Elève du bétail à la Guyane

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r

D

SAGOT

P r o f e s s e u r d'Histoire nat ur e lle à l'Ecole normale s p é c i a l e de Cluny

DE

LA CHASSE ET

LA

DE

PÊCHE A LA

GUYANE

CLUNY IMPRIMERIE

J.-M.

DEMOULE,

1873.

PLACE

D E

L'HOPITAL



DE L A CHASSE E T DE L A P Ê C H E

L'homme n e

demande

pas

son

lement à l'élève d e s a n i m a u x

alimentation

domestiques.

animale Les

seu-

animaux

s a u v a g e s , d a n s les p a y s p e u p e u p l é s et p a r t o u t , s u r les c ô t e s , les p o i s s o n s de la m e r f o u r n i s s e n t à sa n o u r r i t u r e . Il n e

peut

entrer

dans m o n p l a n d e p a r l e r a v e c q u e l q u e s d é t a i l s d e l a

chasse

et

de

la

pêche

à

la G u y a n e ,

mais

je

dois

en

dire

quelques mots. D a n s les localités é c a r t é e s , l'habitant y t r o u v e d'utiles

ressources.

Le

poisson

frais

entre

pour

une

part

i m p o r t a n t e d a n s l ' a l i m e n t a t i o n d e l a c o l o n i e , e t il e s t f a c i l e voir

que l'organisation d'une p ê c h e r é g u l i è r e , active et

conduite serait

d'un

très-grand

intérêt

pour

de l'alimentation publique et les p r o g r è s de

de

bien

l'amélioration

l'agriculture.

De la Chasse. — L a G u y a n e e s t a s s e z r i c h e e n g r o s g i b i e r et en oiseaux, moins toutefois que ne l'est l'Afrique

sous

les

m ê m e s parallèles et surtout sous les latitudes un p e u éloignées d e l ' é q u a t e u r . C e p e n d a n t telle e s t la difficulté

de p a r c o u r i r le

p a y s , d ' a p e r c e v o i r et de p o u r s u i v r e les a n i m a u x d a n s l'épaiss e u r d e s forêts, o ù le sol e s t t o u j o u r s p a r p l a c e s m a r é c a g e u x , que

la

chasse

ne

peut

pas

fournir

à

l'alimentation

des

ressources importantes et assurées. Parmi

les m a m m i f è r e s

qui

forment

le g i b i e r d u p a y s ,

d o i t c i t e r p l u s i e u r s s o r t e s de d a i m s , q u ' o n a p p e l l e à biches ; d e u x sortes de cochons sauvages vivent

en

m a r r o n ; le

troupe

dans

maipouri

ou

les forêts, tapir,

gros

le

de petite taille pakira

et le

on

Cayenne qui

cochon

a n i m a l d o n t le v o l u m e

égale celui d ' u n e v a c h e ; le c a p i a ï , espèce de r o n g e u r semia q u a t i q u e , de la grosseur d'un petit c o c h o n ; l ' a g o u t i , qui


—2— r a p p e l l e un p e u le lièvre ; le p a q u e , a u t r e

r o n g e u r de

taille, dont la chair est très-délicate. Enfin pas les

singes,

moyenne.

On

dont

trois

recherche

ou

quatre

encore

on

espèces

les t a t o u s ,

ne

sont de

qui,

des m œ u r s

de

taille

sous

é p a i s s e c u i r a s s e , offrent u n e c h a i r b l a n c h e et d e b o n Il s e r a i t t r o p l o n g d e p a r l e r

petite

dédaigne

ces

leur

goût. différents

a n i m a u x . Je laisse à des Guyanais plus instruits

que moi

ces questions le soin d'en t r a i t e r .

Un

sur

serait

intéresser

certainement

de nature

à

opuscule le

l'histoire naturelle pourrait y t r o u v e r d'utiles L a poursuite d u gibier é t a n t fort le c h a s s e u r t u e le plus s o u v e n t

difficile

les bêtes à

ce

sur sujet

lecteur,

et

documents. dans

les

l'affût,

moins en a r r i v a n t sur elles à l'improviste et

forêts,

ou t o u t au

sans bruit.

