir à la couronne toutes les terres qu on croirait avoir anciennement dépendu de l'Alsace, des trois évêchés, et des villes des Pays-Pas cédées, ayant donné lieu à de nouvelles hostilités , elles furent terminées en 1697 par la paix de Riswick, qui laissait les choses dans l'état où le traité de Nimègue les avait placées. Le faible règne de Charles H avait été fatal aux Pays-Bas: il se termina en 1700, et le nouveau siècle s'ouvrit par cette guerre fameuse, dite de la Succession, qui causa un embrasement presque général. Les victoires d Eugène et de Marlborougb chassèrent les Français des Pays-Bas, qu ils avaient d'abord occupés au nom du petit-fils de Louis XIV, nouveau souverain d'Espagne sous le nom de Philippe V. Ces contrées devinrent alors le théâtre d'une révolution qui y changea les formes constitutives. La Grande-Bretagne et la Hollande, réunies par le traité fameux appelé de la grandealliance, établirent dans ces provinces un nouveau gouvernement. Ces deux puissances créèrent un conseil composé de Flamands, et qui était investi de la souveraineté au nom de Charles III, compétiteur de Philippe V. Mais ce n'était qu'en apparence qu'il gouvernait, car il était dans le fait subordonné à une commission de députés anglais et hollandais qui portait le titre de la Conférence. Cette commission transmettait au conseil les désirs des puissances alliées, et TOME III.

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PRECIS DE L'HISTOIRE 34 ces désirs étaient changés en lois après un simulacre de délibération. Telle était la situation de ce conseil, qu'il ne put même pas se refuser à rapporter certaines ordonnances récentes favorables au commerce et à l'industrie des Pays-Bas. Ces contrées apprenaient alors combien est déplorable la domination de l'étranger, surtout quand cet étranger est un rival jaloux. La paix d'Utrecht, en 1713, avec les traités qui la suivirent de près, termina la guerre de la Succession. La couronne d'Espagne fut conservée au prince français ; mais les Pays-Bas en furent alors détachés et cédés à l'empereur, pour être possédés à titre héréditaire dans.sa maison : cet empereur (Charles VI) était l'archiduc, qui avait long-temps disputé à la France l'héritage de Charles II. Il était déclaré par l'art. 7, que les Pays-Bas seraient livrés par le roi de France et ses alliés, avec les limites établies par le traité de Riswick. Ce fut ainsi que ces provinces se trouvèrent placées au nombre des états de la branche impériale d'Autriche. Par cet arrangement était conservée une barrière contre la France et l'Espagne , naturellement réunies par les liens du sang, et qui eussent menacé la Hollande et 1'Empire, si l'une d'elles eût possédé les Pays-Bas. Comme ensuite l'esprit des anciens pactes formait, de ces provinces, un état particulier qu'on ne pouvait nullement considérer comme adhérent à la monarchie espagnole, et dont les princes de la maison d'Autriche étaient les souverains naturels et légitimes, on peut dire que la transaction était politique et juste à la fois, ce qui n'est pas sans doute Indigne d'être remarqué. L'état des Pays-Bas avait donc été transformé en une souveraineté placée sous la domination de l'Autriche. Il devint partie intégrante même de la monarchie autrichienne, héréditaire et indivisible, par la pragmatique-sanction de Charles VI, adoptée successivement comme loi fondamentale par les états des diverses provinces, et publiée à Bruxelles en 1725 dans une assemblée générale des députés de tous


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les états. C'est l'existence qu'il a gardé jusqu'à la révolution. Pour peu qu'on ait réfléchi sur l'histoire des deux derniers siècles, on comprendra combien cetarrangement, quelle que fût sa convenance, devait déplaire à la politique française» Il est manifeste, en effet, qu'un agrandissement aux dépens des Pays-Bas fut toujours une des vues principales de cette puissance, et l'on peut faire à ce sujet une réflexion dont la justesse nous semble manifeste; c'est que si la France eût suivi les voies que Henri IV et Richelieu avaient ouvertes à sa politique, elle eût infailliblement recueilli une part considérable de cette portion de l'héritage de Charlesle-Téméraire , qui n'avait point embrassé l'hérésie. En indisposant la Hollande, au contraire, en rompant cette longue alliance qui avait été si utile aux deux états, la France créa dans les conseils de la république un intérêt qui devint chaque année plus pressant; celui d'établir et de maintenir une forte barrière entre le territoire français et son propre territoire. Tel fut aussi le principe de la politique, que les H. H. P. P. opposèrent avec un succès constant aux armes de Louis XIV, et qui fonda l'existence des Pays-Bas autrichiens. Il nous semble que l'époque où nous sommes arrivés est celle où se manifesta d'une manière marquée entre les Belges et les Hollandais cet esprit de rivalité, que le temps n'a fait que rendre plus sensible. Déjà, comme nous l'avons vu, les derniers, gouvernant les Pays-Bas conjointement avec les Anglais, avaient montré l'intention formelle de sacrifier la prospérité industrielle et commerciale de ces contrées à leurs propres intérêts industriels et commerciaux. Ils avaient alors assez prouvé qu'ils ne regardaient plus comme sortis du même berceau ces peuples sur qui pesait encore le double joug de l'église et des rois. Il était évident qu'à leurs yeux les Pays-Bas devaient être simplement un intervalle que la France aurait à traverser pour arriver jusqu'à leurs frontières, et dont on travaillerait constamment à perpétuer 3.


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l'insignifiance sous tous les autres rapports. Ce but des étatsgénéraux fut obtenu par le célèbre traité de la Barrière , •conclu en 1715 entre la Hollande et l'Empereur. « On doit regarder le traité de la Barrière, dit M. Ancillon (1), comme la garantie et le complément de tous les autres traités signés à Utrecht. L'objet de ce traité était d'assurer les Pays-Bas à la maison d'Autriche, de lui en faciliter la défense en accordant aux Hollandais le droit de mettre garnison dans un certain nombre de places, et de les défendre en cas de guerre. Les Etats-Unis y gagnaient une frontière plus sure ; l'Autriche épargnait des sommes considérables; l'Allemagne acquérait un nouveau boulevard contre la France, y Ces vues sont justes, mais la politique hollandaise est loin d'y être embrassée complètement. L'inspection même des articles fait voir jusqu'à quel point le traité était dirigé contre l'existence florissante des Pays-Bas autrichiens. Aussi, dès qu'il fut connu dans ces contrées , les clameurs y furent-elles générales. Les Belges, en voyant les Hollandais conserver des troupes dans leur pays, jugèrent que la ruine entière de leur commerce était inévitable. Les états de Brabant et de Flandre adressèrent à ce sujet de vives représentations à la cour impériale, ce qui donna lieu à ouvrir de nouvelles conférences à La Haye, dont le résultat fut une convention qui adoucit un peu les conditions humiliantes et onéreuses du traité de la barrière. Les dispositions hostiles de la Hollande ne tardèrent pas à avoir de nouvelles occasions de se manifester. Quelques habitans des Pays-Bas avaient tenté, dès le commencement du siècle, d'établir un commerce direct du port d'Ostende avec la côte de Guinée et les Indes orientales. Les Hollandais prirent bientôt de l'ombrage du succès de ces tentatives. Ils prétendirent que le traité de Munster défendait aux PaysBas le commerce des Indes. La cour impériale répondit que (1) Tome IV.


LES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS. 37 n'avaient été manifestement stipulées que prohibitions ces contre la navigation espagnole, et qu'elles ne regardaient nullement les provinces belgiques. Des négociations ouvertes à ce sujet devinrent très-vives quand l'empereur eut, en 1722, érigé par lettres-patentes la fameuse Compagnie des Indes, connue sous le nom de Compagnie d'Ostende, « pour naviguer et négocier aux Indes orientales et occi» dentales et sur les côtes d'Afrique, tant en-deçà qu'au-delà » du cap de Bonne-Espérance, dans tous les ports, havres, » lieux et rivières où les autres nations trafiquent libre» ment. » Les Hollandais appelèrent facilement l'attention de toutes les puissances maritimes sur cet établissement. On redouta partout que l'Autriche ne devînt une puissance commerçante, et l'on vit alors le spectacle nouveau d'une ligue de l'Europe , dont le but apparent était la garantie de certains intérêts politiques, et la fin réelle, la ruine d'une association de marchands flamands. Le résultat des alliances et des transactions entre les couronnes dut être la chute de la compagnie. L'empereur consentit d'abord, en 1727, à restreindre à sept ans l'octroi de trente années qu'il lui avait accordé. Et enfin , en 1731 , tout commerce des Pays-Bas autrichiens avec les Indes orientales fut totalement aboli; et pour éluder de nouvelles discussions relativement à celui des Indes occidentales, on convint que l'on s'en rapporterait sur ce point aux règles établies dans le traité de Munster. Ainsi furent encore sacrifiés à la Hollande les plus précieux intérêts des provinces

belgiques. Il faut passer maintenant au règne du fils de Marie-Thérèse car les événemens mémorables où la maison d'Autriche se trouva mêlée laissèrent les Pays-Bas dans la même situation politique. L'usage était à cette époque, comme au temps de Philippe H, de faire gouverner ces provinces par un prince ou par une princesse de la maison impériale. Ces souverains régissaient en général ces états avec équité


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modération , parce qu'ils reconnaissaient bientôt que ce n'était qu'ainsi qu'on pouvait y régner en paix. Les lois fondamentales étaient respectées , et les institutions réagissaient fortement sur la prospérité publique. Le tableau complet de ces institutions suivra immédiatement cette esquisse. Au reste, ce n'était plus qu'un vain titre que celui de cercle de Bourgogne. Le traité de Munster avait, à la vériié, reconnu les Pays-Bas comme membres de l'Empire ; mais les démembremens successifs que subit cette souveraineté firent d'abord diminuer son contingent pour la chambre de Wezlar ; puis enfin l'accomplissement des obligations d'état d empire fut omise,parce qu'il n'en résultait aucun avantage pour les provinces. Elles ne reçurent jamais, en effet, comme cercle, aucune sorte d'assistance de l'Empire. CHAPITRE II.

Jusqu'à la création du Royaume des Pays-Bas. Le règne de Joseph II est une espèce d'avant-scène du grand drame de la révolution. Marie-Thérèse avait cédé, dans les dernières années de sa vie, à l'influence qui semblait pousser l'Europe vers une grande réformation politique. Elle avait commencé d'importantes améliorations ; elle avait entamé les privilèges de la noblesse et du cierge de ses états ; son fils monta sur le trône pour marcher sur ses traces. Ce prince était doué d'un caractère énergique ; son éducation libérale et son esprit philosophique avaient été développés par ses voyages dans plusieurs contrées de l'Europe ; il s'était dit que le plus grand bonheur d'un roi était de gouverner un peuple libre : il voulut connaître cette pure félicité. Malheureusement il oublia qu'avec le despotisme on ne fonde rien, et surtout la liberté; il voulut opérer tout-àcoup une transformation qui , pour être durable, devait


DES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS. 39 être amenée par les efforts successifs du temps. Tel fut l'objet des mémorables décrets de 1781, qui établissaient les principes d'une juste tolérance à l'égard des chrétiens grecs ou des réformés, abolissaient les droits seigneuriaux et la corvée, etc. ; les intérêts de deux classes froissées à la fois se coalisèrent contre son pouvoir. Les peuples, dont l'état social n'était pas encore assez avancé, ne comprirent point la pensée du monarque, et se crurent attaqués dans des chaînes auxquelles l'habitude les avait soumis. Le mécontentement fut général; des troubles s'élevèrent en divers lieux, et le prince expira maudit par ceux dont il avait essayé la délivrance. Bornons-nous à ce qui se rapporte spécialement aux PaysBas dans ce règne remarquable. La première tentative de Joseph en faveur de ces contrées eut pour objet l'Escaut, que les traités précédens avaient fermé au commerce des Flamands. Il fit donc déclarer à la Hollande, dans des conférences ouvertes à Bruxelles pour terminer quelques différends relatifs à l'exécution du traité de la Barrière, qu'il se désistait de toutes prétentions précédemment soutenues par ses ministres, pourvu que la république accordât à ses sujets belges la libre navigation de l'Escaut et le commerce direct avec les Indes. Il alla même plus loin, car il déclara qu'il regardait ces points comme décidés, et que toute opposition des états-généraux là-dessus équivaudrait à ses yeux à une déclaration de guerre. La république, peu intimidée, allégua les traités, et posta une escadre à l'entrée du fleuve. Quelques vaisseaux flamands qui tentèrent de forcer le passage, furent obligés d'amener

pavillon. Ceci se passait dans l'année 1784. guerre paraissait inévitable; mais il n'y avait encore des deux côtés que de faibles préparatifs. L'Europe, comme au temps de la compagnie d Ostende, s'intéressa à cette querelle toute commerciale. Comme on commençait à sentir la force de l'opinion, chaque parti voulut la fixer en sa,


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE faveur. Des écrivains entrèrent dans la lice. Linguet publia pour l'empereur des Considérations sur l'ouverture de l'Escaut, auxquelles le jeune Mirabeau répondit, excité par le ministère de France. On alléguait pour les Pays-Basle droit naturel, qui voulait qu'un peuple pût jouir de la navigation entière d'un fleuve, quand une grande partie de son cours avait lieu sur son territoire. On mettait en avant, du côté de la république, les grands travaux qui avaient fait des embouchures une véritable propriété de l'industrie hollandaise. On disait que la sûreté même des Provinces-Unies exigeait la fermeture de l'Escaut; on prétendait ( ce qui mérite sans doute d'être remarqué ) que les avantages commerciaux qui résultaient pour la Hollande de ces restrictions opposées au commerce de la Belgique, avaient spécialement déterminé les états-généraux dans tons les temps à ne point faire valoir leurs prétentions sur les Pays-Bas, comme ayant été anciennement unis à leurs provinces. La médiation de la France termina cette discussion. Par le traité de Fontainebleau, en 1785, le traité de Munster fut confirmé, et l'Escaut interdit de nouveau aux Belges. Une somme d'argent délivra la république de toutes les autres prétentions impériales (1). La Belgique fut donc encore sacrifiée par cette transaction. Les habitans des Pays-Bas avaient vu avec enthousiasme l'empereur s'occuper de leur rendre cette précieuse navigation de l'Escaut, que les Hollandais leur disputaient avec tant d'opiniâtreté. Le dénouement de cette importante affaire les mécontenta, mais bientôt d'autres essais non moins irréfléchis de Joseph excitèrent des troubles, sur lesquels il est nécessaire de donner quelques détails, dans notre pays, surtout où l'on n'a prêté qu'une faible attention à des événemens dont la gravité devait naturellement être effacée par tout ce qu'il y a de mémorable dans l'histoire nationale à cette époque. (1) Soulavie, Mémoires du règne de Louis XVI, tome V.


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L'empereur voulut donc, en 1786, opérer l'organisation nouvelle qu'il méditait. Les Pays-Bas furent divisés en neuf cercles, ayant tous un capitaine ou intendant pour chef. Puis, au commencement de l'année suivante, le gouvernement général communiqua aux états des provinces, aux tribunaux supérieurs, aux corps des villes, deux diplômes constitutifs, l'un relatif à l'administration, l'autre à un nouvel ordre judiciaire. Une foule de dispositions de ces deux décrets violaient ouvertement les capitulations et privilèges des provinces, et ils étaient opérés sans le concours des états; c en était assez sans doute pour exciter en Belgique de vives alarmes , mais les termes impératifs dans lesquels on les avait conçus suffisaient seuls pour les faire répudier. Tel était le début de l'un d'eux : «Joseph, par la grâce » de Dieu , etc., ayant résolu de donner au gouvernement » général de nos provinces belgiques, une forme nouvelle » pour la direction et l'expédition la plus prompte et la » plus régulière des affaires de son ressort, nous statuons » et ordonnons les articles suivans : » I. Nous supprimons les trois conseillers collatéraux et la » secrétairerie d'état, etc. >» Des réclamations assaillirent de toutes parts le réformateur. La requête des états de Flandre est remarquable, et peut donner une idée de la situation de l'esprit public dans ces provinces , à l'époque dont il s'agit. Après avoir demandé la permission de réclamer au pied du trône l'exécution du traité solennellement juré au jour de l'inauguration de l'empereur, comme comte de Flandre, les députés exposaient avec force toutes les violations à ce pacte fondamental, qu'entraînait l'exécution des diplômes impériaux, ils terminaient ainsi ; » À ces causes, nous venons avec les plus vives et les plus respectueuses instances nous prosterner au pied du trône, et vous supplier, Sire, de nous maintenir dans la cotiser-


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vation de tous les avantages qui nous sont assurés par le serment inaugural de Votre Majesté. » De révoquer, en conséquence, les édits portant atteinte à notre constitution et à nos droits. « De rétablir en Flandre un conseil d'appellation, où les fidèles sujets de cette province puissent obtenir droit et justice par des juges instruits dans leurs lois et coutumes. » D'assurer la conservation des abbayes, chapitres et communautés ecclésiastiques et religieuses ; de pourvoir d'abbés réguliers les maisons sans chef, ainsi qu'il a toujours été fait, et de ne pas en établir de commandataires. » De ne plus supprimer de maisons religieuses, et de confier aux états l'administration de celles qui ont subi ce sort en Flandre. » De conserver aux magistrats des villes et châtellenies respectives l'administration de la police et des deniers publics. » D'ordonner que tous commissaires départis serontsoumis à la constitution du pays et à l'état, sans pouvoir empiéter en aucune manière sur les droits et privilèges appartenant aux magistrats. » De conserver à la jurisdiction ordinaire la tutelle des mineurs » De conserver la députation des états et leurs assemblées dans la capitale de la province sur le pied antérieur, en leur conservant aussi l'administration des deniers publics. » Nous supplions enfin, en cas que quelque innovation fût jugée nécessaire , de ne pas lintroduire sans le concours des états, qui, s'il en arrivait autrement, ne pourraient s'abstenir, le pacte inaugural à la main, de réclamer et de protestercontre toutes les infractions qui en résulteraient. L'agitation fit de rapides progrès quand on eut reconnu que la ferme volonté de l'empereur était de n'avoir point égard à ces représentations. Des corps de volontaires se formèrent dans plusieurs provinces, et quelques états refusant les subsides au gouvernement semblaient ainsi disposés.


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à se mettre en hostilité ouverte. Les gouverneurs généraux. ( c'étaient alors le duc de Saxe-Teschen et l'archiduchesse Marie-Christine, mère de Joseph ) se virent bientôt forcés, par l'effervescence générale, à déclarer aux états leur intention de rétablir provisoirement les anciennes institutions, par une lettre datée du 28 mai 1787, et qui commençait en ces termes : « Très-révérends, révérends pères en Dieu, » nobles chefs et bien-aimés. Ayant reçu et examiné les re» présentations que vous nous avez adressées le 15 de ce » mois, nous les avons portées à la connaissance de l'emen proposant à Sa Majesté les moyens les plus » pereur, » conformes au vœu de la nation, bien certains que vous » reposant sur nos soins et nos sentimens , comme sur ce » que nous avons déclaré et vous déclarons encore par la » présente, vous attendrez avec autant de confiance que de » tranquillité la résolution que l'éloignement actuel de Sa » Majesté doit nécessairement retarder. » Il n'en fut pas comme les sérénissimes gouverneurs l'avaient espéré. Le lendemain, une vaste insurrection éclata à Bruxelles. Une multitude innombrable armée, et portant le lion belgique sur la poitrine, entoure le palais des princes et repousse les gardes. Déjà un membre de l'assemblée des états a prononcé le mot de république ; le gouvernement croit alors devoir adhérer au vœu public si violemment exprimé, et il déclare solennellement que toutes innovations sont et demeurent supprimées, et que les anciennes institutions sont partout rétablies. Le calme renaît alors, et l'empereur, obligé de soumettre ses impérieuses volontés à 1'énergie de ce peuple, consent à tout après avoir obtenu de vaines excuses. On peut présumer qu'en des temps plus reculés , les troubles eussent été terminés après ce triomphe du vœu populaire, car ce qui caractérise surtout le peuple dont nous esquissons 1'histoire, c'est une sorte de retenue jusque dans les actes les plus violens ; mais l'esprit qui allait ébranler


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tous les trônes de l'Europe avait déjà fait de rapides progrès dans ce pays limitrophe de la France. Là aussi on ne rêvait qu'indépendance, et l'on s'indignait d'avoir pour souverain un monarque étranger. Le triomphe que la liberté venait d'obtenir n'avait fait qu'enflammer davantage les têtes exaltées par la pensée d'un entier affranchissement. Il ne fallait donc qu'une étincelle pour produire un nouvel incendie. Joseph avait cédé, mais en conservant l'espoir que ses volontés recevraient plus tard leur accomplissement. Il y travaillait donc sourdement avec cette opiniâtreté qui le caractérisait. C'était surtout par l'instruction de la génération nouvelle qu'il espérait en venir à ses fins, de sorte qu'il créait en divers lieux des instituts, où des maîtres nouveaux enseignaient à la jeunesse de nouvelles doctrines. 11 s'établit entre ces écoles et celles de l'antique et célèbre université de Louvain une rivalité qui tourna tout à l'avantage des dernières, parce qu'il suffisait que les autres fussent de création impériale pour qu'elles fussent vues avec déplaisir. L'empereur, qui n'aimait pas cette université depuis les derniers troubles où elle avait eu une influence marquée, chercha dès-lors à la rabaisser en attaquant ses prérogatives ; la jeunesse prit fait et cause; une nouvelle agitation se manifesta. Des subsides demandés par l'empereur furent refusés par les états du Hainaut et du Brabant. Sa colère ne connutplus alors de bornes. Il cassa les états et le conseil souverain, abolit la joyeuse entrée, et révoqua même l'amnistie qu il avait précédemment accordée. Plusieurs personnes furent arrêtées. On croit qu'alors fut formellement arrêté le projet de soustraire les provinces belgiques à la domination autrichienne, par tous les hommes de ce pays auxquels on pouvait donner à cette époque la dénomination de patriotes. La situation politique de ces provinces changea alors totalement. Les premiers troubles avaient été dirigés en


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faveur de l'aristocratie et du sacerdoce contre des innovations révolutionnaires ; maintenant les esprits se trouvaient entraînés par d'autres personnages que l'empereur, vers des innovations plus révolutionnaires encore. Mais il était naturel que les mains plébéiennes qui les offraient en changeassent la nature aux yeux d'un peuple peu éclairé, et qu'il renversât, guidé par eux, la constitution pour laquelle il s'était armé une année avant. Ces fluctuations rapides dont on retrouve des exemples dans l'histoire de toutes les sociétés, méritent d'être remarquées. Dès-lors , toutefois, par une conséquence nécessaire , il y eut une division entre les patriotes : une portion ne voulut pas aller en avant, et garda ses positions. Les hommes qui se rattachaient à cette faction voulaient simplement une réforme constitutive et administrative ; tout le reste eut par-dessus tout en vue l'indépendance absolue du pays. Les premiers, moins éloignés du joug de l'Autriche, devinrent le parti aristocratique, quand les autres , faibles émules de la France, eurent fait la faute de vouloir être le parti républicain. Tels furent les caractères principaux de cette révolution. Il faut bien comprendre, au surplus, que la presque totalité des Belges se trouva partagée entre ces deux seules factions ; car la cour impériale ne pouvait avoir un parti. Les premiers avaient pour chefs l'avocat Vonk et le due d'Aremberg ; les seconds étaient dirigés par un autre avocat nommé Van-der-Noot, et par le pénitencier Van-Eupen. « Van-der-Noot, dit M. de Ségur (1), avocat sans lumières , » intrigant sans génie , mais orateur verbeux et hardi, ins» trument docile du prêtre Van-Eupen, hypocrite profond » et politique adroit, enflamma les esprits au nom de la re» ligion et de la liberté. » Une conspiration se forma, et les deux partis y entrèrent d'abord également. Il paraît que le plan en fut arrêté par (1) Tableau politique, tome I.


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dix personnes seulement, au nombre desquelles se trouvaient Van-Der-Noot. Chacune de ces dix personnes dut simplement engager dix autres conspirateurs, et ainsi de suite ; quand on jugea qu'il y avait un assez grand nombre d'associés , on prit les armes en plusieurs endroits à la fois pour chasser les Autrichiens (1). Une politique habile commanda de laisser d'abord toute l'influence aux modérés. Ce fut donc dans le parti de Vonk que fut choisi le général des corps fédérés pour l'indépendance; un colonel nommé Van-Der-Mersch reçut ce titre. Il eut de rapides succès. Les Autrichiens furent, successivement obligés d'évacuer toutes les places. Van-Der-Noot fit, le 18 décembre 1789, une entrée triomphale à Anvers, et, Je 26 du même mois, l'empereur Joseph II fut déclaré par les états déchu de la souveraineté , pour avoir violé la joyeuse entrée. L'exemple du Brabant fut imité par les autres provinces. Une assemblée de députés de toutes les provinces belgiques s'étant formée à Bruxelles, signa, le 11 janvier 1790, un acte par lequel ces provinces se confédéraient sous le titre d' Etats-Belgiques-Unis. Des députés de ces provinces formaient par cette constitution un congres souverain ; mais chacune conservait son indépendance, ainsi que l'exercice du pouvoir législatif. L'existence de cette république ne fut pas longue; des intrigues étrangères et des fautes intérieures la renversèrent au bout d'une année; après avoir éprouvé une réaction, suite des divisions que nous avons exposées plus haut, ce pays ne se sentit pas assez fort pour maintenir sa liberté. Le congrès traita avec l' empereur Léopold, qui venait de succéder à Joseph II. Cet empereur s'engagea à gouverner d'après les anciennes constitutions du pays, et à annuler tout ce que son prédécesseur y avait fait de contraire. Il accorda une amnistie. On déposa suc(1) Denina. rivoluzioni del imperio , etc.


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cessivement les armes. Les principaux patriotes prirent la fuite, et les impériaux entrèrent dans Bruxelles le 2 décembre. Tel fut le bizarre dénouement de cette révolution. Cependant la France marchait à pas rapides dans cette carrière où la Belgique se trouvait arrêtée. Bientôt la guerre éclata entre la nouvelle république et les rois de l'Europe. Les Pays-Bas devinrent le théâtre de ses premiers triomphes , et tombèrent successivement au pouvoir de ses armes. Enfin, le 1er octobre 1795 (an III) , fut solennellement prononcée la réunion de la Belgique et du pays de Liège au territoire français. Après vingt ans d'une pareille existence , la fortune des armes changea ce qu'elle avait opéré. Les monarques unis, vainqueurs à Leipsick, s'étant emparés des départemens composant les anciens Pays-Bas autrichiens , reçurent une députation de ces provinces qui réclamait pour elles l'indépendance. Déjà était conçu le projet exécuté un peu plus tard. En conséquence, cette députation n'obtint qu'une réponse peu satisfaisante.Les Belges virent, avec plus de déplaisir encore, la nomination d'un gouverneur général laissée à l'empereur d'Autriche; mais bientôt leur sort fut définitivement fixé par la création du royaume des Pays-Bas ; acte de la politique européenne, sur lequel nous reviendrons.

TROISIÈME PARTIE.

République des Provinces-Unies. CHAPITRE PREMIER.

Jusqu'à Guillaume III. Nous avons tracé les principales circonstances de la révolution religieuse et politique qui introduisit une nouvelle puissance sur la face du globe, jusqu'à l'acte de confédération


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 48 d'Utrecht qui la constitua. Il nous reste maintenant à reprendre de ce point pour examiner rapidement l'existence de la république hollandaise jusqu'à nos jours. Le prince d'Orange avait fait beaucoup pour l'indépendance des provinces, en les unissant fortement contre l'oppresseur commun par un lien constitutif ; mais il restait encore beaucoup à faire. L'union naissante était assaillie de toutes parts , et elle n'avait que de faibles moyens à opposer à une puissance colossale. Les Espagnols avaientrétabli leurs affaires dans les provinces méridionales; ils rentraient successivement dans les places. Ils préparaient des armemens considérables. Les calvinistes de France ne pouvaient qu'à peine se suffire à eux-mêmes; l'Allemagne ne fournissait alors des soldats qu'à ceux qui pouvaient donner beaucoup d'or; et la politique anglaise, comme si elle eût prévu les destinées futures de la nouvelle république , ne semblait disposée qu'à l'empêcher de succomber. On pouvait donc avoir de justes appréhensions pour l'avenir, et c'était avec raison que les états firent frapper une médaille, dans laquelle on voyait un vaisseau exposé à la merci des vagues, sans voile et sans gouvernail, avec cette inscription ; Incertain quo fata ferant (1). Mais le génie du pilote devait suppléer à tout ce qui semblait menacer le vaisseau du naufrage. Sa grande âme embrasa celle de ses compagnons d'armes. Les succès du prince de Parme furent balancés, et le développement prodigieux que reçut l'activité intérieure de la nation ouvrit bientôt d'inépuisables ressources. L'Europe eut de la sorte un second exemple de cette incalculable puissance de l'esprit de liberté , qui devait plus tard lui offrir un tableau plus imposant encore. Cependant Philippe , indigné du démembrement que

(1) Puffendorf, introduction à l'Histoire de l'Univers, tome III, chapitre VI.


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subissait sa souveraineté ne crut plus devoir garder de mesures. Il proscrivit le libérateur des Provinces-Unies, et promit vingt-cinq mille écus à celui qui lui apporterait sa tête. Les états répondirent à cet acte de violence par une déclaration formelle d'affranchissement : c'était en l'année 1781 ; tout, s'était fait encore jusque-là au nom du roi d'Espagne. L'appel fait au fanatisme par Philippe fut entendu. Guillaume tomba, peu dannées après, sous le poignard d'un assassin suscité par quelques moines; grand homme, qu'on ne peut sans doute pas laver entièrement du reproche d'avoir mêlé quelques vues d'ambition particulière aux élans du plus noble patriotisme ! Sa mort répandit la consternation dans toute la république , niais elle contribua peut-être à augmenter encore l'horreur que faisait éprouver le nom de Philippe II, et par conséquent à accroître l'énergie de la nation pour se soustraire à son joug. Une union plus étroite fut effectuée avec la reine Elisabeth, et ses secours furent obtenus au moyen de l'importante cession des ports de la Brille, de Raemkens et de Flessingue. Enfin, cette princesse envoya aux états un gouverneur général, choisi parmi ses favoris : c'était ce brillant Dudley, comte de Leicester, qu'elle fut, disent quelques écrivains, tentée de couronner. Ce choix fut heureux pour la république, car la légéreté du seigneur anglais révéla facilement les vues secrètes et intéressées de sa cour. L'attention des Hollandais fut éveillée par ses intrigues; ils pressentirent que, soustraits au joug des Espagnols, ils allaient avoir à en redouter un autre. Ils observèrent sa conduite avec défiance, et bientôt ses nombreuses inconséquences donnèrent lieu à leurs murmures d'éclater hautement. Le comte fut rappelé, et le commandement général fut confié au jeune Maurice de Nassau, digne fils de Guillaume, et qui lui avait déjà succédé dans quelques-unes de ses charges. TOME III.

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Arrêtons-nous maintenant pour considérer ce gouvernement des stadthouders, définitivement constitué à l'époque où nous sommes parvenus. Il est manifeste que la pensée dominante des rédacteurs de l'acte d'Utrecht avait été d'opposer avant tout une forte ligue aux efforts puissans du roi d'Espagne. Pour cela, on n'avait pu faire une constitution fédérative, régulière et uniforme; ce travail demandait un temps plus calme. Ce n'était pas alors qu'on avait besoin du concours énergique de toutes les provinces, qu'il fallait risquer de faire naître une foule d'oppositions locales aux besoins généraux de la communauté. Et cela n'eut pas manqué d'avoir lieu chez des peuples qui s'étaient toujours distingués par un attachement scrupuleux à leurs usages constitutifs, si l'on eût tenté d'assimiler aux mêmes formes les gouvernemens respectifs de toutes les provinces. Il fut donc sage de se borner alors à créer un acte de fédération au lieu d'une constitution fédérative. Le besoin le mieux senti, à cette époque, était que toutes les forces fussent activement dirigées vers un but unique; ce qui ne pouvait être réalisé qu'en réunissant une certaine masse de pouvoirs sur une seule tête. L'acte fondamental créa donc une grande influence dans la personne du stathouder : cette influence fut telle , qu'il ne manqua quelquefois dans la suite que le titre de roi au premier magistrat de la république. L'acte fondamental renferme à ce sujet des contradictions manifestes, et l'on peut, dans le fait, dire qu'en Hollande les mœurs publiques ont toujours comprimé les institutions : le gouvernement était sans cesse sur le point de dégénérer en monarchie, mais le caractère national fortement trempé de républicanisme arrêtait toutes les tentatives de l'ambition. Le prince et le peuple avaient sans cesse présente à l'esprit cette déclaration de 1781, où il était formellement exprimé que la volonté générale peut expulser le souverain quand il s'est fait l'ennemi du pays par ses vexations.


51 pouvait s'attendre que cette magisQuoi qu'il en soit, on trature élevée qu'on créait, tendrait continuellement à s'étendre, et qu'il y aurait dès-lors lutte perpétuelle entre ceux qui en seraient investis et les délégués de la nation , véritables souverains d'après les lois fondamentales. C'est aussi là, en effet, l'histoire du stathoudérat. On voit constamment les princes, décorés de ce titre, chercher à affaiblir l'influence des états-généraux pour accroître la leur ; et cette marche donna heu fréquemment, comme nous allons le voir, à de sanglans excès. « Pour peu qu on réfléchisse sur la constitution des Provinces-Unies , dit un écrivain (1) , on n'a pas de peine à » » se convaincre que toutes les autorités avaient leur source » dans les régences des villes, puisque leurs députations » composaient les états provinciaux, comme les députations » de ceux-ci composaient les états-généraux. Il était donc » très-clair qu'en exerçant une puissante influence sur la » nomination des magistrats dans les villes, on pouvait avoir » des régences, et par conséquent des états provinciaux et » des états-généraux entièrement à sa disposition, c'est-à» dire envahir le pouvoir législatif, après avoir été déjà » investi des parties les plus importantes du pouvoir exé« cutif. Et telle fut, en effet, la politique constante des » stathouders depuis Guillaume 1 jusqu'à Guillaume Y, » sans exception. » L'état des Provinces-Unies ne fut donc point, à proprement parler, une république, mais plutôt une union de plusieurs républiques, dont chacune conservait son gouvernement et sa portion de souveraineté (2). Cette souveraineté résidait individuellement dans chaque assemblée d'état ces sept provinces , et sur les points d'un intérêt général DES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS.

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( 1, Mémoire sur la révolution de Hollande, par l' Histoire de Frédéric-Guillaume II, par M. le comte

(2) Crotins , Apolog. , chap. 1 ,

M. Caillard, etc. , dans de Ségur, t. 1,

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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

dans le congrès national portant le titre d'états-généraux. Ce congrès, primitivement composé de la presque totalité des assemblées d'états provinciaux, changea de forme vers l'avénement de Maurice au stathoudérat. Il n'était rassemblé que rarement, parce que le nombre des députés (ils se montaient, quelquefois à plus de huit cents) rendait les délibérations fort longues et fort confuses. Le conseil d'état représentait cette assemblée quand elle ne siégeait pas, et il surveillait ' l'exécution de ses décrets. Mais une telle disposition parut trop manifestement favoriser le despotisme. Les provinces demandèrent alors qu'on créât une députation permanente choisie au sein des états , et qui jouirait de la portion de pouvoir que la constitution déléguait à ces corps représentatifs. Cette proposition fut adoptée, et alors siégea à La Haye l'assemblée désignée sous le titre d'états-généraux, quoiqu'elle n'en fût véritablement qu'une représentation. On a comparé l'assemblée des états-généraux à un conseil d'ambassadeurs, dont les stipulations doivent être ratifiées par leurs souverains respectifs. Cette comparaison est assez juste. Chaque province avait en effet le droit, en vertu de sa portion de souveraineté, de refuser par ses états son consentement aux mesures adoptées par ses députés aux étatsgénéraux, de concert avec ceux des autres provinces. On voit dans cette disposition , celte ombrageuse inquiétude d'un peuple qui veut préserver ses libertés particulières, même en compromettant par des lenteurs l'action des mesures d'un intérêt général. On doit comprendre maintenant que, de même que les rapports des dépurations de chaque province aux étatsgénéraux avec leurs états respectifs, étaient modifiés par la constitution particulière des provinces, la situation politique du stathouder, par la même raison, n'était pas partout la même. Il y avait en effet en lui le capitaine et l'amiral général de la république, et le dépositaire de la portion de pouvoir exécutif que déférait chacune des cons-


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titutions à ce chef de l'état. Cette distinction est importante, et c'est parce qu'un très-grand nombre d'écrivains ne l'ont pas établie que les faits sont fort souvent mal éclaircis dans leurs relations. Maurice prêta le serment qui suit : « Je promets et jure » aux états confédérés des Pays-Bas qui demeureront dans » l'alliance et la défense de la religion réformée, et nom« mément à la haute et basse noblesse, et aux magistrats des » villes de Hollande et de Westfrise, qui représentent les ■ états de ces nations, de leur être fidèle et obéissant; et que » j'obéirai et ferai en sorte que les officiers de l'armée, les » capitaines, et les autres qui sont soumis à notre com» mandement, obéissent aux lois et aux ordres des états » confédérés en général, et particulièrement de ceux de Hol» lande » (1). Reprenons la narration. « Cependant les destinées de la république étaient fixées: » la bravciure heureuse de Maurice avait achevé l'ouvrage » du profond génie de Guillaume. Les sept Provinces-Unies » florissaient sous un gouvernement libre et fortement cons» titué; des mœurs simples et pures, une patience active et » industrieuse, une volonté forte et opiniâtre, caractéri» saient la population du nouvel état , et promettaient des » miracles pour l'avenir. Déjà le pavillon de la république » flottait sur toutes les mers; déjà quelques villes avaient » reçu par le commerce de rapides accroissemens, et s'étaient » élevées à une haute importance; déjà l'on méditait d'ad» mirables travaux dans l'intérieur, et d'utiles conquêtes » dans les deux hémisphères. On reste frappé d'étonnement » quand on considère cette époque de l'histoire de la Hollande ; elle avait commencé comme Venise ; mais en

(1) Ces observations suffisent; on trouvera ci-après de plus amples développemens sur la constitution des Provinces-Unies.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 54 » quelques années elle avait, franchi l'espace que la répu» blique italienne avait mis plusieurs siècles à parcourir. (1) » Nous n'avons pas à suivre ici ces guerres mémorables dont les Pays-Bas furent le théâtre après la mort de Guillaume, et où se signalèrent ies talens rivaux de Maurice et de Spinola ; nous devons arriver rapidement au premier résultat important obtenu par la constance des Hollandais, c'est-à-dire à la trève de 1609. Tout se réunissait pour amener ce résultat. Philippe II n'était plus, et son fils paraissait disposé à consumer dans e pratiques d'un minutieux et indolent bigotisme les années de domination que le Ciel promettait à son sceptre. L'Espagne était épuisée par les longs efforts qu'elle avait faits pour entretenir ces désastreuses guerres civiles de France et des Pays-Bas. La France et l'Angleterre voyaient chaque jour ajouter à leurs prospérités, et leur union solide avec la nouvelle république pouvait inquiéter le conseil de Castille , sur le sort futur des provinces où l'Espagne dominait encore. Dans ces provinces aussi, tous les vœux se réunissaient vers le terme d'une guerre qui ne semblait plus être soutenue que pour satisfaire un vain orgueil ; et ies archiducs eux-mêmes voulaient enfin y faire succéder à toutes les calamités de la guerre un règne doux et protecteur. Les adversaires de la république se trouvèrent donc ainsi amenés insensiblement à d'autres dispositions, et dès 1607 il y eut quelques pourparlers relatifs à une pacification générale. On avait déjà vu naître en Hollande le germe de ces divisions qui , plus tard , se terminèrent par de sanglans arrêts. Dès cette époque, ceux qui avaient si vaillamment concouru à la délivrance de la patrie se trouvaient rangés sous deux bannières. Le célèbre Olden Barneveld , grand pensionnaire de Hollande, était regardé comme le chef des

(1) Continuation de l'Histoire de France de Vely. — Henri IV, t. tu.


55 dévoués à la liberté ; à côté de Mauhommes véritablement rice se plaçaient tous ces enthousiastes de la gloire militaire, à qui il importait simplement que le joug espagnol ne fût point rétabli. Le premier avait facilement démêlé les vues ambitieuses du général , et il y opposait dans toutes les occasions les talens d'un homme consommé et les vertus d'un, caractère antique. Les négociations s'étant ouvertes, les vues contraires de ces deux illustres personnages se manifestèrent dune manière plus marquée encore. Carneveld croyait avec raison qu'il ne manquait plus à la république que quelques années de paix pour fonder son existence sur des bases inébranlables; et Maurice se croyait sûr de déterminer la Hollande, avec quelques victoires de plus, à changer en sceptre son bâton de stathouder. Cette division ralentit, comme on le pense bien, la marche des négociations (1); mais enfin l'habileté du ministre que Henri IV avait fait accepter comme médiateur (le président Jeannin ), triompha de tous les obstacles, et la trêve de douze ans fut signée le 9 avril. La France porta, par cette mémorable transaction, le dernier coup à l'influence politique de l'Espagne en Europe, et ce fut son tour d'obtenir dans les affaires de ce continent une juste prépondérance. En paix alors avec toute l' Europe, la nouvelle république marcha à grands pas dans la brillante carrière qu'elle s'était ouverte. La fameuse compagnie des Indes orientales avait pris naissance en 1602 , et déjà elle avait fait refluer sur les provinces d'incalculables richesses. Chaque année lut alors marquée par un nouveau succès au-delà de la ligne; elle remplaça successivement partout les Portugais, anciens dominateurs des mers équatoriales ; et l'accroissement rapide de sa marine lui fit entrevoir, dans un avenir plus éloigné, le rang quelle était appelée à occuper entre les peuples de l'Europe. DES INSTITUTIONS POLITIQUES DANS LES PAYS-BAS.

(1) Mémoires et négociations du président Jeannin, 3 vol. in-8°.


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La guerre recommença à l'expiration de la trève de 1621, peu d'années après la sanglante catastrophe de cette querelle religieuse et politique des Arminiens et des Gomaristes , où Maurice trouva l'occasion de frapper Barneveld , et de se venger ainsi de l'opposition constante que ses projets avaient rencontrée dans ce grand homme ; action infâme, qui doit souiller éternellement la mémoire de ce stathouder ! Maurice mourut en 1625. Frédéric-Henri, son frère, fut, immédiatement après sa mort, revêtu par les hautes puissances des charges de capitaine et d'amiral-général. Les étals de Hollande le nommèrent stathouder peu de jours après. Les autres provinces adhérèrent successivement à cette élection, à l'exception de Groningue et l'Ommeland , qui décernèrent ce titre à un autre prince de cette maison. Frédéric-Henri soutint la guerre avec courage et succès. Son administration fut juste et habile, et c'est de tous les stathouders celui qu'on regarde comme le plus pur de toutes atteintes contre les libertés de la république. Ce prince expira un peu avant la conclusion des traités de Westphalie. Son fils, Guillaume II, lui succéda, et vécut assez pour prouver qu'il ne voulait pas marcher sur les traces de Frédéric-Henri. Il mourut deux ans après la conclusion du traité de Munster, 1648 , par lequel l'Espagne reconnut définitivement les Provinces-Unies comme une puissance indépendante, et lui sacrifia l'existence commerciale des provinces belgiques en fermant l'Escaut; ce traité fut ainsi le complément de la grande trève conclue près de quarante années auparavant.


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CHAPITRE II

ET

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DERNIER.

Jusqu'à la création du royaume des Pays-Bas. L'ESPRIT qui avait dirigé Elisabeth dans ses rapports avec les Provinces-Unies lui survécut. La politique anglaise fut, après elle, comme sous son règne, d'aider la république pour s'en faire un rempart contre la puissance prépondérante sur le continent, mais en cherchant, par des voies détournées, à comprimer le développement prodigieux de ses relations commerciales. Tel fut, comme nous allons le voir, le principe de la conduite de l'Angleterre à l'égard de la Hollande, jusqu'à l'époque même à laquelle nous touchons. La tombe de Guillaume Il fut le berceau de Guillaume III. Il naquit huit jours après la mort de son père; et cet enfant, que le ciel appelait à porter une couronne étrangère, se vit menacé de perdre, par une révolution, les dignités même que ses ancêtres avaient rendues, en quelque sorte, héréditaires dans leur maison. Les stathouders précédens avaient trop clairement manifesté leurs projets ambitieux, pour que la république ne vît pas cette dignité avec ombrage. On saisit l'occasion qu'offrait la minorité de Guillaume III pour en suspendre d'abord l'exercice, et, plus tard, la province de Hollande non-seulement éteignit le stathoudérat, mais encore s'engagea à tout tenter pour que les autres provinces en fissent autant, ou du moins décidassent qu'on ne déférerait jamais les charges de capitaine et d'amiral-général à quiconque serait stathouder d'une ou de plusieurs provinces. L'administration devint alors toute républicaine ; et pour mieux en assurer la perpétuité, il fut statué que l'élection des magistratures et la collation des charges resteraient irrévocablementaux villes. L'acte par lequel fut opérée cette révolution porta le titre dédit perpétuel; il est de 1667. Son auteur


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principal fut Jean deWitt, grand pensionnaire de Hollande. L'influence étrangère s'était réunie au zèle patriotique pour abolir le stathoudérat. Cromwell, par haine contre la maison d'Orange, alliée à celle des Stuart, avait fait insérer dans la paix de Westminster, en 1654 , un article secret, par lequel les états de Hollande et de Westfrise s'engageaient à ne jamais élire le jeune prince, fils de Guillaume II et d'une princesse anglaise. Il avait aussi précédemment proposé l'union des deux républiques en un seul état, dont les deux parties principales conserveraient leurs formes respectives de gouvernement, et il y eut des conférences à la Haye à ce sujet ; mais la proposition du protecteur fut repoussée avec une vivacité qui trahissait le véritable esprit régnant dans les Provinces-Unies à l'égard d'Albion. Il y a deux remarques à faire ici : la première, c'est cette union des maisons de Hollande et d'Angleterre , de tout temps suspecte au parti conservateur des principes et des vertus patriotiques de Barneveld ; la seconde , c'est cette fixité de vues politiques dans les conseils de la Grande-Bretagne envers ou plutôt contre la Hollande, qui fit agir exactement le prolecteur comme eut agi le monarque qu'il avait détrôné. Cependant la république devenait chaque jour plus florissante par l'heureuse influence de l'illustre Jean de Witt; son administration intérieure était améliorée; son empire commercial s'étendait. C'est l'époque où Ruyter brûlait les vaisseaux anglais à Chattam, et portait l'épouvante jusque dans la rade de Londres. Les intrigues de la cour d'Angleterre et les victoires de Louis XIV changèrent la face des affaires. Charles II devait, par la nature même des choses, tendre à rétablir le stathoudérat que Cromwell avait voulu renverser. Le parti de la maison d'Orange se réveilla donc par les instigations des agens de ce prince , et de nouveaux orages furent annoncés. Louis XIV, d'une autre part, brûlait de punir ces


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59 fiers marchands , qui avaient récemment fait reculer ses armes par la tripla alliance. Il parvint à rompre les liaisons du faible Stuart avec la république ; et passant le Rhin en 1672, il entra en Hollande. Ses conquêtes furent rapides. Les provinces de Gueldres, d'Utrecht et d'Over-Yssel furent soumises en quelques semaines. Les Français pénétrèrent jusqu'à Muyden , à quatre lieues d'Amsterdam. Le découragement était général. Quelques-uns proposaient de transporter le siège du gouvernement dans les Indes orientales. La république semblait perdue. Dans ces fatales circonstances, le parti du stathoudérat prit une nouvelle énergie. On s'écria de toutes parts qu'un stathouder pouvait seul, comme au temps de Guillaume 1 , sauver la patrie. Le peuple, qui n'entendait jamais ce nom du libérateur des Provinces-Unies sans un sentiment d'exaltation , répondit à ce cri en massacrant les deux frères de Witt, et en proclamant l'héritier de cette race illustre (1). Ainsi f urent payés vingt ans de glorieux services ; ainsi fut rétabli le stathoudérat ! Guillaume avait alors vingt-deux ans. Comme pour le récompenser d'avance de tout ce qu'il allait faire , l'enthousiasme du peuple voulait que le stathoudérat et les charges de capitaine et d'amiral-général fussent déclarés héréditaires dans sa famille; une province, celle de Gueldres, alla plus loin l'année d'après, car elle lui offrit le titre de duc souverain. Son cœur l'eut accepté , mais sa politique le refusa, et toutes les autres provinces qu'avait confondues cette offre inconsidérée retentirent de ses louanges. Le génie du nouveau stathouder , aidé par les fautes de la France , sauva la république. Ses mesures énergiques opposèrent d'abord quelque résistance aux armes françaises, et bientôt après d'habiles négociations formèrent une ligue qui obligea Louis XIV à évacuer la Hollande. La guerre er

(1) Basnage , t. II.


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fut terminée par la paix de Nimègue, en 1678. La république y recouvra Maëstricht, la seule des villes conduises que la France eût conservées jusque-là. L'abolition de l'édit perpétuel et l'hérédité du stathoudérat proposée annonçaient, de fait, un grand changement dans la constitution de la république. Il était clair qu'elle allait dégénérer en une sorte de monarchie représentative. Guillaume sut mettre à profit la reconnaissance publique, pour donner de solides bases à l'existence politique dont il venait d'être investi. Sous prétexte de punir les provinces qui semblaient avoir manifesté la disposition de se détacher de l'union, par l'accueil qu'elles avaient fait aux Français lors de l'invasion , il parvint, par adresse ou par violence, à les dépouiller du droit d'élire leurs magistrats, et à en faire une prérogative du stathoudérat. Ces provinces étaient Gueldre, Utrecht et Over-Yssel. Ce que nous avons dit précédemment fait comprendre qu'il se trouvait avoir par là, outre une véritable souveraineté sur les trois septièmes de la république, une portion considérable des etats-generaux, qui lui était dévouée parce qu'elle y siégeait en quelque sorte par son influence. L'acte par lequel le prince fut investi de ces hautes prérogatives dans ces trois provinces est ce qu'on appelle le Règlement de 1674. Enfin, une année avant la paix de Nimègue, Guillaume épousa Marie d'Angleterre, fille du duc d'Yorck. Il chercha it, comme on voit, ainsi que ses prédécesseurs, à fonder sa puissance sur une alliance avec la couronne britannique. Mais de plus profondes considérations déterminèrent sans doute le stathouder à un acte fait pour déplaire aux Hollandais. Il est probable qu'il vit dans ce mariage le germe d une haute fortune, et une union qui devait plus tard changer tous les rapports politiques en Europe. Ses espérances se réalisèrent en 1688. Il fut appelé au trône d'Angleterre par le vœu national. Deux étals, souvent ennemis et toujours rivaux, se trouvèrent ainsi régis


DES

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par le même sceptre. Cet accroissement de puissance dut, comme on pense bien , augmenter la prépondérance de Guillaume dans les affaires de la république ; aussi dit-on qu'il était roi en Hollande et stathouder en Angleterre , où son règne était fort agité. La guerre de la succession éclata, et le stathouder y trouva une nouvelle occasion d'accroître ses prérogatives d'un privilège plus redoutable encore que le règlement de 1674. Les mouvemens principaux des troupes devaient, d'après la constitution, être soumis par le capitaine-général à leurs HH. PP. ; et, il en faut bien convenir, cette règle devait avoir de graves inconvéniens , puisqu'elle empêchait de mettre dans les opérations une célérité souvent si nécessaire à la guerre. Guillaume sut faire ressortir ces inconvéniens, et il obtint des états-généraux de pouvoir disposer de l'armée comme bon lui semblerait, et sans en référer préalablement à leur décision. Cette concession avait été faite pour une campagne seulement; la nécessité la maintint en vigueur pendant les campagnes suivantes , et elle devint ensuite un droit dit de patentes, qui resta attaché au stathoudérat jusqu'à l'extinction de cette dignité. Guillaume mourut en 1702, et le parti patriotique, qui avait frémi pour la république pendant le gouvernement de ce stathouder-roi, eut encore assez de crédit pour remettre en vigueur l'édit perpétuel et faire abolir le stathoudérat. La direction générale des affaires fut donc de nouveau confiée aux HH. PP., et cette direction ne fut pas moins brillante que celle qui avait eu lieu avant l'avènement de Guillaume III ; la guerre vaillamment soutenue se termina par la paix d'Utrecht, et deux années après, en 1715, les etats-generaux conclurent ce fameux traité de la Barrière, que les uns ont représenté comme une transaction de la plus profonde politique, et les autres comme un acte d'une insignifiance complète.


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La seconde guerre de la Succession, celle qui eut lien en 1740 , à la mort de l'empereur Charles VI, donna lieu à un nouveau changement dans le gouvernement de la république. La fortune n'ayant point alors favorisé les armes hollandaises, les partisans du stathoudérat crurent avoir une heureuse occasion d'agiter les esprits. De vives déclamations contre le gouvernement se firent entendre partout, et le peuple, toujours mobile dans ses vœux, y répondit comme précédemment, en demandant à grands cris un stathouder. La Zélande imprima une impulsion que toutes les provinces suivirent successivement, et, dans l'espace de quinze jours, la révolution fut consommée. Le stathoudérat fut donc rétabli, et il le fut avec toutes les prérogatives que le dernier stathouder s'était arrogées. On alla même plus loin, et ce qu'on avait simplement proposé pour Guillaume III, fut formellement décrété eu faveur de Guillaume IV : la dignité de stathouder fut déclarée héréditaire dans la maison de Nassau Orange, dans la branche cadette au défaut de la branche aînée, et affectée même aux femmes en cas d'extinction de la ligne masculine. Cette loi constitutive, qui est de 1747 , fut portée, par les états de Hollande et Westfrise, sur la proposition du corps des nobles (1). Elle complétait le système d'envahissement qui constitue l'histoire même du stathoudérat; il n'y avait plus qu'un titre à changer. Au surplus , on peut juger de quel œil ceux dont le cœur conservait les principes de Barneveld et de Jean de Witt virent une résolution qui appendait l'epée de capitaine-général de la république au berceau d'une petite fille ; celui qui fut Guillaume V n'était pas encore né. La cour des stathouders prit alors tous les dehors de la royauté. Le peuple avait oublié le temps où ces grands pensionnaires , devant lesquels s'abaissait la fierté des mo(1) Abrégé de l'Histoire de Hollande, par M. Kerrent, t. IV.


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narques, n'avaient pour toute escorte qu'un valet (1), et il applaudissait à toutes les innovations de son premier magistrat : ce magistrat, roi par le fait, voyait dans son titre même le gage d'une popularité qui pouvait lui être encore nécessaire. C'est ce qui faisait dire au grand Frédéric, donnant sa nièce pour épouse à Guillaume V : « Vous êtes heureuse, ma nièce, vous allez vous établir dans un pays où vous trouverez tous les avantages attachés à la royauté sans aucun de ses inconvéniens. » Le règne de Guillaume IV fut marqué par de nouveaux efforts pour diriger l'élection des régences dans les villes. « Parmi les moyens que le stathouder imagina pour arriver » à ce résultat, il s'arrêta à celui d'écrire aux villes vers le » temps des élections, des lettres dans lesquelles il leur » recommandait les sujets qu'il croyait les plus attachés à ses » intérêts. L'usage de ces lettres s'établit, et après un cer» tain nombre d'années fut appelé par le parti stathoudé» rien, le droit de recommandation (2). » Toutefois plusieurs provinces opposèrent une vive résistance à ces tentatives de despotisme; l'on put dès-lors prévoir que si le stathouder comblait la mesure, il s'établirait une lutte où succomberait le stathoudérat. Guillaume IV mourut en 1751. Le fils qui lui succéda sous le titre de Guillaume V n'avait encore que trois ans. Sa mère exerça d'abord la tutelle ; puis à sa mort, le duc de Brunswick-Wolfenbuttel en fut chargé. Ainsi donc c'étaient une princesse anglaise et un prince allemand qui dirigeaient alors successivement les destinées de la républiq ne de Hollande. Le jeune prince apprit à leur école à considérer son gouvernement comme essentiellement soumis a une influence étrangère. Cependant l'opinion patriotique se manifestait chaque (1) Le chevalier Temple, remarques sur les Provinces-Unies. (2) Mémoire de M, Caillard , etc.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 64 année avec d'autant plus d'énergie, que les prétentions du stathoudérat étaient plus clairement exprimées. Elle eut assez de force pour expulser le duc de Brunswick, lequel avait essayé de se maintenir à la tête des affaires, même après la déclaration de majorité du prince, en lui faisant signer un acte dit de consultation. Elle s'apprêta à opposer une vive résistance à ce jeune stathouder , qui paraissait disposé à franchir toutes les limites qu'avaient respectées ses prédécesseurs. Les projets d'envahissement des stathouders avaient toujours eu, comme nous l'avons montré, les Anglais pour auxiliaires. Cette disposition de la Grande-Bretagne fut plu3 formellement manifestée à cette époque; il y eut des liaisons plus suivies entre les deux cabinets. C'est à Londres que fut tracée la conduite politique de Guillaume Y ; ce fut de Londres que partit l'impulsion qui le porta à laisser dépérir la marine militaire, pour ne s'occuper que de l'armée de terre, et l'on conçoit facilement le but de cette direction. L'Angleterre, en effet, en rendant absolu un stathouder qui lui était dévoué, pouvait se promettre de gouverner par lui les Provinces - Unies, et elle n'ignorait pas que ruiner sa marine c'était, en dernière analyse, ruiner aussi son commerce. La France devait, au contraire, désirer que la marine et le commerce hollandais prospérassent, pour avoir, dans la république, une rivale de la puissance britannique. Tout devait donc porter le parti patriotique à se rapprocher de cette nation, où commençait d'ailleurs à poindre l'aurore d'une régénération politique ; telle était la situation des choses : tous les vœux du peuple hollandais étaient tournés vers la France, et tous les intérêts du stathouder s'appuyaient sur la couronne britannique. On ne peut guère disculper Guillaume d'une coupable connivence avec le gouvernement anglais, pendant la guerre qui se termina en 1783. Il empêcha ostensiblement la flotte


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hollandaise de sortir du Texel, et d'opérer sa jonction avec 1'escadre française à Brest. Deux ans après, il chercha à entraver les négociations par lesquelles les états-généraux , suivant les principes d'une politique éclairée, voulaient fonder une alliance durable avec la France. Le traité de Versailles 1785 fut conclu malgré ses sourdes manœuvres, et les mécontentemens publics en reçurent une nouvelle force. La lutte entre le stathouder et la nation ne tarda pas à s'engager. Les provinces où ses droits étaient plus étendus par le règlement de 1674, dont nous avons parlé précédemment, donnèrent le signal. Utrecht commença d'abord par abolir cet acte. Il y eut pour arriver à ce résultat plusieurs assemblées de la bourgeoisie ; mais pas un acte de violence. Car on peut remarquer qu'en général les séditions, chez les peuples sensés et phlegmatiques de la Hollande, ont eu un caractère tout particulier. La province de Gueldres suivit l'exemple d'Utrecht. Mais Guillaume , fort de l'appui des états qui lui étaient dévoués dans cette province, chercha à y comprimer le vœu public les armes à la main. La province de Hollande suspendit alors provisoirement le prince dans ses fonctions de capitaine-général, ainsi qu'elle l'en avait menacé précédemment. On se prépara de part et d'autre à la guerre civile, la Hollande avec les troupes à sa répartition (1), Guillaume avec les régimens de Gueldres seulement, car la Frise, Groningue, Over-Yssel et Zélande avaient défendu au stathouder d'employer leurs forces dans ces démêlés intérieurs; et il y avait scission dans les états de la province d'Utrecht depuis les derniers troubles : le clergé et la noblesse siégeaient à Amersford , et la ville d'Utrecht refusait de solder les troupes de la province. Dans cet état de choses, les états-généraux n'avaient plus qu'une faible influence, et l'intervention étrangère de la (1) C est-à-dite la portion de l'armée de la république qu'elle était chargée d'entretenir, TOME III.

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France, de l'Angleterre et de la Prusse augmentait encore la confusion. Cette dernière puissance avait pris dans les derniers temps une part plus marquée aux affaires de la république. Elle envoya alors un ministre, avec le titre de médiateur, mais ce mot même déplut vivement aux états de Hollande, car il n'y a lieu à médiation qu'entre deux souverains, et la république seule souveraine ne pouvait souffrir qu'on lui assimilât celui qui n'était que son premier sujet. On put bientôt facilement reconnaître quatre partis. 1° Celui du stathoudérat : on y comptait les états de Gueldres et les états-généraux où la province de Hollande , comptant trop sur elle-même, n'avait pas assez travaillé à se conserver la majorité. 2° La faction aristocratique, portée à unir ses efforts à ceux des autres partis contre le stathoudérat, pourvu qu'on respectât son ordre, et qu'on l'enrichît même de tout ce qu'on enleverait au stathouder. 3° Les patriotes de première origine qui consentaient à conserver le stathoudérat, mais en détruisant tous les abus. 4° Enfin la faction populaire qui voulait tout renverser, et dont la violence inconsidérée favorisait déjà les vues ennemies du véritable patriotisme. Des séditions éclatèrent dans plusieurs villes ; alors, comme aux époques antérieures, l'argent anglais aida les intrigues stathoudériennes pour soulever la populace contre les patriotes. Elle se livra en divers lieux à tous les excès. Les états de Hollande créèrent pour les réprimer une espèce de commission dictatoriale qui siégea à Wœrden. Cette commission fut aussi chargée de pourvoir à la défense du pays. La Prusse ne s'était mêlée jusque là à ces déplorables différends que d'une manière insignifiante. Une circonstance changea tout-à-coup la nature de ses relations avec la république. La princesse d'Orange s'étant présentée, le 28 juillet 1777, à la frontière de la province de Hollande, manifestant l'intention de se rendre à La Haye, pour y travailler au rétablissement de la paix, elle fut arrêtée par le


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67 commandant du poste, escortée respectueusement jusqu'à Schonhaven, d'où elle fut obligée de retourner à Nimègue, la commission souveraine lui refusant l'entrée en Hollande, où l'on jugea que sa présence ne pouvait qu'exaspérer plus encore les esprits. Toute l'Europe retentit de ce prétendu attentat, et le nouveau roi de Prusse ( Frédéric-Guillaume II ) demanda satisfaction de l'insulte faite à sa sœur. Une négociation qui s'entama à ce sujet n'eut point de résultat. La Hollande, croyant pouvoir compter sur l'appui de la France , ne voulut pas adhérer aux volontés orgueilleusement exprimées du prince allemand. Mais déjà le gouvernement français, inquiet sur l'intérieur et vacillant dans sa marche, perdait de vue les grands intérêts de sa politique extérieure. Il livra honteusement l'allié que ses promesses avaient exposé. Le patriotisme de quelques hommes se trouva alors en présence de l'Angleterre et de la Prusse , de la populace et du stathouder. Il dut succomber, et il succomba. Vingt mille Prussiens, qui n'attendaient qu'un prétexte, entrèrent en Hollande sous les ordres de Brunswick; les stathoudériens se soulevèrent aussitôt de toutes parts. Une insurrection violente éclata à La Haye, et le stathouder y rentra en triomphe. Tandis que les armes prussiennes achevèrent de lui soumettre le pays, ses décrets consommèrent la révolution. Il changea les régences, et les régences envoyèrent de nouvelles députations aux états. Il eut bientôt de la sorte une majorité qui révoqua toutes les mesures arrêtées précédemment contre lui, et lui rendit sa dignité, décorée de toutes les prérogatives que ses ancêtres et lui, avaient conquises sur la république. La France assista pacifiquement à ce spectacle ; elle se concerta même avec la cour britannique pour effectuer un désarmement réciproque (1) , et déclara qu'elle ne conser(1) Ilcrliberg)

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vait aucun ressentiment de ce qui avait été fait. Il n'y eut plus alors le moindre obstacle aux vues des puissances protectrices du stathouder. Les états-généraux furent déterminés facilement à abandonner une alliance qui leur avait été aussi fatale, pour adopter celle que leur imposait la nécessités Des traités conclus avec la Grande-Bretagne et la Prusse , en 1788, placèrent donc l'existence de la république ( si ce terme est encore permis ) sous la garantie des deux puissances. Au surplus, la Prusse avait simplement rempli dans cette affaire le rôle que la politique anglaise lui avait destiné , et elle l'avait aidée à en venir à ce résultat dès longtemps médité. Telle fut cette révolution. Les armes françaises en opérèrent une nouvelle quelques années après. La Hollande fut envahie et conquise en 1795. Le stathouder fut obligé de fuir. Sa dignité fut abolie , et une république batave prit naissance. Guillaume renonça en 1802 , par un traité avec la France, à son titre de stathouder héréditaire moyennant une indemnité en Allemagne, qui fut enlevée à son fils GuillaumeFrédéric lors de la formation de la confédération du Rhin. Il mourut en 1806. C'est l'époque où Napoléon ceignant son front de la couronne de Charlemagne , voulut aussi préposer un monarque aux Bataves. Le prince de sa famille qu'il fit roi de Hollande essaya de faire le bien , et descendit de son trône quand il eut reconnu qu'il ne pouvait être que l'aveugle instrument d'un bras de fer (1). La Hollande fit alors partie du grand empire. Ce grand empire succomba sous son propre poids. Les princes confédérés avaient à peine traversé le Rhin en 1813, qu'une sourde agitation se manifesta dans les provinces qui avaient composé l'ancienne république , de même que dans

' (1) Mémoires et documens, etc., par Louis Bonaparte, 3 vol., 1820.


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celles du midi où avait régné l'aigle autrichienne. Le parti stathoudérien se réveilla de nouveau, et Guillaume-Frédéric, soutenu par les monarques étrangers dans les rangs desquels il avait combattu, parut à Amsterdam , et y fut proclamé, le 3 décembre, prince souverain des Pays-BasUnis. L'année suivante , ce même prince signa une convention , par laquelle les puissances alliées lui faisaient cession des anciens Pays-Bas-Autrichiens , pour être réunis à sa première souveraineté; et former avec elle un état portant le titre de Boyaume des Pays-Bas. Ainsi furent réunies les dix-sept provinces, dont le fanatisme de Philippe II avait causé la dissolution; ainsi fut définitivement détruite une ancienne république; ainsi fut introduite une nouvelle monarchie parmi les états européens. On a beaucoup écrit dans ces dernières années sur cette création. On a traité d'ineptie politique cette combinaison bizarre qui unissait deux portions,anciennement associées, à la vérité, mais depuis long-temps divisées par la religion, la langue, les mœurs et les intérêts; qui plaçait un stathouder protestant à Bruxelles, et couronnait à Amsterdam le premier officier des hautes puissances. Il nous semble que ce qui précède jette de vives clartés sur cette combinaison toute britannique. Il fallait à-la-fois dépouiller la France de ses conquêtes belgiques, comprimer le développement industriel de ces provinces elles-mêmes, enfin maintenir la Hollande dans une situation maritime et commerciale qui ne pût pas exciter d'ombrages ; et l'on verra, pour peu qu'on y réfléchisse , que tout cela était obtenu en couronnant le stathouder.


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DES PAYS-BAS AUTRICHIENS. (Extrait des actes publiés et des principaux ouvrages y relatifs. )

TITRE PREMIER. .

Gouvernement en général. § I. De la souveraineté. Les provinces des Pays-Bas forment un état non-divisible et héréditaire de mâle en mâle dans la maison d'Autriche (1); toutefois chaque province conserve ses anciennes formes de gouvernement, et ne peut être obligée par des lois portées dans une autre. La souveraineté réside dans chaque province dans la volonté du prince ratifiée par les états. Il y a pour les Pays-Bas un gouverneur général, qui exerce l'autorité du Souverain en son nom et en la même forme et manière, que le Souverain pourrait le faire lui-même. § II. Du gouvernement.

Il y a pour les Pays-Bas, trois conseils, le conseil d'Etat, le conseil privé et le conseil des finances; tous sont subordonnés au gouverneur général, et destinés à l'aider de leurs lumières (2). § III. Du Conseil d'État. Ce conseil est composé de conseillers d'épée et de robe ; le grand Maître de la cour et le commandant d'armes , y assisteront quand il sera jugé nécessaire. (1) Pragmatique de Charles V daus Wiquefort, in-folio. V oyez Constitution éta blie par Charles V, le 1er. octobre 1531 , et rétablie eu 1725 par Charles VI, (2)


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Le conseil d'Etat s'occupe des affaires les plus importantes concernant l'etat, conduite du gouvernement du pays ( 1 ). Le nombre des conseillers est illimité; ils sont à la nomination du souverain. § IV. Du Conseil privé. Au conseil privé appartient la surintendance , la direction, conduite et surveillance de toute la justice et police des Pays-Bas (2); il délibère sur l'émission des nouvelles lois et. l'interprétation des anciennes; il doit veiller à la conservation de l'autorité, des prérogatives et prééminences de l'état sur les droits de la puissance temporelle, et en assurer l'exécution entre les entreprises, soit du dedans, soit du dehors.

Le conseil privé ne peut connaître d'aucune cause, ni admettre aucune instruction, contestation ou décision par voie et ordre judiciaire; il doit observer la même chose à l'égard des évocations qui pourraient être faites des causes déjà intentées devant les cours ou tribunaux de justice, à moins de délégation spéciale du Souverain ou du gouverneur général, et dans les cas de conflit de juridiction entre les tribunaux qui n'ont pas un même juge supérieur. Le président doit faire rapport au gouverneur général de toutes choses d'importance qui se traitent au conseil, pour y être statué par lui. Ce conseil est chargé sous les ordres du Souverain ou de son gouverneur général, de la principale direction des finances. Les ordonnances concernant la levée et la perception des droits d'entrée appartiennent au conseil des finances, quelquefois elles sont portées au nom seul de ce conseil, quelquefois au nom et sous la signature du gouverneur général. (1) Ce nétait guère plus dans les derniers temps qu'un conseil honoraire , et sans activité, les affaires de son ressort étaient traitées en conseil privé on dans des juntes spéciales Mémoire historique, tom. u, chap. XVI , art. 4. (2) Voyez les lettres-patente» de Charles V, de 1531 et Déclaration, de Philippe IV , de 1651 ; Édit de Charles VI, de 1725, etc.


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TITRE II.

Droits et privilèges généraux des provinces. § I. Droits communs à toutes les provinces. Les peuples ne peuvent être chargés d'impôts sans le consentement des états des provinces. Chacun doit être jugé par son juge compétent ; personne ne peut être évoqué en justice hors du pays, nommément en cour de Rome. § II. Brabant et Limbourg. Lors de son avènement le Souverain promet, sous serment aux états des provinces, l'observation de la joyeuse entrée (1) jurée par l'impératrice Marie-Thérèse, en 1744). Les dispositions de la joyeuse entrée sont communes aux habitans des deux provinces. Cet acte porte : « S. M. leur sera bonne équitable et loyale dame (2) ; elle ne les gouvernera ni par la force, ni par volonté, ni autrement que par droit et sentence, et devant les juges ordinaires. » Elle n'entreprendra la guerre pour cause concernant les pays de Brabant et de Limbourg, que du consentement des villes et pays de Brabant; elle ne prendra pas d'engagemens tendant à rétrécir les limites ou à diminuer les droits, libertés ou privilèges des mêmes pays. » Il y a un sceau particulier , lequel devra toujours demeurer dans le Brabant, et dont on scellera toutes choses concernant les pays de Brabant et d'Outre-Meuse, sans en sceller d'autres. » S. M. composera son conseil de Brabant de dix-sept personnes, dont quinze seront Brabançons, et devront posséder une baronnie d'Estoc par eux-mêmes ou du chef de leurs femmes; les deux autres pourront être étrangers, pourvu qu'ils sachent le flamand. Ce conseil expédiera toutes les affaires du pays de Brabant et d'Outre Meuse, concernant la justice et ce qui en dépend. » (1) La joyeuse entrée consistait dans un recueil d'articles consacrant d'anciens privilèges de la province. (2) Nous rapportons ici la teneur de cet acte tel qu'il fut donné par l'impératrice.


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73 » Tous les officiers du Brabant, même ceux du plat pays, les bourgmestres et échevins des villes, et tous autres qui administrent la justice, soit de la part de S. M. ou de ses vassaux, jureront l'observation de la joyeuse entrée. » » Les pays de Limbourg et d'Outre-Meuse, demeureront à jamais unis au Brabant. » Ceux qui prendront en ferme les thonlieux de S. M. ou qui y auront part, ne pourront, pendant la durée de cette ferme être reçus parmi les magistrats des villes, non plus que ceux qui ont part aux monnaies. » Si quelqu'un se trouve pris dans les pays de Brabant ou d'Outre-Meuse, il ne pourra être conduit prisonnier hors des mêmes pays. » S. M. ne pourra battre aucuns deniers en Brabant, sinon de lavis et du consentement des états, lequel ne pourra être altéré. » S. M. ne pourra, qu'avec le consentement des états,

faire grâce à l'effet de demeurer dans les mêmes pays, à à ceux qui auront encouru la confiscation de corps et de biens pour avoir trahi contre S. M. ses pays de Brabant ou d Outre-Meuse, où qui auront donné des secours aux ennemis du même pays. » Les villes et terres que S. M. ajoutera à son pays de Brabant, par droit de conquête faite par les armes de Brabançons, y seront unies et jouiront des privilèges du Brabant. » La liberté de la chasse est reconnue dans tout le Brabant, à la réserve de quelques garennes déterminées par les règlemens. » La ville d'Anvers , ses appartenances et dépendances demeureront unies à toujours au Brabant, de même que la ville de Nivelle. » S. M. n'accordera aucuns privilèges aux nations tenant leur station dans son pays de Flandre , qui pourraient tourner au désavantage de son pays ou de ses sujets du Brabant. Aucune Abbaye, prélature ou dignité, ne sera donnée en commande, et S. M. l'emploiera pour obtenir du siège de Rome une réduction des annates , moyennant que les prélats et monastères se chargent de la dépense,nécessaire pour cette réduction. » S. M. confirme en général aux prélats, nobles, villes,


LOIS CONSTITUTIVES 74 et à tous ses sujets du pays de Brabant et dOutre Meuse, tous les droits, franchises, privilèges , chartr.es , coutumes, usages et autres droits qu'ils ont, et qui leur ont été donnés par les ducs et duchesses de Brabant, ainsi que ceux dont ils ont joui et usé nommément les additions à la joyeuse entrée du duc Philippe le bon, du 20 septembre 1451 , et du 18 novembre 1457 , ainsi que les additions de l'empereur Charles V, des 12 et 26 avril 1515. » Si S. M, cessait d'observer les privilèges confirmés en tout ou en partie, elle consent qu'en ce cas, ses sujets cessent de lui faire service jusqu'à ce que les contraventions aient été réparées. Les officiers établis contre la disposition de la joyeuse entrée , seront incontinent destitués. » Le Souverain promet de garantir ses sujets contre tout exercice indu de la juridiction ecclésiastique (1). Les cours spirituelles pour le Brabant seront établies dans la province (2) Les mains-mortes ne pourront acquérir des biens immeubles dans les pays de Brabant et de Limbourg, sans le consentement du Souverain et de gens de la loi des chefs villes sous lesquelles les biens sont situés. Les privilèges accordés par la bulle d'or de Brabant (3) sont garantis. Par conséquent, il est interdit à tous princes ecclésiastiques ou séculiers, juges et tribunaux de l'Empire d'exercer aucune juridiction sur les habitans des duchés de Brabant , de Limbourg et de leur indépendances, de les citer, évoquer ou arrêter eu leur personne, ou bien dans quelque cause que ce puisse être, criminelles , réelles, ou personnelles. L'exécution de la bulle est commise au conseil de Brabant (/,).

§ III. Gueldre.

Il y a dans la province une chancellerie pour y administrer la justice, sans que personne puisse être assujetti à Addition de Philippe-le-Bon , de 1451. (2) Deuxième addition de Charles V, du 26 avril 151 5. (3) Accordée en 1349 à Jea n III , due de Brabant, par Charles IV, confirmée par l'empereur Sigismond en 1 4 '> 4, et par Maximilien eu 1512, etc. (4) Confirmation de l'empereur Charles V, du 3 juillet 1 53o. (1)


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une juridiction étrangère (1). Le privilège de non evocando accordé aux Gueldrois à l'égard de l'Empire est confirmé. Le traité de Venloo renfermant les privilèges de la province est confirmé sous serment par chaque Souverain lors de son inauguration. S IV. Flandre. Les sujets natifs des provinces où les Flamands sont exclus des emplois, ne pourront réciproque ment être admis dans aucun emploi dans le pays et comté de Flandres, excepté toutefois les lieutenans ou gouverneurs et les chevaliers de la toison d'or (2). La partie de la Flandre cédée à la France par les traités d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue, et rétrocédée à la maison d'Autriche, est régie par rapport aux subsides sur le même pied que SOUS le Gouvernement français. Les subsides annuels et ordinaires y sont imposés par la seule autorité de S. M.; pour les subsides extraordinaires le consentement des états est exigé. § Y. Hainaut. Un étranger ne peut posséder d'emplois dans le Hainaut, s'il n'y a résidé dix ans, et s'il n'est natif d'une province dans laquelle ceux de Hainaut sont réciproquement admis aux emplois publics. § VI. Namur. Les sujets nés dans les provinces où les Namurois ne sont pas admis à posséder des offices et emplois publics, sont exclus de tout emploi dans celle de Namur ; toutefois il y a exception pour les gouverneurs et les chevaliers de la toison d'or.

(1) Article 5 et suivant du traité de Venloo, do 12 septembre 1543. L' s privilégiés de cette province sont, contenus dans ce traité, par lequel le ,

Gue d re reconnut la domination de Charles-Quint, (2) Acte accordé par Charles V, le 7 mai 1555.


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TITRE III.

Des États des provinces. § I. Etats des provinces en général.

LE pouvoir des états est borné au droit de consentir des impôts. Ils exercent une administration économique sans juridiction , sans aucun attribut de la puissance publique; Ils sont les représentans du corps des sujets;

Ils ne peuvent s'assembler, dans aucun cas, sans une convocation expresse de la part du souverain. Les états de chaque province désignent un certain nombre de députés, pour connaître des affaires publiques dans l'intervalle des assemblées des états. Les impôts sont levés au nom et par l'autorité des états» § II. Etats de Brabant.

Les états de Brabant sont composés de prélats, de nobles et de députés des villes.

Les membres des états composant le premier ordre sont: 1° l'archevêque de Malines , en qualité d'abbé d'Afflighem ; 2° l'évêque d'Anvers, comme abbé de Saint-Bernard; 5° les

abbés de Vlierbeck, de Villers, de Saint- Bernard , de Saint-Michel, de Grimberghen , de Parc, d'Heylissem, d'Everboden , de Tongerloo, de Diligem , de SainteGertrude. Les nobles, pour entrer aux états de Brabant, doivent avoir au moins le titre de barons affecté sur une terre seigneuriale de la province ; au moins quatre mille florins de revenus dans le Brabant pour les barons, dix mille pour un comte ou un marquis, et vingt mille pour les titres plus élevés. Les nobles doivent, d'ailleurs, faire preuve qu'ils sont nobles de quatre côtés , et d'une noblesse ancienne de nom et d'armes, réputée et reçue pour telle dans les collèges ou chapitres nobles, sans pouvoir se prévaloir de ce que quelqu'un de leur famille aurait été reçu auparavant à l'état noble.

Les nobles suivent le rang que leur donne le titre de la


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terre qui leur donne entrée aux états; de sorte qu'un duc qui y entre à titre d'une baronnie, ne prend son rang que parmi les barons. Le rang entre ceux qui ont le même titre est réglé suivant l'ancienneté du serment prêté dans l'assemblée des états. Pour le tiers-état, le droit d'avoir séance aux états est attaché privativement aux quatre chefs-villes de Louvain, de Bruxelles, d'Anvers et de Bois-le-Duc (1). Chacune des chefs-villes peut envoyer à l'assemblée générale des états autant de députés qu'elle veut; le choix des députés appartient aux magistrats de chacune. Les prélats et les nobles prennent, par eux-mêmes, les résolutions sur les affaires qui se traitent dans les assemblées des états; mais les députés des villes doivent en rendre compte à leurs principaux , et recevoir leurs ordres. Les résolutions ne se prennent qu'à l'unanimité des suffrages des trois ordres (2). Il y a des assemblées extraordinaires des états lorsque le service du souverain ou les besoins du peuple l'exigent. La députation des états se tient à Bruxelles; leur greffier intervient, tant aux assemblées générales qu'à celle des députations ; il propose les affaires , et fait les fonctions d'actuaire, mais il n'a que voix consultative. Les impositions sont levées par les états, et versées dans les mains de leurs receveurs. § III. Etats de Limbourg. La province de Limbourg comprend le duché de ce nom; le pays de Fauquemont , de Dœlem et de Rolduc, c'est-à-dire les trois pays d'Outre-Meuse. Chacun des quatre pays a un corps d'état séparé, qui cependant peuvent être convoqués ensemble; les propositions se font solidairement à tous comme s'ils ne composaient (1) Ce droit cessa à l'égard de la dernière , lorsqu'en 1629, elle passa au pouvoir des Hollandais. (2) Cet usage d ailleurs immémorial paraît n'être pas fondé en titre; mais les prélats et les nobles en prenant une résolution surtout, en matière d'aide et de subsides, avaient toujours soin d'y joindre cette clause à condition que le tiers-état suive et autrement pas.


LOIS CONSTITUTIVES 78 qu'un même corps ; toutefois, les résolutions de chacun des quatre corps se prennent séparément. Les états de Limbourg sont composés d'ecclésiastiques, de nobles et de députés des bancs ou villages ; il n'y a pas de membres ecclésiastiques dans les états de Fauquemont. Les membres représentant le clergé sont les abbés de Rolduc et de Voldien, et un député du chapitre de NotreDame d'Aix-la-Chapelle. Les nobles doivent être issus d'ancienne noblesse, et posséder , dans celui des dictricts où ils désirent d'être admis, un bien noble avec haute, moyenne et basse justice. Les états ont neuf députés ordinaires près des trois ordres pour le duché; il y a un greffier pour les ecclésiastiques et les nobles, et en particulier pour le tiers-état; il n'y a qu'un seul greffier pour les trois pays d'Outre-Meuse. Dans le duché, les états ecclésiastiques et nobles ont un receveur général choisi par eux; le tiers-état n'en a pas. Chaque communauté paie sa quote directement au receveur général des subsides établis par Sa Majesté dans cette province. Il y a d'ailleurs un receveur des états pour chacun des trois pays de Fauquemont, de Dœlem et Rolduc.

§ IV. Etats de Luxembourg (1). Ces états se composent d'ecclésiastiques, de nobles et de députés des villes formant le tiers-état. Les ecclésiastiques sont l'abbé de Saint-Maxim in, ceux de Munster, d'Echternach, d'Orval, et le prieur du monastère des Écoliers. Les nobles doivent prouver deux quartiers nobles du côté paternel, et autant du côté maternel. Personne ne peut être reçu aux états avant l'âge de vingtcinq ans. Ne peuvent en faire partie le père et le fils en même temps, à moins que ce dernier ne soit marié, qu'il ne forme une famille à part, et possède une terre avec haute justice. Chaque récipiendaire doit d'ailleurs faire constater qu'il possède une terre avec haute justice, dans la province de Luxembourg et sous la domination de Sa Majesté.

(1) Le comté de Chini est incorporé au duché depuis 1364.


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Celui dont le père, l'aïeul, le bisaïeul et le trisaïeul en ligne masculine et légitime auront été nobles et tenus pour tels, du moins pendant les cent dernières années, sans avoir fait aucun acte dérogatoire, doit être admis à l'état noble moyennant la preuve qu'entre ces quatre ascendans paternels il y a eu deux alliances nobles; auquel cas , et en considération de l'ancienne noblesse de la province, ces récipiendaires sont dispensés de faire la preuve de quatre quartiers nobles. Le tiers-état de cette province est composé d'un député de chacune des quinze villes suivantes: Luxembourg, Arlon , Bidbourg, Echternach, Dickrich , Grever)macher et Remich, du quartier allemand; et du quartier wallon, Durbuy , Bastogne, Chiny, Hofalize , Marche, Neufchâteau, La Roche et Virton. Les résolutions dans chacun des trois ordres des états de Luxembourg se prennent à la pluralité des voix; quant aux résolutions du corps des états dans les matières d'aides et subsides, si deux des trois ordres consentent à la même somme, cette pluralité détermine la résolution; mais lorsque les trois ordres consentent chacun à une somme différente on forme un total de ces trois sommes , et le tiers du total est pris pour le consentement de la généralité (1). Les états sont présidés par le maréchal de la province ; lorsqu'il n'assiste pas aux états, celui des nobles, qui est le plus ancien par la prestation de son serment, en remplit les fonctions. Hors du temps de l'assemblée générale des états, la direction des affaires journalières appartient à des députés au nombre de neuf, pris à nombre égal dans les trois ordres. Les communautés font chacune dans leur district le recouvrement des impositions destinées aux subsides. § V. États de Gueldres. Ces états sont composés de nobles et de députés de la ville de Rure monde. Les nobles doivent prouver huit quartiers nobles, quatre (1) C'est ce qu'on appelle Tiercer.


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du côté paternel et autant du côté maternel, et posséder, de plus, un tennement noble, reconnu pour tel par les députés de la ville de Ruremonde. La ville de Ruremonde est représentée aux états par deux députés, dont l'un est le bourgmestre servant, et l'autre l'ancien bourgmestre : ils sont autorisés à donner leur voix par eux-mêmes aux assemblées des états. Les résolutions se prennent dans les assemblées à la pluralité des voix; le conseiller-pensionnaire est choisi par les états aussi à la pluralité des voix : il n'a que voix consultative. § VI. États de Flandre. Les états de Flandre se composent des députés du clergé et de ceux des villes ; les nobles n'y ont point entrée. Les états se composent de dix-sept voix décisives, celle du clergé, et seize voix d'autant de villes, châtellenies ou métiers; les villes de Gand, de Bruges, de Courtrai, Oudenargue, Ninove et Termonde , les châtellenies , districts ou métiers du franc-de-Bruges, vieux bourg de Gand , Courtrai, Oudenarde, Alost, Termonde, Bornhem , Wæss, Assenède et Bouchante (1). Les députés ordinaires, tant du clergé que des villes, châtellenies ou métiers, sont renouvelés tous les trois ans. Chacun des seize collèges doit avoir, dans l'assemblée de sa province, une influence proportionnée à l'intérêt de chacun (2). A cet effet : 1° Il y a huit voix principales dans la province : le clergé de Gand a une voix, celui de Bruges une voix, la généralité des villes trois voix, et celle des châtellenies trois voix. 2° Il y a huit députés à l'assemblée : un du clergé de Gand, un du clergé de Bruges, trois de la généralité des villes, et trois de celle des châtellenies; en cas de parité de voix de cette assemblée, celui qui a la semonce aura la voix décisive. 3° L'on changera chaque année au moins un député des châtellenies ou des villes, en commençant par les châtelle(x) Edit. datée de Bruxelles, du 5 juillet 1754. (2) Edit. du 18 octobre 1775.


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nies; il ne sera fait aucun changement dans les députés des villes ou des châtellenies, les années où l'on changera les députés du clergé. § VII.

Etats de Hainaut-

Les états sont composés de trois ordres : du clergé, de la noblesse et du tiers-état. Ils sont formés de dix-sept membres, savoir : de six abbés , de quatre députés , et de sept doyens ruraux. Les six abbés sont ceux de Saint-Ghislain, de SaintDenis, de Cambron, de Bonne-Espérance, de Saint-Feuillien et de Notre-Dame-du-Val ; les quatre chapitres sont ceux de Soignies, de Leuze, de Binch et de Chimay, qui envoient chacun leur député. Les sept doyens ruraux vien nent aux assemblées comme députés des curés de leur district, composant le bas cle rgé. Pour avoir séance dans la chambre de la noblesse, il faut être issu de père, aïeul, bisaïeul et trisaïeul nobles en ligne directe masculine et légitime, et tenus pour tels, du moins pendant les cent dernières années ; il faut en outre que le titre de cette noblesse repose sur des faits, actions ou emplois au service du Souverain, et que dans le cours des quatre générations, on se soit allié au moins deux fois avec des tilles nobles, dont les frères germains soient suffisamment qua lifiés par leur naissance, pour être reçus dans la Chambre de la noblesse. Ceux dont la noblesse n'est fondée que sur des lettres patentes obtenues à prix d'argent, doivent prouver six générations de noblesse au lieu de quatre. Les nobles doivent justifier de plus, qu'ils sont propriétaires d'un fief contenant vingt-cinq bonniers dans le Hainaut, sous l'obéissance de S. M. avec haute justice, ou qu'ils sont seigneurs d'un village à clocher. Le tiers-étàt est composé du magistrat, des assesseurs et conseils de la ville de Mous ( ensemble quarante-deux personnes) , et de deux députés de chacune des treize villes de la province, ce qui porte à soixante-huit, le nombre des membres du tiers-état. La députation des états de Hainaut se compose de deux députés du clergé, de deux de la noblesse, et de six du tiers-état. L'un des députés du clergé doit nécessairement être choisi TOM.

III.

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entre les abbés, l'autre pris dans les quatre députés du chapitre : ces députés sont choisis par la chambre entière du clergé, à la pluralité des suffrages et pour trois ans, sans qu'ils puissent être réélus avant un intervalle de trois autres années. Il en est en tout de même à l'égard des députés de la noblesse. La députation du tiers-état se compose des deux premiers échevins, du magistrat de Mons, de deux députés qui sont choisis à chaque renouvellement du magistrat dans le corps du conseil de ville, à la pluralité des suffrages du magistrat et des membres du même conseil; le sixième député est greffier du chef-lieu que l'on doit joindre à la députation , comme représentant les villes de la province. Les états ont un receveur général choisi pour six ans, par les trois ordres des états, à la pluralité des voix; il ne peut être nommé une seconde fois qu'après un intervalle de six ans. § VII. États de Namur.

Les états de Namur sont composés du clergé, des nobles et du tiers-état. Le clergé consiste dans l'évêque de Namur, dans les abbés de Walfort, de Grand-Près, de Moulins, du Jardinet, de Bonelfe, de Floreffe et de Geronsart, et dans les prévôts des chapitres de Valcourt et de Sclayens. Les nobles doivent prouver six générations de noblesse paternelle, y compris le premier ennobli; qu'ils possèdent en propre une seigneurie avec haute justice, et un bien au moins de quatre charrues de labour; qu'ils ne sont pas originaires d'une province où sont exclus de l'état noble, les personnes natives de celle de Namur. Il est dailleurs défendu de recevoir les nobles qui sont au service d'un prince étranger, ou ceux qui ne sont pas nés sujets de S. M., à moins qu'ils naient obtenu une dispense du gouvernement, sont également membres des états et ont voix parmi les nobles. Le capitaine et bailli du château Samson, le prévôt de Poilvache, le châtelain et bailli de Montante, le maire de Feix, le bailli de Vieuville et de Fleurus, le bailli de Wasseige et le bailli de Bouvigne, même qu'un député particulier de chacune des villes de Fleurus de Valcourt et de Bouvigne.


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AUTRICHIENS.

Le tiers-état est composé des magistrats de la ville de Namur, qui consistent dans un mayeur, sept échevins, dont deux nobles admissibles aux états , deux gradués en droit, et trois notables bourgeois, un bourguemestre qui porte aussi le titre de premier élu, un greffier et un lieutenant mayeur; à quoi il faut joindre un second élu, un greffier élu, quatre jurés de la ville et le mayeur du métier des feues. Chaque ordre des états a deux députés qui, à l'intervention du conseille1* pensionnaire, et conjointement avec le gouverneur de la province ou son lieutenant, exécutent les résolutions des assemblées générales, et sont chargés de la direction des affaires de cette administration. Les députés du clergé et de la noblesse sont choisis par les membres de ces ordres, présens à la délibération à la pluralité des voix; ils ne doivent demeurer en fonctions que six ans; deux abbés de l'ordre de Citeaux ne peuvent être choisis pour remplir ensemble les fonctions de députés. Le tiers-état n'intervient dans les assemblées que lorsqu'il s'agit de délibérer sur quelques points de régie communs aux trois ordres; il n'a point de députés fixes. Dans le cas d'une convocation d'une assemblée des députés des trois ordres, le mayeur de la ville choisit et commet deux échevins qui interviennent dans cette assemblée , y entendent la proposition et la rapportent aux magistrats, lesquels ayant délibéré, chargent les mêmes députés de se rendre à l'assemblée des trois ordres, pour y porter la voix des magistrats. Le conseiller pensionnaire est en même temps greffier des trois ordres ; il doit faire tout ce qui se rattache à la régie et au service des états. § IX. États du Tournesis. La seigneurie de Tournay et de Tournesis est gouvernée par deux corps; les magistrats qui constituent les Consaux et états de la ville pour ce qui la concerne, avec ses banlieues anciennes et nouvelles, et les ecclésiastiques et baillis des seigneurs hauts-justiciers qui composent les états du Tournesis. Les états de Tournay ont les mêmes attributs et privilèges des autres états. Les magistrats ne peuvent seuls y donner leur

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LOIS CONSTITUTIVES 84 consentement à la levée des aides et subsides, mais il doivent demander aussi celui des bannières c'est-à-dire des corps de métiers. Aux membres des états se joignent un conseiller pensionnaire, un greffier et un trésorier. Le conseiller pensionnaire a voix consultative.

ARTICLE PREMIER.

Des provinces qui n'ont point d'Etats. § X.

Province de Matines.

La demande des aides et subsides pour la province de Malines est faite dans l'assemblée du magistrat de Malines, où sont remises par celui qui fait cette demande au nom du Souverain, les instructions qu'il a reçues de lui : le magistrat envoie cette copie à ceux du ressort et les charge de lui faire parvenir sa résolution. Dans chaque district , l'ancien des communs - maîtres convoque une assemblée des principaux adhérités et des jurés , et s'y rend avec l'un des pensionnaires de la ville qui lit les instructions du Souverain. La résolution s'y prend sur-le-champ à la pluralité des voix. Le consentement de la ville de Malines se formé par le large conseil, composé du magistrat et des doyens de dix-sept grands métiers. ARTICLE II.

Terres Franches. Les terres franches supportent une portion d'impôt; mais ne contribuent avec aucune province. Les impositions y sont fixées par le gouvernement qui les augmente dans une certaine proportion, toutes les fois que le Souverain demande des subsides extraordinaires aux états des provinces. Les terres franches paient leurs impositions à un receveur particulier nommé par S. M.


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TITRE IV.

Administration des Lois. §, Ier. Émanation des Lois pour toutes les Provinces. Le droit de faire les lois appartient au Souverain seul ou à celui qui le représente. C'est au conseil privé que se traitent les affaires relatives à la législation. Les tribunaux supérieurs de justice peuvent être consultés , de même que les états des provinces. Lorsque le*conseil privé a délibéré sur l'émanation d'une loi , sa délibération est soumise au gouverneur-général, qui en décide ou par lui-même ou après avoir pris les ordres de S. M, Toutes les ordonnances qui sont proprement des lois , c'est-à-dire des constitutions de justice ou de police portant des reformations d'abus, des distinctions de peine ou d'autres dispositions qui intéressent l'état général des peuples, doivent être publiées sous le nom du Souverain et sous son grand sceau. § II. Forme observée dans l'émanation des Lois particulières pour le Brabant et Limbourg. Les lois et ordonnances concernant le Brabant doivent être scellées du sceau de la province, et signées d'un secrétaire brabançon (1). Toutes les affaires du Brabant concernant la justice ou statuts, placets, édits, ordonnances, etc., sont traitées par avis du conseil de Brabant. Lorsque le gouvernement veut porter une loi qui intéresse la province, il envoie ordre au conseil de la faire publier; le conseil délibère sur la loi, et la fait publier, ou expose par une représentation au gouvernement ses difficultés et ses embarras. S III. De l'Administration de la Justice en général. Les édits du souverain et les coutumes municipales cons(ï) Articles 4 et 5 de la Joyeuse Entrée.


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tituent le droit belgique ; dans les cas où il n'est disposé ni par les édits, ni par les coutumes, on suit le droit romain. Le corps de magistrature de la plupart des villes et villages des Pays-Bas se compose de plusieurs personnes, qui sont les juges du district. Chaque province et chaque ville suit ses formes particulières sur 1'administration de la justice, tant au civil qu'au criminel.Lorsque lejuge ennéglige quelques-unes , l'accusé est en droit de se pourvoir devant le juge supérieur en cassation , et en évocation de la procédure ; ce qui diffère d'un appel. § IV. Du Grand-Conseil. Le grand conseil ne s'occupe que de l'administration de la justice : c'est le premier tribunal des Pays-Bas. Ses attributions et sa juridiction sont déterminées par des lois particulières. Il juge par appel des sentences des conseils provinciaux de Flandre, de Luxembourg et de Namur, ainsi que des sentences rendues par le magistrat de Malines , mais dans le cas d'appel , il ne lui appartient aucune juridiction dans lesdites provinces de Flandre , de Luxembourg et de Namur (1). TITRE PARTICULIER.

