Campagnes des Français à Saint-Domingue, et réfutation des reproches faits...

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Martinique


(23) editur, nisi Senatus consultis, ionibus principum

atque cons-

confirmatum.

s corps une fois autorisés, ne peuvent a c ir des b i e n s , par achat ni par dons , ni er leurs immeubles, sans l'autorisation du s Législatif. Quant à l'administration de iens , elle est réglée par des lois particuqu'il serait trop long de rapporter ici. T. 558. « Les chemins, routes et rues à charge de la nation , les fleuves et rivières vigables ou flottables , les rivages , lais et ais de la m e r , les ports , les havres , les des, et généralement toutes les portions

t

territoire national qui ne sont pas susibles d'une propriété p r i v é e , sont c o n ­

érées comme des dépendances du domaine blic. »

ns sa première rédaction, cet article semattribuer au domaine de l'Etat, tous les ns publics, rues et places publiques. O n va qu'il n'y avait dans ce domaine, que utes, rues et places entretenues aux d é iu trésor public ; que les chemins v i c i étaient des propriétés des c o m m u n e s , à mmunication desquelles ils servaient, et aient aussi à leur charge ; que les rues et aces étaient dans la même cathégorie , té celles qui servaient de grandes routes; elle était la jurisprudence du Conseil d ' E -


C A M P A G N E S DES

A

FRANCAIS

SAINT-DOMINGUE.



C A M P A G N E S DES FRANÇAIS A

S A I N T - D O M I N G U E ,

Réfutation

des reproches

Général

faits

au

ROCHAMBEAU

Capitaine;

Par Ph.-Albert de L A T T R E , Propriétaire, ex-Liquidateur des dépenses de la guerre à Saint-Domingue.

LES geant

faits s'altèrent et changent de face en chan­ de témoins. D'après

l'entreprise; mais combien

l'événement

on juge

de fois l'événement a

couronné l'imprudence et confondu l'habileté ! O n est quelquefois plus heureux que sage , quelquefois plus sage qu'heureux. Dans l'une et dans l'autre fortune , il est très-malaisé d'apprécier les hommes. BÉLISAIRE,

A

Ch.

X.

P A R I S ,

L O C A R D , Libraire, quai des Augiistins, N°. 31. CHEZ

ARTHUS-BERTRAND, AMAND

même quai, № . 35.

K Œ N I G , même quai, et à Strasbourg.

AN

xiii-1805.



TABLE

I.

DES

MATIÈRES.

INTRODUCTION.

P a g e 1.

I I . D e l'utilité de S a i n t - D o m i n g u e pour l a France.

5.

I I I . L ' A n g l e t e r r e considérée sous l e rapport territorial

e t c o m m e r c i a l ; sa politique

e t les crimes du cabinet S a i n t - J a m e s .

IV.

18.

D e s troubles révolutionnaires q u i o n t eu lieu entre les b l a n c s , p r é c é d e m m e n t à l a révolte des esclaves e t des s a n g - m é l é s

V.

VI.

VII.

libres.

37.

D e l a révolte des esclaves

47.

D e la révolte des mulâtres libres

55.

D e la conquête d e S a i n t - D o m i n g u e p a r l e capitaine-général

VIII.

LECLERC.

A v é n e m e n t du général

72.

RocHAMBEAU

au c o m m a n d e m e n t e n chef.

85.

I X . Reproches faits au capitaine-général R o chambeau. 93,


ij

X . Réfutation des reproches faits au capi­ taine-général Rochambeau.

Pag.

96.

X I . Résumé des campagnes des Français, jusqu'à frimaire an X H .

161.

X I I . De la conquête, ou du rétablissement de l'ordre à Saint-Domingue.

166.

X I I I . De la restauration. De la servitude du

sol. Les colons sont sans qualité pour exercer les droits politiques.

181.

X I V . Des moyens de rendre le commerce national en France. XV.

185.

D u sort avenir des cultivateurs de toute couleur à S a i n t - D o m i n g u e .

XVI.

190.

D e l'état politique des s a n g - m ê l é s anciens affranchis , e t de leurs descendans.

XVII. XVIII.

Dispositions générales.

201. 206.

D e s pertes qu'on a éprouvées à S a i n t Domingue

en n è g r e s , a n i m a u x , bâti—

m e n s , e t c . , e t des fonds nécessaires pour rétablir la culture.

XIX.

D e la dette arriérée des

211.

colons

envers

l e c o m m e r c e métropolitain.

XX.

D e l a cession faite à la France par l ' E s -

232.


pagne de l a partie de Saint-Domingue ( les c i n q h u i t i è m e de l'île ) , dites espa­ gnole.

XXI.

De

Pag.

la bande

homicide

des amis des

n o i r s , organisée par le cabinet de S a i n t J a m e s . Les quakers, les philanthropes

les nigrophiles

et

, forment une seule secte

en trois sections anti-sociales. La

culture

des denrées coloniales à

Cuba , colonie espagnole , est une suite de la politique assassine du cabinet d e S a i n t - J a m e s contre la France ; elle est un obstacle au rétablissement d e S a i n t Domiugue.

Fin

de

la

Table.

iij


E R R A T A .

Page. Ligne. 7 —

Consommatrices, lisez consommateurs.

6.

22 — 24. 32 —

Cabartiers , lisez cabaretiers. Prolonger , lisez prolongeant.

2.

39 — 22. 62 —

Noir que brun , lisez noire que brune.

1.

Et de leur oter, lisez et auxquels il falloit oter.

68 — 25.

Le plus féroce , lisez les plus féroces.

80 — 27. L'impossible, lisez l'impossibilité. 97 — 20. A la Tortue dont cette île en est peu éloignée , lisez à l'île de la Tortue qui en est peu éloi­ gnée. 120 — 10.

Concourrait, lisez concourrerait.

153—

12.

Blasphémoient, lisez blasphémèrent.

164—

a3.

Gens d'armes, lisez gendarmes.

166 —

2.

173 —

3.

L'avenue , lisez la venue. Qu'à produites, lisez produites par.

17G — 26.

Debeireau , lisez Desbureau.

133 —

Il n'y a pas un colon de Saint-Domingue qui ne

6.

connoisse , lisez tous les colons de Saint-Do­ mingue connoissent. 187 — 21. 210 —

5.

Et ses , lisez et de ses, Bompardapolis , lisez Bombardopolis.

352 — 19,

A plaine voile , lisez à plaines voiles.

224 —

Ni efficassemeut , lisez ni ne les a efficassement,

14.

201 — 25. 243 —

23.

Savanack, lisez Savannah. Apte , lisez aptes.

244 —

6.

Que le caractère naturel indolent, lisez que leur

255 —

4.

En 1790 , lisez en 1793.

1.

Et se fit déclarer, lisez et se fut déclaré.

caractère naturellement indolent. 259 284 —

15.

Lasseront-elle, lisez lasseront-elles,

284 — 23. Française, lisez françaises,


I N T R O D U C T I O N . DEPUIS un a n , l'opinion publique n'est pas encore fixée sur les causes de la dernière catastrophe de Saint-Domingue , tant il est vrai que les rapports portent l'empreinte d e considérations o u d ' a f f e c t i o n s particulières. Accuser un grand fouctionuaire, est t o u ­ jours une tâche pénible. Plusieurs personnes en ont eu le courage , en annonçant des faits graves qui ne sont pas prouvés, ou q u i , se trouvant dégagés des circonstances qui les ont

amenés

idée

, flétrissent

l'âme

et laissent u n e

défavorable : les rétablir avec i m p a r ­

tialité dans cette

c i r c o n s t a n c e , est é g a l e m e n t

p é n i b l e ; mais loin de moi de vouloir nuire à personne ! Il n'y a pas de doute que l'évacuation d a Saint- Domingue ne soit une grande calamité pour la France ; mais à bien apprécier les. rapports et le ton avec lequel ils se d é b i t e n t , on est autorisé à croire que tout le monde a t o r t , et que chacun redoute l'œil scrutateur du gouvernement. O n ne peut se dissimuler que le gouverne­ ment a é t é trompé dans ses espérances. SaintDomingue a été livrée au pillage : on y a

A


Introduction,

ij

méconnu les droits sacrés de la propriété (1). L'intérêt de l'état n'a pas été plus respecté ; la cupidité a entraîné beaucoup de personnes à s'écarter de leurs devoirs , ce qui a entravé tous les services , fait naître la confusion , perdre la confiance, obligé à payer fort cher les approvisionnemens, et amené la désorga­ nisation générale. Si les personnes qui ont parlé et écrit s'é­ taient, avant de prononcer affirmativement, éclairées des causes qui ont amené les mal­ heurs de Saint-Domingue

si elles eussent

surtout apprécié les scntimens des différentes castes; si, se dégageant des causes qui peuvent leur être personnelles ou de leurs affections intimes, elles eussent pesé avec justice le degré de confiance qu'on pouvait avoir dans les blancs,

les noirs et les jaunes

; si elles

eussent considéré que l'Angleterre veut l'in( 1 ) O n disait auх habitans q u ' o n spoliait , et qui s'en plaignaient : л C r o y e z - v o u s que nous »

sommes

v e n u s ici p o u r chrarger d'air. »

Le

capitaine-général Rochambeau

ménagé

q u e les

habitans.