Les

c h a m p s de m a n i o c enclavés dans les bois, où les bêtes v i e n n e n t chercher pâture, sont très-propres à fournir un poste

d'affût,

et le c h a s s e u r qui a o b s e r v é les t r a c e s de l e u r p a s s a g e ,

vient

les y g u e t t e r , soit à la chute

nuit.

du jour,

soit p e n d a n t

L e s n è g r e s d r e s s e n t s o u v e n t à c e t effet u n p e t i t contre

un

tronc

d'arbre

resté

debout;

la

échaffaudage

montés

dessus,

ils

d o m i n e n t le c h a m p et s o n t m i e u x à m ê m e d e v o i r l e s a n i m a u x entre les branches du manioc. Ce

genre

de

chasse

demande

s u r t o u t u n e stoïque p a t i e n c e c o n t r e la p i q û r e des m a r i n g o u i n s . D a n s le haut des rivières on p e u t e n c o r e avec

grandes

chances

de succès, en

b a s s i n s d ' e a u où le g i b i e r v i e n t se Souvent méditée fusil

sur

animaux

le c h a s s e u r

dans

la

se m e t t r e

plein jour,

à

l'affût

auprès

de

désaltérer.

s'engage

seul

et sans

direction

pré-

f o r ê t . Il m a r c h e l e n t e m e n t e t s a n s b r u i t , l e

l'épaule,

l'oreille

et les tire

à

attentive.

Il s u r p r e n d

l'improviste. On

ainsi

est guidé dans

les cette

c h a s s e p a r les c r i s des a n i m a u x et le b r u i t d e l e u r s p a s . O n a e n c o r e le soin d e visiter les a r b r e s ment les prendre

palmiers garde

de

S o u v e n t , au lieu on

suit

en

canot

comon patavoua s'égarer

en

c h a r g é s de fruits, et

maripa.

notam-

Il faut

chassant de cette

de s ' e n g a g e r i m m é d i a t e m e n t d a n s la une

rivière

ou

bien

manière. forêt,

une crique navigable,

f o r m e n t dans le bois u n e s o r t e d'allée

naturelle.

qui

Quelquefois


—3— on a l'occasion de tirer du canot m ê m e ; plus du

voisinage

du

gibier

par

un

connaître, on m e t pied à t e r r e caution

et

cri

souvent,

ou des

et,

en

en silence, on p a r v i e n t

bruits

averti

qu'il faut

s'avançant avec

à le

surprendre

pré-

et

à

le

tirer. Il n ' y

aurait

rien

que

de très-praticable

t r a q u e s c o m m e o n le fait en E u r o p e sur une ligne de tireurs

postés

employer à cela pas mal de

à

des

lieux,

elle

à

à

organiser

rabattre

l'avance.

les

Mais

il

des

bêtes

faudrait

monde.

Quoique la poursuite du gibier nature

et

n'est

s o i t r e n d u e difficile

cependant

pas

par

impossible.

la Les

c h i e n s s u i v e n t la piste d u g i b i e r ; i n d i q u e n t p a r l e u r s a b o i e m e n t s s a m a r c h e et le r a b a t t e n t s u r le c h a s s e u r ,

la

chasse

a u t a n t q u ' i l p e u t e t s e p o s t e l à o ù il p e n s e q u e l a b ê t e

qui

suit

pourra

passer. Q u a n d on chasse près d'une rivière, c'est souvent

sur

u n canot l é g e r q u e l'on suit les chiens. Q u o i q u e le c l i m a t é n e r v a n t d e l a G u y a n e f a t i g u e u n p e u l a constitution du chien, c'est

encore

un

des

p r ê t e n t le m i e u x à le s u p p o r t e r . O n p e u t ,

animaux avec

des

une nourriture convenable, y entretenir des chiens en bon é t a t et en p e r p é t u e r la r a c e . de vigueur qu'en F r a n c e et

ne

Toutefois

durent

pas

qui

se

soins

et

courants

ils o n t

aussi

On en perd de t e m p s en t e m p s d'accident et de

moins

longtemps.

maladie.

t i g r e s ( j a g u a r s ) e n t u e n t q u e l q u e s - u n s . Il f a u t p r e n d r e de ne p a s les élevé

des

faire

trappes.

chiens

p r o m p t e m e n t ; en quelques

mal

entretenus

générations

à la chasse.