Université de Louvain. L'Université jouit des privilèges accordés par les souverains des Pays-Bas; le conservateur des privilèges (2) est chargé de les soutenir et défendre; il est juge dans plusieurs cas relatifs au maintien et à l'exécution des privilèges. Le corps de l'Université peut nommer à un grand nombre de bénéfices de patronage ecclésiastique, soit simple ou à charge d'âmes, non-seulement dans 1'étendue des PaysBas, mais aussi dans le pays de Liége ; toutefois, dans ce

(1) Nous ne croyons pas devoir entrer ici dans des détails sur les conseils particnliers de chaque province. (2) L'un des principaux Officiers de l'Université.


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pays, le droit de nomination n'a lieu que pour les bénéfices qui sont privativement de la collation du Saint-Siège. Il y a un commissaire royal, chargé de faire exécuter et de maintenir les édits, ordonnances et décrets, successivement portés pour la direction , la discipline et la police de l'Université. Il est défendu à tous sujets de S. M., de quelque état ou condition qu'ils soient, d'aller suivre des cours de philosophie publics ou privés ailleurs que dans l'Université de Louvain, ou dans d'autres Universités soumises à son obéissance, sans une permission spéciale et par écrit du gouvernement. Personne ne peut être reçu aux dignités, offices ou bénéfices ecclésiastiques ou civils requérant le degré de licencié, non plus qu'à sa profession d'avocat, s'il n'a pris ce degré dans 1' Université de Louvain. Personne ne peut, à moins que par permission expresse du Souverain, exercer la médecine dans les Pays Bas , s'il* n'a pris les degrés à Louvain, et s'il n'a été examiné et approuvé par les docteurs de cette Université, ou par les

médecins du corps du Souverain.


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ACTE D'UNION

DES PROVINCES BELGIQUES. Les états de Flandres unis depuis long-temps par des liens intimes d'amitié et d'intérêt avec: les états de Brabant, animés d'ailleurs du même esprit pour la conservation de leurs droits, usages, privilèges, et du culte de leurs pères, lésés également dans ces droits sacrés , depuis nombre d'anneés, par un gouvernement despote et tyrannique , et n'ayant trouvé d'autre ressource que de secouer ledit joug, et de recouvrer leur liberté et leur indépendance par la voie des armes, ont cru que l'unique moyen d'y parvenir e t de rendre leur état de liberté stable, était de réunir leur sort à celui de la province de Brabant, et de conclure ensemble un traité d'union offensif et défensif à tous égards, aux conditions ultérieures de n'entrer jamais dans aucun pourparler, en composition quelconque avec leur ci-devant Souverain, que de commune main ; et voulant donner aux états de Brabant, toutes les marques possibles d'une amitié Sincère, et manifester par des actes non équivoques, tout leur désir à cimenter une union d'une façon indissoluble, lesdits états de Flandre consentent; ensuite de la proposition qui leur a été faite par M. le Chanoine Van-Eupen, autorisé des seigneurs des états de Brabant, à ce que cette union soit changée en souveraineté commune des deux états, de façon que tout le pouvoir et l'exercice de cette souveraineté soient concentrés dans un congrès à établir, et qui sera composé des députés nommés de part et d'autre, suivant les articles d'organisation dont on conviendra dans la suite , d'après des sentimens fondés sur les principes d'une exacte justice, et dictés uniquement par le bien-être commun; sauf que l'instruction des parties contractantes est dès à présent, que le pouvoir de cette assemblée souveraine se borne au seul objet dune défense commune, au pouvoir de faire la paix et la guerre, et par conséquent, à la levée et à l'entretien d'une milice nationale commune, ainsi qu'a ordonner et entretenir les fortifications néces-


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saires pour la défense du pays; à contracter des alliances avec les puissances étrangères, en un mot, à tout ce qui regarde les intérêts communs des deux états et de ceux qui dans la suite, trouveront bon d'y accéder. Les états de Flandre osent se flatter que les états de Brabant, trouveront dans cette déclaration un garant des sentimens loyaux des états de Flandre, et de leur zèle pour la cause commune; et l'on ne doute nullement que les étals de Brabant n'y répondent de leur part par le même esprit de franchise. Ainsi arrêté dans notre assemblée du 3o novembre 1 789.

ADHÉSION

Des Etats de Brabant à l'acte d'union. Vu par les états de Brabant l'acte d'union qui précède; résolu d'approuver et de ratifier pour autant que besoin , toutes conventions reprises dans cet acte, avec promesse solennelle de s'y conformer, et de délivrer pareil acte aux états de Flandre.

ORDONNANCE

des trois Etats représentant le peuple et le duché de Brabant. A tous ceux qui ces présentes verront ou lire ouïront, Salut : savoir faisons que par consentement unanime porté respectivement les 26, 27, ainsi que les 29 et 30 du mois décembre dernier, nous avons arrêté les points et les formules des sermens y relatifs, délibérés à l'interveniion du conseil souverain de ce Duché, et repris dans l'acte ci-joint, sous le contre-scel dudit Duché; et voulant donner aux susdits points et aux formules des sermens y relatifs, toute la force et l'effet qu'exige un pacte si salutaire pour le maintien de l'union la plus étroite dont dépandent le biencire et Je repos durable du peuple brabançon en général, SI EST-IL que nous , par avis et délibération dudit conseil, avons trouvé convenir d'ordonner et de statuer, comme nous


LOIS CONSTITUTIVES 90 ordonnons et statuons, par les présentes, que les points mentionnés ci-dessus, ainsi que les formules de sermens y relatives , soient inviolablement gardées et ponctuellement exécutées, sans qu'il y soit contrevenu directement ni indirectement, en quelque manière que ce soit. Si donnons en mandement à tous les justiciers, officiers et habitans de ce pays et de ceux qui en dépendent , lesquels ce regardera, de se régler ponctuellement selon la teneur des présentes. En témoignage de quoi nous y avons fait imprimer le scel de ce Duché. Donné en celte ville de Bruxelles, le 7 jour.du mois de janvier, l'an de grâce 1790. e

Les trois états représentant le peuple du duché de Brabant, ayant arrêté les 2,6 , 27 , ainsi que les 29 et 30 décembre 17 8 g , les points suivans s , délibérés à l' intervention de MM. du conseil souverain du même duché : 1° Que la souveraineté qui était exercée par le ci-devant Duc, sera désormais exercée par les trois états de Brabant; 2° Que pour le surplus, la constitution de cette province restera intacte dans tous les points ; 3° Et nommément, que le conseil de Brabant conservera toutes ses prééminences, droits et prérogatives; 4° Que dorénavant les magistrats, ainsi que les autres membres du tiers-état des trois chefs-villes , seront composés sans l'influence des deux premiers, d'après l'arrangement à arrêter incessamment sur cet objet par les trois états; 5° Que tous les membres des trois états, les conseillers et tous ceux qui possèdent quelques offices formés en Brabant, prêteront le serment d'observer la constitution sur le pied que dessus ; 6° Que les trois états de Brabant, avant de prêter le serinent au peuple, prêteront tous aux églises de Brabant ès-mains de l'archevêque de Malines, ou à son défaut, èsmains du premier en dignité ecclésiastique hors des membres des mêmes états, les sermens que les ci-devant ducs ont prêté de tout temps aux églises du Brabant, et confesseront et jureront tous la religion catholique-apostoliqueromaine, selon la formule de sa sainteté le pape Pie iV ; et requerront tous les états de Brabant, tous les états des autres provinces, de faire observer dans toute leur étendue, que tous ceux qui seront admis aux états, ainsi que tous ceux


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qui possèdent ou qui obtiendront dans la suite quelque office formé en Brabant, confesseront et jureront pareillement la susdite formule. En conséquence se sont, le 31 décembre 1789, à 11 heures avant midi, assemblés à l'hôtel de cette ville au grand salon à ce préparé ( au milieu de ce salon était placé un crucifix et le Saint Evangile), les susdits trois états de Brabant, savoir du premier état ; Son éminence le Cardinal archevêque de Malines; Sa grandeur illustrissime l'évêque d'Anvers; Les trois révérens prélats de Vlierbeeck, Villiers, SaintBernard, Grimbergue, Parck, Heylissem et Tongerloo. Du deuxième état, le prince de Grimbergue, le marquis de Wemmel, le marquis de Traizegnies, comme marquis d'Ittre; le comte de Lanoy, comme comte de Liberchies ; le comte d'Argenteau, comme comte de Dongelberge, etc.,etc ; Et du tiers-état des trois chefs-villes ( les députés dont suivent, les noms , etc ). La cérémonie a été ouverte par une oraison ; laquelle oraison finie, les susdits membres de l'État ont en présence d'un grand concours du peuple, fait tous ensemble la profession de foi, suivant la formule qui suit ci-après: Et après cela les trois états ont prêté ensemble es-mains de son éminence le Cardinal archevêque de Malines, le serment aux églises du Brabant en la forme suivante : « Nous prélats, nobles et députés des chefs-villes, formant les trois états, et en cette qualité représentant le peuple de Brabant, jurons et promettons en termes à notre Seigneur, sur ce saint Evangile, que nous serons toujours fidèles à toutes les églises du duché de Brabant, et observerons et ferons observer les droits, privilèges ,statuts, usages, propriétés et exemptions desdites églises, comme les ci-devant ducs de Brabant l'ont fait d'ancienneté. Ainsi m'aident Dieu et tous les Saints. » Et és-mains du très-révérend seigneur, doyen et député du chapitre de Sainte-Gudule , le serment aux églises comme suit : « Nous prélats, nobles et députés des chefs-villes, formant les t01-' états, et en cette qualité représentant le peuple de Brabant , jurons et promettons en termes, sur ce saint Evangile , que nous serons toujours fideles à l'église de


LOIS CONSTITUTIVES 92 Sainte-Gudule, et aux autres églises du district et dépendance de cette ville de Bruxelles; et que nous observerons et ferons observer , etc. » Ce fait, le premier état a prêté, ès-mains de deux autres étals, le serment de foi et hommage aux trois états représentant le peuple de Brabant, en ces termes : « Nous, prélats , représentant le premier état du pays et duché de Brabant, promettons, assurons et jurons ès-mains des deux autres états de la même province, foi et hommage aux trois états représentant le peuple de Brabant, et ultérieurement que nous observerons , entretiendrons et ferons observer et entretenir fidèlement la constitution en tous ses points, sur le pied repris dans la joyeuse entrée et dans les résolutions qui précèdent. Ainsi m'aident Dieu et tous les Saints. •> Après cela, le deuxième état a prêté le même serment entre les mains des deux autres étals , et le tiers pareillement aux deux premiers. Tout ce qui précède a été fait en présence de Messieurs du conseil souverain de ce duché de Brabant, lesquels en corps ont prêté immédiatement, ès-mains desdits trois états représentant le peuple dudit duché, le serment qui suit: «Nous promettons, assurons et jurons foi et hommage » aux trois états de Brabant représentant le peuple de La » même province; et ultérieurement, que nous observe» rons, entretiendrons et ferons observer et entretenir fidè» lement la Constitution en tous ses points, sur le pied » repris dans la joyeuse entrée et dans les résolutions qui » précèdent. Ainsi m'aident Dieu et tous les Saints. » ( A cette solennité étaient présens l'Agent plénipotentiaire du peuple de Brabant et les Députés des Etats de Flandre. )


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TRAITÉ

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D'UNION,

Et Établissement du Congres souverain des Etats Belgiques- Unis, (Signé par les députés de Brabant, Gueldres , Flandres, Westflandres , Hainaut, Namur , du Tournaisis et de Malines).

Après la mort de l'impératrice douairière et reine, MarieThérèse d'Autriche, les peuples qui forment aujourd'hui les Etats-Unis des Pays-Bas avaient reconnu pour leur souverain Joseph II, fils aîné de l'impératrice, et s 'étaient soumis à son empire , mais sous des réserves et avec des stipulations expresses, telles que la constitution de ces provinces les avaient dictées d'ancienneté. Ces stipulations et ces réserves, contenues dans le pacte inaugural, étaient plus anciennes que la maison qui gouvernait le pays , et nées , pour ainsi dire , avec la nation même; aussi furentelles agréées et jurées solennellement, et rien ne manqua au traité que le peuple, avant de se donner, fit, suivant l'usage, avec son prince. La conservation entière de l'ancienne religion catholique, apostolique et romaine ; le maintien de la constitution , des libertés, franchises , coutumes et usages, tels qu'ils étaient contenus dans les chartes, et consacrés par la possession immémoriale de la nation, et dans ce que le Brabant surtout appelait sa joyeuse entrée, tout cela fut commun et promis sous la foi du serment. Les habitans l'avaient d'autant plus à cœur, qu'ils s'étaient fait depuis long-temps une douce habitude de regarder tous ces points comme formant essentiellement leur constitution, et cette constitution comme le boulevard de leurs libertés et la sauve-garde de leur bonheur. Cependant, malgré le serment si positif du souverain, relativement à 1' observation du pacte inaugural ; malgré les représentations si souvent réitérées de tous les ordres de l'état, touchant les infr actions sans nombre faites à ce pacte, le souverain suivait depuis plusieurs années une marche constante qui ne tendait à rien moins qu'à tout changer, à innover sans cesse , et à priver les habitans d'une constitution qui leur


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était chère, et dont, sans injustice, sans enfreindre ses sermens, il ne pouvait les dépouiller. On avait déjà vu paraître successivement une foule d'édits qui attaquaient la religion dans les différons objets de sa morale, de son culte, dans ce qui tenait à ses dogmes, et dans ses ministres. Les tribunaux de la nation furent renversés; les lois changées arbitrairement ou enfreintes; les propriétés, la liberté personnelle, dont les Belges en tout temps se montrent si jaloux, n'étaient plus à couvert des entreprises inconstitutionnelles* Ils se taisaient, les lois étant devenues impuissantes devant le glaive des militaires ; les usages antiques étaient partout altérés ou révoqués; un ordre nouveau substitué à l'ordre ancien, et remplacé par les volontés mobiles et arbitraires du prince, ou de ceux qui gouvernaient en son nom et agissaient sous son autorité. Tel était l'excès de nos maux ; ils étaient devenus sans remède. Le gouvernement, non content de se roidir contre toutes remontrances, forma, par un nouvel et dernier coup d'autorité, la porte à ces remontrances mêmes, en cassant la joyeuse entrée, les possessions anciennes et les lois fondamentales des provinces, en abolissant, avec la constitution , les collèges des députés de ces provinces, qui avaient été jusque là l'organe ordinaire des représentations et des représentans des peuples. Enfin le pacte, qui cesse de li er dès qu'il cesse d'être réciproque, était formellement rompu de la part du souverain ; et que restait-il après cela aux peuples, sinon le droit naturel et imprescriptible que le pacte d'ailleurs donne lui-même d'opposer la force à la violence, et de reprendre une autorité qu'on n'avait confiée que pour le bonheur commun, et avec tant de précautions, sous des stipulations et des réserves si expresses. C'est ce qui a été fait; et ça été d'après ces principes que les différentes provinces se sont déclarées libres et indépendantes. Le ciel a bien visiblement favorisé une entreprise formée sous ses auspices. L'Europe et l'humanité ont applaudi au succès. Mais ce n'est pas tout que d'avoir obtenu des succès, il a fallu songer à les consolider, à les rendre durables. À ces causes, les états belgiques, après avoir resserré les anciens nœuds d'une étroite union et d'une amitié durable, sont convenus des points et articles suivans : Art. I . Toutes ces provinces s'unissent et se confédèrent sous la dénomination dEtats-Belgiques-Unis. er


95 II. Ces provinces mettent ; en commun, unissent et concentrent la puissance souveraine, laquelle elles bornent toutefois et restreignent aux objets suivans : à celui cl une défense commune ; au pouvoir de faire la paix et la guerre , et par conséquent à la levée et à i entretien d une armée nationale, ainsi qua ordonner, faire construire et entretenir les fortifications nécessaires; à contracter des alliances, tant offensives que défensives, avec les puissances étrangères ; à nommer, envoyer et recevoir les résidans ou ambassadeurs et autres agens quelconques, le tout; par l'autorité seule de la puissance ainsi concentrée, et sans aucun recours aux provinces respectives. L'on est convenu de l'influence que chaque province, par ses députés, aura dans les délibérations sur les objets repris dans le présent traité. III. Pour exercer cette puissance souveraine, elles créent et établissent un congrès des députés de chacune des provinces, sous la dénomination de Congrès souverain des EtatsDES PAYS-BAS

AUTRICHIENS.

Belgiques-Unis.

IV. L.es provinces sus-mentionnées, professant et voulant professer à jamais la religion catholique, apostolique et romaine, et voulant conserver inviolablement l'unité de l'église , le congrès observera et maintiendra les rapports anciennement observés avec le Saint-Siège, tant dans la nomination ou présentation des sujets desdites provinces aux archevêchés et évêchés, de la manière dont les provinces conviendront entre elles dans la suite, qu'en tout autre occasion, conformément aux principes de la religion catholique, apostolique et romaine, aux concordats et libertés de l'église belgique. V. Le congrès aura seul le pouvoir de faire battre monnaie au coin des Etats-Belgiques-Unis, et d'en fixer le titre et la valeur. VI. Les provinces de l'union fourniront à la dépense nécessaire à l'exercice des pouvoirs souverains attribués au congres, selon la proportion observée sous le ci-devant souverain. VII. imaque province retient et se réserve tous les autres dioits de souveraineté, sa législation, sa liberté, son indépendance ; tous les pouvoirs, enfin juridiction et droits quelconques, qui ne sont pas expressément mis en commun et délégués au congrès souverain.


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VIII. On est convenu de plus, et irrévocablement, qu'à l'égard des difficultés qui pourront naître, soit à l'occasion de la contribution commune, soit sur quelques objets de discussion que ce soit d'une province avec le congrès , ou du congrès avec une province, ou de province à province, le congrès tâchera de les terminer à l'amiable ; et que si une composition amiable ne pouvait avoir lieu, chaque province nommera une personne, à la réquisition de l'une ou de l'autre des parties, par-devant qui la cause sera instruite sommairement, et qui la décideront; et le congrès aura le droit d'exécution, et si la sentence est portée contre le congrès, celui-ci sera obligé de s'y soumettre. IX. Les Etats-Unis s'obligent le plus étroitement à s'entre-aider ; et dès qu'une province sera attaquée par un ennemi du dehors, elles feront toutes cause commune, et toutes ensemble défendront de toutes leurs forces la province attaquée. X. Il ne sera libre à aucune province de faire une alliance ou traité quelconque avec une autre puissance, sans le consentement du congrès ; et les provinces particulières ne pourront s'unir entre elles, s'allier ou contracter de quelque manière que ce puisse être, sans le consentement du congrès. La province de Flandre cependant pourra se réunir avec la West-Flandre , à condition que chacune aura ses députés particuliers au congrès; que ces députés auront leur voix libre et indépendante; et ne pourront jamais, les députés de l'une, être en même temps les députés de l'autre. XI. Cette union sera stable, perpétuelle et irrévocable, et il ne sera libre à aucune province ni à plusieurs, pas même à la pluralité, de rompre cette union ou de s'en séparer sous un prétexte ou motif quelconque. XII. On est aussi invariablement convenu que le pouvoir civil et militaire , ou une portion de l'un et de l'autre, ne sera jamais conféré à la même personne, et que personne ayant séance ou voix au congrès ne pourra être employé dans le service militaire; et que, de même, personne en emploi militaire ne pourra être député au congrès, y avoir séance ou voix. De même, tout employé ou pensionné de quelque puissance étrangère, sous quelque dénomination que ce puisse être , ne pourra être admis au congrès. On en exclut aussi tous ceux qui, après la ratifi-


DES PAYS-BAS AUTRICHIENS. 97 cation de ce traité d'union , accepteront quelque ordre militaire ou autre décoration quelconque. A cet effet, tous les étals composant l'union en général, et chaque membre en particulier, de même que tous ceux qui prendront séance au congrès, tous les conseillers et membres des conseils des provinces, tous les magistrats, et spécialement tous les justiciers et officiers civils, promettront et jureront l'observation exacte et fidèle de cette union et de tous et de chacun de ces points. Ainsi conclu, fait et arrêté à Bruxelles dans l'assemblée générale des Etats-Begiques-Unis, par les soussignés députés des états respectifs, sous la ratification de leurs commettans. (Le 11 janvier 1790, à 2 heures du matin. ) ( L'original est signé par les députés de Brabant, Gueldre , Flandre, West-Flandre, Hainaut, Naniur, du Tournaisis, et de Malines. )

DECRET

Sur la réunion de la Belgique et du pays de Liège à la république française, du 9 vendémiaire an IV ( 1er octobre 1795 ). LA CONVENTION NATIONALE, après avoir entendu le rapport de son Comité de Salut public, décrète ce qui suit: Art. 1 . Les décrets de la Convention Nationale des 2 et 4 mars et 8 mai 1795, qui ont réuni les pays de Liège, de Stavelot, de Logne et de Malmédy au territoire français, seront exécutés selon leur forme et teneur. 2. Seront pareillement exécutés les décrets de la Convention Nationale des 1 , 2, 6, 8, 9, 11, 9 et 23 mars 1793, qui ont réuni au territoire français le Hainaut, le Tournaisis, le pays de Namur, et la majorité des communes de Flandre et du Brabant. • Convention Nationale accepte le vœu émis en 1795 par les communes d'Ypres, Grammont et autres communes de la Flandre, du Brabant et de la partie ci-devant autrichienne e la Gueldre, non comprises auxdits décrets pour leur accession au territoire français. 4. Sont pareillement réunis au territoire français, tous les TOME III. 7 er

er


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autres pays en-deçà du Rhin qui étaient, avant la guerre actuelle, sous la domination de l'Autriche, et ceux qui ont été conservés à la république française par le traité conclu à La Haye, le 27 floréal dernier, entre ses plénipotentiaires et ceux de la république des Provinces-Unies, auquel il n'est dérogé en rien par aucune des dispositions du présent décret. 5. Les habitans des pays de Liège, de Stavelot, de Logne et de Malmédy, et ceux des communes de la Belgique comprises dans les art. 2 et 3 du présent décret, jouiront dès à présent de tous les droits de citoyen français, si d'ailleurs ils ont les qualités requises par la constitution. 6. A l'égard des communes comprises dans l'art. 4 cidessus, les habitans jouiront, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement disposé, de tous les droits garantis par la constitution aux étrangers qui résident en France ou y possèdent des propriétés. 7. Les pays mentionnés dans les quatre premiers articles du présent décret seront divisés en neuf départemens, savoir : celui de la Dyle ( Bruxelles, chef-lieu ) ; celui de l'Escaut ( Gand, chef-lieu ) ; celui de la Lys ( Bruges, cheflieu ) ; celui de Jemmapes (Mons, chef-lieu) ; celui des Forêts (Luxembourg, chef-lieu ) ; celui de Sambre-etMeuse (Namur, chef-lieu); celui de l'Ourthe (Liège, cheflieu) ; celui de la Meuse-Inférieure ( Maëstricht, chef-lieu); celui des Deux-Nethes (Anvers, chef-lieu). 8. Les représentans du peuple envoyés dans la Belgique sont chargés de déterminer les arrondissemens respectifs de ces départemens et de les diviser en cantons, à l'instar des autres parties du territoire français. 9. Ils nommeront provisoirement les fonctionnaires qui devront composer les administrations de département, celles de canton , et les tribunaux des pays de Limbourg, de Luxembourg, de Maëstricht, de Venloo et leurs dépendances, et de la Flandre ci-devant hollandaise. 10. Le corps législatif déterminera le nombre des représentans du peuple que chacun des départemens, formés en exécution de l'art. 7 ci-dessus, devra nommer à l'époque du renouvellement qui aura lieu l'an 5 de la république. 11. Les représentans du peuple envoyés dans la Belgique veilleront à la prompte rentrée des contributions extraor-


DES

PAYS-BAS

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dinaires imposées à ces pays, et formant leur contingent des frais de la guerre de la liberté. 12. Les bureaux des douanes actuellement existant, soit entre la France et les pays mentionnés dans les quatre premiers articles du présent décret, soit entre les différentes parties de ces mêmes pays, sont supprimés. Ceux qui sont établis entre ces mêmes pays, les ProvincesUnies, et les pays non réunis entre la Meuse et le Rhin, demeurent maintenus.

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DES PROVINCES-UNIES. ACTE

D'UNION

Des Provinces-Unies, conclu à Utrecht, le 23 janvier 1779. COMME on a connu que depuis la pacification de Gand, par laquelle les provinces des Pays-Bas s'étaient obligées à s'entre-secourir, pour chasser les Espagnols et autres étrangers, desdits pays, ces mêmes Espagnols ont cherché par tous les moyens, à ramener les provinces sous leur joug tyrannique. et à détruire l'union que la pacification de Gand avait opérée entre elles. A ces causes, ceux du duché de Gueldre et du comté de Zutphen, ceux des comtés et pays de Hollande, Zélande, Utrecht, Frise, et des Ommelandes, entre l'Ems et les Lauwers, ont jugé à propos de former ensemble une alliance plus intime et plus particulière; non qu'ils aient l'intention de se départir de l'union générale formée par ladite pacification, mais pour l'affermir, pour etre plus en état de se défendre contre l'ennemi commun et pour prévenir toutes divisions ultérieures. A ces fins, les députés des susdits pays, en vertu des pleins pouvoirs qu'ils ont reçus de leurs constituans, ont arrêté et statué les articles suivans, sans prétendre se séparer du saint empire romain. 7.


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Art, Ier. Les provinces susdites s'allient, s'unissent et se liguent à perpétuité, pour rester en confédération comme si elles ne faisaient qu'une seule province, sans permettre qu'on les sépare jamais l'une de l'autre par aucune convention ou traité quelconque, sans infraction cependant aux priviléges, franchises, immunités, statuts, louables usages, et tous autres droits que chacune des provinces, villes, membres et habitans peuvent posséder. Non-seulement elles n'y porteront aucune atteinte, mais elles s'engagent, au contraire, à s'assister les unes les autres pour les défendre et les maintenir par tous les moyens convenables, au péril de leurs vies et de leurs biens, contre quiconque voudrait les attaquer ; et quant aux différends qui pourraient survenir entre les membres ou villes de l'une ou de l'autre province de cette union, à l'occasion de ces droits, privilèges, etc., ils seront vidés par le juge ordinaire, ou par des arbitrages, ou à l'amiable, sans que les autres provinces, villes ou membres, tant que les parties se soumettront à la justice ordinaire, puissent s'en mêler, sinon par la Voie de médiation pour faciliter un accommodement. II. Les susdits pays, en vertu de cette union, s'engagent solidairement et mutuellement, au péril de leurs biens et de leurs vies, de se défendre l'un l'autre contre toute violence qu'on voudrait leur faire, au nom du roi ou de sa part; soit parce qu'à l'occasion de la pacification de Gand ils ont pris les armes contre Don Juan, et reçu pour gouverneur l'archiduc Mathias ; soit à cause des conséquences qui en ont résulté ou qui pourraient en résulter, même sous prétexte d'introduire et rétablir la religion catholique à main armée; soit à cause des nouveautés survenues dans lesdites provinces, depuis l'an 1558 ; soit à cause de cette présente union et confédération ; soit enfin dans le cas où l'on voudrait attaquer une province, une ville ou un membre en particulier, ou bien tous en général. III. Les susdites provinces s'engagent de s'entre-secourir contre tous seigneurs, princes, états ou villes, soit étrangers, soit du pays qui leur voudraient nuire ou faire la guerre; bien entendu que les secours et subsides seront spécifiés par la généralité de l'union, avec connaissance de cause et suivant les occurrences. IV. Et pour mieux assurer lesdites provinces, villes et membres, il est statué que les villes frontières et autres que


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l'on jugera en avoir besoin, seront fortifiées suivant l'avis et l'ordre desdites Provinces-Unies , aux dépens des villes et provinces où elles sont situées ; mais que la généralité contribuera à la dépense pour la moitié : bien entendu que si lesdites provinces jugent à propos de construire quelques nouveaux forts dans quelques-unes des mêmes provinces ou de faire réparer ou démolir ceux qui s'y trouvent, les frais seront à la charge de la généralité. V. Afin de subvenir aux frais nécessaires pour la défense des provinces, il est statué que de trois mois en trois mois, ou dans des termes plus convenables, on affermera dans les provinces de l'union, publiquement, au plus offrant et dernier enchérisseur, ou bien l'on fera percevoir, par des collecteurs, certains impôts établis sur le vin, la bière, les grains, les draps d'or, d'argent au de laine, les bêtes à cornes, les terres ensemencées, les bêtes de boucherie, les chevaux, les bœufs, et sur tous les autres articles que, dans la suite, on jugerait à propos de taxer, d'un consentement unanime. Enfin, l'on pourra y employer les revenus des domaines du roi, mais après en avoir déduit les charges dont ils seraient grevés. VI. Les mêmes subsides seront, conformément à l'avis commun, augmentés ou diminués suivant les besoins et les circonstances, et ne pourront être renforcés que pour la défense commune, et pour ce que la généralité serait obligée de supporter en sus, sans qu'on puisse les divertir à aucun autre usage. VII. Les villes frontières, et même les autres places, comme la nécessité l'exigera, seront obligées, en tout temps, de recevoir telles garnisons que lesdites ProvincesUnies jugeront à propos de leur envoyer, avec lavis du stathouder de la province où la garnison doit être placée ; mais ces garnisons seront payées par les provinces de l'union. De plus, les capitaines avec les soldats, outre le serment qu'ils auront fait à la généralité, seront encore obligés d'en prêter un à la ville, place ou province où ils seront distribués, ainsi qu'il sera exprimé dans la teneur de leurs patentes. on fera observer aux soldats une discipline si exacte, que les habitans, tant ecclésiastiques que séculiers, n'en seront aucunement molestés. La garnison sera, aussi bien que es bourgeois et habitans, tenue de payer les impôts et accises; mais la généralité paiera leurs logemens.


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aux bourgeois et autres, comme il se pratique dans la province de Hollande. VIII. Et pour qu'on puisse trouver des secours toujours prêts dans le besoin, tous les habitans mâles de chaque province, depuis l'âge de dix-huit jusqu'à soixante ans, seront tenus dans l'espace d'un mois, au plus tard, de faire enregistrer leurs noms, afin qu'à la première assemblée des états confédérés, on puisse ordonner ce qu'on jugera plus convenable pour la sûreté et pour la défense des pays de l'union. IX. On ne pourra conclure ni paix, ni trêve ; entreprendre aucune guerre, lever aucun impôt ou contribution en faveur de la généralité, sans l'avis et consentement unanime des provinces de l'union. Mais dans toutes les autres affaires relatives à la conduite de cette confédération, on se réglera suivant ce qui aura été conclu à la pluralité des voix des susdites provinces. Ces voix seront recueillies, comme cela s'est pratiqué jusqu'à présent dans l'Assemblée des états-généraux, toujours par provision, jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement, de l'avis unanime des Confédérés. Au cas que les provinces de l'union ne pussent s'accorder sur des affaires relatives à la trêve, à la paix, à la guerre ou aux contributions, la décision en sera remise provisionnellement à Messieurs les Stathouders actuels des susdites provinces, qui les vuideront entre les parties, ou les décideront comme ils le jugeront convenable. Bien entendu que si les Stathouders ne pouvaient s'accorder entre eux, ils se choisiraient tels assesseurs et adjoints impartiaux que bon leur semblerait, et les parties seront tenues de se soumettre au jugement qu'ils auront porté. X. Aucune des provinces, ni des villes, ni aucun membre de l'union, ne pourra faire aucune alliance avec les seigneurs ou états voisins, sans le consentement des autres Confédérés. XI. Au cas que quelques voisins, soit princes, seigneurs, villes ou pays, souhaitent d'accéder à la présente union, ils pourront y être admis de l'avis et du consentement unanime des provinces de l'union. XII. Sur l'article de la monnaie et le cours des espèces, les provinces seront obligées de se conformer aux ordon-


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nances qui seront rédigées à la première occasion, et sur ce sujet, l'une ne pourra rien innover sans les autres. XIII. A l'égard de la religion, la Hollande et la Zélande en agiront comme bon leur semblera : mais les autres princes de l'union pourront se régler sur la paix religieuse que l'Archiduc et son Conseil ont arrangée, d'après l'avis (les états-généraux (1). Sur cet article , elles publieront telles ordonnances quelles jugeront convenables pour le repos et le bien être de chaque province, ville et membre et pour la défense des droits de chacun, tant ecclésiastique quelaïque, sans qu'elles puissent être inquiétées ou molestées à ce sujet, par une autre province ; pourvu cependant que chacun jouisse de la liberté de conscience , et que personne ne soit recherché ni inquiété pour cause de religion, ainsi qu il a été arrêté par la pacification de Gand, XIV. Pour déférer à la pacification de Gand, tous les religieux et ecclésiastiques jouiront de leurs biens situés dans les provinces-unies; mais les religieux qui, dans le temps de la guerre auront quitté leur cloître, situés sur un territoire soumis aux Espagnols pour se retirer dans la Hollande et la Zéelande, seront entretenus honnêtement par les Couvents et Communautés d'où ils sont sortis, ce qu'on fera pareillement à l'égard de ceux qui se sont retirés de la Hollande et de la Zéelande clans les autres provinces. XV. Ceux qui, pour cause de religion ou pour d'autres motifs raisonnables, auront quitté ou voudront quitter leurs Couvens ou Communautés situés dans les provinces de l'union, seront entretenus , leur vie durant, des revenus desdits Couvens ; mais ceux qui dorénavant, entreront dans les cloîtres et qui les abandonneront ensuite, ne pourront rien en réclamer pour leur entretien et ne pourront en re-

(1) Cet article causa d'abord des difficultés. On s'imagina qu'il était rédigé pour exclure de la confédération tous ceux qui admettaient la paix religieuse, ou du moins les deux religions , la catholique et la protestante. En consequence, quelques jours après, on ajouta par forme d'explication , qu'on n'avait pas en intention d'exclure de la confédération les provinces et villes qui n'admettiaient que la religion romaine et ou le nombre des réformes n'était pas assez considérable pour qu'ils pussent, conformément à la paix religieuse , avoir exercice de leur culte; qu'on était prêt à les recevoir dans l'union, pourvu qu'ils en observassent les articles et se comportassent en bons patriotes , parce que le but n'était pas qu'une province on une ville imposât des conditions aux auties, sur l'article de la religion.


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tirer que ce qu'ils y auront apporté. De plus , les religieux actuels ou futurs auront toute liberté de religion et d'habit, pourvu qu'en toute autre chose, ils se soumettent à leurs supérieurs (1). XVI. S'il survenait, ce qu'à Dieu ne plaise, quelque mésintelligence ou différend entre les provinces, ils seront terminés par les autres provinces ou par leurs Commissaires, et si l'affaire intéresse toutes les provinces en général, elle sera déférée aux Stathouders, comme il a été statué dans l'article neuvième. Ils seront obligés de rendre raison et justice aux parties, dans l'espace d'un mois, ou plutôt si la nécessité le demande, après en avoir été requis et interpellés par l'une ou par l'autre partie. Et leur sentence sera exécutée, nonobstant tout appel, relevé d'appel, révision ; nullités ou autres réclamations quelconques. XVII. Les provinces, villes et membres de l'union, éviteront avec soin de donner aucune occasion de guerre aux états et provinces étrangers ; et pour les prévenir, ils rendront aussi bonne justice aux étrangers qu'aux habitans. Si l'une des provinces était en défaut sur ce point, les autres seraient obligées d'y prêter la main, conformément aux droits, privilèges et louables coutumes de chaque province. XVIII. Aucune province, ville ou membre de l'union, ne pourra asseoir des impôts, des droits de transports, ou aucune taxe quelconque au préjudice des autres, sans le consentement de la généralité , ni charger aucun des confédérés plus que ses propres habitans. XIX. Et pour prévenir toutes les difficultés qui pourraient survenir, les Confédérés seront obligés sur la convocation de ceux qu'on autorisera à cet effet, de comparaître à Utrecht, au jour qui leur sera prescrit, pour délibérer sur les affaires exprimées par les lettres de convocations, à moins que la chose n'exige le secret. Les arrêtés y seront formés à l'unanimité ou à la pluralité des voix. Ceux même qui n'auront pas comparus seront obligés de se conformera (1) On donna encore une autre explication a cet article, le premier février. Les confédérés craignant que ces religieux n'intentassent des procès pour héritages, successions et donations, statuèrent que tous les procès élevés on à élever, a ce sujet, lussent sursis jusqu'à ce qu'il en fût autrement ordonné par les confédérés et par les autres membres qui entreraient dans l'union, on même par l'autorité souveraine, si cela était nécessaire.


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à la résolution qui aura été prise, excepté dans des affaires très-importantes qui peuvent souffrir un délai, auquel cas les non-comparans seront avertis de nouveau de se présenter , sous peine de perdre leurs suffrages pour cette fois. Mais, ceux qu'une raison légitime aura empêchés de comparaître , pourront envoyer leurs avis par écrit, et l'on y aura égard, en résumant les voix. XX. Chaque confédéré sera tenu de communiquer à ceux qui seront chargés de faire la convocation, les affaires dans lesquelles la contédération pourrait être intéressée, afin que les autres provinces soient convoquées à ce sujet. XXI. S'il se rencontre quelque équivoque ou obscurité dans les articles de la présente union, l'interprétation en sera renvoyée au jugement commun des confédérés; et s'ils ne peuvent s accorder, on aura recours à Messieurs les Stathouders, en la manière expliquée ci-dessus. XXII. Si l'on jugeait à propos de faire des additions ou des changemens à quelques articles de cette union , il faudrait prendre l'avis et le consentement commun des Confédérés. XXIII. L es provinces promettent et s'engagent réciproquement d'observer et de faire observer tous les articles susdits, déclarant nul et sans force tout ce qui pourrait y être contraire : et pour cela , ils obligent leurs personnes , leurs biens, et ceux de tous les habitans de leurs provinces respectives en soumettant les uns et les autres à tous seigneurs et Tribunaux. A cette fin, ils renoncent à toute réclamation, droits et privilèges qui pourraient les soustraire à un pareil jugement, XXIV. Et, pour plus grande sûrreté, les statbouders tant présens que futurs, les magistrats et les principaux officiers de chaque province, ville et membre, prêteront serment d'observer et de faire observer tous les articles de cette union. XXV. Le même serment sera prêté par toutes les compagnies bourgeoises, communautés et corps de métiers qui sont dans les villes ou bourgs de cette union. XXVI. On tirera des copies fidèles de cet acte, lesquelles seront scellées par les stathouders, par les principaux membres et par les principales villes des provinces de l'union j apies a réquisition qui leur en sera faite, et signées par leurs secrétaires,


CONSTITUTION

DES PROVINCES-UNIES. CHAPITRE PREMIER.

Gouvernement des Provinces-Unies en général. $ I. De la confédération. Les Provinces-Unies sont la Gueldre avec le comté de Zutpheri , la Hollande et Westfrise, la Zélande, Utrecht, la Frise, Gver-Yssel et Groningue, et enfin Ommelandes. Ces diverses provinces, Lien qu'unies et étroitement liées entre elles, sont indépendantes, absolues et souveraines, Lacune dans son territoire. Les états de chacune de ces provinces ne reconnaissent aucune autorité supérieure, pas même le corps de toutes les provinces réunies. $ II. Des État-généraux. Les assemblées des états-généraux se composent d'autant de députés plénipotentiaires qu'il y a de provinces unies. Les députés doivent veiller à ce qu'il ne soit porté aucune atteinte à la souveraineté de la province. Cette assemblée représente, même à l'égard des étrangers, le corps des sept souverainetés confédérées. Les états-généraux ont la souveraineté sur les terres et les places conquises par les armes des alliés, sur les pays d'Outre-Meuse, du Hulst, de l'Ecluse, et de plusieurs autres places en Flandre, qu'ils possèdent comme le roi d'Espagne les avait possédées, sans préjudicier aux droits des seigneurs particuliers, de même que sur les terres acquises par les compagnies des Indes-Orientales et Occidentales. L'assemblée des états-généraux connaît des affaires qui regardent l'union et la défense commune. Les résolutions


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se prennent à la pluralité des voix des provinces ; mais leurs pouvoirs sont bornés en ce qui regarde l'essence de l'alliance ; dans ce cas, les résolutions ne peuvent se prendre en général que du consentement unanime de tous les alliés. Nommément, elle ne peut pas entreprendre une guerre aux frais communs de l'état, lever des impots, ou contracter une alliance qui l'oblige , si ce n'est d'un consentement unanime et exprès. Le nombre des députés pour chaque province n'est point réglé ; tous les députés d'une même province ne forment qu'une seule voix. Chaque province préside à son tour par semaine, à commencer par la Gueldre ; le premier député préside toute la semaine : il propose ordinairement les affaires qu'on doit traiter, quoique chaque député ait aussi le droit de faire des propositions ; il résume ensuite l'avis de chaque province, et prend la résolution qu'il dicte au greffier, et qu'il signe. Si le président refuse de conclure selon la pluralité des voix, dans les affaires contraires à l'intérêt de sa province, il doit céder la place au président de la semaine précédente, et ainsi de suite. L'assemblée des états-généraux est permanente et fixée à La Haye. Les députés doivent être employés dans le gouvernement de l'état : ceux qui ont des emplois militaires n'en peuvent faire partie. $ III. Du Conseil d'État. Le conseil d'état est composé des députés de toutes les provinces; mais, parmi ses membres, les uns sont députés par des provinces particulières, les autres sont simplement conseillers d'état, et reçoivent leur commission dans l'assemblée des états-généraux. Le nombre des députés est réglé en général d'après les formes pour lesquelles chaque province contribue dans les dépenses communes de l'état. Gueldre envoie deux députés, Utreclit et Groningue , chacune un ; La Hollande trois; la Frise deux; et Overissel un. Le président n'y préside, pas comme aux états-généraux, d'après le rang de sa province; chaque conseiller remplit ces fonctions à son tour, et comme conseiller d'état et non


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comme représentant une province particulière; il doit toujours conclure à la pluralité des voix. Ce conseil a la conduite des affaires de la guerre, mais il est subordonné aux états-généraux; il prend aussi connaissance de l'administration des finances. Le trésorier général a séance dans le conseil, mais il n'a qu'une voix délibéralive sur cette sorte de choses, Lorsque les revenus réglés ne peuvent pas suffire aux dépenses, le conseil demande que l'on fasse un fonds pour les frais extraordinaires de la guerre. Les fonctions des conseillers sont à terme; celle du trésorier à vie. Les provinces sont obligées de prononcer sur la levée des fonds, pour les dépenses ordinaires de la guerre, avant le 1 mai; passé ce temps, leur silence est réputé comme un consentement. Il faut, pour pouvoir lever les fonds pour frais extraordinaires, le consentement unanime et exprimé des provinces. er

$ IV. De la chambre cles comptes. La chambre des comptes se compose de députés de toutes les provinces, et de deux secrétaires qui font aussi les fonctions d'auditeurs et de correcteurs, Elle règle les comptes entre les provinces, et examine ceux des receveurs particuliers, comme aussi du domaine qui appartient à tout l'état; ceux des receveurs de l'amirauté. Elle voit et règle les cahiers de frais des députés, des états-généraux et du conseil d'état, qui font des voyages ou qui exécutent des commissions pour le service public ; ceux des dépenses extraordinaires des ambassadeurs, des députés extraordinaires, et des autres ministres employés dans les cours étrangères. Elle fait tenir un registre exact des ordonnances que le , conseil d4état fait expédier.

$ V.

De l'Amirauté.

L'amirauté se compose de députés de toutes les provinces qui ont la conduite de tout ce qui concerne la marine et; de ce qui en dépend, au nom de l'état. L'amirauté fait faire la recette des droits de sortie et


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d'entrée par terre et par mer, par le consentement des provinces. Ces impôts doivent être employés à l'équipement et à l'entretien des vaisseaux de guerre, mis en mer pour favoriser le commerce. L'amirauté rend compte à la chambre des comptes; les membres qui la composent prêtent serment de fidélité entre les mains des états-généraux. CHAPITRE II.

Gouvernement des provinces en particulier. Les nobles et les magistrats des villes forment en général le corps de la souveraineté. Chaque province a son gouvernement particulier, quoiqu'ils diffèrent peu entre eux.

Le libre exercice de toutes les religions est toléré dans les Provinces-Unies. $ I. Gueldre. La province est divisée en trois quartiers : le comté de Zutphen, le quartier de Nimègue et le quartier de la Velierre; ces trois quartiers forment les trois voix délibératives aux états de la province, et s'y font représenter par des députés. Les états sont revêtus de l'autorité souveraine. Chaque quartier tient son assemblée particulière; Ces assemblées sont composées de deux membres : le premier est formé par le corps des nobles, le second par le corps des villes. Lorsque la résolution est prise dans chaque quartier, elle se porte à l'assemblée générale, et la résolution souveraine se détermine à la pluralité de deux quartiers contre un. Le stathouder des Provinces-Unies est premier noble de Gueldre ; il se fait représenter par un noble qui préside l'assemblée. e L nombre des nobles qui peuvent assister aux états est indéterminé. Chaque noble doué des qualités requises est admis à la regence commune, s'il a l'âge de 22 ans.


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Le nombre des villes est fixe, et il ne peut augmenter; mais il est libre aux collèges de la magistrature d'envoyer aux assemblées du quartier autant de députés qu'ils le jugent à propos, mais les députés de chaque ville ne forment ensemble qu'une seule voix. Le bourgmestre en régence préside les assemblées de son quartier. On traite dans ces assemblées de toutes les affaires qui intéressent le quartier. Les assemblées générales se tiennent deux fois l'année, alternativement dans les trois principales villes. Les assemblées particulières portent le nom de diètes ; les assemblées générales, & états de la principauté de Gueldre et du comté de Zutphen. La Gueldre envoie dix-neuf députés aux assemblées des états-généraux des Provinces-Unies. § II.

Hollande.

La Hollande n'a qu'une seule et même régence avec la West-Frise, appelée Etats de Hollande et de West-Frise. Les états de Hollande sont composés de deux membres qui sont censés représenter le corps entier du peuple, les nobles ou l'ordre équestre, et le corps des villes de la province. Le nombre des nobles n'est point déterminé, ni le même en tout temps, et ils élisent à la pluralité des voix ceux qu'ils veulent admettre dans leur corps. L'ordre équestre est présidé par le prince d'Orange en qualité de premier noble de lu province, et non de stathouder. Le corps de la noblesse délibère en particulier; il conclut à la pluralité des voix, et cette conclusion portée à l'assemblée ne forme qu'une seule voix. En qualité de premier noble de Hollande, de Zélande, etc., le prince d Orange est membre intégrant de la souveraineté, comme chaque ville en particulier, c'est-à-dire qu'il a une voix délibérative, entière , à 1'assemblée des états. Les villes qui envoient des députés aux états de la province de Hollande sont au nombre de dix-huit; le nombre de leurs députés n'est pas fixé. Ces villes forment un corps séparé de l'ordre équestre,


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et délibèrent en particulier. La résolution se prend à la majorité des voix des villes, et non à la majorité des voix des représentais. La majorité des dix-neuf voix délibératives aux états de Hollande détermine la résolution souveraine. La convocation pour les assemblées extraordinaires se fait par une lettre circulaire, adressée aux villes qui envoient leurs députés avec des instructions précises , formelles et déterminées, dont il ne leur est pas permis de s'écarter sans avoir pris l'avis de leurs commettais respectifs. La lettre expose les points qui seront mis en délibération ; elle est écrite par un comité des états, qui est permanent à La Haye. Ce comité est composé d'un petit nombre de magistrats de la province, députés ad hoc. La discussion des points mis en délibération se fait dans les divers corps des régences des villes qui ont voix aux états; les résolutions s'y prennent à la majorité des voix des régens qui composent le grand conseil de la ville ; ces régens sont censés ne représenter que le peuple.

Le nombre des magistrats qui composent le conseil de ville n'est pas fixé pour chaque ville de Hollande; dans toutes on le divise en trois classes : la première des bourgmestres; la deuxième des échevins ; et la troisième des conseillers. Chacun des membres qui composent cette assemblée a sa voix en tout égale; tout s'y décide à la majorité des suffrages. Le conseiller-pensionnaire ou ministre, envoyé par les villes à l'assemblée des états de Hollande, est toujours membre du conseil ou de la chambre des bourgmestres, mais il n'a point voix; l'ordre équestre a aussi son conseiller-pensionnaire : ce dernier est en même temps pensionnaire de toute l'assemblée des états, avec le titre de grand-pensionnaire. Le grand-pensionnaire ouvre les délibérations à l'assemce des états, propose les matières, recueille les voix, préside enfin à l'assemblée. Il est député né de la province aux états généraux et au conseil d'état (1). La charge n'est (1) Ainsi, quoique le grand-pensionnaire ne soit, à proprement parler, que de premier ministre de la Hollande, il l'est en effet des sept Provinces Unies, parce que cette province, ayant la principale influence, il est naturel

que celui qui la dirige, dirige en meme temps toute la confédération.


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que pour cinq ans, mais il peut être continué dans ses fonctions. Le collège des conseillers députés, dix pour la Hollande et sept pour la Frise, est chargé des finances et des affaires de la guerre, ainsi que du soin de convoquer les états provinciaux en cas de besoin. La province entière envoie à l'assemblée des états-généraux un député de la Nord-Hollande, deux députés du conseil d'état, de la noblesse , et d'autres députés au nom des villes de la Hollande méridionale, et un, en celui des villes de la West-Frise, avec le pensionnaire de la province. § III. Zélande. Les états de Zélande sont composés de deux membres représentant la province entière ; le premier membre est l'ordre équestre : il est représenté par le stathouder seul en qualité de marquis de Flessingue et de Vécre, qui vote pour représentant, et le premier à l'assemblée provinciale , au conseil d'état et à la chambre des comptes. Le second membre est composé des députés des six villes de Middelbourg, Zeirckzée, Gois, Tlialen, Flessingue et Vécre, dont chacun a une voix. Les états s'assemblent ordinairement deux fois l'an , et extraordinairement, toutes les fois que les conseillers députés le demandent. Les états prennent leurs résolutions à la pluralité des voix. Le grand conseil et la cour provinciale de Hollande sont communs à la Zélande. La Zélande envoie aux états-généraux quatre députés, nommés à vie : ils sont choisis tour-à-tour parmi les magistrats des villes qui ont droit de suffrage, excepté que Middelbourg a la prérogative d'y envoyer toujours un député. Le collège des conseillers-députés et celui de l'amirauté prêtent serment de fidélité aux états-généraux. Il y a une chambre des comptes, chargée d'administrer les domaines et les revenus de tout le pays. Il y a une cour de justice, dont les appels sont portés aux états-géneraux. Le synode ( cœtus, en langage du pays) ne s'assemble que lorsque les états le jugent nécessaire; chacune des quatre


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classes du clergé y envoie deux députés, qui discutent la matière dont s'agit eu présence de deux autres députés du conseil. Le synode juge en dernier ressort des contestations qui y sont portées par appel des classes particulières. §- IV. Utrech. composent de trois membres , des députés de Les états se la noblesse, de ceux des villes, et de ceux de cinq chapitres, savoir le Dôme, Saint-Pierre, Saint-Jean, le Vieux-Monastère, et Sainte-Marie. Chacun des chapitres élit un certain nombre de députés , qui forment le premier ordre des états sous le nom d'élus. Les représentans de la noblesse doivent être nobles d'origine, et avoir des possessions dans la province; le nombre n'est pas réglé.

Les villes qui ont le droit d'envoyer des députés sont : Utrecht, Amersfort, Rhenen, Wykby, Dunrstide et Montfort.

La voix de la ville d'Utrecht balance seule celle des quatre autres. Le collège des députés ordinaires est composé de quatre élus, de quatre nobles, de deux députés de la ville d'Utrecht, d'un de celle d'Amersfort, et d'un pour les trois autres villes qui y envoient tour-à-tour un député de quatre en quatre mois. § V. Frise. Les états de la Frise sont composés de quatre membres intégrans, qui exercent par indivis la souveraineté. Il y a dans la province trois grands quartiers du plat pays, et un quatrième composé de toutes les villes ayant voix délibérative aux états : ces quatre suffrages concourent aux décisions et aux résolutions souveraines. Les nobles ne font point un corps séparé. Les quartiers du plat pays sont divisés en plusieurs petits districts ou griettines ; chaque griettine tient son assemblée particulière, qui est composée de tous les chefs de famille et franc-tenanciers du district. Un petit champ, avec une maison ayant une cheminée, donne droit au possesseur d'entrer à l'assemblée, et d'y TOME III.

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vorer ; sa voix a la môme valeur que celle du citoyen le plus riche du canton. Les assemblées sont présidées par un citoyen élu à la pluralité des voix de ceux qui assistent à la griettine. Quand les griettines ont pris une résolution, le président ou griet-man la porte, en qualité de député, à l'assemblée générale du quartier dont ressort la griettine. Dans cette assemblée du quartier, les résolutions se prennent à la pluralité des voix des griettines représentées par les griets-rnans, et les résolutions du quartier sont portées aux états provinciaux par des députés qui ne forment qu'une seule voix. Cette voix est une des quatre qui ont force décisive à l'assemblée des états. Les villes de Frise, prises collectivement, ont une voix aux états. Chacune de ces villes a une régence composée d'un certain nombre de magistrats qui représentent les citoyens , quoiqu'ils ne soient pas nommés par eux. Les résolutions se prennent dans chaque ville à la pluralité des voix des magistrats ; la résolution du quartier des villes se prend dans une assemblée générale à la pluralité des voix des villes représentées par leurs députés. L'assemblée générale nomme les magistrats qui doivent la représenter aux états, et qui n'y ont qu'une seule voix délibérative. Les députés des quatre quartiers traitent des affaires générales et particulières de la province, et de toutes celles qui ont rapport à la confédération ; ils ne peuvent s'écarter des instructions qu'ils reçoivent de leurs hauts commettans. En cas de partage, les deux quartiers du pays plat votant ensemble l'important. Pour l'exécution des ordres de l'état, il y a un collège de députés composé de neuf membres , qu'on change tous les trois ans. Les villes fournissent trois de ces membres, et les griettines six. La cour provinciale de Leuwarden est le tribunal suprême de la Frise. La province est représentée dans l'assemblée des étatsgénéraux par cinq députés, deux au nom des trois quartiers, deux au nom des villes, et le cinquième au nom des villes et du quartier de Zevenwolden conjointement.


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$ VI. Over-Yssel. Les états revêtus de 1'autorité souveraine ont deux membres intégrans : le corps des nobles, présidé par le prince d'Orange, ou par son représentant, et celui des vilies ayant voix délibérative. Toutes les familles nobles de la province sont admises aux états, non-seulement les chefs de famille, mais leurs fils, leurs frères, etc., dès qu'ils ont acquis l'âge requis. Les villes sont au nombre de trois; elles sont censées représenter le peuple de l'Over-Yssel ; ce sont Deventer, Kampen et Zwal. Les délibérations générales sont formées par quatre voix ; les nobles en corps n'en ont qu'une, et les trois villes ont chacune la leur. Lorsque deux villes sont d'un avis et que la troisième est de lavis de l'ordre équestre, l'ordre équestre l'emporte. Si les trois villes sont du même avis contre l'ordre équestre, il y a partage et égalité de voix ; alors le partage est vidé par le stathouder. Pour avoir entrée aux assemblées générales, un gentilhomme est tenu de prouver, non-seulement qu'il est noble et qu'il professe la religion réformée, mais qu'il a vingtquatre ans et qu'il possède un bien-fonds ( havezaat ) ; qu'il possède en totolité des biens immeubles pour plus de 25 mille florins. Les régences des villes d'Over-Yssel sont composées de seize conseillers, qui sont tous bourgmestres. Ces conseillers forment le conseil des villes, lorsqu'il s'agit des affaires générales de la province, par rapport à la confédération. Deux de ces bourgmestres régnent successivement pendant six semaines : ils sont nommés par le stathouder. Lorsqu'il s'agit des affaires particulières de la ville et de

son territoire, le conseil de ville est composé de seize bourgmestres et de quarante tribuns du peuple.

Les bourgmestres ne peuvent rien décider contre l'avis des tribuns, s'ils ont pour eux la majorité des voix. Les tribuns s élisent eux-mêmes; c'est de leur corps qu'on tire les bourgmestres. Le conseil d'état et des finances est composé de six per-

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sonnes, dont trois nommées par les nobles et trois par les villes. Les trois villes capitales ne reconnaissent aucun supérieur, relativement à l'administration de la justice, L'Over-Yssel envoie cinq députés à l'assemblée des étatsgénéraux, deux du corps de la noblesse, et un membre de la régence de chacune des villes capitales. § VII.

Groningue.

Les états se composent de deux membres intégrans, la ville de Groningue, la seule qui ait voix délibérative aux états de la province, et les Omelandes, ou le pays plat. Cette province n'a pas de corps de nobles séparé et distinct. Les Omelandes sont divisées en plusieurs petits districts, qui répondent aux griettines de Frise. Ces griettines délibèrent de la même façon qu'en Frise; les résolutions s'y prennent de la même manière : elles sont portées à l'assemblée générale. Voyez Frise. Le stathouder a dans la province les mêmes droits , prérogatives et privilèges qu'en Frise. Les députés des Omelandes sont choisis en partie parmi la noblesse, et en partie dans la classe des laboureurs. Les tins et les autres doivent posséder une quantité déterminée de fonds de terre. Il y a un collège ( des états députés ) composé de buit personnes, dont quatre prises dans la ville de Groningue, et quatre dans les Omelandes; et une cour provinciale, qui forme le siège souverain de justice. Groningue envoie six députés aux états-généraux.


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DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN.

Liberté, Egalité, Fraternité. LES représentans provisoires du peuple de Hollande, croyant devoir à leurs concitoyens une déclaration solennelle des principes sur lesquels reposent leurs procédés et actions, à tous ceux qui ces présentes verront ou entendront lire, salut, savoir faisons : Que nous sommes parfaitement convaincus que le pouvoir qui nous a été confié repose uniquement dans le libre choix de nos concitoyens, et que c'est de ce choix seul que nous l'avons reçu ; qu'aucun pouvoir suprême ne repose en nous, mais que la souveraineté propre repose dans le peuple, et ce, de manière que le peuple en peut confier l'exercice à ses représentans, mais sans pouvoir l'aliéner jamais ; que nous nous assurons que les maux qui pèsent aujourd'hui si fortement sur ce pays et sur les autres provinces, doivent principalement leur origine aux idées perverses qu'on a présentées au peuple par artifice et par violence, et qu'ainsi il est requis de la part des représentans du peuple, qui veulent être fidèles à leur devoir, de poser des principes certains et évidens, et de les fixer pour règle de leur conduite; que, quoique nous pensions que la fixation ultérieure de ces droits devra être le premier ouvrage d'une convocation nationale des représentans de tout le peuple, nommés pour arrêter et fixer une forme de gouvernement, nous devons néanmoins, à lu confiance que nos concitoyens ont placée en nous, de faire publiquement une reconnaissance solennelle des droits de l'homme et du citoyen, en déclarant comme nous reconnaissons et déclarons par le présent : « Que tous les hommes sont nés avec des droits égaux, et que ces droits naturels ne sauraient leur être ôtés ; » Que ces droits consistent en égalité, liberté, sûreté, propriété, et résistance, à l'oppression ; « Que la liberté est la faculté qui appartient à tout homme de pouvoir faire ce qui nu trouble pas les autres


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dans leurs doits ; qu'ainsi sa limitation naturelle se trouve dans ce principe : Ne fais point à autrui ce que tu ne veux point qu'on fasse à toi-même ; » Qu'il est donc permis à tous et à chacun de manifester à d'autres ses pensées et ses sentimens, soit par la voie de la presse ou de tout autre manière; » Que tout homme a le droit de servir Dieu de telle manière qu'il lui plaît, sans pouvoir être forcé en aucune façon à cet égard ; » Que la sûreté consiste dans la certitude qu'on a de ne point être troublé par autrui dans l'exercice de ses droits, ni dans la paisible possession des propriétés légalement acquises ; » Que chacun a droit de suffrage dans l'assemblée législative de la société entière, soit personnellement, soit par une représentation au choix de laquelle il ait concouru; » Que le but de toutes les sociétés civiles doit être d'assurer aux hommes la paisible jouissance de leurs droits naturels; » Qu'ainsi la liberté naturelle de pouvoir faire tout ce qui ne trouble pas les autres dans leurs droits ne saurait jamais souffrir d'obstacle, que lorsque le but de la société civile l'exige absolument; » Que de pareilles bornes à la liberté naturelle ne sauraient être posées que par le peuple ou par ses représentans; » Que, par conséquent personne ne saurait être obligé de céder ni sacrifier rien de ses propriétés particulières à la communauté générale, à moins que cela ne soit expressément réglé par la volonté du peuple ou de ses représentans, et après une indemnité préalable; » Que la loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale; qu'elle est égale pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle récompense; » Que personne ne peut être accusé en justice, arrêté, ni mis en prison, sinon dans tels cas, et suivant telles formalités qui sont préalablement fixées par la loi même; » Quau cas qu'il soit jugé nécessaire de tenir quelqu'un prisonnier, personne ne doit être traité plus rigoureusement qu'il n'est absolument nécessaire pour s'assurer de sa personne ; » Que tous les hommes étant égaux, tous sont éligibles à tous postes et emplois, sans aucun autre motif de préférence que ceux des vertus et de la capacité;


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» Que chacun a le droit de concourir à exiger de chaque fonctionnaire de l'administration publique compte et justification de sa gestion; » Que jamais l'on ne saurait apporter la moindre restriction au droit de tout citoyen, de représenter ce qui est de son intérêt à ceux à qui l'autorité publique est confiée; »> Que la souveraineté repose dans le peuple entier, et qu'ainsi aucune portion du peuple ne saurait se l'arroger; >• Que tels sont les principes sur lesquels nous avons cru devoir fonder nos actions et nos procédés ; et qu'ayant voulu les appliquer à l'ordre de choses qui a eu ci-devant lieu, nous avons bientôt trouvé que la forme de gouvernement qui a été confirmée en 1787, au moyen de 1'invasion de l'armée prussienne, et par conséquent uniquement par force, y était contraire à tous égards ; Que les personnes qui ont composé ci-devant l'assemblée des soi-disant états de Hollande et de West-Frise, n'avaient jamais été choisis par leurs concitoyens pour être leurs représentais ; et qu'ainsi ce gouvernement ne pouvait subsister, comme étant absolument contraire aux droits de l'homme et du citoyen; que nous nous sommes aussi aperçus d'abord que toutes dignités héréditaires, telles que celles de stadouder-héréditaire, capitaine général et amiral de cette province, et d'ordre équestre, ainsi que toute noblesse héréditaire répugnent aux droits de l'homme ; qu'ainsi toutes devaient être tenues et déclarées anéanties comme elles sont déclarées anéanties par la présente ; Que nous nous assurons que par cette déclaration, tous les sermens extorqués et illégitimes sur la soi-disant ancienne constitution, prescrits en 1787 et 1788, deviennent par le fait de nulle valeur, pour autant qu'un pareil serment ait pu être précédemment de quelque valeur; mais que par surabondance et pour tranquilliser tous et chacun, nous déclarons en outre au nom du peuple de Hollande, ainsi qu'il est bien expressément déclaré par la présente : « Que tous » citoyens qui auraient pu avoir prêté le susdit serment, en » sont entierement déchargés par la présente. » Qu'avec ces principes était aussi tout-à-fait incompatible qu'on le connaît ci-devant) des conseillerslecol ége(ainsi deputés au quartier, tant méridional que septentrional, non moins que la division de l'administration économique, tant à l'égard des finances qu'autrement, ainsi que l'existence de ce qu'on nommait alors la chambre des comptes de Hollande


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et de West-Frise, comme étant tous résultés de l'ancienne forme défectueuse de gouvernement, dans laquelle l'on n'observait aucune représentation réelle quelconque, et que par conséquent nous avons jugé devoir supprimer et anéantir tous les susdits collèges des conseillers-députés de la Hollande, tant méridionale que septentrionale, ainsi que nous les supprimons et anéantissons par la présente; et que, pour faire reprendre convenablement et sur-le-champ le travail desdits collèges, nous avons cru devoir établir et commettre, ainsi que nous établissons et commettons par la présente, un comité de salut public dont l'activité suppléera entièrement celle des ci-devant conseillers-députés, pour ce qui concerne les intérêts particuliers et économiques de la province entière, qui ont été précédemment attribués aux susdits deux collèges; de plus un comité militaire pour ce qui regarde l'état militaire et toutes les affaires militaires de ia province entière ; un comité des finances, pour gérer toutes les affaires de finances de la province entière , et enfin un comité des comptes, pour prendre et remplacer l'activité de la chambre des comptes de Hollande; le tout provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été fait des arrangemens ultérieurs à ce sujet, par une assemblée de représentans choisis d'entre tout le peuple, qui sera convoqué le plus promptement possible; qu'au surplus nous avons cru ne point devoir attacher d'autre titre à notre assemblée que celui de representans provisoires du peuple de Hollande, sans y ajouter le mot de West-Frise, ayant jugé qu'il valait mieux de comprendre la province entière de Hollande sous cette dénomination. Voulons et ordonnons bien expressément aux cours de justice qui résident dans cette province, ainsi qu'à toutes les régences des villes et places y situées, que notre présente publication soit portée à la connaissance de tous les citoyens de cette province avec toute la solennité possible, soit au son des trompettes, soit en sonnant les cloches, au jeu du carillon, ou de telle autre manière solennelle qui sera jugée le plus convenable dans chaque ville ou place, comme aussi elle sera affichée partout où ce faire est d'usages et que chacun ait à s'y conformer exactemen*t, Fait à La Haye, le 31 janvier 1795, l'an 1 de la liberté batave. er


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RÉPUBLIQUE BATAYE. LES victoires de l'armée française avaient soumis la Hollande. Le gouvernement français crut qu'il était de sa politique de donner à tous les états voisins des constitutions pareilles à la sienne (celle du directoire). Après plusieurs tentatives infractueuses et beaucoup de troubles, la République batave fut. placée sous un gouvernement directorial. La constitution qui l'instituait, promulguée le 1 mai 1798, n'eut qu'une existence éphémère qui nous dispense de la rapporter en entier; il suffit de dire que ses dispositions principales étaient prises de la constitution française alors en vigueur. La révolution survenue en France en l'an 8, ne fut pas sans influence sur la Hollande, et une nouvelle constitution y fut publiée en 1801. Le directoire balaye arrêta, dans sa séance du 14 septembre, un nouveau projet de constitution, qu'il soumit aussitôt à l'approbation du peuple balave. Il communiqua cette démarche, ainsi que la proclamation qu'il venait d'adresser au peuple batave , au corps législatif. Le corps législatif résolut, à la majorité de deux voix, de surseoir à l'effet de celte proclamation. Le directoire persista dans sa résolution et ajourna le corpslégislatif. Il ordonna de plus la clôture des deux chambres, et l'ouverture des registres pour recevoir les votes des citoyens. Le 16 octobre, le directoire lit connaître à la nation le résultat du scrutin de 416, 419 citoyens ayant droit de voter; il n'y avait eu que 52,219 contre le projet. Le directoire regardant la constitution comme acceptée, procéda aussitôt à la nomination de sept membres pour ia régence d'état , et élut à cet effet les citoyens : Guillaume-Aarnom de Beverén, Gérard Branlsen , Samuel Van-Stoogstratén, David-Corneille de Leeuw, Guillaume Queysen, Jacques Spoors et Jean-Baptiste Verheyen, qui, à leur tour, pour completter le nombre de douze, choisirent AntoineFrédéric-Robert-Even Van-Staërsoite, Augustin-Gérard Besier , Gérard-Jean Pymaw, Otto Lewe et Egbert-Sjdck-Gerold-JunLerinann, Van-Lurmania-Rengcn : la régence ainsi constituée er


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nomma pour son président le citoyen de Beveren, et pour son secrétaire-général, le citoyen Stulsman. La première séance de ce nouveau gouvernement fut ouverte par un discours du citoyen de Beveren : « L'époque où nous nous voyons appelés au gouvernement de la république, dit-il, est sans doute une des plus mémorables dont les fastes de notre patrie font mention. Après les calamités d'une guerre qui paraissait interminable, nous voyons éclore cette paix tant de fois appelée parles vœux de l'humanité souffrante ; unepaix qui, disons-le avec franchise et confiance, fera sortir la Batavie d'une lutte terrible, à des conditions qui, dans les circonstances où nous nous trouvions, surpassent nos attentes ; une paix qui, en ramenant les plus chères espérances, nous rouvrira rapidement toutes les sources de notre prospérité.

» Cependant, chers collègues, tous ces bienfaits seraient perdus pour notre patrie, si au bonheur de la paix extérieure nous ne pouvions associer celui de consolider la paix intérieure. » Au moment où la grande querelle nationale est décidée, soyons assez magnanimes pour repousser loin de nous toute idée d'un triomphe d'un parti sur un autre : travaillons généreusement à faire oublier toutes les haines, toutes les vengeances, et enfin tous les restes affreux des discordes civiles. Que la persuasion, que les bons exemples, et non la force, commandent l'assentiment à nos institutions républicaines. Encourageons les vrais talens, plaignons l'erreur , laissons toutes les opinions libres, et que les lois ne punissent que les crimes ! Voilà des maximes où je trouve les élémens durables de notre prospérité renaissante; conservons ces maximes comme un dépôt [sacré; l'antique vertu batave, la, sagesse, la probité, l'industrie deshabitans, et leur ténacité dans l'amour du travailleront le reste.

CONSTITUTION. Principes et dispositions générales. ART. 1 . Le bonheur de tous est la première des lois. En conséquence, aucun membre ni aucune section de la société, ne peut être avantagé par aucune loi ; particulière, au préjudice des autres. 2. Tous les membres de la société sont égaux devant la loi, sans distinction de, rang ni de naissance. 3. Chaque citoyen peut faire ce qui lui plaît, mais deer


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meure responsable, devant et selon la loi , tant deses actions que de la propagation de ses sentiment 4. La loi établit les dispositions nécessaires pour assurer à chaque citoyen une subsistance honnête, mais toutes maîtrises ou affiliations exclusives sont abolies. 5. Tout habitant est maintenu dans la paisible possession et la jouissance de ses biens. Nul ne peut être privé d'une partie de ses possessions, sans que le bien-être général ne l'exige impérieusement.; et dans ce cas, il reçoit un dédommagement juste et convenable. 6. Chaque habitant est inviolable dans sa demeure; personne ne peut y entrer sans son consentement, et qu'en vertu d'un ordre émané d'une autorité compétente. 7. Nul ne peut être arrêté que d'après la loi. Nul ne peut être jugé ou condamné que par le juge reconnu par la constitution ou la loi, et qu'après avoir ete cité, conformément à ce qu'elles prescrivent, et avoir obtenu tous les moyens de défense qu'elles déterminent. 8. Tout citoyen doit être entendu dans les trois jours, après avoir été remis entre les mains de son juge naturel. La communication des motifs de son arrestation ne peut lui être refusée : la loi détermine la punition du juge qui contrevient à ces dispositions. Si l'interrogatoire et les motifs de l'arrestation n'ont pas été cominuniqués dans le temps prescrit ci-dessus, le détenu est relâché de droit et sans aucun retard. 9. Toute sévérité inutile à la garde des prisonniers est interdite. Toutes voies de violence pour les forcer à des aveux, sont abolies. 10. Chaque citoyen a le droit d'adresser par écrit des demandes et des propositions aux autorités compétentes, pourvu qu'elles soient signées individuellement; hors ce cas elles ne peuvent être faites que par les corps constitués

par la loi, et ne doivent porter que sur les objets qui ont repport aux fonctions qu'ils remplissent. 11. Toutes les sociétés religieuses, qui reconnaissant un

Etre suprême et lui rendant hommage, tendent à favoriser

la vertu et les bonnes mœurs , sont également protégées par la loi. Chaque société religieuse professe publiquement ses opi-


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nions, et accorde un libre accès aux lieux consacrés à l'exercice de son culte. 12. Chaque chef de famille et chaque personne indépendante (de l'un et de l'autre sexe), ayant atteint l'âge de 14 ans, se fait inscrire dans l'une de ces sociétés religieuses qu'ils peuvent quitter librement pour entrer dans une autre. Chaque société requiert de ses membres une contribution annuelle pour l'entretien de ses ministres et de ses propriétés. Néanmoins cette contribution ne pourra jamais excéder la somme stipulée à cet effet par la loi. 13. Toute société religieuse quelconque reste irrévocablement en possession de ce qu'elle possédait au commencement de ce siècle. 14. A aucune d'elles ne peuvent être attachés des droits civils exclusifs. Les docteurs, ministres et serviteurs ecclésiastiques de la religion réformée, ci-devant dominante, qui, étant salariés ou pensionnés par les caisses publiques, sont actuellement en exercice, continueront à jouir de leurs traitemens et pensions, jusqu'à l'exécution entière des dispositions prescrites par l'article 12. 15. Toutes les lois et dispositions qui, depuis le commencement de l'année 1795, ont dérogé à la valeur des propriétés ou possessions acquises légitimement, sont sujettes à revision. Quiconque a été lésé par ces lois, peut s'adresser à la régence d'état qui, selon l'exigence des cas, propose au corps législatif, ou le rapport de la loi, ou sa révision, ou une indemnité juste et convenable. 16. La féodalité est abolie; tous les fiefs sont déclarés allodiaux. La loi pourvoit au dédommagement des possesseurs seigneuriaux. 17. Le peuple batave veut que la garde nationale, établie pour assurer la liberté et le maintien de l'indépendance nationale , soit encouragée par tous les moyens convenables. Nul citoyen faisant partie de cette garde, n'est obligé de servir hors du territoire de la république. Il n'est tenu à aucun service hors de son département, sans un décret du corps législatif, et seulement dans le cas d'une attaque de l'ennemi,


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Le service actif de la garde nationale dans chaque département est déterminé ultérieurement par la loi. 18. Les mêmes espèces de monnaie seront battues et auront cours dans toute la république sur le pied et au titre que la loi établira. Les poids et mesures déjà connus dans la république, seront uniformement réglés. La loi fixera le mode et l'époque où cette disposition devra recevoir son exécution. 20. La république batave est une et indivisible. 21. Son territoire européen demeure divisé en huit départemens, dont les limites seront celles des anciennes provinces, sauf les modifications ci-après. Le pays de Drenthe restera uni à la ci-devant province d'Overyssel, et le Brabant batave formera le huitième département ; L'Omelande fera partie de la Frise; Wedde et West Woidingerland, de Groningue ; Ysselstein , de la Hollande;

Yiane d'Utrecht ; et Kuilenbourg et Buren, de la Gueldre. La loi déterminera ultérieurement à quel département appartiendront les pays qui sont déjà ou seront annexés par la suite au territoire de la république. 22. Chaque département sera, eu égard à ses limites, divisé en un certain nombre de districts. C'est d'après cette fixation que l'élection des membres de l'administration départementale aura lieu. 25. La division actuelle en assemblées primaires est maintenue pour l'élection des membres du corps législatif. 24. Sont citoyens actifs, ceux qui réunissent les qualités suivantes : 1° S'être fait inscrire sur le registre national du lieu de leur domicile ; 2° Etre âgé de 21 ans accomplis, ou faire partie de la garde nationale ; 3° Avoir résidé sans interruption dans la république, depuis un an pour les naturels du pays; depuis six ans pour les étrangers ; 4e Savoir lire et écrire en hollandais, disposition qui cependant ne sera pas applicable aux citoyens inscrits avant le 25 avril 1799 ;


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5° Avoir fait la déclaration suivante : « Je promets fidélité » à la constitution et soumission à la loi. » 25. Sont exclus du droit de voter : 1° Ceux qui sont au service de quelque puissance étrangère ou en reçoivent quelque pension ; 2° Les domestiques à gages attachés au service de la personne et du ménage; 3° Ceux qui sont en [retenus dans les maisons de charité ; les maisons d'orphelins et les diaconies ; 4° Ceux qui pendant les six derniers mois ont été alimentés ,sur la caisse des pauvres; 6° Ceux qui sont en curatelle pour cause d'inconduite , de dissipation, ou de dérangement dans le cerveau ; 6° Les banqueroutiers , ainsi que ceux qui ont fait cession de biens, aussi long-temps que leurs créanciers ne sont pas payés. 7° Ceux qui sont en état d'accusation, ou, qui, en justice, sont reconnus infâmes. 26. La loi fixe la manière dont lé droit de suffrage doit être exercé, et la propriété exigée pour être électeur. 27. Les ministres d'un culte quelconque ne sont pas éligibles aux fonctions dépendantes du, gouvernement. 28. Les militaires ne peuvent exercer leurs droits que dans le lieu de leur domicile, et en tant qu'il est distinct de celui OU ils sont en garnison. Du gouvernement. 29. Le gouvernement est confié à une régence d'état composée de douze membres qui sont choisis parmi les citoyens actifs âgés de trente cinq ans révolus , nés dans l'enceinte de la république, y ayant habité durantles six dernières années, et n'étant parent ou allié d'aucun autre membre de la régence, jusqu'au quatrième degré. Ils jouissent d'un traitement annuel de 10,000 florins. 3° Pour cette fois, sept de ses membres sont immédiatement nommés par le directoire exécutif actuel. Ces sept membres procèdent au choix des cinq autres. Les douze régens choisissent dans leur sein un président élu pour trois mois. Si, dans les six premiers mois de l'installation de la régence d'état, il survient une ou plusieurs vacances, les membres restans procèdent, dans la huitaine, au remplacement.


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31. La régence d'état arrête le règlement d'ordre pour la tenue de ses séances. Elle se partage en autant de commissions que les différentes branches de l'administration le rendent nécessaire. Ces commissions s'occupent du dépouillement et de l'examen particulier des affaires qui leur sont distribuées par le conseil. 32. La régence d'état s'adjoint, outre un secrétaire général, Un secrétaire d'état ayant le département des relations extérieures; Trois autres secrétaires d'état ayant les départemens de la marine, de la guerre, et de l'intérieur; ou si elle le juge plus convenable, en place de chacun des trois derniers, trois conseils composés chacun de trois membres; Enfin, un conseil des finances confié à trois personnes, et un trésorier général. 55. Les secrétaires-d'état ou les conseils qui en tiennent lieu sont chargés de l'administration des affaires de leur ressort, ainsi que de l'exécution des ordres qui leur sont transmis par la régence, conformément à ses instructions et sous leur responsabilité. Ils sont nommés par la régence d'état, sur une liste triple, formée par la section du conseil de régence attachée au département auquel ils appartiennent. 34. Il y a chaque année remplacement d'un membre de la régence d'état; ce remplacement aura lieu pour la première fois le 1 novembre 1802, suivant l'ordre que le sort aura déterminé pour la sortie annuelle de tous les membres. Pour remplir les places vacantes, les départemens procèdent dans l'ordre precrit ci-après, à la nomination de quatre personnes dont la liste est envoyée à la régence. Celle-ci réduit ce nombre à deux, parmi lequels le corpslégislatif choisit définitivement. Afin que toute la nation puisse concourir au choix de la regenee d'état, les administrations départementales sont admises à procéder (en cas de vacance) à leur nomination, dans l'ordre ci-après ; 1° L'administration de Hollande; 2° de Zéelande, 3° de Frise, 4° du brabant, 5° de Hollande, 6° de Groningue, er


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7° d'Utrecht, 8° d'Overyssel, 9° de Gueldres, 10° de Hollande, 11° de Zéeiande , 12° de Gueldres. Bien entendu néanmoins que lors des 11 et 12 tours, deux autres départemens concourront à la nomination , comme 1° ceux de Zéeiande et de Gueldres, 2° de Frise et d'Overyssel, 5° de Brabant et d'Utrecht, 4° de Groningue et de Hollande, et ainsi de suite. Toutes les places qui viendront à vaquer dans l intervalle d'une nomination à l'autre, si elles ont déjà été une fois remplies en suivant l'ordre ci-dessus établi, le seront de nouveau par les mêmes départemens qui ont présenté les membres sortans ; mais si la vacance a lieu directement ensuite des premières nominations et avant que les dispositions précédentes aient pu recevoir leur exécution, le corpslégislatif procédera pu remplacement, d'après une liste triple présentée par la régence d'état. Dans l'un comme dans l'autre cas, les nouveaux élus auront séance pour le temps qu'auraient dû siéger ceux qu'ils remplacent. 35. La régence d'état nomme les ministres et agens près les puissances étrangères et tous les officiers de terre et de mer. 36. La nomination aux fonctions publiques administratives se fait, sauf les exceptions prononcées par la constitution, avec le concours des colléges ou autres autorités constituées. Celles-ci présentent à cet effet une liste triple à la régence d'état qui choisit dans cette liste. La régence a néanmoins le droit de rejeter cette liste et de demander qu'il lui en soit présenté une nouvelle. Quant aux employés subalternes, ils sont nommés par les colléges ou autorités constituées auxquels ils sont subordonnés; mais la fixation de leur traitement est soumise à l'approbation de la régence d'état. 37. La régence a l'initiative de la proposition de toutes les lois; elle les fait publier aussitôt que le corps-législatif les a revêtues de sa sanction. 38. Elle n'exerce, dans quelque cas que ce puisse être, aucun pouvoir législatif, et ne peut dispenser de l'exécution d'aucune loi. 39. Elle conclut les traités de paix, d'alliance et de commerce, sous la condition de la ratification du corps-législatif. e

e


DE HOLLANDE. 129 Elle stipule , sans recours à cette ratification , les articles secrets, pourvu qu'ils n'aient rien de contraire aux articles patens, aux traités subsistans, et ne tendent point à la cession d'une partie quelconque du territoire de la république. La guerre ne peut être déclarée sans un décret du corpslégislatif. 40. La régence d'état a l'administration des finances nationales; elle règle les traitemens des fonctionnaires nationaux, et détermine le montant annuel des dépenses publiques. Elle en présente ensuite le tableau au corps-législatif, auquel appartient exclusivement le droit de les autoriser. Si les revenus ordinaires ne suffisent pas pour faire face aux dépenses ordinaires , la régence d'état indique au corpslégislatif quelles impositions nouvelles elle juge nécessaire d'établir. Quant aux dépenses extraordinaires, la régence propose l'établissement, ou d'une imposition extraordinaire, ou d'un emprunt volontaire ou forcé, en ayant soin, dans ce cas, d'y joindre les fonds nécessaires pour faire face au paiement des intérêts, ainsi qu'à l'amortissement ou au rachat des capitaux négociés. 41. La régence d'état soumet à l'approbation du corps-législatif, le réglement d'après lequel elle peut accorder des pensions. 42. Elle dispose des flottes et des armées de la république. Le commandement en chef ne peut jamais être confié à aucun de ses membres. 43. La régence d'état a la surintendance de la police dans toute l'étendue de la république. Celle du lieu de sa résidence, ainsi que la nomination à tous les emplois qui peuvent en dépendre, lui est exclusivement dévolue. 44. Il y a un conseil de marine, composé de sept personnes, à la nomination de la régence d'état, envers qui il. est responsable de sa gestion.

Il est chargé d'administrer et de gérer toutes les affaires

relatives a a levée des deniers sur les eaux, ou ce qu'on appelle es convois et licences ; de juger de toutes les affaires relatives aux vaisseaux armés ou en course, ainsi que de prononcer sur les prises. TOME

III.

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Toutes les affaires relatives au pilotage sont également de son ressort. Le conseil se conforme aux réglemens arrêtés par la régence d'état et approuvés par le corps-législatif. 45. La régence d'état veille pareillement aux progrès des arts , des sciences , de l'éducation , de l'agriculture et des fabriques, et institue l'établissement qu'elle juge le plus propre à atteindre ce but. 46. Il y a une chambre des comptes composée de neuf membres, à la nomination du corps-législatif. Elle est chargée de recevoir et de liquider annuellement les comptes des différons départemens de l'Etat, de se faire délivrer par tous les comptables des états en bonne et due forme de leurs dépenses diverses. Elle se conforme, dans sa gestion , aux instructions qu'elle reçoit de la régence d'état, et qui ont été approuvées par le corps-législatif. Un de ses membres termine chaque année ses fonctions ; le sort règle l'ordre de sortie. En cas de vacance la chambre présente une liste de cinq personnes à la régence d'état, qui la réduit à trois, entre lesquels le corps-législatif choisit définitivement. 47. Il est établi deux conseils d'administration particulière pour le commerce, et les possessions de la république dans les deux Indes. Celui des Indes-Orientales est composé de neuf membres , celui des Indes-Occidentales de cinq. Ils sont l'un et l'autre subordonnés à la régence d'état. Ils sont chargés de l'administration particulière des revenus des possessions de leur ressort respectif: si ces revenus ne couvrent pas la dépense, il y est suppléé par la caisse nationale dans laquelle ils versent l'excédent, s il y en a Ils surveillent l'administration de la police et de la justice dans lesdites possessions, arrêtent les dispositions nécessaires à leur défense, lorsqu'il n'y a pas été directement pourvu par la régence. Ils sont responsables vis-à-vis d'elle, et lui présentent, chaque année, l'état de leur recette et de leur dépense, appuyé de toutes les pièces de comptabilité qui en justifient48. L'administration intérieure et les lois relatives aux colonies sont fixées, pour elles, par leurs chartes respecttives.


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Elles demeurentréunies dans la république, sous un seul et unique gouvernement général ; tous octrois particuliers sont abrogés. Du pouvoir législatif, 49. Le corps-législatif est composé de 35 membres nommés pour la première fois par le gouvernement, dans les huit premiers jours de son installation. 50. Douze d'entre eux. choisis à la pluralité des voix, pour le temps d'une session ordinaire ou extraordinaire , discutent les lois proposées. Les discussions, sur tous les projets présentés dans la première semaine d'une session ordinaire, doivent être terminées, au plus tard, le dernier jour de la session, c'est-àdire le 30 mai ou le 15 décembre. Lors des convocations extraordinaires, les propositions qui y ont donné lieu doivent être arrêtées avant la séparation du corps-législatif, et au plus tard dans un mois. Les membres du corps-législatif prononcent par oui ou par non sur les projets qui leur sont présentés. Ces projets peuvent toujours être retirés pendant le cours de la discussion. 51. Si le projet est rejeté, la régence d'état députe, lorsqu'elle le juge nécessaire, trois de ses membres vers le corpslégislatif, pour exposer et défendre les motifs de son vœu; si le corps législatif persiste dans son rejet, le projet ne peut plus être reproduit. 52. Dans ce cas, le refus du corps-législatif doit être motivé ; la régence conserve le droit de présenter un autre projet. 53. Au corps-législatif seul appartient de dispenser des lois et d'accorder des lettres de rémission et de grâce, après avoir pris l'avis de la haute-cour nationale. 54. Le corps-législatif s'assemble ordinairement deux fois par an, depuis le 15 avril jusqu'au 1er juin, et depuis 15 octobre jusqu'au i5 décembre. s'assemble extraordinairernent aussi souvent qu'il le juge convenable, ou qu'il y est convoqué parle gouvernement, Il tient ses séances dans le même lieu que la régence

d'état

er

Il est renouvelé par tiers, le 1 . juin de chaque année. Le premier renouvellement aura lieu en 1802. 9.


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Le traitement des membres du corps-législatif est fixé à 4000 florins. Pour être membre du corps-législatif, il faut être âgé de trente ans au moins, et réunir en outre les qualités requises, par l'article 29, des membres du gouvernement. 55. La loi détermine le mode de l'élection et du remplacement de ses membres. Des finances. 56. Les dettes et obligations contractées, non-seulement par la généralité et en son nom , mais encore au nom do diverses provinces, des trois quartiers de la Gueldre, du pays de Drenthe, du Brabant Batave et de la Compagnie des Indes-Orientales, sont déclarées dettes et obligations nationales. Les contrats de rentes, obligations, récipissés, ou tous autres actes obligatoires, seront échangés, le plus tôt possible, contre des obligations nationales, sans déduction quelconque de capitaux ou d'intérêts. 57. Les impositions actuellement existantes sont maintenues sur le même pied , dans chacune des ci-devant provinces. Néanmoins, les lois et ordonnances y relatives seront sujettes à révision, et ces impositions pourront être supprimées et remplacées par d'autres impositions également générales. Quant à celles qui sont établies pour subvenir aux dépenses départementales, les administrations de département pourront les modérer ou les étendre, en raison des besoins de leurs administrés. 58. La loi détermine celles des impositions actuellement en vigueur qui doivent être affectées à l'acquit des dépenses générales du gouvernement de la république, et celles qui sont abandonnées aux administrations départementales, pour subvenir aux dépenses particulières à chaque département. Toutes les fois que ces impositions ne sont pas reconnues suffisantes, chaque administration départementale a le droit d'en établir de nouvelles, d'après le mode qu'elle juge le mieux adapte aux intérêts de ses administrés, pourvu cependant que le corps-législatif en ait sanctionné l'établissement sur la proposition de la régence d'état.


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Cette sanction ne peut être refusée qu'autant que, par leur nature, ou par le mode de leur perception , elles pourraient nuire au recouvrement des impositions générales, ou bien en tant qu'elles sont contraires aux dispositions de l'article 66. Lorsque les revenus fixes de la trésorerie nationale ne peuvent suffire aux paiemeris annuels ordinaires, la loi autorise, conformément à l'article 4°, la répartition de nouveaux impôts sur tous les habitants de la république, proportionnellement à leurs revenus. 59. Chaque année, au plus tard le 1er. novembre, la régence d'état présente au corps-législatif l'état des dépenses pour l'année suivante et les moyens d'y faire face. Cet état ne comprend pas les sommes accordées annuellement pour dépenses secrètes. La régence en forme l'objet de pétitions séparées au corps-législatif, qui y fait droit en séance publique, au plus tard le 15 décembre, après avoir délibéré pendant quatre semaines en comité secret, et avoir pris, auprès de la régence , tous les renseignement qui lui paraissent convenables. 60. Les pétitions extraordinaires présentées au corps-législatif peuvent être également, pendant quinze jours, l'objet de ses délibérations secrètes, après lequel temps la discussion est rendue publique, et doit être terminée dans l'espace de huit jours. 61. La régence présente au corps-législatif, avec l'état mentionné par l'article 59, celui de toutes les recettes et dépenses de la trésorerie nationale pendant l'année précédente. Elle y ajoute la déclaration souscrite par tous ses membresdavoir employé, pour le plus grand avantage de la république, les deniers à elle accordés pour dépenses secrètes. Des administrations départementales. 62. Chaque administration départementale est composée, eu égard à la population du département, de sept personnes au moins, et de quinze au plus, domiciliées dans le départi ment et soumises aux mêmes conditions d'éligibilité que les membres du corps-législatif. La loi fixe, c onformément à l'article 22, le mode de leur élection et de leur sortie. En attendant qu'elle reçoive son exécution, les adminis-


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trations seront maintenues sur le pied où elles sont présentement établies. 65. La régence d'état nomme dans chaque département une commission qu'elle charge de faire un réglement pour l'administration centrale, d'après les dispositions de l'article précédent. Ces réglemens sont envoyés, dans les deux mois qui suivent l'installation des commissions,à la régence, qui exarnine avec soin s'ils rie renferment rien de contraire à la constitution ou a l'intérêt de chaque département en particulier. Ils sont aussi soumis à l'approbation des citoyens actifs des départemens respectifs. 64. La régence décide sur toutes les contestations entre les membres de divers départemens, ainsi qu'entre ceux d'un même département et entre eux et les communes. 65. Chaque département règle les dépenses de son administration intérieure, évalue le montant des frais de justice et de police , en tant qu'ils ne doivent pas être supportés par les caisses particulières des communes ; Arrête les dépenses nécessaires pour l'entretien des édifices publics, des digues, des écluses , etc. Dans le cas d'événemens funestes et imprévus, elle en donne avis à la régence d'état, et demande que les secours nécessaires lui soient fournis par la caisse nationale. 66. Lesadminisirations départementales présentent, chaque année, au gouvernement, l'état des besoins ordinaires de leurs départemens, et lui indiquent celles des impositions actuellement existantes dont le produit devait être verse dans la caisse de leur département, et être considérées par la suite comme impositions départementales. Si ces taxes ne sont pas jugées suffisantes, elles en proposent de nouvelles, conformément à l'article 58, bien entendu qu'elles ont soin de ne point les établir sur les objets importés ou exportés de département à département et de ne point exiger sur les productions du sol ou de l'industrie d'un autre département, une taxe plus forte que celle imposée dans ce même département. 67. Pour subvenir à des dépenses extraordinaires, et dans des cas urgens, les administrations départementales peuvent, avec l'approbation du gouvernement et la sanction du corpslégislatif, contracter des emprunts, en affectant en même-


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temps des fonds particuliers à l'extinction de la dette et au paiement des intérêts. 68. Aux administrations départementales , est dévolue la nomination des tribunaux, des fonctionnaires publies et autres employés subalternes nécessaires à l'administration de leur département. Elles surveillent les réparations des digues, canaux, écluses, chemins, etc., dont l'entretien doit être au compte des communes, des colléges, ou des particuliers. 69. Elles veillent à ce que les travaux qu'elles autorisent (ou qui sont arrêtés par les colléges spécialement chargés de leur direction ). pour l'entretien des canaux, rivières et embouchures des fleuves, ne puissent nuire aux habitans desautres départemens , et suivent à cet égard les instructions du gouvernement, a qui elles communiquent les plans qui ont été arrêtes. 70. Les administrations départementales assurent , par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, l'exécution des ordres, soit directs, soit indirects, du gouvernement et sont responsables. 71. Elles ont la direction de tout ce qui concerne la police intérieure de leur département, leur économie, leurs finances, et peuvent, à cet égard, faire des réglemens, rendre des ordonnances, pourvu toute fois que leurs dispositions ne soient pas contraires a celles des lois générales. Elles accordent, selon l'exigeance des cas, des lettres de venta œtatis à des mineurs. 72, Elles veillent à ce que les administrations communales, dont il sera parlé ci-après, soient promptement établies, d'une manière stable et coinvenable. Des administrations communales, 73. Il n'est procédé- à aucune nouvelle division des départemens ou des arrondissemens en communes, que du consentement et à la sollicitation des intéressés. Chaqne ville, district ou village a sa propre administration communale, établie sur le plan qu'elle a elle-même présenté à l'approbation de l'administration départementale, pourvu qu'il soit basé sur les principes de l'élection populaire et de l'amobilité périodique. 74. Chaque commune soigne elle-même ses intérêts do-


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mestiques, et arrête toutes les dispositions locale squ'elle juge tendre à son avantage, 75. Elle ne peut établir d'impositions locales, que de concert avec les députés de la commune, choisis d'après un règlement approuvé par l'administration départementale. Ces impositions doivent être consenties par l'administration départementale, et ne peuvent charger les objets de transit, d'exportation ou d'importation, ni les productions du sol et de l'industrie des autres villes et villages, au-delà de la taxe que ces mêmes objets supportent dans le lieu même où l'importation locale se perçoit. 76. Les membres des municipalités ne peuvent, sous aucun prétexte, être cités, suspendus ou déposés par l'administration départementale. En cas de négligence dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont jugés par la haute cour nationale. Du pouvoir judiciaire. 77. Le pouvoir judiciaire est exercé par des juges établis par la constitution, ou conformément à ses principes. 78. Les juges et accusateurs publics du même tribunal ne peuvent être, à l'époque de leur entrée en fonctions, parens ou alliés jusqu'au troisième degré. Nul ne peut exercer les fonctions de juge, s'il n'est citoyen actif, et n'a 25 ans accomplis. 79. Tous les juges sont tenus, s'ils en sont requis , de s'assister mutuellement pour l'exécution de leurs jugernens et sentences respectives, ainsi que de faire droit aux demandes connues sous le nom de lettres réquisitoriales. En cas de différend à cetégard, ou sur des questions relatives à sa juridiction, la cour de justice départementale prononce si les parties sont toutes de son ressort ; autrement l'affaire est instruite par la haute cour nationale. 80 Dans les affaires criminelles, la sentence définitiverendue contre un accusé est nulle, si le délit n'y est pas exprimé. Toutes les sentences et arrêts sont prononcés les portes ouvertes. La confiscation des biens n'a jamais lieu. Dans toute la république, la justice se rend au nom dis peuple batave.


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81. Les tribunaux des ci-devant provinces conservent leurs jurisdictions actuelles. Les départemens dans lesquels il n'y a point de cour de justice peuvent en établir, d'après le mode qu'ils présentent au gouvernement, et que le corps législatif sanctionne. 82. Le plan de l'organisation des tribunaux inférieurs, placés dans les différentes communes, est communiqué par les administrations communales à celles de leurs départemens respectifs qui Veillent à ce que ces tribunaux soient, autant que faire se peut, établis sur le même pied. 83. La manière de procéder, tant par devant la haute cour que par devant le tribunal militaire (dont il sera fait mention ci-après), le conseil maritime, les cours de justice des départemens, et autres tribunaux inférieurs , est réglée par la loi. 84. Le gouvernement, après avoir pris l'avis de la haute cour de justice, présente, dans le plus court délai possible, à la sanction du corps législatif, un code de lois civiles et criminelles. 85. Si l'introduction de ce code nécessite une autre organisation du pouvoir judiciaire, la proposition, appuyée de considérations adressées à ce sujet par les administrations départementales, pourra en être faite par la régence d'état au corps législatif. 86. Les militaires de toutes armes et les marins ne sont soumis à la jurisdiction civile, que dans leurs affaires civiles et les délits communs. 87. Il y a un tribunal militaire suprême établi pour juger les troupes de terre et de mer, sur l'accusation de deux procureurs fiscaux. Il est composé d'un nombre égal d'officiers de manne, d'officiers de terre et de jurisconsultes. La loi stipule les ordonnances et les réglemens d'après lesquels ils sont constitués et doivent prononcer les jugemens. Les membres de ce tribunal et les procureurs fiscaux sont

nommés par le gouvernement.