Une

n'a

pas été

personne

qui

d e v a i t son a v a n c e m e n t , fut e m p r u n t e r en son

plus lui nom

cinquante m i l l e f r a n c s ; l e g é n é r a l en c h e f a y a n t é t é p r é v e n u , défendit compté

de Tien

prêter;

vingt-cinq mille francs.

mais on avait déjà


iij

Introduction. dépendance

générale

de toutes

les

colonies,

et qu'elle desire surtout que les nègres et les mulâtres règnent à Saint-Domingue; que c'est sur l'apathie cruautés

de ces hommes

et sur

leurs

envers les français, qu'elle fonde

son existance politique ; elles

eussent mis

plus de vérité dans la manifestation de leur opinion. Il y a de la déloyauté à prévenir le public contre le capitaine-général R o c h a m b e a u , lorsqu'étant dans les fers de l'implacable ennemi de la France, il ne peut se défendre. L e s vexations inouies que le ministère anglais lui fait

éprouver,

font l'éloge de c e général et

prouvent qu'il a fait son devoir à S a i n t - D o ­ m i n g u e . Il a témoigné

aux anglais

q u e devait inspirer à un h o m m e

le mépris d'honneur

leur atroce politique. L e capitaine-général L e c l e r c , en d e s c e n ­ dant au tombeau, couvert de gloire, a emporté avec lui la douce satisfaction d'avoir

fait

beaucoup d'ingrats. L e capitaine-général R o ­ chambeau a aussi pour lui d'en avoir fait b e a u ­ coup. L e s reproches qu'on fait au capitaine-général R o c h a m b e a u , se trouvant liés aux causes des malheurs de Saint-Domingue , il est indis­ pensable , avant de prouver que ces reproches sont controuvés , de démontrer :


Introduction.

iv

1°. L'utilité qu'était cette colonie pour la France ; 2 ° . Les motifs qui ont déterminé le cabinet de Saint-James, a faire révolter les nègres et les mulâtres, n'ayant pu faire adopter qu'à quelques habitués des villes, de se séparer de la mère-patrie ; 3 ° . Tracer sommairement ce qui s'est passé à Saint-Domingue depuis le c o m m e n c e m e n t de la révolution française ; 4 ° . Prouver enfin, que les mulâtres

sont

de caractère félon ; qu'ils voulaient envahir l'autorité souveraine , se déclarer

indépen-

d a n s ; qu'ils ont fait révolter les n è g r e s , et qu'ils ont concurremment égorgé les colons , incendié et dévasté leurs propriétés. On

terminera

cet

ouvrage, par

quelques

réflexions sur le régime qu'on croit qui c o n ­ vient à Saint-Domingue , considéré

d'après

l'état politique des colons , des cultivateurs et des

anciens

affranchis

- sangmêlé

,

dans

cette colonie , et sur les fonds nécessaires à sa restauration complète en huit années ( 1 ) . ( 1 ) O n o b t i e n d r a dès la s e c o n d e a n n é e un tiers d e la c o n s o m m a t i o n d e la sième,

m é t r o p o l e , m o i t i é la t r o i ­

et l a t o t a l i t é l a q u a t r i è m e .

La

cinquième

a n n é e on p o u r r a l i v r e r à l ' é t r a n g e r p o u r 60 m i l l i o n s d e d e n r é e s . ( V o y e z le t a b l e a u n ° .

5.)


CAMPAGNES DES FRANÇAIS A

S A I N T - D O M I N G U E .

De l'utilité de St.-Domingue EN

pour la F r a n c e .

1 7 7 5 , époque o ù , par la possession de

S a i n t - D o m i n g u e , le c o m m e r c e de la France était le plus florissant des deux mondes , les économistes assuraient qu'il était de l'intérêt d e l'état, de renoncer au commerce exclusif d e ses colonies. Ils basaient leurs argumens sur ce que les nations qui n'avaient pas d e colonies , ne payaient pas plus chères

les

denrées coloniales, que celles qui en étaient souveraines. Cette opinion était aussi para­ d o x e , que de soutenir que dans un empire o ù la population est de trente millions d'indivi­ dus , la pauvreté est préférable à la richesse. L e s économistes étaient aussi instruits sur les véritables intérêts de leur patrie, que ce d é ­ puté à l'Assemblée nationale, qui s'écria avec une bonhomie peu ordinaire : « H é ! messieurs, » pourquoi tant discuter sur ce qui se passe » à Saint-Domingue : c'est un morceau

de

» terre entouré d'eau. Si nous perdons nos A 3


(6)

» colonies, Orléans nous fournira du sucre. » Les économistes ne virent point que leur système était destructif de la prospérité p u ­ blique , et qu'ils suivaient celui que l ' A n g l e ­ terre tentait de faire adopter aux nations côtières du continent, afin d'être seule puis­ sance commerçante ; les économistes ne virent point qu'il était de la politique d e l'Angleterre de livrer les denrées coloniales à des prix modérés aux nations qui n'en possèdent point, pour les éloigner de l'idée d'avoir des colonies en souveraineté, et les détourner délever une marine. Le système des économistes devait amener en France une révolution désastreuse; la France devait être victime de leurs princi­ pes. Saint-Domingue a été livrée aux flammes; les colons ont été massacrés. Les

économistes

disaient

qu'on

pouvait

compenser les avantages que procurait SaintDomingue , en augmentant la culture et les manufactures

nationales : d'une

part,

on

eût augmenté les dépenses en matières p r e ­ mières , sans avoir l'assurance pour le d é ­ bouché des objets manufacturés; d'autre part, on

n'ignore

pas

que

dans tous

les pays

les demandes ne sont jamais qu'en rapport des consommations réelles , et qu'on ne crée pas des consommateurs à volonté.


( 7 ) Par la possession de S a i n t - D o m i n g u e , la France déjouait tous les projets de l'Angle­ terre , et

rendait le c o m m e r c e des anglais

difficile dans l ' I n d e , par le manque de numé­ raire. L'habitude que contractaient les nations consommatrices des denrées coloniales, en les recevant à des prix modérés, se constituait en un besoin de première nécessité, et les rendaient tributaires de la France. L e besoin est formé ; il sera de tous les temps. Il n'est d o n c plus question de prouver que les c o l o ­ nies à sucre sont d'utilité première. Il s'agit d e savoir si la France a intérêt à la conserva­ t i o n de sa souveraineté sur Saint-Domingue , e t au maintien

du commerce

exclusif

avec

cette colonie. Saint-Domingue est située au-delà du T r o ­ pique , et par les 19 degrés de latitude, entre les îles de Cuba,

de Jamaica

et

Porto-Rico.

O n la découvrit en décembre 1 4 9 2 , et on la nomma Hispaniola, fut c o n q u i s e , queya

île espagnole. Lorsqu'elle

on l'appelait Ayty

et

Quis-

( G r a n d e - T e r r e ) . Cette île a environ

160 lieues de long , 40 dans sa plus grande largeur, 25 aux endroits les plus étroits, et 45o de tour, y compris les ances. La variété des climats est surprenante ; au nord et au s u d , dans les plaines et dans les villes, la c h a -


( 8 ) leur serait insupportable sans les brises de terre et de mer. Dans les montagnes, le c l i ­ mat y est tempéré , et extrêmement froid en hiver dans les doubles montagnes,

quoiqu'il

n'y gêle point. La terre est prodigue de fruits délicieux , qui suffisaient

à l'existance

des

naturels du pays, et suffisent aux nègres et aux mulâtres. Elle est ouverte à la culture de toutes les productions dont l'Europe a contracté l'ha­ bitude, etrenferme dans sou sein des mines d'or abondantes. L e site en est superbe : « Des arbres » toujours verts, des fleurs qui naissent à côté » des fleurs mourantes , un air parfumé , des » odeurs vives et suaves qui s'exhalent

de

» tous les végétaux d'une terre aromatique, » allument le feu de la volupté dans les êtres » qui respirent la v i e ; enfin, des campagnes » chéries du c i e l , où tout invite de jouir en » paix, d'une vie qui semblait ne devoir s'a» bréger et se perdre que dans l'usage et » l'excès des plaisirs (1). » C'est dans cette île fortunée, que des hommes pervers ont porté le fer et la flamme, et détruit la plus belle et la plus

florissante

des colonies du nouveau

inonde. Des h o m m e s qu'on appelait esclaves

y

étaient heureux ; les anglais en ont fait des bêtes féroces. (1)

Histoire

Ph. des deux Indes.