Un

quelques

allées

propriétaire plus

facile

tracées

qui et

ils p e r d e n t

fructueuse

méthodiquement

entretenant des sentiers,

et

de

plus

a u r a le g o û t de la plus

dressant

un

dans plan

aient

dégénèrent

taille, d e v i e n n e n t m a i g r e s et grêles, et n e sont

p o u r r a la r e n d r e

garde

chasser dans des bois où les n è g r e s Les

Les

en la

leur

propres chasse, perçant

forêt,

en

sommaire

du

p a y s qui l'entoure, dans u n r a y o n de d e u x ou trois lieues. C'est l e m o y e n de c h a s s e r a v e c f r u i t e t s a n s r i s q u e d e

s'égarer.

On se sert encore de piéges et particulièrement de trappes. Ce sont de

grosses pièces

de bois,

élevées

et

soutenues

en


—4— équilibre instable. L'animal qui passe dessous détruit cet équilibre, les fait tomber et est écrasé par leur chute. On en dispose en alignement un certain nombre, et d'une trappe à l'autre on établit une sorte de haie artificielle, en piquant en t e r r e des branches d'arbre, en sorte que le gibier, ne trouvant de passage libre que sous le piége, s'y engage. On pourrait encore l'attirer sous la pièce de bois p a r un appât. On établit les trappes aux lieux où l'on sait que les bêtes aiment à passer, et on les développe en ligne d'une certaine longueur. Ce sont surtout les noirs qui aiment à dresser ces piéges. Il est possible que dans certaines localités cette manière de chasser soit fructueuse, mais en beaucoup d'endroits elle l'est peu, et elle entraîne beaucoup de perte de temps, d'abord pour dresser les piéges, ensuite pour les visiter régulièrement tous les jours où tous les deux jours. L a b i c h e se chasse à l'affût ou au chien courant. Poursuivie par le chien, elle se j e t t e volontiers à l'eau ; aussi la chasset-on facilement au bord des grandes rivières, en faisant garder la rivière par une suite de pirogues portant des chasseurs et lançant les chiens dans la forêt riveraine. Elle ne peut pas courir longtemps et perd promptement haleine. L'agouti se chasse à l'affût et au chien. On le surprend volontiers au pied d'arbres en fruits, dont il mange les graines. Les cochons sauvages vivent en troupes et exécutent, sans presser leur marche, de longues pérégrinations dans les forêts. On reconnaît leur passage aux herbes des bords des criques fraîchement fouillées et pâturées, dans la forêt à l'empreinte des pas et aux débris de plantes cassées et mangées par eux. On est averti de leur voisinage par le bruit de leurs dents qu'ils font claquer sans cesse et par leurs grognements.. Le pakira est le pécari des naturalistes, le cochon marron est le porc domestique revenu à 1 état sauvage et fort diminué de taille par l'effet énervant du climat. Le chasseur surprend la troupe et fait aisément une ou plusieurs victimes. Quelquefois on les voit traverser une


— 5

rivière à la nage ; en les poursuivant en canot on en prend un grand nombre. On en tue aussi avec les trappes. C'est surtout à l'ouverture de l'été et pendant la saison sèche qu'on les rencontre dans les bois peu éloignés de la côte. Pendant les grandes pluies ils habitent plus volontiers les terres hautes de l'intérieur. Il y a beaucoup de capiaï, mais il n'est pas facile de les atteindre. Ils plongent sous l'eau et vont très-loin avant de reparaître à la surface. En outre ce sont des animaux plus nocturnes que diurnes. La Guyane est plus riche en oiseaux qu'en mammifères. Les forêts renferment beaucoup de beaux oiseaux de chasse. La difficulté de les apercevoir et de les tirer, au travers d'un épais feuillage et sur la cime élevée des grands arbres où ils se perchent, est le grave obstacle qui empêche le chasseur de les tuer aisément. En général, on est averti de la présence des oiseaux par la vue, quand on les aperçoit perchés ou volants, ou par l'ouïe quand on entend leur cri, qui est ordinairement sonore et facile à reconnaître ; on ne pourrait pas se servir comme en Europe des chiens d'arrêt pour les découvrir. La plus agréable manière de les chasser est de remonter en pirogue au point du j o u r les criques peu fréquentées ou le haut des rivières ; on en trouve de perchés sur les arbres de la rive. Les plus beaux oiseaux de chasse sont : dans la famille des gallinacées, le Hoco (crax), que l'on peut voir vivant dans les ménageries d'Europe et qui a à peu près la taille d'un dindon ; le Maraï (penelope marail); l'Agami (psophia) ; les perdrix d'Amérique colins ; le P a r a q u a (sorte de faisan), des tourterelles de petite taille. Dans l'ordre des grimpeurs, les toucans (ramphastes) ; les perroquets et les aras. Dans les palmipèdes, de très-gros canards sauvages à plumage noir orné de reflets brillants ; des sarcelles; une grosse espèce de plongeon. Dans les échassiers, l'ibis rouge, dite vulgairement dans la colonie flamant ; le Héron Onouré ; l'Aigrette ; le toyouyou (mycteria americana).