88. La loi établit la manière de procéder en cas de fraude ou de contravention aux impôts.

De la cour de justice nationale. 89. Cette cour est composée de neuf membres, lesquels, immédiatement après l'installation du corps législatif, se-


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ront nommés et installés à la pluralité absolue, par cinq membres de ce corps désignés par lui et par le président, et cinq membres de la régence commis également à cet effet. 90. Les membres de la cour de justice nationale conservent leurs fonctions toute leur vie. Ils doivent posséder toutes les qualités requises par l'article 29 pour les membres de la régence d'état. En cas de vacance, ils forment une liste de deux personnes auxquelles la régence en adjoint deux autres. De ces quatre personnes le corps législatif en choisit une. 91. La haute cour de justice nationale connaît de tous les délits commis par les membres du corps législatif, de la régence d'état et de tous autres hauts fonctionnaires publics, dans l'exercice de leurs fonctions, même après qu'ils ont cessé de les exercer; en un mot, de tous les faits qui auraient pu les rendre criminels pendant leur administration. 92. Elle prononce dans toutes les causes où la république est directement intéressée Comme partie. 90. Elle exerce une surveillance spéciale sur les cours de justice et les tribunaux de la république batave. Elle peut suspendre ou casser leurs sentences et leurs procédures , en tant qu'elles sont contraires aux lois relatives à l'administration de la justice et à la forme prescrite. Si elle trouve qu'il y a lieu à accusation , elle peut charger l'accusateur public de faire valoir les droits du peuple: cependant elle n'est jamais compétente à connaître du fonds des affaires. 94. Il y a appel, à cette cour, de tous les jugemens rendus dans des causes qui ont été portées, en première instance, aux cours de justice départementales, en suivant à cet égard la marche tracée par la loi, relativement à la forme générale des procédures. 95. Elle ne prononce jamais de sentences définitives qu'il n'y ait au moins sept de ses membres présens. 96. Elle accorde sursis de paiement, lettres de sûreté de corps, et généralemeut toutes dispenses, conformément à l'autorisation qu'elle reçoit, à cet effet du corps-législatif, excepté les dispenses d'âge ou lettres de venia œtatis, qui, par l'article 71, sont attribuées aux administrations départementales. 97. Il peut y avoir révision de ses sentences , sauf ecas-


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où, en matière criminelle, les demandes de l'accusateur public n'ont pas été admises. Les réviseurs adjoints sont tirés des cours de justice départementales. La loi détermine dans quel cas il peut y avoir révision, le nombre des réviseurs adjoints, et l'ordre général à observer dans la procédure. 98. L'accusateur public ou le procureur-genéral près la cour de justice nationale, ainsi que les procureurs-généraux près les cours de justice départementales, sont choisis par la régence d'état sur une liste de trois personnes, formée par la cour de justice nationale et les administrations départementales respectives. 99. Outre l'accusateur public ordinaire, il est placé près de la haute-cour, trois procureurs nationaux ou syndics, qui, pour la première fois, sont nommés de la même manière qu'il est prescrit par l'article 89, relativement au choix des membres de la haute-cour de justice: ils doivent être docteurs en droit, et réunir, en outre, toutes les qualités requises par l'article 29. Ces trois personnes forment le syndicat national. En cas de vacance, la cour de justice nationale présente une liste de trois personnes, parmi lesquelles le corps-législatif choisit le nouveau syndic. Le syndicat national surveille tous les colléges et magistratures, les autorités constituées nationales, départementales, ou autres inférieures, les tribunaux et les fonctionnaires publics quelconques. Il veille a ce qu'il ne se pratique rien de contraire à la constitution ou aux lois établies ; il accueille toutes les plaintes qui lui sont adressées à cet égard, afin d'en informer d'office. S'il trouve qu'il y a matière à accusation, il dresse sa plainte, la fait valoir devant la cour de justice nationale , qui juge sans appel, dans le cas où l'accusé est absous; mais s'il est condamné, l'affaire est revue, s'il le desire, par la cour de justice nationale avec adjonction de quatre membre tirés des cours de justice que le condamné aura dosignie. lui-mêmes. es accusés peuvent faire défendre leurs causes , tant en première instance qu'en révision, par tels avoués qu'ils peuvent choisir, e pouvoir et l'autorité d'un accusé sont suspendus du moment même que la plainte est intentée contre


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lui, excepté si l'accusation est dirigée contre un membre du corps-législatif ou de la régence d'état. 100. Celui qui obéit aux ordres d'un accusé, soit magistrat, collége ou fonctionnaire public, à l'exception des deux seuls corps ci-dessus nommés, se rend coupable de hautetrahison. 101. Le syndicat n'exerce aucun pouvoir; il ne peut faire arrêter personne sans y être autorisé par la cour de justice nationale, excepté seulement dans le cas où quelque autorité, ou fonctionnaire public, ou quelques particuliers sont pris sur le fait, au moment même où ils sont prêts de mettre à exécution quelque trame ourdie par eux contre la sûreté de l'État, ou contre la constitution. Mais, dans ce cas, les motifs de l'arrestation doivent être immédiatement communiqués à la cour de justice nationale, qui en connaît et confirme ensuite l'arrestation , ou met les prévenus hors de cour. Les dispositions du présent article ne sont point applicables au corps-législatif, non plus qu'à la régence d'état, 102. Le syndicat peut accuser ses propres membres. 103. La cour de justice nationale surveille le syndicat et ses membres ; et en cas de malversation, de concussion ou de tout autre délit dans l'exercice de leur charge, comme de produire de fausses pièces, d'acheter des témoins, d'altérer ou de négliger quelque plainte formée ou des moyens de défense, etc., elle forme un tribunal de neuf membres choisis dans les différentes cours de justice départementales, par devant lequel elle fait exposer sa plainte par des procureurs qu'elle nomme à cet effet. 104. La cour de justice nationale réside dans le même lieu que la régence d'état. 105. En cas de doute ou de différend sur le véritable sens de quelque article de l'acte constitutionnel, le collége qui s'y trouve intéressé en donne Connaissance à la cour de justice nationale: si elle juge que la lettre de la constitution n'est point parfaitement claire, elle en écrit au corps-législatif, ainsi qu'à la régence d'état, afin qu'ils nomment l'un et l'autre neuf membres qui, réunis à ceux de la cour de justice elle-même, composent une assemblée de vingt-sept personnes. Cette assemblée prend séance par rang d'âge , présidée par le président de la cour nationale, qui expose


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clairement l'objet de la difficulté , et fait prononcer à la pluralité des suffrages. Si l'assemblée ne croit pas que la difficulté puisse être éclaircie par elle, la proposition est renvoyée par la régence d'état, à la décision des citoyens actifs. 106. Aussitôt que le peuple batave aura accepté la présente constitution, et qu'elle aura été proclamée, le directoire exécutif nommera sept membres de la régence d'état, et les convoquera dans la quinzaine, à un jour nommé, dans le lieu de sa résidence : ceux-ci choisiront sur le champ leurs collègues, et donneront connaissance de leur choix au directoire exécutif, pour qu'il les convoque également dans le plus court délai possible , afin de pouvoir procéder à l'installation de la régence d'état. Le régence étant contituée , elle en donne connaissance au corps représentatif et au directoire exécutif. Ces deux collèges se dissolvent aussitôt après avoir reçu cette notification.

Serment des membres du corps-législatif. Je promets solennellement que comme membre du corpslégislatif, et conformément à l'acte constitutionnel, j'aiderai de tout mon pouvoir à soutenir les intérêts du peuple batave, ainsi qu'à maintenir ses droits, et que je m'acquitterai sincèrement et avec zèle de tous les devoirs qui me sont imposés sous ce rapport, sans m'en départir jamais pour quelque considération que ce puisse être , faveur ou disgrâce , promesses ou présens, ou tout autre chose ; je promets également que je ne concourrai d'aucune manière, ni ne prendrai aucune part à toute résolution ou projet qui tendrait à introduire des dignités héréditaires , ou s'écarterait des principes d'un gouvernement populaire représentatif.

Serment des membres de la règence-d'état. promets solennellement que, comme membre de la regence-d'état, conformément à la constitution et au pouvoir qui m'a été confié, j'aiderai de tout mon pouvoir à soutenir es intérêts du peuple batave, à défendre ses droits, son rang et sa dignité, à consolider, maintenir et assurer l'indépendance de la république et la liberté des citoyens ; que je m acquitterai sincèrement et avec zèle de tous les devoirs qui me sont imposés sous ce rapport, sans m'en départir ja-


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mais, pour quelque considération que ce puisse être, faveur ou disgrâce, promesses ou présens, ou tout autre chose ; et que je n'aiderai jamais, en aucune manière, à former et à arrêter quelque projet qui s'écarterait des principes de la constitution, tendrait à introduire des dignités héréditaires, ou serait contraire à un gouvernement populaire représentatif ; et de plus, que si je viens à avoir connaissance de quelque entreprise de ce genre., je m'y opposerai et tâcherai de l'empêcher par tous les moyens qui me sont confiés.


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LOIS CONSTITUTIONNELLES DU ROYAUME DE HOLLANDE. NOTA. La constitution publiée en 1801, régit la république Batave jusqu'en 1805 ; à cette époque, elle fut, nous ne dirons pas abrogée, mais simplement modifiée par une constitution nouvelle ; en sorte qu'elle dût toujours être considérée comme la base du système constitutif de la république ; nous croyons, donc pouvoir nous contenter d'analiser ici les dispositions du nouvel acte qui modifia celui de 1801 ; et cela avec d'autant plus de raison que la constitution nouvelle n'eut qu'une existence de quelques mois; nous allons donner l'analyse de cette loi, aussi succintement qu'il nous sera possible. La nouvelle constitution était divisée en 87 articles ; les articles de 1 à 9, étaient consacrés à des dispositions générales. Les suivans déterminaient la division de la république en huit départemens comme le par passé; le droit de voter est réglé comme par la constitution précédente; le clergé d'aucune croyance ne peut remplir d'emploi public; les militaires ne peuvent voter que dans le lieu de leur domicile, autre que celui de leur garnison. Les art. de 15 à 17, traitent du corps-législatif; cette assemblée exerce avec le grand pensionnaire, créé par cette constitution, le pouvoir suprême. Le corps-législatif se coinpose de dix-neuf membres élus pour trois ans et nommés par les administrations des départemens, savoir ; sept pour la Hollande, un pour la Zéelande , un pour Utrecht et deux pour chacun des autres départemens. Les députés doivent être citoyens , avoir droit de voter, avoir plus de trente ans, être nés dans l'un des huit départemens, ou dans les colonies de l'État, et avoir résidé pendant six ans dans le département qui les a élus, excepté en cas d'absence pour le service de la république ; il ne doit exister entre eux aucune parenté jusqu'au quatrième degré.

Pour chaque élection, l'administration départementale choisit quatre personnes que le grand pensionnaire réduit à deux, sur lesquels l'administration nomme enfin le député. La session est ouverte par le pensionnaire. Les membre votent sans instructions préalables des dépar-

temens, auxquels ils ne doivent aucun compte de leur conduite. Les membres de l administration départementale, les secre-

taires-d'état, les membres du conseil des villes des finances


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et des cours de justice, ne peuvent siéger tant qu'ils conservent leurs places. L'assemblée ne traite que des sujets proposés par le pensionnaire ; elle peut, approuver ou rejeter les lois proposées, mais elle n'y peut rien changer. L'assemblée délibère spécialement sur les taxes, sur les grâces accordées contre les sentences judiciaires; ce droit appartient aussi au Pensionnaire, en l'absence du corps-législatif ; mais il doit en informer l'assemblée aussitôt après sa réunion , etc., etc. Il y a deux sessions par an ; mais le pensionnaire peut convoquer une session extraordinaire, lorsqu'il le juge à propos. Les membres sont renouvelés par tiers tous les ans ; leur traitement est de 3,000 florins par an. Les membres sortant peuvent être réélus. Les articles 38 à 61, ont rapport au grand Pensionnaire chargé du pouvoir exécutif, et c'est ici surtout que se présente la principale modification apportée à la constitution de 1801. II est choisi à la majorité des voix des dix-neuf membres de l'assemblée pour cinq ans; il peut toujours être réélu ; il peut se démettre de sa place en tout temps ; alors ses fonctions sont remplies par le président de l'assemblée jusqu'à une nouvelle nomination. Le Pensionnaire doit être citoyen batave, avoir le droit de voter, avoir trente-cinq ans accomplis, être né en Batavie où il doit résider depuis six ans , n'être pas pas parent de son prédécesseur immédiat jusqu'au troisième degré ; l'absence pour le service de la république, n'est pas un motif d'exclusion. Le Pensionnaire ne peut, en aucun cas, exercer le pouvoir législatif, ni s'immiscer dans l'administration de la justice, ni faire l'application des voies judiciaires, autrement que d'après les lois. Il nomme le conseil d'Etat, qu'il doit consulter sur les projets de lois proposés au corps-législatif. Il nomme les ministres secrétaires-d'état, et en général tous les fonctionnaires publics, excepté les membres de lu cour nationale de justice. Tous les actes du gouvernement sont faits, au nom de leurs Hautes-Puissances, représentant le peuple Batave, signés parle Pensionnaire et contre-signés par le secrétaire-général-d'Etat. Le Pensionnaire propose chaque année le budjet des dépenses qui doivent être motivées. Les vingt-huit derniers articles, ont rapport à des objets d'administration et prescrivent le serment qui doit être prêté par chaque membre du corps-législatif. Telles sont les bases de cette constitution de 1805, entièrement abolie par le traité de paix, du 24 mai 1806 rapporté ci-après.


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TRAITÉ DU 24 MAI 1806 (1),

Entre la République batave et l'empereur des Français, qui établit la royauté de Hollande. Sa Majesté impériale et royale Napoléon, empereur des Français, roi d'Italie, et l'assemblée des hautes puissances, représentant la république batave, présidée par son excellence le grand pensionnaire, accompagne du conseil d'état et des ministres et secrétaires d état, considérant, 1° Que vu la disposition générale des esprits et l'organisation actuelle de l'Europe, un gouvernement sans consistance et sans durée certaine ne peut remplir le but de son institution ; Que le renouvellement périodique du chef de l'Etat sera toujours, en Hollande, une source de dissentions, et au dehors un sujet constant d agitation et de discorde entre les puissances amies ou ennemies de la Hollande; 3° Qu'un gouvernement héréditaire peut seul garantir la tranquille possession de tout ce qui est cher au peuple hollandais, le libre exercice de sa religion , la conservation de ses lois, son indépendance politique et sa liberté civile; 4° Que le premier de ses intérêts est de s'assurer d'une protection puissante , à l'abri de laquelle il puisse exercer librement son industrie et le maintenir dans la possession de son territoire, de son commerce et de ses colonies; 5° Que la France est essentiellement intéressée au bonheur du peuple hollandais, à la prospérité de l'état et à la stabilité de ses institutions, tant en considération des frontières septentrionales de l'Empire, ouvertes et dégarnies de places fortes, que sous le rapport des principes et des intérêts de la politique générale : Ont nommé pour ministres plénipotentiaires, savoir: Sa Majesté l'empereur des Français et roi d'Italie; M. CharlesMaurice Talleyrand, grand chambellan, ministre des relations exteneures, grand cordon de la Légion d'honneur, (1) Ce traité fait assez connaître les causes de cette nouvelle révolution dans le gouvernement de la Hollande. TOME III.

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chevalier de l'Aigle noir et rouge de Prusse, et de l'ordre de Saint-Hubert, etc., Et son excellence M. le grand chancellier Pensionnaire ; MM. Charles-Henri Verhuell, vice-amiral et ministre de la marine de la république batave, décoré du grand aigle de la Légion d'honneur; Isaac-Jean-Alexandre Gogel, ministre des finances; Jean Van Styrum, membre de l'assemblée de leurs hautes puissances; Guillaume VI, membre du conseil d'état, et Gérard de Brantzen, ministre plénipotentiaire de la république batave auprès de Sa Majesté impériale et royale, décoré du grand aigle de la Légion d'honneur; Lesquels, après avoir fait l'échange de leurs pleins pouvoirs, sont convenus de ce qui suit : Art. 1 . Sa Majesté l'empereur des Français et roi d'Italie, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs à perpétuité, garantit à la Hollande le maintien de ses droits constitutionnels, son indépendance, l'intégrité de ses possessions dans les deux inondes; sa liberté politique, civile et religieuse, telle qu'elle est consacrée parles lois actuellement établies, et l'abolition de tout privilége en matière d'impôt. 2. Sur la demande formelle faite par leurs hautes puissances représentant la république batave, que le prince Louis Napoléon soit nommé et couronné roi héréditaire et constitutionnel de la Hollande, Sa Majesté défère à ce vœu, et autorise le prince Louis Napoléon à accepter la couronne de Hollande, pour être possédée par lui et sa descendance naturelle légitime et masculine, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. En conséquence de cette autorisation, le prince Louis Napoléon possédera cette couronne, sous le titre de roi et avec tout le pouvoir et toute l'autorité qui seront déterminés par les lois constitutionnelles que l'empereur Napoléon a garanties dans l'article précédent. Néanmoins, il est statué que les couronnes de France et de Hollande ne pourront jamais être réunies sur la même tête. 5. Le domaine de la couronne comprend : 1° un palais à La Haye , qui sera destiné au séjour de la maison royale ; le palais du Bois; 3° le domaine de Soestdick ; 4° un revenu en biens fonds de 500,000 florins. La loi de l'état assure de plus au roi une somme annuelle de 5,000,000 florins, argent courant de Hollande, payable chaque mois par douzième. er


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4. En cas de minorité, la régence appartient de droit à la reine, et à son défaut, l'empereur des Français, en sa qualité de chef perpétuel de la famille impériale, nomme le régent du royaume. Il choisit parmi les princes de la famille royale, et à leur défaut, parmi les nationaux. La minorité des rois finit à l'âge de dix-huit ans accomplis. 5. Le douaire de la reine sera déterminé par son contrat de mariage. Pour cette fois, il est convenu que ce douaire est fixé à la somme de 250,000 florins, qui sera prise sur le domaine de la couronne. Cette somme prélevée, la moitié restant des revenus de la couronne servira aux frais de l'entretien de la maison du roi mineur, l'autre moitié sera affectée aux dépenses de la régence. 6. Le roi de Hollande sera à perpétuité grand dignitaire de l'empire, sous le titre de connétable ; les fonctions de cette grande dignité pourront néanmoins être remplies au gré de l'empereur des Français, parmi prince vice-connétable, lorsqu'il jugera à propos de créer cette dignité. 7. Les membres de la maison régnante en Hollande resteront personnellement soumis aux dispositions du statut constitutionnel du 30 mars dernier, formant la loi de la famille impériale de France. 8. Les charges et emplois de l'état, autres que ceux tenant au service personnel de la maison du roi, ne pourront être conférés qu'à des nationaux. g. Les armes du roi seront les armes anciennes de la Hollande, écartelées de l'aigle impériale de France, et surmontées de la couronne royale. 10. Il sera incessamment conclu entre les puissances contractantes, un traité de commerce en vertu duquel les Hollandais seront traités en tous temps dans les ports et sur le territoire de l'empire français, comme la nation la plus spécialement favosisée. Sa Majesté l'empereur et roi s'engage de plus à intervenir auprès des puissances barbaresques, pour que le pavillon hollandais soit respecté par elles, ainsi que celui de Sa Majesté l'empereur des Français. Les ratifications du présent traité saront échangées à Paris dans l'espace de dix jours. Paris, ce 24 mai 1806.

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PROCLAMATION

Faite en Hollande, le 9 juin 1806. Louis Napoléon, par la grâce de Dieu et les lois constitutionnelles de l'Etat, roi de Hollande ; à tous ceux qui ces présentes verront ou entendront lire, salut : Savoir faisons par le présente proclamation, à tous en général et à tous en particulier, que nous avons accepté et acceptons la couronne de Hollande, conformément au vœu du pays, aux lois constitutionnelles, et au traité muni des ratifications réciproques, lequel nous a été présenté aujourd'hui par les députés de la nation hollandaise. A notre avènement au trône, notre soin le plus cher sera de veiller aux intérêts de notre peuple. Nous prendrons toujours à cœur de leur donner des preuves constantes et multipliées de notre amour et de notre sollicitude; nous maintiendrons la liberté de nos sujets et leurs droits, et nous nous occuperons sans cesse de leur bien-être. L'indépendance du royaume est garantie par l'empereur notre frère : les lois constitutionnelles garantissent également à chacun ses créances sur l'Etat, sa liberté personnelle et sa liberté de conscience. C'est après cette déclaration que nous avons décrété et décrétons ce qui suit : 1° Les ministres de la marine et des finances, par décret de ce jour, entreront en fonctions ; les autres ministres continueront les leurs jusqu'à nouvel ordre; 2° Toutes les autorités constituées, quelles qu'elles soient, civiles et militaires, continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné; 3° Les lois constitutionnelles de l'Etat, le traité conclu entre la France et la Hollande, seront immédiatement publiés, ainsi que le présent décret, de la manière la plus authentique. Donné à Paris, ce 5 juin de l'an 1806, et de notre règne le premier. Signé Louis.


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LOIS CONSTITUTIONNELLES.

SECTION PREMIÈRE.

Dispositions générales. 1° LES lois constitutionnelles actuellement en vigueur, en particulier la constitution de 1805, ainsi que les lois civiles» politiques et religieuses présentement en activité dans la république batave, et dont l'exercice est conforme aux dispositions du traité conclu le 24 mai de la présente année, entre Sa Majesté l'empereur des Français, roi d'Italie et la république batave, seront conservées intactes, à l'exception seulement de celles qui seront abolies par les présentes lois constitutionnelles. 2° L'administration des colonies hollandaises est réglée par des lois particulières. Les revenus et les dépenses des colonies seront regardées comme faisant partie des revenus et des dépenses de l'Etat. 3° La dette publique de l'Etat est garantie par les présentes. 4° La langue hollandaise continue à être employée exclusivement pour les lois, les publications, les ordonnances, les jugemens et tous les actes publics sans distinction. 5° Il ne sera fait aucun changement dans le titre ou le poids des espèces monnayées, à moins que ce ne soit en vertu d'une loi particulière. 6° L'ancien pavillon de l'Etat sera conservé. 7° Le conseil d'état sera composé de treize membres. Les ministres auront rang, séance et voix délibérative au conseil d'état.

SECTION II.

De la Religion. 1° Le roi et la loi accordent une égale protection à toutes les religions qui sont profesées dans l'état. Par leur autorité est déterminé tout ce qui est. jugé nécessaire à l'organisation, la protection et l'exercice de tous les cultes. Tout exercice


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de la religion se borne à l'intérieur des temples de toutes les différentes communions. 2° Le roi jouit, dans ses palais ainsi que dans tous les autres lieux où il résidera, de l'exercice libre et public de sa religion. SECTION III.

Du Roi. 1° Le roi a, exclusivement et sans restriction, l'entier exercice du gouvernement et de tout pouvoir nécessaire pour assurer l'exécution des lois et les faire respecter. Il nomme à toutes les charges et à tous les emplois civils et militaires qui, d'après les lois précédentes, étaient à la nomination du grand pensionnaire. Il a l'entière jouissance des prééminences et prérogatives attachées jusqu'ici à cette dignité. Les monnaies de l'état seront frappées à son effigie. La justice est rendue en son nom. Il a le droit d'accorder grâce, abolition ou rémission des peines portées par sentences judiciaires; néanmoins il ne peut exercer ce droit qu'après avoir entendu en conseil privé les membres de la cour nationale. 2° A la mort du roi, la garde du roi mineur sera toujours confiée à la reine-mère, et à son défaut, à telle personne qui sera désignée à cet effet par l'empereur des Français. 3° Le ré eut sera assisté par un conseil de nationaux, dont la composition et les attributions seront déterminées par une ioi particulière: le régent ne sera pas personnellement responsable des actes de son gouvernement. 4° Le gouvernement des colonies, et-tout ce qui est relatif à leur administration intérieure, appartient exclusivement au roi. 5° L'administration générale du royaume est confiée à la direction immédiate de quatre ministres nommés par le roi, savoir : un des relations extérieures, un de la guerre et de la marine, un des finances et un de l'intérieur.

SECTION IV.

De la Loi. 1° La loi est faite en Hollande par le concours du corpslégislatif, formé de l'assemblée de LL. HH. PP. et du roi. Le corps-législatif sera composé de trente-huit, membres nommés pour cinq ans, dans les proportions suivantes, savoir : pour le département de Hollande, 17 membres ; pour la


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Gueldre 4 ; pour le Brabant 4 ; pour la Frise 3 ; pour la Zélande 2 ; pour Groningue 2 ; pour Utrechl 2 ; pour Drenthen 1 ; pour l'Over-Yssel 5. Le nombre des membres de LL. HH. PP. pourra être augmenté par la loi en cas d'augmentation de territoire. 2° Pour cette fois, afin de procéder à la nomination des dix-neuf membres de LL. HH. PP., par lesquels le nombre déterminé par l'article précédent sera porté au complet, l'assemblée de LL. HH. PP. présentera au roi une liste do deux candidats, pour chacune des places à remplir. L'assemblée départementale de chaque département présentera également une liste double de candidats. Le roi fera l'éleetion parmi les candidats proposés. 3° Le grand-pensionnaire actuel prendra le titre de président de LL. HH. PP., et restera en fonctions en cette qualité, sa vie durant. Le choix de ses successeurs aura lieu de la manière déterminée par la constitution de 1805 (1). 4° Le corps-législatif élira, hors de son sein, un greffier, à la pluralité des suffrages. 5° Le corps-législatif se réunira à l'ordinaire deux fois par an, savoir : depuis le 15 avril jusqu'au 1er juin, et depuis le 15 novembre jusqu'au 15 janvier. Il pourra être convoqué extraordinairement par le roi. Le 15 novembre, le plus ancien cinquième des membres, formant le corps-législatif, sortira de ce corps. La première sortie aura lieu le 16 novembre 1807 ; et pour cette fois, le sort décidera des premières sorties : les membres sortans seront toujours rééligibles. SECTION V.

Pouvoirs judiciaires. 1° Les institutions judiciaires seront conservées telles qu'elles ont été établies par la constitution de l'an 1805. 2° Le roi exercera, relativement au pouvoir judiciaire, tousses droits et toute l'autorité qui ont été attribués au grand-pensionnaire, par les articles 49, 51 , 56, 79, 82 et 87 de la constitution de l'an 1805. ce qui a rapport à l'exercice de la justice crimi3° Tout nelle militaire sera réglé séparément par une loi ultérieure.

(1) Art. 39 ainsi concu le conseiller pensionnaire est élu par l'assemblée de LL. HH. PP., à la majorité absolue des voix de dix-neuf membres. Il no -

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mé pour le terme de cinq ans, et toujours rééligible.


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Louis-Napoléon ne tarda pas à s'apercevoir qu'il ne pouvait suivre les intentions de son frère , et faire le bonheur de la Hollande. Il abdiqua volontairement la royauté, le 2 juillet 1810, en faveur de son (ils; mais un sénatusconsuite, en date du 9 juillet suivant, réunit la Hollande à l'empire français. Les événemens qui, en 1813 et 1814, ont détaché de la Frances le états qui y avaient été réunis, sont suffisamment connus. D'abord la Hollande accueillit comme souverain le prince d'Orange, qui publia une loi fondamentale pour ses étais. La réunion dés provinces bclgiques et la création du royaume des Pays-Bas , exigèrent quelques modifications. Elles furent faites par une Commission et la constitution actuelle fut définitivement adoptée, eu 1805.

CONSTITUTION DU ROYAUME DES PAYS-BAS. RAPPORT

Présenté au Roi par la Commission chargée de la révision de la loi fondamentale des Pays-Bas- Unis. SIRE,

LA Commission que vous avez chargée de revoir la loi fondamentale des Provinces-Unies, et de proposer les modifications qu'exigent l'accroissement du territoire, l'érection des Pays-Bas en royaume, et les stipulations des traités de Londres et de Vienne, s'est livrée à ce travail, avec tout le zèle que lui inspiraient l'importance de son objet et le désir de justifier la confiance de Votre Majesté. Vous avez déclaré, Sire , aux notables assemblés , l'année dernière, dans la ville d'Amsterdam, que vous avez accepté la souveraineté, sous la condition expresse, qu'une loi fondamentale garantît suffisamment la liberté des personnes, la sûreté des propriétés, en un mot, tous les droits civils qui caractérisent un peuple réellement libre. C'est dans ces paroles gravées dans tous les cœurs par la reconnaissance, c'est dans les mœurs et les habitudes de la nation, dans son économie publique, dans des institutions éprouvées par plusieurs siècles, qu'ont été puisés, avec une défiance des théories trop bien justifiée par tant de constitutions éphémères, les principes de cette première loi, qui n'est pas une abstraction plus ou moins ingénieuse, mais une


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loi adaptée à l'état de la Hollande, au commencement du dix-neuvième siècle. Elle n'a pas reconstruit ce qui était entièrement usé par le temps, mais elle a relevé tout ce qui pouvait être utilement conservé. C'est dans cet esprit, qu'elle a rétabli les états provinciaux , en modifiant leur organisation. Dans ses rapports avec le gouvernement général, cette organisation n'avait pas toujours été à l'abri de justes censures : ces rapports ont cessé; mais les états provinciaux, considérés comme administrateurs, avaient beaucoup fait pour la prospérité du pays, cette administration leur a été rendue. La loi fondamentale a rendu de même aux villes et aux arrondissemens ruraux, toute l'indépendance compatible avec le bien général. Elle a investi l'autorité souveraine de toutes les prérogatives propres à la faire respecter dans l'intérieur et à l'étranger. Elle a attribué le pouvoir législatif concurremment au prince et aux états-généraux, élus par les états des provinces, qui sont eux-mêmes élus par tous les habitans du royaume qui ont quelque intérêt à sa prospérité. Dans un pareil système de lois et d'institutions bien ordonnées entre elles, les membres de la commission qui appartiennent aux provinces méridionales, ont reconnu les bases de leurs anciennes constitutions, les principes de leur ancienne liberté, les règles de leur ancienne indépendance, et il n'a pas été difficile, Sire, de modifier cette loi de manière à la rendre commune aux deux nations unies par des liens qui n'avaient été rompus que pour leur malheur et celui de l'Europe, et qu'il est dans leur vœu et dans l'intérêt de l'Europe de rendre indissolubles. Bornés à cette tâche, et prenant pour base de notre travail, cette loi conçue dans des vues libérales et conciliatrices, nous avons successivement examiné ses principes généraux et ses dispositions particulières. Nous avons tâché, Sire, de nous pénétrer de votre esprit, et d'imprimer à la constitution qui régira votre beau royaume, ce caractère de justice et de bienveillance générale, que l'on trouve dans toutes vos actions, dans tous vos sentimens. Nous navons pas eu l'orgueil de tout prévoir, la prétention de tout regler. Mous avons fait la part de l'expérience future, et au lieu de dispositions décisives et tranchantes , nous avons souvent posé des pierres d'attente, où votre sagesse, eclairée par le temps et par d autres conseils ; placera


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des institutions qui sont plutôt indiquées que fixées, et qui compléteront, sans lenteur comme sans précipitation, l'édifice dont nous avons tracé les dimensions, et fixé les bases. En divisant le royaume en provinces, nous avons conservé, pour les provinces septentrionales, la division qu'avait adoptée la première loi, en rendant à chacune d'elles ses anciennes limites, légèrement modifiées pour leur intérêt commun. Le même intérêt a fait préférer pour les provinces méridionales, un principe différent ; nous n'avons fait que changer les noms des départemens (art. 2 ). Un laps de plus de vingt années a créé entre les habitans de chacun de ces départemens, des liens et des rapports qu'on ne détruirait pas sans froisser de nombreux intérêts, sans faire naître des embarras multipliés pour le gouvernement, inutiles ou nuisibles aux gouvernés. Nous avons placé les provinces du royaume dans l'ordre quavaient adopté, avant leur séparation, les ordonnances de Charles-Quint. La province de Luxembourg, qui prend le titre de grand duché, et qui remplace dans la maison de Votre Majesté, ses états allemands , devient pour le royaume un accroissement de la plus haute importance. Nous avons été informés, Sire, des droits que des pactes de famille avaient donnés sur les états de Nassau, au puîné de vos fils ; nous n'avons pas méconnu le juste titre qu'a ce prince à une indemnité-; mais nous avons cru que c'est aux états généraux qu'il appartient de proposer, soit pour la cession des domaines, soit de tout autre manière, la mesure qui satisfera le mieux à ce que l'équité commande, à ce que la reconnaissance de la nation lui prescrit. Nous osons, Sire, exprimer respectueusement le vœu qu'il soit fait des dispositions, de concert avec vos alliés, pour que, dans aucun cas, le grand duché de Luxembourg ne puisse cesser de faire partie du. royaume. Ce vœu, qui est. dans l'intérêt de l'état, nous paraît être aussi dans l'intérêt de l'Europe. Toutes les garanties que la première loi fondamentale avait données à la liberté individuelle et à la propriété ont été conservées, nous avons trouvé peu de chose à y ajouterToute arrestation arbitraire est prévenue (art. 168 ). Si dans des circonstances graves le gouvernement fait


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arrêter un individu, il doit être dans les trois jours traduit devant le juge que la loi assigne (art. 169). Nul ne peut être distrait de ce juge, sous aucun prétexte (art. 167). La peine inique de la confiscation est abolie (art. 171). Tout jugementen matière civile doit etre motive (art. 173). En matière criminelle, il doit exprimer les circonstances du délit, et la loi appliquée par le juge (art. 172). Les uns et les autres doivent être prononcés en séance publique (art. 174). Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour l'utilité publique et moyennant une juste indemnité (art. 164.) Le domicile de tout sujet du roi est inviolable (art. 170). Le droit de pétition convenablement réglé est consacré par la loi (art. 161). Elle n admet aucun privilège en matière d'impôt (art. 198). Chacun des sujets du roi est admissible à tous les emplois sans distinction de naissance ou de croyance religieuse (art. 11 et 192.) En réservant les premières fonctions de l'état aux indigènes nés de parens domiciliés dans le royaume (art. 8), la loi admet aux autres, et les naturels du pays, et ceux qui y seront naturalisés. Cette terre hospitalière offrira toujours protection et bienveillance à ceux que des lois libérales et un gouvernement paternel y appelleront; mais le droit de voter sur ses plus grands intérêts, ou de prendre part à leur direction, ne doit appartenir qu'à ceux qui ont sucé , avec le lait, l'amour de la patrie. La liberté de la presse n'aura pas d'autres entraves que la responsabilité de celui qui écrit, imprime ou distribue (art. 227). Nous avons placé, parmi les premiers devoirs du gouvernement, celui de protéger l'instruction publique, qui doit repandre dans toutes les classes les connaissances utiles à amour des sciences et les classes élevées, cet tous, et dans lettres, qui embellissent la vie, font partie de la gloire nationale, et ne sont étrangères ni à la prospérité, ni à la

sûreté de l'état (art. 226).

Peu de pays en Europe ont fait autant que nos provinces pour es c asses indigentes, peu ont autant d'établissemens où a viellesse et l'infirmité trouvent un asile, des secours, et la jeunesse pauvre une instruction gratuite. Le vif intérêt


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qu'inspirent à Votre Majesté ces monumens de la piété, de la charité chrétienne, de la bienfaisance de nos pères, est également indiqué comme un devoir de nos rois (art. 226). Le plus précieux de tous les droits, l'entière liberté de conscience, est garanti aussi formellement qu'il peut l'être (art. 190). Nous osons croire, Sire, que ces diverses dispositions remplissent la condition que vous avez si noblement imposée. Les villes, les communes rurales, et les arrondissemens que forment ces communes, jouiront, pour leur régime intérieur, de toute l'indépendance que n'interdit point le bien général. Les autorités locales administreront leur ressort comme de bons pères de famille; mais ce ressort fait partie de la grande famille, et ils ne doivent pas pouvoir blesser ses intérêts (art. 155). Les états de la province approuvent leur budjet (art. 156). Le gouvernement en prend connaissance, et fait à cet égard les dispositions convenables (art. 159). Il peut suspendre et annuler tous les actes des administrations locales, qui seraient contraires aux lois, ou nuiraient à l'intérêt général (art. 155). Les arrondissemens ruraux auront leurs limites anciennes, des limites récemment adoptées, ou tout à-fait nouvelles ; ils auront leur ancienne dénomination, le nom qu'ils portent à présent, ou un nom nouveau, selon que les circonstances et l'intérêt local le conseilleront. Les limites et le mode d'administration des arrondissemens et des communes, tant urbaines que rurales, seront réglés par des statuts que fera le roi en son conseil, de l'avis des états provinciaux, de la régence municipale, ou d'une commission composée de personnes notables, connaissant bien les intérêts de leur district, et intéressées elles-mêmes à son bien-être ( art. 102 et 154). Nous avons rappelé à Votre Majesté tout le bien qu'a fais à ce pays l'administration des états provinciaux, dégagée désormais de toute participation au gouvernement, elle sera plus utile encore ; regrettée à la fois dans les provinces septentrionales et méridionales, où des institutions nombreuses, des travaux publics d'un grand intérêt, et une prospérité toujours croissante, attestent leur utile influence; préférée à tout autre administration, par des administrateurs trèséclairés, dans un pays dont toutes les provinces n'avaient pas


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un régime semblable; elle sera, pour votre gouvernement, un agent éclairé, d'autant plus propre à faire chérir et respecter les lois, qu'il inspirerera plus d'estime et de confiance. Elles sont loin de votre cœur, Sire, ces maximes fatales, qui séparent les intérêts du prince de l'intérêt de ses sujets, et méconnaissent la force et le bonheur qui résultent de leur union constante et intime. Les états des provinces porteront au pied du trône l'expression de leurs besoins et les vœux de vos sujets (art. 151). Chargé de tout ce qui concerne l'économie intérieure de la province , ils fon t sous l'approbation du roi, les lettres, ordonnances et réglemens, qu'ils jugent nécessaires ( art. 146 ). Ils partagent, d'après des règles fixes, l'administration des eaux , ponts et chaussées , avec une direction spéciale, qui à cause de son importance, a reçu de la premièreloi fondamentale , un caractère constitutionnel que nous lui avons conservé (. art. 215 et 225 ). Aucune des branches de l'administration de la province ne doit être étrangère aux états. Mais comme il importe que leurs membres soient assez nombreux, ils ne peuvent être constamment réunis. Pour exercer cette partie de leur autorité qui impose des devoirs de chaque jour et exige des soins de tous les instans, ils nomment dans leur sein une députation permanente, qui leur rend compte de ses travaux ( art. 153 ). Les états et cette députation sont présidés par un commissaire nommé par le roi, qui veille aux intérêts de la province et à ceux du gouvernement, à l'exécution des lois ( art. 137). Par lui, le chef suprême de l'administration sera régulièrement informé de tout ce qui peut mériter sa sollicitude ; apprendra par lui les motifs des dispositions dont l'intention pourrait être méconnue. Ce commissaire sera entre les ministres du roi et les états provinciaux un intermédiaire tres-utile. La première loi fondamentale n'avait pas fixé la composition des états ; elle l'a été depuis par des réglemens faits province, qui ont reçu la sanction de Votre dans chaque rappellant les anciennes institutions Majesté. Ces réglemens de la Hollande ; ils n'ont rien de contraire à celles de la Belgique. Nous avons cru qu'il convenait d'insérer dans la loi fon-


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damentale du royaume, les élémens de cette composition (art. 129). La noblesse, qui peut être ou n'être pas réunie en corps équestre, les villes et les campagnes y participant dans des proportions qui peuvent varier et varient beaucoup d'une province à l'autre (art. 131) ; le principe seul sera fixe et uniforme. Tout le reste pourra différer selon les localités, et sera modifié par V. M. d'après les leçons de l'expérience. Heuréuse, la nation qui eu se constituant, ne doit rien précipiter, ne doit rien donner au hazard, parce qu'elle peut remettre avec confiance à son roi, le soin d'achever et de perfectionner ses lois constitutives. Mais nous avons pensé qu'après un certain temps , il fallait mettre un terme au désir d'améliorer, et que la fixité de ce qui était reconnu bon , devrait être préféré à la vague espérance de la perfection. Nous proposons de regarder après dix ans, comme définitives, et comme faisant partie de la loi fondamentale, les dispositions de statuts émanés de V. M. ou approuvés par elle, relatives au droit d'élire les membres des divers collèges, et au droit d'y siéger, c'est-à-dire, à l'exercice des droits politiques ( art. 7 ). C'est aux états provinciaux, que le projet que nous soumettons à Y. M. attribue , comme la première loi, l'élection des membres des états généraux. Un Corps électoral, se trouvant tout formé de membres élus, soit directement, soit médiatement par la nation, il devenait superflu d'en organiser un autre; ce mode rentre d'ailleurs dans le système général de la constitution, qui fait émaner tous les pouvoirs les uns des autres , en descendant, sans s'exposer aux inconvéniens des élections populaires, jusqu'aux classes qui ne portent qu'une faible part dans les charges de l'état; mais qui, ayant quelque intérêtà défendre, ont le droit d'être représentées (art. 133 et 134). Le nombre des députés que chaque province envoie aux états-généraux, n'a pu être réglé d'une voix unanime. Plusieurs membres croyaient que la base, à la fois la plus juste, la plus simple et la plus sûre, était la population de chacune d'elles; des raisons plausibles et des exemples nombreux ne manquaient pas à l'appui de cette opinion; l'on a combattu ces raisons ; on a contesté la justesse des applications que l'on faisait de ces exemples à la réunion de ces provinces, et l'on a dit que les colonies qui reconnaissent


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les provinces septentrionales pour leur mère-patrie; l'importance de leur commerce, et plusieurs millions d'habitans soumis aux lois de la métropole, ne permettaient pas d'adopter cette base; que le seul moyen d'établir parfaitement et pour toujours une union intime et sincère entre les deux pays , était de donner à l'un et à l'autre une représentation égale. La majorité s'est rangée à cet avis; il n'a rien été changé au nombre actuel des députés de chacune des provinces septentrionales. Celui des provinces méridionales a été réglé d'une manière équitable, en ayant surtout égard à leur population et au nombre proportionnel de députés, par lequel elles ont déjà été représentées ( art. 79. ) Mais il est une partie des états-généraux, que nous n'avons pas cru pouvoir soumettre à une élection périodique. Le grand accroissement que l'état a reçu, le rang qu'il prend parmi les nations de l'Europe, la diversité des élémens dont il est formé, des intérêts plus compliqués, nous ont imposé le devoir de ne pas dédaigner les leçons de l'expérience. Nous avons pensé que pour empêcher la précipitation des délibérations, pour opposer dans des temps difficiles une digue aux passions, pour entourer le trône d'une barrière contre laquelle se briseraient les factions, pour donner à la nation une parfaite garantie contre toute usurpation des agens de l'autorité ; il fallait, à l'exemple de puissantes monarchies, et de républiques florissantes, diviser en deux chambres les représentans de la nation. Pour opérer cette division, nous n'avons pas adopté des institutions étrangères, qui pourraient ne pas bien s'amalgamer avec nos institutions nationales ; nous avons puisé des principes de la division, dans l'esprit qui l'a fait adopter. Créée surtout pour empêcher ce que l'erreur ou la passion auraient conseillé, cette partie des états-généraux n'a pas le droit de faire des propositions au roi : passive, elle adopte ou rejette les propositions qui lui sont transmises. C'est surtout de la prudence et de la sagesse qu'on désire dans

ses membres : le projet exige et de la lui sont transmise. C'est ans. Ils ne donneraient pas toute la garantie qu'on espère de cette sagesse, s'ils n'avaient pas un grant intérêt au bien être général ; ils ne pourront être choisis que parmi les personne les plus distinguées par leurs services, leur naissance ou leur fortune (art. 80). Il y a peu de choses que les hommes défendent mieux, que leur considération personnelle, le souvenir et la récom- .


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pense de leurs services. Ils doivent être attachés à la patrie: ceux qui tirent le respect qu'on leur accorde d'un nom que leurs ancêtres ont illustré en la servant; des possesseurs d'une grande fortune consolidée en biens-fonds, prêtée à l'état, ou utilement employée à alimenter le commerce de la nation, veilleront avec soin à ce qu'aucune des sources de la richesse publique, ne soit obstruée ou tarie. ils ne seraient pas assez indépendans, s'ils étaient amovibles; nous proposons de les nommer à vie. Cette nomination appartient au Roi, l'esprit de la monarchie le prescrit, l'intérêt de la nation t'exige. Cette prérogative donnera au monarque, sur les premières classes de la société, une influence utile à toutes. Ramener nos institutions à l'essence d'une monarchie tempérée, a été la règle constante de notre conduite ; le guide invariable de notre travail. Le Roi propose à la chambre, élue par les états provinciaux, les projets de loi délibérés en son conseil d'état (article 106). Celle-ci les examine, et après les avoir adoptés, les renvoie à l'autre chambre, à laquelle un semblable examen appartient (art. 109). La chambre, dont les membres sont nommés à vie, reçoit et discute les propositions que l'autre croit devoir faire au Roi, jamais elle n'en fait elle-même (art. 114 et 115). Si elle adopte la proposition , elle la transmet au Roi qui accorde ou refuse sa sanction (art. 116). En ne l'adoptant pas, elle ne fera le plus souvent quepargnerau Roi l'exercice d'un droit nécessaire, indispensable, mais qui, trop souvent répété, pourrait atténuer cette confiance réciproque, si utile aux monarques, si heureuse pour les peuples. Dans tous les cas , la loi est le résultat de l'assentiment du Roi et des deux chambres (art. 119). Dans la plupart de nos provinces et surtout dans les provinces septentrionales, une très-grande partie des habitans prenaient part à la direction des affaires, par l'effet même de l'organisation des pouvoirs, et cette participation y conservait l'esprit public, ce puissant ressert des gouvernemens représentatifs. Le gouvernement se trouve bien pins fort, il est bien mieux obéi, quand il fait connaître à la nation les motifs de ses déterminations, le but des sacrifices qu'il impose, et des efforts qu'il commande.


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Des exemples récens prouvent quelles vastes ressources fait naître l'adhésion raisonnée et sentie de tout un peuple aux grandes mesures que son gouvernement adopte. Nous avons cru que, pour conserver ce précieux avantage, il fallait rendre-publiques les séances de la seconde chambre des états généraux, en restreignant toutefois cette publicité dans des bornes qui en préviennent les abus et en écartent toute espèce de danger (art. 108). Pour développer les motifs des projets de loi, pour faire connaître et apprécier les vues du gouvernement, pour faciliter les modifications utiles, les chefs des départemens d'administration générale entreront dans l'une et l'autre chambre des états généraux ; mais cette faculté qui leur est accordée pour éclairer l'assemblée ne leur donne pas le droit de concourir par leur vote aux résolutions qu'elle doit prendre (art 91). Nous avons inséré, dans la loi fondamentale, pour la manière de délibérer, des dispositions qui peuvent paraître réglementaires; elles tirent l'importance que nous y attachons, de l'avantage qu'elles offrent de multiplier et de faciliter les rapports entre les membres élus par les diverses provinces, de faire connaître à tous les motifs des propositions , et les considérations, mômes les plus délicates, qui peuvent porter à les adopter ou à les écarter (art. 107 et 111 ). C'est encore dans le désir d'entretenir une parfaite harmonie, que nous avons soumis à des formules les rapports des deux chambres entre elles, et leurs communications avec le gouvernement (art. 109, 110, 111, 112, 115, 116, 117 et 118). Nous n'avons pas besoin, Sire, de motiver l'insertion dans le projet de loi fondamentale, de la formule de divers sermens ; Votre Majesté règne sur un peuple qui a pour la foi

du serment un respect religieux, qui n'en fait aucun légèrement, et qui observe bien ce qu'il a juré d'observer. Pour l'organisation du pouvoir judiciaire, la première loi fondamentale a établi seulement quelques base, et ces base, en se rapprochant beaucoup des anciennes lois de la Hollande, ne s'écartent pas essentiellement de l'ancienne législation de la Belgique ; nous les avons conservées. En maitère civile, des juges de première instance rapproches des justiciables (art. 184). TOUT. III.

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Un tribunal d'appel pour une ou plusieurs provinces (art. 182). Une baute cour supérieure à ces tribunaux, régulatrice de leurs actes, et à laquelle la loi qui organisera tout le système de l'ordre judiciaire pourra donner des attributions plus étendues (art. 180). En matière criminelle, la poursuite et la punition des délits confiées, dans un ressort déterminé, aux magistrats déjà investis de la connaissances des causes civiles, et tempérant par cette double attribution, les habitudes de sévérité que peut faire contracter l'exercice chaque jour répété du droit de punir (art. 180). Une baute cour martiale, composée de militantes et de jurisconsultes, chargée de réviser les jugemens des conseils de guerre, auxquels de nombreux motifs portent à déférer la connaissance de tous les délits commis par des militaires (art. 188). Des codes communs à tout le royaume, de lois civiles, pénales , de commerce, d'organisation judiciaire (art. 163). Des juges indépendans, recevant du trésor public un traitement fixé par la loi, nommés par le roi, la plupart à vie, sur la présentation triple des états de la province, ou de la seconde chambre des états généraux (art. 176, 182 et 186) ; telles sont, Sire, les bases d'un système de lois, qui, mûries dans votre conseil, et soumises à la sanction des états généraux, seront pour votre peuple un nouveau bienfait. Nous avons également adopté tous les principes posés par la première loi pour la défense de l'état. Une armée permanente sera comme l'avant-garde de la nation (art. 204). Une milice, sagement organisée, sera toujours prête à voler à la défense de la patrie (art. 206 et 212). La nation, comprise tout entière dans les gardes communales, défendra tout entière, si cela était nécessaire, son indépendance et sa liberté (art. 213). Quelques dispositions des lois, adoptées récemment pour la milice, nous ontparu devoir entrer dans la loi fondamentale, parce qu'elles garantissent à l'état les services qu'il a le droit de réclamer , et aux familles des règles fixes , invariables, soustraites ainsi à toute extention arbitraire ou inconsidérée. , En parlant du devoir sacré de défendre la patrie, nous


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avons rappelé deux époques célèbres de notre histoire, la pacification de Gand, qui a précédé la malheureuse scission des dix-sept provinces, et le traité d'union d'Utrecht, base de l'indépendance nationale, source de tant de gloire et de prospérité (art. 203). Un jour, Sire, nos arrières-neveux rappelleront avec un juste orgueil, ces journées mémorables où les Hollandais et les Beiges, avant d'être constitués en corps de nation ; mais déjà unis par des liens d'estime et de fraternité, ont, sous les étendards de vos valeureux fils, rivalisé avec les plus braves sur les rives de la Sambre et dans les champs de Waterloo; ces journées, où dignes de combattre sous des Nassau, ils ont acquis l'estime de vos alliés, quelque gloire et des lauriers, gage de l'intrépidité avec laquelle ils sauront toujours détendre leur patrie, leur roi, et un pacte social formé sous des auspices si heureux. L'indépendance d'une nation digne d'être libre, gouvernée par une famille où la prudence et la bravoure s'allient de père en fils, sera respectée par ses voisins. Les princes de votre maison exerceront avec sagesse le droit de faire la guerre et la paix (art. 57) inhérent à une monarchie bien constituée. Nous ne l'avons pas limité; mais nous osons dire à Votre Majesté, qu'en nous occupant des prérogatives de la couronne, nous n'avons jamais oublié combien vous avez à cœur la liberté et les droits de la nation. Nous pensons que le projet de loi fondamentale donne à la couronne tout le pouvoir que l'essence du gouvernement monarchique, l'étendue du territoire, et une protection active et sûre de tous les droits , de tous les intérêts, peuvent faire désirer, et qu'il trace convenablement les limites que Votre Majesté voudrait poser elle-même à l'autorité d'un monarque qui, dans la suite des temps, pourrait ne pas lui ressembler (art. 58). Les obligations et les promesses réciproques du roi et de son peuple seront cimentées par des sermens solennels (articles 52, 56). L'inauguration du roi sera accompagnée de tout ce qui peut donner à ce grand acte le caractère qui lui appartient, Faite, conformément à d'antiques usages, dans une place publique, ce sera en présence d'un très-grand nombre de ses sujets, que le roi acceptera le serment de fidélité qui lui sera prêté par la nation ; qu'il jurera lui-même d'observer

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la loi fondamentale, d'avoir à cœur le bonheur de son peuple, d'imiter le fondateur de l'indépendance nationale et le premier roi de la monarchie. La transmission de la couronne dans cette illustre famille, réglée par la première loi fondamentale, a reçu la sanction des grandes puissances dans les conventions qui ont pacifié l'Europe. En les insérant dans le nouveau projet , nous y avons ajouté les développemens qui étaient nécessaires pour prévenir, dans tous les cas, des doutes et des interprétations qui ont quelquefois coûté si cher aux peuples (art. 13, 29). Plusieurs communautés religieuses ont été attirées dans la Hollande par la douceur de ses lois et la protection que leur accordait le gouvernement. Cette protection restera la même (art. 171). La loi eût pu se borner là, et laisser à Votre Majesté le soin de prouver elle-même la-sollicitude que lui inspirent les ministres des cuites; mais il nous a paru que la loi fondamentale pouvait faire un devoir à vos successeurs de prendre vos nobles es sentimens pour la règle de leur conduite (art. 193), et contenir, en outre, l'assurance que jamais aucun culte ne pourra troubler les libertés des autres cuites, toutes également garanties par les lois de l'état (art. 196). Nous pensons, Sire, qu'une loi constitutionnelle qui consacre tous les droits légitimes, dont les principes ont été pris dans les mœurs et dans le caractère de la nation, peut espérer une plus longue durée que celle qui n'aurait que de vaines théories pour bases; mais le temps change et modifie tout : un moyen de révision , non pas prévu d'avance et à terme fixe, mais possible, si le besoin de quelque changement se faisait impérieusement sentir, nous a paru utile pourvu qu'il fût provoqué avec des formes qui préviennent ou arrêtent tout esprit d'innovation (art. 229 et 233). La loi fondamentale des Provinces-Unies avait réservé, à la commission qui l'a rédigée, le droit d'en interpréter les dispositions, pendant les trois premières années. Nous avons pensé qu'une loi, exprimant nécessairement le sentiment unanime du roi et des deux chambres des états généraux , c'est à la loi que doit être laissée cette interprétation qui n'est autre choses que la saine application des articles de l'acte constitutionnel du royaume. Pour opérer avec une sage circonspection, sans secousse et sans froissement, les changemens que la loi fondamentale


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nécessite, elle attribue, par des dispositions organiques, à Votre Majesté, le soin d'introduire successivement les diverses institutions qu'elle a créées ou rétablies, de nommer pour la première fois les membres de la seconde chambre des états généraux et tous les magistrats, quel que soit d'ailleurs le mode de nomination qu'elle ait adopté ( art. add. 1 ). Elle maintient en vigueur toutes les lois qui régissent les diverses parties du royaume, jusqu'au moment où elles auront été remplacées avec la célérité désirable, mais sans précipitation, par d'autres lois bien méditées ; et elle se » donne ainsi le meilleur appui, l'auxiliaire le plus puissant qu'elle puisse avoir, votre sagesse et votre amour pour vos sujets ( art. add. 2 j. Puisse, Sire, cette loi fondamentale, après avoir été corrigée par vos lumières, et améliorée par le temps, contribuer à la prospérité du royaume, ajouter au bien-être de la nation, et nourrir cet attachement mutuel du prince et de ses sujets, si fécond en résultats, prérogative qui n'appartient qu'aux bons Rois, et qui sous votre glorieuse dynastie nous promet les plus belles destinées. A La Haye, le 10 juillet 1815, Gysbert Karel , Van-Hogendorp ; — W. Vantuyll VanSerooskerken ; — Van-Zuylen ; — le baron d'Anéthan, par procuration de M. Raepsaet ; — R. J. Holvoet; — J. K. Mollerus ; — H. W. Van-Aylva ; — Gendebien ; — A. J. le Lampsins ; — Wilh. Queyseri ; — le comte de Tïnennes Lombize ; — le comte de Méan; — O. Leclerq ; — Théod. Dotrenge ; — le comte de Merode Westerloo ; — 13. J. Holvoet ; — J. V. D.Dussen ; — Cornelis Theodorus Elout ; — F. Dubois ; — J. E. N. Van-Lynden ; — C. F. Van-Maanen ; — E. J. Alberda ; — E. Van-Der Duyn Van-Maasdam ; — Deconinek ; — comte d'Arscliot ; — J. D. Meyer, secrétaire.


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LOI FONDAMENTALE

DU ROYAUME DES PAYS-BAS. CHAPITRE PREMIER.

Du Royaume et des Regnicoles Art. 1er. Le royaume des Pays-Bas, dont les limites sont fixées par le traité conclu entre les puissances de lEurope, assemblées au congrès de Vienne , signé le 9 juin 1815, est composé des provinces suivantes : Brabant septentrional, Brabant méridional, Limbourg, Gueldre, Liège, Flandre orientale, Flandre occidentale, Hainault, Hollande, Zélande, Namur, Anvers, Utrecht, Frise, Overyssel, Groningue, Drenthe. Le grand duché de Luxembourg, tel qu'il est limité par le traité de Vienne, étant placé dans la même souveraineté que le royaume des Pays-Bas, sera régi par la même loi fondamentale , sauf ses relations avec la confédération germanique. 2. Les provinces de Gueldre, Hollande, Zélande, Utrecht, Frise, Overyssel, Groningue et Drenthe, conservent leurs limites actuelles. Le Brabant septentrional consiste dans le territoire de la province qui porte aujourd'hui le nom de Brabant, à l'exception de la partie quiaappartenu au département de la MeuseInférieure. Les provinces de Brabant méridional (département de la Dyle) , de Flandre orientale ( département de l'Escaut), de Flandre occidentale (département de la Lys), de Hainault ( département de Jemmapes), et d'Anvers ( département des Deux-Nèthes), conservent les limites actuelles de ces départemens. La province de Limbourg est composée du département de la Meuse-inférieure en entier, et des parties du département de la Roër qui appartiennent au royaume par le traité de Vienne.


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La province de Liège comprend le terroire du département de l'Ourthe, à l'exception de la partie qui en a été séparée par le même traité. La province de Namur contient la partie du département de Sambre et Meuse , qui n'appartient pas au grand duché de Luxembourg. Les limites du grand duché de Luxembourg, sont fixées par le traité de Vienne. 3. Les rectifications des limites entre les provinces, jugées utiles ou nécessaires, seront fixées par une loi qui aura égard tant à l'intérêt des habitans, qu'aux convenances do l'administration générale. 4. Tout individu qui se trouve sur le territoire du royaume, soit régnicole, soit étranger, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens. 5. L'exercice des droits civils est déterminé par la loi. 6. Le droit de voter dans les villes et les campagnes, ainsi que l'admissibilité dans les administrations provinciales ou locales, est réglé par les statuts provinciaux et locaux. 7. Les dispositions de ces statuts, relatives aux droits et à l'admissibilité, mentionnés au précédent article, telles qu'elles seront en vigueur à l'expiration de la dixième année qui suivra la promulgation de la loi fondamentale, seront censées faire partie de cette loi. 8. Nul ne peut être nommé membre des états-généraux, chef ou membre des départemens, d'administration générale, conseiller d'état, commissaire du roi dans les provinces, ou membre de la haute cour, s'il n'est habitant des PaysBas, né, soit dans le royaume, soit dans les colonies, de parens qui y sont domiciliés. S'il est né à l'étranger, pendant une absence de ses parens, momentanée, ou pour le service publie, il jouit des mêmes droits. 9. Les naturels du royaume, ou réputés tels, soit par une fiction de la loi, soit par la naturalisation, sont indistinctement admissibles à toutes les autres fonctions. 10. Pendant une année, après la promulgation de la présente loi fondamendale, le roi pourra accorder à des personnes nées à l'étranger et domiciliées dans le royaume , les droits d'indigénat et l'admissibilité à tous les emplois quelconque 11. Toute personne est également admissible aux em-


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plois, sans distinction de rang et de naissance, sauf ce qui est déterminé par les réglemens des provinces, en conséquence du chapitre 4 de la loi fondamentale, relativement à la formation des états provinciaux.

CHAPITRE II.

Du Roi SECTION PREMIÈRE.

De la succession au trône. Art. 12. La couronne du royaume des Pays-Bas est et demeure déférée à Sa Majesté Guillaume Frédéric, prince d'Orange-Nassau, et héréditairement à ses descendans légitimes, conformément aux dispositions suivantes. 13. Les descendans légitimes du roi régnant sont les enfans nés et à naître de son mariage avec Sa Majesté Frédéricque-Louise Wilhelmine, princesse de Prusse, et en général, les descendans issus d'un mariage contracté ou consenti par le roi, d un commun accord avec les états-généraux. 14. La couronne est héréditaire par droit de primogéniture, de sorte que le fils aîné du Roi, ou son descendant mâle par mâle, succède par représentation. 15. À défaut de descendant mâle par mâle du fils aîné, la couronne passe à ses frères, ou à leurs descendans mâles par mâles, également par droit de primogéniture et de représentation. 16. A défaut total de descendance mâle par mâle de la maison d'Orange-Nassau, les filles du Roi sont appelées par ordre de primogéniture. 17. Si le Roi n'a pas laissé de filles, la princesse aînée de la ligne masculine , descendante aînée du dernier Roi, fait passer la couronrte dans sa maison, et en cas de prédécès, elle est représentée par ses descendans. 18. S'il n'existe pas de ligne masculine descendante du dernier Roi, la ligne féminine aînée descendante de ce Roi succède, en préférant toujours la branche masculine à la


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féminine, et l'aînée à la puînée, et dans chaque branche le mâle à la femme, et l'aîné au puîné. 19. Si le Roi meurt sans laisser de postérité, et s'il n'y a pas de descendance mâle par mâle, de la maison d'Orange Nassau, la plus proche parente du dernier Roi , de la maison royale, et, en cas de prédécès, ses descendans succèdent à la couronne. 20. Lorsqu'une femme a fait passer la couronne dans une autre maison, cette maison est subrogée à tous les droits de la maison actuellement régnante, et les articles précédens lui sont applicables, de sorte que ses descendans mâles par mâles, succèdent à l'exclusion des femmes ou de la descendance féminine, et qu'aucune autre ligne ne peut être appelée au trône, tant que cette descendance n'est pas entièrement éteinte. 21. Une princesse qui se serait mariée sans le consentement des états-généraux, n'a pas de droits au trône. Une reine abdique, en contractant mariage sans le consentement des états-généraux. 22. A défaut de postérité du Roi Guillaume Frédéric d'Orange Nassau actuellement régnant, la couronne est dévolue à sa sœur, la princesse Frédérique-Louise-Wilhelmine-d'Orange, douairière de feu-Charles George-Auguste , prince héréditaire de Brunswick-Lunebourg, ou à ses descendans légitimes , nés d'un mariage contracté conformément aux dispositions de l'art. 13 ci-dessus, 20. A défaut de descendans légitimes de cette princesse, la couronne passe aux descendans mâles légitimes de la princesse Caroline d'Orange, sœur de feu le prince Guillaume , épouse de feu le prince de Nassau-Weilbourg, toujours par droit de primogéniture et de représentation. 24. Si des circonstances particulières rendaient nécessaire quelque changement dans l'ordre de succession à la royauté, le Roi pourra présenter, à ce sujet, un projet de loi aux états-généraux, chambres réunies ; dans ce cas, la seconde chambre sera convoquée en nombre double. Le Roi qui n'a pas de successeur appelé à la couronne par25. la loi fondamentale, en propose un aux états-généraux, assemblés et composés comme à l'article précédent. 26. Si la proposition est agréée par les états-généraux, le Roi fait connaître son successeur à la nation dans les for-


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mes prescrites pour la promulgation des lois , et le fait proclamer solennellement. 27. S'il n'a pas été nommé un successeur au Roi avant sa mort, les états-généraux assemblés et composés comme à l'article 24, le nomment et le proclament solennellement. 28. Dans les cas mentionnés aux articles 22, 20 , 24 et 27, la succession reste réglée comme elle l'est par les articles 13, 14, 15, 16 , 17, 18, 19 et 20. 29. Le Roi des Pays-Bas ne peut porter une autre couronne ; en aucun cas, le siège du gouvernement ne peut être placé hors du royaume.

SECTION II. Des Revenus de la Couronne. 30. Le Roi jouit d'un revenu annuel de 2,400,000 florins, payables par le trésor public. 31. Si le Roi Guillaume-Frécléric-d'Orange-Nassau, actuellement régnant, en fait la proposition , il peut lui être assigné, parune loi, des domaines en toute propriété , jusqu'à concurrence de 5oo,ooo florins de produit, lesquels seront déduits des revenus déterminés à l'article précédent. 32. Des palais d'été et d'hiver convenablement meublés, sont affectés à l'habitation du Roi, avec une somme annuelle qui n'excédera pas 100,000 florins pour l'entretien de ces palais. 33. Le Roi, les princes et princesses de sa maison , sont exempts de toute imposition personnelle et directe, ils ne sont exempts de l'impôt foncier, que pour les habitations qui leur ont été assignées; ils sont soumis à toutes les autres impositions. 34. Le roi règle sa maison comme bon lui semble. 35. Une reine douairière jouit, pendant son veuvage, d'un revenu annuel de 150,000 florins sur le trésor public. 36. Le fils aîné du roi, ou son descendant mâle, héritier présomptif de la couronne, est le premier sujet du roi ; il porte le titre de prince d'Orangé. 37 Ce prince d'Orange, en cette qualité, à l'âge de dixhuit ans accomplis, jouit sur le trésor public d'un revenu annuel de 100,000 florins, qui sera porté à 200,000 florins, lorsqu'il aura contracté un mariage, en se conformant à l'art. 13.


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SECTION III. De la Tutelle du Roi. 58. Le roi est majeur à l'âge de dix-huit ans accomplis. 39. En cas de minorité, le roi est sous la tutelle de quelques membres de la maison royale, et de quelques personnes notables et indigènes. 4o. Cette tutelle est déférée d'avance par le roi régnant, de concert avec les états généraux et les chambres réunies. 41. Si elle n'a pas été déférée par son prédécesseur, il y est pourvu par les états généraux, chambres réunies, qui se concertent, s'il est possible, avec quelques proches parons du roi mineur.

42. Chacun des tuteurs, avant d'entrer en fonctions, prête, dans l'assemblée des états généraux, chambres réunies, et entre les mains du président, le serment qui suit: « Je jure fidélité au roi : je jure de remplir religieusement tous les devoirs que sa tutelle m'impose, et nommément de lui inspirer l'attachement à la loi fondamentale de son royaume et l'amour de son peuple. Ainsi Dieu soit en aide. »

SECTION IV. De la Régence. 43. Pendant la minorité du roi, le pouvoir royal est exercé par un régent; il est nommé d'avance par le roi régnant, de concert avec iesétats généraux, chambres réunies. La succession à la régence, pendant la minorité du roi, peut être réglée de la même manière. 44. Si le régent n'a pas été couronné pendant la vie du roi, il lest par les états généraux assemblés et composés, comme il est dit à l'art. 24.

Si la succession à la régence n'a pas été réglée, elle peut l'être par le répent, de concert avec les états généraux, composes comme dessus. prête, dans une assemblée des états générégent 45. Le raux, chambres réunies , et entre les mains du président, le serment suivant : « Je jure obéissance au roi; je jure que dans l'exercice ou pouvoir royal, pendant la minorité du roi (pendant que le


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roi se trouvera hors d'état de régner ), j'observerai et maintiendrai la loi fondamentale du royaume, et qu en aucune occasion et sous aucun prétexte, quel qu'il puisse être, je ne m'en écarterai, ni ne permettrai qu'on s'en écarte. Te jure de plus, de défendre et de conserver de tout mon pouvoir, l'indépendance du royaume et l'intégrité de son territoire, ainsi que la liberté publique et individuelle ; de maintenir les droits de tous et chacun des sujets du roi, et d'employer à la conservation de la prospérité générale et particulière, ainsi que le doit un bon et fidèle régent, tous les moyens que les lois mettent à ma disposition. Ainsi Dieu me soit en aide. »

46. Le pouvoir royal est également exercé par un régent, lorsque le roi se trouve hors d'état de régner. Le conseil d'état, composé des membres ordinaires, et des chefs des clépartemens ministériels, après avoir constaté par un examen exact que ce cas existe, convoque les états généraux (la seconde chambre en nombre double) afin d'y pourvoir pour la durée de l'empêchement. Les membres des états généraux, qui, le vingt-unième jour après la convocation, se trouvent dans le lieu où siége le gouvernement, ouvrent la session. 47. S'il y a lieu à pourvoir à la garde de la personne du roi qui se trouve dans le cas de l'article précédent, on suit les principes établis aux art. 39 et 41, pour la tutelle d'un roi mineur. 48. Si dans ce cas le prince d'Orange a dix-huit ans accomplis, il est régent de droit. 49. Si le prince d'Orange n'a pas dix-huit ans accomplis, et dans le cas prévu aux art. 27 et 44, conseil d'état, composé comme à l'art. 46, exerce l'autorité royale jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par les états généraux. Les membres de ce conseil prêtent, entre les mains du président, et celui-ci en présence de l'assemblée, le serment suivant : « Je jure, comme membre ( président) du conseil d'état, de concourir au maintien et à l'observation de la loi fondamentale du royaume dans l'exercice du pouvoir royal, jusqu'à ce qu'il soit pourvu par les états généraux. Ainsi Dieu me soit en aide. » 50. L'acte qui établit la régence fixera le prélèvement qui sera fait sur les revenus de la couronne, pour les dé-


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penses de la régence. Ce prélèvement ne sera pas changé pendant toute la durée de la régence. 51. Si le roi n'a pas proposé aux états généraux un successeur à la couronne (art. 25), s'il n'a pas concerté avec eux la tutelle du roi mineur (art. 40) s'il n'a pas désigné avec eux le régent du royaume (art. 43). Les états généraux déclarent solennellement le cas qui existe ( et ils y pourvoient ainsi qu'il est prescrit aux art. 27, 41 et 44.

SECTION V. De l'Inauguration du Roi. 52. Le roi, lorsqu'il prend les rênes du gouvernement, est inauguré solennellement dans une séance publique des états-généraux, chambres réunies ; cette séance est tenue en plein air. En temps de paix, l'inauguration a lieu alternativement à Amsterdam, et dans une ville des provinces méridionales, au choix du roi. 53. Dans cette séance publique, après qu'il a été donné au roi, lecture de la loi fondamentale en entier, il prête le serment suivant : «Je jure au peuple des Pays-Bas, de maintenir et d'observer la loi fondamentale du royaume, et qu'en aucune occasion ou sous aucun pretexte, quel qu'il puisse être, je ne m'en écarterai, ni ne souffrirai qu'on s'en écarte. Je jure de plus , de défendre et de conserver de tout mon pouvoir, l'indépendance du royaume et l'intégrité de son territoire, ainsi que la liberté publique et individuelle; de maintenir les droits de tous, et chacun de mes sujets, et d'employer à la conservation , et à l'accroissement de la prospérité générale et particulière, ainsi que le doit un bon roi, tous les moyens que les lois mettent à ma disposition. Ainsi Dieu me soit en aide. » prestation de ce serment, le roi est inauguré 54. Après le danslemê eséance parles états-généraux, prononce, à cet effet, la déclaration solenLele president qui suit, que lui et tous les membres confirment par un serment individuel. « Nous jurons, au nom du peuple des Pays-Bas, qu'en vertu de la loi fondamentale de cet état, nous vous recevons et inaugurons comme roi ; que nous maintiendrons les droits


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de votre couronne, que nous vous serons obéissans et fidèles, dans la défense de votre personne et de votre dignité royale ; et nous jurons de faire tout ce que de bons et fidèles étatsgénéraux sont tenus de faire Ainsi Dieu nous soit en aide. » 55. Le roi donne connaissance de son inauguration aux états provinciaux, qui lui rendent hommage dans les termes suivans : « Nous jurons que nous vous serons fidèles, comme roi légitime des Pays-Bas; dans la défense de votre personne et dignité royale, et qu'en conformité de la loi fondamentale, nous obéirons aux ordonnances qui nous seront transmises de voire part; que nous donnerons aide et assistance, dans leur exécution à vos serviteurs et conseillers, et qu'en outre nous ferons ce que de fidèles sujets sont tenus de faire. Ainsi Dieu nous soit eu aide. » Une députation solennelle de quelques-uns de leurs membres, porte cette déclaration au roi.

SECTION VI. De la Prérogative royale. 56. Le roi a la direction des affaires étrangères, il nomme et il rappelle les ministres et les consuls. 57. Le roi déclare la guerre et fait la paix; il en donne connaissance aux deux chambres des états-généraux. Il y joint les communications qu'il croit compatibles avec les intérêts et la sûreté de l'état. 58. Au roi appartient le droit de conclure et de ratifier tous autres traités et conventions; il en donne connaissance aux deux chambres des états-généraux, aussitôt qu'il croit que l'intérêt et la sûreté de l'état le permettent. Si des traités conclus en temps de paix , contiennent une cession ou un échange, d'une partie du territoire du royaume ou de ses possessions dans les autres parties du monde , ils ne sont ratifiés par le roi, qu'après qu'ils ont été approuvées par les états-généraux. 59. Le roi dispose des forces de terre et de mer, il en nomme les officiers, et les révoque avec pension, s'il y a lieu. 6o. La direction suprême des colonies et des possessions


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du royaume, dans les autres parties du monde, appartient exclusivement au roi. 61. Le roi a la direction suprême des finances; il règle et fixe les traitemens des collèges, et des fonctionnaires, qui sont acquittés par le trésor public; il les porte sur le budget des dépenses de l'état. Les traitemens des fonctionnaires de l'ordre judiciaire sont fixés par la loi. 62. Le roi a le droit de battre monnaie; il peut la faire frapper à son effigie. Go. Le roi confère la noblesse; ceux qu'il annoblit, présentent leurs diplômes aux états de leurs provinces , ils participent de suite aux prétogatives attachées à la noblesse, et nommément au oroit d'être inscrits dans le corps équestre, s'ils réunissent les conditions requises. 64. tout ordre de chevalerie est établi par une loi sur la proposition du roi. 65. Des ordres étrangers, qui n'imposent aucune obligation , peuvent être acceptés par le roi, et par les princes de sa maison de son consentement. Aucun ordre étranger, quel qu'il soit, ne peut être accepté par un autre sujet du roi sans sa permission expresse.

66. Cette permission est également requise pour l'acceptation de tous titres , dignités ou charges étrangères. A l'avenir, des lettres de noblesses conférées par un prince étranger, ne peuvent être acceptées par aucun sujet du roi. 67. Le roi a le droit de faire grâce, après avoir pris l'avis de la haute cour du royaume. 68. Outre le droit de dispenser dans les cas déterminés par la loi même, le roi, lorsqu'il y a urgence, et que les états-généraux ne sont pas assemblés, accorde des dispenses à des particuliers, dans leur intérêt privé et sur leur demande, après avoir entendu le conseil d'état ; ces dispensés ne sont accordées, en matière de justice, qu'après avoir pris l'avis de la haute cour, et dans les autres matières, celui des

départemens, d'administration qu'elles concernent. Le roi donne connaissance aux états-généraux de toutes les dispenses qu'il

a accordées dans l'intervalle d'une session a l'autre. 69. Le loi décide toutes les contestations qui s'élèvent entre deux ou plusieurs provinces, s'il ne peut les terminer à l'amiable.


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CONSTITUTION

70. Le roi présente aux états-généraux les projets de loi, et leur fait telles autres propositions qu'il juge convenables. Il sanctionne ou il rejette les propositions que lui font les états-généraux.

SECTION VII. Du Conseil-d'Etat et des Dèpartemens ministériels. 71. Il y a un conseil d'état : ce conseil d'état est composé de vingt-quatre membres au plus , choisis, autant que possible , dans toutes les provinces du royaume: le roi les nomme et les révoque à volonté. Le roi préside le conseil d'état; il nomme, s'il le juge convenable, un secrétaire d'état vice-président. 72. Le prince d'Orange est de droit membre du conseil d'état, il y prend séance à dix-huit ans accomplis. Les autres princes de la maison royale peuvent y être appelés par le roi à leur majorité. Ils ne sont pas compris dans le nombre déterminé des membres ordinaires. 70. Le roi soumet à la délibération du conseil d'état les propositions qu'il fait aux états-généraux, et celles qui lui sont faites par eux, ainsi que toutes les mesures générales d'administration intérieure du royaume, et de ses possession dans les autres parties du inonde. En tête des lois et des dispositions royales, il est fait mention que le conseil d'état a été entendu. Le roi prend de plus l'avis du conseil d'état dans toutes les matières d'intérêt général ou particulier qu'il juge à propos de lui soumettre. Le roi décide seul, et il porte chacune de ses décisions à la connaissance du. conseil d'état. 74. Le roi peut nommer des conseillers d'état extraordinaires, sans traitement : il les appelle au conseil quand il le juge convenable. 76. Le roi établit des dèpartemens ministériels ; il en nomme les chefs, et les révoque à volonté : il peut appeler un, ou plusieurs d'entre eux, pour assiser aux délibérations du conseil d'état. 76. Le serment que prêtent les chefs des départemens ministériels et les conseillers d'état, ordinaires et extraordinaires, contient, indépendemment de ce que le roi juge à propos d'y insérer, l'obligation d'être fidèle à la loi fondamentale.


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DES PAYS-BAS.

CHAPITRE

III.

Des Etats-Généraux. SECTION PREMIÈRE. De la composition des Etats-Généraux. Art. 77. Les états-généraux représentent la nation. 78. Les états-généraux sont formés de deux chambres. 79. Une de ces chambres est composée de cent-dix membres, nommés par les états des provinces, ainsi qu'il suit : Rrabant septentrional, sept ; Brabant méridional, huit ; Limbourg, quatre ; Gueldre, six ; Liège, six ; Flandre orientale, dix ; Flandre occidentale, huit; Hainault, huit; Hollande, vingtdeux; Zélande , trois; Namur, deux; Anvers,cinq ; Utrecht, trois ; Frise, cinq ; Gveryssel, quatre; Groningue, quatre; Drenthe, un ; Luxembourg, quatre. 80. L'autre chambre, qui porte le nom de première chambre, est composée de quarante membres au moins, et soixante au plus, âgés de quarante ans accomplis, nommés à vie par le roi, parmi les personnes les plus distinguées par des services rendus à l'état, par leur naissance ou leur fortune.

SECTION II. De la seconde Chambre des Etats-Généraux. 81. Sont éligibles à la seconde chambre des personnes domiciliées dans la province, par laquelle elles sont nom* mées, et âgées de trente ans accomplis. Les membres élus dans la même province ne peuvent être parens ou alliés plus proches qu'au troisième degré. Des officiers de terre ou de mer ne sont éligibles que loisqu'ils ont un rang au-dessus de celui de capitaine. 82. Les membres de pour trois sont

élus cette chambre ans; la chambre est renouvelée annuellement par tiers, conformément au tableau qui sera dressé à cet effet. Les membres sortans sont immédiatement rééligibles.

TOME III.

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CONSTITUTION 85. Les membres de cette chambre votent individuellement, sans mandat et sans en référer à l'assemblée qui les a nommés. 84. A leur entrée en fonctions, ils prêtent, chacun suivant le rit de son cuite, le serment qui suit : «Je jure (promets) d'observer et de maintenir la loi fondamentale du royaume, et qu'en aucune occasion ; et sous aucun prétexte quelconque, je ne m'en écarterai, ni ne consentirai à ce qu'on s'en écarte; que je conserverai et protégerai, de tout mon pouvoir, l'indépendance du royaume et la liberté publique individuelle; que je concourrai, autant qu'il sera en moi, à l'accroissement de la prospérité générale , sans m'en éloigner pour aucun intérêt particulier ou provincial. Ainsi Dieu me soit en aide.» Ils sont admis à ce serment après avoir prêté celui qui suit. «Je jure (déclare) que pour être nommé membre de la seconde chambre des états-généraux, je n'ai donné, ni promis, ni donnerai, ni ne promettrai aucuns dons ni présens, directe rent ou indirectement, ni sous aucun prétexte quelconque, à aucune personne en charge ou hors de fonction. » « Je jure (promets) que jamais je ne recevrai de qui que ce soit, ni sous, aucun prétexte, directement ou indirectement, aucuns dons ou présens, pour faire ou ne pas faire une chose quelconque dans l'exercice de mes fonctions. Ainsi Dieu me soit en aide». Ces sermens sont prêtés entre les mains du roi, ou dans la seconde chambre, entre les mains de son président, autorisé par le roi. 85. Le président de la seconde chambre est nommé par le roi, pour la durée d'une session, sur une liste triple que la chambre présente. 86. Les membres de cette chambre reçoivent une indemnité de déplacement, réglée par la loi, à raison des distances. Ils reçoivent de plus, pour frais de séjour, uns somme de 2,500 florins par an; cette indemnité, qui sera payée mensuellement, ne sera pas touchée dans l'intervalle d'une session à l'autre, par les membres qui n'auront pas été présens à la dernière session, à moins qu'ils ne prouvent en avoir été empêchés par maladie.


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SECTION III. De la première Chambre des Etats-Généraux. 87. Les membres de la première chambre reçoivent pour toute indemnité de déplacement et de séjour une somme de 3,000 florins par an. 88. A leur entrée en fonction, ils prêtent, chacun selon le rit de son culte, entre les mains du roi, les serments prescrits pour les membres de la seconde chambre. 89. Le roi nomme le président de la première chambre, pour la durée d une session.

SECTION IV. Dispositions communes aux deux Chambres. 90. Ou ne peut être en même temps membre des deux chambres. 91. Les chefs des départemens d'administration générale ont séance dans les deux chambres. Leur voix n'est déLibérative que lorsqu'ils sont membres de la chambre dans laquelle ils siègent. 92. Les membres des états-généraux ne peuvent être en même temps membres de la chambre des comptes , ni avoir des places comptables. 93. Un membre des états provinciaux nommé aux états généraux, perd, en prenant séance, sa première qualité. 94. Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres, et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet. 95. Chaque chambre nomme son greffier. 96. Chacune des deux chambres porte le titre de nobles puissans seigneurs. 97. Les états-généraux s'assemblent au moins une fois par an ; la session ordinaire commence le troisième lundi du mois d'octobre. extraordinairement quand il le juge à Le roi les concoque

98. En temps de paix, les sessions sont tenues alternativement, année en année, dans une ville des provinces septentrionales, et dans une ville des provinces méridionales. 99. Au décès du roi, les états-généraux s'assemblent 12.


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sans convocation préalable. Les membres qui , au quinzième jour après ce décès, se trouvent dans le lieu où est fixé le siège du gouvernement, ouvrent la séance extraordinaire. 100. La session des états-généraux est ouverte dans une séance des deux chambres réunies, par le roi ou ses commissaires; elle est close de la même manière, quand le roi juge que l intérêtdu royaume n'en exige pas la continuation. La session ordinaire sera de vingt jours au moins. 101. Aucune des deux chambres ne peut prendre une résolution, si plus de la moitié de ses membres ne se trouvent réunis. 102. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages. 103. Les membres des états-généraux votent par appel nominal à haute voix. Les élections et les propositions de candidats se font seules au scrutin secret. 104. Dans les différons cas, où, en vertu de la loi fondamentale, les deux chambres (la seconde doublée ou en nombre ordinaire), sont réunies, les membres siègent sans distinction de chambres. Le président de la première chambre dirige les délibérations.

SECTION V. Du Pouvoir législatif' 100. Le pouvoir législatif est exercé concurremment par le roi et les états-généraux. 106. Le roi adresse à la seconde chambre les propositions qu'il veut faire aux états-généraux, soit par un message qui en contient les motifs , soit par des commissaires. 107. La chambre ne délibère en assemblée générale sur aucune proposition du roi, qu'après l'avoir examinée dans les différentes sections, dans lesquelles tous les membres de la chambre se partagent, et qui sont renouvelées périodiquement par la voie du sort. 108. Les séances de la seconde chambre des états-généraux sont publiques. La chambre se forme néanmoins en comité, lorsque le dixième des membres présens le demande ou qu'on le juge convenable.


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Il peut être pris dans le comité des résolutions sur les objets qui y ont été traités. 109. Si la seconde chambre, après avoir délibéré sur le rapport général qui lui est fait de l'opinion de ses sections, adopte le projet, elle l'envoie à la première chambre avec la formule suivante : La seconde chambre des états-généraux envoie à la première la proposition du roi ci-jointe; elle pense qu'il y a lieu d'y adhérer. 110. Si la seconde chambre croit ne pouvoir pas adopter la proposition, elle en donne connaissance dans les termes suivans : La seconde chambre des états-généraux témoigne au roi sa reconnaissance du zèle qu'il met à veiller aux intérêts du royaume, et le supplie respectueusement de prendre sa proposition en considération ultérieure. 111. La première chambre, lorsqu'elle reçoit une proposition du roi, adoptée par la seconde chambre, la renvoie aux sections, et après en avoir délibéré en séance générale, si elle adopte la proposition, elle en donne connaissance au roi dans les termes suivans : Les états-généraux témoignent au roi leur reconnaissance du zèle qu'il met à veiller aux intérêts du royaume, et adhèrent à sa proposition. Et à la seconde chambre, en ces termes : La première chambre des états-généraux porte à la connaissance de la seconde chambre, qu'elle a adhéré à la pro, relative à position du roi, qui lui a été transmise 112. Si la première chambre croit ne pouvoir pas adopter la proposition, elle l'exprime comme à l'article 110. Elle en dorme connaissance à la seconde chambre dans les termes suivans : La première chambre des états-généraux porte à la connaissance de la seconde chambre, qu'elle a supplié respectueusement le roi de prendre sa proposition du..…, relative à …, en considération ultérieure. 113. Les états-généraux ont le droit de faire des propositions au roi, de la manière qui suit: 114. Le droit de provoquer une délibération des étatsgénéraux sur une proposition à faire au roi, appartient exclusivement aux membres de la seconde chambre; elle l'examine dans la forme prescrite pour les projets de lois.


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115. Si elle approuve la proposition, elle la transmet à la première chambre, avec la formule suivante : La seconde chambre des états-généraux envoie à la première chambre la proposition ci-jointe, et pense qu'il y a lieu à demander la sanction du roi. 116. La première chambre , après en avoir délibéré de la manière ordinaire, l'adresse, en cas d'approbation au.roi, sous la formule qui suit : Lés états-généraux adressent au roi la proposition ci-jointe, qu'ils croyent avantageuse et utile à l' état. Ils supplient Sa Majesté de vouloir y donner la sanction royale. Elle en informe la seconde chambre en ces termes : La première chambre des états-généraux donne connaissance à la seconde chambre, qu'elle a adopté sa proposition , et qu'elle la adressée à Sa Majesté du , relative à pour demander sa sanction royale. 117. Si la première chambre n'approuve pas la proposition, elle en informe la seconde chambre dans les termes suivans : La première chambre des états-généraux renvoie à la seconde chambre la proposition ci-jointe, à laquelle elle a cru ne pouvoir pas donner son assentiment. 118. Lorsque le roi adopte une proposition des états-généraux, il s'exprime en ces termes :

Le roi consent. S'il la rej ette en ceux-ci : Le roi délibérera. 119. Les projets de lois, adoptés par le roi et les deux chambres des états-généraux, deviennent lois du royaume, et sont promulguées par le roi. 120. La loi règle le mode de promulgation et le terme après lequel les lois deviennent obligatoires. La formule de promulgation est conçue en ces termes: Nous...., roi des Pays-Bas, etc., etc; à tous ceux qui ces présentes verront, salut ! savoir, faisons. Ayant pris en considération, etc (insérer les motifs). A ces causes, notre conseil-d'état entendu, et de commun accord avec les états-généraux, avons statué comme nous statuons par les présentes. (Le texte de la loi, ) Donné, etc.


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SECTION VI. Du Budget de l'Etat. 121. Le budget des dépenses du royaume doit avoir l'assentiment des états-généraux; il est présenté par le roi à la seconde chambre dans la session ordinaire. 122. Le budget est divisé en deux parties ; cette division devra être faite pour l' an 1820, et plus tôt si les circonstances le permettent. 123. La première partie contient toutes les dépenses ordinaires, fixes et constantes, qui résultent du cours habituel des choses, et se rapportent plus particulièrement à l'état de paix. Ces dépenses étant approuvées par les états-généraux, ne sont pas soumises, pendant les dix premières années, à un consentement ultérieur et annuel. Elles ne deviennent, pendant ce période, le sujet d'une nouvelle délibération, que lorsque le roi fait connaître qu'un objet de dépense a cessé ou varié. 124. En arrêtant cette partie du budget, on détermine en même temps les moyens d'y faire face. Ils sont également arrêtés pour dix ans, et demeurent invariables , à moins que le roi ne fasse connaître qu'il est nécessaire de remplacer ou de modifier un de ces moyens. 125. Un an avant l'expiration du terme pour lequel ces dépenses fixes sont arrêtées, le roi propose un nouveau budget pour les dix années qui suivent ce terme. 126. La seconde partie du budget contient les dépenses extraordinaires, imprévues et incertaines, qui, surtout en temps de guerre, doivent être réglées d'après les circonstances. Ces dépenses, ainsi que les moyens de les couvrir, ne sont arrêtées que pour un an. 127. Les dépenses de chaque département d'administration générale, sont L'objet d'un chapitre séparé du budget. Les fonds alloués pour un département, doivent être exclusivement employés pour des dépenses qui lui appartiennent, de sorte qu'aucune somme ne peut être transférée d'un chapitre d'administration générale à un antre , sans le concours des etats-généraux 128. Le roi fait mettre annuellement sous les yeux des


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états-généraux, un compte détaillé de l'emploi des deniers publics.

CHAPITRE IV.

Des États-Provinciaux. SECTION PREMIÈRE.

De la composition des états-provinciaux. Art. 129. Les états des provinces sost composés de membres élus par les trois ordres suivons: Les nobles ou corps équestres; Les villes; Les campagnes. 130. Le nombre total des membres dont les états-provinciaux sont composés, et le nombre à élire par chaque ordre, sont fixés par le roi, d'après l'avis d'une commission qu'il nomme dans chaque, province. 131. Dans chaque province, les nobles sont réunis en corps équestres, ou ne le sont pas, selon qu'il sera jugé convenable. La première convocation des nobles, ou corps équestres, et la première admission dans ce corps appartiennent au roi; il soumettent leurs réglemens à l'approbation du roi , et ne s'écartent pas , dans leur rédaction , des principes de la loi fondamentale. 132. Les régences des villes sont organisées de la manière qui sera adoptée par les réglemens, que proposent les régences existantes et des commissions spéciales nommées par le roi. Ces réglemens sont adressés aux états-provinciaux qui les soumettent, avec leurs observations , à l' approbation du roi. Ils déterminent le mode d'élection des membres des étatsprovinciaux attribués à chaque ville. 133. Chaque ville a un collége électoral ; il est convoqué chaque année, uniquement pour nommer aux places vacanter dans le conseil de la ville. 134- Les liabitans de chaque ville, habiles à voter, nomment aux places vacantes dans les colléges électoraux : les


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nominations se font chaque année à la majorité des voix , par billets cachetés et signés, qui sont recueillis à domicile par les soins de l'administration municipale. Les réglemens de chaque ville déterminent la quotité de l'impôt direct, qu'il faut payer, et les autres qualités qu'il faut réunir, pour être habile à voter. 135. Pour l'exercice de leurs droits d'élection, les campagnes sont divisées en districts. 136. On ne peut être, en même temps, membre des états de plus d'une province. 137. Le roi nomme , dans toutes les provinces, des commissaires, sous telle dénomination qu'il juge convenable, et leur donne les instructions nécessaires pour assurer l'exécution des lois, et veiller aux intérêts du royaume et de la province. Ils président l'assemblée des états et celles des députations à nommer d'après les dispositions de l'art. 153. A leur nomination, ils prêtent le serment d'être fidèles à la loi fondamentale.

138. Les membres des états-provinciaux prêtent, avant d'entrer en fonctions, chacun , d'après le rit de son culte, le serment suivant : «Je jure (promets) d'observer la loi fondamentale du royaume, sans m'en écarter en aucune manière, ni sous quelque prétexte que ce soit ; de me conformer au réglement de la province , et de faire tout ce qui sera en moi pour accroître sa prospérité. Ainsi Dieu me soit en garde ». Ils seront admis à ce serment après avoir prêté celui de n'avoir rien donné ni promis, et de ne recevoir aucuns dons ni présens prohibés, conformément à ce qui a été prescrit pour les membres des états-généraux à l'art. 84. 139. Les états des provinces s'assemblent au moins une fois par an, et chaque fois qu'ils sont convoqués par le roi. 140. Les membres des états provinciaux votent individuellement , sans mandat et sans en référer à l'assemblée qui les a nommés. 141. Les états - provinciaux ne peuvent prendre aucune résolution ; si plus de la moitié des membres ne se trouvent réunis. Toute résolution est prise à la majorité absolue des voix. 142. Les membres des états-provinciaux votent à haute


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voix, et par appel nominal; les élections et la présentation des candidats se font seules au scrutin secret. SECTION II.

Des Attributions des états. 143. Les états soumettent les frais de leur administration au roi, qui, en cas d'approbation, les comprend dans le bubjet général des dépenses de l'état. 144- Les états des provinces nomment dans , ou hors leur sein, les membres de la seconde chambre des états-généraux; ils les choisissent, autant que possible, dans les diverses parties de la province. 145. Les états sont chargés de l'exécution des lois relatives à la protection des différens cultes et à leur exercice extérieur, à l'instruction publique, aux administrations de bienfaisance, à l'encouragement de l'agriculture, du commerce et des manufactures, ainsi que de toutes autres lois que le roi leur adresse à cet effet. 146. Les états sont chargés de tout ce qui tient à l'administration et à l'économie intérieure de leur province, les ordonnances et réglemens que, dans l'intérêt général de la province, ils jugent nécessaires ou utiles, doivent, avant d'être mis en exécution , avoir reçu l'approbation du roi. 147. Ils veillent à ce qu'il ne soit mis à la libre importation, exportation et transit des denrées et marchandises d'autres restrictions qne celles qui pourraient être établies par les lois. 148. Ils concilient les différens des autorités locales ; s ils ne peuvent y parvenir, ils les soumettent à la décision du roi. 149. Le roi peut suspendre ou annuler les actes des états-provinciaux, qui seraient contraires aux lois ou à l'intérêt général. 150. Les états-provinciaux proposent au roi l'entretien ou la confection des travaux ou établissemens qu'ils croient utiles à leur province; ils peuvent proposer en même temps les moyens de pourvoir à la dépense, en tout ou en partie , aux frais de la province. En cas d'approbation, ils ont la direction des travaux et 1 économie des moyens, à charge d'en rendre compte.


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151. Ils peuvent appuyer les intérêts de leur province et de leurs administrés près du roi et des états-généraux. 152. Des réglemens faits par les états-provinciaux, sanctionnés par le roi, déterminent le mode d'exercer le pouvoir qui leur est attribué par la loi fondamentale, et en conséquence d'icelle. 153. Les états nomment dans leur sein une députation, chargée généralement, tant pendant la durée de leurs sessions , que lorsqu'ils ne sont pas réunis, de tout ce qui appartient à l'administration journalière et à l'exécution des lois. La province de Hollande, en raison de son étendue et de sa population, peut avoir deux députations. SECTION III.

Des Administrations locales. 154. Les administrations rurales des seigneureries, districts ou villages, sont organisées de la manière qui sera trouvée la plus convenable aux circonstances et aux intérêts locaux, et jugée compatible avec les droits légalement acquis. Les états-provinciaux font faire à cet égard,et en se conformant à la loi fondamentale, les réglemens qu'ils soumettent, avec leurs observations, à l'approbation du roi. 155. Les administrations locales ont la direction pleine et entière, telle qu'elle est déterminée par les réglemens, de leurs intérêts particuliers et domestiques : les ordonnances qu'elles font à ce sujet sont adressées par copie aux états de la province, et ne peuvent être contraires aux lois ou à l'intérêt général. Le roi a en tout temps le droit de requérir sur l'administration des autorités locales, telles informations, et de faire à cet égard telles dispositions qu'il trouvera nécessaires. 156. Les administrations locales sont tenues de soumettre aux états provinciaux leur budjet de recette et de dépense,' et de se conformer à ce que les états prescrivent à cet égard. 157. Lorsque les charges communales exigent quelque imposition, les administrations locales observent scrupuleusement les dispositions des lois, ordonnances et réglemens généraux en matière de finances. Avant que ces impositions soient perçues, elles doivent


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avoir l'agrément des états-provinciaux, auxquels les projets sont adressés, avec un état exact des besoins de la commune. En examinant ces projets , les états veillent à ce que l'impôt proposé ne gêne point le transit, et n'établisse pas sur l'importation des produits du sol, ou de l'industrie d'autres provinces, villes ou communes rurales, des droits plus élevés que ceux perçus sur les produits du lieu même où l'impôt est établi. 158. Aucune nouvelle imposition communale ne peut être établie sans le consentement du roi. 159. Les états adressent au roi tous les budjets des communes dont il requiert l'envoi. Le roi donne les instructions nécessaires pour l'apurement des comptes à rendre par les administrations locales. 160. Les administrations locales peuvent appuyer les intérêts de leurs administrés près du roi et des états de leur province. SECTION IV.