(9) Les productions de Saint-Domingue f o r ­ maient annuellement un revenu de deux cent millions, argent de la colonie, ou 133 millions 333 mille 333 livres 6 sous 8 deniers tournois, que les négocians de France obtenaient en échange

des nègres et des cargaisons qu'ils

importaient dans la c o l o n i e , par 500 cents navires. (Vide le tableau n ° . 3 ) . Il a été c o n s ­ taté par le comité-colonial de l'assemblée na­ tionale, que le commerce de France a intro­ duit en 1788, à S a i n t - D o m i n g u e , pour 5 6 millions de livres tournois en c o m m e s t i b l e s , boissons , marchandises œuvrées, e t c . , à quoi il convient d'ajouter la valeur de 28 mille nègres, dont n'a pas fait mention ce c o m i t é ; lesquels au prix d'achat, à raison de 5 o o francs l ' u n , font 14 millions. — Vingt millions pour les frais de mise-dehors et de retour des 500 navires et leur dépérissement. L e total de la dépense du c o m m e r c e métropolitain, pour les ventes qu'il faisait dans la c o l o n i e , n e montait donc qu'à 90 millions tournois. L e bénéfice du c o m m e r c e , sur la vente de ses cargaisons, était de 43 millions 333 mille 333 livres 6 s. 8 den. tournois. Les denrées acquisesàSaint-DomingUe, par le c o m m e r c e

français, pour 200 millions

argent de la colonie, étaient vendues en France


(10) en gros, au m ê m e taux, liv. tournois, qu'elles avaient été achetées argent de la colonie ; c'est-à-dire que le café qui s'achetait à SaintDomingue vingt sous, argent de la c o l o n i e , se vendait en France vingt sous tournois. L e bénéfice du c o m m e r c e sur les retours, était donc de

66 millions 666

mille 666 livres

13 s. 4 den. tournois. L e bénéfice total des négocians - armateurs

de F r a n c e ,

était net

annuellement de n o millions de livres tour­ nois (1). Les droits que devait la

denrée,

s'acquittaient par deux millions de piastres à 5 liv. 5 s. l'une , faisant 10,550,000 liv. tour­ nois , que le c o m m e r c e métropolitain

trou­

vait dans ses bénéfices, en sus de celui déjà désigné (2). Il convient

encore d'ajouter à

( 1 ) O n dira p e u t - ê t r e que

l e s frais d e r e t o u r d e s

n a v i r e s n e sont p a s a s s e z é l e v é s ; e n l e s

augmen­

tant d'un q u a r t , c o n t r e t o u t e r a i s o n , l e b é n é f i c e d u c o m m e r c e se Il

n'y

a

ennemis

trouvera

q u e des

toujours

économistes

d e la F r a n c e ,

très-considérable. influencés

par

les

qui pourraient c h e r c h e r à

d i m i n u e r l ' i m p o r t a n c e d o n t était p o u r e l l e s o n c o m ­ m e r c e exclusif avec cette colonie. L a des v i l l e s m a n u f a c t u r i è r e s

magnificence

et m a r i t i m e s ,

démontre

cette v é r i t é j u s q u ' à l ' é v i d e n c e . (2) Ce faisoient les

numéraire provenait les

du

commerce

que

colons avec leurs voisins l i m i t r o p h e s ,

espagnols.


(11) cette enumeration de bénéfices, quatre m i l ­ lions, annuellement,decréances hypothéquées, pour solde des ventes des cargaisons, et pour lesquelles les capitaines obtenaient des

sen-

tences par corps. Les capitaines recevaient à c h a q u e retour qu'ils faisaient dans la c o l o n i e , un à compte sur leurs créances. D'après les reaux

recensemens

faits dans les b u ­

des douanes à Saint-Domingue, par

ordre de M. de Marbois, M. de Proisy,

intendant, et d e

qui a été chargé de l'interim,

les

récoltes de 1788 et 1789 paraissent être d'un quart de moins de ce qu'il vient d'être spéci­ fié. Cette différence provenait de ce que les banques

de

sucre

pesaient

généralement

2000 livres, et q u ' e l l e s n'étaient déclarées ques pour 1500 l i v . ; de

ce que les capitaines,

les officiers des navires , et les matelots, e m ­ barquaient par-dessus

bord,

c'est-à-dire

en

f r a u d e , leurs pacotilles, et souvent partie des cargaisons. L a

même

fraude

s'opérait

en

France à l'arrivée des navires : on chargeait de bord à bord des navires étrangers. Quant aux

denrées

qu'on descendait à t e r r e ,

parvenait facilement

on

dans les d o u a n e s , au

m o y e n d'une gratification, à faire diminuer considérablement les pesées réelles. Indépendamment des bénéfices que les n é -


( 1 2 ) gocïans obtenaient, les cultivateurs, manu­ facturiers, etc. de France, jouissaient d'un premier bénéfice, celui

de fabrique,

sur les

ventes qu'ils faisaient à 9 , 12, 15 et 18 mois aux négocians armateurs. Ce commerce sala­ riait plus de six millions d'hommes, répartis sur tous les points de l'empire; ce qui f o r m e ­ rait aujourd'hui le cinquième

de la popula­

tion, sans nuire à la culture; ils concouraient au contraire à sa prospérité et à celle

des

manufactures, par leurs consommations qui étaient proportionnées au fort salaire journa­ lier qu'ils obtenaient. Sans la possession de Saint D o m i n g u e , ils auraient pu être nuisibles à la société; la marine militaire eût été nulle. Ce c o m m e r c e exigeait quatorze

mille

mate­

lots constamment à la mer pour S a i n t - D o ­ mingue ; u n nombre égal occupés au cabotage des denrées coloniales, d'un port à un autre de l'empire, et des ports de France à l'étran­ g e r ; pareil nombre de matelots en repos à t e r r e , ou à la pêche pour la consommation de la colonie. En total, 56 mille matelots, q u i , au premier cri de guerre, étaient obligés de s e rendre à Brest, T o u l o n , R o c h e f o r t , etc. A c e nombre de marins, qu'on y joigne 20 mille charpentiers, calfats , voiliers, cordiers, etc., et on sera convaincu que la conservation d e


(13) la puissance maritime est étroitement liée à la possession de Saint-Domingue. Les bénéfices résultant du c o m m e r c e d'é­ change de la France avec Saint-Domingue ne se bornaient pas, pour la métropole, à ceux qu'obtenaient les

cultivateurs et les fabri­

quants : aux n o millions que prélevaient les négocians armateurs ; à l'avantage inappré­ ciable de satisfaire à la consommation i n t é ­ rieure en denrées coloniales, sans diminution d u numéraire en circulation ; au numéraire exporté annuellement de la colonie qui a u g ­ mentait la masse des richesses

métaliques

de la France ; l'exportation des denrées c o l o ­ niales à l'étranger, qui se trouvaient en sus d e ses besoins, enrichissaient encore la nation de 170 millions chaque année. Les matières premières que la France était obligée

de tirer annuellement de

l'étranger

pour ses manufactures ; les bois de construc­ tions , e t c . , e t c . , pour la marine militaire et la marine m a r c h a n d e ; les rentes que la France devait aux diverses nations , pour l'intérêt de ses e m p r u n t s , et ses dépenses

extérieures

relatives à la diplomatie , s'élevaient à cent trente millions. Les trois quarts des productions annuelles de S a i n t - D o m i n g u e , excédaient la c o n s o m -


(14)

mation intérieure, et étaient livrées aux étran­ gers au m ê m e prix qu'elles se vendaient pour la consommation de la F r a n c e , c e qui for­ mait un fonds de 150 millions. Les denrées et les objets manufacturés de France, que d e ­ mandaient les nations étrangères, montaient à 5o millions. L e total de l'exportation était de 200 millions tournois. La balance était de 7 0 millions en faveur des cultivateurs, des manufacturiers et des places maritimes. Si la France n'eût pas eu la possession de Saint-Domingue, elle eût été obligée de retirer de la circulation : - 1°. Cinquante millions pour achat de d e n ­ rées coloniales à l'étranger,

la Martinique

et la G o u a d e l o u p e , e t c . , n'en fournissant à la sur

consommation q u e pour

vingt

les

nécessaires alors à la

soixante-dix

millions

millions,

consommation intérieure. 2°. Quatre-vingt millions pour solder les matières premières , les rentes dues à l'étran­ ger et les dépenses extérieures de la d i p l o ­ matie. Les vins de F r a n c e , les objets m a n u ­ f a c t u r é s , e t c . , n'entraient que pour un quart dans le c o m m e r c e d'exportation, c'est-à-dire pour cinquante

millions.