— 6 — En général, on tire à la chasse les oiseaux perchés, mais on les tire d'extrêmement loin. Cependant, dans les lieux découverts, les savanes, les marais, on peut avoir l'occasion de les tirer au vol. L'énumération du gibier ne s'arrête pas en Amérique aux bêtes à poil et à plumes ; on y comprend encore plusieurs reptiles, des ordres des sauriens et des chéloniens. Les tortues terrestre et marine, diverses sortes de gros lézards et d'iguanes, sont justement recherchées, et les nègres ne dédaignent nullement les caïmans dont la chair est blanche, mais dure et un peu musquée. Les tortues de mer sont une ressource intéressante pour les populations du littoral. On les guette quand elles viennent à terre pour pondre leurs œufs dans le sable, et, en les retournant sur le dos, on les met dans l'impossibilité de fuir. Elles sont très-grosses et leur chair est de bon goût. On en prend ainsi beaucoup à Kourou, Sinnamary et Organa. On va encore à la recherche de leurs œufs, qu'elles pondent en grand nombre dans le sable de la plage; on reconnaît à certains signes la place où ils ont été déposés et on les déterre. Il y a des lézards qu'on tue sur les arbres, où ils grimpent et se tiennent habituellement. Il y en a d'autres qu'on poursuit dans leur terrier, la bêche à la main, dans les sables des bords des rivières. La chasse est en résumé à la Guyane, pour toute autre classe de population que pour les Indiens indigènes, plutôt une agréable distraction qu'une industrie utile et une ressource importante d'alimentation. On peut, après le travail agricole fait, y donner quelques heures de passe-temps, et même de loin en loin y consacrer quelques journées, mais ce serait une grave erreur économique que de lui accorder plus d'importance qu'elle ne le mérite. Tout compte fait, le gibier qu'on va t u e r dans les bois revient plus cher que la viande des animaux domestiques, quand on sait élever ceux-ci avec intelligence et économie. Quand un centre de population, tant soit peu important s'est constitué, le gibier diminue prompte-


—7— m e n t à s o n v o i s i n a g e , e t il f a u t a l l e r a s s e z l o i n p o u r l e t r o u v e r en abondance.

Ceux

qui, dans ces conditions,

persistent

à

vouloir chasser souvent, perdent un temps énorme.

De la Pêche.

La

pêche, la pêche

maritime du moins,

offre à l ' a l i m e n t a t i o n d e s r e s s o u r c e s b i e n p l u s a s s u r é e s e t b i e n plus considérables que la chasse. On estimait, en était

consommé

annuellement,

à

la

1838,

Guyane,

qu'il

environ

un

million de kilos de poisson frais. J e ne p e n s e p a s que la pêche aujourd'hui produise a u t a n t , p a r c e qu'elle a

décliné,

comme

t o u t e s l e s b r a n c h e s d ' a g r i c u l t u r e e t d ' i n d u s t r i e . Il e s t c e r t a i n cependant

que,

si elle

était pratiquée

avec

méthode, avec

suite, et a v e c u n b o n m a t é r i e l , elle p r o d u i r a i t b e a u c o u p plus. Les

eaux

de la

Guyane,

sans être aussi poissonneuses

celles de la côte d'Afrique,

sont néanmoins

diverses sortes de poisson

qu'on

y

prend

riches, ne

et

que

si

sont pas

les tous

aussi agréables et aussi délicats, tous sont p o u r t a n t d'un bon et utile u s a g e . Les