Dispositions générales. Tout habitant du royaume a le droit d'adresser des pétitions écrites aux autorités compétentes, pourvu qu'il le fasse individuellement et pas en nom collectif; ce qui n'est permis qu'aux corps légalement constitués, et reconnus comme tels, seulement pour des objets qui entrent dans leurs attributions. 161.

CHAPITRE V.

De la Justice. .

SECTION PREMIERE.

Dispositions générales.

ART. 162. La justice est rendue dans toute l'étendue du royaume, au nom du roi. 163. Il y a aura pour tout le royaume un même Code civil, pénal, de commerce, d'organisation du pouvoir judiciaire , et de procédure civile et criminelle. paisible possession et jouissance de ses propriétés, 164. sont garanties à chaque habitant,


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Personne ne peut en être privé, que pour cause d'utilité publique, dans les cas, et de la manière à établir par la loi, et moyennant une juste indemnité. 165. Les contestations qui ont pour objet la propriété , ou les droits qui en dérivent, des créances ou des droits civils, sont, exclusivement du ressort des tribunaux. 166. Le pouvoir judiciaire ne peut être exercé que par les tribunaux établis par la loi fondamentale, ou en conséquence d'icelle. 167. Personne ne peut être distrait contre son gré, du juge que la loi lui assigne. 168. Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance du juge, qui doit être motivée et signifiée à la personne arrêtée, au moment de l'arrestation , ou immédiatement après. La loi détermine la forme de cette ordonnance, ainsi que le délai dans lequel tout prévenu doit être interrogé. 169. Si dans des circonstances extraordinaires, l'autorité publique fait arrêter un habitant du royaume, celui par ordre de qui l'arrestation aura été faite, sera tenu d'en donner connaissance dans les vingt-quatre heures au juge du lieu , et de lui livrer au plus tard dans les trois jours la personne arrêtée. Les tribunaux criminels sont tenus de veiller, chacun dans leur ressort, à l'exécution de cette disposition. 170. Il n'est permis à personne d'entrer dans le domicile d'un habitant contre son gré, si ce n'est en vertu de l'ordre d'un fonctionnaire déclaré compétent à cet effet par la loi, et en observant les formes établies par elle. 171. La confiscation des biens, ne peut avoir lieu pour quelque crime que ce soit. 172. Tout jugement criminel portant condamnation , doit énoncer le crime avec toutes les circonstances qui l'établissent, et contenir les articles de la loi qui prononcent la peine. 170. Les jugemens civils sont motivés. 174. Tout jugement est prononcé en audience publique.


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CONSTITUTION SECTION II.

De la haute cour et des tribunaux. 175. Il y a pour tout; le royaume un tribunal suprême, qui porte le nom de haute cour et dont les membres sont choisis , autant que possible, dans toutes les provinces. 170. La haute cour informe la seconde chambre des étatsgénéraux, des places qui viennent à vaquer dans son sein: le roi nomme à ces places sur une liste triple que cette chambre lui présente. Il nomme le président de la haute cour parmi les membres. Il nomme le procureur général. 177. Les membres des états-généraux, les chefs des départemens d'administration générale, les conseillers d'état et les commissaires du roi dans les provinces, sont justiciables de la haute cour, pour tous délits commis pendant la durée de leurs fonctions. Pour délits commis dans l'exercice de leurs fonctions , ils ne peuvent être poursuivis qu'après que les états-généraux ont autorisé la poursuite. 178. La loi désigne les autres fonctionnaires, qui sont justiciables de la haute cour, pour tous délits commis pendant la durée de leurs fonctions. 179. Les actions dirigées contre le roi, les membres de sa maison et l'état, ne peuvent être intentées que devant la haute cour; sont exceptées les actions réelles, qui sont portées devant les juges ordinaires. 180. La haute cour surveille l'administration de la justice, dans toute l'étendue du royaume; elle veille à ce que les cours et tribunaux, fassent une juste application des lois; elie annule leurs actes et jugemens qui y sont contraires: le tout en conformité des attributions qui lui sont données par le Code de procédure. 181. L'appel des causes, qui d'après les lois, sont jugées en premier ressort par les cours provinciales, est porté devant la haute cour. 182.Il y a une cour de justice, pour une ou plusieurs provinces. Le roi nomme aux places vacantes dans les cours, sur une liste triple qui lui sera présentée par les états-provinciaux.


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Il nomme les présidens de ces cours , parmi leurs membres. Il nomme les procureurs généraux. 183. La justice criminelle est exclusivement administrée, par les cours provinciales et les autres tribunaux criminels, dont l'établissement sera trouvé nécessaire. 184. L'administration de la justice civile, est confiée aux cours provinciales, et aux tribunaux civils. 185. L'organisation des cours provinciales, des tribunaux civils et criminels, leur dénomination, leur ressort, leurs attributions, celles des procureurs généraux, et autres officiers ministériels, sont déterminés par la loi. 186. Les membres de la haute cour, des cours provinciales et des tribunaux criminels, ainsi que les procureurs généraux et autres oficiers ministériels près ces cours et tribunaux sont nommés à vie. La durée des fonctions des autres juges et officiers ministériels, est fixée par la loi. Aucun juge ne peut être privé de sa place pendant la durée légale de ses fonctions, que sur sa demande ou par un jugement. 187. La loi règle la manière de juger les contestations et les conventions en matière d'impositions. 188. Des conseils de guerre et une haute cour militaire connaissent de tous les délits commis par des militaires de terre ou de mer. Cette cour sera composée d'un nombre égal de jurisconsultes , d'officiers de terre et d'officiers de marine, nommés à vie par le roi; elle sera toujours présidée par un jurisconsulte. 189. Les tribunaux ordinaires connaissent des actions civiles intentées contre un militaire. CHAPITRE VI.

Du Culte. Art. 190. La liberté des opinions religieuses est garantie à tous. 191. Protection égale est accordée à toutes les communions religieuses qui existent dans le royaume. 192. Tous les sujets du roi, sans distinction de croyance


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religieuse, jouissent des mêmes droits civils et politiques, et sont habiles à toutes dignités et emplois quelconques. 193. L'exercice public d'aucun culte ne peut être empêché, si ce n'est dans le cas où il pourrait troubler l'ordre et la tranquillité publique. 194. Les traitemens, pensions et autres avantages, de quelque nature que ce soit, dont jouissent actuellement les différens cultes et leurs ministres, leur sont garantis. Il pourra être alloué un traitement aux ministres qui n'en ont point, ou un supplément à ceux dont le traitement est insuffisant. 195. Le roi veille à ce que les sommes allouées pour les cultes, qui sont acquittées par le trésor public, ne soient pas détournées de l'emploi auquel elles sont spécialement affectées. 196. Le roi veille à ce qu'aucun culte ne soit troublé dans la liberté d'exercice que la loi fondamentale lui assure. Il veille de même à ce que tous les cultes se contiennent dans l'obéissance qu'ils doivent aux lois de l'état.

CHAPITRE VII.

Des Finances. Art. 197. Aucune imposition ne peut être établie au profit du trésor public, qu'en vertu dune loi. 198. Il ne peut être accordé aucuns priviléges en matière de contributions. 199. Tous les ans , la dette publique est prise en considération , dans l'intérêt des créanciers de l'état. 200. La loi règle le poids et titre des monnaies. Elle en détermine la valeur. 201. Un collége sous le nom de conseillers et maîtres généraux des monnaies, dirige et surveille tout ce qui concerne la monnaie, en se conformant aux instructions qui leur sont données par la loi. Le roi nomme aux places vacantes dans ce collége, sur une liste triple qui lui est présentée par la seconde chambre des états-généraux. 202. Il y a pour tout le royaume une chambre des comptes, chargée de l'examen et de la liquidation des comptes annuels


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des départemens, d'administration générale, de ceux de tous comptables et autres, conformément aux instructions données par la loi. Les membres de la chambre des comptes sont choisis, autant que possible, dans toutes les provinces. Le roi nomme aux places vacantes sur une liste triple, que la seconde chambre des états-généraux lui présente.

CHAPITRE VIII.

De la Défense de l'Etat. Art. 203. Conformément aux anciennes coutumes, à l'esprit de la pacification de Gand, et aux principes de l'union d'Utrecht, l'un des premiers devoirs des habitans du royaume est de porter les armes pour le maintien de l'indépendance et la défense du territoire de l'état. 204. Le roi veille à ce que des forces suffisantes de terre et de mer, formées par enrôlement volontaire de nationaux ou d'étrangers, soient constamment entretenues pour servir, soit en Europe, soit hors de l'Europe, selon que les circonstances l'exigent. 205. Des troupes étrangères ne peuvent être prises au service du royaume que du commun accord du roi et des états-généraux. Le roi communique les capitulations qu'il fait à ce sujet aux états-généraux, aussitôt qu'il le peut convenablement. 206. Indépendamment de l'armée permanente de terre et de mer, il y a une milice nationale, dont, en temps de paix, Un cinquième est licencié tous les ans. 207. Cette milice est formée, autant que possible, par enrôlement volontaire, de la manière déterminée par la loi. A défaut d'un nombre suffisant d'enrôlés volontaires, elle est completée par la voie du sort. Tous les habitans non maries au premier janvier de chaque année, qui à cette époque, auront atteint leur dix-neuvième année, sans avoir terminé leur vingt-troisième, concourent au tirage. Ceux qui ont reçu leur congé, ne peuvent, sous aucun prétexte, être rappelés à un autre service qu'à celui de la garde communale, dont il sera parle ci-après. TOME III.

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CONSTITUTION

Dans les temps ordinaires, la milice est exercée tous les ans, pendant un mois ou environ ; le roi peut néanmoins, si l'intérêt de l'état l'exige, tenir réunis un quart des miliciens. 209. En cas de guerre , ou dans d'autres circonstances extraordinaires, le Roi peut appeler et tenir réunie la milice entière. Si les états-généraux ne sont pas assemblés, il les convoque, en même temps, il leur fait connaître l' état des choses, et concerte avec eux les mesures ultérieures. 210. Dans aucun cas, la milice ne peut être employée dans les colonies. 211. La milice ne peut dépasser les frontières du royaume sans le consentement des états-généraux, à moins d'un péril imminent, ou , qu'en changeant de garnison, la. route la plus courte ne passe sur le territoire étranger. Dans ces deux cas, le roi informe, le plutôt possible, les états-généraux des ordres qu'il a donnés. 212. Toutes les dépenses relatives aux armées de l'état, sont supportées par le trésor public. Le logement et la nourriture des gens de guerre, les prestations, de quelque nature qu'elles soient, à faire aux troupes du roi ou aux forteresses, ne peuvent être à la charge d'un ou de plusieurs habitans, d'une ou de plusieurs communes : si par des circonstances imprévues, de semblables prestations sont faites par des individus ou des communes , l'état en tient compte, et il est payé une indemnité d'après le tarif fixé par les réglemens. 213. Dans les communes qui ont une population agglomérée de 2,500 habitans, et au-delà, il y a, comme par le passé, des gardes communales qui sont employées au maintien de la tranquillité publique. Elles peuvent être employées en cas de guerre, à repousser les attaques de l'ennemi. Dans les autres communes, il y a des gardes communales qui, non actives en temps de paix, forment, en temps de guerre, avec les gardes des autres communes, la levée en masse, pour la défense du pays. 214. Les dispositions que le Roi juge nécessaires pour fixer l'organisation de la milice, et le nombre des miliciens, ainsi que les gardes communales et la levée en masse, sont l'objet d'une loi. 208.


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CHAPITRE IX. De la Direction des Eaux , Ponts et Chaussées. Art. 215. Le roi a la surveillance suprême des ouvrages hydrauliques, ponts et chaussées, sans distinction : si la dépense se fait par le trésor public, ou de tout autre manière. 216. Le roi fait exercer la direction générale des eaux, ponts et chaussées, de la manière qu'il croit la plus convenable. 2 17. Indépendamment de la surveillance que le roi peut attribuer à la direction générale, sur des ouvrages entretenus aux frais de collèges, de communes ou de particuliers, cette direction est chargée, d'après les instructions que le roi lui donne, de tous les travaux hydrauliques aux ports de mer, rades, rivières, schorren , dunes, digues, écluses et autres ouvrages, ainsi que de tous ponts et chaussées, dont les frais de constructions sont, en tout ou en partie, à la charge du trésor public. 218. Si, parmi les ouvrages mentionnés à la fin de l'article précédent, il s'en trouve dont la direction peut être confiée aux états de la province; soit à cause d'un intérêt moins général, soit pour raison d'utilité ou de convenance, tirée de la chose même, elle leur est attribuée, soit exclusivement, soit concurremment avec la direction générale. 219. Le roi, après avoir entendu les états des provinces, et sur l'avis du conseil d'état, détermine quels travaux sont remis sous la direction des états , et fixe, en même temps, le mode de pourvoir aux frais de leur entretien. 220. Lorsque des travaux hydrauliques, digues ou écluses, destinés à contenir les eaux de la mer ou des rivières sont entretenus aux frais de collèges, de communes ou de particuliers, et dirigés par eux, la direction générale exerce sur ces travaux une surveillance immédiate, et veille à ce que leur construction ou réfection ne nuise pas aux intérêts généraux : elle donne , à ce sujet, les instructions nécessaires aux collèges, communes ou particuliers. La surveillance immédiate de ces travaux peut aussi, pourdes raisons d utilité ou de convenance , être attribuée par le roi aux états des provinces. 13.


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CONSTITUTION

221. L es états des provinces ont la surveillance sur tous travaux hydrauliques , non compris dans l'article précédent, ainsi que sur les canaux , navigations, lacs, eaux , ponts et chaussées qui sont aux frais de colléges, de communes ou de particuliers, ils veillent à ce que ces travaux soient bien et dûment construits et entretenus. 222. Les états surveillent tous les collèges, dits Hoogheemraadschappen, Heemraadschappen, Watering en , Waterschappen, direction des digues ou des poldres, sous quelque dénomination qu'elles puissent exister dans leur province; sauf ce qui a été dit à l'article 220 sur les attributions de la direction génerale au sujet des travaux servant à contenir les eaux de la mer et des rivières. Les réglemens de ces collèges, approuvés en dernier lieu, servant de base à leur institution, les états des provinces peuvent, sous l'approbation du roi, modifier ces réglemens; les collèges leur proposent les modifications que l'avantage des intéressés leur paraîtra exiger. Les états soumettent de même au roi le mode de nommer ou de proposer aux places vacantes dans ces collèges. 223. Les états ont dans leur province la surveillance sur l'exploitation des tourbières, carrières, houillères, autres mines et minières, ainsi que toutes irrigations, endiguemens et desséchemens. Le roi peut, à raison de l'utilité générale ou majeure de ces ouvrages, en attribuer la surveillance à la direction générale des Eaux, Ponts-et Chaussées. 224. Lorsqu'à l'avenir il sera accordé des subsides par le trésor public pour quelques travaux compris au présent chapitre, il sera en même temps réglé de quelle manière la direction ou la surveillance de ces ouvrages sera exercée. 225. Les droits payés aux barrières, ponts et écluses, sont affectés à l'entretien et a l'amélioration des chaussées, ponts, canaux et rivières navigables. L'excédent, s il y en a, demeure réservé pour des dépenses de même nature, dans la même province, à la seule exception des droit perçus sur les grandes communications du royaume; dont l'excédent peut être employé aux mêmes fins, là où le roi 1'ordonne.


DU ROYAUME DES PAYS-BAS.

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CHAPITRE X. De l'Instruction publique et des Etablissement de bienfaisauce. Art. 226. L'instruction publique est un objet constant des soins du gouvernement. Le roi fait rendre compte tous les ans aux états-généraux de l'état des écoles supérieures, moyennes et intérieures. 227. La presse étant le moyen le plus propre à répandre les lumières, chacun peut s'en servir pour communiquer ses pensées, sans avoir besoin d'une permission préalable. Néanmoins, tout auteur, imprimeur, éditeur, ou distributeur, est responsable des écrits qui blesseraient les droits, soit de la société, soit d'un individu. 228. Les administrations de bienfaisance et l'éducation des pauvres sont envisagées comme un objet non moins important des soins du gouvernement; il en est également rendu aux états-généraux un compte annuel.

CHAPITRE XI. '

Des Changemens et Additions. Art. 229. Si l'expérience faisait connaître que des changemens ou des additions à la loi fondamentale sont nécessaires, une loi les désignera avec précision , en même temps qu'elle déclarera cette nécessité. 200. Cette loi est envoyée aux états provinciaux, qui adjoignent, dans le délai qu'elle fixe, aux membres ordinaires de la seconde chambre des états-généraux, un nombre égal de membres extraordinaires, choisis de la même manière que les premiers. 231. Lorsqu'en vertu des articles 27, 44, 46, la seconde chambre des états-,généraux doit se réunir en nombre double, la nomination est faite par les états-provinciaux convoqués par les fonctionnaires qui exercent l'autorité rovale. 202. La seconde chambre des états-généraux ne peut


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CONSTITUTION I)U ROYAUME DES PAYS-BAS.

prendre une résolution sur un changement ou une addition à la loi fondamentale, si deux tiers des membres dont se compose l'assemblée ne sont pas présens : les résolutions sont prises à la majorité des trois-quarts des voix : toutes les règles prescrites pour la confection d'une loi, sont exactement observées. 233. Aucun changement à la loi fondamendale ou à l'ordre de succession ne peut être fait pendant une régence. 234. Les changemens ou additions adoptés sont joints à la loi fondamentale et solennellement promulgués. Articles additionnels. Art. 1er. Le roi est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour mettre en exécution daes toutes ses parties, régulièrement et avec la célérité que l'état des choses permettra, la loi fondamentale dont le projet précède. Il fera la première noniination de tous les fonctionnaires et de tous les colléges, quel que soit le mode de nomination que la loi fondamentale adopte. 2. Toutes les autorités restent en place, et toutes les lois demeurent obligatoires, jusqu'à ce qu'il y soit autrement pourvu. 3. La première sortie des membres de la seconde chambre des états-généraux aura lieu le troisième lundi du mois d'octobre 1817.


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DANEMARCK. PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU

GOUVERNEMENT DE DANEMARCK. LES institutions politiques des différens états que nous avons parcourus jusqu'ici, nous ont montré des rapports de ressemblance, tels qu'on ne peut hésiter un instant à leur assigner une origine commune; partout se sont présentés, dans la constitution, des avantages, des vices, des abus à-peu-près uniformes; partout ce mélange de liberté et d'aristocratie, qui partout a produit des effets resseinblans, Ces institutions prenaient toutes leur origine dans les mœurs des peuples germains. Aujourd'hui nous marchons sur un terrain nouveau ; ce n'est plus la même race d'hommes, dont nous allons étudier les mœurs et les lois ; nous abordons les gouvernemens du Nord; et il est important, dans un ouvrage de la nature de celui-ci, de faire sentir cette ligne de démarcation bien prononcée entre deux populations qui offrent une physionomie si différente; qui semble diviser l'Europeen deux grandes familles bien distinctes, qui, malgré les liaisons de voisinage et la suite des temps ont cependant conservé chacune quelque chose de son caractère particulier. Ea plupart des auteurs s'accordent à représenter le nord et l' occident de l'Europe occupés, à une époque très-reculée par cette ancienne nation celtique dont les Gaulois n'étaien eux-mêmes qu une ramification ; mais plus tard, et lorsque


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HISTOIRE

les armées romaines eurent porté le ravage en Asie, lorsque Pompée eut soumis cette vaste contrée située entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin ; les Scythes qui l'habitaient se précipitèrent vers le nord et l'occident de l'Europe, soumettant tout ce qui se trouvait sur leur passage. La Russie, la Saxe , la W estphalie, la Suède, la Norvège, le Danemarck subirent le joug. Les habitans de ces contrées refluèrent en partie vers le midi , le reste ne forma plus qu'une même population avec les vainqueurs. Voilà ce qui explique cette diversité de mœurs, de lois, de langages , qui distingue la population du nord de celle de l'occident de l'Europe. Cette vaste émigration d'Asie était conduite par ce fameux Odin , divinisé dans la suite, par les peuples du nord, sous le titre de Dieu des armées, de Père du carnage, de dépopulateur, d'incendiaire ; mais qui fut en effet le premier législateur, si l'on peut du moins donner ce titre au père du carnage. Quoiqu'il en soit, les institutions de ce chef terrible prévalurent dans le nord , jusqu'au moment où une religion plus douce, venant corriger l'apreté de celle d'Odin, modifia en même temps les mœurs et les lois des peuples septentrionaux, et leur donna ce caractère qu'elles ont conservé dans la suite. Ces observations devaient naturellement trouver place ici, et précéder l'histoire des divers gouvernemens que nous allons analyser. Renfermons-nous, quant à présent, dans ce qui touche plus particulièrement à l'histoire du Danemarck. S I. Du Danemarck, jusqu'au règne de Marguerite, en

1387.

On sait que ce sont des hordes de ces peuples venus d'Asie , dont nous venons de parler, qui se précipitèrent sur l'empire romain, ouvert de toutes parts à leur dévastation 4 l'époque de leur invasion, la Norwège et le Danemarck


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surtout restèrent à peu près sans habitans. Dans la suite, ces deux pays se peuplèrent peu à peu, et, vers le commencement du huitième siècle, les Danois commencèrent, sous le nom général de Normands, ces expéditions d'un autre genre, qui rendirent, pendant des siècles entiers, leur nom formidable aux puissances maritimes d'Europe. On connaît les conquêtes de ce fameux Harald, qui vécut au dixième siècle, et qui soumit à sa puissance, non-seulement tout le Danemarck, mais encore la Suède , le pays des Saxons, la Russie et l'Angleterre. Harald fut réellement le premier roi de Danemarck; c'est de son règne, que date l'introduction eu christianisme dans le pays. Les vastes possessions des rois danois, plusieurs fois perdues et reconquises, avec l'adoption du christianisme, voilà les faits les plus importants que nous offre la période que nous parcourons ici; aussi ne.nous astreindrons-nous ni à retracer les courses lointaines de ces terribles Normands, ni les guerres presque continuelles des Danois avec leurs voisins; encore moins à dire, avec quelques auteurs, comment l'ancienne dynastie des rois de Danemarck descendait directement, selon la tradition, du belliqueux Odin; pourquoi ces premiers rois portèrent le nom de Skiolcdungs, et ceux qui leur succédèrent, celui de Estrithides; qu'il nous suffise de jeter un coup-d'œil sur la forme du gouvernement de Danemarck , avant le règne de Marguerite. Ici, nous trouvons un des caractères qui semblent plus particuliers aux gouvernemens du Nord, mais que nous avons cependant déjà remarqué, en traitant, des premières époques gouvernement de la France, le principe d'élection du souverain dans la maison régnante (1). De même que ceux (1) Quelques écrivains, et particulièrement J. -B. Destoches, ont cherché à prouver que, jusqu'en 1250, la couronne fut héreditaire ; tous les monumens contre disent cette opinion ; Saxon le grammairien, et les auteurs danois qui l'ont suivi, s'accordent sur ce point. Puffendorf, Vertot, Moleswortli, l'auteur des Lettres sur le Lanemarck, Williams, etc. , se rangent à cet avis , qui ne peut plus être combattu aujourd'hui.


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HISTOIRE

«le Suède, de Norwége et de Pologne, le royaume de Danemarck était électif, mais de manière que la préférence était ordinairement accordée aux descendans des rois , et parmi ceux-ci au fils aîné de la maison royale, lorsqu'il était jugé digne de commander. S'il arrivait que le choix du peuple ( car tout le peuple, les paysans mêmes , avaient dans ce cas voix délibérative ) , tombât sur une personne reconnue par la suite indigne ou incapable de tenir les rênes du gouvernement; OU si le souverain manquait à ses promesses, les sujets se trouvaient affranchis du serment de fidélité, et pouvaient établir l'administration qui leur convenait : le roi pouvait être déposé , même banni, quelquefois aussi condamné à perdre la vie. Avant de revêtir le roi de l'autorité suprême, on l'obligeait à signer une capitulation, où il promettait qu'il suivrait les lois déjà établies, et qu'il maintiendrait les droits et les priviléges du peuple. Il rendait compte de sa conduite devant ceux qui représentaient la nation. Du reste, l'autorité royale était extrêmement restreinte; le roi, réduit au seul commandement des armées, au droit de présider le sénat et au soin de veiller à l'administration de la justice, ne pouvait entreprendre aucune affaire importante sans le consentement des états et la participation du sénat, c'est-à-dire des grands du royaume; il était même obligé, par la capitulation, de prendre, dans les affaires qui n'exigeaient pas le concours du sénat, l'avis de quatre grands officiers de la couronne, qui gouvernaient l'état conjointement avec lui dans l'intervalle d'une diète à l'autre. C'était un chef de guerre plutôt qu'un monarque. Les états étaient convoqués chaque année; leur fréquente assemblée était une des bases essentielles de la constitution du Danemarck. C'est dans ces assemblées que se traitait tout ce qui regardait le gouvernement; c'est là qu'on fesait les lois, qu'on arrêtait la paix, la guerre, les alliances; qu'on disposait des grandes charges; qu'on s'occupait des mariages des princes, etc. Nous ne parlerons pas des impôts,


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jamais on ne levait de tribut fixe, mais quelquefois seulement une taxe extraordinaire pour subvenir à quelques frais imprévus, comme à l'entretien d'une guerre. Le roi vivait de ses propres revenus. Nous arrivons au règne de Marguerite , surnommée la Sémiramis du Nord. § II. Règne de Marguerite —Union de Calmar (1387-1412). Ce n'est guère que sous ce règne, c'est-à-dire, vers la fin du quatorzième siècle, que le Danemarck commença réellement à prendre un rang stable, parmi les états européens; nous avons vu ses premiers rois sans cesse occupés à faire des conquêtes, presque aussitôt perdues que formées. Marguerite s'occupa d'étendre et de consolider la puissance de ses successeurs: les Danois ne lurent plus un peuple d'aventuriers; mais une nation digne de figurer parmi les principaux états européens. C'est une remarque à faire , que tous les états du nord n'ont pris que très-tard ce caractère de stabilité, qui distinguait depuis long-temps ceux du midi de l'Europe; sans doute il faut pour en trouver la cause , remonter à l'origine des peuples qui s'établirent dans le nord, et avoir égard aux mœurs et aux inclinations qu'ils y apportèrent. Elue reine des Danois, Marguerite acquit la Norvège par mariage , et la Suède par le succès de ses armes. C'est ainsi qu'apr ès avoir été long-temps en proie à d affreuses dissensions , les trois royaumes du nord, tous trois électifs, tous trois gouvernés par un roi, par un sénat et par des étatsgeneraux, se virent réunis en un même corps politique. La force, autant que le vœu des peuples , avait secondé les projets de Marguerite, elle voulut que sa puissance fût encore fondée sur un droit incontestable : les états des trois royaumes furent convoqués en conséquence et portèrent cette loi fameuse dans le nord sous le nom d'Union-de-


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HISTOIRE

Calmar, loi qui avait pour but de réunir à jamais les inté-

rêts des trois pays , et d'en confier, après la mort de la reine, le gouvernement à son petit-neveu Eric, fils d'un due de Poméranie. Cette loi se composait de trois articles principaux. 1° Les états-unis n'auront à perpétuité qu'un seul et même roi, élu d'un commun accord par les sénateurs et les députés. des trois royaumes. Dans le cas où le roi Eric, héritier présomptif, laisserait une descendance, le roi sera choisi dans sa famille. 2° Le souverain partagera sa résidence entre les trois états, et consommera dans chacun le revenu de chaque couronne. La diète générale composée des états des trois royaumes, se tiendra à Helmstadt. 5° Enfin chaque état conservera sa constitution , son sénat et ses lois particulières; les gouverneurs, les magistrats seront pris de chaque pays, sans que le roi puisse jamais employer d'étrangers dans aucun des trois états. Ce règlement est de l397. j

On voit que les peuples du nord se départaient déjà de cette liberté absolue qui présidait à l'élection de leurs souverains, en déclarant que le roi ne pourrait désormais être choisi que dans la famille d'Eric; mais ce n'est pas le seul fait de ce genre que nous avons à remarquer ici, car plus tard les magistrats du royaume voyant les progrès que fesait le gouvernement absolu, sous l'administration de Marguerite, et voulant un jour lui rappeler les sermens qu'elle avait prêtés à son avènement au trône, elle leur demanda s'ils en avaient les chartes ? « Oui, répondirent-ils, et nous les conservons avec le plus grand soin.—Je vous conseille en . effet de les bien garder, reprend Marguerite, pendant que je garderai moi les châteaux et les villes de mon royaume, et tes droits de ma dignité. » On a eu raison de dire qu'un grand monarque coûte toujours cher aux peuples : le despotisme d'une femme affaiblissait déjà chez ceux-ci toute idée


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de liberté, et préparait peu-à-peu la révolution étonnante opérée sous Frédéric III.

s III. Successeurs de Marguerite jusqu'à la grande révolution de 1660. ( 1412-1660.) Ce n'est pas le lieu d'examiner ici, si l'union de Calmar pouvait ou non remplir le but qui l'avait dictée; si une fédération de trois monarchies divisées par des intérêts et des rivalités réciproques, par la diversité de lois , de mœurs et d'usages, pouvait être un lien durable. Un fait certain, c'est qu'au lieu de réunir les différentes parties soumises au sceptre de Marguerite, l'union de Calmar ne fit que mettre les rivaux en présence , susciter les haines et les discordes: la Suède fut la première à s'indigner de la préférence trop souvent accordée au Danemarck, sur les deux autres états ; et bientôt après la mort de la reine, elle brisa les liens qui l'enchaînaient. On courut aux armes de part et d'autre: de-là ces guerres désastreuses,et, pour ainsi dire, continuelles, qui désolèrent ces malheureux pays , et remplissent seules pendant long-temps, presque toutes les pages de l'histoire de Danemarck: tout le reste disparaît au milieu de ces scènes de carnage; ou du moins est-ce au travers de ce voile sanglant, qu'il faut saisir les faits d'une autre nature ? Quatre points principaux doivent toutefois fixer ici notre attention : 1° L'avènement au trône de Christian d'Oldenbourg, en 1448, sous le nom de Christien I . 20 L'acquisition qu'il fit des provinces de Slesvic et de Holstein , qui lui furent adjugées par les états de ces pays, à la mort du dernier duc de Holstein oncle maternel de Christian. 5° La réunion définitive de la Norvège, et l'émancipation de la Suède. 4° L accroissement excessif de la puissance des nobles. Quelques détails sur tout ceci. Ce sont les princes de la maison de Christian 1er, qui ont er


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occupé jusqu'à nos jours le trône de Danemarck; bien qu'on puisse remarquer quelques interruptions dans l'ordre de succession directe entre ces princes; car les Danois n'avaient pas encore entièrement abjuré leur droit de veiller sur le trône; l'une de ces interruptions mérite surtout de trouver place ici; elle donne une idée de leur ancienne liberté. Christian ou Christien II , s'était par toutes sortes de vexations, rendu aussi odieux.aux Danois, qu'il étaitexécrab le à la Suède. Il avait mérité par ses cruautés, le surnom de Nérondu-Nord. Nous avons vu que les Danois, en possession d'élire leurs rois, avaient aussi le droit de déposer un tyran; ils en usèrent dans cette circonstance; les habitans du Jutland, et des duchés de Slesvic et de Holstein, furent les premiers à se déclarer, et firent signifier à Christien sa déposition authentique, par le premier magistrat de Jutland. » Ce chef de justice intrépide, dit Voltaire (1), ose porter à Christien sa sentence dans Copenhague môme. Le tyran voyant tout le reste de l'état ébranlé, haï de ses propres officiers, n'osant se fier à personne, reçut dans son palais, comme un criminel, son arrêt, qu'un seul homme désarmé lui signifiait : le Danemarck ratifia l'arrêt, et la révolution fut accomplie. C'est à la suite de cette déposition , que la Norvège, qui avait pris le parti de Christien, fut enfin , après avoir longtemps été en butte aux mêmes fluctuations que la Suède, déclarée province du royaume de Danemarck; le sénat de Norvège fut supprimé, et ses états ne participèrent plus à l'élection des rois; la Suède, au contraire, acquérait chaque jour de l'autorité aux dépens du Danemarck ; et conclut enfin, avec cette puissance, en 1570 , la paix de Stettin, qui déclara son entière indépendance. Le Danemarck qui se trouvait considérable ent affaibli, tant par cette émancipation, que par les longues guerres

(I) Essai sur les Mœurs , chap. 119.


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qui l'avaient précédée, perdit alors l'ascendant qu'il avait eu long-temps dans le nord. C'est dans ces circonstances, que le gouvernement de ce royaume fut encore altéré dans ses bases. « Une aristocratie vicieuse, dit Koch (1), s'éleva, sur les débris de la liberté nationale ; le sénat composé uniquement de nobles, envahit toute l'autorité ; il se rendit maître de l'élection des rois et ne convoquant plus les étatsgénéraux depuis 1556, il en usurpa tous les pouvoirs, empiétant de même sur l'autorité royale, qui fut resserrée de plus en plus, tandis que les prérogatives de la noblesse furent étendues par les capitulations que le sénat prescrivait aux rois, à leur avénement à la couronne. » Voilà le second pas vers l'asservissement de la nation. L introduction de la réforme en Danemarck, amena aussi, des résultats assez importons; mais qu'il n'entre pas dans notre sujet de développer ici; le luthéranisme fut alors introduit et devint la religion de l'état.

S IV. Frédéric III ; — Révolution de 1660. Les premiers temps de l'histoire de Danemarck nous montrent, comme les annales des premiers temps chez presque tous les peuples, une nation , jouissant de tous les droits de la liberté , nous avons vu Marguerite porter impunément atteinte à ses institutions. Aujourd'hui nous sommes arrivés au moment où le mot de liberté n'est plus qu'un vain nom pour le peuple, l'aristocratie et le trône l' ont envahie à l'envi et s'en arrachent les tristes lambeaux. La dispute maintenant éclater entre les deux puissances rivales, le peuple est dehors et ne peut avoir, dans la (1) Tabl. de» Révol.

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mêlée, d'autre intérêt que celui qui résulte du choix d'un maître ; d'autre influence que celle de faire pencher la balance en faveur de l'un des deux. Les choses en sont au point que les intérêts de la couronne et ceux de l'aristocratie se présentent nécessairement en sens inverse; toute tentative d'un côté doit devenir une aggression envers l'autre. L'aristocratie et la couronne ne peuvent donc rester plus long temps en présence sans une rupture ouverte; or,comme il vaudra toujours mieux avoir un maître que plusieurs tyrans, d'autant plus odieux que le poids de leur chaîne nous serre de plus près et tombe sur un plus petit nombre, on sent quel est le parti que doit prendre le peuple dans cette conjoncture. Cette révolution , peut-être sans exemple dans les annales des peuples, qui fit en un moment, sans trouble, sans confusion, sans qu'il en ait coûté une seule goutte de sang, du roi d'un peuple l ibre, un roi aussi absolu que les monarques d'Asie; et cela, d'une manière si complète, que, quelques années plus tard, il ne restait plus dans le pays la moindre trace de la première liberté (1), mérite d'être rapportée ici avec quelques détails. Nous venons de voir la Suède grandir aux dépens de ses voisins; l'ascendant qu elle avait déjà pris dans le nord, avait , plus d'une fois , été funeste au Danemarck. Il faillit être bouleversé de fond en comble, et rayé du nombre des états européens ; le royaume agité par des jalousies intestines, et attaqué à l'improviste, ne put offrir une forte résistance aux armes des Suédois; Copenhague fut assiégé, et ne dut son salut qu à la constance de la bourgeoisie, à la valeur avec laquelle elle combattit sur les remparts , et, encore plus peut-être, à l'abandon fait par Frédéric de ses meilleures provinces, telles que la Scanie , la Bleckingie, (i) Molesivorth,

, chap. 6.


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Halland et. le gouvernement de Bahus, cédés à CharlesGustave, par le traité de Copenhague , du 27 mai 1660. Le pays avait été désolé, l'arméen'était pas payée, la flotte était délabrée et le trésor épuisé; il fallait un prompt remède aux maux de l'état; les états-généraux furent convoqués en conséquence, le 28 septembre 1660. Dès les premières séances, les nobles manifestèrent, selon leur coutume , l'intention de faire peser sur les deux autres ordres, autant qu ils le pourraient, le poids de la nouvelle taxe ; bien loin de vouloir contribuer de leur côté, à proportion des biens qu'ils possédaient, ils proposèrent, toujours dans la vue de maintenir leurs privilèges et leurs exemptions qui étaient de ne rien payer par voie de taxe, mais seulement par contribution volontaire , d'établir un droit sur toutes les consommations , mais avec de telles restrictions pour eux , que tout le fardeau retombait sur le peuple. D'un, autre côté , les ecclésiastiques et le tiers-état qui avaient supporté tout le poids de la dernière guerre , rappelaient ce qu'ils avaient fait de grand, qu'ils avaient sauvé , du joug étranger, non seulement Copenhague , mais tout le royaume , mais ces nobles eux-mêmes, qui les traitaient maintenant avec tant de dureté : ils leur reprochèrent enfin d'avoir contribué aux malheurs de l'état, par le pouvoir tyrannique qu'ils avaient usurpé. Les bourgeois avaient fait l'épreuve de leurs forces ; ceux de Copenhague surtout fiers de leurs derniers succès et des privilèges qu'ils leur avaient valus, entre autres le droit de noblesse, qui faisait de la ville comme un quatrième ordre dans l'état , demandèrent que tous concourussent à l'impôt demandé, à proportion des fortunes, et proposèrent, à cet effet, de donner à ferme au plus offrant, les fiefs de la couronne dont jouissait la noblesse, moyennant des redevances extrêmement modiques ; cette proposition aigrit l'ordre de la noblesse qui la regarda comme une atteinte à ses droits. TOMEMT.

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La discussion s'échau ffa peu à peu, aux discussions se mêlèrent quelques expressions dures de part et d'autre, à ce point que l' un des principaux sénateurs alla jusqu'à traiter les membres des communes de vils esclaves. Il n'en fallut pas davantage ; on murmura Hautement; les ecclésiastiques et les bourgeois ne cachèrent plus leur mécontentement, l'orateur des commun es , le bourguemestre de Copenhague, Nansen se leva alors, et protesta en jurant que le peuple n'était pas esclave , et qu'il en donnerait bientôt aux nobles des preuves à leurs dépens. Il sortit de l'assemblée, ainsi que l Évêque Suant de Sélande, chef de l'ordre du clergé suivis chacun de leur ordre, et se rendirent dans une autre salle, où ils s'occupèrent des moyens d'arrêter la tyrannie insupportable de la noblesse et d'améliorer leur propre condition. Après plusieurs débats, il fut résolu, à l'instigation de l'orateur des communes et de l'Évêque de Copenhague, depuis long-temps dévoués à la cour, qu'on offrirait au roi la puissance absolue et l'hérédité de la couronne dans sa famille. , La proposition fut aussitôt acceptée; mais comme la nuit approchait, l'exécution fut remise au lendemain. Jamais le moment n avait été si favorable pour le roi : sa fermeté et la valeur avec laquelle il venait de défendre sa capitale, avaient rempli tous les coeurs de zèle et d'amour pour lui, et les ordres inférieurs, irrités contrôles nobles, sejettaient d'euxmêmes dans ses bras ; aussi la cour considérait-elle attentivement tout ce qui se passait; elle en était informée par l'Evêque et le président de Copenhague, qui avaient conçu dès longtemps le projet qui s'exécutait alors (1). Toute la nuit se passa en brigues et en messages, dit Molesworth , on fit tout pour alimenter la colère du peuple, et le tenir dans la résolution de la veille. La reine fut celle qui eut la part la plus apparente à ces menées ; car Frédéric feignait de ne voir qu'avec peine les événemens dont il était témoin; il déclarait (1) Molesworth, chap. 7.


21 1 que la souveraineté fût héréditaire même, qu'il voulait bien dans sa famille , mais qu il ne désirait pas le pouvoir absolu , qu'il croyait contraire au bien du royaume; car s'il l'on supposait qu'il n'en ferait jamais mauvais usage, personne ne savait quels successeurs il aurait (1). Cependant le lendemain on annonce aux nobles que les communes et le clergé arrivent au lieu de leur délibération. « Ils marchaient deux à deux dans les rues , dit Molesworth , avec gravité et dans un grand silence, pendant que le menu peuple , par des cris redoublés, applaudissait ce qu'ils allaient faire; et dans cet état, ils arrivèrent à la maison où était assemblée la noblesse , qui eut à peine assez de temps pour les DU GOUVERNEMENT DE DANEMARCK.

recevoir. »

Le président Nansen fit une courte harangue, dans laquelle il signifiait à la noblesse que les communes étaient décidées à se rendre auprès du roi , pour lui donner un pouvoir absolu et rendre ce pouvoir héréditaire dans sa famille; que si les nobles y consentaient, ils pouvaient se joindre à eux, que s'ils s'y refusaient, les communes sauraient bien se passer de leur consentement; qu'au surplus il fallait une réponse prompte, parce que le roi était déjà averti de leur intention, et qu'il les attendait dans un instant. Les nobles , étonnés d'une motion si inattendue, n'osèrent refuser ouvertement; car ils voyaient contre eux et l'armée et les communes et le clergé et la cour; mais ils cherchèrent à temporiser; ils répondirent en conséquence que la proposition des communes leur paraissait raisonnable, mais qu'une affaire aussi importante demandait quelques formalités, qu'il fallait au moins en délibérer auparavant; que les communes ne pouvaient prendre une détermination de cette nature sans l'avis de la noblesse, le premier ordre du royaume. Le président répondit qu'ils n'étaient pas venus pour examiner, mais pour exécuter, qu'ainsi aucune consi(i) Moles-wortln 14-


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dération ne pouvait les arrêter ; et les deux ordres se rendirent au palais, dans le même ordre qu'ils avai ent déjà observé. Ils furent introduits devant le roi qui, les ayant remerciés des intentions qu'ils manifestaient, ajouta qu'il accepterait les concessions qu'on voulait bien lui faire, dans le cas où un consentement général confirmerait leur volonté; mais que le consentement des seigneurs était nécessaire ; qu'au reste , les communes pouvaient compter sur sa protection royale. Les nobles voyant qu'il fallait céder, et voulant du moins partager le mérite de la concession; avaient cherché, à ce qu'il paraît, à négocier avec la cour; ils avaient envoyé en secret vers ie roi, pour l'assurer qu'ils donneraient volontiers leur consentement à la proposition des communes; qu'ils étaient disposés à se réunir à elles pour offrir la couronne héréditaire à Sa Majesté et auxmâles de sa famille;mais ils représentaient qu'il fallait que les choses se fissent dans les formes ; qu'ils devaient au moins délibérer, afin que cette détermination parût être l'effet de leur juste admiration pour les vertus du roi, et non un mouvement subit d'une assemblée tumultueuse. Le roi leur avait répondu « qu'il espérait que ce qui était sur ie point de se faire tournerait à l'avantage de la nation; mais qu'il ne lui serait pas tant agréable, s'il n'y avait que les mâles qui héritassent de la couronne; que si oni la donnait sans limitation; que ce n'était pas chose nouvelle que des femmes eussent gouverné en Danemarck, et que leur gouvernement n'avait pas été malheureux dans les royaumes voisins ; qu'ils devaient considérer que, puisque c'était un présent qu'ils voulaient faire, il ne pouvait pas le leur prescrire, mais qu'il ne pouvait pas l'accepter, à moins qu'il ne fût plus général. » Le roi s'expliquait trop clairement, et l'on pouvait voir dans cet avis un ordre bien précis. Que pouvaient les nobles seuls contre tous, et dans une ville fortifiée, loin de leur pays et au pouvoir de la cour, qui avait les moyens se venger de leur désobéissance? Cependant, comme ils remettaient encore à prendre une résolution définitive, que quelques-uns d'entre


DU GOUVERNEMENT DE DANEMA.RCK.

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eux faisaient mine de vouloir quitter la ville pour rompre la diète, la cour crut devoir hâter le dénouement de tout ceci. L'un des principaux sénateurs devait être enterré dans l'après-midi du 11 octobre, et comme c'était une coutume en Danemarck que tous les seigneurs qui étaient dans la ville devaient assister aux funérailles, les obsèques devaient se faire avec la plus grande pompe; un dîner magnifique avait été préparé selon l'usage; toute la noblesse y était réunie, lorsque les officiers, chargés de ce soin, vinrent lui annoncer que les portes de la ville étaient fermées, et remirent sur la table, entre les sénateurs, selon l'expression de l'auteur que nous avons déjà cité , l'ordre qu'ils avaient reçu de la cour; ce procédé si étrange, au moment d'une assemblée générale de la nation, étonna un instant les esprits, et fit craindre les suites d'un pareil acte; mais on fut rassuré par l'envoyé, qui déclara que cet ordre ne devait point détourner de l'accomplissement des cérémonies commencées, ni du soin de poursuivre les affaires publiques. Toutefois la terreur gagna tellement tous les sénateurs, qu'ils dépêchèrent d'abord des personnes, tant à la cour qu'aux communes, pour faire savoir qu'ils étaient disposés à condescendre à ce qu'on leur avait proposé, et pour assurer qu'ils étaient prêts à consentir à tout ce qu'on leur pourrait demander. Mais le roi ne se contenta pas d'une simple promesse, et déclara que les portes ne s'ouvriraient qu'après la conclusion définitive de cette affaire, c'est-à-dire après qu'on lui aurait prêté serment de fidélité , et qu'on se serait dépouillé de tout droit en présence du peuple et de l'armée. Tous les préparatifs furent donc faits, et deux jours après, le 13 octobre, les nobles se réunirent aux communes et au clergé. La capitulation qui limitait l' autorité du roi lui fut rendue le 16 ; on le délia du serment qu il avait prêté à son couronnement. Une sorte de dictature lui fut déférée, afin de régler, selon son bon plaisir, la nouvelle charte constitutionnelle; et le 18, le roi et lu


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reine, élevés sur un amphithéâtre dressé dans la place du château, reçurent devant les soldats et les bourgeois en armes, l'acte de résignation des sénateurs, de la noblesse, du clergé et des communes, qui prêtèrent tous serment à genoux. Voici la formule de ce serment, conservée parMolesworth : « Je, A. B., promets et déclare que je serai franc et fidèle » à Votre Majesté, comme â mon très-bon roi et seigneur, » comme aussi à toute la famille royale; que je ferai mes » efforts pour avancer en toutes choses le pouvoir de Votre Majesté, et que de tout mon pouvoir je vous défendrai de tout péril et malheur; et que je servirai fidèlement Votre Majesté comme un homme d'honneur et un sujet doit faire. Ainsi Dieu me soit propice. » Tel fut le serment prononcé en cette mémorable journée. Le roi lui-même ne fut assujetti à aucun serment. Enfin le 10 janvier 1661, les trois ordres remirent chacun séparément au roi un acte qui déclare la couronne héréditaire dans la ligne masculine et féminine, et qui, en conférant à Frédéric et à ses successeurs un pouvoir sans bornes, lui accorda la faculté de régler l'ordre de la succession au trône et la régence (1). L'acte remis par la noblesse, remarque l'auteur des lettres sur le Danemarck, est signé et scellé par tous les sénateurs du royaume et par les chefs de toutes les familles nobles qui composaient alors l'ordre de la noblesse Celui du clergé est signé et scellé par tous les députés de cet ordre aux états et par les pasteurs des paroisses ; et celui du tiers-état l'est nonseulement par les députés de la bourgeoisie, mais encore par les magistrats et les notables de chaque ville. Peut-on croire qu'il ne se soit pas trouvé, dans cette circonstance, un seul homme qui ait osé dévoiler les trames de la cour et élever la voix en faveur de la liberté expirante, lorsqu'on (1) Voy., outre Molesworth, sur cette Révolution , l' Histoire de Danemarck , par Mallet, et les Lettres sur le Danemarck. Lettre 10 . e


2i5DU GOUVERNEMENT DE DANEMARCK. pense qu'un mot, un seul mot, pouvait peut-être déconcerter tous les projets, car, nous dit le même Molesworth dont nous empruntons de préférence les paroles, parce qu'il était plus à portée que personne de donner des renseignemens exacts sur cette révolution (1). «J'ai oui dire à des personnes fort éclairées, et qui étaient alors près du roi, que si les nobles avaient eu tant soit peu de courage à défendre leurs privilèges, le roi n'aurait pas poussé sa pointe si loin, que de souhaiter un pouvoir arbitraire; car il était dans des doutes continuels touchant l'événement, et commençait à chanceler dans ses résolutions. » Mais toutes réflexions sont ici inutiles : la révolution est faite; quelques instans ont suffi pour l'effectuer; et il n'a fallu que peu de jours pour en faire sentir les résultats.On peut en juger par ce fait, que les terres, dans la plus grande partie du royaume, valaient, au bout de quelques années, les trois quarts moins qu'elles ne valaient autrefois , tant elles avaient été surchargées de taxes arbitraires. Les assembléesdes étatsgénéraux cessèrent; tout tomba dans la servitude. Le ciergé seul, qui, selon l'expression de notre auteur « ne fait jamais des marchés qui ne lui soient avantageux,» y gagna de la considération, et les principaux auteurs de la révolution, de fortes pensions qu'ils reçurent très-bien, malgré le manque total d'argent qui leur avait fait lever l'étendard de la révolte; les nobles n'eurent que la honte d'avoir cédé, et le peuple, celle d'avoir forgé ses fers , et comblé sa misère. C'est à la suite de cette révolution que fut publiée cette fameuse loi royale, encore regardée aujourd'hui comme la seule loi fondamentale du royaume. Par cette loi, le roi est déclaré souverain absolu, supérieur à toutes les lois humaines, réunissant en lui tous les pouvoirs et tous les droits (1) Je ne dirai rien, dit-il, que je n'aie appris de gens qui en ont été des témoins occulaires et que je ne tienne de personnes qui y ont en la principale i

part, et qui y ont fait un personnage considérable, ebap, 6.


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de la souveraineté; à lui seul appartient par conséquent le privilège d'expliquer la loi, d'y faire même les changemeus qu'il juge à propos. Toutefois il doit respecter la loi royale, de même que la confession d'Augsbourg reconnue comme religion de l'état; le royaume est indivisible, et le prince ne peut changer l'ordre de succession établi par celte loi; cette succession est linéale par ordre de primogéniture; la représentation a lieu; les femmes n'y sont admises qu'au défaut de toute descendance mâle de Frédéric III ; la majorité est fixée à treize ans accomplis ; il appartient au roi régnant de régler par testament la tutelle et la régence pendant la minorité. Un auteur danois d'origine, et dont l'opinion semble acquérir par cela même un plus grand poids (1), a prétendu qu'aucune nation n'avait elle-même donné à ses souverains le pouvoir arbitraire. » Le Danemarck, qu'on cite pour exemple, dit-il, n'investit ses rois en 1660, que du pouvoir souverain, en les chargeant exprès de maintenir chaque ordre dans ses droits légitimes; le roi promit, ajoute-t-il, par un acte formel, de suivre la religion de l'état, de ne jamais démembrer le royaume et d'administrer d'après les lois. » Il faut être, ou bien prévenu, ou n'avoir lu ni les actes du temps, ni les auteurs contemporains; il faut enfin vouloir résister à l'évidencc, pour soutenir une pareille opinion. Ne rendit-on pas au roi sa capitulation, ne le dégagea - t - on pas de son serment? tous les ordres de l'état ne reconnurent-ils pas son autorité absolue; ne lui conféra-t-on pas le droit de constituer l'état selon son bon plaisir ? qu'est - ce donc que donner le pouvoir arbitraire ? le roi porta la loi fondamentale de l'état qui semble lui imposer quelques obligations: dira-t-on pour cela qu'il n'est M. Maltebrun,

Tableau de l'Europe en

1821.


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pas absolu ? ce serait sa faute. Mais le sultan suit aussi la religion de l'état, et le sultan se gardera bien aussi de démembrer son empire, car il y perdrait plus que personne. Pour l'engagement de gouverner selon les lois ; que devient-il , quand on peut changer ces lois, selon son bon plaisr? le caprice alors est la loi. Pour nous qu'aucune prévention ne peut influencer ici, reconnaissons avec tous les historiens du Danemarck, que jusqu'à cette époque, les Danois avaient eu une constitution extrêmement libre; qu'ils avaient joui pleinement de tous les droits que leur garantissait cette constitution, et qu'alors seulement, la nation alla d'elle-même se jeter sous le joug, se livrer sans ressource , à la discrétion d'un maître absolu. Si les rois de Danemarck ont rarement abusé de leur puissance ; ce n'est pas la faute de la nation , elle leur avait assez prouvé, qu'on pouvait tenter tout impunément.

§ V. Depuis la révolution de 1660 jusqu'à celle de 1772. On pourrait regarder l'histoire politique du Danemarck comme terminée; son gouvernement est établi sur les bases qu'il devait conserver sans altération jusqu'à nos jours; aucun événement remarquable, ne vient en troubler l'application. Peu de pages nous conduiront donc jusqu'à la fin de son histoire; et d'abord nous nous plairons à reconnaître, qu'il résulta quelque bien de la nouvelle révolution , que la forme donnée au gouvernement, jointe à l'administration sage et mesurée des successeurs de Frédéric, placa le Danemarck dans une situation respectée de ses voisins; on s aperçut surtout de cet effet, dans la guerre avec la Suède, terminée par la paix de Lunden, en 1679, qui rétablit entre les deux nations, les choses sur le pied où elles étaient avant la dernière guerre, et surtout lors des


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traites de paix de Stockholm et de Friedrichbourg (I) ; amenés par l'échec que reçut Charles XII devant Pultawa. (Voy. Suède). Par ces traités, le Danemarck vit s'éteindre la franchise du Sund, établie au profit de la Suède, et s'assura la possession et la souveraineté de la totalité du duché de Slesvic. A l' intérieur, le Danemarck offrait aussi une amélioration sensible, due en partie à l'administration éclairée de Christiern VI ( 1730 Ce prince fit refleurir le commerce, apporta plusieurs améliorations dans le gouvernement, établit des manufactures dans le pays , ne négligea rien enfin de ce qui pouvait assurer le bonheur de ses sujets. Son fils Frédéric V, en montant sur le trône, suivit constamment les maximes de son père, qui étaient, de favoriser le commerce et d'encourager l'industrie; aussi il est difficile d'exprimer combien cette conduite sage des deux derniers rois, avait influé sur le sort du Danemarck, et changé en peu de temps la face des affaires. Pourquoi fallait-il que ces règnes si doux et si paisibles, fussent suivis d'un règne marqué par tant d'orales ! Cependant la Russie tenait le premier rang dans le nord : la Suède et la Pologne, ses anciennes rivales, se courbaient sous ses volontés; le czar Pierre III, qui occupait alors le trône, était chef de cette maison de Holstein-Gottorp, à laquelle le Danemarck avait enlevé le duché de Slesvic. A peine parvenu à l'empire, en 1762, il avait songé à forcer cette puissance à lui restituer l'ancien domaine de sa maison; des armées avaient été levées de part et d'autre, la guerre allait éclater dans le nord, lorsque le czar descendit du trône , après un règne de six mois. Catherine II qui lui succéda, jugeant plus convenable de ramener la bonne intelligence entre les deux branches principales de la maison de Holstein, conclut, avec le roi de Danemarck, un traité par (1) Conclus, en 1720.


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lequel elle renonçait, au nom de son fils, à la portion ducale du Sleswic, occupée par le roi de Danemarck, et se désistait de la portion du Holstein possédée par la branche de Gottorp, en échange des comtés d Oldenbourg et de Delmenhorst, qui passèrent a la branche cadette de Gottorp. duché de (le sont ces comtés qui formèrent , en 1774, le Holsteim Olden bourg. Ce traité provisoire fut ratifié à la majorité du grand-duc, et la traditition des pays échangés effectuée en 1773.

§ VI. Révolution de 1772. La révolution opérée en 1772 à Copenhague, est loin d'avoir eu la même importance que celte de 1660 ; celle-ci ne fit, pour ainsi dire, que transporter les rênes du gouvernement des mains de la reine régnante dans cell es dea reine douairière, sans toucher en rien à la constitution du royaume. On ne retrouve de commun dans ces deux événemens remarquables, que ce flegme et ce sang-froid avec lequel ils furent conduits l'un et l'autre, et qui semblent devoir garantir plus souvent les peuples du nord des excès qui signalent trop souvent ailleurs les temps de révolution. Nous emprunterons ici la plupart des faits des Mémoires de l'abbé Roman, témoin oculaire des événemens qu'il raconte. Le fils aîné et le successeur de Frédéric V, Christien VII, n'avait que dix-sept ans lorsqu'il prit en main les rênes de l'état ; la même année, il épousa une princesse d'Angleterre, sœur de Georges III, malgré les oppositions de la reine douairière, seconde femme de Frédéric V, qui, si nous en croyons l'auteur de l'Histoire des gouvernemens du nord (I), avait fondé sur la faible santé du roi l' espoir de voir passer le sceptre entre les mains de son propre fils, nommé aussi Frédéric. (1) Liv. 2 , chap. IV.


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Quoi qu'il en soit, cette union durait depuis peu de temps, et le roi parut affecter de négliger entièrement sa jeuneépouse, pour se livrer aux plus dégoûtantes débauches. Ce mépris marqué devait nécessairement aigrir le cœur de la reine, et la disposer à recevoir des impressions peu favorables à son époux. Un courtisan, peu connu jusqu'alors, un homme d'une naissance obscure, Struensée, eut l'art de profiter des circonstances , et de se conduire de manière à élever sa fortune au milieu des dissensions de la cour ; il forma, avec quelques autres personnages obscurs, un parti à la jeune reine, qu'il opposa à la reine-mère et au ministère : pour lors la guerre fut ouvertement déclarée : ce parti semble grossir malgré les obstacles qu'il a à surmonter ; il prend chaque jour de nouvelles forces, toutes les places, sont peu-à-peu données à ses adhérens, le ministère laisse enfin passer en d'autres mains son crédit, et se voit obligé de plier devant un ennemi qu'il n'avait pas même daigné craindre. Maîtresse des postes importans,la faction dont Struensée peut être regardé comme l'âme, s'empare de la personne du roi; on 1'entoure ; on l'isole, on le garde à vue; elle avait fait un pas immense vers l'autorité suprême, elle va faire le dernier, le plus important de tous-. On obtint que le roi ne travaillerait plus avec ses ministres, il leur fut ordonné d'apporter les portefeuilles , de les laisser jusqu'à ce que le roi les leur rendît, avec sa décision écrite sur chaque objet. Par-là, les ministres devinrent de simples commis, et toute l'autorité fut entre les mains de la reine et de Struensée. Dès-lors, la révolution était faite : aussi, tout ce qui tenait à l'ancien ministère fut définitivement écarté, et l'influence ministérielle détruite. Bientôt toute la magistrature de Copenhague fut renouvellée , le collège des Trente-deux, le plus cher privilège de la bourgeoisie, fut supprimé, au grand scandale du peuple, dit l'abbé Roman, qu'on aliéna tout entier par ce coup d'autorité. La réforme fut introduite dans


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le système économique comme dans le système politique; partout, des réductions sont introduites, des impôts abolis, des corvées diminuées; par-là, les nouveaux maîtres semblaient fixer leur pouvoir sur une base stable. Struensée, dont la fortune et les opérations étonnaient l'Europe, marchait chaque jour à une nouvelle puissance; bientôt il est fait ministre privé du cabinet, et il est enjoint à tous les collèges d'obéir à tous les ordres revêtus de sa seule signature. Il régnait sur le Danemarck et sur le cœur d'une reine jeune et belle; il tenait en ses mains le sort de l'état, il jouissait avec éclat de sa fortune, de son crédit et d'une autorité sans bornes; mais ce bonheur ne dura qu'un jour; le dernier terme du pouvoir fut le signal de sa perte. II fallait jouir sans bruit de sa nouvelle fortune. Pourquoi vouloir en effet se passer de la signature du monarque, dont il était le maître? Ne devait-il pas prévoir que cette démarche irriterait l'envie contre lui, sans rien ajouter à son. autorité ? Une autre mesure, qu'il faut à regret regarder comme une faute dans les circonstances où se trouvait le ministre détermina sa ruine; il accorda une liberté entière de la presse, sans songer qu'où le despostime règne, tout doit se régler despotiquement. Il n'y a point là en effet de mezzo termine; il ne faut pas placer au milieu d'un mécanisme dont toutes les parties concordent et forment une harmonie parfaite, un ressort étranger; il arrête l'action de tous les autres. Le premier usage qu'on fit de cette liberté, qu'un peuple plus digne d'en jouir eût regardée comme la faveur la plus signalée, fut de s'en servir contre son auteur :1a presse produisit un déluge de libelles, où le mépris était versé à pleines mains sur son administration. L'impulsion était donnée, on ne pouvait en arrêter l'effet;.ses ennemis devinrent bientôt plus audacieux, ses amis se refroidirent, le peuple se fa-


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miliarisa avec l'audace, lui-même mollit et manqua de fermeté ; il courut par degrés à sa perte, car dès qu'on jugea qu'il craignait, et malheureusement on put en avoir des preuves dans plusieurs circonstances : dès-lors , on ne craignit plus. Il veut faire des réformes, toutes ses opérations sont traversées, enfin le soin de sa conservation le force à employer des moyens souvent contraires à ses desseins , contraires quelquefois à l'intérêt public. Cependant le roi fut observé de plus près, car le ministre n'ignorait pas quelle force eût donné à ses ennemis, la présence du roi dans leurs rangs ; également incapable de commander et d'agir, son nom en eût toutefois grandement imposé à la multitude. Mais toutes mesures étaient inutiles, dès l'instant que les seules efficaces n'étaient pas employées. Plusieurs révoltes éclatent parmi les troupes de terre et de mer , on récompense, alors qu'il fallait punir; tandis que, d'un autre côté, en doublant la garde du château et de l'arsenal, en braquant des carions, en distribuant des cartouches; on exaspère le ressentiment du peuple indigné de ces précautions ; la cour tombe chaque jour dans l'opinion, elle n offre plus que pusillanimité; le peuple éclate en murmures, il ne cache plus sa haine, il affiche le mépris. Le parti de la reine mère qui avaitété long-temps comprimé, crut le moment favorable pour se montrer et reprit une nouvelle vigueur, à mesure que l'autorité s'échappait des mains de sa rivale; tout était arrêté depuis plusieurs jours ; elle, rassembla quelques amis dévoués, avec lesquels il fut convenu, la nuit du 16 au 17 janvier, de s'assurer de la jeune reine et de son favori ; on s'introduit en conséquence , dans la chambre du roi, et on arrache au faible monarque, l'ordre d'arrêter l'un et l'autre , ainsi que le comte Brandt, homme dévoué aux volontés du ministre et quelques autres per sonnages moins importans. Tout fut exécuté sur le champ. Le lendemain,le roi et la reine mère se montrèrent au peuple sur


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les balcons du château, d'où ils purent jouir des applaudissemens de la foule encore étonnée; à midi le monarque et son frère, parcoururent les rues, le peuple voulut traîner leur voiture; le soir mêmes acclamations à la comédie et illumination générale, effet d'un mouvement spontané; comme s'il se Fût agi de tout autre chose , que de voir passer les rènes du gouvernement absolu, de la main d'un maître dans celle d'un autre. Ce n'était plus la jeune reine qui dictait ses volontés au Danemarck, le peuple passait sous l'autorité de la reine douairière; car le roi conserva toujours le même rôle, avec le même caractère; c'est ainsi que le peuple se livrait à des réjouissances publiques, pendant qu'une commission extraordinaire condamnait à mort les malheureux Struensée et Brandt ; sans daigner même alléguer de justes motifs de condamnation (1) ; et montrait par cette conduite qu'un peuple qui a pu faire abnégation de sa liberté, ne mérite plus que des chaînes et du mépris.. g VIL

Depuis la révolution de 1772 jusqu'à nos jouisDans ces derniers temps, l'existence du Danemarck est, pour ainsi dire, oubliée, aumilieu des grands intérêts qui bouleversent l'Eupope ; on le voit cependant figurer dans cette confédération fameuse des puissances du nord connue sous le nom de neutralité armée , puis prendre parti pour la Russie dans une guerre contre la Suède, dont l' issue fut pour le Danemarck une neutralité parfaite reconnue par le traité de 1789 ; plus tard, en 1807. il fut attaqué par les Anglais qui forment le siège de Copenhague, et ne se retirent qu'à la suite d'une capitulation ; en 1808 il prit les armes les griefs allégués dans les devis jugemens, et surfont dans celui de (1) Brand ; ils sont rapportés l' un et l'autre daus les Mémoires de l'abbé Roman.


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contre la Suède et conclut avec elle, le 10 décembre de de l'année suivante, le traité de Jenkeping. A l'intérieur , point d'événemens remarquables, la loi royale est toujours la seule loi fondamentale de l'état, et trois actes seuls méritent d'être cités ici, l'abolition du servage déclaré, par édit du mois de janvier 1795 en faveur de tous les paysans Danois, de Norvvége et'du Jutland, et étendue plus tard aux deux duchés de Sleswic, et de Holstein (1) une déclaration du roi de Danemarck, sur la réunion à son royaume (2), du Holstein , et une ordonnance sur la liberté de la presse; tels sont en résumé les principaux traits que présente l'histoire de Danemarck jusqu'en 1813. A cette époque eut lieu un événement important, la cession faite à la Suède , du royaume de Norvége : voici dans quelles circonstances. Lors de l'accession de la Suède à la coalition formée contre la Fr ance, la Russie lui assura diverses indemnités, et particulièrement la possession de la Norvège ; on a dit pour justifier cet acte, et ce don d'une chose sur laquelle la Russie n'avait aucun droit, que le Danemarck, par son alliance avec Napoléon était devenu un ennemi commun , et que les puissances alliées pouvaient bien régler entre elles le sort futur d'une conquête éventuelle; (3) on examinera en traitant de la Norvége, si l'asservissement d'un peuple peut ainsi devenir le châtiment d'une faute qui lui serait étrangère, en supposant bien prouvé que ce fût toujours une faute de n'être pas de l'avis du plus fort. Quoiqu'il en soit, la Suède se diposa à soutenir par les armes son droit sur la Norvvége , et après quelques résistances de la part du Danemarck, il fut enfin forcé de (1) Pâr acte du 19 décembre 1804.

(•a) 9 septembre 1816. (3) Voy. Mémoires pour servir à l'histoire de Charles XIV, Jean, par MM. Coupé St-Donat et B. de Roquefort.


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ratifier la convention des hautes puissances , par le traité de Kiel et obtint en retour l'évacuation de ses états , la reconnaissance des droits du Sund , la remise d'impositions considérables, et enfin la promesse de la cession de la Poméranie. Ici, se termine notre tâche ; c'est à l'article Norvége qu'on, développera les généreux efforts des Norvégiens, pour fuir le joug qui les menaçaient, c'est là qu'on examinera ce qu'on a appellé l' expression , par l'organe de ses représentons vraiment libres de son voeu d'être unie à la nation suédoise.

TOME III.


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LOIS CONSTITUTIVES

LOIS CONSTITUTIVES

DU ROYAUME DE DANEMARCIv. LOI

ROYALE

(I).

FRÉDÉRIC III, par la grâce de Dieu, roi Je Danemarck ,et de Norvége, des Vandales et des Goths, duc de Slesvic, de Holstein, de Stormarie et de Dythmarse, comte d'Oldenbourg et de Delmenhorst. Savoir faisons, qu'instruits par l'exemple des autres, et par notre propre expérience, de la merveilleuse sagesse avec laquelle Dieu gouverne tous les empires et règle leurs destinées, nous reconnaissons que c'est à sa toute-puissance que nous devons rapporter la délivrance du péril pressant qui menaçait d'une ruine prochaine , dans les années précédentes , notre personne , notre famille royale, nos royaumes et nos provinces. C'est par sa bonté paternelle que nous en avons été préservés, et c'est par les soins de sa Providence que non-seulement nous sommes parvenus à une paix désirée, mais que notre sénat d'alors, et les états du royaume composés de la noblesse, du cierge et du tiers-état, ont Tésolu de renoncer au droit d'élection qui leur appartenait. En conséquence, ils ont trouvé bon de nous remettre toutes les copies de la capitulation que nous avions signée, et d'en annuler toutes les clauses et toutes les conditions, nous déchargeant du serment que nous fîmes losque nous parvîmes au trône, et nous déclarant absolument libres de toutes les obligations qu'il nous imposait. Les susdits états , de leur plein gré et propre mouvement, sans aucune sollicitation de notre part, nous ont en même temps donné, à titre de droit héréditaire, pour nous et nos descendans,

(x) Nous empruntons cette traduction à l'auteur des Lettres sur le Danemarck, qui nous a paru la plus littérale.


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issus d'un mariage légitime dans la ligne masculine et féminine, nos royaumes de Danemarek et de Norvège, avec tous les droits du pouvoir souverain , pour les exercer d'une manière absolue; et ils ont annulé, par une suite de cette disposition, les lettres obligatoires que nous donnâmes au nom de notre bien-aimé fils le prince Chrétien, en date du 16 juin 1650, la disposition provisionnelle signée en 1651, et en général, tout ce qu'il y avait dans tous actes, documens et constitutions, de contraire au droit de succession et au pouvoir absolu qui nous a été conféré. A quoi ils ont ajouté le pouvoir, non-seulement de régler selon notre bon plaisir la forme du gouvernement pour l'avenir; mais de déterminer encore celle de la succession, en marquant l'ordre dans lequel, les lignes, tant masculines que féminines, devront se succéder, et comment le royaume sera gouverné pendant une minorité, si le cas arrive. Nous requérant sur tous ces points de publier une ordonnance, qu' ils ont promis pour eux et pour leurs descendans de regarder comme une loi fondamentale, c'est-à-dire, une loi immuable qu'ils observeront religieusement dans tous ses articles, et à laquelle ni eux ni leur descendans ne pourront jamais contrevenir pour nous troubler, nous ou nos héritiers légitimes et nos descendans à perpétuité. Promettant au contraire par serment de la défendre au péril de leur vie, de leur honneur et de leurs biens, contre tous et chacun de ceux, tant de nos sujets que des étrangers qui pourraient l'attaquer, ou de parole ou d'effet, sans que jamais des raisons de haine, d'amitié, de crainte, de danger, d'utilité, de dommage, d'envie,ni aucun artifice humain, puisse les détourner, eux ou leurs descendans, de leurs devoirs à cet égard. Nous passons ici sous silence toutes les autres marques d'amour que nos chers et fidèles sujets nous ont données, qui sont autant de preuves de leur zèleQ pour la prospérité de notre maison royale héréditaire , et pour la sûreté et la tranquillité de nos états. Considérant donc, avec toute l'attention requise, le bienfait signalé que la Providence nous a accordé, et l'amour extrême que nos fidèles sujets nous ont montré ; nous avons pour y répondre, employé toutes les forces de notre esprit; a établir une forme de gouvernement et de succession, qui convienne essentiellement à un gouvernement monarchique, et nous avons trouvé bon de la consacrer par cette loi royale qui doit servir de loi fondamentale dans l'état, et 15.


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être à jamais observée par nos héritiers et leurs descendans, aussi bien que par tous les habitans de nos royaumes et provinces, sans aucune exception et sans qu'elle puisse jamais être sujette à aucun changement, ni contradiction, devant être tenue pour irrévocable à perpétuité. Art. 1 Dieu étant la cause et le principe de tout, la première, disposition que nous faisons par cette loi, c'est que nos successeurs et descendans, tant mâles que femelles, jusqu'à la postérité la plus reculée qui occuperont le trône de Danemarck et de Norvége par droit de succession , adoreront le seul et vrai Dieu, de la manière dont il s'est révélé dans sa sainte parole, telle qu'elle est expliquée dans notre confession de foi, faite en conformité de celle d'Augsbourg de l'année 1530 ; voulant qu'ils prennent soin d'entretenir cette religion dans toute sa pureté dans leurs royaumes, qu'ils la protègent et la défendent de tout leur pouvoir, dans tous leurs états contre tous hérétiques, sectaires et blasphémateurs. 2. Les rois héréditaires de Danemarck et de Norvège seront en effet et devront être regardés par tous leurs sujets, comme les seuls chefs suprêmes qu'ils aient sur la terre. Ils seront au-dessus de toutes les lois humaines, et ne reconnaîtront, dans les affaires ecclésiastiques et civiles, d'autre juge ou supérieur que Dieu seul. 3. Il n'y aura donc que le roi qui jouisse du droit suprême de faire et d'interprêter les lois, de les abroger, d'y ajouter ou d'y déroger. Il pourra aussi abolir les loix que lui-même ou ses prédécesseurs auront prescrites (à la réserve de cette loi royale qui doit demeurer ferme et irrévocable comme loi fondamentale de l'etat,) et accorder des exemptions tant réelles que personnelles à tous ceux qu'il jugera à propos de dispenser de 1'obligation d'obéir aux lois. 4. De même il n'y aura que le roi qui ait le pouvoir suprême de donner ou doter les emplois selon son bon plaisir, de nommer les ministres et officiers, grands ou petits, sous quelque nom ou titre qu'ils soient employés au service de l'état; de sorte que toutes les dignités et tous les offices, de quelque ordre qu'ils soient, tireront leur origine du pouvoir suprême du prince comme de leur source. 5. C'est au roi seul qu'appartient le droit de disposer des forces et des places du royaume. Il aura seul le droit de faire la guerre, avec qui et quand il trouvera bon, de faire er


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des traités, d'imposer des tributs et de lever des contributions de toute espèce, puisqu'il est clair qu'on ne peut défendre les royaumes et les provinces qu'avec des armées, et qu'on ne peut entretenir des troupes qu'au moyen des subsides qui se lèvent sur les sujets. 6. Le roi aura la jurisdiction suprême sur tous les ecclésiastiques de ses états, de quelque rang qu'ils soient. C'est à lui de déterminer et de régler les rits et les cérémonies du service divin, de convoquer les conciles et les synones, assemblés pour régler les affaires de religion, et d'en déterminer les sessions; en un mot, le roi réunira seul dans sa personne tous les droits éminens royaux et de la souveraineté, quelque nom qu'ils puissent avoir, et il les exercera en vertu de sa propre autorité. 7. Toutes les affaires du royaume, les lettres et les actes publics ne seront expédiés qu'au nom du roi. Ils seront scellés de son sceau et signés de sa main , dès qu il sera parvenu à l'âge de majorité. 8. Le roi sera majeur à quatorze ans, c'est-à-dire après treize ans accomplis, et dès qu'il sera entré dans la quatorzième année de son âge. Dès ce moment, le roi déclarera publiquement lui-même qu'il est son maître, et qu'il ne veut plus se servir ni de tuteur ni de curateur. 9. On suivra, pour l'établissement de la tutèle, pendant une minorité, les dispositions qu'aura laissées le roi précédent dans son testament par écrit. Mais s'il n'y avait point de pareilles dispositions ou de testament, la reine veuve, mère du roi mineur, sera régente du royaume, et se servira , pour s'aider dans les fonctions de la régence, des sept premiers conseillers et officiers du roi. La reine conjointement avec eux formera le conseil chargé de gouverner le royaume , et tout y sera réglé à la pluralité des suffrages, en observant que la reine aura deux voix, tandis que les autres n'en auront qu'une. Du reste toutes les lettres, toutes les ordonet en général toutes les affaires du royaume, seront expédiées au nom du roi, quoiqu'il n'y ait que la régente et es tuteurs régens qui signent les actes. mère du roi, était morte ou se remariait, ceSiprinces la reine, nu10.des du sang qui est le plus proche parent du roi, dans la ligne descendante de notre maison, pourvu qu'il soit dans le royaume et qu'il puisse toujours y être, sera régent du royaume, ( à condition qu'il ait atteint l'âge de majorité,


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c'est-à-dire, qu'il soit entré dans sa dix-huitième année). Il aura pareillement deux voix au conseil : à tous les autres égards on observera ce qui a été prescrit ci-dessus. 11. Mais si le susdit prince du sang n'était point encore majeur, et s'il n'y avait point d'autre prince du sang, les susdits sept premiers officiers du roi, dont nous avons cidessus parlé, exerceront seuls la tutèle, et gouverneront le royaume. Ils jouiront tous d'une autorité égale, et auront chacun leur voix, et du reste on se conformera à ce qui a été dit ci-devant. 12. Si la place de quelqu'un des tuteurs chargés de l'administration, venait à vaquer, par la mort ou par quelque autre accident, ses collègues doivent prendre soin de la remplir aussitôt, par un choix qui soit digne de cet emploi. Le successeur prendra la place de celui à qui il succède dans la tutèle, et occupera au conseil la même place que celui qui l'aura précédé. 13. Le régent et tous les tuteurs prêteront au roi serment, non-seulement de lui être affectionnés et fidèles, mais ils s'obligeront encore spécialement en qualité de tuteurs, et pendant la minorité du roi, à maintenir dans le cours de leur administration le pouvoir absolu et monarchique du roi, ainsi que son droit héréditaire, et de le conserver dans toute son étendue pour lui et ses successeurs. Ils promettront en outre de gouverner comme gens qui doivent rendre COIIlpte de leur administration à Dieu et au roi. 14. Dès que la régente ou le régent et les tuteurs, après avoir prêté serment, auront pris possession de leurs emplois, ils feront ausssitôt dresser un étal de tout ce qui appartient à ces royaumes et aux provinces qui eu dépendent. Ils y comprendront les villes et les forteresses, les terres, les joyaux, l'argent, l'armée et la flotte, les revenus et les dépenses du roi, pour qu'on soit instruit exactement de la situation du royaume, lorsqu'ils auront pris la tutèle. Ils feront ensuite obligés de rendre compte au roi sur le pied de cet état sans aucun détour, de lui répondre de tout, et de l'indemniser des pertes qu'il aura souffertes par leur faute, dès qu'il aura atteint l'âge de majorité. 15. Le trône de ces royaumes et de ces provinces ne sera jamais censé vacant, tant qu'il y aura des descendans dans la ligne masculine et féminine , qui tireront leur origine de nous. Lors donc que le roi sera mort, celui qui sera le plus


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proche dans la ligne , sera sur le champ et actuellement roi de nom et de fait. Il montera immédiatement sur le trône et prendra incontinent le titre de roi, puisque la dignité Royale et le pouvoir monarchique absolu lui appartiennent par droit de successassion , dès le moment que son prédécesseur n'est plus. 16. Et quoique les Etats du royaume composés des nobles, du clergé et du tiers-état, en nous conférant à nous et à tous nos descendans dans la ligne masculine et féminine le pouvoir illimité , pour en jouir par droit de succession , aient par-là établi que dès qu'un roi est mort, la couronne, le sceptre, le titre, et le pouvoir de monarque héréditaire sont, par-là même, dévolus à son plus proche héritier, en sorte que toute tradition ultérieure n'est plus requise puisque dorénavant les rois de Danemarck et de Norvège, tant qu'il y aura quelque rejeton de notre famille royale, naissent tels sans avoir besoin d'élection ; cependant pour faire connaître à l'univers que les rois de Danemarck et de Norvége placent leur principale gloire à reconnaître leur dépendance de l'Etre-Suprême, et tiennent à honneur de recevoir la bénédiction de Dieu par ses ministres , pour se le rendre favorable en commençant leur règne, nous voulons que les rois soient sacrés publiquement et dans l'église , avec les cérémonies et selon les rits que la religion et les bienséances exigent. 17. Le roi cependant ne sera tenu ni à prêter serment, ni à prendre aucun engagement, sous quelque nom ou titre que ce puisse être, de bouche ou par écrit envers qui que ce soit, puisqu'on qualité de monarque libre et absolu , ses sujet ne peuvent ni lui imposer la nécessité du serment , ni lui prescrire des conditions qui limitent son autorité. 18..Le roi peut fixer le jour de son sacre comme il le trouvera à propos, lors même qu'il ne serait pas encore majeur , et il doit se hâter d'implorer par cet acte religieux la bénédiction de Dieu et le secours puissant qu'il accorde 9 son oint. Quant aux cérémonies qui doivent s'y observer , il. en ordonnera comme il trouvera bon, selon les circonstances. 19. Et puisque la raison ainsi que l'expérience de chaque jour démontrent que des forces réunies ont bien plus de pouvoir que si. elles étaient séparées, et que plus l'empire d'un prince est considérable, mieux aussi il peut se défen-


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dre, ainsi que ses sujets, contre toute attaque étrangère; nous voulons que nos royaumes héréditaires de Danemarck et de Norvège, avec toutes les provinces et les pays qui en dépendent, les îles., les places fortes, les droits royaux, les joyaux, l'argent monnayé et tous les autres effets mobiliers, l'armée et toutes les munitions, ainsi que les équipages, la flotte et tout ce qui lui appartient, enfin tout ce que nous possédons actuellement, et tout ce qui pourra appartenir dans la suite à nous ou à nos successeurs par les droits de la guerre, de succession ou en vertu de quelque autre titre légitime; nous voulons, disons-nous, que toutes ces choses, sans aucune exception, demeurent unies et indivises sous un seul roi héréditaire de Danemarck et de Norvège, et que les princes du sang de l'un et de l'autre sexe, contens de leurs espérances, attendent la succession à laquelle ils peuvent être appelés , selon l'ordre que nous établirons. 20. Et puisque, par l'article précédent, nous venons de statuer (voulant que ce soit un article essentiel de cette loi, et qui ne puisse être changé sous aucun prétexte), que les royaumes et provinces que nous possédons actuellement, et que nous pourrions acquérir dans la suite, ou par succession, ou par quelque autre titre légitime, ne puissent jamais être séparés, ni divisés; nous voulons aussi que nos successeurs assurent aux autres enfans de la maison royale une subsistance convenable et honorable, telle que l'exige leur naissance, dont ils seront obligés de se contenter en argent ou en terres; et si on leur assigne des terres, sous quelque titre honorifique, que ce soit, ils n'en auront que les revenus annuels et l'usufruit pendant leur vie, le fonds lui-même demeurant toujours assujéti à l'autorité souveraine du roi. Ce qui devra aussi s'observer pour les terres qui constitueront le douaire de la reine. 21. Aucun prince du sang demeurant dans les royaumes ou dans les provinces de notre domination, ne pourra se marier, sortir de nos états, ou entrer au service des princes étrangers sans en avoir obtenu la permission du roi. 22. Les filles et les sœurs du roi seront entretenues comme il convient à des princesses, jusqu'à ce qu'elles se marient du consentement du roi. Elles recevront alors leur dot en argent comptant, et elle sera réglée suivant le bon plaisir du roi. Elles n'auront plus ensuite aucune prétention


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à former, soit pour elles, soit pour leurs enfans, jusqu'à ce qu'elles ou leurs enfans soient appelés au trône. 23. Le roi venant à mourir, si celui qui est son plus proche héritier se trouvait absent lorsque le trône sera devenu vacant, il devra se rendre, toutes affaires cessantes et sans délai, dans son royaume de Danemarck, y établir sa demeure et sa Cour, et prendre sur-le-champ les rênes de l'état. Mais si celui qui se trouve le plus proche et par conséquent héritier légitime du roi décédé, négligeait de se présenter dans l'espace de trois mois, à compter du premier jour où on lui aura annoncé la mort de son prédécesseur, à moins qu'il n'en lût empêché par des raisons de santé ou par quelque autre cause légitime, celui qui le suit immédiatement dans la ligne, et qui après lui serait le plus habile à succéder, montera sur le trône. Quant à la régence et au gouvernement du royaume jusqu'à l'arrivée du roi, on observera ce qui a été statué ci-devant dans cette loi sur la régence et la tutelle. 24. Les princes du sang de l'un et de l'autre 5cxe auront, après le roi et la reine le premier rang dans le royaume, et ils observeront entre eux, pour la préséance, le même ordre où ils se trouveront dans l'ordre et le droit de succession. 25. Ils ne comparaîtront devant aucun juge inférieur, puisque le roi lui-même est leur juge en première et dernière instance, ou devant celui qu'il commettra pour cet effet. 26. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici du pouvoir et de l'éminence de la souveraineté , et s'il pouvait y avoir quelque chose de plus qui n'eût pas été ici expressément et spécialement énoncé , sera compris et renfermé dans l'exposition précise que nous allons faire de nos intentions à cet égard. Le roi de Danemarck et de Norvège sera un roi héréditaire et revêtu du plus haut pouvoir, ensorte que tout ce qui se peut dire et écrire à l'avantage d un roi chréen absolu et héréditaire, devra aussi s'entendre dans le sens le p us favorable du roi héréditaire de Danemarck et de Norvège, La même chose s'entendra aussi de la Reine héréditaire et souveraine de Danemarck et de Norvège, si , dans la suite ues temps, la succession parvenait à quelque princesse du sang royal. Et comme l'expérience , ainsi que les funestes exemples d'autres pays , montrent combien il est pernicieux d'abuser de la clémence et de la bonne foi des rois ,


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et des princes, pour diminuer leur pouvoir et autorité, comme cela a été pratiqué avec art par différentes personnes, et même par ceux de leurs serviteurs , qui avaient le plus de part à leur confiance , au grand préjudice des affaires publiques et de l'intérêt des rois, ensorte qu'il eût été fort à souhaiter en divers lieux, que les rois et les princes eussent veillé à la conservation de leur autorité avec plus de soin qu'ils n'ont souvent fait : Nous ordonnons très-sérieusement à tous nos successeurs les rois héréditaires et souverains de Danemarck et de Norvège , de prendre un soin tout particulier de défendre leur droit héréditaire et leur domination absolue, sans souffrir qu'on lui porte jamais d'atteinte; et nous leur recommandons de la conserver telle que nous venons de l'établir dans cette loi royale , pour la transmettre à jamais, de génération en génération , à tous nos descendans. Et pour rendre notre volonté d'autant plus stable , nous voulons et entendons que si quelqu'un , de quelque rang qu'il soit, osait faire ou obtenir quelque chose qui, de quelque manière que ce pût être, fût le moins du monde, contraire à l'autorité absolue du roi et à son pouvoir monarchique, tout ce qui aura été ainsi accordé et obtenu, soit censé nul et de nul effet , et ceux qui auront eu l'adresse d'obtenir de pareilles choses, seront punis comme coupables du crime de lèze-majesté , et comme des gens qui ont violé, d'une manière criminelle l'éminence du pouvoir absolu et monarchique du foi. 27. Ayant établi ci-dessus qu'il n'y aurait qu'un seul roi souverain et maître dans ces royaumes et dans les provinces qui nous appartiennent actuellement, ou qui nous appartiendront dans la suite, et de plus ordonné que les autres enfans de la famille royale se contenteront, au moyen d'un entretien digne de leur naissance, que le iv)i règlera, de l'espérance de succéder au trône à leur tour; pour prévenir et lever toute espèce de difficulté, nous avons résolu de marquer ici, en peu de mots, l'ordre de succession dans lequel chacun doit parvenir au trône. Les descendans mâles nés d'un légitime mariage, auront donc droit les premiers à la succession de ce royaume héréditaire, et tant qu'il y aura un mâle issu d'un mâle , ni une femelle issue d'un mâle, ni un mâle ou une femelle issus d'une femelle, ni qui que ce soit de la ligne féminine, ne pourra demander la couronne par droit de suce ssion , aussi long-temps qu'il y aura quel-


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que héritier nécessaire et légitime dans la ligne masculine, en sorte même qu'une femelle issue d'un mâle sera préférée au mâle issu d'une femelle. 28. Dans l'ordre généalogique des héritiers du trône , on aura soin d'observer exactement les lignes , et de ne pas omettre , à cause de l'âge, une ligne au préjudice de l'autre, le fils succédera donc immédiatement à son père, et tant qu'il y aura un mâle dans la première ligne masculine, la seconde ligne masculine sera exclue , et ainsi de suite de ligne en ligne. Et, si le droit de succession à ce royaume parvenait aux femelles , on admettra d'abord les lignes féminines qui descendent de nous dans la ligne masculine par les fils , et ensuite celles qui descendent de nous dans la ligne féminine par les filles ; une ligne succédant ainsi à l'autre, et une personne à l'autre, ayant toujours égard au droit de primogéniture, et, pour exprimer la chose en deux mots, les mâles seront toujours préférés ; les lignes masculines seront toujours les premières, et entre ceux du même sexe et de la même ligne , l'aîné passera avant le cadet par droit de primogéniture. 29. Pour exposer l'ordre de la succession si clairement, qu il n'y ait à l'avenir aucun sujet ni prétexte de difficulté sur l'interprétation des mots de cette loi royale, nous avons trouvé bon de donner, dans la personne de nos en faits, un exemplede la manière dont elle doit être entendue. Lors donc qu'il plaira à la Providence de nous donner la couronne éternelle et céleste, au lieu de celle que nous portons à présent, les royaumes de Danemarck et de Norvège, ainsi que nos autres provinces, passeront en entier avec le pouvoir illimité et souverain dont nous sommes revêtus, à notre fils aîné, le prince Chrétien ; en sorte que tant qu'il y aura des héritiers mâles dans les lignes masculines qui descendent de lui, quand même il serait mort avant que de parvenir à la succession, ni le prince Georges, et les lignes qui sortiront de lui ni ses sœurs et les lignes qu'elles formeront, ,ne pourront avoir aucun droit sur nos royaumes ou provinces à titre de succession. 30. Si la postérité mâle des fils et petits-fils du prince C hétien venait à s'éteindre, fut-ce dans la génération la plus reculée, on admettra d'abord, et en premier lieu, les lignes masculines qui tireront leur origine du prince Georges notre second fils, et elles posséderont, par droit de succes-


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sion à jamais, la souveraineté de nos royaumes et provinces en entier, et sans qu'il soit permis d' en faire aucun partage , un prince succédant à l'autre, et une ligne à l'autre, aussi long-temps qu'il y aura des mâles issus de mâles, ayant toutefois égard à l'âge entre ceux qui, étant du même sexe, se trouvent aussi dans la même ligne; en sorte que le frère aîné sera toujours préféré au cadet, lors même qu'il serait né avant que son père parvînt au trône, et que le cadet fut né depuis que son père aurait acquis la succession. La même règle devra s'observer à l'égard de tous nos fils, si Dieu trouve à propos de bénir notre mariage en nous en donnant un plus grand nombre. 31. Si par malheur il arrivait (ce qu'à Dieu ne plaise) que tous les descendans mâles de notre race masculine vinssent à décéder, la succession au trône sera dévolue aux filles des fils du dernier roi, et à leur ligne s'il y en a ; sinon elle parviendra aux propres filles du dernier roi, d'abord à l'aînée et aux lignes qui en descendront successivement, admettant une ligne après l'autre. Entre les personnes qui sont dans la même ligne, il faudra d'abord avoir égard au sexe, et ensuite à l'âge, en sorte que le fils précédera toujours la fille, et l'aîné le cadet, ce qui, devra être constamment observé. 32. Si le dernier roi ne laisse point de filles après lui, la princesse du. sang, qui, dans la ligne masculine, sera la plus proche de lui, héritera du royaume, ainsi que les lignes qui pourront descendre d'elle, l'une après l'autre, comme nous l'avons ci-dessus explique. 35. Après elle, la plus proche parente du feu roi, qui se trouvera dans les branches féminines qui descendent de nous par les mâles, aura le royaume par droit de succession, et après elle ses fils et ses petits-fils, l'un après l'autre, une ligne succédant à l'autre, ainsi qu'il est prescrit plus haut. 34. Si les lignes de nos fils, tant masculines que féminines venaient à s'éteindre, la succession au trône sera dévolue aux lignes des princesses nos filles, et d'abord à la princesse Anne-Sophie comme à l'aînée, à ses fils et petitsfils jusqu'à la génération la plus reculée; ensuite aux autres, l'une après l'autre, et une ligne après l'autre; en sorte cependant qu'entre ceux qui sont dans la même ligne, on aura d'abord égard au sexe , ensuite à l'âge , préférant le fils à la fille, et l'aîné au cadet; et tant qu'il restera quelque


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rejeton de notre famille , la souveraineté de ces royaumes et provinces lui appartiendra toujours par droit de succession , soit que ce soit un prince ou une princesse, en observant qu'une ligne succède à une autre ligne, et une personne à une autre personne. 35. La fille de la fille aînée, même dans le degré le plus éloigné, sera toujours préférée au fils et à la fille de la fille cadette , et il ne sera point permis de passer d'une ligne à l'autre. La seconde ligne sera donc obligée d'attendre l'extinction de la première, la troisième celle de la seconde, la quatrième celle de la troisième, ainsi de suite. 36. Si la succession au troue parvenait au fils d'une fille , et s'il laissait des héritiers mâles après lui, il faudra à tous égards en user envers les lignes masculines qui en descendront, de la même manière que nous avons ordonné qu'on en use à l'égard des lignes masculines qui descendront de nous, c'est-à-dire, que tous les mâles dans. la ligne masculine qui en naîtront devront succéder au trône par préférence à tous les autres , l'un après l'autre, et une ligne après l'autre, en sorte que l'aîné soit toujours préféré au cadet, et pour tout dire en un mot , le mâle issu d'un mâle sera préféré à à la femelle issue d'un mâle, et la femelle issue d'an mâle sera préférée à la femelle et au mâle issus d'une femelle. A tous les autres égards on suivra les règles ci-dessus prescrites. 07. Au reste c'est aux filles et à leurs enfans et petits-enfans dans un ordre perpétuel, qu'appartiendra la succession au trône. Les maris des filles n'y auront aucun droit, et n'auront aucune part au gouvernement monarchique de ces royaumes : et malgré l'autorité dont ils peuvent jouir dans leurs propres états, dès qu'ils seront dans le royaume, ils ne pourront s'y arroger aucun pouvoir, et ils devront honorer la reine héréditaire, lui céder la droite et la presséance. 38. L'enfant qui est dans le sein de sa mère, sera compté parmi les enfans et les petits-enfans, ensorteque quand même il naîtrait après la mort de son père, il ne laissera pas de prendre place , avec les autres dans la ligne de succession. 39. Nous espérons de la miséricorde de Dieu et de sa bénédiction paternelle, que notre maison royale héréditaire sera a jamais florissante et s'accroîtra de jour en jour. Mais de peut qu'à 1'avenir il n'y ait des contestations ou des er-


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reurs sur l'Age Je ceux qui réclament la succession , causées par la multitude de nos lignes descendantes ou collatéralles , ou de la confusion entre ces lignes ; nous voulons et ordonnons bien expressément que dès qu'il naîtra quelque fils ou fille dans notre famille, les parens de ce prince, ou de cette princesse annoncent sans perte de temps son nom et Je jour de sa naissance au roi, s ils veulent conserver à leurs enfans le droit de succession de ces royaumes et provinces ; et ils devront se faire expédier par le roi un acte qui atteste qu ils se sont acquittés de ce devoir, dont on gardera une copie dans nos archives. On gardera aussi un tableau généalogique de notre maison royale et héréditaire, 40. Tout ce que «nous avons dit jusqu'ici des enfans, et des petits-enfans jusques dans la postérité la plus reculée, devra s'entendre seulement des enfans légitimes , et de nul autre : les fils et les filles légitimes, nés d'un légitime mariage, sortis de la tige royale héréditaire, descendans de nous , étant les seuls enfans et petits-enfans dont nous avons prétendu parler dans cette loi. Nous nous flattons d'avoir, autant que la prudence humaine en est capable, réglé et disposé toutes choses de la meilleure manière, et de la façon qui nous a paru la plus propre pour éviter tout inconvénient, et pour assurer la paix et la tranquillité de nos sujets, en les mettant à couvert de tout trouble et de toute dissension domestique. Cependant comme les desseins des hommes les plus sages sont tous dans la main de Dieu, et puisque malgré les précautions les plus prudentes, il n'y a cependant que l'Etre-Suprême qui par son concours donne une heureuse issue à toutes sortes de dispositions; nous recommandons dans tous les siècles à sa divine providence et à sa protection paternelle, notre maison royale héréditaire, nos royaumes et nos provinces avec tous leurs habitans. Donné sous notre sceau, dans notre château royal de Copenhague, le 14 novembre 1665. FRÉDÉRIC.