Il résulte dé ce simple exposé, que la d é ­

pense pour les denrées coloniales étant obli-


( 1 5 ) gatoire, ainsi que celles en matières

pre­

mières, e t c . , e t c . , le gouvernement royal ne pouvait prolonger sa durée dès l'instant de la dévastation de Saint-Domingue. L a désorga­ nisation devait par l'exportation

s'opérer

en peu d ' a n n é e s ,

de France

du numéraire;

le démembrement s'en serait s u i v i , et l ' A n ­ gleterre eût été reconnue reine

des deux

mondes. Un génie réparateur, un h o m m e unique dans l'espèce h u m a i n e , à rendu à la France sa première gloire : la considération

dont

elle

doit jouir pour le bonheur de tous les peuples, et a

déjoué

les projets de la fière Albion. Il sera

impossible de récupérer les pertes qui sont résultées des

malheurs

de

Saint-Domingue.

La dévastation de cette colonie prive la France depuis quinze années , de deux milliards de numéraire ; l'incendie

de toutes

les habi­

tations et l'obligation de les r e l e v e r , présente aussi deux milliards de perte. Par la possession de Saint-Domingue, toutes les nations étaient tributaires de la France » et elle se trouvait propriétaire , de fait, pour plus de moitié de cent

quarante

millions

extraits annuellement des mines du Perrou et du M e x i q u e , que les espagnols et les portu­ gais offrent tous les ans à la convoitise des


( 1 6 )

nations commerçantes, et dont elles ne peu­ vent se passer pour activer leur industrie, et satisfaire aux besoins de leurs armées de terre et de mer. L'île de Saint-Domingue procurait, seule à la France, plus d'avantages que l'An­ gleterre et toutes les nations commerçantes n'en retiraient de leurs possessions réunies de l ' A s i e , de l'Afrique et de l'Amérique ( 1 ) .

( 1 ) Si dans l'ancien r é g i m e encouragé

la culture du

le g o u v e r n e m e n t eût

Nopal

ou

Raquette

é p i n e u s e , on eût o b t e n u à S a i n t - D o m i n g u e dantes

récoltes

d e c o c h e n i l l e s , d o n t la F r a n c e fait

une grande consommation.

M.

t r a n s p l a n t a cet insecte-punaise et l ' y

éleva.

culture,

il

non

d'abon­

Un

Thiéry

, botaniste ,

à Saint-Domingue ,

colon , en 1 7 8 8 , entreprit

réussit. L e

cette

gouvernement borna

c o u r a g e m e n t à. u n e gratification d e douze l o r s q u ' i l était du plus grand intérêt

l'en­

cents

livres,

d e n e rien m é ­

n a g e r p o u r a u g m e n t e r des r é c o l t e s d e première cessité,

nê~

qu'on p a y e c h è r e m e n t à l ' é t r a n g e r .

L e s p r o v i n c e s de T a s c a l a , Oaxaca,

Gatimala,

etc.

dans l e M e x i q u e , l i v r e n t a n n u e l l e m e n t à l ' E u r o p e , un

million

quinze La coltes

pesant

millions

cochenille sur

le

terrein aride,

moins

de

de

cochenilles ,

produit

Nopal

ou

se

des p l u s

vend

dans

abondantes

Raquette , cultivé

q u e sur un sol

d'accidens

qui

francs.

fécond. Elle

les expositions

sur

ré­ un

éprouve

agréablement

Dans


(17) Dans la lutte entre la France et l'Angleterre , le possesseur territorial et des richesses m é ­ talliques , sera victorieux. La guerre sur le continent Joseph

révolutionnerait

II

a ouvert

l'Autriche,

que

à la démagogie.

Ses

t e m p é r é e s , q u e dans c e l l e s où l e froid et l e c h a u d s e feraient trop sentir. Une

nopalerie

d e m i ) , peut

d'un

quarreau

r e n d r e cinq

( deux

arpens

et

cents livres p e s a n t d e

co­

c h e n i l l e s p a r an : d e u x n è g r e s suffisant p o u r l ' e n t r e ­ tien

d'une

culture

de cette

étendue.

récoltes par année. L a cochenille

Il

craint

y

a

les

trois vents

d ' e s t , l e s p l u i e s froides e t l a t r o p g r a u d e h u m i d i t é . Les

mexicains

cultivent le nopal

aux environ s

de

l e u r s d e m e u r e s : la plus g r a n d e n o p a l e r i e n'a j a m a i s p l u s d'un quarreau d ' é t e n d u e . O n p o u r r a i t , à Domingue,

avoir dans beaucoup

Saint-

d'habitations,

une

petite nopalerie. I l est d'un t r è s - g r a n d intérêt p o u r l a F r a n c e , q u e l e g o u v e r n e m e n t o b t i e n n e de celui d ' E s p a g n e , q u e l ­ ques

q u i n t a u x de cochenilles

fines

, pour

les m u l t i ­

plier à Saint-Domingue.

Le g i r o f l i e r

prospérait à S a i n t - D o m i n g u e dans

l e quartier de Jerémie:

en 1 7 8 9

l e t t e s de clous de girofle. culture augmente de

la

France

est

on y

fit

des

cueil­

— A l ' î l e d e F rance , c e t t e

annuellement. L a d'environ

mille

consommatiou quintaux

année.

B

par


(18) finances ne peuvent se rétablir que par la paix générale eu Europe. L'Angleterre ritorial,

sous le rapport

considérée commercial

crimes du cabinet

; sa politique

de

ter-

et les

Saint-James.

Les anglais, d'après la stérilité de leur s o l , sont marchands d'obligation : ils sont sur le globe l'homme crocodile. C o m m e cet animal, ils sont amphibies et voraces. Lorsqu'on les poursuit sur la t e r r e , ils fuyent c o m m e lui vers

l'eau, et y

acquièrent

une

férocité

d é c u p l e . Il faut aux anglais c o m m e au c r o C o d i l e , une pâture abondante ou qu'ils p é rissent. L ' A n g l e t e r r e n'a rien de son territoire à offrir a u x nations étrangères; toutes ont chez elles les mêmes objets. Les anglais n'ont dans l'exacte

vérité que l'industrie , que , sous le

rapport d u m a l , iis portent au plus haut degré; ce sont

des

chevaliers

d'industrie,

à qui

tous les m o y e n s sont bons pour assurer leur existance. Chez les a n g l a i s ,

l'orgueil

national

est une

conséquence

de leur misère : leurs hauts faits

maritimes n'ont

pas

o b l i g é s , pour

vivre, de se livrer à la piraterie,

une

autre

c a u s e ; ils sont


(19) En Angleterre, voler sur les grands chemins est un droit de l'homme. Les anglais sont enfin en opposition jusqu'avec la nature, qui a donné le pain à l'homme pour sa sub­ sistance. Le sol de l'Angleterre n'offrant que peu d e choses à ses habitans, ils se livrèrent dans les temps primitifs à la p ê c h e , aux manufactures et au cabotage. C'est aux anglais qu'on

doit

l'invention des mécaniques en tout genre. U n e population bornée, leurs besoins et le desir d e supplanter les français dans les marchés d e l'Europe , devaient les porter à ces d é c o u ­ vertes d'utilité. Le luxe de propreté pour

fut aussi

les anglais, dans leur p a u v r e t é , un

moyen de lucre. Ils en donnèrent le g o û t , et. obtinrent long-temps par leurs draps, e t c . , la préférence chez les nations m ê m e qui

ma­

nufacturaient plus que ne réclamait leur c o n ­ sommation.

Malgré

les

avantages que

les

anglais retiraient de leur industrie, c'était une ressource précaire, étant de l'intérêt de toutes les nations, de porter leurs manufactures à la m ê m e perfection. La découverte de l'Amérique donna aux anglais une nouvelle vie. L'Amérique conti­ nentale constituait l'Angleterre puissance ter­ ritoriale ; l'Inde

leur offrait le c o m m e r c e . B 2


(20) L'erreur fut leur g u i d e ; ils ne considérèrent que les avantages commerciaux, et suivirent leur instinct pour la cupidité ( 1 ) . Ils virent dans le commerce le m o j e n d'enchaîner tous les peuples , et d'établir la discorde entre eux. Ils ne se dissimulèrent point que leur existance reposerait toujours sur des futilités, et qu'elle dépendrait du caprice des c o n s o m m a ­ teurs étrangers ; mais ils espérèrent leurs suc­ cès , des moyens que leur offrait la perfidie. Pauvres en numéraire , parce que leurs objets manufacturés , qu'acceptaient les étrangers , ne balançaient point dans l'échange le prix des matières premières dont ils avaient besoin, ils créèrent un papier monnaie. Les puis­ sances continentales concoururent elles-mêmes

(1)

Les

premières

opérations

des

anglais

dans

l ' I n d e , furent dirigées a v e c u n e a p p a r e n c e d e b o n n e foi. E n p e u de t e m p s ils m a n i f e s t è r e n t l e u r s iniques p r o j e t s ; ils

s'organisèrent

en b a n d i t s , et p i l l è r e n t

sur t e r r e et sur m e r l e s I n d i e n s . A u r e n g z e b , e m p e ­ r e u r du

Mogol,

condamna

en

Child ,

1689

gou­

v e r n e u r de B o m b a y , et tous les anglais qui s e t r o u ­ vaient

clans l e

p a y s , à faire

amende

honorable

à

g e n o u x , la f a c e p r o s t e r n é e c o n t r e t e r r e et les m a i n s liées derrière

le d o s .