plus

grandes

difficultés

que

c e t t e i n d u s t r i e , s o n t : la p r o m p t e

trouve

à

se

détérioration

développer du

matériel,

b a r q u e s e t filets s u r t o u t , c o n s é q u e n c e n a t u r e l l e d e l a c h a l e u r et

de l'humidité

excessive

du

pays;

l'embarras

de

vendre

i m m é d i a t e m e n t le p o i s s o n f r a i s ; les d é p e n s e s q u ' e n t r a î n e n t sa salaison et sa dessication avec j o u r s insuffisantes ; la difficulté

des installations presque toude

former

et

de

garder

des

aides-pêcheurs e x p é r i m e n t é s , actifs et s o i g n e u x . S u r les côtes d ' E u r o p e , la pêche est g é n é r a l e m e n t p r a t i q u é e p a r u n e classe moyenne,

clouée d'assez

d'aisance

pour

pouvoir

réunir

un

m a t é r i e l suffisant, assez fidèle c e p e n d a n t a u x h a b i t u d e s de vie simple

et

laborieuse

pour

v a t i o n s , allier les h a b i t u d e s et

réaliser

ainsi

cette

affronter

les

fatigues et les pri-

de culture avec celles de pêche,

économie

d'existence,

qui

permet

d'aimer et de p r a t i q u e r une industrie m é d i o c r e m e n t lucrative. On c h e r c h e r a i t v a i n e m e n t , à la pareille

population.

exercer un

Guyane,

Les Européens

métier qui exige tour

à

les

éléments

pourraient

d'une

difficilement

tour de veiller des

nuits

e n t i è r e s e t d e s u p p o r t e r p e n d a n t le j o u r le p o i d s a c c a b l a n t du


— 8 — soleil. Des noirs qui s'établiront pêcheurs ne pourront pas réunir un matériel suffisant, ni procéder avec le concours intelligent et dévoué de plusieurs aides; ce qui est nécessaire pour bien réussir. I l s en arriveront toujours à travailler individuellement avec une pirogue et de petits ustensiles, Conditions dans lesquelles il devient impossible d'arriver à de grands résultats. I l s ne pourront même pas pêcher dans la saison des pluies, parce qu'alors le poisson s'éloignant au large ne peut être pris que plus avant en mer, là où ne peuvent s'aventurer de petites embarcations. Ce serait plutôt parmi les habitants de couleur et plutôt encore parmi les brésiliens du P a r a , pour la plupart indiens ou métis indiens, qui s'établissent quelquefois à la Guyane, qu'on trouverait des hommes capables d'organiser et de bien conduire une pêche régulière. O n divise, dans l'usage domestique, les poissons de mer de la colonie en poissons à écaille, plus fins et plus recherchés, estimés à une valeur vénale un peu plus que double, et les poissons à limon, plus communs et moins délicats. O n paie actuellement à C a y e n n e les premiers 0 fr. 5 0 le demi kilo et l e s seconds 0 fr. 2 0 . C'est pendant l a sécheresse que les eaux salées, s'approchant d e l a côte e t remontant avec l a marée plus haut clans les rivières, l a pêche e s t plus abondante e t plus facile. C e t t e saison est également l a plus favorable pour l a préparation d u poisson séché; malheureusement e l l e e s t aussi l a saison des défrichements e t il incombe sur e l l e une telle quantité d e travaux urgents q u ' i l est impossible d'y suffire à tout. I l n e saurait convenir à u n livre d'agriculture d'entrer dans des détails sur l a pêche d e mer. E l l e s e pratique à l a Guyane suivant des procédés analogues à ceux q u ' o n emploie partout ailleurs. L e poisson s e groupe là surtout o ù il trouve plus à manger e t o ù e n même temps l a clarté e t l e degré d e salure de l'eau conviennent à son tempéramment. I l y a des espèces qui n e redoutent nullement les eaux troubles et vaseuses, d'autres n'aiment que des eaux marines limpides. La saison