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ORDONNANCE

Qui fixe les limites de la Liberté de la Presse, (27 septembre 1799. ) Nous Chrétien VII, par la grâce de Dieu, roi de Danemarck et de Norvège, des Vandales et des Goths, duc dé Sleswick, de Holstein, de Stormarie, de Dytmerse et d'Oldenbourg ; Sa voir faisons, que voulant et désirant en général que chacun de nos chers et fidèles sujets jouisse du plus haut degré dé liberté compatible avec le bon ordre dans l'état, nous chérissons particulièrement la liberté de la presse, parce que nous la considérons comme le moyen le plus efficace de répandre la lumière et les connaissances utiles dans toutes les classes des citoyens. Afin de favoriser un objet si bienfaisant pour l'humanité, peu après notre avènement au trône, nous avons aboli la censure, donnant ainsi à tout homme instruit et honnête la faculté de communiquer au public les résultats de ses méditations, et d'exprimer sans empêchement sa pensée et ses opinions sur tout ce qui peut contribuer au bonheur de la société. Mais en lui accordant une liberté illimitée, la presse deviendrait l'instrument de toutes sortes de passions, et entraînerait des conséquences dangereuses pour la tranquillité publique et pour la sûreté des particuliers. Ainsi, la liberté de la presse doit être dirigée par des dispositions légales vers le bien public, qui est son but ; et puisqu'elle forme une partie de l'instruction publique, elle doit être soumise à la surveillance du gouvernement. C'est donc notre devoir, en notre qualité de roi et de législateur, de mettre des bornes à ses abus et d'empêcher. qu'elle ne dégénère en licence effrénée, et ne devienne entre les mains des méchans le moyen de saper impunément les bases de la société, et de troubler la tranquillité publique, si intimement liée avec la vraie liberté civile. Nous avons, à différentes reprises, cherché à prévenir de pareils abus, et particulièrement par notre rescrit du 5 décembre 1790. Mais nous apprenons avec un déplaisir extrême que nos


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lois a cc sujet sont encore constamment violées, et qu' usant d'une impudence punissable, quelques malveillans se permettent journellement d'attaquer et d'insulter tout ce qui, dans une société civile quelconque, doit être sacré et respectable, et qu'en semant de fausses idées, ils cherchent, à mettre en circulation des principes erronés sur les objets les plus importans pour l'homme et pour le citoyen, exposant ainsi la portion la moins éclairée du peuple, et surtout la eunesse, au danger d'être égarées et corrompues. Il est vrai que le moyen le plus efficace de prévenir des manœuvres si criminelles, serait de soumettre tout écrit à la censure,avant qu'il pût être imprimé; mais cette mesure coërcitive étant par elle-même extrêmement désagréable à tout homme honnête et instruit qui désire faire tourner ses connaissances au profit du public, nous avons résolu de ne pas en faire usage; nous aimons mieux essayer de fixer par cette loi, avec toute l'exactitude possible, les bornes de la liberté de la presse , et y ajouter les dispositions pénales les plus convenables contre tous ceux qui oseront à l'avenir enfreindre nos ordonnances bienfaisantes et paternelles. . Nous avons aussi résolu d'adoucir les peines portées par le code de lois actuellement en vigueur, autant qu'il est possible de le faire sans nuire à l'effet qu'en les établissant le législateur s'est proposé de produire ; mais d'un autre côté, afin de protéger efficacement le droit de chacun à la considération civile, l'un des plus sacrés dans la société , nous avons cru devoir établir des punitions corporelles contre la diffamation, et la calomnie. Et comme l'expérience prouve que la basse et lâche méchanceté se couvre ordinairement du voile de l'anonyme, tandis que la justice exige que chacun réponde, non-seulement de ses discours et de ses écrits, mais encore de tout ce qu'il pourra publier et répandre par la voix de 1'impression, et que, par conséquent, ni dans l'un ni dans l'autre de ces cas, son nom ne doit reste caché, nous avons jugé convenable de défendre l'anonyme, et d'imposer l'obligation de se nommer à tout individu qui publiera à l'avenir un ouvrage imprimé. Conformément aux principes ci-dessus détaillés, nous ordonnons ce qui suit : Art. 1" Quiconque aura publié, par la voie de l'impression , un ouvrage tendant à provoquer ou à conseiller un changement dans la forme du gouvernement établie par la


DU ROYAUME DE DANEMARCK. 2/it loi fondamentale du royaume, à provoquer ou à conseiller de se révolter contre le roi, ou à résister à ses ordres, sent puni de la peine de mort. 2. Quiconque, dans un ouvrage imprimé , aura blâmé ou voué au mépris la constitution de ces royaumes, ou le gouvernement du roi, soit en général, soit à l'occasion de quelque acte isolé, ou qui aura cherché à en faire un objet de haine et de mécontentement, sera puni d'exil; et si, après avoir été déporté hors des Frontières, il se permet de rentrer dans nos états et royaumes, sans y avoir été dûment autorisé, il sera puni de travaux forcés à perpétuité. 5. Quiconque, par le même moyen, aura blâmé ou voué au mépris la forme du gouvernement monarchique en général , sera puni de la peine d'exil : le minimum de là durée ne pourra être au-dessous de trois ans, ni le maximum au-dessus de dix ans. En déterminant cette durée, les juges prendront en considération la culpabilité plus ou moins grande de l'accusé. 4. Quoique nous sachions fort bien nous mettre au-dessus de toutes les injures personnelles dirigées contre nous, et que nous soyons persuadés que les princes et les princesses de notre famille partagent à cet égard nos sentimens, néanmoins, en notre qualité de législateur, nous ne pouvons pas négliger de pareils crimes, ni nous dispenser de les faire réprimer par des punitions convenables , c'est pourquoi nous ordonnons que, dans le cas où, par la voie de l'impression, quelqu'un aurait cherché à répandre des bruits injurieux ou déshonorans pour la personne du roi, de la reine, ou des princes de notre famille, celui qui se serait rendu coupable d'un pareil crime, sera puni de la peine d'exil, conformément à la gravité du cas, soit à perpétuité, soit pendant un temps déterminé, dont le minimum sera de trois ans, et le maximum ne pourra excéder dix ans. 5. Quiconque aura publié un ouvrage tendant à détruire Je dogme de l'existence de Dieu, et celui de l'immortalité de ame, ou qui, par le moyen d'un ouvrage imprimé, aura blâmé ou voué au mépris ces dogmes de la religion chrétienne, qui, conformément à la constitution et aux lois de nos royaumes, doivent être défendus et maintenus préférament à tous autres, sera puni de la peine d'exil, dont le TOME III. 16


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minimum sera de trois ans, et le maximum ne pourra excéder dix ans. Voulant, au reste, accorder notre protection au culte de toute autre communion religieuse tolérée dans nos états, nous ordonnons que celui qui aura scandalisé l'une ou l'autre, de ces communions religieuses, en raillant leur confession de foi ou leur religion , sera, sur la plainte de ceux que cela concerne, puni de prison, au pain et à l'eau pendant quatre jours. 6. Quiconque, dans un ouvrage imprimé, aura répandu des rapports mensongers sur une partie importante de la situation de l'état, ou sur les résolutions et les mesures du gouvernement, sera puni de travaux dans une maison de correction, de deux mois à deux ans, selon la gravité des inconvéniens et des dommages qui auront été ou qui auraient pu être occasionnés par la mise en circulation du rapport mensonger. 7. Notre intention n'étant nullement d'empêcher tout homme honnête ou instruit de communiquer au public , en employant un langage franc et décent, ses idées sur ce qu'il pourrait croire utile au bien général, il ne sera défendu à personne de publier ses opinions concernant les améliorations et les perfectionnemens qu'il croirait nécessaires d'apporter aux lois, aux ordonnances, et aux instructions publiques du pays; bien entendu néanmoins que l'auteur doive s'exprimer avec modestie, et qu'il n'oublie point le respect, qu'en sa qualité de citoyen et de sujet, il doit au gouvernement et au législateur. Quiconque aura contrevenu à cette disposition , en raillant le gouvernement avec amertume, ou en critiquant ses mesures en termes indécens et irrespectueux,sera puni d'emprisonnement au pain et à l'eau de quatre à quatorze jours, pourvu que son d élit ne soit pas assez grave pour tomber sous les dispositions de l'article 2 de cette loi. 8. S'il s'imprime dans nos royaumes un écrit injurieux à une puissance étrangère notre amie, soit en blâmant et en vouant au mépris les personnes régnantes, soit en attribuant à leur gouvernement des actes injustes et honteux, sans citer aucune autorité, l'auteur coupable sera puni de travaux forcés dans une maison de correction, de trois mois à trois ans, selon la gravité de l'injure. 9.. Sera puni d'emprisonnement au pain et à l'eau? de quatre


DU ROYAUME DE DANEMARCK. 2A3 à quatorze jours, l'auteur d'un écrit imprimé qui blesse la pudeur et la morale. 10. Si, dans un ouvrage, il a été porté contre nos ministères, nos tribunaux ou nos autres magistrats, des inculpations concernant leur administration, il nous sera présenté sur cette affaire, si elle est d'importance , un rapport, pour qu'après mûre délibération, nous décidions si elle sera poursuivie, et le coupable mis en accusation et puni selon son délit. Au reste, tout fonctionnaire public accusé de malversation dans l'exercice de ses fonctions , sera obligé de se purger par sentence, et il lui sera accordé pour cet effet le bénéfice de procès gratuit ; nous nous réservons de décider, selon les circonstances, si jusqu'à la fin d'un tel procès, le fonctionnaire inculpé continuera d'exercer ses fonctions, ou si, en attendant, il s'en abstiendra , conformément aux dispositions de notre code de lois. Mais si L'inculpation est injurieuse au plus haut degré, et si en même temps sa fausseté est évidente ou seulement probable, et particulièrement si elle s'adresse à nos ministères, nos tribunaux, ou. les plus éminens de nos fonctionnaires, nous voulons que l'auteur de l'écrit soit poursuivi par le fiscal-général, ou par un autre accusateur à cet effet nommé. Bien entendu d'ailleurs, que dans le cas présent, comme dans tout autre procès pour calomnie entre particuliers, lorsque l'inculpation est bien déterminée, l'auteur sera admis de droit à fournir les preuves de la vérité de son inculpation. Si, au contraire, l'auteur n'a énoncé aucun fait positif et déterminé, s'il n'a fait que des inculpations vagues contre un fonctionnaire public, ou contre un particulier quelconque, il ne lui sera pas permis, sous prétexte de prouver ses accusations, de procéder par forme d'enquête contre l'individu dont la réputation aura été par lui attaquée. 11. Les particuliers qui, par un abus de la liberté de la presse, auront été injuriés, seront libres de porter leurs poursuites devant les tribunaux. Mais comme il importe à nous et au public de ne point voir entachée la réputation < es onctionnaires de l'état, ceux-ci seront tenus de faire examiner et juger par le tribunal compétent toute inculpation injurieuse, lors même qu'elle n'aurait été dirigée que contre leur vie et conduite privées. 16.


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12. Toute calomnie, et toute attaque non méritée contre l'honneur et la bonne conduite d'un citoyen, étant pour lui plus injurieuse, quant à l'effet, lorsqu'elle aura été répandue par la voie de l'impression, que lorsque seulement elle aura été énoncée de vive voix; de même le délit, considéré du côté de la morale , étant plus grave dans le premier cas, puisqu il aura été commis avec préméditation, il s'ensuit que les peines, dont l'objet est de défendre la considération publique, devront être proportionnées à la gravité des différons délits. En conséquence, nous ordonnons que l'auteur d'un ouvrage imprimé, qui aura fait à un individu des imputations déshonorantes et calomnieuses, de la nature de celles dont il est parlé dans notre code de lois, liv. 6, chap. 21, art. 2, 3 et 7, (I) , sans qu'il y ait eu le moindre motif de la part de l'homme injurié , sera condamné si l'inculpation est atroce au dernier degré., aux peines portées par les articles précités, et en outre aux travaux dans une maison de détention, de deux mois à deux ans , selon la gravité des circonstances; et dans le cas où le délit serait de la nature de ceux dénommés dans le quatrième article (2) du même titre et chapitre, le coupable sera condamné à une amende pécuniaire plus ou moins forte de cinquante à mille écus, au profit de la caisse des pauvres de l'endroit, selon la gravité du délit. 13. Si ? dans un ouvrage imprimé, l'auteur a caché des expressions injurieuses ou punissables sous le voile de l'ironie ou de l'allégorie, dont cependant le sens et les mauvaises intentions sont de toute évidence, il sera puni de la même peine qu'il aurait encourue, s'il s'était exprimé clairement et sans figure. Cependant, et dans le doute, si le sens des expressions de l'auteur est injurieux et punissable, le tribunal, en l'acquittant, lui représentera son imprudence, et lui conseillera d'être plus circonspect dans ce qu'il pourra écrire à l'avenir. Cette réprimande sera insérée dans la sentence. 14. Les dispositions des articles 9 et 13 sont également applicables à des gravures allégoriques ou contraires aux ( 1) Ce sont des crimes emportant peines afflictives on infamantes. (2) Inculpations qui ne blessent pas l'honneur ; mais seulement la réputatien de l'homme inculpé.


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bonnes mœurs, ainsi qu'à d'autres images publiées et exposées en vente, soit que ces images aient été gravées en tailledouce ou sur bois. Les graveurs sont également tenus de munir leurs Ouvrages de leurs noms, sous peine d'une amende de 200 écus, au profit de la caisse des pauvres de l'endroit. 15. Personne ne pourra exercer l'art d'imprimeur, sans avoir obtenu à cet effet un privilége, qui sera expédié par notre chancellerie danoise. Ceux des imprimeurs actuellement existans qui ne sont pas encore privilégiés, obtiendront leur privilége gratis, en en faisant la demande. 16. Quiconque fera imprimer un ouvrage, quel qu'en soit le volume, sera tenu de faire mettre sur le frontispice du livre son nom en entier, ensemble avec l'indication de son rang, de ses fonctions, ou de l'état qu'il exerce; il y joindra le nom de l'éditeur, qu'il le soit lui-même ou un autre à sa place; enfin, il ajoutera l'indication de l'endroit où l'impression s'est faite, et le nom de l'imprimeur. Au reste, rien ne pourra être imprimé que par les imprimeurs privilégiés. En cas de contravention à ces dispositions, l'ouvrage sera saisi et confisqué, et l'éditeur ainsi que l'imprimeur condamnés à la peine d'une amende de 200 écus au profit de la caisse des pauvres de l'endroit. Ils seront, en outre, condamnés à la même peine que devra subir l'auteur dans le cas où le contenu de l'ouvrage publié aura été jugé punissable. 17. L'éditeur et l'imprimeur d'un ouvrage garantiront aussi tous les deux l'identité de l'auteur, dont le nom se trouve imprimé au frontispice; ils répondront de même de la présence de l'auteur, afin qu'il puisse être traduit devant 'es tribunaux, condamné et puni, dans le cas ou son ouvrage aurait été jugé punissable. Dans le cas où ils ne présenteraient pas 1'auteur, ils le remplaceront pour être punis de la même peine qu'il aurait du subir, s'il avait été présent. 18. Lorsqu'un auteur aura été traduit en justice pour cause d'abus de la liberté de la presse, et aussi long-temps que dure son procès, aucun imprimeur ne pourra recevoir de lui, pour le faire imprimer , un autre écrit quelconque, à moins qu il ne soit accompagné d'une déclaration écrite et signée d'un citoyen domicilié, qui se rend responsable.


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de l'ouvrage. À défaut d'une pareille garantie , l'imprimeur restera responsable, comme s'il était auteur lui-même. A cet effet, et aussitôt que quelqu'un aura été traduit en justice pour cause d'abus de la liberté de la presse, le magistrat qui aura ordonné la poursuite en avertira immédiatement le public, en faisant insérer son mandat dans toutes les gazettes du pays. 19. Tous les journaux et feuilles périodiques devront indiquer, non-seulement le nom de l'éditeur et de l'imprimeur, mais encore ceux de 1' auteur de chaque article et du rédacteur. Ce dernier restera responsable, ensemble avec l'auteur, de tout ce qui aura été inséré dans le journal ou clans la feuille. Le nom du rédacteur d'une gazette ou d'un papier public doit être également indiqué; il en restera responsable ensemble avec l'éditeur. Ceux qui contreviendront à ces dispositions seront punis des peines portées par l'article 16 de cette loi. 20. Personne, après avoir été condamné comme coupable d'avoir violé cette ordonnance, ne pourra faire imprimer un écrit quelconque, sans avoir préalablement présenté le manuscrit au directeur de la police de l'endroit, et avant que celui-ci ne l'ait muni de son permis d'imprimer. Copie de cette autorisation doit être imprimée sur la première feuille de l'ouvrage. L'imprimeur qui contreviendra à cette disposition , en imprimant, sans la permission par écrit du directeur de la police, un ouvrage dont l'auteur aura été condamné pour abus de la liberté de la presse, sera puni de la perte de son privilège, et en outre, dans le cas où l'ouvrage ainsi imprimé aura été juge punissable, il subira la même peine à laquelle l'auteur aura été condamné. Et, afin qu'aucun imprimeur ne puisse prétexter cause d'ignorance à cet égard, nous ordonnons que tout tribunal qui aura condamné un auteur pour abus de la liberté de la presse, soit à une peine, soit à être admonété, publie incessamment, et aux frais du coupable , la sentence dans toutes les gazettes du pays. Au reste, tout auteur qui sera tombé sous la disposition de la règle précédente , devra remettre deux exemplaires de son manuscrit au directeur de la police, qui en gardera un, muni du nom de l'auteur, et tans ratures ni surcharges. Cet


DU ROYAUME DE DANEMARCK. 217 exemplaire servira au directeur de police de garantie contre toute falsification de l'autre exemplaire, soit par des changemens, soit par des additions. 21. Quand, à cause de passages punissables, un écrit aura été soumis à la censure des tribunaux, alors, et sur un avertissement préalable, toutes les personnes chargées d'en faire la vente ou la distribution, seront tenues d'en remettre au directeur de la police de l'endroit tous les exemplaires qui leur restent entre les mains. Ces exemplaires demeureront en dépôt chez le directeur de la police, jusqu'à ce que l'affaire aura été terminée par un jugement définitif. Si l'auteur est acquitté, les exemplaires seront rendus à ceux qui en avaient fait le dépôt; dans le cas contraire, le directeur de la police est obligé de les faire brûler, Quiconque, après avoir été publiquement averti d'effectuer le dépôt d'un ouvrage de cette nature, aura néanmoins continué d'en faire la distribution ou la vente, ou en aura gardé des exemplaires, sera puni d'une amende de cinq cents écus au profit des pauvres de l'endroit.

En cas de récidive, l'amende sera toujours du double; et si le contrevenant est bourgeois ou libraire privilégié, il sera en outre privé de ses droits de bourgeoisie ou de son privilége. 22. Quiconque aura imprimé, fait imprimer, mis en vente, ou distribué un ouvrage condamné comme répréhensible par jugement, sera puni conformément à l'article 17 de la présente ordonnance. 23. Si quelqu'un de nos sujets a fait imprimer à l'étranger un ouvrage dont le contenu aura été jugé répréliensible, en vertu de la présente ordonnance, l'auteur, ainsi que celui ou ceux qui l'auront mis en vente ou distribué dans nos états seront punis comme s'il y avait été imprimé, 24. Personne ne pourra traduire en langue danoise un ouvrage renfermant des contraventions aux articles 1, 2 , 3, 4 , 5 et 9, de la présente ordonnance , sous peine d'être puni comme s'il en était lui-même l'auteur. Au reste, les traducteurs, tout comme les auteurs, sont obligés de faire mettre leurs noms sur le frontispice de leurs ouvrages. 20. Quiconque aura mis en vente, ou de tout autre manière , distribué des manuscrits , dont le contenu , étant imprimé, sera jugé répréliensible, 11e devra pas, à la faveur


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d'un pareil subterfuge, éviter les ellets de notre présente ordonnance ; mais au contraire l'auteur, ainsi que celui ou ceux qui auront mis en vente ou autrement distribué des manuscrits de cette nature, seront punis comme s'ils les avaient publiés par la voix de l'impression. Quiconque aura affiché des libelles, sera puui de la peine portée dans le liv. 6, chap. 21, art. 8, de notre code des lois ; bien entendu néanmoins, que la peine de mort prononcée dans le dernier alinéa sera et demeurera abolie (I). 26. De même que par notre rescrit du 3 décembre 1790 , nous avons enjoint au directeur de la police de notre résidence royale de Copenhague, d'adresser à la chancellerie danoise tous les ouvrages susceptibles de poursuites judiciaires , ainsi nous renouvelons cétte injonction de la manière la plus sérieuse; et nous ordonnons en outre, que de tous les journaux, gazettes, ouvrages périodiques , et livres, dont le volume ne surpassera pas vingt-quatre feuilles d'impression , il en sera adressé par l'imprimeur au directeur de la police, un exemplaire, avant que ces ouvrages puissent être distribués ou vendus au public. Cette règle sera de rigueur, soit que l'ouvrage se publie en entier ou par livraison ; dans ce dernier cas, chaque livraison sera adressée au directeur de la police, quand elle ne surpasse pas en volume vingt-quatre feuilles d'impression. Le libraire qui aura négligé de remplir cette formalité, sera puni d'une amende de cent écus au profit des pauvres. En cas de récidive, l'amende sera toujours doublée. Si le directeur de police découvre dans un tel ouvrage quelque chose de répréhensible ou de punissable, il en défendra tout de suite la vente, en mettant sous scellé tous les exemplaires imprimés; après quoi, il adressera l'ouvrage, accompagné de son avis, à la chancellerie, qui décidera sans retard si la main-levée pourra être ordonnée; et qui, dans le cas contraire, ordonnera les poursuites. Au reste, nous adjoindrons au directeur de la police un aide, chargé du soin d'examiner les ouvrages imprimés, afin que la surveillance soit bien et promptement exercée. 27. les règles établies dans l'article précédent à l'égard (I) La loi punissait autrefois «le la peine capitale , les libelles contre les autorités publiques. Tout autre libelle était puui de travaux forcés à perpétuité,


DU ROYAUE DE DANEMARCK. »4Q des ouvrages imprimés à Copenhague, seront observées partout; seulement les directeurs de la police des autres villes s'adresseront, pour un ouvrage qu'ils auront jugé répréhensible, au grand-bailli, ou au bailli de leur district, et ces derniers en feront leur rapport à la chancellerie. 28. Si la chancellerie juge qu'un directeur de police ou autre magistrat quelconque néglige d'exercer la surveillance dont la présente ordonnance lui fait un devoir, elle ordonnera des poursuites contre le magistrat négligent. Au reste , la chancellerie elle-même maintiendra rigoureusement et avec zèle les dispositions contenues dans cette ordonnance : elle restera responsable de leur exécution. Ayant, par la présente ordonnance, tracé les limites de la liberté de la presse, afin d'en arrêter soigneusement les abus, sans cependant mettre des entraves à l'expression franche de la pensée de tout homme honnête , probe et éclairé , il nous reste d'empêcher toute fausse interprétation et explication du mot blâmer, que nous avons souvent employé dans la présente ordonnance, parce que c'est un mot générique appartenant au langage de notre ancienne législation. Ainsi nous observons que cette expression signifie d'attribuer à la, personne ou a la chose en question une imperfection incompatible avec leur but. Ainsi, par exemple, on blâme la forme du gouvernement de l'état, et la religion protégée par les lois du pays, toutes les fois qu'on leur attribue des défauts qui les rendent incompatibles avec la liberté civile , la sûreté et la prospérité publique, qui forment l'objet de l'organisation sociale. Que chacun s'y conforme avec obéissance. Donné dans notre château de Frédérichsberg le vingt-Sept septembre mil sept cent quatre-vingt-dix-neuf. Sous nos signature et sceau royaux,

Signé CHRÉTIEN R.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

SUÈDE. PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU

GOUVERNEMENT DE SUÈDE.

§ I. De la Suéde avant 'union de. Calmar— 13e. siècle. L'HISTOIRE de la Suède, comme celle de toutes les nations, présente des périodes de gloire, séparées par des intervalles demalheur et d'abaissement. Mais les mœurs et le caractère de ce peuple, des institutions inconnues dans le reste de l'Europe , des révolutions fréquentes et rapides, dans lesquelles on a vu le despotisme le plus absolu succéder à la liberté la plus étendue, et la liberté renverser à son tour le despotisme; les règnes de quelques héros, et enfin les événemens qui, de nos jours , ont placé un soldat français sur le trône de Suède; voilà ce qui est vraiment digne d'intérêt et de remarque ; ce sont là les points principaux sur lesquels doit se porter l'attention, lorsque l'on cherche à connaître les institutions anciennes et modernes de la Suède, leurs causes et leurs effets. L'origine des Suédois, comme celle de tous les peuples du nord, est fort obscure et fort incertaine ; des recherches et des discussions à ce sujet ne sauraient entrer dans notre plan ; et nous n'examinerons pas si, comme le prétendent quelques auteurs, la Suède fut d'abord habitée par des colonies de Scythes ; nous croyons également inutile de re-


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chercher ce qu'il y a de vrai sur cet ódin, si célèbre dans les anciennes traditions , qui le re résentent comme le premier législateur des peuples du nord, et même comme un Dieu. La forme de gouvernement, établie dans tout le nord par Odin, fut, suivant les apparences , à peu près la même que celle adoptée par les Germains, telle que l'a décrite Tacite. Des modifications dont il serait difficile de déterminer les époques , les causes et l'influence , s'introduisirent dans le gouvernement de Suède, pendant des siècles de barbarie et d'ignorance. C'est seulement, vers le treizième siècle, qu'on commence à apercevoir une forme de gouvernement fixe et régulière;les institutions se montrent encore grossières, mais avec des caractères distinctifs. Et dès ee temps, 1'histoire de la nation suédoise peut présenter quelque intérêt. A cette époque, le chef de l'état portait le titre de roi. Il était élu par la nation , qui avait aussi le droit de le déposer. Toutefois c'était ordinairement parmi les enfans ou les proches parens du Roi, qu'était choisi son successeur. Le pouvoir du prince était limité par celui d'un sénat et par l'autorité des états; il ne pouvait, sans leur consentement, déclarer la guerre, ni conclure la paix, ni lever des troupes, ni établir des impôts. Dans l'origine, le roi avait auprès de lui un conseil composé des principaux de l'état. Ce conseil, par son institution, était destiné éclairer le monarque par des avis ; bientôt il réussit à l'enchaîner par sa volonté, et, sous le nom de sénat, il devint un pouvoir politique. Les sénateurs , au nombre de douze, étaient en quelque sorte les surveillans du roi , les représentans des états et les défenseurs des libertés publiques. Le roi ne pouvait rien entreprendre, dans les affaires capitales de leur consentement. Les sénateurs prêtaient serment à la diète , et juraient d'être fidèles à la nation plutôt qu au prince. Enfin ils étaient revêtus d'une partie de l'autorité souveraine, et c'était un crime de liaute


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

trahison d'attaquer leur honneur ou leur personne. Leurs places n'étaient point héréditaires, et lorsqu'il y en avait une de vacante, le roi y appelait un des grands du royaume. L'archevêque d'Upsal, primat de Suède , était de droit sénateur. Le roi était le chef de l'armée , il avait le droit de convoquer les états et il était chargé de faire exécuter leurs résolutions , sous l'inspection et la surveillance du sénat. Les états étaient composés des députés des quatre ordres, la noblesse, le clergé, la bourgeoisie et les paysans. Le clergé, par ses richesses et son autorité, avait une puissance fort étendue. Presque toujours il s'en servit contre les intérêts de son pays et dans des vues d'intérêt particulier , et c'est à l'abus qu'il en fit, qu'on doit attribuer l'établissement de la religion réformée en Suède, comme on le verra par la suite. Les fiefs et les gouvernemens des châteaux avaient d'abord été donnés à vie aux nobles; mais peu à peu ils parvinrent à rendre leurs possessions et leurs commandemens héréditaires : dès lors ils refusèrent de payer les redevances, imitant en cela le clergé, qui prétendait que les châteaux et les fiefs qu'il possédait, étaient devenus la propriété de l'église. Ainsi les évêques et les nobles, dans leurs châteaux fortifiés, environnés de leurs vassaux, étaient de petits souverains, unis contre le prince, mais souvent divisés entre eux, et qui terminaient ordinairement leurs querelles par la voie des armes. Dans cet état de choses, que les mœurs encore sauvages des Suédois rendaient plus déplorable, tout était confusion et désordre. On cédait à la force, on n'obéissait à aucune loi. Les bourgeois ou les habitans des villes, et surtout ceux de Stockholm , qui exerçaient [des professions industrielles , et se livraient au commerce, sentaient le besoin de l'ordre et de la paix; ils désiraient d accorder au roi une autorité plus étendue et capable de réprimer les brigandages des pe-


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tirs tyrans, nobles et ecclésiastiques, qui opprimaient la Suède ; mais ils étaient les moins forts, et leurs députés n'avaient que peu d'autorité dans les états. L'ordre des paysans était le plus nombreux et n'était pas le moins puissant. Ceux qui tenaient leurs terres immédiatement de la couronne, avaient seuls le droit d' envoyer des députés à la diète : ordinairement ils se laissaient guider par les seigneurs de leurs provinces ; mais toujours ils défendaient avec opiniâtreté leurs privilèges et leurs usages. § II.

Depuis l'union de Calmar jusquà Gustave-Wasa. — 1300 — 1500. Tel était l'état du royaume à la fin du treizième siècle et au milieu du quatorzième. Marguerite, fille de Valdémar, roi de Danemarck , régnait alors en Norvège. A la mort de son père, elle envoya des députés à Copenhague, pour faire valoir ses droits au trône, devant les états. Elle fut déclarée reine d une voix unanime. Bientôt après , les Suédois mécontens de leur roi Albert de Mecklembourg , vinrent offrir la couronne de Suède à Marguerite. Elle accepta avec empressement les offres que sa politique avait préparées, et ses forces, jointes aux Suédois révoltés , renversèreut Albert du trône. Marguerite réunit ainsi sur sa tête les couronnes de Danemarch , de Suède et de Norwège. Toutefois son ambition n' était pas encore satisfaite, elle voulait assurer pour l'avenir l'union qu'elle avait formée; dans ce dessein, elle convoqua, à Calmar en Suède, les états-généraux des trois royaumes , et leur fit adopter un acte d'union, connu sous le nom d union de Calmar. Les bases de ce traité, signé en 1397 , étaient la réunion des trois royaumes sous un même roi, élu d'un commun accord, par les sénateurs et les états, Le roi devait toujours


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être choisi parmi les descendans d'Eric,duc de Poméranie, que Marguerite avait adopté et fait couronner dans l'assemblée de Calmar. Chacun des royaumes-unis conservait ses lois , ses coutumes et ses priviléges ( Voy. Danemarck ). Les effets de l'union de Calmar ne furent pas tels que Marguerite l'avait espéré; des guerres longues et sanglantes en furent le résultat. Il était difficile que les Danois et les Suédois, ennemis,comme le sont ordinairement les peuples voisins, oubliassent en un jour leurs vieilles haines. Eric, successeur de Marguerite, donna aux Suédois de justes motifs de plainte; il voulut les traiter comme des peuples vaincus, plutôt que comme des sujets fidèles. Canutson, grandmaréchal de la couron , leva l'étendard de la révolte; d'abord revêtu du titre de protecteur, puis de celui de roi, il chassa les Danois de la Suède, et fit déclarer, par les états du royaume, que le traité de Calmar était rompu. Mais bientôt après il fut lui-même renversé du trône par le roi de Danemarck, aidé des intrigues et des armes de l'archevêque d'Upsal ; et jusqu'à trois fois, il quitta et reprit le sceptre ; enfin il mourut sur le trône, laissant pour héritier son neveu Steno-Sture , qu'il recommanda aux états, en les engageant à le choisir pour administrateur ou -protecteur de la Suede. Cette dignité fut en effet conférée â Steno-Sture; elle était considérée comme une sorte de royauté provisoire, et conférait, à celui qui en était revêtu, une autorité à peu près égale à celle du roi, surtout en temps de guerre. Cependant les rois de Danemarck revendiquaient toujours la couronne de Suède, aux termes du traité de Calmar, et soutenaient leurs prétentions par les armes. Ils furent tantôt vaincus par les administrateurs, et tantôt vainqueurs; mais quel que fût le succès de ces guerres, les Suédois n'en étaient pas moins malheureux. Attaqués au dehors par un ennemi dangereux, ils étaient dans l'intérieur divisés par l'esprit de parti ; le clergé, et surtout l'archevêque d'Upsal, favorisaient


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les rois de Danemarck, et contribuèrent beaucoup au succès éphémère de Christian II. Ce tyran fut proclamé roi de Suède à Stockholm. § III. Depuis Gustave-Wasa, 1500 - 1600. Christian , maître de la Suède, voulut détruire d'un seul coup tout ce qui lui portait ombrage ; il fit massacrer les sénateurs et les principaux habitans de Stockholm ; il régna par la terreur, et toute la Suède parut soumise. Mais un homme caché dans les forêts de la Dalercalie préparait l'affranchissement de son pays. Cet homme, c'était Gustave-Wasa , qui, poursuivi par les troupes danoises, trahi quelquefois par ses amis , repousse par ses compatriotes , persévérait dans le noble dessein d'expulser le tyran étranger, et de venger la mort de son père massacré à Stockholm par les ordres de Christian. Par son éloquence et son audace, il parvint à soulever les paysans dalercaliens, et, suivi de ces nouveaux soldats, il attaqua les troupes aguerries du roi de Danemarck. Il fut vainqueur. Ses succès, en diminuant le nombre de ses ennemis, attirèrent sous ses drapeaux de nombreux renforts; il marcha de victoire en victoire jusqu'aux portes de Stockholm. Nous venons de voir le grand capitaine conquérir par l'épée l'indépendance de son pays; nous allons voir le politique habile rétablir l'ordre dans l'état, et réparer les maux, suites inévitables des guerres intestines. Le premier soin de Gustave, lorsqu'il se vit maître de la Suède, fut de convoquer les états. Ils s'assemblèrent à Stegnez. On procéda d'abord au remplacement des sénateurs égorgés par les ordres de Christian ; il est facile de pressentir que l' influence de Gustave dirigea ce choix ; ensuite, sur la proposition du président, on procéda à l'élection d'un


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roi : tous les coeurs étaient pour le héros libérateur de la Suède ; il réunit toutes les voix. Le nouveau souverain s'appliqua sans relâche à la réforme de l'administration intérieure; il s'attacha surtout à abaisser l'orgueil et la puissance du clergé catholique, qui, dirigé par l'archevêque d'Upsal, avait placé sa patrie sous le joug des Danois. Toutefois ce projet n'était pas sans difficulté. Les évêques étaient maîtres de plusieurs forteresses ; ils possédaient une grande partie des richesses du royaume ; ils percevaient des dîmes, levaient des impôts, imposaient des amendes, et enfin étendaient chaque jour leur juridiction au préjudice des tribunaux civils; d'ailleurs la superstition d'un peuple ignorant et grossier donnait aux prêtres une merveilleuse facilité pour le diriger. En attaquant de front un ordre aussi puissant, on courait risque d'échouer. Le roi préféra employer des moyens moins prompts, mais plus sûrs; il nomma à tous les bénéfices vacans, notamment aux évêchés de Stegnez et de Westeras, des ecclésiastiques dont il était sûr, et, d'un autre côté, il favorisa les prédicateurs qui, à cette époque, commencèrent à répandre en Suède la doctrine de Luther. A mesure que cette doctrine fit des progrès, le roi et le sénat publièrent des édits qui tendaient à reprendre au clergé catholique le pouvoir et les richesses dont il s'était emparé à la faveur des troubles; et ces édits, dont les dispositions étaient toujours proportionnées à l'affaiblissement du catholicisme , ôtèrent peu à peu au clergé le pouvoir de résister aux derniers coups que Gustave lui porta, en lui enlevant presque tous les biens qu'il possédait, en lui ôtant tous les droits qu'il s'était appropriés, et en professant enfin lui-même ouvertement la religion réformée. Le bas clergé et les évêques eux-mêmes finirent par embrasser les nouvelles doctrines, quand ils virent qu'il n'était plus de leur intérêt de soutenir les anciennes; et dans


2^7 DU GOUVERNEMENT DE SUÈDE. la diète tenue à Westeras en 1544, la religion romaine fut abolie, et la religion luthérienne déclarée religion du prince et de l'état. Ainsi en Suède, comme ailleurs, ce furent les abus du catholicisme, les vues ambitieuses et la conduite du clergé catholique qui favorisèrent l'introduction du protestantisme Les vues politiques de Gustave n'étaient pas encore rem-» plies; le désir d'assurer pour l'avenir la tranquillité du royaume, et peut-être aussi la satisfaction de transmettre la Couronne à ses descendans, lui inspirèrent la pensée de modifier la loi fondamentale du royaume, et de convertir une monarchie jusqu'alors élective en une monarchie héréditaire. Ce projet hardi fut conduit comme toutes les autres entreprises de ce grand homme, avec prudence et fermeté; et lorsqu'il eut suffisamment préparé les esprits, lorsque d'ailleurs il fut sûr de pouvoir joindre la force à la persuasion, il assembla les états à Westeras, en 1544. Là fut signé un acte nommé acte de l'union héréditaire. La couronne fut déclarée héréditaire et transmissible à tous les descendans mâles de Gustave Wasa, par ordre de primogéniture, en ligne directe et collatérale, avec stipula-tion que dans le cas où la maison régnante viendrait à s'éteindre, les états rentreraient dans le droit d'élection. Une disposition expresse excluait les femmes de la couronne, en leur assurant une dot. belles furent les principales modifications apportées par Gustave aux lois intérieures de la Suède. Les fondemens solides sur lesquels reposait sa puissance lui laissèrent la liberté de créer des relations avec les autres nations. Charles-Quint protégeait ouvertement Christiern , ennemi de Gustave; c'était un motif pour que François Ier fût favorable aux Suédois. Des ambassades et des traités établirent entre la France et la Suède des relations amicales, qui ont subsisté longtemps, que 1' aggrandissement prodigieux de la Russie a renTOME III. 17.


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dues peut-être moins importantes pour nous; mais qu'il est néanmoins utile de conserver. Enfin, Gustave, d'une part, corrigea les abus dans l'intérieur, et, de l'autre, plaça la Suède au rang des puissances influentes dans la politique européenne. §

IV.

Depuis Gustave Wasa, jusqu' à la révolution de 1680. Après la mort de ce prince, des dissensions éclatèrent entre ses enfans : l'événement le plus remarquable qu'elles produisirent fut la déposition de son petit-fils Sigismond, prononcée en 1601 par les états de Suède : ils semblèrent, par cet acte , recouvrer les droits des anciennes diètes, qui élisaient et déposaient les rois. Les causes de cette révolution doivent être attribuées à l'éloignemeut de Sigismond, qui était en même temps roi de Pologne, où il résidait de préférence, à son attachement pour la religion catholique, qu'il cherchait évidemment à introduire en Suède, et enfin au refus constant qu'il fit de reconnaître les droits et les priviléges de la nation suédoise. Avant d'en venir à une rupture définitive, les états et le duc Charles , oncle de Sigismond, et fils du grand Gustave , essayèrent plusieurs fois de terminer, par une transaction, les querelles qui divisaient la nation et le roi. Ils offraient de se soumettre, pourvu que Sigismond reconnût formellement leurs priviléges et qu'il renonçât au catholicisme : ils consentirent même à recevoir pour roi son fils Uladislas, à condition que ce jeune prince serait conduit en Suède, et serait élevé dans la religion protestante. Plusieurs délais successifs furent accordés au roi pour faire connaître sa détermination. Enfin , les états le déposèrent, et offrirent la couronne â son frère le duc Jean. Celui-ci la refusa; alors le sceptre fut remis aux mains du duc Charles. La résolution des états portait qu'après la


269 DU GOUVERNEMENT DE SUEDE. tnort du nouveau roi, son fils Gustave-Adolphe lui succéderait, et après lui Charles-Philippe ; qu'au cas où ces princes mourraient sans enfans s mâles, la couronne passerait au duc Jean et à ses descendans mâles ; que dans le cas où la branche masculine de la famille régnante viendrait à s'éteindre, on élirait un roi parmi les princes d'Allemagne issus par les femmes de Gustave-Wasa ; qu'à l'avenir les rois de Suède ne pourraient épouser que des femmes de la religion protestante; que si un prince héréditaire était appelé sur le trône d'un autre royaume , il ne pourrait parvenir à celui de Suède; qu'enfin un roi de Suède ne pourrait joindre à sa couronne celle d'un autre état, qu'à la condition de résider toujours en Suède. Des guerres continuelles contre la Pologne et le Danemarck, signalèrent le règne de CharlesIX. Ce prince mourut en 1611 , il eut pour successeur son fils Gustave-Adolphe, dont les armes firent trembler 1'Empereur. Il n'entre point dans notre plan, de retracer la vie militaire du vainqueur de Leipsick et de Lutzen; son règne n'eut rien de remarquable relativement aux institutions politiques; cependant la Suède lui doit quelques lois sages sur l'administration intérieure et sur le commerce. La constitution, comme nous l'avons déjà dit, excluait les femmes du trône de Suède; cette règle fut enfreinte, en faveur de Christine , fille de Gustave-Adolphe ; les états la reconnurent pour reine. A la mort de son père, Christine n'était âgée que de dix ans, le gouvernement fut confié à un conseil de tutelle, composé du grand bailli, du maréchal, de l'amiral, du chancelier et du trésorier de la couronne. La guerre contre les impériaux continua avec des succès divers. En 1654, la reine abdiqua volontairement en faveur de son cousin , le comte Palatin, de la maison de DeuxPonts, quelle avait précédement fait déclarer généralissime de ses troupes et prince héréditaire. Il fut reconnu par les 17.


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états sous le nom de Charles X. L'abdication de Christine la rendit plus célèbre que son règne; on crut y voir le mépris d'un philosophe pour les grandeurs humaines ; peut-être ne fut-ce que le caprice d'une femme. Charles X ne régna que peu d'années, et fut toujours en guerre avec la Pologne et le Danemarck. Son fils et son successeur Charles XI, était encore mineur, lorsqu'il monta sur le trône. Un conseil de régence fut organisé par les états, qui refusèrent de confirmer celui que Charles X avait établi par son testament. La paix d'Oliva suspendit la guerre dans le nord; mais peu d'années après, les hostilités recommencèrent, et les armes de la Suède ne furent pas toujours heureuses. En 1679, après la paix générale, le roi de Suède revint dans ses états et tourna ses regards vers l'administration intérieure. Son premier soin fut d'examiner la conduite des membres du conseil de régence et des sénateurs, qui avaient gouverné le royaume durant sa minorité. Il crut voir dans, leur administration plus que de la négligence, et il résolut de les taire punir. Jusques-là le monarque ne faisait qu'exercer ses droits, ou plutôt il remplissait son devoir; mais profitant de la circonstance, il s'empara du pouvoir absolu, renversa les lois fondamentales de l'état; enleva au sénat ses attributions constitutionnelles, et courba sous sou sceptre les états-généraux et la nation entière. Cette conduite trouva des apologistes, elle pourra en trouver encore; d'autant plus que Charles XI se servit avec modération du pouvoir qu'il avait usurpé.

§ V. Révolution de 1680 , accroissement du pouvoir royal. La paix, comme nous l'avons dit, venait d'être signée. En 1680, le roi convoqua les états, il leur exposa la situation fâcheuse dans laquelle était placé le royaume : il n'hé-


DU GOUVERNEMENT BE SUÈDE. 2&1 sita pas à en attribuer la cause aux malversations des sénateurs et des membres du conseil de régence. Il demanda que leurs fortunes particulières fussent consacrées à indemniser 1' état des suites funestes de leur administration , et déclara que pour prévenir de semblables malheurs, il convenait d'ôter au sénat l'autorité qu'il s'était arrogée. Un comité nommé par les états, examina ou feignit d'examiner les propositions du roi : et bientôt après la diète les adopta, avec un empressement qu'il est difficile de concevoir. Elle déclara non-seulement que le serment que prêtait le roi ,à son couronnement, de gouverner l'état de l'avis des sénateurs cessait d'être obligatoire pour lui; mais en outre, que, le roi tenant la couronne d& Dieu , était responsable a lui seul de ses actions. On ne voit pas d'abord comment les états du royaume, qui s'étaient montrés souvent si. jaloux de la liberté de la nation , en firent à cette époque le sacrifice presque spontané; mais en étudiant avec soin 1'histoire de cette révolution, on s'aperçoit que des jalousies secrètes divisaient les ordres de l'état. Les nobles et les bourgeois recherchaient la faveur du prince, qui leur était nécessaire pour suppléer à leurs revenus : le clergé, les bourgeois et les paysans voyaient avec envie la puissance de la noblesse. Le roi profita de ces dispositions, augmenta sa puissance, et chaque parti aveuglé par ses passions, se félicita de l'abaissement de ses adversaires. D'ailleurs le clergé conservait toujours une grande influence sur les esprits : c'était un puissant auxiliaire que le prince sut ménager et dont il se servit avec beaucoup d habileté. Toutefois et malgré toutes ces précautions, des mesures fiscales d'une sévérité excessive, rendirent le monarque odieux à ses sujets; et sans la crainte qu'inspirait à la nation une armée nombreuse et aguerrie, il est vraisemblable que Charles XI n eût pas conservé et transmis à Charles XII, son fils, l'autorité absolue.


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Les diètes qui suivirent celle de 1680, se prêtèrent à toutes les volontés du monarque, et le sénat devenu un conseil privé, ne servit plus qu'à colorer aux yeux de la nation l'usurpation et l'exercice du pouvoir absolu. En 1683, les états déclarèrent cependant que le roi devait gouverner l'état selon les lois; mais ils ajoutèrent que le monarque n'était point enchaîné par les lois existantes; qu'il était le maître de les modifier et d'en faire de nouvelles, que toutes les instructions données par lui à l'un des collèges, auraient force de loi. On sent ce que devenait le principe, accompagné d'une pareille explication.

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VI.

Charles XII. ( 1697-1 719 ). Charles XI, en mourant, laissa un testament par lequel il reculait jusqu'à dix-huit ans la majorité de son fils, qui suivant les lois était fixée à quinze ; il désignait les membres du conseil de tutelle ; mais la volonté de ce monarque si absolu durant sa vie ne fut pas respectée après sa mort, et Charles XII, fut déclaré majeur par la diète au mois de novembre 1697. Les armes de Charles XII firent trembler la Russie, subjuguèrent la Pologne et la Saxe. Vaincu par le Czar, il sup porta la mauvaise fortune , avec la grandeur d'un roi et l'insouciance d'un soldat ; mais sa fermeté inébranlable portée à l'extrême sembla quelquefois un entêtement ridicule. Pendant cinq ans il resta en Turquie, dans une indifférence absolue pour les affaires de son royaume. Tout-à-coup il part à franc étrier, suivi d'un seul officier, traverse l'Allemagne, et arrive à Stralsund, après un voyage de seize jours. La fin de cet homme si héroïque et si bizarre a été digne de sa vie , il fut tué d'un coup de canon au siège de Fréderichsall ; son seul et son dernier mouvement fut de porter la main à son épée.


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Le pouvoir absolu que lui avait laissé son père, ne pouvait pas facilement être enlevé à un homme de son caractère. Vraisemblablement s'il ne l'eût pas reçu par héritage, il eût bien su s'en emparer. On sait qu'il écrivait aux sénateurs pendant son séjour en Turquie, que s'ils prétendaient gouverner , il leur enverrait une de ses bottes et que ce serait d'elle qu'ilfaudrait qu'ils prissent des ordres. Même après ses malheurs, personne ne songea à lui disputer le pouvoir absolu, tant son caractère, ses succès et même ses revers avaient inspiré aux Suédois d'admiration et d'enthousiasme. Charles XII mourut sans enfans : dans son testament il désignait pour héritier le jeune duc de Holstein, son plus proche parent. § VII. Révolution de 1719, limitation du pouvoir royal. Les Suédois avaient supporté patiemment le joug, durant la vie d'un prince dont l'audace et les exploits avaient quelque chose de merveilleux; mais ils n'étaient pas disposés à se soumettre de la même manière à son successeur; et comme ils prévoyaient bien que le duc de Holstein, avec un caractère à peu près semblable à celui de Charles XII, voudrait comme lui gouverner avec l'épée, ils préférèrent appeler au trône la sœur du roi, Ulrique Eléonore, mariée au prince de Hesse. Ce fut le second exemple de dérogation au principe qui excluait les femmes du trône de Suède. En couronnant cette princesse, les états du royaume exigèrent d' elle: 1° une reconnaissance formelle, qu'elle tenait le sceptre de la volonté, de la nation et non de son droit héréditaire; 20 le serment solennel de ne jamais chercher à usurper le pouvoir absolu. La reine n'avait pas la faculté de refuser; elle reconnut et jura tout ce qu'on demandait. Bientôt après , son époux fut, sur sa demande , proclamé roi, mais cette nouvelle faveur ne fut accordée par les états, que sous les conditions qu'il leur plut d'imposer.


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L'ancienne constitution fut remise en vigueur, ou plutôt, une nouvelle constitution plus favorable à la liberté fut introduite. Le sénat composé de douze membres reprit son autorité , et même on établit que le roi ne pourrait rien faire sans son consentement ; on accorda toutefois au monarque deux voix dans les délibérations, et voix prépondérante en cas de partage. Le droit de convoquer les états dans les cas de nécessité , fut attribué au sénat; comme autorité judiciaire, ce corps dut connaître des crimes en dernier ressort, sous le titre de haute cour de justice ; en matière civile, on pouvait appeler de ses décisions à la diète. Les sénateurs étaient choisis par le roi, sur une liste triple de candidats présentés par la diète. Pour tous les emplois, le sénat présentait trois candidats entre lesquels le conseil privé, composé de quatre sénateurs, choisissait. Dans le conseil privé le roi n'avait qu'une voix : à la vérité elle était prépondérante. On voit que son autorité, presque nulle, n'intervenait que pour ratifier chaque jour les actes qui l'avaient dépouillé de ses prérogatives. Au surplus, tous les actes du sénat étaient soumis à l'examen du comité secret de la diète. Ou régla que les états s'assembleraient de droit tous les trois ans, ou plus souvent, en cas de circonstances extraordinaires, sur la convocation du sénat; qu'ils seraient composés, comme ils l'avaient été jusqu'alors, des quatre ordres , la noblesse , le clergé , les bourgeois et les paysans. Qu'à défaut de convocation au terme légal, les états se réuniraient de leur propre mouvement, et qu'alors tous les actes faits par le roi et le sénat, seraient déclarés nuls (1). (1) On fît même , a cette époque (1720) , un règlement très—détaillé sur la tenue des états , le nombre des députés ne chaque ordre , et le mode d'élection ; quelques modifications y ont été apportées depuis : nous en parlerons plus tard.


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Que pendant la tenue de l'assemblée , l'autorité du roi et du sénat demeurerait suspendue : qu'ils n'auraient part à ce qui se passerait à la diète, que pour apposer leur sceau et mettre leur signature aux décisions, soit qu'elles leur agréassent ou non ; que les états posséderaient seuls le pouvoir de déclarer la guerre ou de faire la paix ; de changer le titre de la monnaie, et qu'ils seraient maîtres de destituer tout sénateur dont ils désapprouveraient la conduite. Aucune autorité n'avait le droit de dissoudre la diète, qui pouvait ainsi se rendre permanente à son gré. Au surplus, le comité secret formé dans la diète, était juge des crimes de haute trahison ; ce comité était formé d'un certain nombre de membres pris dans les ordres de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie; le nombre des membres de la noblesse était au moins égal à celui des deux autres ordres. Ainsi le sénat et la diète dans laquelle dominait la noblesse, étaient tout puissans et l'autorité royale était soumise au joug de l'aristocratie. Telle fut la forme de gouvernement qui succéda au despotisme de Charles XII ; ces révolutions sont presque inévitables; là où il y a eu violente oppression, il y a nécessairement réaction violente. Quelque étendus que fussent les pouvoirs de la diète et du sénat, celui du roi parut encore trop grand et, par le fait, on le dépouilla de l'autorité que lui assurait la loi ; à ce point qu'on fit faire une griffe, représentant la signature du monarque , pour en revêtir les actes sans son adhésion. Ainsi on se dispensa même de lui ordonner de consentir. A cette époque, on vit naître en Suède deux partis qui par leurs divisions préparèrent la nouvelle révolution survenue en 1772. L'un se nommait le parti des chapeaux : il était le plus favorable à l'autorité royale , et l'autre celui ses bonnets, en défendant la forme du gouvernement alors établie, embrassait tous les intérêts de l'aristocratie; le premier secondait les vues de la France; l'autre était appuyé par l'Angleterre et par la Russie,


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Adolphe-Frédéric, malgré sa pusillanimité, sentait tout ce que sa position avait d'humiliant, il résolut de la changer; en conséquence il demanda au sénat de convoquer une diète, dans laquelle il espérait faire triompher le parti des chapeaux, qui lui était favorable : sur le refus des sénateurs, il leur annonça qu'il abdiquait. Cette brusque déclaration mit le sénat dans la nécessité d'obéir au roi, ou de gouverner sans lui: peut-être eût-il pris ce dernier parti; mais il éprouva une résistance, devant laquelle il fut contraint de céder. Les états furent convoqués, le parti des chapeaux y domina, et les sénateurs furent destitués. C'était là un premier pas; mais il y avait beaucoup de difficultés à vaincre pour renverser la constitution , car il est incertain si les chapeaux eux-mêmes étaient disposés à seconder les efforts du roi à cet égard. Quoiqu'il en soit, rien d'important dans les lois constitutionnelles n'était encore changé, lorsque Frédéric-Adolphe mourut en 1771.

§ VIII. Révolution de 1772.—rétablissement du pouvoir

royal.

Gustave III, fils d'Adolphe Frédéric, était à Paris lorsque son père mourut. Il partit sur le champ pour la Suède , et convoqua une diète, où le parti des bonnets se trouva le plus nombreux; en sorte que les droits reconquis par Frédéric Adolphe, dans les derniers temps de son règne, furent enlevés à son fils aussitôt après son avénement. Voici les principales dispositions de la capitulation que lui imposèrent les états. Le 28 mars 1772 , le nouveau monarque jura de continuer à professer la religion luthérienne, et de la maintenir dans sa famille, et parmi tous les habitans du royaume; d'obliger tous les officiers civils et militaires, à observer exactement les préceptes de cette religion;


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De ne jamais aliéner aucune principauté, province, forteresse , ni aucun fief de la couronne , et de ne point acheter les biens d'un noble ; De conserver la forme du gouvernement alors établie; de maintenir les droits et les priviléges des états, la liberté et la sécurité de ses sujets ; de régner avec douceur et avec équité, suivant les lois du royaume; de perpétuer la forme de la régence, telle qu'elle avait été réglée en 1720 ; de regarder comme ennemi de l'état et traître à son pays, quiconque ouvertement ou clandestinement, tenterait d introduire lautorité absolue, et d'obliger tous les fonctionnaires publics, à prêter serment de ne jamais former une pareille tentative ; De suivre relativement aux affaires du cabinet, ou du sénat, les règlemens de 1730, c'est-à-dire, de se décider suivant l'avis de la majorité des sénateurs, et de ne jamais rien faire sans ou contre leur avis; De ne se mêler directement ni indirectement de l'élection des députés à la diète, ni de celle du maréchal cle la terre (président de la noblesse), et des présidens des autres ordres; enfin de ne souffrir ni intrigues ni cabales dans ces élections ; De ne jamais se mêler de l'élection des grands-officiers choisis par la diète, et de suivre le réglement de 1720, dans la nomination aux différentes charges, depuis celle de feldmaréchal jusqu'à celle de colonel inclusivement; De ne jamais destituer un fonctionnaire qu'après un jugement légal, et de ne jamais transférer un citoyen d'un emploi à un autre contre sa volonté; de ne jamais accorder de privilége particulier à aucun des sénateurs, ni à aucun autre grand-olficier de l'état, sans le consentement unanime des quatre ordres ; D'employer les revenus du royaume, suivant la disposition du conseil d'état ; de n'accorder la naturalisation à aucun étranger sans le consentement du sénat ou du conseil,


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et de n'admettre à la cour ou au sénat que des citoyens suédois ; De ne jamais sortir et de ne pas laisser sortir les princes du royaume, à moins d'extrême nécessité ; De laisser signer au conseil d'état toutes les expéditions en 'cas d'absence ou de maladie ; De ne rien innover relativement au droit héréditaire à la couronne ; De ne jamais changer les lois , et de n'en jamais faire de nouvelles sans le consentement des états; de ne jamais entreprendre de guerre sans l'aveu de la diète; de défendre les frontières en cas d'invasion; de ne lever aucun impôt sans le consentement des états ou du sénat, jusqu'à la convocation de la diète; De maintenir les monnaies , de soutenir la banque et ses privilèges ; de défendre, selon les lois, le clergé, et de lui conserver ses prérogatives; de conserver à toutes les villes, leurs droits et privilèges ; La dernière disposition de cet acte était la plus remarquable de toutes Le roi y déclarait expressément « que les états seraient » déliés du serment de fidélité, s'il agissait contre ses pro» pressermens et contre la présente capitulation, ou contre» les réglemens que le conseil d'état jugerait à propos de » faire dans la suite, au sujet de la forme de la régence, de » l'entretien des forces du royaume et du maintien de la » religion; qu'enfin il verrait avec le plus extrême déplaisir » ceux qui oseraient lui proposer un degré de pouvoir et de » splendeur au-delà des bornes fixées par la capitulation. » Gustave, en prêtant ce serment, songeait à le violer, et se préparait à briser les liens par lesquels on enchaînait son autorité. Il avait eu la précaution de s'attacher plusieurs corps de troupes par des manières affables; il avait su diviser le sénat et les états dans lesquels dominait, comme nous l'avons


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déjà dit, le parti des Bonnets. Tous les sénateurs avaient été destitués; le roi parut les plaindre, et par-là il s'en lit des partisans zélés. D'ailleurs la cherté des grains, la durée de la diète qui ne terminait rien, à cause des difficultés que savait susciter adroitement la cour, rendaient le peuple mécontent , et lui inspiraient de l'aversion pour la forme de gouvernement existante. Ces dispositions étaient favorables: le 19 août 1772, le roi monte à cheval, rassemble les troupes, leur représente la funeste situation de la Suède déchirée par les divisiors intestines ; leur montre les agens des puissances étrangères souflant la discorde au milieu des états; il leur peint le roi privé de toute autorité, incapable de faire le bien et d'arrêter le mal: il proteste que, loin de chercher à s'emparer du pouvoir absolu , il n'a d'autre intention que d étouffer l' anarchie, et de procurer à la Suède une sage liberté. « Je suis » obligé, dit-il, de défendre ma propre liberté et celle du. royaume contre 1' aristocratie qui règne ; voulez-vous m'être » fidèles comme vos ancêtres l'ont été à Gustave Wasa et à » Gustave Adolphe? Alors je risquerai ma vie pour votre » bien et celui de mon pays. » Les troupes répondent par des acclamations. Le roi marche à leur tête, l'épée à la main : on arrête les sénateurs et les hommes les plus influens du parti des Bonnets. Le lendemain le roi harangue de nouveau le peuple et les soldats : «Je veux, dit-il, abolir la forme aristocratique du gouvernement; je renonce à toute idée d'un despotisme abhorré ; à ce qu'on appelle souveraineté ; faisant consister » ma lus grande gloire à être le premier citoyen d'un peu ple vraiment libre. » Rien ne résistait à l'éloquence du roi; le lendemain il fit rassembler les états, et parut sur son trône, environné de ses gardes. Il reprocha vivement aux membres de la diète leur mauvaise administration , et les accusa de s'être vendus aux puissances étrangères. Si quelqu'un de vous peut nier ce »


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» que j'ai avancé, dit le monarque, qu'il se lève et qu'il » parle. » On savait que le palais était cerné par les troupes , et que les canons étaient braqués sur la porte de la salle. Le silence le plus profond régna dans l'assemblée, et un secrétaire lut la nouvelle constitution donnée par le roi; puis le monarque, ôtant lui-même sa couronne, prit un livre de prières, et entonna le Te Deum, que toute l'assemblee chanta dévotement. Cette révolution se fit avec autant de facilité dans les provinces que dans la capitale; elle rétablit le roi dans le pouvoir qu'il avait antérieurement ; toutefois elle offrait à la nation des garanties suffisantes. Mais il est rare qu'un souverain observe religieusement les lois qu'il a dictées, l'épée à la main, lorsque dans la suite il trouve dans ces mêmes lois des obstacles à ses projets ; par exemple, Gustave convoqua en 1778 les états du royaume, comme il en avait fait la promesse; mais ayant appris que l'ordre de la noblesse préparait des observations tendantes à réformer la constitution; il prononça sur-le-champ la dissolution de la diète. Cet esprit d'opposition fut ainsi comprimé; mais il ne put être étouffé entièrement, surtout parmi les nobles qui regrettaient toujours le pouvoir qu'ils avaient perdu. Dans la diète de 1786, sur quatre propositions faites par le roi, une seule fut acceptée, et l'opposition parut plus forte qu'elle n'avait été jusqu'alors : bientôt des officiers de l'armée employée en Finlande contre la Russie, refusèrent d'obéir au roi; on les accusa de trahison, et 1' ordre entier de la noblesse paraissait l'instigateur et le complice de cette sédition. Le moment était critique ; le roi quitte l'armée, parcourt les différentes provinces du royaume, se montre au peuple, lui parle avec son éloquence et son courage ordinaires, et partout le peuple lui renouvelle le serment de fidélité et de dévouement. Après cette épreuve, le foi rentra à Stockholm, et convoqua la diète. De nouveaux troubles y éclatèrent; la noblesse opposa une


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résistance vigoureuse aux volontés du monarque; le roi fit arrêter les membres les plus violens, et vint apporter eu personne aux états un acte qui modifiait la constitution de 1772, au profit du pouvoir royal. Le clergé, la bourgeoisie et les paysans l'acceptèrent sans difficulté; mais la noblesse refusa, et soutint que, comme il s'agissait d'une loi constitutionnelle, le consentement unanime des quatre ordres était nécessaire. On lui répondit, au nom du roi, que la diète de 1786 avait décidé formellement que tout acte explicatif de la constitution devait acquérir force de loi par le consentement de trois ordres, et nonobstant l'opposition du quatrième ; qu'ainsi le maréchal de la diète (président de la noblesse), devait signer l'acte, comme les orateurs des autres ordres : en effet, le maréchal signa ; mais dans la première assemblée de la nobles e sa conduite fut désavouée. La diète fut dissoute, et l'acte d'union et de sûreté fut reçu dans tout le royaume comme loi constitutionnelle. Entre autres dispositions, on doit remarquer celles qui confirment les privilèges de la noblesse et du clergé, les droits des villes et des paysans. Il convient d'exposer ici en quoi consistaient ces droits et privilèges. Ceux de la noblesse, établis par un acte du 10 octobre 1723, étaient d'occuper exclusivement les grandes charges de l'état, de faire le commerce sans déroger. En cas de confiscation de terres nobles, elles ne pouvaient demeurer à la couronne, et tout gentilhomme, parent ou autre, avait le droit de les racheter ; une terre noble ne pouvait être achetée par un roturier : d'ailleurs les nobles n'étaient assujétis ni à la taille ni à la capitation. Le clergé était maintenu dans ses rentes et donations, et particulièrement dansle droit de prélever une certaine quantité de blé sur les terres de la couronne et des particuliers,


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Ses revenus n'étaient point soumis aux droits royaux. L'acte, fondement de ces droits, était du 16 octobre Après la diète de 1789, Gustave continua à régner d'après le même systême, c'est-à-dire s'appuyant sur les classes inférieures, et toujours opposé à la noblesse. Par un arrêt, qui mérite d'être remarqué, il supprima le sénat, une des plus anciennes institutions de Suède, et transféra ses attributions au tribunal suprême, dont il est question dans l'acte de sûreté. La haine de la noblesse contre le roi n'était point éteinte; mais ce corps semblait reconnaître l'impuissance d'agir ; la Suède paraissait tranquille , et le roi se félicitait de cet état de paix, dans un discours prononcé à la clôture de la diète de 1792. Il ne prévoyait pas le coup qui le menaçait et qui le frappa bientôt après. Ce prince fut assassiné dans un bal masqué , par un gentilhomme nommé Anckarstrœm. Gustave IV, son fils, était encore mineur; le duc de Sudermanie fut nommé régent. Ce prince suivit un autre système que Gustave III. Il paraissait disposé à rétablir les anciennes institutions; mais, en 1796, le jeune roi ayant atteint sa majorité, prit lui-même les rênes de l'état.

§ IX. Révolution de 1809 et Conclusion. Gustave IV suivit les mêmes voies que son père ; il voulut que sa volonté fût la loi suprême; mais il n'avait ni les mêmes talens, ni surtout la même prudence. Dans les guerres de 1806 et 1807, entre la France et la Russie, il prit parti contre la France : lorsque la paix de Tilsitt fut conclue, il crut que sa gloire exigeait qu'il continuât seul la guerre , et il eût alors à combattre tout-à-lafois les Français et les Russes ; il fut battu par les uns et par les autres.


DU GOUVERNEMENT DE SUÉDE.

270 Ses revers excitèrent le mécontentement des Suédois , ou du moins servirent de prétexte aux mécontens. La révolte éclata dans l'armée de Norvège ; le roi manifesta l'intention de se montrer digne héritier de Charles XII, mais l'événement prouva qu'il n'était pas capable d imiter ce héros. Le 13 mars 1809, on s'empara de sa personne au "milieu de son palais. Le duc de Sudermanie, qui s'était tenu éloigné des affaires depuis la majorité , reparut, et prit les rênes du gouvernement sous le titre d'administrateur. Peu de jours après, Gustave IV signa un acte d'abdication conçu en ces termes : « Nous Gustave-Adolphe, roi de Suède, des Goths et des Vandales, duc de Slesvie, de Holstein, savoir fai» sons, qu'ayant été proclamé roi, il y a aujourd'hui dix-sept ans, nous avons monté avec une douleur profonde au « trône souillé du sang d'un père chéri et respecté. Nous dé» plorons l'impossibilité où nous nous sommes trouvés d'as» surer le bonheur de ce royaume, inséparable du bonheur » d'un peuple libre et indépendant; convaincu d'ailleurs que nous ne pouvons pas continuer plus long-temps nos fonctions royales, et conserver la tranquillité et le bon » ordre dans le royaume, à ces causes, nous regardons » comme un devoir sacré d'abdiquer notre dignité et notre » couronne royale ; ce que nous faisons par ces présentes , » librement et sans y être forcé, notre désir étant de passer » le reste de nos jours dans la crainte et dans l'adoration » de Dieu. Nous formons des vœux pour que nos sujets et leurs descendans puissent jouir à l'avenir d'une prospérité d'un bonheur plus grand par la miséricorde et la bénédiction de Dieu, et pour qu'ils révèrent le roi; en témoi» gnage , en confirmation de quoi, nous avons écrit et signé les présentes de notre propre main, et y avons apposé notre sceau royal. — Fait au château de Gripsholm , le 29 » mars de l' an de la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ » 1809." Dans le mente temps, les états du royaume avaient été TOME. III.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE

convoqués ; ils déclarèrent, d'une voix unanime, dans la séance du 10 mai, que Gustave IV et ses descendans étaient déchus du trône de Suède, et que tous les Suédois étaient dégagés du lien d'obéissance et de fidélité. , Le 5 juin suivant, le duc de Sudermanie fut déclaré roi, sous le nom de Charles XIII, et peu de jours après, une nouvelle constitution vint rendre à la Suède une partie des libertés qu'elle avait perdues par la révolution de 1772 , en conservant toutefois au monarque les prérogatives et la puissance nécessaire. Le roi n'avait point d'enfans, il voulut, en désignant son successeur, prévenir les troubles qui pourraient s'élever à sa mort. Il adopta le prince Christiern-Auguste, fils du duc de Holstein-Sonderbourg, Augustenbourg, et l'élection des états confirma le choix du monarque. Mais le 20 mai 1810, le prince royal mourut subitement ; une nouvelle adoption de la part du souverain, et une nouvelle élection de la part des états devint nécessaire : leur choix unanime appela au trône de Suède un des généraux les plus distingués de l'armée française, le prince de PonteCorvo ( Bernadotte). L'acte d'élection, en date du 21 août 1810, ne peut être considéré comme faisant partie des lois fondamentales de la Suède; mais il est un exemple remarquable de l'exercice d'un droit politique , conféré aux états par l' article 94 de la constitution de 1809. Sous ce rapport il doit être transcrit en entier. « Nous soussignés les états-généraux du royaume de Suède, comtes, barons, évêques, représentans de la noblesse, du clergé, de la bourgeoisie et des paysans , actuellement assemblés en diète extraordinaire, dans la ville d'Oerébro, savoir faisons : que Son Altesse Royale le prince CharlesAuguste de Schleweig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg dit prince royal de Suède, des Goths et des Vandales, étant décédé sans héritiers mâles, et que, jugeant qu'il est de


DU

GOUVERNEMENT

de s SUÈDE.

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notre devoir de prévenir et de détourner le péril, pour l'indépendance et la tranquillité du royaume, ainsi que pour les droits et les privilèges de ses habitans, fondés sur les lois fondamentales, qui pourrait résulter d'une vacance du trône et de l'élection qui s'en suivrait ; exerçant en même temps le droit qui nous est réservé dans le 94 article de la constitution du 6 juin 1809, d'élire, en pareil cas, une nouvelle dynastie. » A ces causes et considérant que le haut et puissant prince et seigneur Jean-Baptiste-Jules-Bernadotte, prince de PonteCorvo, est doué des vertus et qualités qui nous donnent le juste espoir de jouir, sous le règne de ce prince, d'une bonne administration et de la prospérité, fruits d'un gouvernement légal, énergique et bienfaisant, nous, les états-généraux de Suède, sur la proposition de notre auguste roi, actuellement régnant, etsur la condition que le susdit prince dû Ponte-Gorvo ait, avant son arrivée sur le territoire suédois , embrassé la religion évangélique luthérienne, et signé les reversales dressées par nous, avons élu volontairement par suffrages légaux et unanimes pour non et nos descendans, le haut et puissant seigneur Jean BaptisteJules-Bernadotte, prince de Ponte-Corvo , à la dignité de prince royal de Suède, pour, après le décès de notre auguste souverain actuel (dont le Tout-Puissant veuille protéger les jours), régner sur la Suède et les pays qui en dépendent, être couronné roi de Suède et recevoir le serment de fidélité, enfin gouverner le royaume suivant le but littéral de la constitution du 6 juin 1809, ainsi que suivant les autres lois en vigueur, tant fondamentales que générales et spéciales; le tout conformément aux reversates que Son Altesse Royale donnera présentement et dans la suite, à son avènement au trône. Nous conférons également aux descendans mâles, légitimes Al Altesse Son de Royale le droit d'occuper le trône de Suède, dans 1'ordre et de la manière qui sont statués littéralement dans la loi de succession, que nous avons établie. 18, e


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

«Nous, les états-generaux de Suede, ayant arrête ce qui précède, avons en conséquence confirmé le présent acte d'élection par la signature de nos noms et l'apposition de nos sceaux. » Fait à Oërébo, le vingt et unième jour du mois d'août de l'an 1810 après la naissance de Notre-Seigneur. » A l'époque où le prince de Ponte-Corvo fut élu prince royal de Suède, on pensa assez généralement qu'il devait son élévation à l'influence de Napoleon, alors si puissante sur toute l'Europe; mais aujourd'hui il est à peu près démontré que l'empereur des Français vit plutôt avec peine qu'avec plaisir le choix de la diète; qu'ainsi les Suédois furent déterminés seulement par le courage, le talent et le beau caractère du général français. Les dernières guerres qui ont changé la face de l'Europe n'ont eu aucune influence sur le gouvernement de la Suède. Depuis 1815, l'événement le plus important relativement à ce royaume, c'est la réunion de la Norvège. La cession de ce pays par le Danemarck était une des conditions du traité de Kiel ; elle fut garantie par l'acte du congrès de Vienne. Cependant le prince royal de Danemarck se mit à la tête des Norvégiens qui réclamaient et défendaient leur indépendance les armes à la main. L'armée suédoise, commandée par le prince royal, s'avança pour faire exécuter les traités. Déjà les Suédois vainqueurs étaient sous les murs de Christiania : les Norvégiens déclarent qu'ils sont prêts à poser les armes; mais ils demandent qu'une constitution de leur choix garantisse leurs droits et leur liberté. Le vainqueur s'arrête, et permet les délibérations de la diète, qui dresse l'acte constitutionnel aujourd'hui en vigueur. Enfin la mort du roi, arrivée le 5 février 1818, a placé sur Je trône de Suède le prince que le choix du monarque et le vœu de la nation, y avaient appelé. Il est hors de notre sujet de parler du caractère et des exploits de ce prince; il suffit de dire que la Suède voit en lui-


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577 un digne héritier de Gustave Wasa et de Gustave Adolphe ; que les souverains de l'Europe ont solennellement reconnu ses droits à une couronne reçue des mains de la nation , et vaillamment défendue par son épée; qu'enfin la France s'énorgueillit de voir un de ses enfans gouverner une nation aussi jalouse de sa liberté que fidèle à son souverain. Dans un ouvrage consacré à recueillir les monumens du droit public, et à présenter le tableau des révolutions politiques, comment parler de la révolution encore récente qui a renversé du trône de Suède le descendant de Gustave Wasa, sans examiner comment a été appliqué dans cette occasion le principe de la légitimité. Il est de fait que l'ordre légal a été interverti ; que le chef de la dynastie a été dépouillé de son droit; que par suite la dynastie a été exclue du trône , et qu'une nouvelle race y est montée. Il est de fait que cette révolution a été consacrée par l'adhésion libre de tous les souverains de l'Europe, et qu'on a vu le chef de la nouvelle dynastie suédoise marcher l'égal et l'allié des descendans de toutes les anciennes dynasties, précisément pour renverser un monarque de fait, moins dangereux comme conquérant que comme principe, selon les doctrines proclamées par la diplomatie européenne. Ces faits semblent présenter des applications contradictoires de la même règle, et avec des recherches bien superficielles, on trouverait des contradictions semblables dans l'histoire de presque toutes les nations modernes. Que faut-il conclure de là ? Doit-on penser seulement que les passions des hommes ont, suivant les circonstances, respecte ou méprisé le principe de la légitimité ? Ne doit-on pas peut-être aussi reconnaître que ce principe est moins absolu que ne le pensent certains publicistes , et que, souvent là où on ne voit d'abord qu'une infraction violente de la règle, on aperçoit ensuite une exception nécessaire? Cette distinction paraîtra fausse à quelques-uns , trop


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subtile à d'autres, et vraie, nous osons le croire, à tous ceux qui l'examineront avec attention et bonne foi. Lesdéveloppemens qui seraient nécessaires pour bien faire entendre notre pensée, nous entraîneraient trop loin; mais nous devons du moins la préciser de manière à ce qu'elle puisse être jugéé en connaissance de cause. ,, Unorateur a dit (I) : C'est un avantage immense qu' une famille antique sur un trône incontesté. V oilà le principe exprime dans toute son étendue raisonnable: dire moins, c'est le nier; dire pins, c'est l'exagérer et le fausser. C'est un avantage immense pour la société que la stabilité dans le pouvoir; car le pouvoir est lui-même une des nécessités de la société : mais si ce pouvoir allant contre la fin qui lui est assignée, tend à la dissolution du corps social, il cesse d'être le pouvoir légal; sa stabilité n'est plus un avantage; et alors le fait qui le renverse est-il réellement une infraction de la règle ? Certes, la question ainsi posée est plus délicate que difficile à résoudre. Mais hâtons-nous de dire que, si l'examen théorique des principes nous enseigne dans quelles bornes on doit ies restreindre ; la prudence la plus consommée, la bonne foi la plus grande, les lumières les plus étendues, sont souvent des guides insuffisans dans l'application. À quels signes reconnaîtra-t-on que le pouvoir cesse d'être conservateur de la société? qui osera dire que sa stabilité devient un fléau? qui indiquera le moyen légal de le renverser? qui pourra prévoir les résultats de tentatives violentes pour y parvenir ? Celui qui prononce légèrement sur de pareilles difficultés est un insensé ; celui qui ne veut pas qu'on les soulève est un fou d'une autre espèce, l'un se confie trop à ses lumières, l'autre fait abnégation de sa raison. Ainsi, il est vrai que la force qui brise un joug oppresseur ne doit pas être assimilée à la violence qui renverse le

(I) Benjamin-Constant.


DU GOUVERNEMENT DE SUEDE.

279 pouvoir légitime; la difficulté consiste à distinguer l'un de l'autre. L'expérience de tous les siècles, de tous les peuples, de tous les partis, est là pour soutenir notre doctrine par des exemples. C'est ici l'occasion de recueillir les paroles d'un roi, où l'on trouve le môme système exprimé avec une admirable énergie. Le 14 mars 181 7, le roi de Suède, alors prince royal, dans un discours adressé aux députés de la bourgeoisie de Stockholm, après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles il avait été appelé en Suède, et les agitations qu'ont avait récemment voulu exciter, s'exprimait en ces termes : « Je me dévouai au service d'une nation jadis célèbre , et » alors si malheureuse; je vins au milieu de vous; je vous » apportai pour titres et pour garantie mes actions et mon » épée. Si j'avais pu y ajouter une ligne d'ancêtres depuis » Charles-Martel, je ne J'aurais désiré que pour vous , car » pour moi je suis également fier de mes services et de la « gloire qui m'a élevé. A tous ces titres, je joins ceux de l'élection unanime d'un peuple libre et de l' adoption du roi ; • c'est sur ceux-ci que je base mes droits, et aussi long-temps que la justice et l' honneur ne seront pas bannis de cette terre, » ces droits seront plus légitimes et plus sacrés que si je descen» dais d'Odin (1). » Ce noble langage dit mieux que l'on ne pourrait le faire, en entassant des volumes, ce qu'il faut entendre par légitimité, et cette citation, en terminant le précis des événemens que nous avions à retracer, montre à chacun dans quel sens il faut entendre les réflexions que nous y avons ajoutées. (I) Nous avons transcrit ce passage et l'acte d'élection du prince de PonteCorvo, dans l'ouvrage intitulé : Mémoires pour servir a l'Histoire de Chartes XIɅ Jean, loi de Suède, et par MM. Coupé de St.-Donat et B. de Roquefort. Cet ouvrage contient une foule de documens curieux , et il nous a été très-souvent très-utile de le consulter et fort agréable de le lire.


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LOIS CONSTITUTIONELLES.

CONSTITUTION PUBLIÉE

PAR GUSTAVE III,

EN 1772.

PAR GUSTAVE III, EN 1772. GUSTAVE, par la grâce de Dieu, roi de Suède, des Goths et des Vandales etc., etc. Depuis notre avènement, au trône, nous nous sommes occupés sans relâche du bien-être et de la prospérité du royaume, ainsi que du bonheur et de la sûreté de nos fidèles sujets ; mais la situation actuelle de la Suède , rendait indispensablement nécessaires quelques changemens, dans les lois fondamentales de l'état, avant que nous puissions mettre complètement en exécution notre bonne volonté à cet égard; après les réflexions les plus mûres et l'examen le plus sérieux, nous avons dressé un plan d'administration, que la diète, actuellement assemblée, a accepté et juré d'observer ; en conséquence, nous approuvons et confirmons par ces présentes, dans un sens littéral,' cette forme de gouvernement, telle qu'elle a été acceptée par la diète. Nous, dont les noms sont écrits plus bas, sénateurs, états, comtes, barons, évêques, chevaliers et nobles, cierge , officiers militaires, bourgeois, et membres de la commune, actuellement assemblés à Stockolm, etc. , nous avons reconnu qu'un grand nombre de Suédois, sous le nom de liberté, se sont approprié une autorité et une domination d'autant plus insupportables , qu'ils se sont livrés à toutes les violences de l'intérêt particulier, et qu'enfin ils ont été ap- puyés par des forces étrangères ; que l'explication forcée qu'on a donnée aux lois, a plongé le royaume dans le plus grand danger, et le menace des malheurs dont l'anarchie affligea, dans tous les temps, les peuples, et en particulier nos voisins. Le courage de quelques citoyens, zélés pour la patrie, et secondés par les soins du très-haut et très - puissant prince et seigneur Gustave III, roi de Suède, etc., notre très-gracieux souverain et maître, ayant préparé une heureuse révolution, nous avons recherché des moyens dai-


281 DU ROYAUME DE SUÈDE. fermir notre liberté, de manière qu'elle ne soit plus ébranlée par des ministres ou des princes ambitieux, par des citoyens traîtres à la patrie ou par des puissances ennemies, et que l'ancien royaume de Suède et des Goths puisse demeurer un état libre et subsistant par lui-même, nous avons approuvé et confirmé, et par ces présentes, notifions et confirmons la forme de gouvernement que voici : elle sera , dès aujourd'hui, une loi fondamentale et inviolable, à laquelle nous nous soumettons, ainsi que nos descendans nés et a naître, promettons de l'observer et de la suivre en entier, suivant son sens littéral et mot à mot, et de regarder comme nos ennemis et les ennemis de l'état, ceux qui voudraient nous engager à y manquer. Art. I. L'union dans la religion et le culte, étant le fondement le plus solide d'un bon gouvernement, le roi, ainsi que tous les officiers et sujets du royaume, resteront constamment attachés à l'avenir à la parole pure et simple de Dieu, telle qu'elle a été révélée par les prophêtes et les apôtres, et expliquée dans le catéchisme de Luther, et la confession d'Augsbourg, déjà approuvée dans le synode d'Upsal et souvent dans les décrets et les déclarations des diètes. Nous confirmons ici les droits des ecclésiastiques , sans cependant leur permettre jamais d'empiéter sur les droits et les privilèges de la couronne et des laïques. 2. C'est au monarque à gouverner le royaume, suivant la teneur des lois suédoises ; c'est à lui, et non pas à d'autres, qu'appartient le droit de soutenir la vérité, et de la faire aimer, d'abolir et de détruire l'injustice et l'iniquité; il ne doit attenter à la vie, l'honneur, le corps ou la propriété de personne, avant del'avoir fait juger et convaincre par les lois, ni priver qui que ce soit de ses biens réels et personnels, sans une condamnation juridique. En tout, il est obligé d'administrer le royaume suivant les lois et la constitution du pays, telle qu'elle est expliquée ici. Quant à ce qui regarde l'ordre de succession à la cour onne, on observera la convention héréditaire, telle qu elle a été!*x^Ua Stockholm eu 1 745, laquelle est conforme à celle de W esteras de 1 544, et à celle qui fut faite à Norkioping, en 1604. 4. A l' avenir, ainsi que dans les temps passés, après les les princes du sang, les sénateurs ou les membres du conseil du roi, seront regardés comme les premiers en rang et en


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LOIS CONSTITUTIONNELLES

dignité ; le monarque les choisira parmi les nobles et les gens vivant noblement,qui sont natifs de Suède, et attachés au roi et au royaume, par leur hommage, leur fidélité et leurs services. Le nombre des sénateurs n'ayant pas été déterminé , jusqu'à présent, mais proportionné aux besoins de l'état, il sera à l'avenir de dix-sept, en y comprenant les grands officiers de la couronne et le duc de Poméranie ; ils donneront leurs avis toutes les fois que le roi le demandera ; ils conseilleront alors le roi, le mieux qu'il leur sera possible, et de la manière qui tendra le plus à l'avantage du souverain et à la prospérité et au bien-être de l'état , ils contribueront de tout leur pouvoir à la félicité publique; ils exhorteront la diète et la commune à la fidélité et à l'attachement au gouvernement; ils veilleront sur la dignité, l'indépendance , l'utilité et la prospérité du roi et du royaume, ainsi que le recommande une délibération de la diète en 1562 ; ils donneront des conseils, mais ils ne gouverneront pas : d'un autre côté, les sénateurs ne répondront qu'au roi seul de leurs conseils, et le monarque ne pourra leur rien reprocher, ni leur imputer un mauvais succès, si l'événement ne répond point à leurs décisions, à leurs conjectures , à leurs idées ou à leurs opinions appuyées sur des preuves et surtout lorsque leurs bons conseils échoueront par la faute de ceux qu'on emploiera à les mettre en exécution. 5. Le roi est obligé de tenir les rênes du gouvernement, de protéger les habitans du royaume, de soutenir leurs droits, ainsi que ceux de la couronne, et les lois et la forme d'administration établie par cet acte. 6. Les négociations au sujet de la paix et de la trève, des alliances offensives et défensives , soutirant rarement des délais, et exigeant le plus grand secret, le roi réglera ces affaires avec le sénat ; et après avoir entendu et pesé les avis des sénateurs, il adoptera les mesures qu'il jugera les meilleures et les plus favorables aux intérêts du royaume. Si dans ces cas importans, les sénateurs sont unanimement d'un avis contraire à celui du roi, le monarque se rendra à leur conseil; et, s'ils sont divisés dans leurs opinions, le prince , après les avoir bien examinées, choisira celle qui lui paraîtra la plus sage et la plus utile. 7. Si le roi est étranger, il ne sortira pas du royaume sans le consentement de la diète ; mais s'il est natif de Suède, il se contentera alors de communiquer son dessein aux sé-


2 83 DU ROYAUME DE SUÈDE. natcurs et de prendre leurs avis , comme dans l'article précédent. 8. Afin que les affaires publiques puissent être expédiées avec la plus grande exactitude et le meilleur ordre, elles seront partagées entre les sénateurs de la manière que le roi jugera la plus convenable ; en sa qualité de gouverneur suprême de l'état, le roi n'est responsable de sa conduite qu'à Dieu et à son pays; dans tous les cas où il demandera l'avis des sénateurs, il aura voix décisive, excepté dans les matières de justice, qui auront été décidées par le tribunal de la cour, par celui de la guerre et par tous les tribunaux établis dans le royaume. La révision des jugemens appartiendra au tribunal appelé revision de justice, composé de sept sénateurs, habiles dans la connaissance des lois du royaume, et présidés par le monarque, qui, comme autrefois, aura deux voix. Quand les voix seront égales de part et d'autre, il aura une voix prépondérante. 9. Le roi aura seul le droit de pardonner les offenses, de rendre à quelqu'un son honneur et ses biens, dans les cas criminels qui ne seront pas directement contraires à la parole claire et simple de Dieu. 10. Les premiers emplois militaires, depuis celui de feldmaréchal, jusqu'à celui de lieutenant-colonel inclusivement, et ceux du même rang dans l'état ecclésiastique et dans l'ordre civil, se conféreront dans le conseil du roi, de la manière suivante : lorsqu'il y en aura un de vacant, les sénateurs s'informeront des talens et du mérite des candidats, et ils feront le rapport de leurs découvertes au prince : dès que le roi aura déclaré en présence du sénat, la nomination qu'il aura faite, les sénateurs pourront inscrire sur les registres les remarques qu'ils voudront, mais ils ne pourront pas voter sur cette matière. Quant aux autres emplois, les collèges et les chefs des différens départemens, proposeront à la place vacante, trois des plus habiles et des plus dignes sujets qu'ils pourront trouver, et ils y joindront un ou deux des candidats qui se seront offerts d'eux-mêmes, et le roi choisira. Les officiers des régimens avanceront de grade eu grade, suivant l'ordre établi par Charles XII, le 19 octobre 1716. Si on fait des injustices à quelqu'un, les chefs des corps en répondront. Tous les emplois subalternes que conteraient les collèges, les consistoires, les colonels des régimens ou autres avant 1680, continueront à être donnés


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par eux. Aucun étranger, de quelque rang qu'il soit, ne pourra obtenir des emplois civils ou militaires, autres que des emplois à la cour; à moins qu'il n'ait des qualités éclatantes, capables d'illustrer le royaume , ou de lui procurer des avantages considérables. L'instruction et l'expérience conduiront toujours aux charges , sans aucun égard pour les candidats protégés , ou d'une naissance distinguée qui manqueront de talens. On suivra l'ancienne coutume dans l'élection des archevêques, des évêques et des surintendans des églises, c'est-à-dire, que le roi nommera un des trois sujets qui lui seront proposés, en observant ce qui est statué par le réglement de 1720, au sujet de la nomination du bas clergé. 11. Le roi a le droit d'anoblir ceux qui par leur fidélité, leur valeur, leurs lumières et leur expérience, ont rendu des services à lui ou à l'état ; mais la noblesse de Suède étant aujourd'hui très-nombreuse, Sa Majesté aura la bonté de limiter le nombre des nouveaux gentils hommes à cent cinquante : Les ordres de chevalerie et les ordres de la noblesse; ne pourront pas refuser ces cent cinquante nouvelles familles dans leurs corps, ou en qualité de chevaliers, ou de comtes et de barons, surtout si elles se sont rendues dignes de la faveur royale par des services distingués. 12. Le roi fera délibérer dans son cabinet, sur toutes les affaires dont ne parle pas cette capitulation, ou s'il le juge à propos dans un des comités de son conseil: il pourra aussi consulter alors un plus grand nombre de sénateurs ; mais le résultat sera toujours censé venir du cabinet. 13. Comme la nation est trop étendue , et les affaires publiques, trop nombreuses et trop importantes, pour que le roi puisse se mêler de toutes les parties de l'administration , il est nécessaire que Sa Majesté emploie des baillifs et des gouverneurs de provinces. 14. Il y a certains collèges établis, pour la prompte expédition et exécution de toutes les affaires publiques : les directeurs de ces collèges auront le droit, en vertu de leurs charges, et de l'autorité dont ils sont revêtus, d'établir les officiers subalternes dans leurs emplois respectifs; de les contenir dans les bornes du devoir et de l'obéissance ; de leur demander compte de ce qui leur a été confié, et d'en faire le rapport au monarque, quand cela est nécessaire; ils


285 DU ROYAUME DE SUÈDE. sont obligés d'ailleurs eux-mêmes, de rendre compte au roi de leur conduite. 15. Le roi nommera président du tribunal de la cour, un homme qui, par ses lumières et son expérience dans l'administration de la justice , soit en état d'exercer cet emploi , et il lui donnera pour assesseur un vice président, et les conseillers et assesseurs ordinaires de ce tribunal. Les tribunaux de cette espèce examineront, si dans leurs districts respectifs la justice est administrée suivant les statuts et les lois du royaume, et si les juges observent les réglemens à la lettre ; ils rendront la justice à chacun d'une manière impartiale , sans délai et sans intérêts. Dans les cas qui concernent la vie et l'honneur des chevaliers ou des nobles, le jugement ne peut être prononcé par un autre tribunal que celui de la cour: ainsi le veulent leurs privilèges, et la forme de procédure établie en 1715. L'instruction judiciaire se fera cependant sur les lieux où le délit a été commis, et les privilèges dont on vient de parler ne s étendront à aucun des cas qui n'intéressent point la vie ou l' honneur des chevaliers ou des nobles. Ces tribunaux souverains surveilleront d'ailleurs avec soin, les juges des tribunaux subalternes , ils les obligeront à rendre compte de leur conduite, et ils les puniront suivant l'exigence des cas, quand ils auront malversé par ignorance, par négligence , ou par corruption; et s'il se trouve un juge qui par haine de son prochain , par mauvaise volonté ou par esprit de vengeance, manque, de propos délibéré, aux lois et à l'équité, et fasse tort a qui que ce soit, en ce qui regarde la vie, l'honneur ou les biens , il ne suffira pas de le punir par une amende ou par la déposition; on le condamnera à perdre la vie ou l'honneur, suivant les circonstances. De semblables crimes ne seront pas cachés, ni dissimulés ni négligés par pitié, de peur que d'autres juges ne soient portés à les imiter, en voyant qu'ou ne les punit pas. Ceux qui par mauvaise volonté, par imprudence, ou par vengeance, attaqueront les juges, ou les officiers subalternes dans lexercice de leurs fonctions, ou qui parleront contre eux, ou publieront des des écrits injurieux, offensans ou déshonorans pour les juges et eurs officiers , sans donner la preuve de ce qu'ils avancent, seront punis sur le champ avec la plus grande sévérité, suivant la nature du délit. Personne de quelque qualité et condition qu'il soit, ne sera tenu long-temps en


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prison, sans être examiné et jugé : pour que la petitesse des salaires ne puisse fournir à aucun juge, le prétexte de prévariquer et de cacher des abus dans l'exercice de ses fonctions, les contributions destinées par les états à l'entretien des juges, seront employées à cet usage, et les salaires payés exactement. Les baillifs et les procureurs du roi, s'acquitteront de leurs fonctions sans négligence et sans aucune vue d'intérêts; s'ils malversent en ce point, ils répondront de tout ce qui pourra en arriver, le chancelier de justice veillera soigneusement à l'exécution des lois du royaume , et s'il remarque qu'on les enfreint, il en fera tout de suite le rapport au roi; il y aura à l'avenir, comme autrefois, trois cours souveraines dans le royaume; la première à Stockholm, dont la jurisdiction s'étendra sur le royaume de Suède, dans le sens que les anciennes lois donnent à ce mot; la seconde à Linkioping , dont la jurisdiclion s'étendra sur le royaume de Gothie , et la troisième à Cebo, dont la juridiction s'étendra sur la principauté de Finlande. 16. Tous les tribunaux, commissions, et délégations extraordinaires, ayant droit de juger, soit qu'ils aient été établis par le roi ou par la diète, seront abolis désormais parce qu'ils ont toujours tendu à favoriser le despotisme et la tyrannie. Tous les Suédois jouiront du droit d'être jugés par le tribunal qui prend ordinairement connaissance des affaires dont il est question. Cependant s'il arrive, qu'une personne d'une très-haute naissance, un sénateur ou un collége entier, soit coupable envers le monarque, le royaume ou la majesté de la couronne, et que le crime ne puisse être jugé par le tribunal souverain , ou par le conseil d'état, on le renverra à un tribunal particulier, qui sera présidé par le roi en personne, ou en son absence par le prince royal, ou le premier prince du sang, ou le plus ancien/sénateur ; tous les sénateurs, le feld-maréchal, tous les présidens du royaume , et des colléges royaux y siégeront, ainsi que quatre des plus anciens juges des trois cours souveraines, un général, les deux plus anciens lieutenansgénéraux, les deux plus anciens majors-généraux, le plus ancien amiral, le chancelier de la cour et les trois secrétaires d'état, le chancelier de justice fera les fonctions du procureur-général, et le plus ancien secrétaire de la révision., sera chargé de tenir les registres du procès. Ces corn-


287 DU ROYAUME DE SUÈDE. missaires prononceront un jugement définitif, qui ne pourra être changé, par qui que ce soit, et surtout on ne pourra pas aggraver le châtiment qu'ils auront prononcé : dans ces cas cependant le monarque conserve toujours le droit d'accorder le pardon 17. Après le tribunal souverain, vient le collége de la guerre, où il y aura, comme par le passé, un président, le général de l'artillerie, le quartier-maître général, et les conseillers ordinaires de guerre, dont chacun sera choisi parmi les hommes les plus versés dans l'art militaire. Ce collége aura l'inspection de l'armée de terre, de l'artillerie, des fortifications, des canons, des fonderies, des armes et des autres instrumens de guerre; des places et des châteaux des frontières, de la milice, des enrôlemens, des revues, etc., et il suivra les instructions, les ordres et les lettres du roi qui ont été expédiés ou qui le seront dans la suite. 18. Toutes les troupes de terre et de mer prêterontserment d'obéissance au roi, au royaume et aux états de Suède , suivant la forme ordinaire. Les régimens de cavalerie et d'infanterie, ainsi que les troupes de la marine, resteront dans leurs divisions respectives, et les contrats passés avec les bourgs et les villes et les communes sur cet objet, seront strictement observés, jusqu'à ce que le monarque et la diète de concert jugent qu'il faut y faire des changemens. 19. Aucun colonel ou commandant militaire, sous prétexte de revues ou de marches, ne rappellera sans un ordre spécial du roi, les soldats qui ont obtenu la permission d'aller dans leurs familles, excepté dans le cas des revues ordinaires de régimens, ou à moins que l'ennemi ne fasse tout à coup une invasion dans le royaume. Alors l'officier commandant en avertira sur-le-champ le monarque, à qui seul appartient le commandement en chef de toutes les forces de terre et de mer, droit dont il a toujours joui dans les époques les plus brillantes de l'état. 20. L'amirauté est le troisième collège du royaume. Il y aura un président; tous les amiraux et les principaux officiers de la marine seront ses assesseurs; et afin que les affaires de ce département se conduisent avec plus de sagesse, lorsqu'on en délibérera en présence du roi, il s'y trouvera au moins un sénateur qui aura servi en mer, et qui sera expérimenté dans la marine. Ce collège aura l'inspection et le soin, des forces navales du royaume, et de tout ce qui en dépend


LOIS CONSTITUTIONNELLES de la construction et de l'équipement des vaisseaux rte guerre, de l'habillement, de la nourriture et de l'enrôlement des matelots et des pilotes; il suivra en tout les instructions, les ordres et les lettres données par le roi sur cette matière, ou qui seront données dans la suite. 21. La chancellerie est le quatrième collége du royaume: elle sera toujours présidée par un sénateur, qui aura pour assesseurs un ou plusieurs sénateurs, un chancelier de la cour, les secrétaires d'état et les conseillers ordinaires de la chancellerie. On y préparera tous les actes et toutes les ordonnances qui intéressent l' état en général ou les priviléges des villes ou des particuliers. On y rédigera aussi tout ce qui regarde les diètes, les assemblées, les alliances avec les puissances étrangères ; les traités de paix, les instructions des ambassadeurs. Ce collège sera charge de veiller sur les registres des conseils tenus par le roi et de tout ce qui est expédié sous la main et le sceau du monarque. Il veillera encore sur tous les emplois du royaume, afin qu'on les exerce d'une manière convenable. Les secrétaires d'état auront soin que toutes les expéditions soient, faites promptement et en bon ordre, suivant la direction de Sa Majesté, et qu'on les enregistre sans rien ajouter ou retrancher. Si quelqu'un avait l'audace d'expédier quelqu'un de ces ordres, contre la décision de Sa Majesté, il serait renvoyé de son emploi, et puni suivant l'exigence du cas, après avoir été examiné et jugé. Excepté dans les affaires de la guerre, ou n'obéira à aucun ordre qui ne sera pas dument contre-signe ; enfin la chancellerie se conformera toujours aux ordres qu'elle a déjà reçus, ou qu'elle pourra recevoir dans la suite. 22. Sa Majesté nommera en plein sénat (sans qu'aucun sénateur vote) le président de la chancellerie, les conseillers de ce collège, qui doivent être des sénateurs, les chancelliers de cour et de justice, les secrétaires d'état, les secrétaires de chancellerie et les secrétaires d'expédition. Sa Majesté choisira et nommera de la même manière tous ses ministres dans les cours étrangères. 23. Le collège de la chambre est le cinquième collége du royaume, composé d'un président et d'un conseiller ordinaire de ia chambre. Tous ceux qui auront des affaires relatives aux revenus et aux dépenses du roi et de la couronne adresseront à ce collége, qui se conformera aux instructions, ordres et lettres du roi, qui ont déjà été expédiés, ou 288


DU ROYAUME DE SUÈDE. qui le seront dans la suite. Ce collége aura soin que les revenus de la couronne soient perçus et augmentés au besoin, d'une manière convenable, que les droits royaux ne se perdent point, que les contributions soient fournies et payées exactement, et que le crédit public ne baisse pas, afin que Sa Majesté puisse dans aucun cas de nécessité trouver des secours parmi ses sujets et chez l'étranger; les comptes des revenus provenant des douanes et des accises, doivent être présentés à ce collége , après qu'ils auront été examinés par les directeurs de chaque partie. 24. Le collège d'état, composé d'un président et de plusieurs commissaires d'état ordinaires, aura l'administration des biens de la couronne; tous ceux, qui posséderont quelqu'une de ces propriétés comparaîtront devant ce collège , au temps qui leur sera fixé. On fera, chaque année, un état des biens de la couronne suivant le règlement de 1696. On. ne détachera aucune somme extraordinaire de cette branche de revenus de la couronne, à moins que le service indispensable du roi ou du royaume ne l'exige. On prendra, sur cette partie, une certaine somme, ordinairement appelée les dépenses particulières de Sa Majesté , et en outre une somme annuelle pour les dépenses extraordinaires, qui seront ordonnées, signées et contre-signées, suivant les ordres de Sa Majesté, le tout conformément aux instructions et lettres du roi, qui ont été expédiées, ou qui le seront dans la suite. 25. Le roi ( sans que les sénateurs votent) donnera, en plein sénat, les places de président et de commissaires d'état, à ceux dont la fidélité et les lumières sur ces objets auront mérité sa confiance. 26. Le collège des mines, composé d'un président et des conseillers ordinaires et assesseurs des mines, qui se sont rendus capables, par leurs lumières et leur expérience, de devenir juges en cette partie, et qui ont acquis toutes les connaissances nécessaires à la conduite des mines, aura 1'inspection et le soin des mines et de tout ce qui en dépend. 27. Le collége de commerce, composé d'un président et des conseillers ordinaires du commerce et d'assesseurs bien instruits des matières du commerce, s'occupera de l'augmentation, ne lextention et des progrès du commerce et des manufactures. Il aura soin que les ouvriers des fabriques soient logés et entretenus convenablement, et qu'en ce qui TOME III. 19


LOIS CONSTITUTIONNELLES 290 regarde les priviléges, accises, douanes, et autres articles pareils, on ne transgresse point les lettres, ordres ou instructions du roi, qui ont déjà été donnés , ou qui le seront dans la suite. 28. Le collége de révision, composé d'un président et de quelques assesseurs, aura soin que les procès portés devant ce tribunal soient jugés suivant les lois, et que les sentences soient exécutées par le fiscal; il sera chargé en outre d'examiner, recevoir et rectifier sans délai les comptes annuels de la couronne, dès qu'ils seront sortis du collége de la chambre, le tout conformément aux ordres, aux lettres du roi et aux instructions qui ont été donnés, ou qui le seront dans la suite sur cette matière. 29. Le grand-maréchal du royaume est un des sénateurs chargé de l'inspection de la cour, du château et de la maison du roi, ainsi que de sa table et de tout ce qui en dépend ; il réglera son département de la manière qui lui paraîtra la plus judicieuse. 30. Sa Majesté réglera elle-même ce qui regarde sa suite ; elle seule aura le droit d'y faire les changemens qui lui paraîtront nécessaires. 31. Le gouverneur de Stockholm, le capitaine, lieutenant, les lieutenans et le quartier - maître, les trabauds, le colonel et le lieutenant-colonel, les gardes-du-corps, le colonel du régiment des gardes, le colonel des dragons de la garde, le colonel de l'artillerie, les aides-de-camp-généraux et les commandans des villes frontières exerçant des places de confiance , seront nommés par Sa Majesté ,en plein sénat, sans qu'aucun sénateur vote. 32. Tous les colléges s aideront mutuellement en ce qui regardera l'utilité et 1'avantage du roi et du royaume, mais aucun d'eux n'aura le droit de dominer sur les autres, ni d'arrêter ou retarder leurs opérations; ils rempliront tous leurs devoirs avec ie soin, la diligence, la fidélité et la prudence requise. Tant que les presidens résideront, dans les colléges , ils jouiront de leur autorité ordinaire ; s'ils s'absentent pour les affaires du roi ou leurs propres affaires , ils conserveront leurs titres et les avatages qui y sont attachés ; mais ils ne pourront ordonner, prescrire ou commander rien de ce qui sera relatif à leur charge de président avant leur retour dans les collèges. En leur absence, le plus ancien des assesseurs jouira de l'autorité et du pouvoir du


DU ROYAUME DE SUÈDE. 291 colléges sont président. Tous les obligés de rendre compte au roi des affaires portées devant eux; mais ils ne doivent répondre sur ces matières quà Sa Majesté seule. 33. L'établissement actuel donne aux propriétaires ordinaires des fiefs, appelés hoef dingthuamern, tous les gouvernemens des provinces. A l'avenir, il n'y aura aucun gouverneur-général dans le royaume, excepté dans les cas particuliers et pour un temps limité; et, dans aucune occasion, on ne donnera un fief personnel : les fiefs seront distribués suivant la constitution de 1720. 54. Les princes héréditaires du royaume de Suède, et les princes du sang royal, ne pourront avoir aucun fief ou gouvernement général; ils se contenteront des sommes eu argent qui leur seront accordées par les états : cette somme ne sera pas pour les princes héréditaires de moins de cent mille dalhers d'argent, c est-à-dire, d'environ six mille livres sterling par an. Dès le moment où ils seront parvenus, à l'âge de vingt-et-un ans. Les autres princes plus éloignés de la couronne, recevront annuellement, une somme suffisante pour l'entretien des personnes de leurs rangs; ils pourront être revêtus d'ailleurs des titres de duc ou de prince, comme autrefois, sans avoir cependant aucune prétention à former sur les provinces dont ils porteront le nom. Ces provinces seront toujours réunies sous un seul chef, sans aucune aliénation ou division. 55. Quant à l'entretien du prince royal, qui est toujours le fils ou le petit-fils en ligne directe et descendant du roi qui est sur le trône, il sera établi de la même manière, en tout que l'a été celui de notre gracieux souverain Gustave III, fils d'Adolphe-Frédéric de glorieuse mémoire; le prince royal entrera au conseil dès l'âge de dix-huit ans. 56. Aucun prince du sang royal de Suède, soit le prince royal, le prince héréditaire , ou un autre prince, ne pourra légalement se marier sans la connaissance et l'aveu du roi; s il manque à cet article, il sera puni suivant les lois, et ses enfans seront privés de tous leurs droits d'héritage. 37. Si le roi est malade, ou s'il fait un long voyage, la regence passe aux sénateurs que nommera Sa Majesté; mais s 'il tombe malade subitement, et qu'il ne puisse pas donner d' ordre sur 1'administration, tous les ordres du cabinet ou de la chancellerie, seront signés par quatre des plus anciens sénateurs et par le président de la chancellerie : ces cinq 19.