Ils

subirent

c e t t e p e i n e , et

p a y è r e n t d i x m i l l i o n s d e d o m m a g e s et intérêts.


(21) à donner du crédit à ce papier monnaie , qui servait aussi à payer les trahisons de leurs agens , et procurèrent par là aux anglais, le m o y e n de les tenir dans leur dépendance. L e crédit de ce papier monnaie s'est maintenu jusqu'à ce j o u r , quoique

la représentation

métallique fût chimérique , et non cautionnée par des propriétés foncières; sa garantie repose sur l'inclination naturelle du cabinet de SaintJames à commettre des crimes : il cessera d'avoirc ours lorsqu'on aura forcé l'Angleterre à respecter le droit des gens. Il n'a jamais existé en Angleterre moitié du numéraire que possède la France. En A n g l e ­ terre , la vaisselle plaqué

en

argent.

est en étain ou en métal En France , la surabon­

dance du numéraire a commandé qu'elle soit entièrement eu argent et en v e r m e i l , et a obligé au luxe des broderies en or et en argent pour les parures de toutes espèces. L ' h o m m e un peu aisé a une vaisselle plate; il y a peu de ménages en France qui n'aient quelques pièces d'argenterie , lorsqu'en Angleterre , au c o n ­ traire, il n'y a pour tous que des fourchettes de fer. L'Inde engloutit tout le numéraire que les anglais obtiennent par leur commerce en Europe. Les anglais, sans être effrayés de leur posiB

3


(22) tion

et après avoir apprécié toutes les c o n ­

séquences, agirent d'audace. La bonne f o i , boulevard sacré qui autorise à la sécurité, fut reconnue nuisible à leurs intérêts : elle fut remplacée par l'injustice, la perfidie , devant, dans

leurs

hauts

faits.

être la première

arme à employer contre la force qui leur manque. C'est par ces principes qu'ils i m a ­ ginèrent la course ; cette piraterie q u i , par imitation fait partie du droit des gens, fut mise en usage par la reine Elisabeth, c o m m e un apanage dépendant de la foiblesse. C'est la guerre des loups contre les moutons. Le cabinet de Saint-James, pour atteindre à ses fins, c o m m e n ç a par faire abjurer aux anglais la religion de leurs pères, parce qu'elle avait pour base l'amour du prochain, entre

tous les hommes. La religion

l'union anglicane

a cela d'avantageux au cabinet de Saint-James, qu'elle dispense crimes!

de

l'aveu auriculaire

Sa politique

des

anti-sociale le

conduit à faire étouffer les remords de la conscience

Que ne doit-on pas craindre

d'un tel gouvernement ! La France pouvant seule en imposer à l'impérieuse A l b i o n , les anglais virent en elle une ennemie dangereuse qu'il fallait affaiblir en paralysant sa force naturelle : ils f o m e n -


( 2 3 )

tèrent la discorde sur le continent ; susci­ tèrent des ennemis à la France, la livrèrent aux horreurs des guerres c i v i l e s , et à celles qui dérivent de l'opposition en opinions reli­ gieuses ; conduisirent Louis X I V à révoquer l'édit de Nantes,

et à faire adopter l'intolé-

rence pour principe d'état, ce qui a obligé à, l'émigration les manufacturiers, les artistes, les capitalistes, les négocians, les marins et les h o m m e s de lettres. Les anglais ne pouvant, par leur faiblesse, attaquer avec succès la France sur son terri­ toire, quoiqu'appuyés d'alliés puissans , ils le firent déloyalenient. L e règne de Louis X V , n a été qu'une suite de calamités commandées par la perfidie du cabinet de Saint-James. C e roi s'endormit sur le trône. Le c o m m e r c e de la France était r u i n é , et tous ses matelots étaient prisonniers en Angleterre, avant qu'on pût présumer la possibilité d'une déclaration de guerre. Il résultait de ces improvistes h o s ­ tilités, que les vaisseaux de guerre français devenaient des corps sans â m e . Les sacrifices dans les deux Indes, et les humiliations , étaient la conséquence de l'imprévoyance du gouver­ nement. Pondichéry fut prise et démentelée Une première fois, avant qu'on sût dans 1 Inde que la guerre existait entre la France et l ' A n -


(24) gleterre. En 1 7 6 1 , les anglais prirent cette place , et la démentelèrent de nouveau. Tous les établissemens français furent détruits ( 1 ) .

Pondichéry

(1)

et

l'île de France,

sont

la

pour

F r a n c e , dans l ' I n d e , d e u x p o s i t i o n s m i l i t a i r e s qui s e p r o t è g e n t r é c i p r o q u e m e n t . Pondichéry

est l ' e n t r e p ô t

naturel du c o m m e r c e q u e les F r a n ç a i s pourront faire dans l ' I n d e . Si l e s p l a c e s m a r i t i m e s v e u l e n t y mercer utilement,

com­

et y r e n d r e l e s anglais e n t i è r e ­

m e n t en h o r r e u r , c e n'est que p a r la probité , le bon ordre , la justice, prisant

envers

et en r e n o n ç a n t au ton léger l e s naturels

du

et

pays , qu'on y

mépar-

v i e n d r a . C e s p r i n c i p e s f o r m e n t l e s qualités d i s t i n c tives des

du v é r i t a b l e agens d'un

de base

n é g o c i a n t , et d o i v e n t être c e u x

g o u v e r n e m e n t , d o n t la l o y a u t é sert

à toutes

ses t r a n s a c t i o n s .

Le

cabinet

de

S a i n t - J a m e s n'a d ' a u t r e b u t q u e d ' e n c h a î n e r l ' i n d u s ­ trie c h e z tous l e s p e u p l e s : c e t t e atroce p o l i t i q u e e s t p o r t é e à son

c o m b l e . L e s s o u v e r a i n s de l ' I n d e font

des v œ u x pour l a c h u t e de l a p u i s s a n c e b r i t a n i q u e , et

desirent que les français y d e v i e n n e n t l e

centre

d e la haine g é n é r a l e c o n t r e l ' A n g l e t e r r e . Il n'est pas dans le c a r a c t è r e du français, d e faire l e commerce L'industrie individu

:

dans

l'Inde

est en il

d'outre-mer ;

se

par

compagnie

souveraine.

F r a n c e le p a t r i m o i n e d e c h a q u e livre

mais

il

facilement veut

voir

aux la

fin

entreprises de

chaque

s p é c u l a t i o n . C e s c o m p a g n i e s s o u v e r a i n e s ne p e u v e n t a v o i r de succès que c h e z les p e u p l e s qui n'ont

d'exis-


(25) La facilité avec laquelle la France réparait ses pertes, frappèrent les anglais de terreur. Ils ne se méprirent pas sur leur faiblesse, malgré l'apparence formidable de leur marine militaire : ils apprécièrent le peu qu'ils p o u ­ v a i e n t , et virent ce que la France pouvait déployer de f o r c e , pour faire retomber l'An­ gleterre au rang qui lui est fixé par la nature, tance

q u e p a r l e c o m m e r c e , et

auquel

le

sort

de

l ' é t a t est lié : l ' A n g l e t e r r e et l a H o l l a n d e . T o u t e s l e s vues

de

ces

deux

gouvernemens,

se

rapportent

d'obligation vers le c o m m e r c e : leurs combinaisons politiques

n'ont

quemment

d'autres b u t s , et s o n t c o n s é -

C'est d'après

peuples. le

pas

destructives

cabinet

de

du

commerce

des

autres

cette politique p e r f i d e , que

S a i n t - J a m e s à fait

dévaster

Saint-

D o m i n g u e , et l i v r é c e t t e c o l o n i e

aux n è g r e s . C ' e s t

par

1602,

ces m ê m e s

p r i n c i p e s , qu'en

la France triomphait tion

à laquelle ,

seule

être

de

celle

comparée ,

contre que

coali­

la r é v o l u t i o n

les

hollandais

tèrent infructueusement, parmis les déterminer

é p o q u e où

la p l u s f o r m i d a b l e

peut fomen­

les i n d i e n s ,

à s ' e m p a r e r d e Pondichéry,

pour

que

ces

d e r n i e r s n e p o u v a i e n t j a m a i s être contraints d e r e s ­ tituer.