— 9 — du frai modifie les habitudes du poisson; elle arrive à la G u y a n e , j e crois, pendant la sécheresse et au premier r e t o u r des pluies. Les bancs de vase, plus ou moins rapprochés de la plage, sont l'habitation préférée de beaucoup de sortes de poissons. La pêche des rivières, non plus que la chasse, n'offre pas généralement de telles ressources qu'on puisse attendre d'elle d'importants résultats, et lui accorder utilement plus de temps que quelques moments de loisirs. Les Indiens, qui sont plus chasseurs et pêcheurs qu'agriculteurs, la pratiquent avec une perfection qui leur est p r o p r e , mais il n'est pas donné à d'autres de faire comme eux. Le fond de la plupart des rivières et des criques est le plus souvent trop creux, trop inégal, trop hérissé de troncs d'arbres envasés, ou dans le haut de leur cours de roches, pour qu'on puisse y pêcher au filet. L a pêche à la ligne donne ordinairement des produits faibles et incertains, et exige la plupart du temps des tournées de nuit. La pêche à la flèche n'est bien pratiquée que par les Indiens, qui ont le sens de la vue d'une sensibilité parfaite. La pêche à l'enivrage ou au poison se pratique avec assez de succès en été, époque où les eaux sont basses et où le poisson remonte dans les criques. On j e t t e dans les criques les plantes enivrantes cotnuses et pilées, on les mêle à l'eau, le poisson, subissant une action narcotique, vient flotter à la surface, et on le prend à la main. On se sert à cet effet de plusieurs plantes bien connues dans la colonie, le sinapou (tephrosia toxicaria), le conami (clibadium surinamense), le conami indien (euphorbia cotinoides et phyllanthus conami), la liane nicou (lonchocarpus nicou). On j e t t e en général le poison dans le haut des criques ; il se mêle à l'eau et coule avec elle ; on recueille le poisson enivré à l'embouchure de la crique ou sur son parcours. On peut encore profiter du sommeil du poisson pour le p r e n d r e la nuit au flambeau. Lorsque la sécheresse a fait baisser les eaux qui s'accumulent dans les parties déclives des savanes, on y trouve le poisson accumulé dans des creux et dans de petites flaques d'eau, et on le prend à la main sans difficulté.


— 10 — O n fait e n c o r e à c e t t e saison de b o n n e s p ê c h e s en

fermant

de petits cours d'eau p a r de petits b a r r a g e s de b a g u e t t e s et de pieux légers. A u t o u r des sauts et dans t o u t le h a u t dos r i v i è r e s , la p ê c h e est p l u s facile

L'eau

plus

claire e t m o i n s p r o f o n d e p e r m e t de v o i r le p o i s s o n ; le

fond

souvent

et plus a b o n d a n t e

égal,

sableux

surface, en aval

ou

que plus

graveleux

des rochers,

permet

bas.

sur une

assez

d e se s e r v i r

grande d'engins

qu'on ne saurait employer ailleurs. S u r la côte, dans les vases

marines,

on t r o u v e d e s c r a b e s

en a b o n d a n c e . P O I S S O N S

En mer

LES

P L U S

C O M M U N S

Machoiran blanc... Machoiran jaune... Vieille. Mulet. Raie. Requin. Marteau. G r o s yeux. Parassi.

DE

LA

GUYANE

silure. silure.

Bonite.

En mer au large D o r a d e .

P o i s s o n volant.

En rivière et étangs

Aimara. Moroco. Pacou. Piraïe. Patagaïe. Palica. A t i p a ou c u i r a s s i e r . A n g u i l l e t r e m b l a n t e (gymnote Carpe.

éleetrique).

NOTES Plantes

employées

dans différents

pays pour enivrer

le

poisson.

D i v e r s e s p l a n t e s de la famille des m é n i s p e r m a c é e s . N o t a m m e n t la coque d u levant, vulg. cocculus i n d i c u s . P l u s i e u r s e s p è c e s de l é g u m i n e u s e s . B a r b i e r a p o l y p h y l l a , t e p h r o s i a t o x i c a r i a , piscidia e r y t h r i n a , L o n c h o c a r p u s nicou, c a s s i a h i r s u t a . D e s p l a n t e s de familles diverses. C l i b a d i u m s u r i n a m e n s e , I c t y o t h e r e cunabi, Barringtonia, Jacquinia armillaris vulg. barbasco.

Cluny. — Imp.

DEMOULE.








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