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officiers exerceront l'autorité royale dans tout ce qui exigera une prompte expédition, ils ne pourront cependant donner aucun emploi, ni conclure aucune alliance, avant que la santé clu monarque soit assez rétablie, pour qu'il puisse s'occuper des affaires de l'état; de plus ils seront obligés de rendre compte à Sa Majesté de la manière dont ils auront administré les affaires publiques. Si le roi meurt, le prince héréditaire étant encore mineur, les affaires publiques serontadministrées ainsi qu'on vient de le régler tout à l'heure, tous les emplois publies se donneront par intérim, comme si le roi vivait. Si le feu roi a fait un testament, on exécutera ses dernières volontés. 58. Les états du royaume s'assembleront au temps et lieu qui leur seront assignés, quand le roi les convoquera, pour délibérer avec Sa Majesté sur les affaires qui leur seront communiquées; mais aucun autre que le roi, ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, convoquer la diète générale, excepté dans la minorité du monarque, que ses tuteurs exerceront ce droit. Si le trône vient à vaquer par l'extinction de la famille royale (ce qu'à Dieu ne plaise), les états du royaume seront obligés, sans être convoqués, de s'assembler à Stockholm, le treizième jour après la mort du roi , ainsi que le prescrit l'acte de réunion du 23 juin 1 743. On publiera alors les peines décernées contre ceux qui auront l'audace de s'efforcer, par des actions ou par des actes de violence, d'interrompre l'élection libre de la diète. Dans cette conjoncture fâcheuse , c'est à la principale noblesse, au chapitre de la cathédrale d'Upsal et aux magistrats de Stockholm , d'annoncer la mort du monarque à tous les ordres de la nation. Les propriétaires des fiels sont obligés, dès ce moment, d'en informer les habitans de leurs domaines; de prendre soin qu'on ne trouble la tranquillité publique, de s'assembler au temps et lieu fixés, afin de protéger et défendre la liberté du royaume, et que les états puissent élire une nouvelle maison royale. 39. Les états conserveront fidèlement et soigneusement tous les droits royaux, tels qu'ils sont exposés par les lois. Ils les maintiendront dans toute leur vigueur, et ils défendront et fortifieront avec attention et avec zèle, tout ce qui appartient à l'autorité royale, sur cette matière, ils ne changeront, multiplieront ou diminueront point les lois fondamentales du royaume, sans lavis et le consentement du roi.


DU ROYAUME DE SUEDE.

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Tous les autres actes et statuts portés depuis l'an 1680, jusqu'à ce jour, relativement aux lois fondamentales du royaume, sont, par cet article, abolis et supprimés. 40. Le roi ne pourra établir aucune loi nouvelle, ou abolir une loi ancienne, sans la participation et l'aveu des états. 41. Les états ne pourront abolir aucune loi ancienne, ou en établir une nouvelle, sans la participation et l'aveu du roi. 42. Lorsqu'il sera question d'établir une nouvelle loi, si c'est la diète qui la désire, les états délibéreront entre eux ; et après être tombés d'accord sur cette loi, les quatre orateurs la communiqueront au roi, et lui demanderont son avis. Sa Majesté demandera alors l'avis du conseil , et après l'avoir pesé et pris sa résolution, il (déclarera à la diète dans un discours, le consentement qu'il donne à la loi, ou les raisons qui le déterminent à s'y opposer. Si c'est le monarque qui propose une loi nouvelle, il fera tout de suite part de son projet aux sénateurs, dont les opinions par écrit seront envoyées aux états. La diète après avoir délibéré et pris une résolution, demandera un jour, pour faire part de son consentement au roi dans la grande salle de l'assemblée :si elle a arrêté des représentations négatives, les quatre orateurs les porteront par écrit au prince, ainsi que les raisons qui les ont décidés à cette démarche. 45. S'il survient quelque débat au sujet de l'interprétation des lois, on le terminera de la manière énoncée dans l'article précédent. 43. Le droit de battre monnaie, est un ancien droit de la couronne, et il sera toujours un des principaux priviléges du roi; mais on ne fera aucun changement dans la valeur ou le titre des espèces courantes du royaume, sans la connaissance et l'aveu des états. 45. C est au roi à entretenir la paix et la sûreté publique dans le royaume, et surtout à mettre la nation à l'abri des puissances étrangères et des ennemis ; mais il ne pourra pas, contre les lois, contre son serment et sa parole royale, établir des impôts, de nouvelles taxes militaires, ou contributions sur ses sujets, sans le consentement et l'aveu des états, à moins que le royaume ne soit attaqué tout-à-coup par des armées étrangères : dans ce cas , il aura le droit de prendre les mesures et les moyens qu'il jugera les plus favorables à


294 LOIS C0NSTITIJTIONWELLES la sécurité du pays et au bien de ses sujets. Dès que la guerre sera terminée, il convoquera la diète; et les nouveaux impôts mis sur le peuple, à cause de lu guerre, cesseront immédiatement. 46. Les assemblées de la diète ne se prolongeront jamais au-delà de trois mois au plus, afin qu'il n'en coûte pas trop aux électeurs des représentans à la diète, ainsi que cela est arrivé souvent. Le roi dissoudra les états, et ordonnera a tous les membres de retourner chez eux, si on ne fait pendant la diète, aucune loi ou réglement nouveaux, les choses resteront comme elles se trouvaient auparavant. 47. Les états.jouissent du droit et du privilége de nommer ceux qui doivent composer le comité particulier, avec lequel Sa Majesté délibérera sur les affaires qu'elle jugera à propos de tenir secrètes. Le comité aura tout le pouvoir oes états eux mêmes ; mais dans tous les cas où les délibérations pourront être connues, elles seront communiquées à la diète et soumises à son jugement. 48. Le roi ne pourra faire ni la paix ni la guerre sans la connaissance et l'aveu des états. 49. Les officie rs des états ne pourront laisser au roi, et Sa Majesté ne pourra leur demander, d'autres registres que ceux qui ont rapport aux affaires examinées par Sa Majesté de concert avec la diète. 5o. On présentera au comité de la diète l'état de tous les ouvrages publics et de toutes les sommes données par le trésor, afin qu'il puisse juger si l'argent a été sagement employé. 51. Si un membre de la diète est attaqué sans cause, ou maltraité de paroles ou d'actions, pendant la tenue des états ou lorsqu'il s'y rend , ou qu'il s'en retourne, même après avoir déclaré publiquement qu'il est de tel ou tel comité, cet outrage sera Pani comme un crime et une infraction à la paix uu royaume. 52. Sa Majesté maintiendra tous les ordres de l'état dans leurs priviléges, prérogatives, droits et libertés légalement acquis; on n'accordera point de nouveau privilége à aucun des ordres de la nation , sans l'aveu et sans la participation de tous les autres. 55. Le roi seul veillera à ce que la partie du duché de Poméranie, annexée à la couronne de Suède, soit gouvernée d'après les lois de l'empire germanique, suivant le traité de Westphalie.


DU ROYAUME DE SUÈDE. 2955 54. Toutes les villes du royaume conserveront les droits et priviléges légalement acquis et légalement reçus des anciens rois de Suède, de manière cependant qu'elles se conforment aux circonstances actuelles et au bien général. 55. La banque de la nation restera a l'avenir, comme par le passé, sous l'inspection de la diète, et sera administrée suivant les réglemens et statuts qui ont été faits, ou qui le seront dans la suite par les états. 56. Quant à la caisse des pensions de l'armée, elle sera soumise aux mêmes réglemens qu'autrefois, ou du moins elle sera réglée d'après les plans adoptés par le roi, les officiers-généraux et les officiers des troupes réglées. 57. S'il y a quelque article obscur dans cette loi fondamentale, on le prendra dans un sens strictement littéral , jusqu'à ce que Sa Majesté et la diète lui aient donné l'interprétation convenable; le roi et les états suivront, dans cette interprétation , ce qui est prescrit par les articles 39 et 42. Nous, les états de la nation formant la diète, après avoir reconnu que toutes les fois ci-dessus sont nécessaires pour administrer sagement le royaume, et maintenir nos libertés et la sûreté de nos biens et de nos personnes, pour nous, et nos concitoyens et nos descendans nés et à naître, nous déclarons de nouveau que le pouvoir arbitraire, ou ce qu'on appelle communément la souveraineté absolue, nous inspire la plus grande horreur; mais nous croyons que c'est un bonheur, et en même temps un sujet de gloire pour nous, en qualité d'états libres et indépendans, faisant des lois, et assujétis aux lois, d'exister et de vivre sous le gouvernement d'un roi revêtu d'une autorité bornée par les lois, de pouvoir mener une vie tranquille sous la protection des lois; nous espérons que cette heureuse constitution délivrera nous et notre pays des dangers et des désordres qu'entraînent à leur suite le pouvoir arbitraire, l'aristocratie, et l'autorité partagée entre trop de mains; nous promettons de notre coté de nous soumettre à cette loi fondamentale, et de ne jamais troubler la forme de gouvernement qu'elle établit ; nous faisons cette promesse avec d'autant plus d'assurance, que Sa Majesté a déjà déclaré que sa plus grande gloire est d'étre le premier citoyen d'un peuple libre. Nous espérons que cette disposition favorable à la Suede se transmettra à tous ses descendans, jusqu'aux siècles les plus reculés. Nous déclarons ennemi de la nation et du royaume tout citoyen mal-


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intentionné, qui, secrètement ou en publie, seul ou ligua avec d'autres, par stratagème, par artifice, ou par des violences ouvertes , voudrait s'écarter de cette loi, afin de nous soumettre au pouvoir arbitraire, ou qui, sous prétexte de maintenir la liberté de l'état,s'efforcerait de détruire cette loi, laquelle tend à s'opposer à l'autorité absolue et aux désordres qu'elle entraîne , et à faire rendre une justice impartiale à tous nos concitoyens; nous sommes d'ailleurs disposés, suivant notre devoir et notre serment de fidélité, et suivant la forme de gouvernement établie par cette loi, de rendre à Sa Majesté une obéissance stricte, d'obéir à ses ordres dans tous les cas dont nous pourrons nous justifier devant Dieu et devant les hommes; et, pour plus de sûreté, nous avons confirmé et confirmons le présent acte signé de notre main , et muni de notre sceau. A Stockholm , le 21 août 1772. G. Leyouhunfund, P. T. maréchal de la diète ; — A. H. Forsennius, orateur ; — J. G. Hockschild, en place de l'orateur ; — Jos. Hausson , orateur. Non-seulement nous acceptons pour nous-mêmes les articles ci-dessus, comme une loi fondamentale et irrévocable, mais nous enjoingnons et nous ordonnons à tous ceux qui ont prêté foi, hommage et obéissance à nous et à nos successeurs et au royaume , de reconnaître cette forme de gouvernement, de la suivre et de s'y conformer. Pour plus de sûreté , nous avons signé cet acte de notre main, et nous 1' avons fait munir du sceau de nos armes. A Stockholm, le 21 août 1772. GUSTAVE III.


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ACTE D'UNION ET DE SURETÉ,

Consenti par la Diete de Sue de, le 21 février

1789.

DANS la vue d'éloigner en tout temps de nous , et de notre chère patrie les violentes secousses, qui, en partie par la faute de personnes individuelles, remplies d'ambition et du désir de dominer, en partie, par des trames secrètes, ourdies de la part de l'étranger , et enfin par l'envie et la discorde interne des états, ont si souvent mis en danger le royaume, son existence même et la sûreté générale , et qui ont occasionné des scissions, non-seulement entre les sujets , les uns envers les autres ; mais aussi entre le roi et le peuple; ainsi qu'afin de pouvoir fixer une fois pour toutes, les principes fondamentaux sur lesquels reposent les lois constitutionnelles, en écartant pour l'avenir, toute obscurité et toute addition partiales, il a plu à notre très-gracieux roi, pour lui et pour ses successeurs au trône de Suède, de convenir avec nous de l'acte suivant, d'union et de sûreté. Art. 1 Nous reconnaissons que nous avons un roi héréditaire, qui a le pouvoir de gouverner le royaume, de le mettre en sûreté, de la maintenir en liberté et de le défendre, de commencer la guerre , de faire la paix, de conclure des alliances avec des puissances étrangères , de distribuer des grâces, d'accorder la vie, de rendre l'honneur et les biens, de disposer à son bon plaisir de toutes les charges du royaume, qui doivent être remplies par des citoyens natifs suédois, de maintenir le droit et la justice, ainsi que les autres parties de l'administration, et la gestion des affaires publiques du royaume, de telle manière et ainsi que le roi le jugera le plus avantageux. 2. Nous nous considérons comme des sujets libres, obéissant aux lois et jouissant de la sûreté sous un roi légitimement couronne, qui nous gouverne selon les lois écrites de la Suède ; et comme nous sommes tous également sujets libres, nous devons aussi jouir, sous la protection des lois, de droits égaux à tous égards; par conséquent, le tribunal suprême du roi ; dans lequel se terminent toutes les affaires er


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de justice et de révision , et où le roi a deux voix, doit être composé de membres tant roturiers que nobles , et à l'avenir le nombre des sénateurs qui auraient séance dans ce tribunal dépendra uniquement du bon plaisir du roi, attendu que Sa Majesté veut protéger tous et chacun contre toute injustice, et ne perdre personne, ni dans son honneur, ni à l'égard de son corps et de ses membres , ou de ses biens, avant qu'il ait été légalement convaincu et condamné par sa juridiction compétente. 3. Une nation également libre doit avoir des droits égaux, et conséquemment tous les ordres doivent être autorisés à posséder des terres dans leur patrie commune, de façon néanmoins que l'ordre équestre et la noblesse restent dans leurs anciens droits , sur le même pied qu'à présent, de posséder des terres franches, nobles sur les frontières (raa och rors ) ainsi que d'avoir et de posséder en Scanie, en Hollande et dans la Bleckingie, les terres ou biens fonds, dit insockne-hemman; au reste, l'on ne «eut changer à l'égard des propriétés foncières, l'ancienne nature qu'elles ont eue ce tout temps, ni leur distinction d'autres terres , leur franchise de taille , impôts , taxe, triais pour réparer le grief qui concerne l'obligation , de fournir dès chevaux de trait pour l'usage public, cette charge sera également répartie sur tous les biens fonds dans le royaume, les terres franches, les terres frontières, les insockne-hemman, et les fermes qui en ont été exemptes jusqu'à présent. 4. Les hautes dignités et les principales charges du royaume,ainsi que les places à la cour du roi, sont exclusivement remplies par des personnes de l'ordre équestre et de la noblesse. Quant aux autres, la capacité, le mérite, l'expérience, les preuves qu'on aura données de vertus civiles, seront les uniques et légitimes titres pour les avancemens à tous les emplois et postes inférieurs et supérieurs du royaume , sans avoir aucun égard à la naissance, ni pour quelque ordre en particulier. Dans le cas néanmoins que quelque roturier, revêtu d'une charge, fût élevé au rang de noble, il ne pourra pas, pour la sûreté de l'ordre roturier, remplir plus long-temps une charge qu'il aurait obtenue précédemment, et occupée à titre de roturier. 5. Attendu que la vraie liberté consiste à donner librement, pour le maintien du royaume, ce qui est trouvé nécessaire, la nation suédoise a par conséquent le droit in-


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contestable de se consulter a cet égard avec le roi, d'accorder, de refuser et de convenir. 6. Aux diètes, il ne sera pris en considération, par les états du royaume, que les objets que le roi proposera de la manière qui a été usitée avant 1680. 7. Les priviléges de la noblesse et du clergé de l' an 1723, ainsi que les priviléges et droits bien acquis, dont les vides ont joui jusqu'à présent, sont confirmés dans tout ce qui n'est pas contraire au présent acte de sûreté. 8. Tous les rois de Suède, à leur avénement à la couronne, signeront, de leur propre main, le présent acte d'union et de sûreté, et il ne sera point permis de faire aucune proposition ni tentative quelconque, pour apporter le moindre changement dans sa teneur littérale, ou pour lui donner une autre explication ou tendance ; et, au cas que la maison royale vînt à s'éteindre, le roi qui sera élu entrera dans tous les droits, et s'obligera à leur observation sans le moindre changement. q. La forme du gouvernement du 21 août 1772 restera en son entier dans tous les points qui n'ont pas été altérés par le présent acte. — Déclaration particulière du même jour, qui a même force que l'acte d'union: il a été accordé à l'ordre des paysans de pouvoir acheter et posséder des fermes appartenant à la couronne et soumises à l'impôt.

ARRÊTÉ DE LA DIÈTE DE 1778, Sur la liberté des Cultes. , COMME le libre exercice de la religion, accordé à ceux qui s'établissent dans le royaume, s'accorde avec cette tolérance qui honore l'humanité, et qui est actuellement introduite dans presque tous les états bien administrés, nous avons trouvé que cette tolérance pouvant être utile à la Suède, à plusieurs égards , il fallait l'admettre parmi nous, avec les réservés que la prudence , et les lois fondamentales du royaume prescrivent également. Ayant pris cet objet en délibération , nous avons arrêté que le libre exercice de religion aura lieu en Suède, sous les conditions suivantes :


LOIS CONSTITUTIONNELLES 300 er Art. 1 . Que ceux d'une religion étrangère, qui veulent s'établir en Suède, ne seront pas admis aux charges du royaume. 2. Qu'ils n'ouvriront pas d'écoles publiques pour étendre leur doctrine. 3. Qu'ils n'enverront des missionnaires, ni dans le royaume ni hors du royaume. 4. Qu'il ne sera permis de fonder des couvens de quelque religion ou secte que ce soit. 5. Que les Juifs n'auront de synagogue qu'à Stockholm et dans quelques autres villes considérables du pays, où ils puissent être surveillés. 6. Qu'on ne fera aucune sorte de procession publique de peur de scandaliser les faibles. 7. Qu'il sera procédé , selon les lois du pays, contre ceux des Suédois qui abandonneront leur religion (1). 8. Qu'aucune personne d'une autre religion ne sera membre de la diète. Cette décision ayant été communiquée au roi, Sa Majesté nous a déclaré, dans sa réponse, qu'elle a vu avec satisfaction les soins que nous avons pris des progrès du bien-être public , en nous occupant des moyens de favoriser la population et l'industrie. Sa Majesté a bien voulu penser comme nous et regarder notre résolution comme honorable à l'humanité et à une nation éclairée et libre ; elle l'a donc approuvée , telle que nous l'avons prise, et avec les reserves nécessaires. Sa Majesté a donné cette approbation d'autant plus aisément qu'elle est convaincue de la solidité des principes de notre religion et de leur empire sur le cœur de tous les Suédois. Il a plu à Sa majesté d'ajouter un point à notre résolution , c'est que la liberté de la presse ne s'étendra point aux livres destinés à défendre les principes des autres religions ou à combattre ceux de la nôtre.

(1) Le bannissement et la privation de tous priviléges civils sont les peine présentées par la loi,


DU ROYAUME DE SUEDE.

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APPENDICE.

Organisation des états. LA diète est composée des quatre ordres, la noblesse, le clergé, les bourgeois et les paysans. La noblesse est partagée en trois classes : I° les comtes et barons ; 2° les chevaliers ou anciens gentilshommes; 5° les écuyers ou gentilshommes dont la noblesse ne remonte qu'à Charles XI. L'aîné de chaque famille siége à la diète sous le titre de caput familiœ, ce qui forme de douze à quinze cents membres ; ils s'assemblent à leurs frais; le roi choisit un président ou orateur qui a le titre de maréchal. L'armée se fait représenter, quand elle est convoquée par les colonels des régimens et un certain nombre d'officiers de l'état-major. L'ordre du clergé se compose des quatorze évêques du royaume et des députés nommés dans chaque archidiaconat au nombre d'un ou deux. Tout bénéficier quelconque a le droit de voter dans les élections ; mais on ne choisit ordinairement que des archidiacres ou des curés. Les députés sont défrayés durant la diète par le clergé.— L'archevêque d'Upsal est orateur de l'ordre; à son défaut, la présidence est dévolue à levêque de Linkœping. L'ordre de la bourgeoisie est représenté par un certain nombre de députés choisis dans les villes par les magistrats et le conseil ordinaire de chaque corporation. — Chaque ville envoie un nombre de députés proportionné à sa population et à son importance. Quelquefois deux petits bourgs se réunissent pour nommer un député. — Les députés sont indemnisés de leurs dépenses aux frais de l'ordre. Pouravoir droit d'élire , il faut être bourgeois et âgé de vingt-un ans ; pour pouvoir être élu, il faut avoir vingt-quatre ans et être bourgeois depuis trois ans. Le roi nomme l'orateur. L'ordre des paysans se compose des laboureurs qui cultivent par eux-mêmes les terres qu'ils tiennent de la couronne. Chaque baillage nomme un député et le défraie. Le roi nomme aussi leur orateur. L ouverture des états est faite par le roi en personne. Un secrétaire d état soumet à l'assemblée les propositions du gouvernement. Les quatre ordres nomment des comités dans lesquels les


502

LOIS CONSTITUTIONNELLES

propositions sont préalablement examinées ; chaque ordre délibère séparément. Les résolutions sont prises à la majorité en comptant par ordre, et non en comptant par voix de tous les ordres réunis. — L'assemblée des quatre ordres se nomme le plenum. — Quand deux ordres votent pour et deux contre, les choses l estent dans l'état où elles étaient auparavant. Administration.

Les colléges qui président au nom du roi à la direction des affaires publiques sont au nombre de neuf. 1° Le collége de la guerre (1) a l'intendance de l'armée de terre, de l'artillerie, des fortifications, des munitions et des hôpitaux de l'armée. Ce collège est en même temps tribunal militaire. Il est réparti en cinq départemens ; celui du grand-maître de l'artillerie, celui du quartier-maître général, le commissariat de la guerre, le bureau des affaires civiles et celui des affaires économiques de l'armée. Il est composé d'un président, du grand-maître de l'artillerie , du directeur des fortifications , du chef de la flotte de l'armée, d'un colonel, de deux conseillers et de deux commissaires. 2° Le collège de l'amirauté (2) ; il a l intendance des forces maritimes et de tout ce qui s'y rapporte; il est composé d'un président, de deux vice-amiraux, de deux colonels et de trois conseillers. 3° Le collége de la chancellerie (5) est chargé de dresser toutes les ordonnances et résolutions qui concernent le royaume en général, les villes , les corps et les particuliers. La direction des postes, des archives, de la bibliothèque du roi et des imprimeries lui est également confiée. Il est composé d'un président, du conseil de la chancellerie du royaume, du chancelier de la cour, du chancelier de justice , des quatre secrétaires d'état, du directeur des postes, de trois conseillers. 4° Le collége, de la chambre est chargé de veiller à la ren(1) Établi en 1630. (2) Fondée en 1634. (3) lbid.


DU ROYAUME DE SUÈDE.

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trée des deniers publics et à i amélioration de la culture. Les employés chargés de la perception des revenus publics , et le bureau d'arpentage sont sous sa direction. Il est composé d'un président, d'un vice-président et de sept conseillers. 5° Le comptoir d'état (1) est chargé de la répartition des revenus publics; c'est à lui que ceux qui administrent ces revenus doivent adresser leurs propositions et leurs projets. Il est composé d'un président, d'un vice-président et de deux commissaires d état. 6° Le collége des mines (2) a l'intendance de l'exploitation de l économie et de la justice des mines. Il est composé d'un président, d'un vice-président, de sept conseillers et de trois assesseurs. 70 Le collége du commerce (3) est chargé de l'intendance du commerce, des manufactures et des douanes. Le bureau du contrôle relève de ce collége ; il est composé d'un président , d'un vice-président, de huit conseillers et de huit assesseurs. 8° Le collège de révision de la chambre (4) doit veiller à ce que tous les procès , pendans au collége de la chambre, soient terminés et que les sentences soient exécutées ; pareillement que les comptes de la couronne soient revus sans retard, justifiés et arrêtés. Il est composé d'un président, d'un vice-président, de huit conseillers et de huit assesseurs. 9° Le collège de médecine (5) est chargé de la police sanitaire Il est composé d'un président ( le premier médecin du roi), d'un vice président et de douze assesseurs. La justice est rendue, dans chaque baillage, par desassises tenues trois fois l'an , par un juge territorial assisté de douze Paysans (6). Dans le plat pays, il y a des sénéchaussées qui siègent dans leurs districts une fois par an. (1) Fondé en 1680. (2) Fondé en 1649. (3) Fondé en 1637. (4) Fondé en 1689. (5) Fondé en 1688. (G) Ils sont qualifiés de

Jurés permanans

par certains autours.


304

LOIS CONSTITUTIONNELLES DU ROYAUME DE SUEDE.

Dans les villes, il y a des tribunaux composés des bourguemestres et des syndics. L'appel de ces tribunaux est porté aux cour royales. — Toute sentence portant peine de mort, doit être confirmée par une cour royale. On peut appeler même , dans certains cas , au conseil du roi, composé des membres du tribunal suprême. Les présidens et secrétaires d'état y assistent en qualité de rapporteurs. Le roi a deux voix, et voix prépondérante en cas de partage; les arrêts sont en dernier ressort. L'administration intérieure est confiée à des gouverneurs chargés , chacun dans son gouvernement, de faire exécuter les lois et les ordres du souverain.


305

CONSTITUTION DE SUÈDE.

CONSTITUTION

DU ROYAUME DE SUÈDE. ( 1809. )

PROCLAMATION. Nous, Charles XIII, par la grâce de Dieu, roi de Suède, des Goths et des Vandales, etc., héritier de Norvége, duc de Sleswich et de Holstein, comte d'Oldenbourg et de Delrnenhorst, etc., à tous nos fidèles sujets qui habitent la Suède, notre bienveillance particulière, notre affection favorable et notre bonne volonté, de par Dieu le Tout-Puissant. Lorque encouragé par la direction de la providence, aussi bien que par notre zèle pour une patrie chérie , nous nous chargeâmes par intérim del'administration du royaume et que nous commençâmes l'exercice des devoirs que nous nous étions imposés pour sauver la Suède par la convocation des états du royaume, notre premier soin fut de leur confier l'établissement d'une nouvelle constitution qui, en réunissant d'une manière indissoluble les droits et les devoirs réciproques du roi et du peuple, fût la base la sûreté, de la tranquillité et de la prospérité des contemporains et de la postérité. Maintenant, les états du royaume nous ont déclaré avoir rempli cette commission importante, dont notre confiance et celle de la nation suédoise les avaient chargés , et être convenus des principes d'après lesquels la Suède doit être et sera gouvernée par la suite, et à jamais. En outre, les états nous ont élu, au nom de la nation, roi de Suède, des Goths et des Vandales , et nous ont témoigné, d'une manière qui sera ineffaçable dans notre mémoire reconnaissante , leur vœu que nous ne nous soustrayons pas à cette vocation illustre et obligatoire. Plein de confiance dans le Tout-Puissant, qui sonde les cœurs et qui connaît la TOM. III.

20


306 CONSTITUTION pureté de nos vues; animé d'un zèle ardent pour le bien de notre patrie, que la mort seule peut éteindre, et de la vive espérance de trouver ,dans l'esprit éclairé des états du royaume, une assistance efficace, et dans l'amour du généreux peuple suédois, un puissant appui dans nos justes entreprises , nous avons accepté la couronne et le sceptre de Suède. La satisfaction que nous ressentons de cet événement est d'autant plus vive, qu'il nous est agréable d'être appelé à occuper le trône de cette antique monarchie , par le libre choix de nos fidèles sujets, plutôt que par le simple droit de succession. Nous voulons régner sur la Suède etsur ses habitans, comme un bon père sur des enfans qui lui sont dévoués et le chérissent ; avec une pleine confiance dans les bons citoyens; avec ménagement pour ceux qui ont erré sans réflexion, et avec justice envers tous; et quand le jour paraîtra, dont notre âge avancé nous annonce déjà l'approche, auquel nous atteindrons la fin de notre pélerinage terrestre , nous descendrons avec une conscience calme, et en vous donnant des bénédictions, dans la tombe qui renferme les cendres de nos ayeux. Nous continuons d'être, avec la bienveillance royale, votre affectionné, en vous recommandant à la grâce de Dieu. Donné à Stockholm , le 6 juin 1809. Signé CHARLES.

CONSTITUTION. La dignité royale est héréditaire suivant l'ordre de succession qui sera établi par les états. La personne du roi est sacrée et sa conduite exempte de responsabilité. Il doit faire profession, ainsi que tous les fonctionnaires publics , de la religion évangélique ( luthérienne ). Le conseil-d'état est composé de neuf membres nommés par le roi, savoir : le ministre de la justice, qui est en même temps membre du tribunal suprême ; le ministre des relations étrangères, six conseillers d'état et le chancelier de la cour. Il y a quatre secrétaires d'état, qui ont chacun une voix dans le conseil-d'état, lorsqu'on traite des objets relatifs à


DE SUÈDE.

307

son département, savoir: celui de la guerre, de l'intérieur, de l'économie nationale et des mines, des finances, de l' instruction publique, de la religion et de la direction des pauvres. Les membres du conseil-d' état sont responsables de leurs avis, qui seront insérés dans les registres. S'il arrivait jamais que l'opinion du roi fût contraire à la constitution , ou à la loi générale, ils sont tenus de s'y opposer par des remontrances formelles, faute de quoi, ils seront censés avoir fortifié l'opinion du roi. Toutes les affaires du gouvernement seront traitées dans le conseil, excepté les affaires diplomatiques et militaires, que le roi dirige seul de la manière qui lui paraît le plus convenable. En fait de guerre ou de paix, le roi prend les avis des membres de son conseil et des secrétaires d'état; cependant il a la faculté de décider ce qui lui paraît le plus avantageux au royaume. Le roi veille à ce que chacun soit protégé dans l' exercice libre de sa religion , pourvu que cette liberté ne soit pas contraire à la tranquillité publique; et à ce que chacun soit jugé par le tribunal auquel il appartient suivant la loi. La cour de justice royale, qui constitue le tribunal suprême du royaume, est composée de douze conseillers de justice ( dont six doivent être pris parmi la noblesse), tous nommés par le roi qui a, dans ce conseil, une double voix. Les affaires doivent être préparées dans les justices subalternes avant d'être portées devant ce tribunal. Le roi a le droit de faire grâce, de mitiger dans son conseil la peine de mort, et de réintégrer l'honneur, et de rendre les biens échus à la couronne , après avoir entendu le tribunal suprême. Le chancelier de justice, nommé par le roi, agit en son nom dans tout ce qui concerne la sûreté publique et les droits de la couronne ; il surveille le maintien des lois et en poursuit infraction , soit par lui-même ou par les fiscaux qui lui sont subordonnés. Le roi nomme, dans son conseil, des Suédois originaires à toutes les plat es élevées et subaltern es, dont la nomination est réservée à Sa Majesté : cependant il a la faculté d'avancer des étrangers dans l'état militaire, excepté au commandement des forteresses. 20.


CONSTITUTION 308 Tous les fonctionnaires civils et les juges dans le royaume doivent faire profession de la religion évangélique. Le roi ne peut démettre ni appeler, malgré eux, à d'autres fonctions, sans un examen judiciaire, que ceux qui occupent des places de confiance dépendantes immédiatement du roi. Les deux ministres d'état sont les grands dignitaires du royaume ; les conseillers d'état sont égaux, en rang, aux généraux , et les conseillers de justice aux lieutenans - généraux. Le roi a le droit d'accorder des lettres de noblesse à des personnes d'un mérite distingué, et la dignité héréditaire de comte ou de baron à des nobles qui s'en seront rendus dignes. Dans l'élection à l'archevêché et aux évêchés, ainsi que dans la nomination aux paroisses, on suivra l'ancienne coutume. Le roi nommera aux premières dignités une personne, des trois qui lui auront été proposées. Le roi ne peut entreprendre des voyages dans l'étranger sans prendre les avis du conseil-d'état assemblé in pteno. Il ne s'occupera pas du gouvernement du royaume, tout le temps qu'il passe dans un pays étranger. Le conseil-d'état, y compris les quatre secrétaires-d'état, exerce, pendant l'absence du roi, les fonctions royales, en son nom, avec toute l'autorité dont la constitution revêt le roi, sans pouvoir, néanmoins, conférer la noblesse ni les ordres de chevalerie. De même le conseil-d'état ne peut remplir les places vacantes, que par intérim. Il en est de même dans le cas où le roi serait empêché, par quelque maladie, d'exercer ses fonctions. Si le roi prolonge son séjour dans des pays étrangers , au-delà de douze mois, et qu'il diffère de rentrer dans le royaume, la diète, convoquée par le conseil-d'état, pourra disposer du gouvernement, de la manière qu'elle jugera à propos. Elle en disposera de même dans le cas où le roi serait atteint de quelque infirmité, et que son incapacité continuât au-delà du terme susdit. Le prince royal est reconnu majeur à l'âge de vingt ans. Il obtient séance dans le conseil-d'état, le tribunal su-


DE SUÈDE.

309

preme,etc. ,a l'âge de 10 ans, sans participer néanmoins aux délibérations. Dans le cas où le successeur au trône serait mineur, le conseil - d'état convoquera, aussitôt après le décès dn roi, une diète pour nommer , sans avoir égard à aucun testament qui pourrait exister, un ou plusieurs tuteurs, qui gouverneront suivant la constitution, au nom du roi, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'âge de majorité. Aucun des princes de la famille royale ne pourra se marier sans le consentement du roi, à moins de perdre pour lui et ses descendans le droit de succession au trône. Aucun d'eux ne pourra posséder des apanages ni occuper des charges civiles. Ils pourront recevoir, suivant l'ancien usage, le nom de duchés ou de principautés; mais sans qu'ils aient des prétentions au territoire dont ils portent le nom. Si la dynastie royale s'éteignait malheureusement pour la ligne masculine , le conseil-d'état convoquera, au plutôt, les états du royaume. Lorsque le roi se mettra en campagne ou voyagera dans des parties lointaines du royaume, il nommera quatre membres de son conseil, y compris le ministre de la justice, pour gouverner en son nom, de la manière qu'il prescrira alors luimême. Le roi peut entamer des négociations, et contracter des alliances avec les puissances étrangères, après avoir consulté là-dessus le ministre d'état et le chancelier de la cour. Le roi dispose du commandement de l'armée et de fa flotte, de concert avec la personne qu'il aura commise pour ces objets , qui, dans le cas où son opinion ne s accorderait pas avec celle du roi, est tenue de faire coucher ses avis et ses remarques, vérifiés par la signature du roi, sur les registres du conseil-d'état. Si les projets du roi lui semblent dangereux ou fondés sur des moyens incertains ou insuffisants, il engage le roi à convoquer un conseil de guerre, composé de deux ou de plusieurs officiers supérieurs ; cependant le roi peut déterminer l' objet des délibérations et des avis de ce conseil de guerre, qui seront insérés dans les registres. Tous les ordres qui émanent du roi, concernant le commandement, seront contresignés, pour être valables, celui qui sera préposé à cet objet.


310

CONSTITUTION

Celui-ci,trouvant ces ordres contraires à la constitution, est tenu de protester dans le conseil - d'état ; et, si le roi persiste dans sa résolution , il doit se refuser à les contresigner et se démettre de sa charge, qu'il ne pourra plus occuper jusqu'à ce que les états du royaume aient examiné et approuvé sa conduite. En attendant, les appointemens et les revenus accessoires de sa charge lui seront conservés. lues bourgeoisies des villes conserveront les priviléges dont elles ont joui jusqu'à présent. Le roi nomme bourguemestre, une personne d'entre trois qui lui seront proposées. Il en est de même des diverses magistratures de Stockholm, Il n'y aura plus désormais aucun gouverneur gênerai dans le royaume; le pays conservera son ancienne division et son ancien gouvernement. Les états du royaume s'assemblent tous les cinq ans; ils arrêtent eux-mêmes, à la fin de la diète, le jour auquel ils se rassembleront de nouveau, cependant il est toujours libre au roi de les convoquer en diète extraordinaire. Si le conseil-d'état différait de les convoquer dans les cas prescrits ci-dessus, il est imposé au directoire de l'ordre équestre, aux chapitres, à la magistrature de Stockholm et aux lieutenans des provinces-, de faire des représentations à cet égard, et même de demander ladite convocation. Dès l'ouverture de la diète, les états choisissent six comités, pour discuter les affaires et donner leur avis, avant qu'elles soient terminées par les états in pleno ; savoir; le comité de la constitution, ceux des subsides, de la banque, des lois, des griefs et de l'économie. Les états pourront encore choisir, à la demande du roi, un comité secret, pour les affaires qui n appartiennent pas aux autres comités. Les états ne prendront aucune résolution, en présence du roi. Ils nommeront aussi à chaque diète un chancelier de justice ou fiscal général, qui exerce, de leur part et suivant leurs ordres, la surveillance sur les juges et les magistrats, et qui dénonce au tribunal compétent ceux qui manquent à leur devoir, ou commettent quelque injustice. Il a le libre accès aux délibérations du tribunal suprême, de la révision subalterne, du tribunal de la cour et autres tribunaux; ainsi qu'à leurs registres et archives.


DE SUÈDE. 311 Il est tenu de répondre, à chaque diète, aux états, de l'administration de sa charge, des vices des lois, etc. S'il trouvait que le tribunal-suprême, ou quelque membre de ce tribunal, eût porté un jugement préjudiciable à la vie, l'honneur, la liberté ou les biens de quelqu'un, il dénonce le coupable au tribunal d'état. Ce tribunal sera composé du président du tribunal dé la cour, qui préside aussi celui-ci ; des présidons de tous les colléges du royaume, de quatre conseillers d'état, des plus anciens; des deux plus anciens membres du tribunal de la cour; du commandant de la garnison de la capitale et de celui de l'escadre stationnée dans son port. Les jugemens de ce tribunal sont irrévocables et inattaquables. Le roi peut exercer, envers les condamnés, le droit de faire grâce; mais il ne peut jamais les réintégrer dans le service du royaume. A chaque diète, les états nommeront douze députés de chaque ordre, pour examiner si les membres du tribunalsuprême se sont rendus dignes d'être continués dans leurs fonctions importantes: dans le cas contraire, le roi destituera celui qui aura été jugé par cette commission , indigne de son poste, en lui conservant néanmoins la moitié de ses appointemens à titre de pension. Le comité des états, pour la constitution, a le droit de se faire exhiber les registres du conseil-d'état, à l'exception de ceux qui concernent les affaires ministérielles et le commandement. S'il trouve que quelque ministre, conseiller , chancelier ou secrétaire d'état, ait contrevenu, ou ait manqué de s opposer hardiment à quelque infraction de la constitution, il le dénonce au tribunal des états, qui aura , dans ce cas, au lieu de quatre conseillers d'état, autant de conseillers de justice , pour assesseurs. Les états nommeront encore à chaque diète, un comité de six membres éclairés , parmi lesquels deux jurisconsultes, pour maintenir la liberté de la presse. Ceux ci examineront tout manuscrit qui leur sera présenté volontairement, par quelque auteur ou libraire, et s' ils attestent que l'ouvrage puisse être imprimé, l'auteur et lediteur seront exempts de toute responsabilité.


312 CONSTITUTION Le chancelier de justice des états préside ce comité. Les orateurs des trois ordres séculiers sont nommés par le roi, ainsi que le secrétaire de celui des paysans ; l'archevêque est toujours l'orateur de l'ordre du clergé. Le roi fait communiquer chaque fois à la diète un exposé détaillé de la situation du royaume , et rendre compte de l'emploi des subsides éventuels qui seront rentrés en caisse. Le droit d'établir des impositions et des taxes, est exclusivement exercé par les états , assemblés en diète,. Le,,roi dispose de tous les revenus qui lui auront été accordés ; le conseil-d'état est responsable de ce qu'ils soient employés à la destination ordonnée par les états du royaume. Il sera assigné deux sommes pour les événemens imprévus, l'une qui est à la disposition du roi, lorsque, conformément aux avis du conseil-d'état, il en aura indispensablement besoin, pour les grands intérêts, du royaume, et l'autre qu'il pourra tirer de la banque, en cas d'une guerre subite. Le roi ne pourra cependant décacheter l'ordonnance des états, touchant la dernière somme, ni la retirer de la banque, jusqu'à ce que la convocation d'une diète ait été publiée dans les églises de la capitale. La banque reste, comme ci-devant, sous la sauvegarde des états ; le roi ne peut, sans leur consentement, ni faire des emprunts , ni vendre , hypothéquer ou aliéner les biens de la couronne, ni altérer la monnaie, soit de poids, soit d'alloi. Aucune partie du royaume ne doit jamais en être séparée. La constitution ni les autres lois fondamentales ne peuvent recevoir aucun changement, sans le consentement unanime du roi et de tous les états du royaume: on ne peut en faire la motion en pleine diète ; mais elle doit s'adresser, en premier lieu, au comité de constitution, qui la proposera aux états, s'il la trouve convenable et utile ; cependant les états ne pourront prononcer là - dessus qu'à la diète suivante. Le roi et les états pourront opérer, de concert, des changemens dans les lois civiles, pénales , criminelles et ecclésiastiques. Les explications de ces lois, que le roi pourrait avoir données par le tribunal-suprême, dans l'intervalle d'une diète à une autre, pourront être annulées par les états, à leur première assemblée,


DE SUÈDE. 313 Les assemblées de la diète ne pourront durer au-delà de trois mois ; en cas de nécessité, les états pourront en demander la prolongation ; mais le roi a le droit de leur refuser cette demande; et, si elle n'était pas terminée après l'expiration du quatrième mois, le roi pourra congédier les états, et les anciens consentemens continueront jusqu'à la diète suivante. La personne des députés à la diète est inviolable ; aucun d'eux ne peut être poursuivi à çause de ses avis, ni de la conduite qu'il aura tenue, en cette qualité, à moins que les cinq sixièmes de l'ordre auquel il appartient ne l'aient reconnu coupable. Le roi conserve à chaque état la jouissance de ses droits et priviléges ; et il n'appartient qu'au corps des états et à la sanction du roi d'y porter les modifications que les besoins du royaume pourraient exiger. Stockholm, du 7 juin 1809.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

NORVÉGE.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU

GOUVERNEMENT DE NORVÉGE (1). ( Cet article nous a été fourni par M. Heyberg : on y reconnaît également le talent de l'écrivain, l'énergie et l'enthousiasme d'un bon patriote. Dans plusieurs passages se manifeste vivement l'honorable douleur d'un Norvégien qui désire et regrette l'indépendance de sa patrie. ) ON dit communément que, vers la fin du quatorzième siècle, la Norvége fut réunie au Danemarck. Il serait plus juste de dire qu'à cette époque , le royaume de Norvège fit l'acquisition de celui de Danemarck, qui depuis, par la suite des événemens, est devenu dans l'union partie principale. Voici les faits qui justifient notre assertion. WaldemarIII, roi de Danemarck, mourut en 1375. Il ne laissa aucun héritier mâle pour réclamer la couronne , qui d'ailleurs était élective; il n'avait qu'une fille nommée Marguerite, mariée à Haquin roi de Norvége. De cette union était né un prince , qui s'appelait Olaus. Ce prince, déjà héritier légitime du royaume de Norvège, puisque la couronne était héréditaire, et ayant éventuellement des prétentions à la couronne de Suède, au nom de son père, fils du roi de Suède Magnus-Smek, ne devint roi de Danemarck que par l'élection , qui eut lieu en 1376, et lors de laquelle

(1) Les auteurs français ont tort d'écrire Norwège ; il faut écrire ( Voy. Revue encyclopédique, cahier de novembre 1819 , pag. 265. )

Norvége.


DU GOUVERNEMENT DE NORVEGE.

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il fit valoir un titre peu solide, celui de fils d'une princesse danoise. Avant cette époque, les deux royaumes avaient été souvent réunis ; et ces réunions, peu durables,avaient toujours été opérées par des mariages, des successions, des élections, des considérations politiques, plutôt que par la force des armes. La dernière réunion, effectuée de la manière que nous venons d'expliquer, avait duré plus de quatre siècles, quand tout-à-coup les deux états furent séparés par une de ces tempêtes politiques , presque toujours plus funestes aux habitans du globe, que ne le sont les révolutions physiques. Depuis un temps immémorial, la Norvége avait été convoitée par la Suède, ainsi que dans les derniers temps la Finlande l'avait été par la Russie. A peine le siége du gouvernement de ce vaste empire avait-il été transporté de Moscou à Saint-Pétersbourg, qu'on commençait déjà à sentir que la capitale, se trouvant ainsi placée sur les frontières de l'empire, il était nécessaire d'obtenir un accroissement de territoire. L'impératrice Catherine , ayant entendu dans son palais à Saint-Pétersbourg, en 1788, le bruit du canon suédois, tiré en Finlande, comprit alors facilement que cette province lui était devenue nécessaire ; aussi le cabinet de St.Pétersbourg ne manqua-t-il pas de profiter des fautes du derniers des Gustavés, pour le forcer à une cession ex trêmement douloureuse pour la Suède. Il fallait au successeur de Gustave un équivalent, ou ce qu'on appelle des indemnités. La Norvège présenta it le seul équivalent, qui fût à la convenance de la Suède. Le gouvernement suèdois parvint à, son but, en profitant des circonstances favorables qui s'offrirent, et en cherchant à devenir le plus fort; ce qui s'appelle, en politique, avoir raison. La grande coalition de toutes les puissances européennes contre la France, avait mis le Danemarck à deux doigts de sa perte. La prolongation d'une neutralité d'abord avantageuse, mais qui, depuis la paix de Tilsit, était devenue pleine de


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PRECIS DE L'HISTOIRE

dangers, et même, en quelque sorte impossible, jointe à d'autres mesures politiques , que nous nous abstenons de juger, avait conduit le gouvernement de Danemarck, au point de se voir forcé de signer à Kiel, le traité du 14 janvier 1814, par lequel il céda au roi de Suède le royaume de Norvége en entier, avec toutes ses dépendances, prérogatives, droits et émolumens quelconques. On conçoit qu'un prince peut renoncer à ses droits, qu'il peut abandonner ses prétentions, sur un état ou un pays quelconque ; mais on ne comprend pas comment, il peut transférer à un autre prince la propriété d'un royaume , sans le consentement des habitans. Si, en faisant un traité de cession , le prince se bornait à dire : « Nous.... roi de.... » tant pour nous que pour nos successeurs au trône, renonçons » irrévocablement et à perpétuité, en faveur de Sa Majesté le » roi de.... et de ses successeurs au trône de..... à tous nos droits » et titres sur le royaume de et ajoutait : allez maintenant * et tâchez de vous arranger avec les habitans du pays , pour » obtenir leur consentement, « on n'aurait pas de grands reproches à lui faire. Mais s'il continue , en disant : « Ces pror» vinces , bailliages, etc., ainsi que les dépendances , préroga» tives , droits et émolurnens , appartiendront désormais, en » toute propriété et souveraineté, à Sa Majesté le roi de... » (1) ; c'est alors qu'une nation a le droit de se plaindre d'être., en quelque sorte,vendue et transmise sans son consentement. Il paraît que les habitans de la Norvége étaient bien pénétrés de cette vérité, puisque, au lieu de s'empresser d'exécuter les stipulations faites par le gouvernement danois, ils prirent les mesures convenables pour repousser toute aggression hostile, et pour revendiquer leur antique indépendance. Ce sentiment est gravé dans le cœur de tous les Norvégiens.;

(1) Les passages guillemetés contiennent les expressions littérales du traité de Kiel. Ce sont des phrases obligées , même à l'usage des princes, qui sont assez sages pour ne pas se dire ou croire propriétaires de» états qu'ils gou-

vernent.


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quatre siècles de soumission volontaire sous un sceptre étranger ne l'ont pas effacé ; souvent le gouvernement danois a senti qu'il fallait le respecter; il l'a lu clans toutes les pages de l'histoire du pays ; et il s'est souvenu qne le roi Canut, surnommé le-Grand, qui parvint à subjuguer l'Angleterre par la force des armes, fut obligé , pour soumettre la Norvége , de recourir aux ruses de la politique. On proclama l'indépendance absolue du royaume de Norvége ; une assemblée nationale fut convoquée à Eidsvold, près de Christiania, pour rédiger une constitution basée sur des principes libéraux et sur l'indépendance nationale. Elle fut achevée et signée par tous les députés, le 17 mai 1814 ; et le même jour on proclama roi de Norvége, le prince Christian-Frédéric, jusqu'alors gouverneur-général du royaume pour le roi de Danemarck. Ce prince se trouvait déjà à la tête de l'armée destinée à s'opposer à l'invasion suédoise. Ce choix était fait pour plaire également aux deux partis, qui divisaient alors l'opinion publique; car il n'y avait pas encore un parti suédois, ou, s'il en existait un, il se cachait du moins, étant extrêmement faible. Les uns désiraient voir la Norvége former un royaume absolument indépendant detout autre Etat, et le parti danois se flattait de l'espoir secret de voir le nouveau roi renouveler un jour l'ancienne réunion des deux royaumes. Le roi actuel de Danemarck n'a point d'enfant mâle ; et le prince Christian-Frédéric, son cousin-germain, est par-conséquent son héritier présomptif. C'est ainsi, disait-on, que l'ancien état de choses pourra un jour se rétablir sans violence et sans secousse. Malheureusement, la Norvège se trouvait alors dans une position effroyable. Jamais les circonstances n'avaient été aussi difficiles. Autrefois, quand le pays était attaqué, il avait des alliés, ou bien il était en paix avec les autres puissances. Cette fois la Norvège, abandonnée à elle-même, se voyait menacée par toutes les grandes puissances de l'Eu-


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rope ; même par le roi de Danemarck, qui s'était engagé à coopérer, en cas de besoin, à l'exécution du traité de Kiel. Le roi de Suède, fort des secours qu'il aurait pu réclamer de l'empereur de Russie, approchait des frontières du royaume avec une armée, destinée à appuyer ses prétentions. D'un autre côté, des escadres anglaises désolaient les côtes , etinterceptaient toute communication avec létranger. On a également prétendu que la trahison s'était jointe à toutes les autres causes de désorganisation de l'armée (1) ; dès-lors , on ne peut s'étonner de voir le gouvernement forcé de signer la convention datée de Moss, le 14 août 1814 , par laquelle, le roi, nouvellement élu, ayant précédemment abdiqué, une nouvelle diète fut convoquée à Christiania, pour opérer la réunion des royaumes de Norvége et de Suède. Le gouvernement suédois avait commis une grande faute. Au mois d'avril, il avait déclaré le blocus de tous les ports norvégiens. C'était imiter un peu trop servilement la politique britannique. La déclaration est du 12 avril 1814. C'est bien assez que la famine suive ordinairement les armées, sans en faire aussi l'avant-garde. La Suède comptait réduire la Norvège par ce moyen ; il aurait mieux valu la gagner par des bienfaits. Aussi la déclaration du blocus ne servit pas à rendre la réunion plus facile, et nous croyons pouvoir attribuer à cette mesure la déclaration honorable de huit cents matelots norvégiens, prisonniers de guerre, en partie depuis 1807, qui refusèrent unanimement la liberté, que le gouvernement anglais voulait leur donner au mois d'avril 1814 , à la seule condition de se reconnaître sujets de la Suède (2). Cependant les malheurs étaient devenus trop accablanspour que la Norvége, réduite à ses propres ressources, pût faire une (1) Voy. Revue encyclopédique, tom. V , pag. 292. (2) Voy., à oc sujet, un Voyage en Norvége fait par M. Jens Wolff, et publié par lui en langue anglaise , à Londres , 1814 , in-4°.


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résistance plus prolongée. Il fallut enfin se soumettre à une dure nécessité; mais le prince royal, aujourd'hui roi de Suède, général en chef de l'armée suédoise, était alors pénétré de sentimens trop nobles , pour ne pas reconnaître la faute commise par le gouvernement suédois. Son esprit et son cœur l'avertirent bientôt qu'il faut commencer par honorer et respecter la nation qu'on prétend gouverner : aussi ne profita-t-il point des circonstances pour arracher au peuple norvégien des conditions honteuses. Peut-être craignait-il aussi d'irriter davantage une nation naturellement fière et courageuse. Les stipulations de la convention dont nous venons de parler, sont également honorables pour les deux parties contractantes; et, si la Norvége a dû succomber sous le poids de malheurs inévitables, du moins a-t-elle sauvé son honneur, et donné au monde entier de nouvelles preuves de son antique esprit d'indépendance. Par la convention de Moss on stipula, comme nous l' avons déjà dit, la convocation d'une nouvelle assemblée nationale. Elle devait se réunir à Christiania, dans les premiers jours du mois d'octobre. Le roi de Suède promit d'accepter la constitution décrétée par les députés de la diète d'Eidsvold ; de n'y proposer aucun changement autres que ceux devenus nécessaires, à cause de l'union des deux royaumes, et de ne rien entreprendre ni ordonner que de concert avec la diète, La constitution de la diète d'Eidsvold avait été pour ainsi dire improvisée. A peine les circonstances impérieuses du moment avaient-elles pu accorder deux mois à la discussion de tous les articles qui devaient la composer. Il faut néanmoins avouer que les rédacteurs ont donné, à cette occasion, des preuves de talent et de connaissances, auxquelles on était d'autant moins en droit de s'attendre, que,depuis des siècles, la Norvège avait été tout-à-fait étrangère aux discussions concernant la ; haute politique. Ces matières se traitaient exclusivement dans le conseil privé du roi de Dane-


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

marck , composé de cinq ou six ministres au plus, ayant seulement voix consultative, la décision finale de toutes les affaires dépendant de la seule volonté du roi, en sa qualité de souverain et maître absolu. Parmi les cent douze députés qui composaient la diète de d'Eidsvold, il ne s'en trouvait pas un seul qui eût jamais été appelé au conseil du roi, ou initié dans les secrets d'état, ou même chargé d'une haute administration quelconque. Gomment donc s'étonner que dans la constitution, qui est leur ouvrage , on découvre des lacunes, quelques erreurs, et même un peu de désordre ? Tout cela doit trouver son excuse dans la précipitation que l'état de choses rendait nécessaire et inévitable. Il est juste d avouer que lés discussions de cette diète ont été parfaitement libres; nous n'avons jamais entendu dire que le gouvernement suédois ait mis le moindre obstacle à l'émission franche des vœux et des opinions des députés constituans. Si néanmoins ceux-ci ont fait à la Suède quelques concessions, auxquelles peut-être ils auraient dû se refuser, il ne faut pas les attribuer à la violence, mais à l'habileté supérieure des commissaires suédois, qui même alors avaient sans doute leurs arrière-pensées et leurs instructions secrètes. Il est encore juste de dire, qu'alors et par la suite nous avons vu le gouvernement suédois se montrer quelquefois plus constitutionnel que les conseillers et les députés norvégiens euxmêmes. En cela, nous sommes loin d'accuser d'aucune mauvaise intention ces derniers, qui n'avaient pas encore eu le temps de se former d'après la politique suédoise ; au contraire, nous sentons profondément combien était nouvelle pour eux la situation où ils se trouvaient, tandis que le gouvernement suédois, grâce à la constitution de ce royaume, quelque défectueuse qu'elle soit, s'est fait, depuis des siècles, une tactique savante, que les Norvégiens n'apprendront que par l'expérience d'une longue suite d'années, et peut-être d'erreurs.


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DU GOUVERNEMENT DE NORVÉGE.

Nous allons présenter à nos lecteurs une traduction fidèle de la constitution du royaume de Norvége, telle qu'elle est aujourd'hui, ainsi qne de l'acte supplémentaire fait à Christiania, le 31 juillet 1815, et ratifié par le roi à Stockolm, le 6 août de la même année. Cet acte , qui complète le code des lois fondamentales du royaume, détermine ses rapports constitutionnels avec la Suède. C'est un nœud politique, absolument nécessaire pour lier ensemble, sous le même chef suprême, deux états, d'ailleurs indépendans l'un de l'autre, et gouvernés chacun par ses propres lois et sa propre constitution. Nous avons fait notre traduction sur l'original en langue norvégienne (notre langue maternelle) ; plus tard, nous en avons eu sous les yeux et examiné plusieurs traductions en langue française, que nous avons trouvées plus ou moins inexactes et fautives; nous en avons néanmoins profité pour transporter dans la nôtre toutes les expressions qui nous ont paru rendre le sens de l'original avec plus de précision que celles que nous avions d'abord choisies. Il en est résulté, nous osons le dire, une traduction tellement exacte et fidèle, qu'à cet égard elle n'a aucune critique à redouter. Elle laisse peut-être beaucoup à désirer sous d'autres rapports; mais nous sommes intimement persuadés que, dans des matières de cette nature, l'exactitude est bien plus importante que l' élégante tournure des phrases.

TOME III.

21


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CONSTITUTION.

CONSTITUTION NORVÉGIENNE DÉCRÉTÉE PAR LA DIÈTE EXTRAORDINAIRE. ( LE 4 NOVEMBRE 1814. ) TITRE PREMIER. De la forme du gouvernement et de la religion. Art. 1 . Le royaume de Norvége est un état libre, indépendant, indivisible et inaliénable, uni à la Suède sous un même roi. La forme de son gouvernement est limitée, héréditaire et monarchique. 2. Le religion évangélique luthérienne demeure la religion publique de l'état. Ceux des habitans qui la professent sont tenus d'y élever leurs enfans. Les jésuites et les ordres de moines n'y seront point tolérés. Comme par le passé, les Juifs ne pourront pas s'établir dans le royaume. er

TITRE

II.

Du pouvoir exécutif du roi et de la famille royale. 3. Le pouvoir exécutif est auprès du roi. 4. Le roi professera la religion évangelique luthérienne ; il la maintiendra et la protégera. 5. La personne du roi est sacrée ; il ne peut être ni blâmé ni accusé. La responsabilité repose sur son conseil. 6. La succession est linéale et agnatique, telle qu'elle est déterminée par l'ordre de succession décrété par les états de Suède et sanctionné par le roi, le 26 septembre 1810, et dont une traduction sera annexée à la présente loi fondamentale (1). Au nombre des héritiers légitimes, se compte aussi l'en(1) Nous avons cru inutile d'insérer ici cet acte , qui ne contient rien de remarquable.


DE NORVÉGE. 323 fant dans le sein de sa mère, lequel, aussitôt qu'il sera né, après la mort de son père, prendra la place qui lui est due dans la ligne de succession. Lors de la naissance d'un prince, héritier légitime des couronnes réunies de Norvége et de Suède, son nom, ainsi que le jour et l'heure de sa naissance, seront annoncés à la prochaine diète et inscrits sur ses registres. 7. S'il n'y a point de prince héritier légitime de la couronne, le roi peut proposer son successeur à la diète de Norvége, en même temps qu'aux états de Suède. Aussitôt que le roi aura fait sa proposition, les représentans des deux peuples choisiront un comité pris dans leur sein, et revêtu du droit de déterminer l'élection, en cas que la proposition du roi ne fût pas, à la pluralité des voix, approuvée par les représentans de chacun des deux peuples séparément. Le nombre des membres de ce comité , qui sera composé d'autant de Norvégiens que de Suédois, ainsi que la marcha à suivre dans l'élection , seront réglés par une loi, que le roi proposera en même temps à la diète prochaine de Norvége et aux états de Suède. On tirera au sort pour faire sortir du. comité un de ses membres. 8. L'âge de la majorité du roi sera déterminé par une loi convenue entre la diète de Norvège et les états de Suède ; s'ils ne peuvent tomber d'accord à ce sujet, un comité, nommé par les représentans des deux peuples, en décidera, de la manière établie par l'article précédent. Aussitôt que le roi aura atteint l'âge de majorité, fixé parla loi, il déclarera lui-même publiquement qu'il est majeur (1). 9. Aussitôt que le roi, devenu majeur, aurasaisi le timon du gouvernement, il prêtera, devant la diète, le serment suivant : « Je promets et jure de gouverner le royaume de Nor« vége conformément à sa constitution et à ses lois. Ainsi » Dieu me soit en aide et sa sainte parole. » la diète n'est pas assemblée, le serment sera déposé par écrit dans le conseil-d'état, et renouvelé solennellement par le roi, à la première diète, soit de vive voix, soit, par écrit, par celui que le roi aura délégué à cet effet. 10. Le couronnement et le sacre du roi se feront, lorsqu' il sera majeur, dans la cathédrale de Drontheim, au temps et avec les cérémonies qu'il fixera lui-même. (1)Un loi du 13 juillet 1815 fixe la majorité du roi à dix-huit ans accomplis.

21.


CONSTITUTION 324 11. Le roi passera chaque année quelque temps en Norvége, à moins que des empêchemens graves ne s'y opposent. 12. Le roi choisira lui-même un conseil de citoyens norvégiens, qui ne seront pas au-dessous de l'âge de trente ans. Ce conseil sera composé, pour le moins, d'un ministre d'état et de sept autres membres. De même le roi peut créer un vice-roi ou un gouverneur. Le roi répartit les affaires entre les membres du conseil, de la manière qu'il juge convenable. Outre ces membres ordinaires du conseil, le roi,ou, dans son absence, le vice-roi ( ou le gouverneur, de concert avec les membres du conseil ), peut, dans des occasions particulières, appeler d'autres citoyens norvégiens à y siéger, pourvu qu'ils ne soient pas membres de la diète. Le père et le fils, ou deux frères, ne pourront pas siéger en même temps dans le conseil. 13. Le roi, pendant son absence, et dans les cas qu'il déterminera lui-même, confiera l'administration intérieure du royaume, au vice-roi, ou au gouverneur, conjointement avec cinq au moins des membres du conseil-d'état. Ils gouverneront le royaume pour le roi et en son nom. Ils observeront inviolablement tant les dispositions de cette loi fondamentale, que les instructions spéciales y conformes, qui leur auront été données par le roi. Ils adresseront au roi leur humble rapport concernant les affaires qu'ils auront ainsi décidées. Les décisions seront prises à la majorité des voix. Si les voix sont égales, celle du vice-roi, ou du gouverneur, ou, dans leur absence, celle du conseiller-d'état président comptera double. 14. Il n'y a que le prince royal, ou son fils aîné, qui puissent être vice-roi, mais seulement après avoir atteint l' âge fixé pour la majorité du roi. A la place de gouverneur pourra être nommé, soit un Norvégien, soit un Suédois. Le vice-roi doit habiter le royaume; il ne pourra s'en absenter que durant trois mois chaque année. Lorsque le roi se trouve présent, les fonctions du vice-roi cessent. S'il n'y a pas de vice-roi, mais seulement un gouverneur , les fonctions de ce dernier cessent également, et, dans ce cas, il n'est que le premier membre du conseil-d'état. 15. Pendant son séjour en Suède, le roi aura toujours au-


325 DE NORVÉGE. près de lui le ministre d'état de Norvége, et deux des membres du conseil norvégien, lesquels alterneront annuellement avec les autres membres. Leur responsabilité constitutionnelle et leurs autres devoirs, sont les mêmes qui viennent d'être déterminés par l' art. 13, pour le gouvernement siégeant en Norvége, et ce n' est qu'en leur présence que les affaires norvégiennes pourront être décidées par le roi. Toutes les représentations faites au roi par les citoyens norvégiens devront d'abord être remises au gouvernement norvégien, qui y joindra son avis avant qu'il en soit décidé. En général, aucune affaire norvégienne ne devra être décidée avant que le gouvernement chargé de l'administration intérieure du royaume n'en ait donné son avis , à moins que des obstacles importans ne s'y opposent. Le ministre d'état de Norvège fera le rapport des affaires, et il restera responsable de la conformité des expéditions, avec les résolutions qui auront été prises. 16. Le roi réglera le culte et les rits, ainsi que toutes les réunions qui ont la religion pour objet. Il veillera à ce que les ministres du culte et autres instituteurs publics observent les règles qui leur auront été prescrites. 17. Le roi peut donner et abolir des ordonnances concernant le commerce, la douane, l'industrie et la police, pourvu toutefois qu'elles ne soient contraires ni à la constitution ni aux lois décrétées par la diète, conformément aux dispositions des articles 77, 78 et 79 ci-après. Elles resteront en vigueur provisoirement jusqu'à la diète prochaine. 18. Le roi fera lever généralement les contributions et les impôts qui auront été votés par la diète. Le trésor public norvégien restera en Norvége, et ses revenus ne seront employés qu'aux besoins de la Norvège seule. , 19. Le roi veillera à ce que les propriétés et les droits réguliers de l'état soient employés et administrés de la manière fixée par la diète, et la plus avantageuse au pays. 20. Le roi, dans son conseil, a le droit de faire grâce aux criminels condamnés par sentence de la cour-suprême , et après avoir pris l'avis de cette cour. Le criminel a le choix d'accepter la grâce royale ou de subir la peine prononcée contre lui. Dans les causes portées par la seconde chambre de la


326 CONSTITUTION diète devant la haute cour du royaume, il ne pourra y avoir d'autre grâce que celle qui exemptera de la peine capitale. 21. Le roi, après avoir entendu son conseil-d'état norvégien, nommera à tous les emplois civils, ecclésiastiques et militaires. Les fonctionnaires nommés jureront obéissance et fidélité à la constitution et au roi. Les princes de la famille royale ne pourront être revêtus d'aucun emploi civil ; cependant le prince royal, ou son fils aîné , pourront être nommés vice-roi» 22. Le gouverneur du royaume, le ministre d'état et les autres membres du conseil, ainsi que les fonctionnaires attachés à ses bureaux, les envoyés et les consuls, les magistrats supérieurs, civils et ecclésiastiques, les chefs de régimens et d'autres corps militaires, les commandans des places fortes et les commandans en chef des vaisseaux de guerre, pourront, sans arrêt préalable, être congédiés par le roi, son conseil-d'état entendu. Quant à la pension à accorder aux fonctionnaires ainsi congédiés, c'est à la diète subséquente à en décider ; en attendant, ils jouiront des deux tiers de leur ancien traitement. Les autres fonctionnaires ne pourront être que suspendus par le roi, et iis seront alors immédiatement traduits devant les tribunaux; mais ils ne pourront être destitués qu'à la suite d'un arrêt. Le roi ne pourra non plus leur faire changer d'emploi malgré eux. 23. Le roi peut conférer des ordres de chevalerie à qui bon lui semble, en récompense des services signalés qui seront portés à la connaissance du public ; mais il ne peut conférer d'autre rang ou titre que celui qni est attaché à chaque emploi. Un ordre de chevalerie ne dispense personne des devoirs et des charges communes à tous les citoyens ; il ne donne pas non plus la préférence à des emplois publics» Les fonctionnaires honorablement Congédiés conserveront le titre honorifique et le rang attachés aux emplois qu'ils ont occupés» A l'avenir, il ne pourra être accordé à personne des prérogatives héréditaires , personnelles ou mixtes. 24. Le roi pourra choisir et renvoyer, quand et ainsi qu'il le jugera à propos, tous les serviteurs et officiers attachés à sa cour. 25. Le roi a le commandement supérieur de toutes les forces de terre et de mer du royaume. Elles ne pourront


DE NORVÉGE.

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être augmentées ni diminuées sans le consentement de la diète. Elles ne pourront être cédées au service d'une puissance étrangère ; et aucune troupe appartenant à une puissance étrangère, excepté les troupes auxiliaires en cas d'une invasion hostile, ne pourra entrer dans le pays sans le consentement de la diète. En temps de paix, les troupes norvégiennes seront seules stationnées en Norvége : elles ne le seront point en Suède. Cependant le roi pourra avoir en Suède une garde norvégienne composée de volontaires, et il pourra, pour un court espace de temps, six semaines au plus par an, rassembler les troupes des provinces limitrophes des deux pays, pour les exercices dans l'un ou l'autre des deux royaumes; mais, dans aucun cas, plus de trois mille hommes de troupes de toutes armes de l'un des deux pays ne pourront, en temps de paix, entrer dans l'autre. L'armée norvégienne et la flotille à rames ne pourront être employées à une guerre offensive sans le consentement de la diète. La flotte norvégienne aura ses chantiers, et, en temps de paix, ses stations ou ses ports en Norvége. Les bâtimens de guerre de l'un des deux pays ne seront montés des marins de l'autre, qu'autant qu'ils s'engageront volontairement. La Landwehr et les autres troupes norvégiennes, qui ne pourront pas être comptées au nombre des troupes de ligne, ne pourront jamais être employées hors des frontières du royaume de Norvége. 26. Le roi a le droit de rassembler des troupes, de commencer la guerre et de faire la paix, de conclure et dissoudre des alliances, d'envoyer et de recevoir des plénipotentiaires. Lorsque le roi voudra commencer la guerre, il en avertira le gouvernement siégeant en Norvége ; il lui demandera son avis, et se fera donner par lui un exposé détaillé de l'état du royaume, relativement à ses finances, ses moyens de défense et autres objets. Cela fait, le roi convoquera le ministre d'état de Norvége et les conseillers d'état norvégiens, ainsi que les conseillers suédois, pour une séance extraordinaire, dans laquelle il exposera les motifs et les circonstances qui doivent, dans ce cas, entrer en considération ; le rapport du gouvernement norvégien sur l'état de ce royaume, joint à un pareil sur celui de ia Suède, doit en même temps être


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CONSTITUTION

présenté. Le roi demandera leur avis sur ces objets ; ils le feront insérer, chacun pour sa part, dans le procès-verbal sous la responsabilité imposée par la constitution ; et alors le roi pourra prendre la résolution qu'il jugera la plus salutaire pour l'état. 27. A moins d'un empêchement légitime, tous les conseillers d'état sont tenus d'assister aux séances du conseil; et aucune résolution ne sera prise, s'il ne s'y trouve pas audelà de la moitié de ces membres. Dans les affaires norvégiennes, qui sont à décider en Suède, conformément à l'article 15, aucune résolution ne pourra être prise, à moins que le ministre d'état de Norvége et un des conseillers norvégiens , ou bien les deux membres du conseil-d'état de Norvége ne soient présens. 28. Les rapports relatifs à la nomination à des emplois et à d'autres affaires importantes, excepté toutefois celles qui concernent la diplomatie et le commandement militaire proprement dit, seront faits dans le conseil-d'état par celui de ses membres du ressort duquel ils sont, et les expéditions seront délivrées par lui, conformément à la résolution prise dans le conseil. 29. Si quelque membre du conseil est légalement empêché de se rendre à la séance , et d'y référer les affaires qui sont du ressort de son département, le rapport sera fait par un autre conseiller d'état, désigné pour cet effet par le roi, s'il est présent, ou, en cas d'absence, par le conseiller président, de concert avec les autres conseillers. Si plusieurs d'entre eux sont légalement empêchés d'assister au conseil, de manière que, tout au plus, la moitié du nombre ordinaire soit présente , d'autres fonctionnaires seront de la même manière appelés à siéger dans le conseil; et, dans ce cas, il en sera de suite référé au roi, qui décidera s'ils doivent continuer cette fonction. 30. Il sera tenu, dans le conseil-d'état, procès-verbal de toutes les affaires qui y sont traitées. Il est du devoir de tout individu qui siége dans le conseil démettre franchement son opinion, que le roi est obligé d'entendre. Mais il est réservé au roi de prendre la résolution d'après sa propre opinion. Si quelque membre du conseil trouve que la résolution du roi est contraire à la forme du gouvernement, ou aux lois du royaume, ou qu'elle est évidemment dangereuse pour l'état, son devoir est d'y opposer de fortes représentations,


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et de consigner son opinion dans le procès-verbal. Celui qui aura manqué de protester ainsi sera censé avoir été d'accord avec le roi, et il en sera responsable , ainsi qu'il sera dit ciaprès , et la seconde chambre de la diète pourra le traduire devant la haute-cour du royaume. 31. Tous les ordres émanés du roi lui-même, les affaires de commandement militaire exceptées, seront contresignés par le ministre d'état de Norvége. 32. Les résolutions prises dans l'absence du roi par le gouvernement siégeant en Norvége, seront expédiées au nom du roi, et signées par le vice-roi,, ou par le gouverneur et le conseil-d'état ; elles seront contresignées par le conseillerrapporteur , qui demeurera responsable de la conformité de l'expression avec le procès-verbal dans lequel la résolution est inscrite. 33. Tous les rapports relatifs aux affaires de la Norvège , ainsi que les expéditions qui les concernent, doivent être rédigés en langue norvégienne. 34. Le plus proche héritier du trône , s'il est fils du roi régnant, porte le titre de prince royal. Les autres héritiers légitimes éventuels de la couronne sont appelés princes , et les filles du roi princesses. 35. Aussitôt que l'héritier du trône aura atteint l'âge de dix-huit ans, il siégera de plein droit dans le conseil-d'état, cependant sans responsabilité et droit de voter (1). 36. Aucun prince du sang ne pourra se marier sans la permission du roi. En cas de contravention , il aura perdu son droit à la couronne de Norvége. 37. Les princes et les princesses de la famille royale ne seront, pour ce qui les regarde personnellement, responsables qu'au roi, ou à celui qu'il aura nommé pour les juger. 38. Le ministre d'état de Norvége, ainsi que les deux membres du conseil norvégien qui sont auprès du roi, siégeront et auront voix délibérative dans le conseil-d'état suédois , lorsqu'il sera traité d'objets relatifs aux deux royaumes. Dans ces sortes d'affaires on demandera aussi l'avis du gouvernement siégeant en Norvège, à moins que les affaires n exigent une si prompte décision que l'on n'en ait pas le temps. (1) Voy. la note sur l'art, 8.


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CONSTITUTION

Si le roi vient à mourir, et que l'héritier du trône soit encore mineur, le conseil-d'état de Norvége et celui de Suède se réuniront de suite pour expédier en commun une convocation des diètes des deux royaumes. 40. Jusqu'à ce que les représentons des deux royaumes se soient rassemblés , et qu'ils aient réglé l'administration pendant la minorité du roi, un conseil-d'état, composé d'un nombre égal de conseillers norvégiens et suédois, gouvernera les royaumes, eu observant leurs lois fondamentales respectives. Le ministre d'état de Norvége et celui de Suède, qui siégent dans ce conseil réuni, tireront au sort pour décider qui des deux y aura la préséance. 41. Les dispositions contenues dans les articles 39 et 40 ci-dessus seront également observées toutes les fois que, d'après la constitution de la Suède, il appartient au conseild'état suédois, en cette qualité, d'être à la tête du gouvernement. 42. Pour ce qui concerne les dispositions particulières, reunies dans les cas prévus par les articles 39, 40 et 41 , le roi proposera aux prochaines diètes de Norvège et de Suède une loi fondée sur le principe d'une parfaite égalité entre les deux royaumes ( 1). 43. L'élection des tuteurs, chargés du gouvernement pendant la. minorité du roi, se fera 'd'après les mêmes règles et de la même manière qui ont été prescrites ci-dessus, dans l'article 7, concernant l'élection d'un successeur au trône. 44. Les individus qui, dans les cas prévus par les art. 40 et 41, sont chargés du gouvernement, devront, les Norvégiens, devant la diète de Norvège, prêter le serment suivant: « Je promets et jure de présider au gouvernement, confor» mément à la constitution et aux lois. Ainsi Dieu me soit » en aide et sa sainte parole. » Les suédois prêteront serment entre les mains des états du royaume de Suède. Si, à une pareille époque, la diète et les états ne se trouvent pas rassemblés , le serment sera déposé par écrit dans le conseil-d'état, et répété ensuite aux diètes prochaines de Norvège et de Suède. 39.

(1) Voyez ci-après l'acte qui détermine les rapports constitutionnels des deux royaumes.


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45. Aussitôt que leur administration de l'état aura cessé, ils en rendront compte au roi et à la diète. Dans le cas où l'autorité, désignée par les articles 39 et 41, aurait négligé de convoquer tout de suite la diète, il est enjoint à la cour-suprême, comme un devoir indispensable, de faire cette convocation aussitôt après l'expiration de quatre semaines. 47. La direction de l'éducation du roi mineur, dans le cas où son père mourant n'aurait pas laissé à cet égard des dispositions par écrit, sera réglée de la manière prescrite par les articles 7 et 43. Il est de toute rigueur qu'il soit donné au roi mineur l'instruction suffisante dans la langue norvégienne. 4®. Si la ligne masculine de la famille royale est éteinte, et qu'on n'ait point élu de successeur au trône, il sera procédé à l'élection d'une nouvelle dynastie, de la manière prescrite par l'article 7 ; en attendant, le pouvoir exécutif sera exercé conformément aux dispositions de l'art. 4°. (1) TITRE III. Du Droit de citoyen et du Pouvoir législatif. 49. Le peuple exerce le pouvoir législatif par la diète appelée storthing, qui est composée de deux chambres, sous les noms de lagthing et odelsthing (2). 5o. Le droit de voter n'appartient qu'aux citoyens norvégiens, qui ont vingt - cinq ans accomplis, qui sont domiciliés dans le pays depuis cinq ans, qui y séjournent, et qui à ces qualités, joignent l'une ou l'autre des qualités suivantes ; savoir : 1° D être ou d'avoir été fonctionnaire public ; 2° De posséder à la campagne, ou d'y avoir pris à ferme pour plus de cinq ans, une terre cadastrée ; 3° D'avoir acquis le droit de bourgeoisie dans une ville, ou de posséder, soit dans une ville, soit dans un port mari-

(1) L'original dit 43, ce qui est évidemment une faute d'impression. (2) Il est difficile de donner de ces trois mots norvégiens une traduction qui en présente le sens entier. Le mot Storthing répond assez bien à grandes assises, ou états-généraux. Lagthing peut se traduire par Chambre des hommes de loi, et Odelsthing, par Chambre des propriétaires fonciers.


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time, une maison ou des biens-fonds de la valeur au moins de trois cents écus de banque en numéraire. 51. Il sera dressé, dans chaque ville, par le magistrat, et dans chaque paroisse des campagnes , par le sous-bailli (fogden ) et par le pasteur, un registre de tous les habitans ayant droit de voter ; on y portera sans délai toutes les mutations qui arriveront successivement. Avant d être inscrit sur le registre, chacun prêtera publiquement, devant le tribunal, serment de fidélité à la constitution. 52. Le droit de voter est suspendu : 1° Par une accusation de crime devant un tribunal; 2° Par l' interdiction; 3° Par la suspension des paiemens ou la faillite, jusqu'à ce que les créanciers aient obtenu leur paiement en entier, à moins que la faillite n'ait été causée par un incendie ou par quelque autre malheur constaté, et qui ne pourra être imputé au débiteur. 53. Le droit de voter se perd: 1° Par une condamnation à la maison de correction , aux travaux publics ou à une peine infamante; 2° Par l'entrée au service d'une puissance étrangère, sans le consentement du gouvernement; 3° Par l'obtention des droits de citoyen dans un pays étranger; 4° Par la conviction d'avoir acheté des suffrages , d'avoir vendu le sien, ou d'avoir voté dans une assemblée électorale. 54. Les assemblées électorales et celles des districts auront lieu tous les trois ans; elles devront être terminées avant la fin de décembre. 55. Les assemblées électorales se tiendront, pour la campagne, dans l'église principale de la paroisse; pour les villes, dans l'église, à l'hôtel-de-ville, ou dans quelque autre local destiné a cet usage. Elles seront dirigées, à la campagne, par le pasteur principal de la paroisse assisté des anciens, et dans les villes, par les magistrats et leurs adjoints. L'appel nominal pour voter sera fait d'après l'ordre établi sur les registres. Les différends concernant le droit de voter seront décidés, par les directeurs de l'assemblée, du jugement desquels on peut appeler à la diète.


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56. Avant de procéder aux élections, il sera fait lecture de la constitution, à haute voix, dans les villes par le premier magistrat, à la campagne par le pasteur. 57. Il sera choisi, dans les villes, un électeur sur chaque cinquataine de citoyens ayant droit de voter. Ces élécteurs s'assembleront dans la huitaine dans un local désigné par l'autorité civile, et choisiront, soit dans leur sein, soit parmi les habitans de leur arrondissement ayant droit de voter, un quart de leur propre nombre pour siéger à la diète ; de sorte que trois jusqu'à six en choisiront un; sept jusqu'à dix , deux; onze jusqu'à quatorze, trois; quinze jusqu'à dix-huit, quatre ; ce qui est le plus grand nombre qu'il sera permis à une ville d'envoyer. Si une ville a moins de cent cinquante habitans ayant droit de voter, elle enverra ses électeurs à la ville la plus voisine, pour voter de concert avec les électeurs de cette dernière; et alors les deux villes seront censées ne former qu'un district. 58. Dans chaque paroisse de la campagne, les habitans ayant droit de voter choisiront, en raison de leur nombre, les électeurs, de manière que jusqu'à cent ils en choisiront un; cent jusqu'à deux cents, deux; deux cents jusqu'à trois cents, trois; et ainsi de suite dans la même proportion. Dans le courant d'un mois, à partir de la clôture de cette opération, ces électeurs s'assembleront dans l'endroit indiqué par le bailli, et choisiront alors, soit dans leur propre sein , soit parmi les autres habitans du bailliage, ayant droit de voter, un dixième de leur propre nombre pour aller siéger à la diète, de manière que cinq jusqu'à quatorze en choisiront un; quinze jusqu'à vingt-quatre en choisiront deux; vingt-cinq jusqu'à trente-quatre, trois; trente-cinq et au-delà, quatre ; ce qui est le plus grand nombre. 59. Les dispositions des articles 57 et 58 resteront en vigueur jusqu'à l'époque de la diète prochaine; si alors on trouve que le nombre des représentans des villes est audessus ou au-dessous d'un tiers des représentans de tout le royaume, la diète, afin d'établir une règle pour l'avenir, changera les dispositions de manière que les représentans des villes se rapportent à ceux des campagnes comme un à


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deux ; et le nombre total des représentans ne doit jamais être au-dessous de soixante quinze, ni au-dessus de cent (1). 60. Les votans régnicoles, qui ne pourront pas être présens pour cause de maladie, de service militaire, ou d'empêchement légitime, pourront envoyer leur vote par écrit à ceux qui dirigent les assemblées électorales avant leur clôture. 61. Nul ne pourra être élu représentant s'il n'est pas âgé de trente ans, et s'il n' a pas demeuré pendant dix ans dans le royaume. 62. Les membres du conseil-d'état et les fonctionnaires attachés à leurs bureaux , ainsi que les officiers de la cornet ses pensionnaires ne pourront pas être élus représentans. 63. Tout individu élu représentant est tenu d'accepter l'élection, à moins qu'il n'en soit empêché par des motifs jugés légitimes par les électeurs, dont le jugement pourra être soumis à la décision de la diète. Celui qui aura siégé comme représentant à deux diètes ordinaires consécutives, n'est plus obligé d'accepter sa nomination à la prochaine diète ordinaire. Si des raisons légitimes empêchent un représentant de se rendre à la diète, il sera remplacé par celui qui, après lui, aura obtenu le plus grand nombre de suffrages. 64. Aussitôt que les représentans auront été élus, ils seront munis de pleins-pouvoirs, signés, à la campagne, par l'autorité supérieure, et dans les villes, par le magistrat, ainsi que par tous les électeurs, pour constater qu'ils ont été élus de la manière prescrite par la constitution. La diète jugera de la légalité de ces pleins-pouvoirs. 65. Tout représentant a le droit d'être indemnisé par le trésor de l'état de ses frais de route pour aller à la diète et pour revenir , ainsi que des frais de son séjour. 66. Pendant le voyage des représentans pour aller à la diète et revenir, ainsi que pendant leur séjour, ils seront exempts de prise de corps, à moins qu'ils ne soient saisis en flagrant délit public; ils ne pourront non plus, hors

(1) Une loi du 8 février 1816 porte : 25 élections et au-dessus ne pourront élire que 3 représentans, ce qui sera ad intérim , le plus grand nombre qu'un bailliage puisse envoyer et par suite de quoi le nombre des représentans de la campagne , de 61 qu'il est actuellement, se trouvera diminué jusqu'à 50 à 53.


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les assemblées de la diète, être soumis à aucune responsabilité, relativement aux opinions qu'ils y auraient émises. Chacun est tenu de se conformer au réglement y établi. 67. Les représentans élus de la manière ci-dessus exposée composent la diète , ou le storthing du royaume de Norvége. 68. L'ouverture de la diète se fera ordinairement le premier jour ouvrable du mois de février, tous les trois ans, dans la capitale du royaume , à moins qu'à cause de circonstances extraordinaires,telles qu'une invasion hostile, ou une maladie contagieuse, le roi ne désigne quelque autre ville du royaume. Une telle désignation doit alors être publiée à temps. 69. Dans des cas extraordinaires, le roi a le droit de convoquer la diète hors de l'époque ordinaire. Alors le roi publie une proclamation qui doit avoir été lue dans toutes les églises des capitales de bailliages, au moins six semaines avant l'époque où les membres de la diète devront être rendus à l'endroit fixé. 70. Une telle diète extraordinaire pourra être dissoute par le roi, quand bon lui semblera. 71. Les membres de la diète continueront leurs fonctions, comme tels , pendant trois ans consécutifs, tant aux diètes extraordinaires qu'à l'ordinaire , qui sera tenue pendant ce temps. 72. Si la session d'une diète ordinaire se prolonge jusqu'à l'époque où la diète ordinaire va s'assembler, la première cessera ses fonctions du moment où la dernière sera réunie. 73. Aucune des chambres ou des diètes ne pourra siéger , à moins que les deux tiers de ses membres ne soient presens. 74. Aussitôt que la diète se sera constituée , le roi, ou celui qu'il aura commis pour cela, en fera l'ouverture par un discours contenant un exposé de la situation du royaume, et des objets sur lesquels il désire particulièrement attirer l'attention de la diète. Aucune délibération ne pourra avoir lieu en présence du roi. La diète choisira parmi ses membres, un quart pour former la première chambre, ou le Lagthing ; les autres trois quarts composeront la seconde chambre, appelée Odelslhing. Chacune de ces deux chambres aura ses assemblées particulières , et nommera son président et son secrétaire. 75. Il appartient à la diète : 1° De faire et d'abolir les lois, d'établir des impôts, des


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taxes , des droits de douane et autres charges publiques, qui cependant ne subsisteront que jusqu'au premier juillet de l'année, où une nouvelle diète ordinaire sera assemblée, à moins que cette dernière ne les renouvelle expressément. 2° D'ouvrir des emprunts sur le crédit de l'état. 3° De surveiller les finances du royaume. 4° D'accorder les sommes nécessaires pour les dépenses de l'état. 5° De fixer les sommes annuelles pour l'entretien de la cour du roi et du vice-roi, ainsi que l'apanage de la famille royale, lequel cependant ne devra pas consister en biensfonds. 6° De se faire exhiber les procès-verbaux du gouvernement siégeant en Norvége, ainsi que tous les rapports et documens publics (les affaires de pur commandement militaire exceptées ), des copies vérifiées, ou des extraits des procès-verbaux dressés par le ministre d'état et les deux conseillers d'état norvégiens résidant auprès du roi en Suède, ou les documens publics qui y auront été produits. 7° De se faire communiquer les traités d'alliance et autres que le roi aura conclus au nom de l'état, avec des puissances étrangères, à l'exception des articles secrets, lesquels cependant ne doivent point être en contradiction avec les articles patens.

8° D'exiger de tout individu qu'il comparaisse devant elle dans les affaires d'état, le roi et la famille royale exceptés. Cependant cette exception n'est pas applicable aux princes de la famille royale , dans le cas où ils seraient revêtus d'emplois, autres que celui de vice-roi. 9° D'examiner tous les tableaux de traitemens et de pensions provisoires, et d'y faire les changemens qu'elle jugera nécessaires. 10° De nommer cinq réviseurs, qui doivent examiner, tous les ans, les comptes de l'état, et en publier des extraits par la voie de l'impression ; à quel effet ces comptes devront être remis aux réviseurs avant le premier juillet de chaque année. 11° De naturaliser des étrangers. 76 Toute loi doit d'abord être proposée à la seconde chambre, soit par ses propres membres, soit au nom du gouvernement, par l'organe d'un conseiller d'état. Si la proposition y est adoptée, elle sera envoyée à la pre-


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mière chambre qui l'approuve ou la rejette, et, dans ce dernier cas, la renvoie accompagnée de ses observations. Celles-ci seront examinées par la seconde chambre, qui mettra le projet de côté , ou l'enverra de nouveau à la première chambre , avec ou sans amendement. Quand un projet aura été proposé deux fois par la seconde chambre à la première, et que celle-ci l'aura renvoyé pour la seconde fois en le rejetant, il y aura une assemblée générale des deux chambres ; et les deux tiers de ses voix décideront alors du projet. Il doit s'écouler au moins trois jours entre chacune de ces délibérations. ' 77. Lorsqu'une résolution, proposée par la seconde chambre , aura été approuvée par la première, ou par les deux chambres réunies en diète générale, une députation de ces deux chambres de la diète la présentera au roi , s'il est présent ; ou , s'il ne l'est pas , au vice-roi, ou au gouvernement norvégien , en demandant qu'elle soit revêtue de la sanction royale. 78. Si le roi approuve la résolution , il la revêt de sa signature, et dès lors elle a force de loi. S'il ne l'approuve pas, il la renvoie à la seconde chambre, en déclarant que, pour le moment, il ne juge pas convenable de sanctionner la résolution. 79. Dans ce cas, la diète alors assemblée ne soumettra plus la résolution au roi, qui pourra agir de même si la diète ordinaire suivante lui soumet de nouveau la même résolution. Mais si , après avoir été de nouveau discutée, elle est encore adoptée sans amendement par les deux chambres de la troisième diète ordinaire, et ensuite soumise au roi, avec prière de ne plus refuser sa sanction à une résolution, que la diète, après la plus mûre délibération , croit etre utile , elle acquiert force de loi, quand même elle ne serait pas revêtue de la sanction royale avant la fin de la session de la diète. 80. La diète restera assemblée aussi long-temps qu'elle le jugera nécessaire ; cependant pas au-delà de trois mois , sans la permission du roi. Lorsqu après avoir fini ses travaux, ou après avoir été assemblée pendant l'espace de temps fixé là session de la diète est levée par le roi, il donnera en même temps sa décision sur les résolutions, qui n'auront pas encore été termi TOME III.