La

prévoyance

peut

seule

prévenir

les

dangers. Pour

que

les

vues

du

gouvernement

• sur l'Inde soient p o l i t i q u e s , Pondichéry

français

et l'île de

France

d o i v e n t être m i s e s dans un état de d é f e n s e , et c o n s -


(26) et l'y maintenir, s i , à l'apathie de son gouver­ nement, succédait la prévoyance. Ils virent également que la prospérité de la France aug­ mentait annuellement par la culture des d e n ­ rées coloniales; que la balance générale du commerce de l'Europe était en sa faveur, et que s'il ne lui arrivait de nouvelles calamités commandées, elle posséderait avant un siècle tout le numéraire qui existe en E u r o p e , et serait la seule puissance en état d'entretenir des années de terre et de mer. Les anglais virent, d'autre p a r t , avec un sentiment de c r a i n t e , que leurs provinces d'Amérique

prenaient un accroissement de

population qui devait devenir dangereux, et les amener à s'insurger, que l'idée seule de leur force les rendaient indépendantes, et que c e nouveau

peuple,

tamment

garnies

sous le de

rapport d u

troupes

commerce

françaises,

pour

ne

rien c r a i n d r e d ' u n e attaque perfide d e s anglais p e n ­ d a n t la p a i x . toujours qu'on

C ' e s t en

étant en m e s u r e d e p o u v o i r

donner d e l'inquiétude à leurs

entravera

q u ' o n forcera

leurs

opérations

l'Angleterre

comptoirs ,

commerciales ;

à souscrire

à une

paix

p e r m a n e n t e , e t qu'on l ' o b l i g e r a de r e s p e c t e r l e droit des

gens. L e

c a p d e B o n n e - E s p é r a n c e , en la p o s ­

session d e s anglais , l ' E u r o p e serait e x c l u e du m e r c e de l'Inde.

com­


( 2 7 )

deviendrait un ennemi plus r e d o u ­

de l'Inde,

table que les français; qu'il pourrait fédérer avec les Antilles, q u i , par leur isolement et leur éloignement de l'Europe, sont naturelle­ m e n t placées sous sa protection , et qu'en résultat il ne resterait à l'Angleterre, que le regret d'avoir

contracté

une

dette

mons­

trueuse , et d'être en horreur à toutes les nations. Si les anglais eussent été mus par la raison, l a prospérité à laquelle s'élevaient leurs p r o ­ vinces d'Amérique, et surtout l'accroissement rapide de leur population, eût indiqué au cabinet de Saint-James, que pour être c o m ­ pris au rang des premières nations, et les tenir toutes dans leur dépendance pour les besoins

qu'elles

ont

contractés , il

fallait

transporter le trône de l'Angleterre en A m é ­ rique , au lieu de faire un arsenal de L o n d r e s , des soldats de ses artisans et de ses m a r ­ chands. L'Inde

eût reçu une protection plus

spéciale ; les Antilles commandées aussi par les besoins de première l'assurance

d'être

nécessité,

défendues

et par

efficacement ,

fussent devenues provinces anglaises ; le c o m ­ merce général appartenait alors aux anglais. Ils eussent donné la paix au m o n d e ,

pour

obtenir facilement le débit de leurs denrées, etc.


( 2 8 )

lorsqu'au contraire, le genre humain les a aujourd'hui en exécration. Quoique les

Etats-

Unis soient puissance territoriale, les

anglo-

américains

ont les mêmes principes que leur

ancienne mère-patrie : avec le temps ils d e ­ viendront redoutables. Leurs entreprises avenir prouveront que l'Europe n'aura fait de grands sacrifices pendant trois siècles, que pour les rendre maîtres, avec le nord,

du c o m m e r c e

Universel. Les anglais sévirent contre leurs provinces d'Amérique ; le gouvernement français sortit momentanément de son assoupissement. L ' A n ­ gleterre perdit le fruit de cent cinquante ans d'une astuce politique; la nouvelle

Angleterre

fut reconnue indépendante. Cette indépendance sapa de fond en comble la puissance britanique. Les anglais ramas­ sèrent les décombres, et les cimentèrent avec du sang. Ennemis implacables des français , ils ne gardèrent plus de mesures ; ils mirent leur caractère à découvert, et dès-lors on vit des cannibales blancs. Ils salarièrent dans les deux mondes des assassins et des incendiaires : ils leur servirent de guides dans l'intérieur d e la France et à Saint-Domingue; ils aiguisèrent la hache révolutionnaire et le couteau parri­ cide. L'Angleterre était au moment de voir


(29) réaliser ses plus chères espérances; la France allait être démembrée , Napoléon parut ! La réunion des provinces de la Belgique à la France augmente considérablement les moyens

territoriaux d'échanges,

en

même

temps qu'elle lui procure des matières premières q u i lui manquaient. Elle concoure à rendre sa prépondérance i m m u a b l e , et force le c a b i ­ n e t de Saint-James à respecter la France, dont les côtes décrivent un arc autour des rochers anglais. A la paix d ' A m i e n s , les enfans de Mars parurent à Saint-Domingue. Trois mois suf­ firent

pour y rétablir l'ordre : la culture fut

reprise; l e s habitations et les villes réédifiées. Cette étonnante conquête déçut les anglais de leur espoir; ils l'avaient cru impossible, o u au moins qu'il eût fallu un temps infini, et que pendant cette guerre domestique, ils eus­ sent fait seuls le c o m m e r c e . Les

anglais

E g y p t e ; ils et

maîtres

citadelles

avaient

croyaient

vu les y

les français en voir

encore ;

de l ' I n d e , sans le secours flottantes.

Ils se rappelaient

des que

toutes leurs escadres avaient été obligées de fuir devant celle du comte Dorvilliers c e vice-amiral pouvait, si ont eût voulu,

; que faire

ancrer ses vaisseaux dans tous les ports d'An-


( 3 0 ) gleterre. Ils avaient vu le bailli de

Suffren,

maître dans l ' I n d e , et à qui il ne manqua que des troupes de débarquement, pour les punir efficacement. Les anglais virent

enfin

que

la culture étant reprise à Saint-Domingue , le produit des mines du Perrou et du M e x i q u e , se trouvait de nouveau pour plus de moitié en la possession de la France ( 1 ) . En fallait-il davantage pour déterminer un peuple c o m ­ merçant, et qui ne peut exister que par le c o m m e r c e , à se porter à dévaster, au sein de la paix, les propriétés de sa rivale, et à établir dans cette colonie le régime des cannibales ? Saint-Domingue fut de nouveau , à l'instiga­ tion du cabinet de Saint-James, en proie à

(1)

I l est d e l ' i n t é r ê t d e t o u t e s l e s nations

merçantes , sous

que le

la d o m i n a t i o n

L e u r indépendance

P e r r o u et l e

Mexique

de

et

l'Espagne

du

n'a q u e p e u d e c h o s e s

péruviens

et

Portugal.

s e r a i t nuisible à l ' E u r o p e ; l ' e x ­ commandée.

portation d e l ' o r d e c e s p a y s , n e serait plus On

com­

restent

à

offrir en

a u x m e x i c a i n s , d'après

échange la n a t u r e

aux de

leurs b e s o i n s . C e u x des e s p a g n o l s et d e s p o r t u g a i s , assurent au c o n t r a i r e à l ' E u r o p e u n e a u g m e n t a t i o n annuelle de r i c h e s s e s m é t a l l i q u e s . L e

P e r r o u ou le

M e x i q u e , en la possession de l'Angleterre , riverait à j a m a i s l e s fers des p e u p l e s c o m m e r ç a n s ,


(31) toutes les horreurs d'une guerre domestique. Les massacres , pendant la première révolte des nègres et des mulâtres, ne furent que partiels : les anglais étant cette fois leurs auxiliaires, les colons furent égorgés sans dis­ tinction d'âge ni de sexe. Les anglais sont aux abois : ils fomentent eur le continent; mais c'est en vain qu'ils conservent l'espoir de replonger la France dans l'anarchie. Ils ont déclaré

ministériellement

à tous les gouvernemens, que faire révolter leurs sujets est un droit de la guerre. D i e u garde l'empereur ! L e cabinet de Saint-James se noye dans le c r i m e ; aucun frein ne peut l'arrêter. L'Angleterre n'aura jamais d'autres prin­ c i p e s ; ils sont inséparables de la foiblesse sur

laquelle repose sa puissance : elle sera

constamment déloyale. Faut-il que la France soit constamment victime ? La guerre actuelle est

la plus grande calamité qui ait jamais

frappé la nation anglaise , quoiqu'elle règne despotiquement sur toutes les mers. C'est par la persévérence dans le projet de d e s c e n t e , que la France vaincra cette ennemie du genre humain. L'heure de la vengeance sonnera dans u n e année ou dans une autre, si la France reste en mesure pour l'effectuer. L'inquiétude


(32) qu'éprouvent les anglais de la voir réaliser ; doit en prolonger leur anxiété , amener une révolution terrible dans l'empire britanique. L'Angleterre acceptera la paix , mais dans la seule vue de nuire plus efficacement : elle sait que les français d o n n e n t , sur la foi des traités, l'essor à leur industrie. Le c o m m e r c e de France serait ruiné et Saint - Domingue livrée aux flammes , avant d'avoir connais­ sance de la première hostilité, si on n'est pas toujours prêt, par des escadres tenant c o n s ­ tamment la m e r , à réprimer son audace ( 1 ) .

(1) On

le patriotisme

vante

que le g o u v e r n e m e n t prunts. D u

des anglais ,

parce

r e m p l i t avec facilité ses e m ­

p a t r i o t i s m e ! il n'y

en a p a s

en A n g l e ­

t e r r e . L ' a n g l a i s est m a r c h a n d égoïste ; son p a t r i o t i s m e est passé au c r e u s e t : c'est

affaire d e

c a l c u l . 11 y

en A n g l e t e r r e des f o r t u n e s c o l o s s a l e s en porte-feuilles mais

la

garantie

repose

sur l e s b r o u i l l a r d s

T a m i s e ; un coup de temps

peut

le g o u v e r n e m e n t qui doit.

les

de

a ; la

détruire. C'est

I l autorise l a p i r a t e r i e ;

m a i s il s ' e m p a r e du n u m é r a i r e : il le r e m p l a c e d a n s la c i r c u l a t i o n

par

des b i l l e t s . L a fortune

publique

est l i é e au sort du g o u v e r n e m e n t . Si l e s anglais n e s'empressaient

d e lui p r ê t e r , l e s

lières

perdues. Ils

sèdent

seraient de

fortunes

prêtent

réel , pour conserver

la

particu­

ce qu'ils

pos­

jouissance

des

créances i m a g i n a i r e s qu'ils ont sur l'état. C'est d o n c

Le


(33) L e cabinet de Saint-James, convaincu qu'à la paix tous les peuples s'adonneront au c o m ­ m e r c e , et qu'alors les bénéfices de l'Angle­ terre se trouvant b o r n é s , le

gouvernement

ne pourrait faire face aux intérêts de sa dette , il a cherché à démontrer aux anglais , par un écrit rendu public avec profusion , que leur existance politique ne peut se soutenir que par une guerre

avec la France.

perpétuelle

Cette déclaration est un appel de la part des anglais. La France doit être convaincue actuelle­ m e n t , que l'Angleterre ne cessera jamais de violer les traités, et que ses hostilités seront toujours à l'improviste. Il est de la gloire des français de répondre à cet appel , en s e c o n ­ dant

efficacement

le

gouvernement

toutes ses v u e s , pour

punir

ces

dans

ennemis

p a r intérêt , et n o n par p a t r i o t i s m e , q u ' i l s satisfont aux

d e m a n d e s de leur

dette

monstrueuse sous

accablée, aux

le

intérêts

mentant

sa

gouvernement. D'après laquelle

gouvernement et

aux

dette.

besoins Les

ne de

l'Angleterre peut

la est

faire

face

l'état , q u ' e n

aug­

ressources de

cet

empire

s o n t d a n s la piraterie , n e p o u v a n t p a r v e n i r à faire seul

le

commerce

de

l'Europe.

fixée , o u l ' E u r o p e sera dans ses f e r s .

Sa

durée

est


(34) du genre h u m a i n , et affranchir l'Europe de leurs fers. Sous le règne de Louis X V , l'impérieuse Albion a eu des commissaires à D u n k e r q u e , qui y ordonnèrent

jusqu'à la guerre d ' A m é ­

rique. O n ne doit s'attendre à une paix pétuelle,

per-

que lorsque l'aigle planera au-dessus

de la tour de Londres. Le régime tunisien

et algérien,

sous lequel

Saint-Domingue est asservie, est analogue aux intérêts de la Grande-Bretagne , pour y faire seule le c o m m e r c e , et exiger en Europe, un prix exhorbitant, des denrées coloniales. Sous ce r é g i m e , le produit de la culture ne peut qu'être modique , d'après l'apathie des nègres, et par les travaux réguliers et p e r manans qu'exige la culture des cannes

et la

fabrication du sucre. C'est à cette fin, que l'Angleterre a fait sur les hollandais, la c o n ­ quête de Surinam , qu'elle voudra conserver à la paix , pour satisfaire , par les denrées coloniales , aux demandes de l'Inde , en méraire,

nu-

et pour balancer autant que possible

les avantages que retirera la France de SaintDomingue. L a prospérité à laquelle s'élevait la culture du coton à Saint-Domingue, effrayait égale­ ment l'Angleterre par l'aliment qu'elle d o n -


(35) nait aux manufactures françaises et suisses ; le coton de Saint-Domingue, pour les fabri­ ques de toiles , dites coton , mousselines, etc. étant supérieur à celui du levant. Cette cul­ ture produisait, en 1789, de sept à huit mil­ lions pesant. Elle aurait doublé en peu d'an­ n é e s , et prodigieusement augmenté, lorsque les montagnes de la partie française se seraient trouvées entièrement déboisées. Si Saint-Domingue restait dans la dépen­ d a n c e des nègres, l'Egypte m ê m e , si la France l a possédait , n'offrirait qu'un faible

dédom­

magement. Combien ne faudrait-il pas

de

temps pour la rendre susceptible de présenter la

masse

des richesses

que peut produire

Saint-Domingue en peu d'années ; pour

y

obtenir une population laborieuse , garantir les habitans de la perte de la v u e , et des effets de la peste ? Combien ne faudrait-il pas y enfouir de millards ? En admettant

d'ail­

leurs , contre la vérité , la possibilité d'obtenir e n Egypte un grand succès dans un temps b r e f , quel serait en résultat l'avantage qu'en retirerait la France? Les Egyptiens peuvent se passer de tous les peuples; il n'y d o n c de c o m m e r c e d'échange

existerait

que pour peu

d'objets. C e serait un nouveau gouffre q u ' o n ouvrirait pour y jeter le numéraire qui existe

C2


( 3 6 )

en France, et enrichir ce pays pour accélérer son

indépendance. Il est de

l'intérêt

peuples du c o n t i n e n t , de laisser le

des

levant

dans l'abrutissement ; il est de leur intérêt que la Turquie d'Europe ne change pas de domination ; autrement c'est livrer tout

le

commerce à un peuple q u i , par sa double population,

serait

plus dangéreux que

les

anglais ; à un peuple qui possède presque e x ­ clusivement

toutes les matières

premières

pour la construction et l'armement des vais­ seaux. Que n'aurait-on pas à craindre de la Russie , si elle possédait la Turquie

d'Eu-

rope (1)? Elle ne cache pas ses projets

: elle

suit ceux de l'immortelle Catherine.

L'Egypte,

si la France la possédait, ne peut être consi­ dérée

que c o m m e

position militaire, pour

donner de l'inquiétude

aux anglais, et les

obliger à une paix permanente. Malte,

dans

leurs mains, serait très-préjudiciable au c o m ­ m e r c e de la France dans le levant.

Indépen­

damment des effets qui résulteraient par le fait de la marine militaire ennemie, la ville

( 1 ) Lorsque

M a h o m e t II s'empara de C o n s t a n t i ­

n o p l e , les T u r c s se fussent d é b o r d é s sur l ' I t a l i e , si l a division famille

n e s'était m i s e p a r m i

régnante.

les princes d e

la


de

(37) e t c . , serait

Marseille,

des

exposée à

frais onéreux de relâche et d'avitaillement, e t c . , etc. L e commerce de l'Inde , tout onéreux qu'il s o i t , serait préférable à celui de l'Egypte , par l'avantage qui résulterait pour la marine militaire , en formant des matelots dans ces voyages de long c o u r s , et par les

échanges

auxquels on c o m m e n c e d'accoutumer les i n ­ d i e n s . Le

commerce

ayec l'Egypte

q u ' u n e navigation de cabotage

n'offre

, et des a v a n ­

tages trop modiques , pour qu'ils puissent d é ­ terminer à faire le sacrifice de S a i n t - D o mingue. O n va tracer sommairement les accès de délire auxquels des français et des habitans d e cette infortunée colonie se sont livrés. Des

troubles

mingue, nègres

qui ont eu lieu à

précédemment et des

Saint-Do-

à la récolte

des

mulâtres.