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nées , soit en les adoptant, soit en les rejetant. Toutes celles qu'il ne sanctionne pas expressément sont censées être par lui rejetées. 81. Toutes les lois seront publiées en langue norvégienne et au nom du roi (en exceptant celles mentionnées à l'article 79), sous le sceau du royaume de Norvége, et en ces termes : « Nous etc. , savoir faisons qu'une résolution de la ainsi conçue (suit la résolution), nous » diète, en date » ayant été soumise , nous l' avons adoptée et sanctionnée , ainsi » que par ces présentes nous l' adoptons et sanctionnons comme » loi, sous notre signature et le sceau du royaume. » 82. La sanction royale n'est pas requise pour les résolutions de la diète, par lesquelles : 1° Elle se déclare constituée conformément à la constitution. 2° Elle règle sa police intérieure. 3° Elle approuve ou rejette des pleins-pouvoirs des membres présens. 4° Elle confirme ou rejette des décisions relatives à des contestations électorales. 5° Elle naturalise des étrangers. 6° Enfin, pour la résolution par laquelle elle ordonne la mise en accusation de quelque conseiller d'état ou autres. 83. La diète peut demander l'avis du tribunal-suprême sur des objets qui concernent la jurisprudence. 84. La diète tiendra ses séances publiquement, et ses actes seront publiés par la voie de l'impression , excepté dans les cas où le contraire aura été décidé à la pluralité des voix. 85. Quiconque obéit à un ordre, dont le but est de troubler la liberté ou la sûreté de la diète, se rend coupable de haute-trahison envers la patrie. TITRE IV. Du Pouvoir judiciaire. 86. Les membres de la première chambre de la diète, et tribunal-suprême composeront la haute-cour du royaume, le qui jugera en première et dernière instance les affaires entamées par la seconde chambre , soit contre les membres du conseil-d'état ou du tribunal-suprême, pour des délits commis dans leurs fonctions, soit contre les membres de la


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diète, pour des crimes commis par eux en leur qualité de représentans. Le président de la première chambre de la diète présidera aussi la haute-cour du royaume. 87. L'accusé pourra, sans alléguer aucun motif, récuser jusqu'à un tiers des membres de la haute-cour du royaume, de manière cependant que cette cour soit toujours composée de quinze membres au moins. 88. Le tribunal-suprême juge en dernière instance. Il aura au moins un président et six assesseurs. 89. En temps de paix, le tribunal suprême, conjointement avec deux officiers supérieurs désignés par le roi , jugera en seconde et dernière instance toutes les causes jugées en première instance par un conseil de guerre, et qui emporteront soit peine capitale ou infamante, soit la perte de la liberté pour un temps au-delà de trois mois. 90. Dans aucun cas, on ne pourra en appeler des arrêts du tribunal-suprême, ni les soumettre à révision. 91. Personne ne pourra être nommé membre du tribunalsuprême avant d'avoir atteint l'âge de trente ans. TITRE V.

Dispositions générales. 92. Les emplois de l'état ne pourront être conférés qu'à des citoyens norvégiens qui professent la religion évangélique luthérienne, qui ont juré fidélité à la constitution et au roi, qui parlent la langue du pays , et qui, 1° Ou sont nés dans le royaume de parens qui étaient alors sujets de l'état ; 2° Ou sont nés en pays étranger de parens norvégiens , qui à cette époque, n'étaient point sujets d'un autre état ; 3° Ou, le 17 mai 1814 , avaient un séjour permanent dans le royaume, et n'ont pas refusé de prêterserment de mainla Norvége (1) ; tenir l'indépendance de 4° Ou, à l'avenir, séjourneront pendant dix ans dans le royaume;

(1) C'est le jour

de la date de la constitution d'Eidrwold. Cette disposition les employés et autres individus, danois de naissance, qui demeuraient à cette époque en Norvége. favorise

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5° Ou auront été naturalisés par la diète. Cependant des étrangers pourront être nommés à des places de maîtres à l'Université et dans les colléges, ainsi qu'à celles de médecins et de consuls dans l'étranger. Personne ne pourra être nommé à une magistrature supérieure, avant d'avoir atteint l'âge de trente ans; ni à une magistrature inférieure, de juge en première instance, ou de receveur public, avant d'être parvenu à l' âge de vingt-cinq ans. 93. La Norvége ne répond d'aucune dette , autre que sa propre dette nationale. 94. Un nouveau code général, civil et criminel, sera publié à la première, ou, si cela n'est pas possible, à la seconde diète ordinaire. En attendant, les lois de l'état actuellement existantes resteront en vigueur, en tant qu'elles ne sont point contraires, soit à cette loi fondamentale, soit aux ordonnances provisoires , qui seront publiées dans l'intervalle. Les impôts actuellement permanens continueront de même à être perçus jusqu'à la diète prochaine. 95. Aucunes dispensations, lettres protectoires, lettres de répit ou réhabilitation ne pourront être accordées après la promulgation et la mise en vigueur du nouveau code de lois générales. 96. Personne ne pourra être jugé que conformément à la loi, ni puni qu'après qu'un tribunal aura prononcé. La torture ne pourra avoir lieu. 97. Aucune loi n'aura force rétroactive. 98. Les épices qui reviennent aux officiers de justice ne seront pais combinées avec les redevances payables au trésor de l'état. 99. La prise de corps n'aura lieu que dans les cas et de la manière fixés par la loi. Une arrestation illégale et des retards illicites rendront celui qui en aura été la cause responsable envers l'individu arrêté. Le gouvernement n'est autorisé à employer la force armée contre les citoyens, que d'après les formalités prescrites par les lois, à moins qu'un attroupement tumultueux ne trouble la tranquillité publique , et qu'il ne se dissipe pas à l'instant, après que les articles du code, qui concernent la sédition, lui auront été lus trois fois à haute voix par les autorités civiles, 100. Il y aura liberté de la presse. Personne ne pourra


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être puni pour un écrit qu'il aura fait imprimer ou publier, quel qu'en soit le contenu , à moins qu'il n'ait lui-même à dessein et évidemment manifesté, ou engagé d'autres à manifester de la désobéissance envers les lois, du mépris pour a religion , les mœurs et les pouvoirs constitutionnels, de la résistance aux ordres de ces derniers , ou qu'il n'ait avancé contre quelqu'un des inculpations fausses et diffamatoires. Il sera permis à chacun d'exprimer librement et franchement ses opinions sur l'administration de l'état, et sur tel autre objet que ce soit. 101. Des restrictions nouvelles et permanentes dans la liberté de l'industrie ne seront plus désormais accordées en faveur de personne. 102. Les visites domiciliaires sont interdites, excepté dans les cas criminels. 103. Il ne sera pas accordé de lieu d'asile à ceux qui auront fait faillite. 104. Personne ne pourra, dans aucun cas, forfaire ses biens-fonds et sa fortune. 105. Si l'intérêt de l'état exige que quelqu'un abandonne ses biens, soit meubles, soit immeubles, pour un objet d'utilité publique, il en sera pleinement indemnisé par le trésor de l'état. 106. Les capitaux, ainsi que les revenus des biens alloués au clergé, ne pourront être employés qu'au profit du clergé, et à la propagation des lumières. Les propriétés des établissemens de charité ne pourront non plus être détournées de leur destination. 107. Le droit de retrait lignager pour les fonds deterre, appelé odelsret, et le droit de possession , appelé rasaedesret, ne pourront pas être abolis. Les dispositions particulières, qui pourront en rendre la permanence , autant qu'il est possible, utile à l'état et aux cultivateurs , seront arrêtées par la première ou la seconde diète suivante. 108. Aucun comté , baronie, majorat ou fidei-comrais , ne pourront être érigés à l'avenir. 109. Tout citoyen de l'état est en général également oblige , peu ant un certain temps , de défendre sa patrie , sans égard a la naissance ni à la fortune. L'application de ce principe et les restrictions dont il est susceptible , ainsi que la question jusqu'à quel point il est


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utile au royaume que l'obligation qu'impose cette défense cesse avec l'âge de vingt-cinq ans, seront soumises à la décision de la prochaine diète ordinaire, après qu'on aura obtenu tous les renseignemens nécessaires par le moyen d'un comité. En attendant, les dispositions existantes seront maintenues. 110. La Norvége conserve sa propre banque, ses propres finances, et sa propre monnaie; institutions qui seront réglées par des lois. m. La Norvége aura le droit d'avoir son propre pavillon de commerce. Son pavillon des guerres sera un pavillon d'union. 112. Si l'expérience démontre que quelque partie de cette loi fondamentale du royaume de Norvége a besoin d'être changée, la proposition en sera faite à une diète ordinaire et publiée par la voie de l impression. Mais il n'appartiendra qu'à la diète ordinaire suivante de décider si le changement proposé sera effectué , ou non. Un tel changement ne doit cependant jamais être contraire aux principes de cette loi fondamentale; il ne doit avoir pour objet que des modifications dans quelques dispositions particulières, qui n'altèrent point l'esprit de cette constitution ; et les deux tiers des membres de la diète devront être d'accord sur un pareil changement.


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ACTE

Qui établit les Rapports constitutionnels des royaumes de Norvége et de Suède ( 1 ). Nous , Charles , etc., etc., etc., savoir faisons : La diète du royaume de Norvége, et les états du royaume de Suède sont convenus, et ont résolu, sur notre proposition royale, de dresser un acte particulier pour fixer les rapports constitutionnels entre la Norvège et la Suède. Cet acte est de la teneur suivante : « Nous , soussignés représentans du royaume de Norvège, rassemblés ici à Christiania en diète générale, et nous, les états du royaume de Suède, comtes, barons, évêques, membres de l'ordre équestre et de la noblesse , de l'ordre du clergé, de la bourgeoisie et des paysans, rassemblés ici à Stockholm en diète du royaume , nous déclarons: que les peuples de la Scandinavie ayant été heureusement réunis avec l'aide de Dieu , par un nouveau lien politique qui a été formé, non par la force des armes, mais par une résolution libre et volontaire, qui ne peut et ne doit être maintenue que par une reconnaissance mutuelle des droits légitimes des peuples, pour le soutien de leur trône commun; et nous, les états soussignés du royaume de Suède, ayant, sur la proposition de Sa Majesté le roi, en date du 12 avril, concernant les nouveaux rapports constitutionnels qui ont résulté de la réunion entre la Norvége et la Suède , reconnu et confirmé par notre consentement unanime les dispositions contenues dans la constitution du royaume de Norvége du

(1) Nous avons traduit la précédente constitution sur l'original en langue norvégienne, imprimé à Christiania. Il n'en est pas de même à l'égard de l'acte suivant, qui établit les rapports constitutionnels des royaumes de Norvège et de Suède, comme formant un même état sous un seul chef. Nous n'avons pas pu nous procures cet acte en original ; mais nous le copions textnellement, tel qu'il se trouve dans l'Histoire des résolutions de Norvége, par M.Catteau-Calleville, tom. II, pag. 375 et suivants. Nous sommes bien persuadés de l'exactitude de la traduction de cet estimable auteur.


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4 novembre 1814, sous la réserve néanmoins de notre droit constitutionnel pour les parties qui entraînent un changement ou des modifications dans la forme de gouvernement du royaume; enfin , le roi, notre souverain, ayant, le 10 novembre suivant, adopté et confirmé par serment ces dispositions, nous avons cru, en qualité de plénipotentiaires légitimes des habitans de la Norvége et de la Suède ne pouvoir fixer pour l'avenir, d'une manière plus convenable et plus solennelle les conditions de la réunion de la Norvége et de la Suède, sous un seul et même roi, mais sous différentes lois civiles, que de rédiger et établir, d'un commun accord, dans un acte particulier, les articles qui suivent : Art. 1. Le royaume de Norvége formera un royaume libre, indépendant, indivisible et inaliénable, réuni avec la Suède sous un même roi. 2. L'hérédité suivra la ligne descendante masculine et collatérale de la manière qui a été réglée dans l'ordre de succession du 26 septembre 1810, décrété par les états de Suède, et adopté par le roi. On comptera parmi les héritiers légitimes l'individu non encore né, qui, venant au monde après le décès de son père , prendra aussitôt la place qui lui est dévolue dans la ligne d'hérédité. Lorsqu'il naîtra un prince ayant le droit d'hériter des couronnes réunies de Norvége et de Suède , son nom et le lieu de sa naissance seront déclarés à la première diète de Norvége, qui se rassemblera, et insérés dans son procès-verbal. 3. S'il n'existe point de prince qui soit de droit héritier présomptif, et qu'il s'agisse d'en nommer un par voie d'élection , la diète de Norvège et celle de Suède seront convoquées pour le même jour. Le roi, ou si l' élection de l'héritier présomptif devait avoir lieu pendant la vacance du trône, le gouvernement légitime des deux royaumes par intérim, fera , dans la huitaine qui suivra le jour de l'ouverture du Storting en Norvége, et celui où la diète de Suède aura commencé ses séances, la proposition relative à la succession du trône le même jour aux deux diètes. Les membres des deux diètes ont également le droit de proposer un héritier de la couronne. Si l'un d entre eux veut exercer ce droit, il sera obligé d'en faire usage avant la fin du terme ci-dessus fixé. La diète de Norvège et celle de Suède fixeront ensuite un jonr pour procéder, chacun de son côté, à l'électicn» On devra nécessairement la commencer ayant le douzième jour


DE SUÈDE ET DE NORVÉGE.

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révolu depuis le terme fixé pour la proposition. La veille du jour déterminé de cette manière par les deux diètes pour l'élection , la diète de Norvége et les états de Suède choisiront parmi leurs membres un comité qui, dans le cas où l' élection des deux diètes tomberait sur des individus différens, se réunira, comme fondé de pouvoirs des deux royaumes, pour fixer, à la pluralité des voix, le choix sur un seul individu. Le jour fixé pour l'élection , les deux diètes, en se réglant sur le mode prescrit par la constitution de chacun des deux royaumes, choisiront chacune un individu parmi les candidats proposés. Si le choix des deux royaumes tombe sur la même personne, ce sera l'héritier légitime du trône. S'il tombe sur deux individus, le comité réuni des deux royaumes fera cesser cette division par la voie du scrutin. Ce comité sera composé de trente-six personnes de chaque royaume, et de huit suppléans, qui seront choisis suivant le mode particulier déterminé par la diète de Norvége et les états de Suède. Il y aura un ordre fixé d'après lequel les suppîéans prendront part à l'élection , mais seulement dans le cas où quelqu'un des membres du comité ne pourrait point y assister. Carlstadt (1) sera le lieu de rassemblement pour les comités des deux royaumes. Chaque comité, avant de partir, l'un du lieu où s'assemble la diète de Norvége, l'autre de celui où se tient la diète de Suède, choisira un orateur parmi ses membres. Le roi, ou, dans le cas de son décès, le gouvernement par intérim des deux royaumes fixera , dans le plus court intervalle possible , après avoir appris la nouvelle du choix différent par les deux royaumes, et, en ayant égard aux distances des lieux de rassemblement des deux diètes, le jour où les comités des deux royaumes se rassembleront à Carlstadt. Ce terme ne doit point passer les vingt - un jours qui suivront les douze fixés ci-dessus pour l'élection que doivent faire les deux diètes. Les orateurs des deux comités se concerteront aussitôt après leur arrivée, pour expédier les lettres de convocation pour la matinée du jour après celui qui aura été fixé pour l'arrivée des deux comités au lieu de leur rassemblement. (1) Petite ville suédoise peu éloignée des frontières de la Norvége , et située à peu près a moitié chemin entre Christiania et Stockholm.


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RAPPORT CONSTITUTIONNEL

Lorsqu'ils seront réunis, l' orateur de chaque comité lira d'abord ses pleins-pouvoirs et ceux de ses collègues ; ensuite ils tireront au sort, lequel des deux portera la parole pour l'élection. Le comité réuni de cette manière pour les deux royaumes sous un seul orateur, qui prendra aussi part aux votes, procédera aussitôt, sans discussion, au scrutin. Les membres ne se sépareront point, et aucun d'eux ne quittera le lieu de la séance, avant que l'élection soit complètement terminée. Avant d'aller aux voix, le président de chaque comité fera la lecture et l'échange du document qui contient le choix de ses commettans fixé sur un individu. La proposition à mettre aux voix sera conçue d'après ce réglement, et le nom des deux candidats y sera porté suivant la formule ci-dessous : « Les diètes de Norvége et de Suède votent en commun » pour choisir un successeur aux trônes réunis de Norvège » et de Suède. La diète de Norvège a proposé N.N.,et la diète » de Suède NN. » Si la majorité des voix se réunit pour le premier (1) , il est choisi pour successeur légitime du roi aux deux trônes réunis de Norvège et de Suède. Avant de faire l'appel pour voter, on lira, à haute et intelligible voix, toutes les dispositions qui concernent la manière de voter. L'appel se fera de manière que, si l'orateur du comité est un Norvégien , il commencera par appeler les membres suédois, et il appellera ensuite les Norvégiens. Ce sera l'inverse si l'orateur est Suédois. Le scrutin se fera par billets pliés, entièrement pareils pour la grandeur et la forme, et sur lesquels le nom de chaque candidat sera exprimé en caractères semblables. L'orateur qui ne dirige point l'élection, mettra son nom sur les billets avant qu'ils soient délivrés aux députés. Les billets , pour être valides, doivent être fermés et roulés séparément, sans aucune marque particulière. La pluralité absolue décidera. Avant de compter les billets , l' orateur en retirera un qu'il mettra à part cacheté. L'appel ter-

(1) Il y a ici probablement une faute de traduction. Nous croyons qu'au lien des mots, le premier, il faudrait lire : pour l'un ou l'autre, au premier tour de scrutin.


DE SUÈDE ET DE NORVÉGE. 347 miné, si, en ouvrant les billets, il s'en trouve quelqu'un non valable, d'après les dispositions précédentes, il sera ausssitôt anéanti. S il en résultait un partage égal des voix , le billet cacheté mis de côté sera ouvert, et formera la voix prépondérante , s'il a les conditions ci-dessus requises. Si, à défaut de quelqu'une de ces conditions, il est inadmissible, tout ce qui aura été fait sera non avenu , et l' on procédera à un nouveau scrutin. Si la pluralité est décidée sans avoir recours à ce moyen, le billet ci-dessus sera anéanti sans être ouvert. Un des députés dressera le procès-verbal du scrutin , en langue norvégienne, si l'orateur est Norvégien, et en langue suédoise , s'il est Suédois. Ce procès-verbal sera lu à haute voix aussitôt après la conclusion du scrutin ; il en sera tiré deux exemplaires conformes, que tout le comité d'élection signera avant de se séparer; il sera cacheté en présence de tous les membres, et l'orateur de chaque comité aura soin qu'ils soient envoyés le même jour, l'un à la diète de Norvége, sous l'adresse du président; l'autre à la diète de Suède, sous l'adresse du maréchal de la noblesse et des orateurs. Sur l' exemplaire envoyé a la diète de Norvége les députés norvégiens signeront les premiers. Aussitôt après, ou, au plus tard, le lendemain de la réception de cet acte, il sera présenté à la diète de Norvège et à celle de Suède, qui prendront sans délai les mesures nécessaires pour donner communication de la résolution des représentans des deux royaumes à Sa Majesté le roi, ou, clans le cas de son décès, au gouvernement par intérim. 4. Le roi aura le droit de rassembler les troupes, de commencer la guerre , de faire la paix et de conclure ou de rompre des traités , d'envoyer ou d'admettre des ministres plénipotentiaires. Si le roi veut faire la guerre, il doit faire part de son dessein à la régence de Norvége, et lui demander son sentiment sur cet objet ; il lui communiquera en même temps un rapport détaillé sur l'état du royaume, par rapport aux finances, aux moyens de défense, etc. Ensuite le roi ressemblera en conseil-d'état extraordinaire le ministre d'état et les conseillers d'état de Norvége, ainsi que ceux de Suède, et il exposera les motifs et les circonstances à prendre en considération dans le cas dont il s'agit; la régence de Norvége fera en même temps sa déclaration sur l'état de ce royaume , et il sera fait un rapport semblable de celui de la Suède. Le roi


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RAPPORT CONSTITUTIONNEL

demandera aux membres du conseil leur opinion, que chacun d'eux donnera séparément, pour être insérée au procèsverbal sous la responsabilité que prescrit la constitution. Alors le roi aura le droit de prendre et d'exécuter la résolution qu'il jugera avantageuse à l'état. 5. Le ministre d'état et les deux conseillers d'état de la Norvége, qui suivent le roi, ont séance et voix délibérative au conseil-d'état de Suède, lorsqu'on y traitera d'objets qui intéressent les deux royaumes. En pareil cas, on prendra l'avis de la régence de Norvége, à moins que les choses ne demandent une si prompte exécution qu'on n'en ait pas le temps. Toutes les lois qu'on traite devant le roi au conseild état de Norvège, où et quand il est rassemblé, des questions qui concernent les deux royaumes , trois membres du conseil-d'état de Suède y auront aussi séance et droit de voter. 6. Si le roi venant à mourir, l'héritier présomptif du trône est encore mineur, les conseils-d'état de Norvège et de Suède se rassembleront aussitôt pour régler en commun la convocation de la diète de Norvége , et de la diète de Suède. 7. En attendant que les représentans des deux royaumes soient rassemblés, et aient établi une régence pendant la minorité du roi, un conseil-d état / composé d'un nombre égal de membres norvégiens et suédois, gouvernera, sous le nom de régence par intérim de Norvège et de Suède, les deux royaumes, en se conformant à leurs constitutions respectives. Ce conseil-d'état sera formé de dix membres de chaque royaume. Ces membres seront pour la Norvège : le ministre et les deux conseillers d'état de Norvége qui sont à Stockholm, six conseillers d'état ordinaires ou spécialement nommés, les quels, en cas de vacance du trône ou de minorité du roi, seront choisis par la régence qui se trouve en Norvège , entre ses membres, et remplacés en Norvége par trois conseillers d'état au moins; enfin un secrétaire d'état nommé aussi par ladite régence dans le cas ci-dessus ; pour la Suède, les deux ministres d'état, six conseillers d'état, et le chancelier de la cour ; en outre , pour les affaires de la Suède, le secrétaire d'état de ce royaume, ou, pour celles de Norvége, le secrétaire d'état de Norvège, qui alterneront suivant leur ancienneté. Pour traiter les affaires des deux royaumes on suivra les formes prescrites dans chacun des deux. Auprès de la régence par intérim les affaires de Norvége seront pro-


DE SUÈDE ET DE NORVÉGE.

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posées par le secrétaire d'état de ce royaume en langue norvégienne; l'insertion au procès-verbal et l'expédition seront également en cette langue. La langue suédoise sera employée de la même manière pour les affaires de Suède. Les affaires qui intéressent les deux royaumes , et qui, par leur nature, ne dépendent pas d'une expédition particulière d'état, ou d'une administration départementale, seront proposées par le chancelier de la cour, et expédiées par le Secrétaire d'état de chaque royaume dans la langue de celui dont il dépendra. Les affaires diplomatiques seront proposées aussi par le chancelier , et portées dans un procès-verbal particulier. On décidera, à la pluralité des voix, et, en cas de partage, l'orateur aura voix prépondérante. Toutes les résolutions que l'on expédiera seront signées de tous les membres. Le conseil-d'état des deux royaumes, ayant la régence par intérim., siégera à Stockholm. Le ministre d'état de Norvége , et le ministre de la justice de Suède tireront au sort, à la première assemblée des deux conseils réunis, pour décider lequel des deux portera lé premier la parole. L'ordre étant ainsi fixé par le sort, les orateurs alterneront ensuite tous les huit jours, de sorte que chacun des deux ministres porte la parole successivement pendant une semaine. Dans tous les cas, où, suivant la constitution de la Norvége et de la Suède, l'administration du royaume doit être conduite par le conseil-d'état; celui des deux'royaumes se réunira en nombre égal, suivant les constitutions ci-dessus. 8. Le choix des personnes chargées de la régence pendant la minorité du roi se fera d'après les mêmes règles , et de la même manière que le prescrit l'article 3 ci-dessus pour l'élection du successeur au trône. 9. Les personnes qui seront chargées de la régence dans les cas ci-dessus mentionnés prêteront serment, les Norvégiens à la diète de Norvége, et les Suédois à celle de Suède, voici quelle sera la formule du serment : « Je promets et je jure de conduire l'administration du » royaume d'une manière conforme aux lois et à la consti» tution ; qu ainsi Dieu et sa sainte parole me soient en aide. » Si aucune des deux diètes n'est alors assemblée, le serment sera déposé par écrit dans le conseil-d'état, et présenté ensuite à la première diète de Norvège et de Suède.


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RAPPORT CONSTIT. DE SUÈDE ET DE NORVÉGE.

10. Les soins relatifs à l'éducation du roi mineur seront réglés de la manière prescrite par l'article 8 de la constitution de Norvège (1). Un point fondamental sera, que ce prince apprenne suffisamment la langue norvégienne. II. Dans le cas où la descendance masculine viendrait à s'éteindre,et qu'il ne serait point encore nommé de successeur au trône , l'on procédera au choix d'une nouvelle dynastie , d'après la manière prescrite par l'article 3. 12. Les dispositions que le présent acte contient, étant en partie une répétition de la constitution de Norvége, en partie un supplément à cet acte constitutionnel, et fondées sur l'autorité qu'il tlonne à la diète de ce royaume , elles auront et conserveront pour la Norvége la même force que la constitution elle-même , et elles ne pourront être changées que de la manière prescrite par l'article 112 de cette constitution. En témoignage que nous avons approuvé et résolu tous les articles du présent acte de la manière ci-dessus, nous, les membres de lu diète de Norvège, et nous, les membres des états de Suède, nous avons dressé cet acte, et nous y avons apposé nos signatures et nos cachets. Fait à Christiania, le 31 juillet, et à Stockholm, le 6 août de l'an de grâce 1815. ( Suivent les signatures. ) Nous avons adopté, et nous sanctionnons l'acte ci-dessus avec tous ses articles points et clauses. Nous ordonnons en même temps que tous les individus qui doivent obéissance et fidélité à nous, à nos successeurs et à l'état, reconnaissent cet acte, et s'y conforment en tout, et avec obéissance. En foi de quoi, etc. Fait à Stockholm, le 6 août 1815. Signé CHARLES.

(1) Ces mots : de la constitution de Norvége, ne se trouvent point dans la traduction de M. Catteau-Calleville ; ce qui est une omission évidente.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU GOUVERNEM. DE RUSSIE.

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RUSSIE. PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU

GOUVERNEMENT DE RUSSIE. long-temps l'étude des gouvernemens etdes lois qui les constituent fut pour ainsi dire totalement étrangère à la France; les rapports extérieurs des différens états attiraient seuls quelque attention de la part des publicistes ; leur constitution était un mystère qui devait rester caché à tous les yeux; c'eût été un crime de chercher à en pénétrer l'esprit, à établir des comparaisons , à faire connaître les améliorations possibles. Quand les progrès d'une civilisation avancée eurent peu à peu soulevé le voile épais qui enveloppait les conditions du pacte social, lorsque les diverses législations politiques furent rapprochées , comparées, alors l'esprit de théorie fut exclusivement à l'ordre du jour, et les États régulièrement constitués furent seuls jugés dignes d'attirer l'attention des publicistes et des législateurs. Il resta donc une classe de gouvernemens dont les lois continuèrent à etre enveloppées dans la même obscurité. Si l'on s'occupa quelquefois des étals qui ne pouvaient offrir une organisation analogue à l'esprit du temps, ce fut uniquement pour connaître, pour déterminer le poids, que devaient apporter dans la balance politique , l'influence qu'ils avaient dans les cabinets européens. PENDANT


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

Pour ce qui regarde la Russie, nous voyons depuis longtemps nos hommes d'état suivre avec avidité tous les mouvemens de sa politique extérieure; tous les regards sont fixés sur les démarches du cabinet de Saint - Pétersbourg, et personne n'a paru se douter qu'il existât dans ce pays des institutions politiques. Toutefois,si l'on y pensait bien, on verrait facilementle peu de fruit qu'on peut retirer de l' étude d'institutions, qui, au lieu de présenter un enchaînement et une suite nécessaires , sont tout-à-coup substituées à d'autres institutions, et qui , la plupart du temps, n'offrent aucune liaison qui les rattache plutôt entre elles qu'avec toute autre législation; sans doute là , l'esprit observateur se trouve nécessairement en défaut; il n'en est pas de même à l'égard des gouvernemens formés, changés, perfectionnés par le temps ; on peut dire que pour ceux-ci chaque modification a pris naissance à côté des changemens opérés dans les mœurs, dans les idées : tout se tient, tout s'enchaîne, tout marche d'un commun accord vers un même point; c'est ici que le publiciste, que le philosophe peuvent trouver un sujet d'observations profitables, et cet intérêt qui naît de la certitude même de faire quelque chose d'utile, la récompense la plus douce des travaux de l'esprit. Sans doute il faut se garder de rien voir avec trop d'enthousiasme, mais ici on peut affirmer à coup sûr qu'il sera curieux pour tous de suivre les progrès de la civilisation naturalisée en Russie par Pierre-le-Grand; de voir les arts, les sciences et les lois modifier le caractère du peuple russe, le préparer par degrés à une civilisation plus avancée, et l'amener enfin au point où nous le voyons aujourd'hui; il sera curieux de voir ce peuple devenir peu à peu capable de recevoir de nouvelles lois; de voir si ces lois furent tout ce qu'elles pouvaient être ; il sera curieux enfin d'étudier ce peuple russe dans son état actuel, et de voir les efforts d'un souverain éclairé pour introduire sans choc, sans révolution , une liberté devenue désormais l'un des besoins les plus


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DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

pressans d'une nation naguère barbare; Alexandre a TU qu il fallait la donner aujourd' hui pour en recevoir le. prix ; tandis que demain il faudrait peut-être l'accorder et craindre les suites de la concession ; l'exemple de la France n'a pas du moins été perdu pour les Russes, sans doute destinés à donner des leçons de prudence au reste de l' Europe.

CHAPITRE PREMIER. De la Russie avant Pierre-le-Grand. TANDIS qu'un peuple mène une vie sauvage , il attire à peine

l'attention des peuples civilisés; s'il conserve ses mœurs, ses usages au travers des siècles, il ne compte jamais que parmi les nations barbares , et passe, pour ainsi dire, inconnu au reste de la terre, ou plutôt les autres peuples ne connaissent de son existence que les ravages qu'ils en ont éprouvés; si au contraire il se civilise, et marque ainsi son rang parmi les nations, alors on s'occupe de son histoire; on veut connaître son berceau, ses progrès, les vicissitudes qui l'ont amené par degré à l'état de prospérité où il se trouve au montent où on le considère; malheureusement cette première barbarie qui l'a enveloppé pendant des siècles fait encore sentir son influence, et oérobe presque toujours aux yeux la partie peut-être la plus instructive de ses annales. Ces réflexions peuvent dans toute leur étendue être appliquées à la Russie , qui, totalement inconnue en Europe jusqu'à Pierre-le-Grand, était encore comptée, au commencement du dernier siècle, au nombre des puissances asiatiques, et presque aussi étrangère pour nous que l'empire de la Chine. On n' a en effet que très-peu de notions sur l'état primitif de la Russie ; les peuples qui l'habitent n'ayant connu

TOME II.

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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

l'usage des lettres que vers l'an 900, et la politique des princes souverains ayant été plus tard d'empêcher leurs sujets d'écrire la moindre chose sur l'histoire ou le gouvernement du pays (1). Tout ce qu'on sait d'une manière positive jusqu'au temps de Rurick dont nous parlerons bientôt, c'est que tout le pays était partagé en une infinité de petites souverainetés indépendantes, ou plutôt de républiques particulières (2). Long-temps les habitans de ce vaste empire vécurent dans l'indépendance et dans l'égalité absolue; mais la multiplicité des guerres créa des chefs; les chances de la fortune firent des pauvres et des riches, des seigneurs, des princes puissans, dont l'ambition ensanglanta plus d'une fois le sol de la patrie. Au milieu des désordres de l'anarchie, la république de Novogorod était parvenue à conserver sa tranquillité ; elle brillait dans le Nord, et s'élevait sur les débris des états voisins; mais, dans le neuvième siècle, succombant sous le poids des désordres et de la licence qui avaient été si funestes à ses voisins, cette république appela volontairement un protecteur, un guerrier Scandinave ou Varègue. Ce fut le fameux Rurick, le Clovis de l'empire de Russie. Rurick et ses frères conquirent rapidement le reste du pays, et s'établirent à Kiow, capitale d'un des plus puissans (1). Cet nsage bizarre s'est conservé très-tard en Russie , et l'on voit que , lorsqu'en 1689, le prince Gallitziu marcha dans la Tartarie de Crimée (on Petite Tartarie) à la tête de l'armée , il avait à sa suite un gentilhomme nommé Rosladiu , qui eut la curiosité de tenir un journal de tonte la route pour sa propre satisfaction. Le prince n'en fut pas plutôt averti, qu'il fit arrêter Rosladin , et le fit tenir dans une dure captivité. Son journal fut brûlé publiquecontînt rien contre les intérêts du gouvernement ni contre ment, quoiqu'il ceux du prince , n'ayant été écrit que par pnre curiosité ; heureusement ponr l'auteur que le prince Gallitzin fut disgracié bientôt après, sans quoi il risquait de perdre la vie pour avoir été trop curieux. Description historique de Russie, par le baron de Strahlenderg, chap. 4. (2) Histoire de l'empire de Russie, par M. Karamsin.


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DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

états des environs, après en avoir tué les princes ; voici comment la chose est racontée dans une histoire de Kiow, écrite en langue russe en 1673 : « Les premiers princes qui ont régné à Kiow étaient trois frères, russes de nation ; ils avaient une sœur nommée L'ebed, qui veut dire un cigne ; ces trois princes ont bâti chacun une ville : l'aîné bâtit Kiow, le second Sckowitza, et le troisième, Corcwitza (Vicegrod) ; leur sœur fit aussi construire une ville. On sait que ces princes laissèrent des enfans; mais on ne peut rien dire de positif sur leur succession; tout ce qu'on en sait, c'est que les descendans de ces princes ont joui dans ce pays de la souveraineté, et que deux de cette race, Oschold et Idir, devinrent si puissans, qu'ils osèrent attaquer l'empereur des Grecs à Constantinople ; mais, obligés de s'en retourner avec une perte considérable, et Rurick ayant appris leur défaite, il les surprit à Kiow, et les trouvant hors d'état de se défendre, il les tua tous deux, et s'empara de la ville, où il les fit enterrer. C est ainsi qu'a fini l'ancienne race des princes de Kiow, et ceux qui lui ont succédé sont sortis de la race de Rurick. » Bientôt les armes de ce prince firent trembler Byzance ; ses successeurs accrurent encore l autorité qu'il leur avait laissée, et peut-être est-ce, à proprement parler, Oleg qu'il faut regarder comme le fondateur de la grandeur russe (1) ; car c' est à lui que la Russie doit ses plus belles et ses plus riches contrées. Ce pays a produit un grand nombre de princes valeureux, mais aucun ne peut être comparé à Oleg dans les conquêtes qui ont consolidé la puissance de cette monarchie naissante. Rurick dominait depuis L'Esthonie, les sources staves et le Volkhof jusqu'à Biélo-Ozéro,l'embouchure del'Okaet la ville do Rostaf ; Oleg subjugua tous les pays depuis Smolensk jusqu'à la Soula, le Dniester, et vraisemblablement jusqu'aux monts Krapacks. « L'histoire, dit

(1) Karamsin 23


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PRECIS DE L'HSTOIRE

M. Karamsin (1) , regardera-t-elle ce prince comme un souverain illégitime, depuis la majorité de l'héritier de Rurick? Ses grandes actions et l'intérêt de l'état ne justifient-ils pas l'ambition d'Oleg, qui ne pouvait regarder comme sacré le droit de succession, puisqu'il n'était pas encore affermi en Russie par le temps et par l'exemple? » Plusieurs vaillans princes illustrèrent successivement dans ces premiers siècles le trône de Russie, et laissèrent plus ou moins de traces de leur existence. Nous ne devons ici rendre compte ni de leurs exploits ni de leurs revers; passons à un événement plus important, l'abolition de l'idolâtrie et l'introduction du christianisme en Russie. Les circonstances qui accompagnent cette révolution offrent des particularités qu'on chercherait vainement dans les annales des autres peuples; elles nous ont paru si remarquables, que nous nous écarterons un peu de la marche suivie jusqu'ici, pour présenter cet événement avec plus de développemens que nous ne l'avons fait encore pour des faits de la même nature; il donne d'ailleurs une idée très-juste des mœurs et de la simplicité des Russes à cette époque. C'est à Vladimir-le-Grand qu'est due cette importante révolution. Dégoûtés de leur ancienne croyance, les Russes songèrent à en adopter une autre; mais ils voulurent, avant tout, que la raison décidât seule du choix qu'ils pourraient faire; ils se mirent donc en devoir de chercher la vérité au travers des nuages dont l'ont enveloppée le fanatisme et la superstition ; pour cela ils comparèrent toutes les religions avant de se décider. Des députés de ehaque croyance arrivèrent à la cour, présentèrent les avantages du culte qu'ils professaient et les motifs qui devaient le faire préférer. Vladimir les écouta tous successivement.

(1) Traduction de MM. Saint-Thomas et Jauffret,


DIT GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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Les envoyés bulgares, musulmans, furent les premiers reçus (1). « Le paradis de Mahomet, le tableau des gracieuses Houris enflammèrent l'imagination de ce prince voluptueux} mais la circoncision lui parut un usage odieux, et la défense de boire du vin , une loi ridicule. Le vin, dit-il, fait la joie des Russes , nous ne pouvons nous en passer. » Les députés des catholiques allemands se présentèrent ensuite ; ils parlèrent de la toute-puissance de Dieu et du néant des idoles. « Retourne» chez vous, dit le prince, ce n'est point du pape que nos pères ont reçu une religion. » Après ceux-ci, vinrent les rabbins : « Où est votre patrie, leur dit Vladimir? A Jérusalem, répondent-ils; mais Dieu nous a dispersés dans sa colère sur toute la surface du globe; — Comment, vous êtes maudits de Dieu, dit le czar, et vous voulez donner des leçons aux autres ? Allez, nous ne voulons point, comme vous, rester sans patrie. » Un philosophe grec vint à son tour; il fut un peu plus heureux que ceux qui l'avaient précédé, et le tableau qu'il fit des récompenses et des peines éternelles, arracha au prince cette exclamation : «Quel bonheur pourles hommes vertueux et quel malheur pour les méchans. » Cependant son âme n'était qu'ébranlée, et il ne pouvait encore se décider à rien ; dans ces conjonctures , il crut ne pouvoir mieux faire que d'adopter le sentiment des boyards qui fut * que tout homme loue sa religion , et que s'il vo voulait choisir la meilleure, il fallait envoyer des hommes sages dans les différens pays,afin qu'ils pussent connaître quel est celui de tous les peuples qui honore Dieu de la manière la plus

digne de lui. » Dix députés furent en effet envoyés ; ils parcoururent plusieurs pays sans avoir rien vu qui attirât leur attention ; ils ar ivèrent enfin à Constantinople ; ils se ren(1) Ce tableau est extrait de M. Karamsiu-


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

dirent à l'église de Sainte - Sophie , où tout concourut à séduire leur imagination ; le patriarche , revêtu de ses habits pontificaux, y célébrait l'office divin. « La magnificence du temple, la présence de tout le clergé grec , la richesse des vêtemens sacerdotaux, les ornemens des autels, l'odeur exquise de l'encens , le chant délicieux des chœurs , le silence du peuple, enfin, la majesté sainte et mystérieuse des cérémonies, tout frappa les Russes d'admiration» Il leur sembla que ce temple était le séjour du Tout-Puissant lui-même, et qu'il s'y manifestait immédiatement aux mortels. » Ils revinrent donc à Kiow, et dirènt au czar : « Tout homme qui a porté à ses lèvres une douée boisson, éprouve de l'aversion pour tout ce qui est amer; maintenant que nous connaissons la religion grecque, nous n'en voulons point d'autre. » Ainsi la religion grecque devint celle de Russie , parce que des prêtres ambitieux étaient parvenus à enflammer les sens, à séduire les yeux de quelques hommes à demibarbares. Le hazard le plus bizarre fit du peuple grec une population chrétienne ; on frémit en pensant que souvent des sectes religieuses, après avoir embrassé une croyance par des motifs aussi frivoles , ont dressé les bûchers et les échafauds pour forcer les autres hommes à adopter leur culte. On peut dire que vers cette époque, c'est-à-dire au dixième siècle, les Russes commençaient déjà à former une monarchie puissante ; ils pouvaient dès lors vivre en paix sous de vaillans czars ; mais le funeste usage, introduit dans presque toute l'Europe, de partager le royaume entre les enfans des princes, fut là, comme ailleurs, la source de dissensions, de rivalités, de guerres intestines, qui désolèrent la Russie et qui la livrèrent pour des siècles au joug des Tatars ou Tatares, nation puissante et barbare. Alors l'Europe enveloppa dans le même oubli et les vainqueurs et les vaincus ; pour nous, nous devons nous arrêter un instant à cette fatale époque.


359 DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE. C' est surtout à la mort de Wladimir, en 1015, que s'effectuèrent ces malheureux partages; alors s'élevèrent une foule de princes souverains, réunis sous un grand duc qui, leur égal à plusieurs égards, exerçait cependant sur eux certains droits de suzeraineté; mais l'anarchie pouvait - elle tarder à éclater parmi des hommes jouissant de tous les droits de souveraineté, et qui ne reconnaissaient de loi que leur épée ? On a vu la France dans la même situation; on sait quel a été le résultat. La Russie devint donc facilement la proie de ses voisins ; l'historien de la Russie nous a laissé un tableau déchirant de sa malheureuse patrie sous la verge de fer des Tatares. « L'état de la Russie était déplorable alors; il semblait qu'un fleuve de feu l'eût parcourue depuis ses limites orientales jusqu'à ses frontières à l'occident; on aurait dit que la peste, que les tremblemens de terre, que tous les fléaux de la nature s'étaient ligués pour sa destruction ; en déplorant les ruines de la patrie, la perte des villes et l'anéantissement d'une partie de la population , nos annalistes ajoutent : « Tel qu'une bête féroce , le Khan Bâti dévorait les provinces entières dont il déchirait avec ses griffes les misérables restes. Les plus vaillans princes russes avaient perdu la vie dans les combats; les autres erraient sur des terres étrangères, cherchant, parmi les peuples de religion différente, des défenseurs qu'ils ne trouvaient pas; les mères désolées pleuraient leurs enfans écrasés à leurs yeux par les chevaux des Tatares. Les femmes des boyards, qui jamais n'avaient connu le travail, qui naguère étaient couvertes des plus riches vêtemens, entourées d'une foule d'esclaves, les servantes des barbares; en un mot, la Russie époque fatale, tous les désastres qui accaessuya, à cette blèrent l'empire romain, depuis Théodose-le-Grand jusqu' au septième siècle, alors que les nations sauvages du Nord ravageaient ses fllorissantes provinces. » Tel fut l'état de la Russie pendant près de deux siècles;.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

le pays était, à la vérité, gouverné comme par le passé, par des grands ducs et d'autres princes de la maison de Rurick ; mais selon le bon plaisir des Khans, dont ils étaient tributaires; et, comme si la fatalité eût poursuivi ce peuple malheureux, les petits princes russes, dont les armes réunies eussent pu en imposer à l'ennemi commun, rte cessaient de se faire la guerre entre eux, pendant que les Lithuaniens et les Polonais, profitant de leurs discordes, et de l'exemple des Tatares , leur enlevaient successivement toute la partie occidentale de l'empire ; en sorte que la Russie se irouva, vers le milieu du quinzième siècle, réduite au seul grand duché de Vladimir ou de Moscou. Cependant, dès ce moment on voit le grand duc chercher à réunir les forces de tous les seigneurs russes contre l'ennemi commun , et bientôt parvenir à ramener successivement autour du trône grand-ducal plusieurs des principautés particulières qui avaient partagé pendant longtemps la Russie septentrionale : dès-lors enfin l'autorité des Tatares commença à baisser, à mesure que les Russes reprenaient l'attitude qui leur était naturelle; le changement de fortune fut dû, en grande partie, au czar Ivan III Vasiliewitsch, qui s'affranchit même, vers l' année 1480, du tribut et des honneurs qu'avaient jusque-là exigés les Khans. Ce même prince abolit l'usage des apanages par une loi expresse, et il est à croire que la Russie, dégagée de l'oppression étrangère , et d'une coutume si contraire à la prospérité de l'état, serait alors remontée au rang qu'elle avait déjà occupé , sans les fatales circonstances qui vinrent encore retarder cet heureux moment. Je veux parler de l'extinction de la famille régnante et de la postérité de Rurick en 1590 ; on connaît les troublés qui suivirent cet événement. Le successeur du dernier rejeton de Rurick s'était, selon toute apparence, frayé par le crime une route au trône; et, comme il arrive trop souvent, ces crimes mêmes lui firent commettre de nouvelles violences qui lui attirèrent un©


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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haine et une indignation universelle, surtout de la part des grands, dont la fortune et la vie n'étaient plus en sûreté. Le mécontentement universel des Russes donna l'idée à un moine réfugié en Pologne de se faire passer pour le prince assassiné, pour le jeune Démétrius; l'imposture lui réussit , plusieurs grands du royaume embrassèrent son parti, on en vint aux mains, les succès favorisèrent l'imposteur, les portes de Moscou s'ouvrirent; le czar descendit d'un trône où parut Un instant le jeune Démétrius, que ses vexations et sa tyrannie en précipitèrent à son tour. « Il fut tué, le 27 mai 1606 (1), et son corps fut brûlé dans une des places publiques de la ville. « Alors des princes russes de différentes maisons montèrent sur le trône, mais leurs règnes furent encore, traversés par plusieurs nouveaux Démétrius; en sorte que la Russie ne présenta , pendant quinze ans , que troubles et carnages. Le premier qui occupa le trône après la mort du moine russe , y fut porté par l'élection des grands de l'état ; ce prince, Knais Schwiskoi, offrit, de son propre mouvement, de prêter un serment par lequel il s'engagerait à ne faire mourir aucun boyard , à moins que tous ses égaux n'y consentissent; mais les Russes n'avaient jamais pensé jusque là que leur pays pût être gouverné autrement que par un souverain absolu, et tout le corps des boyards se jeta à ses pieds pour le supplier de ne pas abandonner si légèrement un trésor aussi précieux que la souveraineté. , Cependant Schwiskoi ayant succombé sous ses ennemis

étrangers ou intérieurs, les Russes changèrent de manière de penser, et lorsqu'ils élurent, en 1615, un nouveau grand duc, ils stipulèrent des conventions qui mettaient des bornes à son autorité.

(1)

Description

de l'empire russe, par Strahlenberg,

chap. 4.


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PRÉCIS DE L'HTSTOIRE

Cette révolution qui, en mettant sur le trône le fondateur d'une nouvelle maison , mit en méme temps un ternie à toutes les dissensions intérieures mérite d'être rapportée ici • avec détail. Mécontens de l'administration du czar, qui mourut bientôt, les Russes étaient d'accord pour le renverser; mais divisés sur le choix de son successeur. Trois partis étaient formés, l' un penchait pour le fils de Sigismond, roi de Pologne; l'autre pour l'un des enfans de Charles IX, roi de Suède; enfin le troisième aurait préféré un prince moins puissant, et qui par conséquent eût porté moins d'ombrage à l'autorité des grands. Sur ces entrefaites, un archevêque, Romanow, alors prisonnier en Pologne , fait parvenir à un sénateur, frère de sa femme, nommé Scheremetow, une lettre dans laquelle il l'exhorte, comme général et comme sénateur, à prendre à cœur le bien de l'état, et à y porter de même les autres sénateurs, ses confrères; cette lettre , qui contenait une infinité de conseils remarquables, fut en effet communiquée au sénat ; elle produisit une grande sensation , et l'on résolut sur-le-champ de passer à l'élection d'un prince du pays (1). Tous les membres du sénat furent donc convoqués à Moscou. On s'occupa d'abord de vues générales , et l'on imposa pour loi au souverain qui serait éiu qu'il se soumettrait aux conditions prescrites par l'assemblée, qu'il ne serait couronné qu'à ce prix; puis, passant aux voix , la plupart des membres se déclarèrent en faveur des princes qui avaient jusque là le plus figuré dans les affaires publiques; mais d'autres s'opposèrent à leur élection, parcequ'ayant été impliqués

(1) Voyez, sur cette Lettre, l'auteur précité, qui dit tenir les détails qu'il donne d'une personne qui en avait vu l'original.


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dans les troubles précédens, l'élection des uns ou des autres, ne pourrait que réveiller les haines , les passions , et plonger le pays dans de nouveaux troubles ; c'est alors que quelqu' un de l'assemblée éleva la voix en faveur du jeune Romanow , fils de l'archevêque de Rostrow, de celui-là même dont la lettre avait produit tant d'impression sur le sénat. Ce prince n'avait alors que quinze ans , et vivait avec sa mère, retiré dans le couvent de Costroma. « Cette idée , dit le baron de Strahlenberg (1), fut goûtée par plusieurs autres membres du sénat; car ce seigneur se trouvait dans les circonstances les plus favorables pour être élu. » Il n'avait été impliqué dans aucun des troubles précédens ; son père était ecclésiastique , et s'était montré, par sa lettre, naturellement porté pour la paix et pour l'union , plutôt que pour des projets turbulens ; mais, d'un autre côté, le sénat ne pouvait juger des qualités personnelles du jeune prince; il n'était connu que des députés de Castrow, qui donnaient les témoignages les plus favorables ; aussi l'assemblée ne voulant ni le repousser à cause de son âge, ni l'élire avant de le connaître, députa sur-le-champ deux gentilshommes, avec une lettre adressée à sa mère, dans laquelle elle était priée d'envoyer son fils à Moscou. « Cette bonne princesse, qui était religieuse, ajoute le même auteur, après avoir lu la lettre, se désola et éclata en pleurs et en lamentations , s'écriant que ses malheurs la poursuivaient jusque dans sa retraite, puisque après avoir assassiné cruellement six czars, on voulait lui arracher pour une septième victime, son fils unique, dont la possession lui était plus chère que tous les biens de la terre. » Elle écrivit en même tempsà son frère Scheremetow une lettre dans laquelle elle le priait avec instances de faire en sorte que le choix de la noblesse tombât sur quelque autre qui fût plus (1) Loco citât.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

en état que son fils de veiller au bien de l'état et à sa propre conservation. Cette lettre et le rapport des députés causèrent de vives discussions dans l'assemblée et ne produisirent qu'une volonté plus décidée de la part du sénat d'obtenir pour czar le jeune llomanow. Scheremetow, qui semblait en public approuver les raisons de sa sœur , pour écarter du trône le jeune prince , travaillait cependant sous main à son élévation. Il avait su lier à ses intérêts le métropolite de Moscou, qui porta le dernier coup à l'assemblée; il parut un jour, de grand matin, dans le sénat, et y annonça d'un ton emphatique, avec les sermens les plus sacrés, qu'il avait eu une révélation qui lui avait appris que le sénat ne pouvait mieux faire pour le salut de l'état, que délire le jeune llomanow, dont le règne serait heureux et béni de Dieu. Tout le monde se rendit à cette dernière raison; ceux même qui s'étaient montrés opposés au jeune prince, le demandèrent pour leur souverain; et comme on prévoyait que sa mère s y opposerait encore, ou plutôt Scheremetow entretenait adroitement cette pensée. « Après tout, s'écrièrent les sénateurs, qu'attendons-nous , et que ne nous servons-nous de la toute-puissance que nous tenons de Dieu de nous nommer un maître plutôt que de nous arrêter à des supplications ? Si llomanow est jeune, Dieu, qui la choisi pour notre souverain , sera aussi son conseil : ainsi n'entendons plus de discours , et reconnaissons-le pour czar de Russie. » Tous les sénateurs se transportèrent alors à l'église, et firent proclamer MichelRomanow aux acclamations de toute l'assemblée, et surtout du peuple, sur lequel la révélation avait fait une impression étonnante. Le prince fut donc couronné bientôt après, malgré les nouvelles oppositions de sa mère ;mais, préalablement,on lui fit signer les conditions suivantes : 1° qu'il protégerait et conserverait la religion ; 2° qu'il ne se livrerait à aucune inimitié contre qui que ce


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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put être ; 3° qu'il ne ferait aucune nouvelle loi ni ne changerait les anciennes, et que, dans les affaires importantes, il ne déciderait rien par lui-même, mais que tout serait jugé selon les lois et la forme ordinaire des procès ; 4° qu'il ne ferait ni la paix ni la guerre de son propre chef ; 5° enfin, qu'il céderait ses biens à sa famille , ou les ferait incorporer aux domaines de l'état. Telle fut l'élection qui, en portant sur le trône l'illustre maison de Romanow, mit un terme aux longues calamités de la Russie. Le czar régna pendant quelque temps, suivant la convention qu'il avait signée; mais son père, relâché par le roi de Pologne , et créé ensuite patriarche de toute la Russie, sut si bien profiter de l'autorité que lui donnait sa dignité, et du mécontentement de la petite noblesse contre les boyards, qu'il parvint bientôt à jouir d'un pouvoir absolu et à exercer même, une espèce de tutelle sur le czar. Le patriarche ne laissa au sénat que l'honneur d'approuver ses édits; pour appuyer ses entreprises, il créa une nouvelle garde sous le nom de strelitz, et lui accorda de grandes prérogatives. La noblesse méprisait beaucoup cette nouvelle milice, commandée uniquement par des officiers de fortune, et les strelitz de leur côté conçurent une haine invétérée contre la noblesse. A la mort de Michel, son fils Alexis lui succéda , et se trouva si puissant par l'alliance des strelitz, qu'il n'eut plus besoin de garder de ménagement envers les nobles, et put impunément enfreindre tous les priviléges (1) ; toutefois il fut obligé de se soumettre aux conditions prescrites à son père, et de promettre par serment fait sur l'autel, de ne jamais s' en écarter. Après Alexis, le trône passa successivement à ses trois fils ;

(1) Supplément aux Mémoires de Manstein.


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PRECIS DE L'HISTOIRE

Fedor Alexiewitz fut le premier qui l'occupa ; il porta un coup violent à la noblesse ; il la convoqua un jour avec ordre d'apporter ses chartes et ses priviléges à la cour poulies faire ratifier et confirmer; lorsqu'il eut tous les titres en main , il les jeta au feu, et déclara que dorénavant les priviléges et titres de prérogatives de ses sujets seraient fondés uniquement sur leur mérite et non sur la naissance. 'Par-là il voulait ôter tout d'un coup la différence que les boyards voulaient établir entre la grande et la petite noblesse. Mais ce ne sont là que des réformes partielles, bâtons-nous de jeter un coup d'oeil sur les institutions politiques de la Russie à cette époque, pour arriver au règne de Pierre-le-Grand , frère de Fédor. Si l'on en croit Puffendorf, qui écrivait à-peu-près vers cette époque, et qui peut-être avait ses raisons pour ne pas flatter les Moscovites, « il y avait peu de chose à dire qui pût tourner à leur louange (1). » Savoir lire et écrire était, selon lui , le plus haut point de leurs études; toute la science de leurs prêtres mômes consistait à pouvoir lire un chapitre de la Bible ou un article de leur missel; ils avaient l'âme basse et servile, et voulaient être traités avec rigueur. Tous leurs jeux et leurs exercices consistaient à se donner des coups ; quant à leur Commerce, ils recevaient des nations voisines des objets auxquels leur barbarie leur faisait attacher un grand prix en échange des objets de première nécessité que fournissait leur pays sans le secours de lindustrie ou des manufactures; ils étaient plongés dans la barbarie. Cependant déjà les Russes avaient eu des législateurs ; mais il faut avouer que ce que nous connaissons de leurs codes semble confirmer l'opinion de Puffendorf (2); il suffit

(1) Introduction à l'Histoire de l'Univers , chap. 12. (2) Voici un trait qui peut faire juger de l'état de civilisation de la Russie à cette époque. Le premier souverain qui prit le titre de czar, Ivan , ayant appris


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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pour s'en convaincre de lire quelques-unes 'es dispositions du nouveau code de loi publié en langue russe vers le milieu du seizième siècle, par Ivan Vasileiwits, qu' on a regardé comme passionné pour la justice (1). Les réglemens qu'il renferme jettent un grand jour sur des mœurs et les usages de ce siècle. L'usage de l'épreuve du duel était alors universellement répandu; c'était le juge qui devait ordonner l' épreuve. « Si l'accusateur et l'accusé combattent, dit la loi, le Vaincu paiera au vainqueur la somme en litige; et il donnera en outre cinquante copecks au juge avec ses armes , et cinquante ausecrétaire de la cour. » L'amende était exigible , même en supposant que les parties s'arrangeassent sans combattre. « Un homme accusé d'avoir mis le feu à une maison, d'avoir commis un assassinat ou un vol doit toujours se justifier par le duel; s'il est vaincu, les accusateurs pourront réclamer ce qu'il aura de plus précieux. » — «On punira de la mort la plus cruelle les espions, les blasphémateurs...., ceux qui sont convaincus de magie ou de sorcellerie » Un homme accusé de vol se justifiera par les armes ; s'il est vaincu , sa personneet ses biens appartiendront à l'accusateur... » Les parties pourront substituer des champions à leur place; mais on ne leur permettra pas de se servir, dans ce combat, de l'arc et du trait; les armes offensives seront la javeline , la lance, le sabre et le poignard ; les armes défensives, la cotte d'arme, l'écu et le bouclier. » — « Le témoignage d'un noble aura plus de poids que celui de six roturiers. » qu' un juge avait recu d'un plaideur une oie remplie de pièces d'or, parut quelque temps fermer les yeux ; mais ensuite lorsqu'il vit les effets de ce présent, il ordonna au bourreau de donner au juge le knout (fouet composé de lanières très-fortes et très-grosses), sans autre forme de procès , et de lui demander à chaque coup si l'oie était bonne. (1) Histoire des gouvernemens du Nord, de Williams, liv. 4 , chap. 12 sect. I. Il régna depuis 1533 jusqu'en 1584.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

Ce sont à peu près les lois apportées dans la Gaule par les Francs (1). Quant à la forme du gouvernement, il fut de tout temps despotique en Russie, plutôt que monarchique, même à l'époque où elle était divisée en principautés;le souverain jouissait seul du droit de faire et d'abolir à son gré des lois auxquelles il ne fut jamais soumis; il fut constamment le maître suprême de la vie et des biens de ses sujets. Les terres ne se transmettaient dans les familles qu'avec sa participation. L'ordre de succession à la couronne n'était point établi d'une manière fixe; les femmes y succédèrent ainsi que les mâles. Le souverain désignait celui de ses enfans qu'il destinait au trône;les autres n'eurent que des apanages, depuis l'abolition de la fatale coutume de partager entre eux le royaume. "S'agissait - il de faire une élection, c'est aux états qu'était confié ce soin ; ces états étaient composés de boyards et autres officiers de la maison du prince, des vaivodes, des nobles et enfans-boyards des villes, des marchands , des bourgeois et des propriétaires de biens-fonds. Le nombre de ces députés n'était pas fixé, et les villes avaient le droit de choisir et d'envoyer ceux qui leur semblaient mériter leur confiance (2). Toutes les terres étaient des fiefs et les paysans des serfs, comme ils le sont encore. Lorsque quelques grands donnaient des preuves de talent ou de courage, le prince leur conférait des fiefs , et les paysans attachés à ces fiefs devenaient leurs esclaves; si un seigneur riche ne servait point à l'armée, il était dépouillé de la plus grande partie de ses biens, qui

(1) On trouve ailleurs les compositions et plusieurs autres dispositions introduites dans la Gaule par les peuples germains.

(a) Levesque , Histoire de Russie,


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DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

servaient à récompenser des officiers de mérite; si le possesseur d'un fief mourait sans héritiers mâles , la terre retournait au souverain ; et si, par une faveur particulière, il la laissait aux filles, c'était à la condition d'entretenir un certain nombre de soldats. On reconnaît encore ici l'esprit qui présida aux institutions des Germai ns. On a vu que, dans les derniers temps, les sénateurs avaient apporté quelques modifications à ces principes , en exigeant du monarque l'obligation de se soumettre à une capitulation ; mais on a vu aussi le cas que les czars firent de cette

obligation.

CHAPITRE II.

Règne de Pierre Ier (le Grand ). ( 1682—I725.) est extraordinaire dans la vie de Pierre, qu'on peut regarder à juste titre comme la merveille de son siècle ; peutêtre parcourerait-on vainement les annales de tous les peuples , pour trouver un autre génie égal à celui du czar de Russie. Assez d'autres l'ont montré le premier soldat russe à la tête des armées, assez d'autres ont présenté à notre admiration les hauts faits et la vie active de Pierre, cherchons à faire voir son génie, perçant du fond de ses déserts la barbarie qui les couvre, devinant pour ainsi dire la civilisation européenne, et formant une nation qui devait, sous ses successeurs, devenir la principale puissance du Continent. On a peint le héros, offrons ici le législateur et le fondateur d'un grand empire. À sa mort; le car Féodor avait laissé deux frères, Jean et Pierre ; le premier était âgé de treize ans, l'autre en avait TOUT

TOME III,

24


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 370 dix. Celui-ci fut placé sur le trône par les boyards, à l'exclusion de son frère aîné, dont on connaissait l'incapacité (1). Cependant la princesse Sophie , sœur du prince Jean, sut gagner les strelitz , et exciter une révolte qui eut pour résultat de placer conjointement les deux princes sur le trône, et la princesse elle-même à la tète du gouvernement , sous le titre de co-régente; ce fut proprement Sophie qui régna pendant les six ans que les deux frères occupèrent simultanément le trône. Mais Pierre n'eut pas plutôt saisi les rênes du gouvernement (2), qu'il enleva tout pouvoir à Sophie et la rélégua dans un couvent ; c'est dès ce moment que commence véritable-

ment le règne de Pierre. Les premières années de l'empereur s'étaient passées dans l'étude des sciences et des arts et au milieu des camps; mais, en triomphant de ses ennemis, en reculant les limites de son empire, en remplissant l'univers de sa gloire , le czar s'aperçut qu'il n'était encore qu'au milieu de la route , qui conduit.à l'immortalité; et,au titre de conquérant, il voulut unir celui de législateur des Russes. Son premier acte fut l'abolition de la cour des boyards qu'il jugeait contraire à ses plans de réforme, et qu'il remplaça par un sénat qu'il devait présider lui-même. Dans son absence , ce sénat fut chargé des affaires de l'état et de celles des particuliers dont il lui rendait compte à son retour ; ce nouveau tribunal fut, par une déviation à l'usage suivi par ses prédécesseurs, composé de gens d'un grand savoir et d'une intégrité éprouvée, sans égard au rang ou à la naissance. (1) Voltaire et un grand nombre d'écrivains postérieurs prétendent que Pierre avait été désigné par son frère pour lui succéder ; Lévesque me semble combattre victorieusement cette opinion ; eu général Voltaire me parait trop partisan de Pierre, Lévesque de Sophie. (2) En 1689.


37r

DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

Jusqu'au règne d'Ivan Basiliewitz ( 1553-1584), il n'yavait eu d'autres lois en Russie que la volonté du maître. Ivan fit faire une compilation desanciennes lois et coutumes du pays; mais nous avons vu quelles étaient ces lois ; elles furent toutefois imprimées sous Alexis Michailowitz, père de Pierre. Sous ce dernier, les lois furent plus étendues et mises dans un plus grand jour. Pour ramener la législation au principe d'unité, Pierre fit revivre l'Oulogénié, ou le Gode publié en 1649, par Alexis; il ordonna que les constitutions ou les arrêts des cours , rendus depuis cette époque, n'auraient d'application à l'avenir qu'autant qu'ils seraient conformes au code original. Les choses ainsi établies provisoirement, Pierre pensa sérieusement à une réforme plus générale, dont il ne se déguisait pas la nécessité. Mais comme il savait qu'un jour ne suffit pas pour passer d'un système de lois à un autre système, il voulut marcher pas à pas à ce grand but, et publia dans ce dessein plusieurs ordonnances qui réglèrent différens points de droit civil et politique. Il voulait que l'oulogénié et les constitutions portées postérieurement devinssent les matériaux qui seraient disposés par articles, en marge de chacun desquels serait écrit ce que prescrivaient sur le même sujet les lois de Suède en matière civile et criminelle, et celles de Livonie et d'Esthonie concernant les fiefs. Une commission fut établie ; elle se composa de différentes cours, qui devaient examiner et choisir ce qui pourrait le mieux convenir à la situation actuelle, au génie et aux mœurs des Russes. Chaque article devait être présenté par la commission au sénat, qui devait sans délai en donner son avis au souverain auquel était réservée la sanction suprême; et ce qui mérite une attention particulière , c'est qu'il défendit, sous peine de mort, à tous les juges d'interpréter la loi ou les constitutions: tout devait être suivi littéralement; si les chefs des tribunaux avaient quelques doutes, ils pou-

24.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE

vaient les soumettre au sénat, dont ils attendaient la décision , qui devenait pour eux une règle invariable, dès qu'elle avait eu l'approbation de l'empereur. Pour ce qui touche plus particulièrement au gouvernement, deux faits seuls méritent l' attention : le réglement sur la succession au trône, et le titre d'empereur substitué à celui de czar, qu'avaient jusque là porté les grands ducs de Russie. Depuis plusieurs siècles, un usage consacré par le temps, et qui dès lors avait plus de force qu'une loi (1), rendait le trône héréditaire; mais Pierre, frappé de l'incapacité de son fils, et voulant mettre une barrière invincible entre le trône et lui, porta une loi par laquelle le souverain de Russie serait maître à perpétuité de nommer à son gré son successeur, de révoquer son choix et d'en faire un nouveau; il obligea ses sujets de se soumettre à cette loi funeste à la patrie , sous peine d'être regardés comme traîtres envers cette même patrie. «C'est à cette imprudente loi, dit Lévesque, qu'on doit attribuer toutes les révolutions qui ont affligé la Russie. Avant Pierre I , l'ordre de la succession au trône était déterminé; c'est lui qui l'a rendu incertain, c'est lui qui a ouvert dans son empire cette source abondante de troubles et de conspirations. » Cette loi était d'ailleurs inutile, puisque le jeune czar avait été flétri par un arrêt de mort qui l''éloignait à jamais du trône. On a dit que Pierre avait le génie imitatif, qu'il n'avait pas le vrai génie, celui qui crée et fait tout de rien (2). On a dit que ses réformes avaient fait de la nation russe un spectacle bizarre, où la barbarie se trouve à côté de la civilisation , les lois les plus absurdes avec les établissemens les plus sages, l'ignorance la plus profonde là, où les sciences et les er

(1) Lévesqne. (2) Rousseau.


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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arts semblaient subsister avec éclat (1) ; on lui a enfin reproché d'avoir augmenté, pendant son règne, le despotisme qui régnait en Russie lorsqu'il monta sur le trône. Sans doute voilà des jugemens bien sévères, et que démentent victorieusement les résultats que nous pouvons apprécier aujourd'hui. Oui, Pierre ne conçut peut-être pas assez que les Russes devaient être des Russes et non des Polonais,des Suédois , des Allemands. Sans doute il fut despote, sans doute sa vie privée n'est pas exempte de blâme; niais l'histoire n'oubliera jamais que Pierre fonda la grandeur de l'empire russe; qu'il soumit au frein l'esprit turbulent d'une noblesse orgueilleuse, disciplina ses troupes, vainquit la Pologne et la Suède, alors dominatrices du Nord; qu'il introduisit dans sa patrie le flambeau des arts et des sciences, créa des flottes, fonda une capitale, rivale des premières villes d'Europe, et mourut enfin digne de l'admiration générale. D'autres , croyant faire son éloge , l'ont comparé à Louis XIV : qu'eût été Louis XIV à la place du czar ; que n'eût point fait le czar sur le trône de France ! L'un fut élevé par son siècle, Richelieu précéda Lotus XIV. L'autre créa tout; lui seul commença tout ce qui illustra sa patrie. L'un ruinait les provinces pour fournir au faste d'une cour dévorante;. l'autre, d'une économie sévère, avait réglé ce que devait lui coûter l'armée, la flotte, l'administration, les bâtimens, les fabriques , et, sans fatiguer les nations par de s impôts , avait toujours des épargnes à consacrer aux dépenses imprévues et aux projets nouveaux qu'il concevait pour le bien de l'état. Louis XIV profita de l'habileté de ses généraux pour s'opposer seul aux armes de l'Europe liguée contre lui. Pierre , en personne, créa une armée et vainquit Charles XII ; il se faisait tambour et mousse pour faire desgénéraux et des marins, tandis que les généraux et les ma(1) Williams , Gouvernemens du Nord.


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 374 rins de France reflétaient leur éclat sur le trône. L'un et l'autre encouragèrent les arts; Louis XIV, du sein de son palais ; tandis que Pierre allait les chercher en tous pays pour les imposera une nation barbare et obstinée dans su barbarie. Les derniers jours du monarque français furent marqués par la plus indigne faiblesse et le fanatisme le plus fatal; le dernier ouvrage de Pierre fut la fondation de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Je n'ajouterai plus qu'un mot à sa gloire. Il ne dormait que quatre heures par nuit, pour employer le plus de temps possible au bien de son pays; aussi reconnaissons qu'il avait acquis le droit de dire à ses sujets : « Qui de nous, il y a trente ans, eût pensé que vous construiriez un jour avec moi des vaisseaux sur la mer Baltique ; que nous élèverions une ville dans cette contrée conquise par nos travaux et notre valeur , et qu'il naîtrait du sang russe tant de combattans victorieux, d'habiles navigateurs ? Auriez-vous prévu que tant d'hommes instruits, d'ouvriers industrieux, d'artistes distingués viendraient des différentes parties de l'Europe faire fleurir les arts dans notre patrie; que nous imposerions tant de respect aux puissances étrangères; que tant de gloire enfin nous était réservée? »

CHAPITRE

III.

Des successeurs de Pierre Ier jusqu'à Catherine II. ( 1725-1797.) Pierre, en mourant, n'avait laissé que deux filles et un petit-fils très-jeune ; son choix, confirmé par les états qui avaient juré de se conformer à sa déclaration de 1722, se porta sur l'impératrice Catherine qui, élevée du rang le plus modeste à celui de czarine, lui avait rendu les services les plus importans , et qu'il jugeait seule capable de suivre ses projets et de maintenir les maximes du gouvernement qu'il


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE ;

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avait établi (r). Mais Catherine, dont les bonnes qualités firent oublier la naissance parmi les Russes, ne fit que passer sur le trône; elle mourut, le 16 mai 1727, laissant un testament dans lequel elle réglait, en qualité de souveraine de Russie, selon la volonté exprimée par le czar, l'ordre le plus convenable de la succession après elle ; et déclarait Pierre II, petit-fils de son mari , héritier légitime de la couronne impériale; et désignait le conseil qui devait gouverner l'état jusqu'à la majorité du grand duc. Il était d'ailleurs établi par le huitième article que, si le grand duc venait à mourir sans enfans, ce serait la princesse aînée et ses descendans ; après elle, la princesse Elisabeth et ses descendans (l'une et l'autre filles du czar et de Catherine), et enfin après elle, la grande princesse et ses descendans qui succéderaient au trône. Les héritiers mâles devaient être appelés à la succession avant les femmes; au surplus, ajouta l'impératrice, il est réglé que personne ne peut occuper le trône impérial de Russie, s'il n'est de la religion grecque ou s'il a déjà une autre couronne. Voilà la base de la constitution de Russie. Pierre II monta donc sur le trône, et avec lui les jalousies et les dissensions qui ne cessèrent qu'à sa mort arrivée en 1730. Le testament de Catherine était toujours resté inconnu ; et il paraît certain que le parti opposé aux princesses le livra alors aux flammes, ce qui a même été pour quelques personnes un motif de douter de son existence (2). Il fallait donc pourvoir à une élection; en conséquence le haut conseil , le sénat et les premiers généraux de l'empire s'assemblèrent à Moscou pour y procéder. Que les successeurs de Pierre-le-Grand aient hérité de ( 1) Strahlenberg. (2} Voy. les Mémoires de Maustein sur la Russie.


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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

son zèle pour la civilisation de la Russie, ce n'est pas ce que nous devons rechercher ici : ils purent concevoir l'idée de suivre ses vastes projets ; mais quels succès auraient pu couronner leurs efforts, lorsqu'on voit l'espace de seize années rempli par les règnes de quatre souverains qui s'assirent chancelans sur le trône et que la révolution en précipita. Son ouvrage resta donc incomplet, l'exécution de son code suspendu. Pour écarter toute difficulté , on répandit le bruit que Pierre II, en mourant, avait désigné pour lui succéder la princesse Anne, duchesse douairière de Courlande, la seconde des filles de Jean ou Ivan, frère aîné de Pierre-leGrand ; le sénat seconda le projet du haut conseil; mais, sous prétexte que le pays avait considérablement souffert du despotisme de ses souverains, et en réalité pour rester dépositaires du pouvoir , ils déclarèrent qu'il convenait : « De brider le pouvoir suprême par de bonnes lois, et de ne conférer le règne à la nouvelle impératrice qu'on élirait que sous certaines conditions (1). » On convint en conséquence que le baut conseil, composé de sept membres, aurait tout le pouvoir. L'assemblée rédigea les conditions mises à l'élection, fit serment de ne servir l'impératrice que conjointement avec le haut conseil, et des députés furent envoyés en Courlande pour faire part à la princesse de son élection,et des conditions qu'on y mettait. Ces conditions étaient : 1° Que l'impératrice Anne ne règnerait que par les délibérations du haut conseil. 2° Qu'elle ne déclarerait la guerre ni ne ferait la paix. 3° Qu'elle n'établirait aucun nouvel impôt ni ne donnerait aucune charge importante. 4° Qu'elle ne punirait aucun gentilhomme, sans qu'il fût bien convaincu de son crime. (0 Ibid.


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5° Qu'elle ne confisquerait le bien de personne. 6° Qu'elle ne pourrait disposer des terres appartenant à la couronne ni les aliéner. 7° Enfin , qu'elle ne pourrait se marier ni se choisir un successeur sans demander, sur tous ces points, l'agrément du haut conseil. L'impératrice signa tout, les filles de Pierre-le-Grand furent écartées , et la branche aînée (1) fut ramenée sur le trône. C'était substituer à une monarchie absolue une république aristocratique. Ces réglemens ne pouvaient rester long-temps en vigueur en Russie; ils avaient été dictés par l'ambition des grands, que nous voyons depuis long-temps lutter contre la souveraineté; les grands furent les victimes de leur ambition. La présence de l'impératrice fortifia bientôt le parti de ceux qui pensaient qu'il valait mieux un maître que plusieurs, et qui grossit de jour en jour; il était surtout composé de la petite noblesse que nous avons presque toujours vue en opposition avec les grands; enfin, il ne garda plus de mesures; les gardes qui, jusqu'aux simples soldats, n'étaient guère composés que de la noblesse du pays, s'attroupèrent; plusieurs centaines de gentilshommes de campagne se réunirent, les excitèrent encore, mirent à leur tête les princes qu'ils regardaient comme les plus dévoués à l'impératrice, demandèrent et obtinrent d'elle une audience, dans laquelle ils la supplièrent d'ordonner au haut conseil et au sénat de s'assembler pour examiner encore quelques points touchant la régence. Anne consentit atout sans difficulté, ordonna à ses officiers de faire bien garder toutes les avenues et de ne permettre à personne de sortir du palais. Les gardes eurent en même temps ordre de charger leurs (1) L impératrice était la fille cadette de cette branche aînée, caries meneurs craignaient la fermeté connue du mari de la fille aînée , le duc de Meckembourg ,

Strahlenberg. De Manstein,


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fusils à balles (1), pendant que le haut conseil et le sénat se disposaient à paraître devant l'impératrice. Lorsque l'assemblée fut composée , un partisan de la princesse se lève et se présente à elle comme député de toute la noblesse de l'empire: « Pour représenter à Sa Majesté qu'elle » avait été surprise par les députés du haut conseil, que la » Russie ayant été gouvernée depuis tant de siècles par des » souverains et non par un conseil, toute la noblesse la sup» pliait de vouloir prendre les rênes du gouvernement; que » toute la nation était de ce sentiment, et qu'elle souhaitait » que la famille de Sa Majesté la gouvernât jusqu'à ia fin des » siècles. » L'impératrice, à ce discours, feignit de l'etonnement : « Comment, dit-elle, n'est-ce pas par la volonté de la nation que j'ai signé l'acte qu'on m'a présenté à Mittau ! » Toute l'assemblée répondit que non ; alors elle ordonna au grand chancelier de chercher les écrits qu'elle avait signés ; elle les fit lire à haute voix et à chaque point elle demanda si cet article convenait à la nation ? L'assemblée ayant toujours répondu négativement, elle prit les écrits des mains du chancelier, et dit en les déchirant : « Ces écrits ne sont donc pas nécessaires , et comme l'empire de Russie n'a jamais été gouverné que par une seule personne à la fois, je prétends aux mêmes prérogatives qu'ont eues mes ancêtres , sur le trône desquels je monte, non comme le prétend le conseil, par l'élection, mais par droit d'héritage. » Elle ajouta que tous ceux qui s'opposeraient à sa souveraineté seraient punis comme coupables de haute trahison. Tout le monde applaudit, et l'on n'entendit que des cris de joie par toute la ville; on plaça des corps de garde dans toutes les rues , les troupes prêtèrent de nouveau le serment de fidélité et l'on envoya des courriers dans toutes les provinces pour publier que l' impératrice s'était rendue souveraine. (1) Voy,, sur cette révolution , les Mémoires de Manstein.


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

379 Les premiers soins d'Anne furent donnés à la réforme du gouvernement et surtout du haut conseil ; il fut remplacé par un autre sous le titre de conseil du Cabinet. Celui-ci eut la direction générale de toutes les affaires étrangères ; aucune détermination importante ne put être prise sans son consentement ; il était composé de trois membres. L'impératrice s'occupa ensuite de se choisir un successeur, de faire prêter serment à toute la nation de reconnaître pour souverain légitime celui qu'elle avait désigné; le serment fut prêté. Le règne de l'impératrice n'est plus rempli quepar des guerres qui rendirent Anne redoutable à tous ses voisins. A sa mort, en 1740, le trône fut occupé par un enfant de la maison de Brunswick son neveu, et la régence déférée au duc de Courlande, selon le vœu de la czarine; mais cette ordre de choses ne fut que passager; le duc de Courlande fut précipité du trône qu'il occupait sous le nom du jeune Ivan III, et remplacé par la mère du czar, la princesse de Brunswick qui, la nuit du 5 au 6 décembre, en fut renversée elle-même avec son fils. Depuis quelque temps, la mésintelligence avait éclaté à la cour et surtout entre les ministres. On travaillait à réveiller l'ambition dans l'âme peu énergique de cette Élisabeth, désignée par l'impératrice Catherine pour tenir après Pierre II les rênes de l'état. « Mécontente et tranquille sous le dernierrègne,selon l'expression de Lévesque , Elisabeth avait laissé se former en sa faveur un parti faible et inactif comme elle; » long-temps ce parti était resté inconnu, mais un événement vint forcer la princesse et ses partisans à sortir de leur longue inaction; Elisabeth , née avec une âme ardente et un cœur fait pour goûter toute la volupté de l'amour, avait le plus grand éloignementpour les nœuds indissolubles; la régente, en lui imposant un époux, lui fit prendre un parti que semblait réprouver son indolence naturelle. Quoiqu'il en soit , ses projets furent encouragés par


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PRECIS DE L'HISTOIRE

l' ambassadeur de France et quelques personnages moins marquans. Élisabeth se réveilla , se popularisa bientôt et se mit à même d'exécuter ses desseins. La cour fut avertie des projets d'Elisabeth , mais n'en resta pas moins dans la plus constante sécurité. La princesse et ses partisans n'ignorant pas que leur secret était découvert,, sentirent qu'il n'y avait pas un instant à perdre ; et, le 5 décembre 1741 , Lestocq, l'un des principaux conjurés, se rendit chez Élisabeth; elle était à sa toilette. Il trouva sur la table une carte, y dessina une roue et une couronne , et présentant cette carte à la princesse : « Point de milieu , madame , lui dit-il, l'une pour vous ou l'autre pour moi (1). » Tout était préparé d'avance, et la résolution fut prise pour la nuit prochaine; à minuit, la princesse, accompagnée dedeux conjurés, se rend à la caserne des grenadiers Préobrajenski, dont plusieurs étaient gagnés; ceux-ci rassemblent jusqu'à trois cents hommes, bas officiers et soldats; la princesse leur déclare son inten tion et demande leur secours ; tous jurent de mourir pour elle, arrêtent l'officier qui couchait dans les casernes, prêtent serment de fidélité et marchent au palais sous les ordres d'Elisabeth ; là, elle entre dans le corps-de-garde sans résistance, fait connaître ses desseins aux officiers qui la laissent agir sans opposition. Des sentinelles furent posées à tous les postes, à toutes les avenues , trente soldats pénétrèrent en tumulte jusqu'à l'appartement où couchaient la grande duchesse et son époux; ou s'empare d'eux et on les amène au nom d'Élisabeth. Les soldats passent ensuite dans l'appartement où le jeune em(1) Je sais ici Lévesque ; voici comment le fait est rapporté par de Manstein. Le matin, lorsque Lestocq vint à son ordinaire chez la princesse , il lui présenta un petit carton sur lequel il avait dessiné la princesse Elisabeth avec la couronne impériale sur la tète : sur le revers elle était représentée avec un voile et entourée de roues et de gibets : « Choisissez, madame, lui dit-il, ou d'être impératrice ou d'être mise dans un couvent et de voir vos fidèles serviteurs périr dans les supplices. »


381 pereur était plongé dans le sommeil ; mais, comme ils avaient ordre de respecter son repos, ils attendent en silence autour du berceau. Ivan se réveille au bout d'une heure ; tous aspirent à l'honneur de s'emparer de cet enfant; Ivan, effrayé à la vue des soldats, jette des cris perçans qui parviennent j usqu'à sa nourrice : elle accourt toute tremblante, et le prend dans ses bras; les grenadiers emmènent l'un et l'autre. Ils furent, de même que plusieurs autres personnes de la cour ', escortés par les soldats jus u'au palais de la princesse. Le lendemain, le sénat et tous les grands de l'empire furent convoqués ; et, dès le point du jour, toutes les troupes rassemblées devant ce même palais ; là on leur déclara que la princesse Elisabeth s'était mise sur le trône de son père, on leur fit prêter serment de fidélité à la nouvelle impératrice, et tout fut tranquille comme auparavant; mais cette révolution ne répandit point la joie dans la ville ; la nation ne l'avait point désirée. Le même jour, la nouvelle impératrice déclara par un manifeste, qu'en qualité d'héritière légitime de Pierre I , elle avait monté sur le trône de ses pères et chassé les usurpateurs ; c'est ainsi que presque toujours la force a été nommée le droit. Trois jours après parut un autre manifeste où la princesse chercha à établir ses titres à la couronne ; en avait-elle de véritables ; nous le pensons contre le sentiment de l'historien de Russie que nous avons souvent cité dans le cours de ce précis, et de l'auteur des Mémoires dont il semble n'oser s'écarter ( le général de Manstein ). En vertu de la loi portée par Pierre Ier en 1722, et confirmée par les états, l'impératrice Anne, disent-ils, avait le même pouvoir que ce prince de se choisir son successeur. Mais si nous reconnaissons la validité du règlement de Pierre I , nous devrons dire que Catherine avait aussi le droit de se choisir ses héritiers, et, qu'en remontant sur le trône, Elisabeth avait repris un droit à l'exercice duquel était DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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subordonné celui d'Anne, qui n'avait été déclarée impératrice qu'au mépris du testament de Catherine et au préjudice d'Elisabeth. Il n'y a point de milieu, il faut prendre la loi de Pierre I dans toute son étendue, et déclarer que les grands ne pouvaient pas procéder à l'élection d'Anne, ou reconnaître la nullité de cette loi, et alors il n'y a plus de droit pour personne que celui du plus fort. D'ailleurs si dans l'élection de la duchesse de Courlandel'aristocratie eût si fort tenu aux principes, ce n'était pas la duchesse de Courlande qu'il fallait appeler au trône, mais la fille aînée d'Ivan I . Affermie sur le trône, Elisabeth cassa tout ce qui s'était fait sous le règne précédent; le conseil du cabinet établi par l'impératrice Anne fut aboli, et le sénat reprit le pouvoir qu'il avait eu du temps de Pierre I , effet trop ordinaire des ré volutions. L'impératrice songea ensuite à se nommer un successeur ; son choix tomba sur son neveu , fils de la duchesse de Holstein, qu'elle fit élever dans la religion grecque, et déclara grand duc de Russie ; ce fut Pierre III sur le trône. Si l'on en croit Lévesque, le règne d'Elisabeth doit compter parmi ceux que l'histoire flétrit du reproche de tyrannie.; selon lui, « tous ses sujets vivaient dans la crainte et la défiance; les amis ne s'entretenaient qu'en tremblant; ils ignoraient si les effusions de leurs cœurs ne seraient pas des crimes d'état. Quand l'impératrice était indisposée, on n'osait pas demander tout haut de ses nouvelles. » Ce jugement est à coup sûr trop sévère et l'on ne reconnaîtrait pas là lerègne d'une princesse qui abolit l'usage de la peine de mort, qui fit revivre en Russie les sciences et les arts, négligés depuis Pierre-le-Grand. Les deux choses dont l'historien doit le plus se défier ce sont les écarts de son.imagination et l'envie de présenter un tableau dramatique. Pierre III monta sur le trône, où il ne fit que passer. Avec une éducation négligée et des inclinations déréglées, ses manières le firent bientôt haïr de ses sujets, aux yeux desquels il s'avilissait par ses débauches. er

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Cependant il Gt du bien à son pays, et long-temps encore après qu'on eut perdu le souvenir de ses vices, la Russie jouissait de ses bienfaits. C'est lui qui supprima cette horrible chancellerie secrète, inquisition d'état, dont le nom seul faisait trembler les citoyens. Le clergé possédait des terres immenses, où des milliers d'hommes gémissaient sous la servitude de l'Eglise ; il conçut le projet, qui fut exécuté sous lerègne suivant, de les réunir à la couronne. Il rendit la liberté civile à la noblesse qui put dès lors vivre à son gré, porter les armes ou y rester étrangère , vendre son bien, en acheter de nouveau , rester dans sa patrie ou voyager à l'étranger, faculté qui leur fut refusée jusqu'à lui. Le reste de sa vie est consacré à la débauche et à l'inertie qui en est la suite. Pierre III avait pour femme cette Catherine qui devait faire plus tard l'admiration de l'Europe ; il avait d'elle un fils, et cependant il voulut faire passer la couronne dans une maison étrangère. Pierre s'était rendu odieux et à l'armée et à la noblesse et aux amis de la patrie , en sorte que , lorsque Catherine se vit obligée de conspirer contre son mari pour conserver sa liberté , celle de son fils, sa vie même, on dut prévoir que les rênes de l'état échapperaient des mains du faible empereur. Dès le règne d'Élisabeth, Catherine avait eu un parti qui voulait assurer à son fils le trône , et à elle - même la régence pendant la minorité de l'empereur. Ce parti subsistait encore et s'accroissait chaque jour par les fautes de Pierre. De son côté, Pierre était soutenu par tous les compagnons de ses déréglemens et par tous ceux qui s'attachent aveuglément à l'homme du pouvoir; l'un et l'autre parti étaient également incapables de rien de grand ; mais Catherine avait l'œil à tout, et Pierre languissait dans la sécurité de la mollesse. L'un des conjurés du parti de Catherine fut arrêté; et,


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PRÉCIS

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L'HISTOIRE

quoiqu'il n'y eut, dans cette affaire, rien qui se rattachât à la conspiration , on résolut d'agir à l'instant. Catherine était alors à Peterhof, où, sous prétexte de laisser plus libres les apprêts des réjouissances qui se préparaient pour la fête de l'empereur, et à l'issue de laquelle elle devait, dit-on être arrêtée, elle occupait un pavillon solitaire i c'est là qu'elle est avertie de St.-Pétersbourg que tout est prêt et que la voiture l'attend. Catherine descend en désordre et part pour St.-Pétersbourg : elle y fait répandre le bruit que l'empereur était mort d'une chute de cheval, endosse un uniforme du régiment des gardes, et se rend au quartier des gardes Ismaïlouski, dont plusieurs avaient été prévenus d'avance. La princesse Dachkof en amazone, et à cheval, arrive à la caserne des gardes Préobrajenski, et comme leur commandant s'était caché pour attendre l'issue de cette révolution, elle les fit assembler elle-même pour leur faire prêter serment à Catherine, et les commanda toute la journée; le troisième régiment Semenovski suivit l'exemple des deux autres; le grand maître de l'artillerie, tendrement attaché à Catherine, apprend son triomphe, lui amène son régiment et lui livre les arsenaux; la populace suit machinalement l'impulsion donnée par les troupes ; les seigneurs restés à St. -Pétersbourg en font autant. Ils se rendent à Catherine pendant que Pierre célébrait ses orgies à Oranienbaum où il tenait sa cour et où il avait amené les plus jolies femmes de la haute noblesse, de jeunes débauchés, et le vieux général Munich, homme austère, qui sans doute devait singulièremen tcontraster dans une telle compagnie. Cependant Pierre ignorant tout ce qui se passait, venait gaiement en calèche d'Oranienbaum à Peterhof ; d'autres voitures suivaient la sienne, remplies de ses joyeux compagnons. Il était près d'arriver, lorsqu'on lui apprend l'évasion de Catherine, et la révolution opérée à St. - Pétersbourg; Pierre et sa suite , tout est consterné; un médiateur est en-


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envoyé vers l'impératrice: mais sans succès;elle-même, vers les six heures du soir se mit en marche à la tête de son année ; elle était montée sur un cheval gris, avait l'uniforme des gardes, l'épée à la main, et une branche de laurier sur la tête. Pierre de son côté avait fait mander les troupes laissées à Oraneinbaum; Munich lui conseillait de marcher avec ses forces sur Saint-Pétersbourg ; mais tous les autres furent d'un avis opposé, et l'emportèrent : «c'étaient des jeunes femmes amies des plaisirs , dont les unes mouraient de frayeur tandis que les autres riaient encore dans ces momens d'alarmes; c'étaient des courtisans, compagnons des débauches du prince , et qui n'avaient jamais vu la guerre. » On prit donc la résolution d'aller à Cronstad, où on devait trouver une puissante flotte, et une ville défendue par la mer; on monta deux yachts et on partit; mais la ville était déjà rendue à l' impératrice. Pierre lui-même crie à la garnison qu'il est l'empereur, on lui répond : Vive Catherine , et l'on fait mine de tirer sur l'yacht; alors craignant d'être coulé à fond, on ne se donna pas le temps de lever l'ancre, on coupa le cable et on s'éloigna à force de rames; on tint conseil, et Pierre donna l'ordre de retourner à Oraneinbaum, d'où il envoya à Catherine une renonciation à l'empire, ne demandant pour lui que la liberté de s'en retourner dans le Holstein avec sa maîtresse. Il reçut en réponse l'ordre de se rendre auprès de l'impératrice, et il obéit, malgré l'instance des troupes holsteinoises qui l'entouraient et le priaient, les larmes aux yeux de les mener contre les rebelles. Peut-être son sort eut-il changé s'il se fût rendu à leurs prières et aux conseils de Munich; mais il en fut autrement, il aima mieux signer l'acte par lequel il reconnaissait que ses forces ne pouvaient suffire au fardeau du gouvernement absolu, ni même à aucune forme de gouvernement ; qu'il n'aurait pu que causer la ruine de l'empire, et par lequel il promettait enfin de ne jamais chercher à remonter sur le trône ; dès lors en effet il en était à jamais indigne. L'ambasTOME III.

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PRÉCIS DE L'HISTOIRE

sadeur Saldern qui, à la vérité, montre une partialité marquée contre Catherine, doute que Pierre ait signé cet acte d'abdication. Quoiqu'il en soit, Catherine reçut dès lors les hommages des compagnons d'infortune de son époux , qui fut lui-même étranglé peu de jours après dans sa prison , sans que l'on puisse regarder l' impératrice comme complice de cet assassinat. L'un des auteurs de ce meurtre est cependant devenu en suite grand maréchal de la cour de Russie.

CHAPITRE IV.

Règne de Catherine II. IL n'est aucune histoire peut-être qui offre des révolutions plus nombreuses que celle de Russie. La famille de Rurick s'éteint; les divisions intérieures et la domination étrangère agitent le trône pendant des siècles; une nouvelle dynastie s'élève enfin ; la Russie semblait respirer à l'abri d'un ordre de choses plus stable ; mais celui-là même dont le génie semblait devoir perpétuer cette stabilité encore mal affermie, ouvre un nouveau champ aux rivalités , aux dissensions, aux troubles de toute espèce. Et une chose remarquable, depuis Pierre-le-Grand qui ouvrit ce nouveau champ de discordes, jusqu'à Catherine qui eut la gloire de le fermer ; au milieu des révolutions qui séparent ces deux règnes, des femmes seules paraissent avec éclat sur le trône de Russie; des femmes seules montrent ce caractère, cette énergie qu'on cherche en vain dans l'administration soumise ou aux Czars ou à leurs tuteurs pendant la même époque. Les révolutions qui placèrent Anne et Elisabeth sur le trône sont dignes de toute l'attention de l'historien ; toutefois, ni l'une ni l'autre ne décelaient une femme extraordi-


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DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

naire ; celle qui mit Catherine à la tète des affaires put montrer ce que serait l'impératrice sur le trône. Tout est singulier dans l'histoire de cette femme célèbre que nous regrettons de ne pouvoir considérer ici que sous un seul point de vue : son influence sur les mœurs et sur la législation de son pays. Pierre I avait fait plusieurs réglemens propres à attirer en Russie les arts , les sciences, le commerce et la richesse qui en est la suite nécessaire; mais il avait trop oublié qu'un peuple n'est réellement heureux qu'avec la liberté ; peut-être même n'est-ce pas sans fondement qu'on lui a reproché d'avoir resserré les chaînes de ses sujets. Catherine , au contraire , pensa que le despotisme était l'obstacle le plus funeste à la prospérité du pays, la liberté, le moyen le plus efficace de la fixer; et à peine a-t-elle saisi les rênes du gouvernement, qu'elle ne craint pas de proclamer que le devoir le plus impérieux pour les souverains , est le soin de diriger leurs sujets vers le bien commun où ils ont droit de prétendre. Bientôt, on entend dire de tous côtés qu'elle ne veut plus régner que sur des hommes libres ; mais alors aussi plus de cent mille serfs, peu façonnés encore à ces nouvelles idées , croient déjà avoir acquis le droit de se livrer impunément à la plus effrenée licence. Une révolte se prépare ; un homme obscur, un Cosaque marche à leur tête, et fait retentir parmi eux ce cri terrible : liberté, et guerre aux nobles ! Quel effet ce cri ne devait-il pas produire parmi des paysans demi-barbares , courbés sous le poids de la plus accablante servitude? Aussi tous les seigneurs qui habitaient leurs terres, au nombre de douze cents, furent-ils massacrés par les révoltés. « Cette agitation, dont les suites pouvaient bouleverser l'état, fit comprendre , a dit un écrivain , qu'il fallait apprivoiser les ours avant de briser leurs chaînes , et que de bonnes lois et des lumières devaient précéder la liberté. » On vit en effet que ces deux moyens seuls pouvaient, er

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PRÉCIS DE L' HISTOIRE

sinon tout de suite, du moins avec le temps, apprivoiser et réduire les ours ; Catherine porta ses soins sur l'un et sur l'autre. Plusieurs espèces d'écoles furent formées en peu de temps; dans les unes, la jeune noblesse des deux sexes vint s'instruire dans les sciences utiles et les arts agréables ; les autres furent ouvertes en faveur du peuple. Dans ces dernières, les jeunes gens et les jeunes filles reçurent , pendant quinze ans, tous les genres d'instruction convenable aux emplois et aux métiers qu'ils devaient exercer. D'un autre côté , Catherine avait résolu de reprendre le projet formé par Pierre-le-Grand, et resté jusqu'alors sans exécution , celui de rédiger un nouveau code de lois. Les lois de Russie étaient un vrai chaos. Les tribunaux devaient se conformer aux réglemens et. aux statuts d'Alexis Michalowitch, qui manquaient tout-à-fait d'ordre et de précision , et aux ukases de Pierre I , extrêmement nombreux et qui se contredisaient souvent sur des points importans. Catherine voulut y substituer un ordre plus régulier, et désira que son nouveau code fut approuvé par les peuples mêmes qu'il devait régir. Elle appela donc à Moscou, en 1767, des députés de toutes les provinces de l'empire, nomma des commissaires pour composer de nouveaux réglemens, et donna elle-même, en 1769, des instructions qui devaient servir de guide aux rédacteurs du nouveau code, instructions où l'on retrouve cet esprit de philanthropie, ces vues élevées qui caractérisent le véritable législateur ; aussi Catherine obtint-elle la récompense la plus digne d'elle, en recevant de la bouche des députés le titre glorieux de mère de La patrie. Conformément aux instructions de l'impératrice, une première partie du nouveau code fut publiée en 1775, une seconde partie en 1780 ; malheureusement les circonstances ne permirent pas à la législatrice de mettre la dernière main à son ouvrage ; et les guerres , toujours fatales, qu'elle eut à er


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE. 3% soutenir contre ses voisins, ne lui laissèrent plus que le loisir de porter quelques réglemens qu'elle jugea les plus utiles au bonheur du pays. Parmi ces nouveaux réglemens, ledit sur la succession à la couronne doit sans doute tenir le premier rang. On peut même dire , avec Lévêque, que « si Catherine n'eut pas la satisfaction de publier un corps de lois, elle a rendu un service plus grand encore à l'état en laissant tomber la loi de Pierre Ier, loi destructive, par laquelle la nation s'obligeait par serment à reconnaître, pour héritier du trône, celui qu'il plairait au souverain de choisir. » Le reste du règne de Catherine est marqué par de vastes projets. Elle força les Polonais à élire le comte Poniatowski pour roi ; elle déclara aux Turcs une guerre qui finit à son avantage, et profita enfin des troubles de Pologne pour démembrer ce malheureux royaume et en prendre sa part. D'ailleurs la marine de Russie s'était accrue au point de ne reconnaître pour supérieure que celle d'Angleterre ; le commerce, les arts, les sciences avaient fait les mêmes progrès, l'agriculture s'était perfectionnée et la population avait augmenté. Des ports avaient été creusés, des canaux et des chemins ouverts ; enfin , la Russie était devenue la puissance prépondérante de l'Europe sous l'administration de Catherine. Catherine mourut en 1796.

CHAPITRE V.

Depuis Catherine jusqu'à l'époque actuelle. (1796— 1820.)

LES

guerres de Turquie et de Pologne étaient heureusement terminées; mais elles avaient fait éprouver à la Russie l'effet inévitable des guerres-; il fallait encore une main ferme au timon de l'état pour maintenir toutes les améliorations introduites sous le dernier règne ; le peuple attendait encore de nouveaux bienfaits , lorsque la nouvelle


PRÉCIS DE L'HISTOIRE 390 se répand tout-à-coup que la plus grande souveraine du monde n'était plus. « Nous habitions Saint-Pétersbourg à la mort de cette impératrice, dit l'historien de Souvarof (1), et jamais la sensation extraordinaire que nous éprouvâmes de cet événement, et celle que nous vîmes peinte sur tous les visages, ne sortira de notre mémoire ; on se regardait avec anxiété , on, n'osait pas s interroger : la pensée , qui se portait au loin dans l'avenir, arrêtait la parole; les ennemis mêmes de cette princesse montraient autant d'inquiétude que ses amis. » Son successeur est déjà jugé.

Le caractère du grand duc Paul avait dès long-temps attiré l'attention de sa mère qui, redoutant la tournure de son esprit et prévoyant qu'il allait gâter son ouvrage, avait même pensé à lui enlever la couronne pour la transporter sur la tête de son petit-fils; et peut-être est-ce là le motif qui fit que l'acte de succession, porté en 1788, ne fut publié qu'après la mort de l'impératrice. Eloigné des affaires , Paul n'avait jamais obtenu que le commandement de deux ou trois régimens qu'il avait imaginé d'habiller et de façonner d'une manière tout à fait autre que le reste de l'armée. Cette bizarrerie était devenue un objet de railleries pour les courtisans ; et pour s'en venger, le premier acte de l' empereur fut de les forcer à adopter eux-mêmes ce qui avait exercé leur malignité. Paul ne savait pas que les plus petites choses entraînent souvent les plus grands résultats. La Russie possédait alors un des grands généraux de notre époque , et les guerres dans lesquelles elle allait se trouver impliquée rendait Souvarof un homme qu'il importait de ménager. Depuis long-temps Souvarof n'avait cessé de crier à Catherine : Mère et dame (?.), fais-moi donc mar-

(1) Chap. 6. (2) Histoire de Souvarof


DU GOUVERNEMENT DE RUSSIE.

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cher contre les Français. » Il allait partir lorsque la mort frappa l' impératrice. Les armées françaises menaçaient d'envahir l'Europe ; la guerre de la révolution avait trompé toutes les espérances des puissances liguées, et doublé la force des Français qu'elle avait insensiblement menés jusqu'aux portes de Vienne. L'Europe tremblait ; mais Souvarof avait désapprouvé les mesures de Paul sur la tenue des troupes, c'était un motif pour l'éloigner. Pour que les coiffures des soldats fussent plus uniformes,le prince s'était avisé d'envoyer à ses généraux une provision de petits bâtons qui devaient servir de mesure et de modèles pour les queues et les boucles de cheveux des soldats; la singularité de cet envoi étonna le vieux militaire habitué à recevoir d'autres ordres de Catherine. « La poudre de perruquier, dit-il à la lecture de l'ordonnance , n'est pas de la poudre à canon, les boucles ne sont pas des canons, ni les queues des baïonnettes. » Cette plaisanterie fut répétée de bouche en bouche, et devint le sujet de nouvelles railleries. Le feld-maréchal reçut sa démission. L'armée fut rangée en bataille; devantlaligne s'éleva une pyramide de tambours et de timbales entassés; le maréchal en grand uniforme , décoré de tous ses ordres, s'avança au pied du monument et de là fit ses adieux à ses compagnons de gloire. «Je vous quitte, dit-il, peut-être pour long-temps , peut-être pour toujours. Votre père qui mangeait et buvait avec vous , couchait au milieu de vous, va manger , boire et coucher loin de ses enfans, pensant à eux pour toute consolation; telle est la volonté de notre père commun, de notre empereur et maître, je ne perds pas l'espérance qu'elle s'adoucisse un jour en faveur de ma vieillesse. Alors quand Souvarof reparaîtra au milieu de vous, il reprendra ses dépouilles qu'il vous laisse comme un gage de son amitié et un appel à votre souvenir. Vous n'oublierez pas qu'il les portait toujours dans les victoires qu'il remporta à votre tête. » Le général quitta alors ses marques d'honneur et


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les déposa sur la pyramide; le soldat versa des larmes. Cependan t la seconde coalition européenne se formait contre la France. L'Angleterre et l'Autriche désignèrent Souvarof pour commander l'armée des alliés, et Paul se vit obligé de rappeler le vieux serviteur de Catherine. On connaît ses guerres contre les Français, on sait qu'elles f urent terminées le 9 février 1801, par la paix de Lunéville, et que , bientôt après, une mort tragique mit fin aux jours de Paul. Le sceptre passa alors aux mains de son fils, l'empereur de Russie actuel. Les premiers soins d'Alexandre furent des vues d'amélioration, et amenèrent des actes qui firent voir en lui un digne successeur de Catherine. Le 14 avril, il se rendit au sénat qu'il présida et où il fit donner lecture de plusieurs ukases, tous dictés par les vues les plus louables , par la philosophie la plus éclairée. Alexandre sembla surtout s'attacher à faire oublier le règne de son prédécesseur en rappelant les réglemens de son aïeule tombés en désuétude ; telles étaient les sages ordonnances sur le commerce, l'industrie et les arts; elles furent remises en activité; toutes les ordonnances contraires furent annullées ; les droits, honneurs, prérogatives de la noblesse et des bourgeois , furent confirmés ; une amnistie fut accordée. L'affreuse chancellerie d'inquisition, déjà supprimée par Catherine, en 1762, mais qui avait reparu sous le nom d'expédition secrète, fut pour toujours suprimée ; enfin le monarque s'engagea à ne jamais augmenter, sans les motifs les plus urgens, les impositions existantes actuellement dans l'empire. La Russie put voir alors l'aurore du bonheur que lui promettait le règne d'un prince si jeune, et qui signalait par de pareils actes son avènement au pouvoir suprême. Malheureusement les guerres qu'eut à soutenir successivement la Russie contre la plupart des puissances européennes, ne permirent pas toujours de réaliser ces espérances flatteuses. Il est inutile d'entrer ici dans l'énumération de ces guerres


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fatales ; on sait la part que prit la Russie aux différentes coalitions européennes formées contre la France; on sait quel en fut le résultat, celui de faire de la Russie la puissance dominante sur le continent, de la placer à la tête de la coalition des rois , de faire de sa puissance le point où se réunissent tous les regards , toutes les craintes, toutes les espérances des diplomates modernes. Mais il est un autre point de vue sous lequel le règne d'Alexandre méritera l'éloge de la postérité : on ne saurait trop louer en effet les généreux efforts du monarque, pour civiliser ses peuples, et les amener par degrés à la jouissance de ce bien le plus précieux de tous, sans lequel tous les autres ne sont rien , la liberté civile et politique; quelques édits d'Alexandre suffiraient pour lui mériter la reconnaissance de son peuple. Peut-être l'empereur de Russie est-il le monarque d'Europe, qui sent le mieux la pente invincible qui entraîne aujourd'hui les esprits vers une civilisation nécessaire ; il sait que l'esprit d'indépendance doit suivre cette civilisation , ou plutôt les lumières et les richesses, toutes deux filles de la civilisation ; ils pressent le désir que donnent les lumières de marcher vers une amélioration sans cesse croissante, et les moyens qu'on trouve dans les richesses de l'accomplir. Enfin il a tiré de la révolution française cette grande leçon qu'on s'opposerait en vain à la marche des choses , lorsqu'elles en sont venues au point où nous les voyons aujourd'hui. Alexandre a senti qu'il valait mieux conduire peu à peu son peuple à la liberté , que de rester en arrière pendant qu'il s'avancerait sans guide, vers un but qu'il doit atteindre tôt ou tard. Gloire au monarque qui, par une sage prévoyance et un intérêt bien entendu , comprend et prévient les malheurs qu'une marche opposée et un égoïsme insensé, pourraient attirer sur sa patrie.


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LOIS

CONSTITUTIVES

LOIS CONSTITUTIVES

DE RUSSIE. EXTRAIT .

Du Testament de Catherine I du 18 mai 1727. re

NOTA. Ce testament de Catherine ne fut connu que lorsque le sceptre passa aux mains d'Elisabeth , sa fille, en 1742. Quelques auteurs ont élevé des doutes sur l' authenticité de cette pièce; mais il n'en est pas moins constant que la disposition qu'il consacre dans cet article, la seule qu'il nous importe de faire connaître ici, est devenue une loi fondamentale de l'empire.

Art. VII. Si le grand duc vient à mourir sans enfans, ce sera la princesse Anne et ses descendans; après elle , la princesse Elisabeth et ses descendans ; et après elle , enfin la grande princesse et ses descendans qui succederont au trône. Les héritiers mâles seront appelés à la succession, avant les femelles. Au surplus , il est réglé que personne ne peut occuper le trône impérialde Russie, s 'il n'est de la religion grecque, ou s'il a déjà une autre couronne entre les mains.

EXTRAIT

De l'Edit sur la Noblesse et sur les Privilèges des Nobles, du 21 avril 1785. PAR la grâce de Dieu, nous, Catherine II, impératrice et souveraine de toutes les Russies, de Moscou, Kiew, Wladimir, Novogorod, reine de Casan, d Astracan , de Sibérie, de la Chersonèse Taurique ; souveraine de Pleskow, et grande duchesse de Smolensk ; duchesse d'Estonie, Livonie, Carelie, Twer, Jougor, Permie, Wetka , Bulgarie et plusieurs autres; souveraine et grande duchesse de Nishnei-


395 DE RUSSIE. Novogorod, Chernigow, Resau, Polothzk, Rostow, Jaroslaw, Beloosero, Udorsk, Obdorck, Condié, Vitepsk, Mstislawsk, et dominatrice de toutes les régions du Nord; souveraine des terres d'Ivérie , et des rois de Cartalinie , et de Géorgie, et des terres de Cabardinie , des princes de Tcherkask, et de Gorie, et de plusieurs autres, souveraine Héritière et dominatrice, etc. Art. 3. La femme est ennoblie par son mari. 4. Les enfans héritent de la noblesse du père. 5. Le gentilhomme et la dame noble ne perdent point la noblesse, à moins qu'ils n'aient commis quelque faute contre la base de la dignité de noblesse. 6. Les transgressions contraires au fondement de la noblesse sont les suivantes ; 1° la violation du serment; 2° la trahison; 3° le meurtre ; 4° les vois de toute espèce; 5° les mensonges; 6° les crimes qui, d'après les lois, doivent être punis par la perte de l'honneur, et par des punitions corporelles ; 7° les preuves qui établissent qu'on a engagé ou enseigné à commettre de pareils crimes. 7. Le mariage étant une loi établie par Dieu, une dame noble se mariant à un homme qui ne l'est point, ne perd pas sa noblesse ; mais elle ne la donne pas à son mari- ni à ses enfans. 8. Le gentilhomme ne perd pas sa noblesse s'il n'est pas condamné pas la justice, et sans cette condamnation il ne perd ni la vie, ni les biens, ni l'honneur, 12. Le gentilhomme ne peut être jugé que par des gentilshommes; mais seulement dans les cas désignés par le paragraphe 6° ; car pour les affaires civiles, il reconnaîtra les. mêmes juges que tous les citoyens. 13. Un gentilhomme ne pourra être condamné à perdre la noblesse, l'honneur ou la vie, sans la représentation au sénat, et la confirmation de Sa Majesté. 14. Il est ordonné que, dès à présent, on mette en éternel oubli tous les crimes d'un gentilhomme qui ont passé dix ans, et qui pendant ce temps n'ont point été poursuivis, ni eclaircis, quand même il se présenterait des solliciteurs , supplians et accusateurs. 15. On ne punira point de gentilshommes par des punitions corporelles. 16. Il est ordonné d'agir avec les gentilshommes qui ser-


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LOIS CONSTITUTIVES

vent dans les bas rangs du militaire, pour les punitions, de même qu'on agit avec de hauts officiers. 17 et 18. Nous confirmons pour l'éternité à la postérité de la digne noblesse de Russie, la liberté et l'indépendance , et aux nobles qui sont au service la permission de demander leur congé d'après les règles prescrites. 19. Nous confirmons aux nobles la jouissance de sortir du pays pour aller dans l'étranger, et d'entrer au service d'autres souverains, nos alliés en Europe. 21. Le noble a droit de s'écrire en surnom comme possesseur de ses terres, tant héritées qu'acquises. 22. Le noble pourra disposer, comme bon lui semblera, des biens acquis par héritage, autrement qu'il n'est prescrit par les lois. 23. Dans le cas de condamnation pour les plus grands délits, on ne confisque point les biens du coupable; mais ils passent à ses héritiers. 2.4. Nous confirmons les anciennes défenses ; que personne ne soit assez hardi pour détruire ou endommager les biens d'un gentilhomme , sans la justice et la sentence préalable des tribunaux, auxquels est confiée l'exécution des lois. 26—30. On confirme aux nobles le droit d'acheter des terres, ainsi que des maisons dans les villes, pour y établir des manufactures, et de vendre en gros les produits de leurs terres, et les effets de leurs manufactures; on leur permet d'avoir des fabriques sur leurs terres, et d'établir des petites places pour tenir des marchés et des foires , en l'annonçant au gouvernement, ayant soin que les termes des foires s'accordent avec celles des environs. 02. Il est permis aux nobles d'envoyer des ports qui leur sont assignés, dans les pays étrangers, les productions de leurs terres et de leurs fabriques. 53 et 34. On confirme aux nobles le droit de propriété donné par l'édit du 28 juin 1782, sur les produits de leurs terres, tant de la surface que de l'intérieur, de l'eau, des minéraux, des produits les plus occultes, de tous les métaux qu'on en tire, avec plein pouvoir et liberté, ainsi que des forêts dont ils pourront se servir comme ils le jugeront à propos. 35. Dans les villages, la maison du possesseur est exempte des logemens. 36. Le noble ne paye point d'impôts personnels.


DE RUSSIE. 397 37 et 38. La très-soumise noblesse a le droit de s'assembler chacune dans son gouvernement, tous les trois ans en hiver, d'après la convocation et permission du gouverneur général, ou gouverneur, tant pour l'élection confiée à la noblesse , que pour entendre la proposition du gouverneur. 39. Il est permis à cette société d avoir un conducteur ou maréchal de la noblesse. Sur deux présidens de district qu'elle présentera tous les trois ans au gouverneur, celui-ci en choisira un. 48. On confirme aux nobles la permission des représentations, et des plaintes par des députés, tant au sénat qu'à Sa Majesté, selon le fondement des lois. 5o et 54. La société des nobles peut avoir dans chaque ville de gouvernement une maison pour s'assembler, et de plus une des archives, un sceau, un secrétaire et une caisse. 55. On ne peut point accuser la noblesse en général d'une faute personnelle à un gentilhomme. 56. La société n'aura pas besoin de se présenter devant un tribunal ; mais elle pourra se faire défendre par un avocat. 57. La société des nobles ne peut pas être arrêtée. 63. Tout gentilhomme qui n'a pas cent roubles du revenu de ses terres, et qui n'est pas âgé de vingt-cinq ans, peut assister dans toutes les sociétés des nobles ; mais il n'a pas voix délibérative. 64. Le gentilhomme qui n'a point été au service, ou qui dans le service n'a point eu le grade de major , ( quand même il aurait eu ce rang en prenant son congé,) peut assister à l'assemblée des nobles; mais il ne peut pas être assis avec ceux qui ont servi jusqu'à ce rang, ni avoir de voix, ni être choisi pour les emplois attribués à la société des nobles, tels que sont ceux du tribunal de justice, de la tutelle noble , etc. 65. Les membres de la société peuvent exclure un gentilhomme qui est blâmé par le jnge, ou qui a quelque vice infâme, et connu de tous, ( même si les juges l'ignorent), jusqu'à ce qu'il se soit pleinement justifié. 66. Sa Majesté établir dans chaque gouvernement le livre

généalogique, anéanti par les ordonnances de ses prédécesseurs ( édit de Féodor Alexiovitz , du 12 janvier 1682 ).

68. On doit inscrire dans ce livre généalogique le nom de baptême et de famille de chaque gentilhomme, pos-


LOIS CONSTITUTIVES 398 sédant quelque bien immeuble clans le gouvernement, et pouvant prouver sa noblesse : tout gentilhomme, non inscrit dans ce livre , ne peut jouir des privilèges de la noblesse. 76 et 82. Le livre généalogique sera divisé en six parties: 1° Les familles des véritables nobles : ce sont celles qui ont été élevées à la noblesse par les souverains de Russie, ou d'autres têtes couronnées, par des armes, diplômes, ou sceaux, et ceux qui peuvent prouver leur noblesse depuis cent ans. Dans la seconde partie, les familles de la noblesse militaire: ce sont celles dont il est dit dans l'édit du 16 janvier 1721, de Pierre Ier: « Tous les officiers d'état - major, et qui ne sont point d'extraction noble, eux, leurs enfans, et leur postérité sont nobles, et il convient qu'on leur donne des patentes de noblesse ». Dans la troisième partie, la noblesse de la huitième classe : c'est celle dont il est dit dans le onzième article de la tutelle des rangs donné par Pierre I , l'an 1722 , le 24 janvier. « Tous les officiers russes et étrangers qui sont dans les premiers huit rangs , ou y ont vraiment été , sont respectés de même que les enfans légitimes, et que la postérité des meilleurs et des plus anciens gentilshommes, quand bien même ils seraient de basse extraction ». Dans la quatrième partie, les familles étrangères : ce sont celles qui se sont assujetties à la Russie, dont il est fait mention dans les édits de l'année 7195. (1687.) Dans la cinquième partie , les familles distinguées par des titres, c'est-à-dire, qui peuvent s'approprier par succession, ou avec la permission de têtes couronnées, le titre de prince, de comtes, de barons et autres. Dans la sixième, les anciennes familles nobles: ce sont celles qui prouvent au-delà de cent ans, et dont l'origine est inconnue. On inscrira toujours par ordre alphabétique. 84. Les preuves de noblesse sont admises par l'original, ou par la copie attestée. 86. En inscrivant les familles nobles dans le livre , la société a la liberté de fixer la somme qu'elles doivent verser dans la caisse; mais jamais au-delà de deux cents roubles. 87. Si quelqu'un n'est pas content de la décision de la noblesse à son égard, il peut faire ses représentations à l'Héraldie, ou collège du Blason. 89. Lorsque le livre généalogique sera fini, qu'il aura été lu à la société des nobles, où l'original restera , il en sera fait deux copies, dont l'une sera remise à l'archive de la er


DE RUSSIE. 399 direction du gouvernement, et l'autre au sénat, pour y être gardé à l'Heraldie. 92. Les preuves indispensables de la noblesse sont cellesci : t° les diplômes donnés par nous-même , par nos prédécesseurs, ou par d'autres têtes couronnées; 2° les armes données par des souverains, rois ou empereurs ; 5° des patentes de rangs auxquels la noblesse est attachée; 4° des preuves qu'un ordre de chevalerie a décoré la personne; 5° des écrits d'éloge; 6° des écrits de terres qu'on a reçues ; 7° l'égalité des services par des possessions ; 8° et 9° des écrits ou édits de gratifications de terres en propre possession, même si elles sont déjà sorties de la famille; 10° des ordonnances ou instructions données au gentilhomme pour des ambassades et autres missions ; 11° des témoignages des services nobles des ancêtres ; 12° des preuves ou témoignages que le père ou le grand-père ont vécu noblement, et qu'ils ont eu des services conformes à leur dignité de noblesse, attestés par douze nobles indubitables; 13° des lettres d'achat, hypothèque, contrats et testamens sur leurs biens; 14° des témoignages que le père et le grand-père ont possédé des lettres; 15° les preuves de postérité ascendante, du fds au père, grand-père, bisaïeul et plus haut, autant qu'ils peuvent démontrer , ou qu'il leur plaît de prouver, doivent être inscrites dans le livre généalogique. Ceux qui n'ont que la noblesse personnelle, ne peuvent point être inscrits dans le livre généalogique. Si le grand-père , le père et le fils ont eu des places qui donnent la noblesse personnelle, la postérité peut demander la véritable noblesse : si le père et le fils ont eu des rangs qui ennoblissent, et qu'ils aient servi vingt ans, le petit-fils a la même permission.

UKASE

Sur les Priviléges des Villes et des Bourgeois. CEUX qui ont fixé leur demeure dans une ville , sont obligés de prêter le serment de sujétion et de fidélité envers la personne de Sa Majesté. Celui qui fixe sa demeure dans une ville , doit passer un écrit tenant lieu de serment ,


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LOIS CONSTITUTIVES

qu'il se soumet aux lois civiles , et qu'il s'oblige de porter les charges et offices.. de bourgeois. • • Celui qui n'est point inscrit dans la bourgeoisie, ne peut exercer aucun métier. Les nobles qui ont des maisons , jardins et places , dans les villes ou dans les faubourgs , soit qu'ils y demeurent ou qu'ils les louent, sont obligés de porter les mêmes charges et impôts que les bourgeois , pour ces maisons ou jardins, et si le noble veut vendre sa maison ou jardin, il doit l'annoncer au magistrat de la ville. Sont affranchis de tous impôts et services de bourgeois , ceux qui sont au service de Sa Majesté impériale , soit au militaire, soit au civil, qui sont employés dans la ville, qui y demeurent ou qui y viennent de temps en temps, pour leurs propres affaires, et qui n'exercent aucun métier. La maison qu'habitent le bourguemestre , l'échevin et le président, est libre de logement excepté dans le cas de nécessité très-urgente ; les bourgeois peuvent avoir des boutiques et des maisons dans la ville, pour y vendre et conserver leurs marchandises; les bourgeois peuvent naviguer partout librement, tant pour importer que pour exporter les marchandises, comme bon leur semble. On fixera dans les villes des jours et des heures dans la semaine, pour tenir le marché; le magistrat de la ville fera arborer un pavillon : tant qu'il sera déployé, il sera défendu de vendre et d'acheter en gros : le pavillon abaissé , cette défense n'existera plus. Ce qui n'a pas été vendu, peut de rechef être ramené hors de la ville. Il y aura au moins une foire tous les ans dans les villes. Les habitans des viles ont la permission de construire ou de faire venir d'autres pays des bateaux et navires, de les louer, entretenir, et de les renvoyer de rechef, chargés ou à vide. Les habitans des villes ont la permission de s'assembler en communauté, pour l'élection des tribunaux, etc., en hiver; tous les trois ans, avec l'agrément du gouverneur général ou gouverneur. Ils auront, s'ils veulent, une maison, un sceau aux aimes de la ville, un écrivain et une caisse, formée par des contributions volontaires, et dont ils pourront disposer par un accord commun. L'assemblée ne sera responsable d'une faute commise par un de ses membres ; elle ne sera point obligée de comparaître devant un tribunal; mais un avocat défendra sa cause. Pour être admissible a tous les emplois, et avoir voix dans les assemblées, on


DE RUSSIE. /lOl vingt-cinq devra être âgé de ans, et posséder un capital de cinquante roubles de rente. L'assemblée de la ville a Je droit d'en exclure, jusqu'à ce qu'il se soit justifié, tout bourgeois qui a été condamné par la justice, ou qui est généralement reconnu pour avoir quelque vice évident qui le prive de la confiance. On tiendra dans chaque ville un registre, dans lequel seront inscrits tous les habitans, afin de procurer à chacun sa succession, du père au fils, au petitfils, etc. On y inscrira le nom de baptême et de famille de chaque habitant, qui possède quelque terre, maison, bâtiment, dans cette ville; celui qui est inscrit dans le corps des marchands, ou dans quelque maîtrise, ou qui tire sa subsistance de quelque métier. Toute autre personne, n'appartenant pas à la bourgeoisie, et ne devant pas jouir de ses prérogatives , ne sera pas inscrit dans le livre. Ce registre sera divisé en six parties. Dans la première, on inscrira le nom et la condition des babitans effectifs : on comprend sous ce titre ceux qui possèdent dans une ville, une maison, bâtiment, terre, place, etc. Dans la seconde partie, on inscrira ceux qui sont compris dans les trois premiers corps des marchands. Le premier corps est de ceux qui déclarent depuis plus de 10 jusqu'à 5o,ooo roubles de capital : le second corps, depuis plus de 5 jusqu'à 10,000, et le troisième , depuis plus de 1,000 jusqu'à 5,QOO : le tout sans distinction d'Age ni de sexe. Un habitant, de quelque famille , condition ou profession qu'il soit, peut être inscrit dans le corps des marchands, en déclarant son capital. Dans la troisième partie, on comprendra ceux qui sont inscrits dans la maîtrise; on entend par là, les maîtres, compagnons et apprentifs de différens métiers, qui se sont fait inscrire dans la maîtrise de leurs métiers. Dans la quatrième partie, les étrangers, et ceux qui habitent d'autres villes: on comprend, sous ce nom, ceux qui viennent des villes russes, ou d'autres royaumes , et qui se sont fait inscrire dans le corps de métier. Dans la cinquième partie, les bourgeois insignes:ce sont 1° ceux qui ont passé successivement par toutes les charges de la ville, s'en sont acquittés dignement, et ont obtenu un titre: 2° ceux qui ont fait leurs études, et peuvent produire des certificats par écrit de leurs connaissances, de la part des académies ou universités; 5° les artistes des beaux-arts, nommément les architectes, peintres, sculpteurs et compo26 TOM. III.


LOIS CONSTITUTIVES 402 de musique, membres de l'académie, et qui apportent siteurs des témoignages sûrs de leurs connaissances et de leur capacité; 4° tous ceux qui déclarent posséder un fonds de 5o,ooo roubles et au-delà, de quelque condition qu'ils soient; 5° les banquiers qui font des remises d'argent, et qui déclarent posséder un capital de 100 jusqu'à 200 mille roubles ; 6° ceux qui font le commerce en gros et n'ont point de boutique ; 7° des patrons de navires qui expédient, pour l'étranger, des vaisseaux qui leur appartiennent en propre. Dans la sixième, les bourgeois: on entend par là ceux qui se sont déjà établis dans une ville, ou qui y sont nés, qui ne sont point inscrits dans le registre; mais qui vivent de leur travail. Chaque famille, pour être inscrite dans le registre, doit produire les preuves de son étal et situation en original, ou par une copie attestée. L'assemblée décidera ce que chaque famille inscrite doit verser dans la caisse; sans que cela puisse jamais aller au-delà de cent roubles. Les bourgeois peuvent établir des métiers, et fabriquer toutes sortes d'étoffes. Celui qui déshonore un bourgeois par des paroles ou par quelque écrit, est tenu de lui payer autant que ce dernier par an dans la caisse et à la ville; et l'offenseur sera obligé de lui payer le double, s'il a donné un coup avec la main, sans avoir même employé aucune arme. Celui qui déshonore la femme, est obligé de donner le double de ce qu'il aurait donné au mari : si la femme paye elle-même quelques impôts, l'offenseur est obligé de lui donner le double de ce qu elle et son mari payent: aux enfans du sexe, l'offenseur est tenu de payer quatre fois autant qu'aux parens : aux enfans en bas âge, la moitié de ce qu'il aurait donné au père : aux garçons, jusqu'à l'âge de dix - sept ans , l'offenseur payera autant que le père donne à la caisse et à la ville cette année. Du premier décembre au premier janvier est l'époque du paiement de ceux qui sont inscrits dans le corps de métiers, qui payent un pour cent du capital qu'ils ont déclaré, et ne payent point de capitation. Les enfans de ceux qui sont inscrits, et qui ne sont point séparés de leurs parens, sont exempts de paiement. Le capital une fois énoncé selon la conscience, on ne recevra plus d'autre déclaration; si quelqu'un, inscrit dans le corps de métiers, fait une banqueroute par sa faute, il en sera exclu. Ceux qui sont inscrits dans le premier corps de métiers, ont la permission d'aller


DE RUSSIE. 403 en carrosse à deux chevaux: ils sont affranchis de toute punition corporelle: ils peuvent établir des fabriques, avoir des vaisseaux et des bateaux sur la mer, établir des fabriques, et des navires pour la navigation des fleuves. Les deux premiers corps peuvent faire toutes sortes de traités en gros et en détails. Ceux du troisième corps peuvent avoir des métiers, et fabriquer toutes sortes d'étoffes; avoir de petits bateaux pour le transport sur les fleuves , tenir des hôtelleries, des bains et auberges pour les paysans, ils ne peuvent aller qu'en voiture à un cheval, tant en hiver qu'en été. Ceux qui sont d'autres villes ou pays et d'une autre religion , ont la permission de l'exercer : les prêtres et les églises latines seront subordonnés à l'archevêque de la même religion qui réside à Mohilow. Ceux qui sont de la confession d'Ausbourg seront subordonnés, pour les affaires ecclésiastiques, à leur consistoire qui sera établi par S. M. I. dans sa résidence, ainsi que dans d'autres villes du gouvernement. Si cinq cents familles ou plus se fixent dans une ville, il est permis de partager les magistratures entre les Russes et les étrangers, c'est-à-dire, que le nombre des bourguemestres et échevins russes restera le même, et on accordera aux étrangers la permission d en choisir autant parmi eux; ils seront ajoutés aux premiers,et jugeront les Russes en russe , et les étrangers dans leur langue, ce qui aura lieu aussi dans la maîtrise. Dans les villes où il y a des douanes, la justice des douanes sera composée de même,dans la même occurrence. Les étrangers fixes dans une ville pourront en partir avec leur famille et leurs biens, en l'annonçant au magistrat de villes , en payant leurs dettes , et ensuite donnant à la ville les impôts de trois ans ; si quelqu'un part sans ces formalités, le magistrat fera publier son nom et son signalement, dans les gazettes , en avertissant ie public de se défier de lui: les étrangers peuvent avoir des fabriques et manufactures. Les bourgeois insignes ont la permission d'aller en carosse à deux et quatre chevaux, d'avoir des maisons et des jardins dans les faubourgs ; ils sont affranchis de punitions corporelles ; ils peuvent avoir toutes sortes de navires sur mer et sur les fleuves. Si le grand-père et le père ont conservé leur titre, le petit-fils aîné , après l'âge de trente ans, s'il a une bonne conduite, peut demander la noblesse. Il n'est défendu à personne de se faire inscrire comme marchand dans une ville; les marchands peuvent avoir des

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LOIS CONSTITUTIVES

auberges, bains et gargottes pour les passans ; vendre des fruits et autres bagatelles dans la maison où ils demeurent, ainsi que des marchandises de leurs propres manufactures : ils ne peuvent aller en carosse ni avoir deux cheveux. Revenus des villes. Les villes où il y a des douanes , soit des frontières ou pour les ports, auront le droit d'exiger des marchandises qui sortent, un pour cent, et deux pour cent sur celles qui entrent. Les villes où il y a une vente de boissons dont les revenus entrent dans la caisse de S. M. I., perçoivent, sur la somme du gain , un pour cent. Les biens d'un bourgeois qui meurt sans laisser d'héritiers, appartiennent à la ville: les revenus des moulins et pêcheries qu'on peut établir Sur le territoire, appartiennent à la ville, ainsi que les amendes des marchands et des bourgeois; les revenus ne sont employés qu'aux dépenses légitimes de laville, qui sont: 1° l'entretien des magistrats et de tous les gens attachés au service de la ville; 2° l'entretien des écoles et autres établissemens; 3° les bâtimens de la ville et leurs réparations. Il est permis aux villes d'établir des banques du surplus de leurs revenus , ou de les placer dans les banques publiques pour augmenter le capital: si les villes croyent utiles de faire quelque dépense qui surpasse leurs revenus, elles feront leurs représentations au gouvernement et attendront son autorisation ; elles donneront le compte de leurs revenus et de leurs dépenses à la trésorerie et en feront part au gouverneur: les habitans auront la liberté de former un conseil général de la ville, à la formation duquel tous les individus concourront chacun selon sa classe. Donné à Saint-Pétersbourg, le 21 avril 1785.


DE RUSSIE.

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ACTE DE SUCCESSION A LA COURONNE.

NOTA. Cet acte , signé le 4 janvier 1788 , lorsque Paul et Marie n'étaient encore que grand duc et grande duchesse ne fut publié qu'en mai 1797. Nous Paul, successeur au trône, zesarewitch et grand duc ; et nous Marie , son épouse, grande duchesse. Au nom du père, du fils et du saint esprit, établissons , après une mûre réflexion, librement, de commun accord et d'une tranquille résolution, le présent acte de succession, en vertu duquel, par affection pour la patrie et conformément aux lois de la nature, nous choisissons pour successeur au trône , après le décès de nous Paul, grand duc , notre fils aîné Alexandre; et, après lui, ses descendant mâles tant qu'il en existera. A leur extinction, la succession tombera à la branche de mon second fils; et s'il m'en venait encore d'autres, ils succéderaient toujours selon la primogéniture. A l'extinction des derniers rejetons mâles de mes fils, le droit de succession reste dans la branche féminine du dernier monarque, comme à celle qui est le plus proche du trône, pour éviter les difficultés qui pourraient s'élever en transportant la succession d'une branche à l'autre; et ici l'on observera le même ordre, de manière que toujours les héritiers mâles soient préférés aux femmes , avec cette condition expresse que jamais l'héritière féminine ne perde son droit de régner, puisque c'est d'elle que provient le droit immédiat à la succession. Après la totale extinction de toute la branche, le droit de succession passe aux successeurs féminins de mon fils aîné; parmi ceux-là, il parvient d'abord à la plus proche parente du dernier monarque de mon fils aîné; à leur défaut,la personne masculine ou féminine qui le remplace en sera susceptible, cependant avec cette observation, que les hommes auront la préférence sur les femmes suivant le droit de succession. Si cette branche venait aussi à s'éteindre, la succession passera dans le même ordre à la branche féminine de mes autres fils, ensuite à la branche de ma fille aînée; d'abord


LOIS CONSTITUTIVES 406 à ses héritiers mâles, ensuite aux femmes, toujours dans Je même ordre qui est prescrit pour les successeurs de mes fils. A l'extinction des successeurs masculins ou féminins de ma fille aînée , le même droit tombera sur les héritiers des deux sexes.de ma seconde fille, et ainsi du reste; bien entendu que quand même la sœur cadette aurait des filles , elle ne priverait pas son aînée du droit de succession , quoiqu'elle ne fût pas mariée , car elle pourrait encore se marier et avoir des enfans ; le plus jeune des frères passerait toujours avant l'aînée de ses sœurs. Exposant ainsi les règles de la future succession , il faut aussi en indiquer les raisons. Elles sont les suivantes : 1° Afin que l'empereur ne soit jamais sans héritiers ; 2° Que l'héritier soit toujours déterminé et conforme à la loi ; 3° Que jamais il ne puisse s'élever le moindre doute sur celui à qui est dû le trône; 4° Qu'on puisse de cette manière conserver le droit de succession aux diverses branches, sans blesser les droits naturels , et pour prévenir les difficultés qui pourraient survenir en transportant la succession d'une branche à l'autre. Pour completter la présente loi de succession, il faut observer ce qui suit : Si le cas arrivait que le droit de succession tombât sur une personne du sexe féminin occupant un trône étranger, elle sera obligée de choisir une religion et un trône, eu renonçant pour elle et pour ses descendans à l' autre religion et trône, par la raison que les empereurs de la Russie sont aussi les chefs de l'église. Se refuse-t-on à la renonciation d'une religion étrangère ? alors la succession tombe à la personne la plus proche, selon l'ordre ci-dessus arrêté. Tous, en montant sur le trône et se faisant couronner , jureront l'observation de cette présente loi : Si le droit de succéder tombe sur une personne du sexe, ou déjà mariée, ou encore fille, son mari n'est pas pour cela monarque. Il n'obtiendra d'autres honneurs que ceux qu'on accorde aux femmes des empereurs ; et, hors les titres, il jouira des mêmes prérogatives qu'elles. Les mariages, sans la permission du souverain, seront déclarés contraires aux lois.


407 Le cas arrivant que la succession tombât sur un mineur , l'ordre et la tranquillité de l'état exigent une régence et tutelle jusqu'à sa majorité. Cette majorité, tant pour la personne masculine que pour celle du sexe, est fixée à l'âge de 16 ans, afin d'abréger la régence. Si le dernier monarque n'avait pas nommé de régent et de tuteur, ainsi qu'il en a le droit incontestable, alors la régence et la tutelle du jeune monarque sont dévolues à son père ou à sa mère, à l'exclusion des beaux-pères et des belles-mères : à leur défaut, le parent le plus proche, de l'un ou de l'autre sexe, jouira de cet honneur. Pour les autres personnes de la famille régnante, la majorité ne commencera, pour chaque sexe, qu'à 20 ans. Toute incapacité, jugée par la loi, exclut de la régence; par exemple, les absences momentanées de l'esprit, et une convolation des veuves à de secondes noces pendant la durée de la régence et de la tutelle. Il sera adjoint au régent un conseil de régence; et ainsi que le conseil ne peut avoir lieu sans le régent, de même le régent ne saurait être sans le conseil qui, au reste, ne peut se mêler de la tutelle. Ce conseil sera composé de dix personnes de la première classe, au choix du régent, avec la faculté de les changer au besoin. Toutes les affaires soumises à la décision du monarque seront rapportées au conseil de régence, ainsi que celles qui seront adressées directement à lui ou au conseil. Les personnes masculines de la famille régnante, si le régent en fait choix, peuvent assister au conseil de régence, mais non avant avant leur majorité, sans faire nombre des dix membres qui le composent. Dans le cas où le monarque défunt n'aurait pas fait de dispositions précises, le régent est libre dans le choix des conseillers et de leurs attributions; car c'est lui qui jugera le mieux les hommes et les circonstances. Telle est la dette sacrée que nous devions au repos de l'empire, qui se fonde sur les lois immuables de la succession, ainsi que tout être bien pensant en est convaincu. Nous désirons que cet acte puisse prouver à l'univers entier notre affection sincère à la patrie, notre amour DE RUSSIE.


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LOIS CONSTITUTIVES

conjugal, notre concorde, et l'attachement intarissable à nos enfans et à leurs descendans. En foi de quoi nous avons signé cet acte solennel et accompagné du sceau de nos armes. A Saint-Pétersbourg, le 4 janvier 1788. PAUL, MARIE.

APPENDICE AUX

LOIS DE

RUSSIE.

(Il existe en Russie plusieurs lois particulières à telle ou telle province. Nous n'avons pas cru devoir les comprendre au nombre des lois constitutives.)

Du Souverain. LA Russie est une monarchie absolue; la volonté du souverain est la loi suprême en tout ce qui ne contrarie pas les lois rapportées ci-dessus. Les empereurs Russes réunissent au pouvoir temporel la puissance ecclésiastique. Ils portent le titre d'autocrates.

Du Sénat. Les sénateurs doivent être au moins lieutenans-généraux ou conseillers privés. Le sénat juge en dernier ressort des affaires. Les départemens particuliers du sénat sont : la chambre des hérauts-d'armes et la chancellerie du maître général des requêtes. Plusieurs chancelleries et collèges dépendent du sénat.

Des Citoyens. Les habitans de la Russie sont divisés en quatre classes: les nobles, les ecclésiastiques, les bourgeois et les serfs. § I . Les titres de nobles sont ceux de prince, de comte et de baron ; ils sont attachés non à un individu , mais à une famille. er


DE RUSSIE.

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Les nobles ont dans leurs terres une autorité presque illimitée, et disposent de leurs serfs sans aucune restriction. § II. La direction des affaires ecclésiastiques est soumise à un synode, qui reconnaît l'empereur pour juge suprême. Ce synode est présidé par l'empereur; il a de plus un vice-président et un certain nombre de conseillers et d'assesseurs. § III. Le tiers-état se compose « d'hommes libres, qui n'appartiennent ni à la classe des nobles ni à celle des paysans. On doit ranger dans cette classe tous ceux qui, sans être ni gentilshommes ni paysans, s'occupent des arts, des sciences, de la navigation , du commerce, ou exercent des métiers. » « On doit y placer encore tous ceux qui, nés de parens roturiers, sortiront des écoles et maisons d'éducation , religieuses ou autres, fondées par nous ou par nos prédécesseurs (1). » « De même, les enfans des officiers et écrivains de chancellerie. » « Le tiers - état est susceptible de plusieurs degrés de prérogatives. » Le corps des marchands est le premier de cet ordre. Tous ceux qui veulent entrer dans le corps des marchands sont exemptés de la capitation, à condition de payer annuellement à la couronne un pour cent du capital qu'ils emploient dans le commerce. Les bourgeois forment la seconde classe de cet ordre. Les bourgeois sont les habitans des villes libres, quelle que soit leur profession qui déclarent avoir un capital audessus de cent livres sterlings. Les villes libres jouissent des privilèges accordés par les empereurs. Les bourgeois jouissent de plusieurs privilèges que n'ont pas les paysans; mais ils sont au-dessous des marchands en ce qu'ils paient la capitation, et peuvent être enrolés pour l'armée et pour la flotte. Au-dessous de ces derniers sont des autres sujets libres de l'empire, comme les affranchis, ceux qui ont obtenu leur congé de l'armée ou de la flotte; les membres de l'académie,

(1) Instruction de Catherine II.


410 LOTS CONSTITUTIVES DE RUSSIE. des arts, etc. Tous ont la permission de s'établir dans quelque partie de l'empire que ce soit, d'y exercer le commerce ou des professions, de se faire inscrire parmi les bourgeois des villes libres ; et, s'ils ont un capital suffisant, ils sont admis dans l'ordre des marchands. § IV. Le quatrième ordre se compose des paysans qui excepté dans quelques provinces, sont serfs. Les serfs des domaines de la couronne relèvent immédiatement de la juridiction des officiers de la couronne. Les paysans, qui appartiennent à des particuliers, sont la propriété des possesseurs de terres. Parmi les paysans, on en distingue qui ne peuvent être mis dans aucune des classes précitées, ce sont des paysans libres, qui possèdent des terres en propres, qui les cultivent eux-mêmes ou les font cultiver par les autres.


COSAQUES ZAPOKAISKI.

COSAQUES

4ll

ZAPORAISKI.

Nous croyons devoir dire ici un mot d une nation qui, soumise aujourd'hui à la domination russe , a pendant plusieurs siècles fait trembler la Pologne, la Tartarie, la Porte, et les Russes eux-mêmes. Il y a plusieurs races de cosaques. Les cosaques Jaïki, sur la rive méridionale du Jaïk ; les cosaques Donski, sur les bords du Tanaïs et du Dnieper; enfin les cosaques Porovi ou Zaporaïski ; c'est de ces derniers qu'il sera question dans cet article, ils habitaient aux environs de la rivière du Borysthène et une partie de l'Ukraine et de la Volhynie. Les cosaques sont primitivement des paysans de l'Ukraine que l'ennui du travail, le goût de l'indépendance et de la rapine, réunirent dans les îles du Borysthène. Trois époques principales signalent leur histoire, 1° leur établissement, 2° leur soumission à la Pologne, 3° leur asservissement à l'empire de Russie.

S I. Dans les premiers temps, les cosaques vécurent pour ainsi dire dans le délire de la liberté; tous leurs exercices, tous leurs travaux entretenaient chez eux cet amour de l'indépendance , l'habitude de cette vie sauvage et aventureuse qui les rendaient redoutables à tous leurs voisins. Les cataractes du fleuve qui les entouraient sont formées par une chaîne de rochers d'où l'eau se précipite avec un bruit effroyable ; les cosaques seuls osaient s'y exposer avec leurs canots, c'était là la première épreuve qu'ils exigeaient de ceux qui voulaient s'engager dans leur milice.


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COSAQUES ZAPORAISKI.

L'une des îles qu'ils habitaient plus volontiers, est celle de Tamahoucka ; c'est une espèce de rocher couvert de bois; c'était là le théâtre des exercices des cosaques; c'est là qu'ils s'endurcissaient aux travaux, à la rigueur des temps, aux revers de la fortune; c'est de-là qu'ils exerçaient la piraterie dans les pays voisins. La formation de cette espèce de république, où les passions n'avaient de loi que l'impuissance de les satisfaire, devait séduire des peuples condamnés en naissant à un dur esclavage; plusieurs de ses voisins voulurent participer aux avantages qu'elle procurait sans peine, et la troupe des pirates se grossit bientôt des paysans de la haute Volhynie, de tout ce que renfermaient les états voisins de malfaiteurs, de fainéans , de vagabonds, enfin de tous ces gens que la société repousse de son sein et dont l'existence souvent importune à eux-mêmes est presque toujours un fléau pour les autres. D'abord les cosaques ne connurent point de maîtres, point de règles, point de loi; mais lorsque, leurs îles ne pouvant plus les contenir , ils se furent répandus dans les terres qui bordaient le fleuve , que leurs premières demeures ne furent plus que le centre de leur retraite , alors ils pensèrent à se donner un chef. Telle est l'histoire des premiers temps chez ces peuples. § II. Depuis le milieu du 13e siècle, les cosaques avaient eu, jusqu'au commencement du 16e, à souffrir de l'invasion des Tartares ; mais alors la puissance tartare commença à déchoir, tant par les divisions intérieures que par les échecs qu'ils éprouvèrent de la part des Russes et des Polonais; les cosaques crurent voir loccasion favorable de se venger; ils osèrent se montrer et embrassant la querelle des puissances européennes , ils battirent les Tartares en toute rencontre.


COSAQUES ZAPORAISKI.

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La Pologne qui vit l'avantage qu'elle pouvait tirer de leur alliance, sut se les attacher en les prenant sous sa protection par un acte de la diète tenue en 1562 , en leur assurant un subside annuel et la jouissance de toute l'étendue de pays située entre le Niester et le Borystliène avec la ville de Trethimiroff. Cette province, ravagée par les fréquentes incursions desTartares,étaitalors déserte,mais extrêmement fertile ; les cosaques la cultivèrent, et dans très-peu de temps on vit s'élever, dans tout le pays, un grand nombre de villes, et l'Ukraine fut regardée comme la meilleure province de la Pologne. Pendant long-temps la Pologne eut là des gardes avancées ; elle n'avait qu'un mot à dire, et les cosaques portaient la terreur chez les Tartares , en Russie ou aux portes de Constantinople. Les cosaques se signalèrent dans presque toutes les guerres que les Polonais eurent à soutenir. Ils avaient un général ou Hetman qui commandait en chef dans la province et à l'armée, qui n'était en rien subordonné au général polonais, mais qui agissait toujours séparément avec ses cosaques selon les mesures prises avec lui à cet effet. Les cosaques étaient plutôt des alliés que des sujets de la Pologne. Cette union offrait un grand avantage à la Pologne ; mais, habituée à vaincre, elle ne vit pas assez la part des cosaques à ses victoires ; elle ne pensa pas assez que ceux qui s'étaient volontairement donnés à elle, pouvaient l'abandonner de même et rechercher une autre protection. Les nobles polonais avaient acquis peu à peu des terres en Ukraine ; ils prétendaient agir envers les paysans cosaques comme envers les esclaves polonais, et exiger d'eux des corvées et autres services semblables. D'un autre côté, la république manifesta clairement l'intention de les asservir; on leur fit un devoir de ce qui n'avait été jusqu'alors qu'un effet de leur attachement à la Pologne; l'élite de la jeunesse était


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COSAQUES ZAPOKAISKÏ.

enlevée pour aller périr dans les combats pendant que le reste de la nation recevait des lois si sévères qu'elles ne semblaient, selon l'expression d'un écrivain, lui laisser que la faculté de vivre et de respirer. La rigueur d'un tel gouvernement devait porter les cosaques naturellement ennemis de la contrainte , à s'en affranchir ; ils se saisirent donc des premières armes que leur fournit le désespoir, ils se précipitèrent sur la Pologne où ils marquèrent leur passage par toutes espèces d'excès ; ces guerres soutenues contre toutes les forces des polonais, sont une des époques les plus curieuses de l'histoire des cosaques; dès-lors on ne peut plus les considérer comme soumis à la Pologne ; examinons-les sous un autre protecteur. § III.

Pour fuir une domination peut-être infaillible, les cosaques tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, mais toujours libres, se jetèrent entre les bras de la Russie et de la Porte; de longues guerres entre les trois puissances furent la suite de cette détermination ; le résultat fut que les cosaques restèrent à la Russie ; et, comme leur pays avaitété totalement ruiné dans les dernières guerres, on leur assigna pour demeure l'Ukraine de Russie, avec la promesse solennelle qu'il ne serait rien changé dans la constitution de leur gouvernement; qu'ils pourraient y vivre selon leur bon plaisir, sans être chargés d impôts ou contributions quelconques: de leur côté les cosaques s'obligeaient à tenir toujours sur pied un bon corps d'infanterie au service de la Russie. Cependant il était difficile aux cosaques de secouer un joug pour passer et rester paisiblement sous un autre ; leur caractère remuant inquiéta plus d'une fois les czars. En 1708, lors de la guerre entre Pierre I et Charles XII, le fameux Hetman Mazeppa quitta le parti de la Russie pour combattre sous les étendards suédois; alors Pierre résolut er


415 d'affaiblir tellement ses nouveaux sujets, qu'il pût à l'avenir s'assurer d'une obéissance forcée: le projet fut exécuté avec une barbarie qui révolte l'humanité. Après la bataille de Pultawa , Mazeppa s'était retiré dans les îles du Borysthène avec tous ceux qui avaient suivi son parti. Pierre envoya dans ces îles un corps de troupes qui passa au fil de l'épée tout ce qui s'offrait à ses coups ; hommes, femmes, enfans , tous furent massacrés; leurs biens furent donnés à des Russes ; le pays qui leur avait été concédé fut chargé de troupes qui purent y vivre à discrétion; plusieurs milliers d'hommes en furent tirés pour être employés aux travaux entrepris par le czar , où ils moururent presque tous; et, après la mort de leur dernier Hetman en 1722, cette charge fut supprimée parce qu'elle donnait trop de pouvoir à celui qui l'occupait. La Russie enfin paraissait disposée à réduire les cosaques au rang de ses autres sujets, mais la mort de Pierre vint suspendre ce projet. Aujourd'hui les cosaques ont obtenu la conservation de tous leurs privilèges, mais ils n'ont plus d'Hetman. Un mot sur le gouvernement de ce peuple singulier. COSAQUES ZAPORAÏSKI.

Les cosaques obligeaient leurs chefs ou généraux à se conformer à leurs manières : c'est ordinairement dans leur nation qu'ils choisissaient ce chef. S'ils prenaient un étranger qui fût noble, il fallait qu'il s'abaissât à leur condition, et renoncât à cette dignité ; ils voulaient qu'il travaillât sans cesse au bien de leur patrie: un roseau dans sa main était le signe de sa puissance. Les chefs étaient élus par acclamation plutôt que par suffrages; si c était un d'entre eux et qu'il refusât l'honneur de commander, ils le tuaient sur-le-champ comme un traître qui préfère son repos a l' intérêt général; ils pouvaient lui ôter le commandement qu'ils lui avaient accordé, et le plus souvent il ne le perdait qu'avec la vie. L'autorité d'un Hetman


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COSAQUES ZAPORAISKI.

était considérable ; il était maître absolu des autres cosaques, il les faisait empaler, leur faisait trancher la tète suivant son caprice. Dans les affaires générales , il était obligé d'assembler un conseil où chacun avait le droit d'assister; ce conseil se tenait en pleine campagne : l'Hetman y paraissait debout, la tète découverte, sous la bannière de la nation ; il proposait le sujet qui l'avait porté à convoquer l'assemblée. Dans ces assemblées il devait se disculper des fautes qu'on lui imputait, y rapporter les présens qu'il avait reçus , et demander la permission de les garder à son usage ; c'était un devoir indispensable. Tels furent les cosaques pendant qu'ils eurent un chef particulier.


4!7

VILLES ANSÉATIQUES.

VILLES ANSÉATIQUES (1). PRÉCIS HISTORIQUE. DANS tous les pays de l'Europe nous avons eu à tracer, après toutes les calamités de la conquête , les efforts de l'industrie pour ramener un état de civilisation plus heureux. Partout le servage féodal secoua ses chaînes ; et les communes s'étant formées , on sentit partout qu'elles seraient fortes par les richesses, et qu'elles seraient riches par le commerce. Nous avons déjà vu divers résultats de cette lutte de la faiblesse industrieuse en Allemagne contre l'oppression barbare; il y en eut un autre vers le milieu du 13 siècle. Deux villes se liguèrent en 1241 , pour chasser les pirates qui infestaient leur territoire et détruisaient leur commerce ; c'étaient Lubeck et Hambourg. Celte union fut avantageuse à toutes deux, et bientôt leur prospérité toujours croissante fixa l'attention de plusieurs autres cités ; un très-grand nombre demandèrent successivement à être admises dans cette espèce de confédération ; voilà ce qu'on a appelé hanse ceutonique ; probablement de l'ancien mot septentrional hansa, commerce ; cette fédération était politique, en ce que les cités qui en faisaient partie se garantissaient réciproquement leurs privilèges respectifs; mais elle était essentiellement e

(1) L'article que nous donnons ici peut être considéré comme un appendice aux précis et constitutions de l' Allemagne. On conçoit qu'un ordre, en quelque sorte géographique, aurait très-peu d'importance dans un ouvrage de ce genre, et que nous devons adopter de préference une certaine disposition de matières propres à faeiiiter la publication.

TOME III.

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VILLES ANSÉATIQUES. 4I8 commerciale,et c'estce qui la distingua spécialement de toutes les institutions analogues, anciennes et modernes. La hanse se trouva en moins de trente ans en possession d'un commerce immense; et bientôt on y compta les principales villes de l'Europe: elle portait les productions du nord dans tous les ports de l'Europe , et les y échangeait contre les marchandises du midi et de l'orient. Ce commerce se faisait principalement par ses quatre grands entrepôts, Londres, Bergen en Norvège, Novogorod en Russie , et Bruges en Flandres. La direction générale des affaires était confiée à quatre autres villes dont chacune en avait un certain nombre qui formaient son département: c'étaient Lubeck, Cologne, Brunswick et Dantzick ; mais Lubeck entre ces quatre était investie d'une sorte de directoriat. « Par cette forme d'administration sage et compassée sur » l'intérêt général et particulier des villes confédérées par » une industrie et une persévérance supérieures à tous les » obstacles, mais surtout par une concorde bien rare entre » des corps séparés par de vastes espaces régis par des lois » et des coutumes essentiellement différentes et que le com» merce seul avait réunis, la hanse teutonique se soutint » pendant près de trois cents ans à un point de prospérité » dont jusqu'alors il n'y avait point eu d 'exemple, enrichissant » l'Allemagne des dépouilles de l'univers, respectée et favo» risée par les nations les plus éloignées, faisant trembler » plus d'une fois des voisins jaloux de ses succès et disposant » des trônes de Suède et de Danemark, à l'aide d'une ma» rine militaire qui n'avait pas son égale dans tout le reste » de l'Europe. La découverte des Indes sapa enfin les fon» demens de cette grandeur, etl'esprit de commerce se rani» mant tout d'un coup chez toutes les nations, mit des en» traves à celui de cesfiers confédérés. L'assujettissement ab» solu des villes provinciales à leurs souverains territoriaux » rompit les liens qui s'étaient formés et entretenus jusqu'à» lors entre des villes médiates et immédiates ; et la jalousie


VILLES ANSÉATIQUES.

ue Charles V qui voulait concentrer dans les Pays-Bas , le commerce de l'univers consomma la destruction de cette formidable hanse. La ligue fut entièrement anéantie vers le milieu du 16 siècle, et il n'y a plus que les villes de Lubeck, de Bremen et de Hambourg qui , conservant le nom de villes anséatiques , rappellent encore le souvenir de son existence, et jouissent à l'ombre d'une qualité toujours respectée , d'une partie des priviléges que l'ancienne hanse teutonique avait obtenus des puissances étrangères (1). » Il est facile de reconnaître les causes de la décadence et de la chute de cette fédération commerciale ; c'était une situation sociale qui l'avait fait naître, et elle accéléra puissamment le mouvement des esprits qui en appelait le terme. Mais il arriva que, lorsque les couronnes eurent reconquis partout, sur le régime féodal, les droits de la communauté , cette institution devenait inutile, nuisible même,puisqu'elle eût arrêté les efforts individuels des gouvernemens et des nations; dès-lors elle dut déchoir et succomber enfin. Deux des trois villes anséatiques, Lubeck et Brêmen, étaient dans l'ancien empire au rang des villes impériales , et siégeaient à la diète en cette qualité. Hambourg n'avait pas pu obtenir ce titre. Cette fédération , considérée plutôt comme association municipale que comme puissance politique, n'avait pas droit d'ambassade ; elle traitait de ses intérêts commerciaux par députés. Après avoir fait partie de l'empire français, les trois villes anséatiques ont été rendues à l'indépendance par la dissolution de la monarchie napoléonienne. On va lire la constitution de chacune d'elles; au reste elles sont unies comme autrefois par un lien fédératif, et c'est encore à Lubeck qu'appartient le directoriat et la décision des affaires communes.

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(1) Histoire du droit public d'Allemagne, par M. Pfeffel, tom. 1. 27.


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CONSTITUTIONS

CONSTITUTION DE LA VILLE LIBRE ET ANSÉATIQUE DE LUBECK. ( Extrait de l'ouvrage de M. Charles de Villers , citoyen honoraire de Bremen , publié à Leipsig, chez Fr. Arn. Brockaus , en 1814. )

Pouvoir Suprême dans l'Etat. 1. LE pouvoir suprême réside en commun, et également dans le sénat et la bourgeoisie ( 1}.

Du Sénat. II. Le sénat est composé de quatre bourgmestres , dont trois jurisconsultes et un négociant , et de seize sénateurs. Le sénat est présidé par l'un des bourgmestres. Il a deux syndics qui ont voix consultative dans les délibérations ; ce sont eux qui sont chargés tant des relations à l'extérieur, que des affaires générales dans l'intérieur , de la rédaction des actes du sénat, et qui sont rapporteurs, tant au civil qu'au criminel, dans les affaires portées devant le sénat. Ils prennent rang après les bourgmestres. Le sénat a de plus un protonotaire, ou premier secrétaire, deux autres secrétaires et un archiviste, qui sont chargés de la rédaction des procès-verbaux, de l'expédition et de la conservation des actes , et de la direction de la chancellerie. . Le sénat choisit et nomme les syndics, secrétaires, archivistes. Il choisit et nomme aussi ses propres membres à chaque vacance. Pour être éligible à une place de sénateur, il faut avoir trente ans accomplis n'être attaché, à aucun service étranger; enfin, n'être parent en ligne ascendante ni descendante, ni en ligne collatérale jusqu'au quatrième (1) Les actes principaux sur lesquels se fondent le mode d'exercice de l'autorité suprême, aussi bien que les rapports mutuels des deux corps ci-dessus , senat et bourgeoisie, sont les deux récès constitutionnels de 1665 et 1669.


421 DES VILLES ANSÉATIQUES. degré, ni au premier degré d'affinité par alliances avec aucun des autres membres du sénat. Le nouveau sénateur élu, outre son serment général de citoyen, prête encore un serment particulier , comme membre du sénat. Un bourgmestre, ou sénateur élu, est tenu d'accepter ou de quitter la ville, en abandonnant au trésor public la dixième partie de sa fortune. De la Bourgeoisie. III. La bourgeoisie , jouissant du droit de suffrage , est partagée en douze collèges. Le premier, est composé de patriciens; les six suivans , de diverses compagnies de négocians en gros; deux autres, de marchands détaillans ; et les trois derniers, de brasseurs, patrons de navire, et ouvriers. Chacun d'eux est présidé par un certain nombre d'anciens , a son lieu particulier d'assemblée, où il délibère et prend ses résolutions sur les affaires qui le concernent. Dans les délibérations sur les affaires de l'état, chaque collége a une voix. La pluralité de ces voix forme le voeu de la bourgeoisie. Ceux des bourgeois qui ne sont pas membres d'un des douze colléges ci-dessus, ne prennent aucune part aux délibérations concernant les affaires publiques. Le sénat communique avec la bourgeoisie, soit par écrit, soit verbalement, en nommant une commission chargée de conférer avec ceux des anciens qui sont orateurs de leurs colléges respectifs. C'est le sénat qui confère le droit de bourgeoisie, et qui reçoit le serment des nouveaux bourgeois. Les protestans, les réformés et les catholiques y sont également admis. Attributions du Sénat. IV. Le sénat est revêtu de la double fonction du gouvernement et de l'administration de la justice. § I. Gouvernement.— Le sénat, constitué en corps gouvernant, tant en séance générale, que dans ses députations permanentes (ou sections) , exerce la surveillance supérieure et le pouvoir exécutif; veille en qualité de magistrature de police à la sûreté et au salut général; nomme aux emplois publics de l'intérieur, choisit les agens diplomatiques et


CONSTITUTIONS de commerce employés à l'extérieur, gère les affaires publiques dans toute leur latitude et négocie avec les puissances étrangères, § II. Justice.-— Constitué en corps judiciaire, le sénat administre la justice tant au civil qu'au criminel, d'après les réglemens publiés pour les procédures et d'après le droit lubequois; adoptant subsidiairement le droit communromain et le droit canonique. Le sénat juge en première instance par les sénateurs délégués à cet effet, auxquels sont adjoints des greffiers et autres, officiers , dans les divers tribunaux inférieurs préposés et établis tant pour la ville que pour la banlieue et le territoire. Il juge en seconde instance au civil et au criminel, dans des séances générales (ou audiences) tenues à cet effet. Dans les affaires civiles, la partie qui se tient pour lésée à encore une voie d'appel ouverte ; c'est la révision et l'envoi des actes de la procédure à la faculté de jurisprudence d'une université (1). Le sénat jouit du droit de faire grace des peines capitales, ou de les mitiger. Il exerce la tutelle supérieure sous la direction d'un des bourgmestres, assisté de douze sénateurs. La cession et l'hypothèque des biens fonciers a lieu publiquement par devant le sénat et est ensuite formellement inscrite par le protonotaire , dans le livre des hypothèques. Des droits de la Bourgeoisie.,

V. Le sénat ne peut agir sans le consentement et accord de la bourgeoisie dans les cas suivans : 1° Dans la confection des lois,( hormis ce qui est du ressort de la police, où le sénat décide seul), et dans tout ce qui concerne les points constitutionnels.

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(1) Tant que la constitution de l'empire germanique a été en vigueur , les laideurs pouvaient en outre , quand l'objet en litige s'élevait à une valeur audelà de mille écus , en appeler à l'un des tribunaux; suprêmes de l'empire ; ils pouvaient même y porter leurs plaintes en déni ou, retard de justice. Pour tenir lieu par intérim de cette instance suprême, on a maintenant recours à un tribunal de haute révision, établi pour ce but , et à l'envoi accoutumé des actes à une faculté.


423 2° Dans le cas d'alliances et traités à conclure avec des puissances étrangères. 5° Dans l'augmentation ou diminution de la force armée, dite garnison , et dans les changemens à faire aux mesures dé défense. 4° Dans la permission à accorder au libre exercice de quelque nouveau culte. 5° Dans la disposition des biens et l'administration des instituts destinés aux pauvres. 6° Dans l'acquisition et l'aliénation des biens domaniaux de la ville, comme de tout ce qui appartient au trésor public. 7° Dans l'établissement d'impôts de toute espèce, soit directs , soit indirects. 8° Dans les concessions à faire sur la caisse de la ville, caisse dans laquelle se versent tous les revenus ordinaires et extraordinaires de la ville, et qui fournit à toutes les dépenses publiques. L'administration de cette caisse avec toutes les affaires qui y ont rapport, est confiée en commun à des députés , tant du sénat que de la bourgeoisie (1) , qui sont à cet égard soumis à la prestation d'un serment particulier par devant le sénat assemblé. Sur tous ces divers points , l'initiative de la proposition appartient au sénat; et c'est lui qui prononce ensuite d'après la majorité des voix des colléges dont les résolutions doivent lui être transmises par écrit. En cas de partage le sénat décide: quand il a prononcé, la proposition a force de loi ; mais il a le droit de rejeter, en tout ou en partie, les modifications qui y auraient été faites. Il a aussi droit de reproduire en temps et lieu des propositions qui auraient été déjà rejetées par la bourgeoisie. Celle-ci, àson tour , a le droit de manifester ses vœux au sénat et de provoquer de la sorte des propositions ou dispositions convenables. DES VILLES ANSÉATIQUES.

Des Colléges Commerciaux. VI. Les huit colléges commerciaux nommés ci-dessus sont appelés en particulier à délibérer et à consentir dans les cas suivans : (1) Le sénat ne peut disposer sans consulter la bourgeoisie, que d'une somme de deux cens écus.


CONSTITUTIONS 424 1° En ce qui concerne les intérêts du commerce en général , ou d'une de ses branches, et les dispositions qui peuvent y avoir rapport. 2° Dans la confection de nouveaux réglemens soit généraux , soit spéciaux en affaires de commerce. 3° Quand il s'agit d'accorder des priviléges à des manufactures et fabriques. 4° Quand il s'agit de quelques dispositions concernant les monnaies, Impositions,

VII. La ville prélève deux sortes d'impositions, les directes et les indirectes, Parmi les premières, les unes sont foncières, les autres personnelles, Les impositions indirectes consistent surtout en octrois sur les denrées de consommation , droits de timbre, taxes sur les objets de luxe, et péage prélevé sur les marchandises, (1) Etat militaire. VIII. La garnison qui est aux ordres du sénat, et qui consiste maintenant en quatre compagnies, formant quatre cents hommes en totalité, est destinée au maintien du repos et de la sûreté publique. Dans les cas extraordinaires, la bourgeoisie , partagée à cet effet en vingt-six compagnies , occupe les portes. Culte et Instruction publique. IX. Les trois confessions chrétiennes jouissent de la liberté dans l'exercice de leur culte; néanmoins les catholiques et les réformés n'ont que des chapelles ou oratoires, desservis par des prêtres à leur nomination. Le sénat exerce la surveillance suprême en matières ecclésiastiques. De lui dépendent aussi les établissemens d'instruction publique et les réglemens à ce sujet, (r) Depuis quelques années , les circonstances ont nécessité des impositions, extraordinaires, tant foncières que personnelles , parmi lesquelles une capitation repartie par mode ci emprunt, contribution patriotique en honneur et conscience , abandonnée à la bonne foi de chacun , et plusieurs autres.


DES VILLES ANSÉATIQUES.

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Etat des habitans du territoire.

X. Les habitans de la banlieue sont considérés connue bourgeois externes, et n'exercent point les droits de citoyens actifs. Ceux du reste du territoire, hors de la banlieue , sont sujets de la ville; mais libres , aux impôts et redevances près. Ils sont sous la juridiction du sénat. Leur première instance est un tribunal particulier. Les habitans de la ville de Travemunde ont un magistrat nommé par le sénat, et qui forme leur première instance,


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CONSTITUTIONS

CONSTITUTION DE LA VILLE LIBRE ET ANSÉATIQUE DE BREMEN (1).

Pouvoir suprême dans l'Etat. I. LE pouvoir suprême réside dans le sénat avec le concours de la bourgeoisie (2).

Composition du Sénat et choix de ses membres. II. Le sénat est composé de quatre bourgmestres. Il se divise en quatre sections, chacune d'un bourgmestre et de six senateurs. Le sénat est présidé par l'un des bourgmestres. Il a deux ou un plus grand nombre de syndics, s'il est nécessaire, qui ont voix consultative dans les délibérations,, prennent part tant aux affaires du gouvernement, qu'à celles de l'exercice judiciaire, au civil et au criminel. Les secrétaires et les archivistes sont bornés au bureau de la chancellerie , et n'ont entrée au sénat que dans les séances judiciaires. Le sénat choisit et nomme les syndics, secrétaires, archivistes, à la pluralité des voix ; il choisit et remplace aussi ses propres membres. Le choix d'un bourgmestre est remis à la section de six sénateurs où la place est vacante, et ceux-ci choisissent sur tout le sénat. Le choix d un sénateur est conféré à une commission élective de quatre membres, qui sont tirés au sort à cet effet, et qui prêtent un serment particulier. Pour être éligible à une place de sénateur, il (1) Le territoire de Bremen est à peu près de quatre milles carrés , avec uue population de 44,000 habitans. La ville , située sur le Weser, à neuf milles de la mer du Nord , se divise en ville-vieille sur la rive droite du fleuve, et villeneuve sur la rive gauche ; la première comprend 21,000 ames, et la seconde seulement 7,500. Il faut en compter environ un pareil nombre pour le faubourg de la vieille-ville, en tout, 36,000 ; le reste, c'est-à-dire, 8000 habitans sont répartis sur le territoire, à la droite et à la gauche du Weser. (2) Les actes principaux sur lesquels se fondent le mode d'exercice de l'autorité suprême , aussi bien que les rapports mutuels des deux corps ci-dessus, sont les deux récès constitutionnels de 1433 et de 1534.


427 DES VILLES ANSÈATIQUES. faut avoir vingt-quatre ans accomplis ; être bourgeois de la ville , et n'avoir aucune parenté dans le sénat jusqu'au degré de cousin germain inclus ; n'être attaché à aucun service étranger. Le nouveau sénateur prête serment devant la bourgeoisie assemblée (1). De la Bourgeoisie. III. La bourgeoisie est partagée en quatre sections par quartiers. Elle ne s'assemble jamais en totalité ; mais le sénat en convoque les notables plusieurs fois l'année (2). Les assemblées de notables , nommées conventions de la bourgeoisie, la représentent en effet, écoutent les propositions du sénat, puis se divisent, pour délibérer, en quatre sections, qui choisissent à chaque fois un nouveau président. Chaque section a une voix , et la majorité de trois voix forme le vœu de la bourgeoisie. L'assemblée des notables et le sénat nomment aussi des députés , qui se réunissent, et forment, en certains cas, des comités à l'effet de délibérer sur les impositions et sur leur emploi. Cependant le sénat a le droit de confirmer la nomination des députés notables. Dans les cas qui demandent le secret ou bien une prompte expédition, la bourgeoisie nomme une députation de quelques membres pris dans les diverses sections; cette députation, après avoir prêté devant le sénat un serment particulier, se joint à lui pour délibérer sur l'affaire présente et pourvoir à son exécution (3). C'est le sénat qui confère le droit de bourgeoisie aux étrangers , et qui reçoit Je serment du nouveau bourgeois. Pour être habile à être appelé parmi les notables, il faut posséder un fonds qui soit au moins de 3,000 écus. (1) La constitution ne prononce rien sur le culte du récipiendaire, ni sur sa qualité civile. Les termes du récès de 1 634 sont: que le sénat invitera, quand il le jugera convenable, ceux du corps des négocians, des autres corporations et de la commune, qui paraîtront au sénat les plus entendus et les plus aptes a ce ; qui, de tout point, ont le plus à cœur le salut de notre bonne cité, la concorde et la paix., et qui sont le plus portés à en aider de toutes leurs forces le maintien. (3) Une députation secrète de cette nature se trouve en activité depuis une vingtaine d'années, sans avoir été révoquée.


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CONSTITUTIONS

Attributions du Sénat. IV. Le sénat est revêtu de la double fonction du gouvernement et de l'administration de la justice. § Ier. Gouvernement.—Le sénat, constitué en corps gouvernant, exerce la surveillance supérieure et le pouvoir exécutif ; veille, en qualité de magistrature de police, à la sureté et au salut général; nomme aux emplois publics de l'intérieur, choisit les agens diplomatiques et de commerce employés à l'extérieur, gère les affaires publiques dans toute leur latitude , et négocie avec les puissances étrangères. § II. Justice. — Constitué en corps judiciaire, le sénat administre la justice tant au civil qu'au criminel, d'après les réglemens publiés pour les procédures , et d'après le droit Brêmois, adoptant subsidiairement le droit commun-romain. La justice s'administre en première instance par plusieurs tribunaux inférieurs, établis tant pour la ville que pour les communes rurales, et qui ont tous à leur tête un ou plusieurs sénateurs, assistés de quelques officiers de justice. Le tribunal supérieur est formé par deux des quatre sections du sénat, réunies à cet effet à tour de rôle, et qui prêtent un serment relatif à cette fonction. Cependant ce tribunal est première instance pour certains cas particuliers, et pour les affaires au-dessus de 300 écus. En ce cas, l'appel de ses arrêts consiste dans une simple révision. Néanmoins quand la valeur de l'objet en litige surpasse 1000 écus,afin de remplacer l'ancien appelaux tribunaux suprêmes de l'empire, on a établi une révision supérieure, sous le titre d'épuration ( Lauterung ). Le jugement peut être aussi, dans l'un et l'autre cas, confié à la faculté de jurisprudence d'une Université Les tribunaux supérieurs et intérieurs , pour éviter autant que possible les procès, ont droit de nommer dans les cas qui en sont susceptibles, une commission de conciliation, qui confère avec les parties, et qui peut être indifféremment composée de membres du sénat ou de la bourgeoisie, qui sont tenus de ne jamais se refuser à de telles commissions. Quand à ce qui concerne les. affaires litigieuses maritimes , il existe à COL égard une justice de paix, ou commission cou-


DES VILLES ANSÉATIQUES.

4^0 ciliatrice permanente, consistant en deux membres du sénat, deux négocians et deux patrons de navire. Le sénat a le droit de faire grâce. Il exerce la tutelle supérieure, nomme tous les tuteurs, et revise leurs comptes. La cession et l'hypothèque des biens fonciers a lieu par devant les deux sections judiciaires du sénat, et l'un des secrétaires inscrit cette cession dans le livre des hypothèques. Droits de la bourgeoisie. V. Le sénat demande le consentement et l'accord de la bourgeoisie, représentée par les notables, dans les cas suivans : 1° Dans la confection des lois, hormis ce qui est du ressort de la police, où le sénat décide seul. 2° Dans l'acquisition ou aliénation des biens domaniaux. 3° Dans tout ce qui concerne l'établissement et l'emploi des impositions publiques. 4° Dans tout ce qui concerne l'administration des caisses publiques. 5° Dans l'augmentation ou diminution de la force armée. 6° Dans les cas d'alliances et traités à conclure avec des puissances étrangères. 7° Enfin , dans les occasions d'une haute importance, et qui concernent l'intérêt le plus cher de l'état. Sur tous ces divers points l'initiative de la proposition appartient au sénat; la résolution de la bourgeoisie lui est transmise par écrit ; et, si elle y a joint quelques modifications, le consentement du sénat est nécessaire pour donner à l'acte force de loi. Quoique l'initiative appartienne constitutionnellement au sénat, cependant l'usage s'est introduit et maintenu qu'un membre quelconque de l'assemblée des notables peut prendre l'initiative et faire à son assemblée une proposition que celle-ci, si elle le juge à propos, adopte et porte par devant le sénat, suivant la forme accoutumée. Participation du Commerce. VI. Le commerce est présidé par des anciens qui forment un collège, auquel le sénat communique tout ce qui peut intéresser le commerce en général. Les anciens convo-


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CONSTITUTIONS

quent alors une assemblée des principaux négocians pour leur communiquer le message, et portent ensuite au sénat le résultat des délibérations de l'assemblée. Le collége des anciens du commerce a des archives où il conserve le procès-verbal des délibérations du sénat avec la bourgeoisie. Impositions» VII. La ville prélève deux sortes d'impositions , les di • rectes et les indirectes. — Les premières ne sont que foncières, et point personnelles (1). Les impôts indirects consistent surtout en octrois sur les denrées de consommation , en taxes sur les objets de luxe , péages et autres. Les instituts en faveur des pauvres s'entretiennent au moyen des contributions volontaires. Etat militaire. VIII. Le corps militaire qui est aux ordres du sénat, et qui consiste maintenant en trois compagnies de 150 hommes chacune, est destiné au maintien du repos et de la sûreté publique. Dans les cas extraordinaires et pour le même but, le sénat provoque le rassemblement de la bourgeoisie armée , qui est à cet effet organisée en compagnies. Culte et Instruction publique. IX. Les trois confessions chrétiennes jouissent de la liberté dans l'exercice de leur culte, et des droits civils ,en parfaite égalité. Les ministres du culte dans les quatre premières églises (1) Parmi les impositions directes, il faut en distinguer une, qu'on peut nommer contribution patriotique, ou de conscience et d'honneur , qui est toujours une quotité de la fortune fixée par le sénat et les notables de la bourgeoisie, selon le besoin présent. Quatre sénateurs et douze notables, nommés à cet effet, se placent pendant un mois de suite , tous les jours, dans une salie, à l'une des extrémités de laquelle est une caisse ; chaque citoyen y paraît quand bon lui semble, verse en secret dans la caisse son contingent, se retire, et la commission se contente d'inscrire son nom parmi ceux qui ont satisfait ; à la loi. ( Depuis que la ville existe , on n'a aucun exemple que cette contribution ait rapporté moins qu'elle ne devait. )


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sont à la nomination des paroissiens ; le sénat choisit les autres. Le sénat exerce la surveillance suprême en matières ecclésiastiques. De lui dépendent aussi les établissemens d'instruction publiqu e. Habitans du territoire. X. Le territoire est divisé en districts, présidés chacun par un membre du sénat, sous le titre de baillif. C'est lui qui juge en première instance, et à qui se portent toutes les plaintes. Le sénat est leur instance supérieure. En outre, chaque district et chaque village a ses jurés, pris parmi ses habitans. Le bourg de Vegesack a une administration municipale. En tant qu'ils n'ont pas acquis le droit de bourgeoisie, les habitans des communes rurales sont sujets de la ville, mais sans aucune trace de servitude. Ils supportent avec la ville une partie des impôts , sont exempts d'une autre partie, et payent en remplacement une modique contribution foncière.


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CONSTITUTIONS

CONSTITUTION DE LA VILLE LIBRE ET ANSÉATIQUE DE HAMBOURG.

Pouvoir Suprême dans l'Etat. I. LE pouvoir législatif et souverain réside en commun et également dans le sénat et la bourgeoisie (1).

Du Sénat, et choix de ses Membres. II. Le sénat est composé de quatre bourgmestres , dont trois jurisconsultes, et un négociant; et de vingt - quatre sénateurs, dont onze jurisconsultes, les autres treize étant pris parmi les négocians en gros, bourgeois de la ville. Le sénat est présidé par l'un des trois bourgmestres jurisconsultes. Il a quatre syndics qui ont voix consultative dans les délibérations ; ce sont eux qui sont chargés des rapports , tant clans les relations extérieures, que dans les affaires générale de l'intérieur, et de la rédaction des actes du sénat ; ils prennent rang après les bourgmestres. Le sénat a de plus quatre secrétaires qui sont chargés de la rédaction des procès-verbaux, de l'expédition et de la Conservation des actes. L'un d'entre eux est protonotaire, et un autre archiviste. Le sénat choisit et nomme les syndics et les secrétaires. Il choisit et nomme aussi ses propres membres à chaque vacance. Pour être éligible à une place de sénateur, il faut être bourgeois de la ville; avoir trente ans accomplis, professer la religion protestante de la confession d'Augsbourg ; n'être attaché à aucun service étranger, enfin n'être parent (1) Les actes principaux sur lesquels se fondent le mode d'exercice de l'autorité supérieure, aussi bien que les rapports mutuels des deux corps ci-dessus sont : le récès d'union de 1710, le règlement des assemblées de la bourgeoisie de la même année , et surtout le récès capital de 1712.


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en ligne ascendante ni descendante, n'être gendre ni beaupère d'aucun membre du sénat. Deux beaux-frères ne peuvent siéger dans le sénat en même temps : ni plus de cinq parens ou alliés au troisième degré. Le nouveau sénateur élu prête debout le serment concernant les élections, et à genoux le serment particulier du sénateur. Il écoute , dans la même posture, la lecture de la constitution qu'il jure d'observer. Un bourgmestre ou sénateur élu est obligé d'accepter, ou de quitter la ville, en abandonnant au trésor public le dixième de sa fortune. De la Bourgeoisie. III. La bourgeoisie est partagée en cinq sections, par paroisses ou quartiers; à la tête de chacune de ces sections sont des anciens, puis des diacres, puis des sous-diacres (1). Les trois anciens de chaque paroisse se réunissent, et forment un collége de quinze membres, dit le collége des anciens; un autre collége, dit des soixante, se forme de la réunion des quarante-cinq diacres ( neuf par chaque paroisse) aux quinze anciens; et celui, dit des cent quatrevingt, se forme de la réunion des cent vingt sous-diacres (vingt-quatre par paroisse ) au collége des soixante. Les anciens ont leurs archives particulières, un secrétaire particulier; ils choisissent pour remplir les places vacantes dans leur collège parmi les diacres (deux membres du sénat assistent à cette élection); ils élisent aussi les diacres parmi les sous-diacres, et les sous-diacres sont élus par les diacres parmi les bourgeois. Il y a encore dans chaque paroisse six suppléans, nommés adjoints, destinés à remplacer les sous-diacres. Outre ces colléges supérieurs ( qui sont tenus, sous peine d'amende, à paraître à toutes les convocations de la bourgeoisie), tout autre bourgeois propriétaire d'une maison, sur le prix de laquelle il possède au moins 1,000 écus de banque, et 2,000 ecus, si cette maison est située hors des murs sur le territoire de la ville, a le droit d'assister à l'assemblee générale de la bourgeoisie, et d'y voter aussi bien que les capitaines de la milice bourgeoise, les députés de la cham(1) Ces dernières dénominations ne sont ecclésiastiques qu'en apparence. TOME III. 28


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CONSTITUTIONS

bre, ceux du commerce, et les anciens des corps et métiers, quand même ceux de ces dernières classes ne seraient pas possesseurs de maisons. Les délibérations ont lieu par paroisse; chaque paroisse a une voix, et la pluralité forme le vœu de la bourgeoisie. Le sénat communique avec l'assemblée générale de la bourgeoisie , soit en corps , soit par une députation de deux membres; et, avec les colléges supérieurs, par l'entremise de cette même députation. C'est le sénat qui confère le droit de bourgeoisie, et qui reçoit le serment du nouveau bourgeois. Les seuls bourgeois de la confession d'Augsbourg ont droit à être élus membres des colléges supérieurs, et de paraître aux assemblées de la bourgeoisie. Attributions du Sénat. IV. Le sénat est revêtu de la double fonction du gouvernement (ou pouvoir exécutif) , et de l'administration de la justice. § I. Gouvernement.—Le sénat, constitué en corps gouvernant, exerce la surveillance supérieure et le pouvoir exécutif, tant en corps , que par ceux de ses membres à qui sont attribuées en particulier diverses fonctions du gouvernement, veille, en qualité de magistrature de police, à la sûreté et au salut général; nomme les agens diplomatiques et ceux de commerce, employés à l'extérieur (1) ; gère les affaires publiques dans toute leur latitude, et négocie avec les puissances étrangères; convoque les assemblées de la bourgeoisie, quand il le trouve nécessaire ( il est tenu de le faire au moins tous les trois mois ) ; et quand il croit pouvoir s'en dispenser, il est tenu d'en faire connaître les motifs au collége des anciens. Celui-ci les transmet aux autres colléges, pour savoir s'il n'y a pas lieu à désirer une assemblée.

§ II. Justice. —Le sénat, constitué en corps judiciaire, administre la justice, tant au civil qu'au criminel, d'après les réglemens publiés pour les procédures et d'après le droit commun-romain. Le sénat juge en première instance, par ceux de ses (1) Il nomme ces derniers sur la proposition du commerce et de l'amirauté.


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DES VILLES ANSÉATIQUES.

membres délégués à cet effet, savoir: les bourgmestres en matière civile, les prêteurs aussi en matière civile, criminelle et de police. Il juge en seconde instance, au civil en séances par sections , et au criminel en séances générales; mais alors présidé seulement par deux bourgmestres (1). Le sénat jouit du droit de faire grâce des peines capitales, mais seulement en tant qu'il les mitigé. Il exerce la tutelle supérieure. La cession et l'hypothèque des biens fonciers a lieu publiquement par devant le sénat, et est ensuite formellement inscrite par un secrétaire, dans le livre des hypothèques. Des Droits de la Bourgeoisie. V. La bourgeoisie partage pleinement avec le sénat Se pouvoir législatif. Le sénat ne peut agir sans le consentement et accord de la bourgeoisie, dans les cas suivans: 1° Dans la confection des lois et dans tout ce qui concerne les points constitutionnels. 2° Dans le cas d'alliances et traités à conclure avec des puissances étrangères. 3° Dans l'augmentation ou diminution de la force armée, dite garnison ; et dans les changemens à faire aux mesures de défense. 4° Dans la permission à accorder au libre exercice de quelque nouveau culte. 5° Dans la disposition des biens et l' administration des instituts destinés aux pauvres. 6° Dans l'acquisition et l'aliénation de biens domaniaux de la ville, comme de tout ce qui appartient au trésor public. 7° Dans l'établissement d'impôts de toute espèce, soit directs , soit indirects.

(1) Tant que la constitution de l'empire germanique a été en vigueni , l' appel en matière civile Wetzlar, avait lieu par-devant la chambre impériale de jusqu'a la concurrence de la 1 affames somme de ,000 écus de banque. (Hormis les concernant les lettres de change et les assurances maritimes. Ces dernières ressortissant au tribunal de l'amirauté , composé d'un bourgmestre, quatre sénateurs, six negocians et deux anciens patrons de navire.) Depuis la suppresr sion du tribunal de Wetzlar, on a recours à la faculté de droit d'une université, a qui les actes du procès sont envoyés par le bourgmestre président. 28.


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CONSTITUTIONS

8° Dans la concession de nouveaux privilèges. 9° Dans les concessions à faire sur la caisse de la ville, caisse dans laquelle se versent tous les revenus ordinaires et extraordinaires de la ville , et qui fournit à toutes les dépenses publiques. (L'administration de cette caisse avec toutes les affaires qui y ont rapport, est confiée à dix députés de la bourgeoisie, élus par elle à cet effet pour six années, et qui, durant le cours de cette gestion, ne peuvent être élus sénateurs ) (1). Sur tous ces divers points, l'initiative de la proposition appartient au sénat. Cependant le collège des anciens ( dont une des fonctions est de veil ler à ce que la conduite du sénat ne s'écarte jamais des principes constitutionnels ) a le droit de prendre l'initiative , quand la bourgeoisie ayant émis un vœu et l'ayant fait connaître au sénat, celui-ci refuse de convertir ce vœu en une proposition formelle. La résolution générale , ou le vœu de la bourgeoisie, est remis par écrit au sénat. Si la bourgeoisie a accédé, la proposition a force de loi ; mais Je sénat a le droit de rejeter les modifications qui auraient été faites à la proposition , en communiquant toutefois ses motifs de rejet à la bourgeoisie. Il a aussi le droit de reproduire, jusqu'à trois fois, des propositions déclinées par la bourgeoisie. Si après la triple proposition, le sénat persiste dans son opinion, et que la bourgeoisie persiste dans son refus, on institue de part et d autre un comité de conciliation composé de huit ou dix sénateurs et de huit ou dix bourgeois tirés au. sort, lequel décide souverainement de l'adoption ou du rejet de la proposition, et dont les séances ne doivent pas durer au-delà de quinze jours (1). La bourgeoisie jouit encore en particulier du droit de nommer la plupart des membres des députations bourgeoises dans les divers départemens, et les administrateurs des diverses fondations. (1) Le sénat, à chacune de ses séances , ne peut disposer , sans le consentement de la bourgeoisie, que d'une somme de 10 écus. (2) L'harmonie est telle entre le sénat et la bourgeoisie , que depuis un siècle il n'y a pas eu lieu une seule fois de recourir à l'établissement d'un tel comité.


DES VILLES ANSÉATIQUES.

437

Colléges Commerciaux. VI. Le commerce de la ville est représenté en général par une députation composée de six membres élus par tout le corps du commerce, et à laquelle est adjoint l'un des anciens du corps des patrons de navire. Les six membres négocians sont renouvelés un à un par chaque année. Cette députation veille au salut du commerce, et exerce une surveillance active sur tout ce qui concerne cette partie; elle concourt à la nomination des courtiers et agens de change, et détermine avec eux le cours. Le collège des bourgeois de l'Amirauté a l'administration des péages du port, et de tout ce qui concerne la sûreté de la navigation de l'Elbe jusqu'à son embouchure. Impositions. VIL La ville prélève deux sortes d'impositions, les directes et les indirectes. Les impositions indirectes consistent surtout en octrois sur les denrées de consommation, en taxes sur les objets de luxe, en péages sur les marchandises. Chaque bourgeois paye par an un quart pour cent de la valeur de ses biens meubles. Cette contribution se paye secrètement, et le montant est abandonné à la conscience et bonne foi de chacun. Dans les cas extraordinaires , on lève une contribution d'un quart pour cent sur tous les biens, tant meubles qu'immeubles; le paiement s'en exécute de la même manière (1). Etat Militaire. VIII. La garnison qui consiste en un régiment d'infanterie de 1500 hommes, une compagnie de dragons de 72, et une d'artillerie de 92 , est destinée au maintien du repos et de la sûreté publique. L'administration de la garnison est confiée à un conseil de guerre, composé de six membres du sénat et de dix bourgeois. Le commandement en est confié (1) Depuis quelques années les circonstances avaient nécessite plusieurs impositions extraordinaires , tant foncières que personnelles, parmi lesquelles nue capilation, répartie par classe, des emprunts forcés, une contribution patriotique en honneur et conscience.


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CONSTITUTIONS DES VILLES ANSÉATIQUES.

ou sénat, qui cependant ne peut faire marcher plus de trente hommes, sans en faire part au collége des anciens. La bourgeoisie est aussi constituée en garde nationale, et divisée en cinquante-cinq compagnies. Culte et Instruction publique. IX. Toutes les confessions chrétiennes , ainsi que les Juifs, jouissent de la liberté dans l'exercice de leur culte. Néanmoins , vu leur petit nombre, les catholiques, les réformés et autres n'ont que des oratoires desservis par des prêtres à leur nomination. Le sénat, réuni au collége des soixante, exerce la surveillance suprême en matières ecclésiastiques; et, réuni au collége des anciens, il exerce la surveillance sur les établissemens supérieurs d'instruction publique. Les écoles inférieures dépendent des conseils des églises, ou des conseils particuliers. Habitans du Territoire. X. Les habitans du territoire ont leur juridiction particulière. Chaque district a un préteur membre du sénat, qui juge en première instance; le sénat est l'instance supérieure. Un district seulement est sous la juridiction du collége des anciens. Le port de Cuxhaven et la ville de Ritzebüttel forment un bailliage particulier. Le baillif est un sénateur qui réunit tous les pouvoirs.

FIN DU TOME TROISIEME.


TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS

CE VOLUME.

PAYS-BAS. Pag.

Précis de l'histoire des institutions poliques dans les Pays - Bas

1

PREMIÈRE PARTIE.

Ch. I. Jusqu'à la maison de Bourgogne.... 2 Ch. II. Jusqu'à Charles V 9 Ch. III. Jusqu'à la fondation de la républi16 que SECONDE PARTIE.

Ch. I. Jusqu'au règne de Joseph II...., 29 Ch. II. Jusqu'à la créalion du royaume des 38 Pays-Bas TROISIÈME PARTIE.

République des provinces unies. Ch. I. Jusqu'à Guillaume III 47 Ch. II. Jusqu'à la création du royaume des 57 Pays-Bas Lois constitutives des PaysBàs autrichiens, extraits des actes publics, et des principaux ouvrages y relatifs , . 70 Acte d'union des provinces belgiques 88 Adhésion des états de Brabant à l'acte d'union ...

89

Pag.

Ordonnance des trois états de Brabant 89 Traité d'union et établissement du congrès souverain des états belgiquesunis 93 Décret sur la réunion de la Relgique à la république française 97 Lois constitutives des pro' vinces unies 99 Acte d'union des provinces unies signé à Utrecht.. ibid. Constitution des provinces unies 106 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.. 117 Constitutions de Hollande (république batave)... 121 Lois constitutionnelles du royaume de Hollande.. 143 Traité du 24 mai 1806 entre la république batave et l'empereur des Français, qui établit la royauté en Hollande 145 Proclamation faite en Hollande le 9 juin 1806.... 148 Lois constitutionnelles.. 149 Constitution du royaume 152 des Pays-Bas. Rapport présenté au roi par la commission chargée de la révision de la loi fondamentale des Pays-Bas-Unis ibid. fondamentale Loi du royaume des Pays-Bas.. 166


440

TABLE

DANEMARCK. Pag.

Pag.

Précis de l'histoire du gou§ V. Depuis la révoluvernement de Danetion de 1660 jusqu'à marck 199 celle de 1772 217 § I. Du Danemarck, § VI. Révolution de jusqu'au règne de Mar219 guerite, en 1387 200 § VII. Depuis la révo§ II. Règne de Marguelution de 1772 jusqu'à rite. — Union de Calnos jours 225 mar (1387-1412).... 203 Lois constitutives du roy§ III. Successeurs de aume de Danemarck.. 226 Marguerite jusqu'à la royale Loi ibid. grande révolution de Ordonnance qui fixe les li1660 ( 1412-1660).. 205 mites de la liberté de la § IV. Frédéric III. — Répresse 239 volution de 1660.... 207

SUEDE. Précis de l'histoire du gouvernement de Suède.... 250 § I. De la Suède avant l'union de Calmar — ibid. 13 siècle § II. Depuis l'union de Calmar jusqu'à Gustave Wasa (1300-1500). 253 § III. Règne de Gustave Wasa (1500-1600)... 255 § IV. Depuis Gustave Wasa jusqu'à la révo258 tion de 1680 § V. Révolution de 1680. — Accroissement du 260 pouvoir royal & VI. Charles XII ( 1697 e

262

-1719)

§ VII. Révolution de

1719. — Limitation du pouvoir royal § VIII. Révolution de 1772—Rétablissement du pouvoir royal § IX. Révolution de 1809 et conclusion ... Constitution publiée par Gustave III en 1772.... Acte d'union et de sûreté (1789) ; Arrêté de la diète sur la liberté des cultes ( 1778). Appendice.—Organisation des états. —Administration Constitution du royaume de Suède ( 1809 )

263

266

272 280

297 299

301 305

NORVÈGE. Précis de l'histoire du gouvernement de Norvège.. 304 Constitution norvégienne (4 novembre 1814)• • • • 322

Acte qui établit les rapports constitutionnels des royaumes de Norvège et de Suède...343


DES MATIÈRES.

441

RUSSIE. Pag.

Précis de l'histoire du gouvernement de Russie... Ch. I. De laRussie avant Pierre-le- Grand ..... Ch. II. Règne de Pierrele-Grand (1682-1725). Ch. III. Des successeurs de Pierre jusqu'à Catherine (1725-1797 ). Ch. IV. Règne de Catherine Ch. Y. Depuis Catherine jusqu'à l'époque actuelle (1797-1820).

351 352

Paga

Lois constitutives de Russie 394 Extrait du testament de Catherine I, du 18 mai 1727

369

374 586

389

ibid.

Extrait de l'édit sur la noblesse (1785) ibid.

Ukase sur les privilèges des villes et des bourgeois.. 399 Acte de succession à la couronne 405

Appendice aux lois de Russie „. 408

COZAQUES ZAPORAISKI

411

YILLES ANSÉATIQUES. Précis historique.......

417

Constitution de la ville libre et anséatique de Lubeck 420 Constitution de la ville

libre et anséatique de Bremen 426 Constitution de la ville libre et anséatique de Hambourg 432

FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.


ERRATA. Page 70 , ligne 3 , au lien De publiés, lisez : publics. Page 84, ligne 7 , 8 et 9 , art. 1er, des provinces qui n'ont point d'états; § X. province de Malines , lisez : § X , des provinces qui n'ont point d'états ; art. 1er , province de Malines. Page 121 , Constitution de Hollande, lisez : Constitutions. Page 199 , ligne 11 , ressemblans , lisez : semblables. Page 255, depuis Gustave Wa a, lisez : règne de Gustave Wasa. Page 314, ligne 5 , Heyberg, lisez Heiberg.



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