La population générale de Saint-Domingue consistait en européens, sang-mêlés,

en africains,

La 1 . section, les blancs, r e

se subdivisait,

1°. en propriétaires; 2 ° . les facteurs liés

et en

ce qui forme trois sections.

du c o m m e r c e

domici-

de France et les m a r -


(38) chands; 3 ° . en petits blancs (1) ; 4°. les joueurs de profession et les intrigans, dont l'existance dépendait de la facilité plus ou moins grande dé faire des dupes. Quant aux gérans , rafineurs et é c o n o m e s , ils étaient les représentans des propriétaires. Les chirurgiens

étaient dans la même classe.

La 2 . section, les africains ou esclaves. m e

Cette section était un composé d'hommes de toute couleur, qui tous avaient une d é n o m i ­ nation

particulière : d'abord les nègres , et

ensuite les mulâtres, quarterons, métifs, et définitivement des blancs, puisqu'il y avait beaucoup de métives

esclaves.

Les grifs, les maraboux , etc. provenant de pères de couleur. La 3 . section , les sang-mêlés de descen­ dance d'affranchis : ils se distinguaient par génération. m e

1 . Génération. r e

— Un blanc avec une n é ­

gresse , produisaient un

(1)

Les

les p l a i n e s

ouvriers , les et

les

mulâtre.

colporteurs ,

parcourant

m o n t a g n e s ; les a u b e r g i s t e s , l e s

c a b a r t i e r s , les petits m a r c h a n d s , d o n n a n t en m ê m e temps à boire et à m a n g e r ; les pêcheurs , construc­ teurs d e c h a l o u p e s , l e s c a b r o u e t i e r s , e t c .


( 3 9 ) Moitié 2 .

blanc,

moitié

tresse , produisaient un Trois 3

m e

quart

. Idem.

blanc,

quarteron. et un quart

Sept huitièmes 4

noir.

- Un blanc avec une quarte­

ronne , produisaient un

m e

noir.

Idem. — Un blanc avec une m u l â ­

m e

métif.

blanc, et un huitième

noir.

. Idem. — Un blanc avec une métive ,

produisaient un blanc ( 1 ) . Les malheurs de Saint-Domingue, r e m o n ­ tent à plus d'un demi-siècle ; mais particu­ lièrement

depuis

la révolution

française,

époque où toutes les connaissances humaines se développèrent avec autant de célérité que d'énergie.

(1) Les sang-mêlés c h e , et p r o v e n u s par t i o n primitive

d'un

e n naissant

un cercle

q u i s'efface a v e c enfans.

Les

à la

blancs ,

d'un

nègre

de la génération

qui

blan­

cohabita­

négresse , ont des

ongles

,

renaît d a n s l e u r s provenus

de

avec

blan­

une

la

d e couleur p l u s

n e s'efface j a m a i s , à q u e l q u e

d e g r é de g é n é r a t i o n b l a n c h e dividu.

une

racine

m a i s qui

sang-mêlés

brun,

avec

noir

l'âge ,

c h e , o n t les parties que

d e s c e n d a n c e d e la

blanc

c o h a b i t a t i o n primitive

noir

p a r v e n u s à la c o u l e u r

que soit p a r v e n u

l'in­


(40) Des hommes éloquens , et fort en théorie , donnèrent en France l'essor à leur imagina­ tion ardente , et rapportèrent à la volonté du créateur de toute chose , ce qui n'était que la conséquence d'une fausse instruction , et d u défaut de connaissance sur l'utilité qui dérive du bien et du mal. Ils méconnurent l'intérêt de la nation ; ils ne virent que les colons ayant des esclaves à leur service, sans c o n ­ sidérer que les nègres étaient les hommes Roi,

et les colons (colonus),

du

les fermiers

de l'état. Des philosophes, des panégyristes

des novateurs

outrés,

de l'homme dans l'état de

pure nature, adoptèrent aveuglément le projet perfidement

émis par le cabinet de Saint-

James , l'abolition de la traite des. nègres et leur

affranchissement

dans les

Ils voulurent aussi que les affranchis égaux

,

colonies. fussent

en droit aux colons.

La manifestation de ces principes destruc­ tifs de la prospérité publique, porta le trouble dans la c o l o n i e , et indigna en France tous les h o m m e s

sensés , d'après

la conviction

qu'ils avaient, que cette liberté ne pouvait être accordée que progressivement. Les n i grophiles se rendirent par bataillons à SaintDomingue , et en peu de temps y opérèrent


(41) une désorganisation totale. Les esclaves et les affranchis s'insurgèrent le 2 3 août 1791. Les habitations furent incendiées ; les colons qui tombèrent

sous leurs

mains

furent

mas­

sacrés. Pendant l'année qui précéda cette révolte , des blancs s'étaient pareillement Les

du droit d'initiative

insurgés.

prétendirent

non-propriétaires

jouir

sur. tout ce qui a r a p ­

port au régime intérieur. Ils se constituèrent en clubs , et fraternisèrent avec les troupes. L a voix de la raison ne put se faire entendre: ils augmentèrent

d'audace et méconnurent

l'autorité du gouverneur-général, qui était la sauve-garde de tous. Ce c o m m e n c e m e n t d'a­ narchie ne put être réprimé , les agens du pouvoir-exécutif n'ayant pas de force à leur disposition. Les

habitués

des villes se f o r ­

mèrent en assemblées provinciales , et y a p ­ pelèrent des députés des paroisses. Ces h o m m e s

égarés par les perfides sug­

gestions des anglais, q u i , vers la fin de 1 7 8 9 , leur dirent : traîtreusement, de m ê m e qu'aux français à la côte de C o r o m a n d e l , et aux îles de F r a n c e , et de la Réunion « V o s bas» tilles sont renversées, l'arbre de la liberté » est mis à leur p l a c e ; vous n'êtes plus su» j e t s , vous êtes vos maîtres » ,

oublièrent


(42) que leur sûreté exigeait une soumission abso­ lue envers la m é t r o p o l e , quel que fût l'arbi­ traire qui pesât sur e u x , entraînèrent dans leur parti d'honnêtes citadins et des proprié­ taires. De leurs opinions délirantes, se sont formées les différentes factions connues sous la dénomination des crochus, pompons-blancs ces aréopages d députés qui générale.

des bossus,

des

C'est de

et des indépendans.

, que sortirent les

se constituèrent en

assemblée

La dénomination d'assemblée colo-

niale, que ces prétendus députés auraient dû au moins adopter, fut rejetée : elle eût e x ­ primé clairement la dépendance envers

la mère-patrie.

de la

colonie

L e premier décret de

ces députés, par lequel ils se constituèrent en assemblée générale , fut un acte de félonie au premier chef. Celui d u a8 mai 1 7 9 0 , fut un acte usurpatoire de l'autorité souveraine, sous le prétexte ridicule: « Q u e les droits de Saint» D o m i n g u e , pour avoir été long-temps m é » connus et o u b l i é s , n'en sont pas

moins

» demeurés dans toute leur intégrité (1) ».

(1)

C e t t e p r é t e n t i o n était e x t r a v a g a n t e .

fut le n o m b r e d e s

flibustiers

qui

s'étaient

Quel que emparé

d'une partie d e S a i n t - D o m i n g u e , n'étant pas a v o u é s , ils n'étaient p o u r le r o i d ' E s p a g n e q u e d e s

brigands


(43) Les étranges principes de cette assemblée , divisèrent de plus en plus les blancs, et mirent la discorde entre elle et l'assemblée ciale de la partie

du nord.

provin-

Les députés de

l'assemblée générale cherchèrent à se discul­ per en F r a n c e , et en donnèrent la mission à des personnes qu'ils appelaient leurs députés , quoiqu'ils eussent reconnu que leur nomina­ tion avait été faite clandestinement

; mais ils

avaient été admis à voter à l'assemblée natio­ nale. La grande majorité des propriétaires r é ­ sidant en F r a n c e , se refusa à toute réunion a v e c ces députés, et persista dans son o p i n i o n , que la colonie ne pouvait être régie que par des lois de p o l i c e , Saint-Domingue être considérée en état de siége,

devant

dans le temps

m ê m e de tranquillité, les nègres étant fois

vingt

plus nombreux que les blancs. La colonie

aurait eu besoin alors d'un c h e f du caractère du gouverneur Hugues , elle eût été sauvée. Toussaint adopta en l'an I X , les étranges prin­ cipes de cette assemblée générale : il

fit,

c o m m e elle voulut faire, une constitution à la léopardine,

rassemblés

q u i , en paraissant conserver à la

sur

son

domaine. C o m m e

çais , le territoire e n v a h i dès qu'ils furent a v o u é s ,

sujets

fran­

appartenait à l a F r a n c e ,


(44) France la souveraineté, subordonnait la nation à l'autorité qu'il usurpait. DESSALINES char­ gea , en l'an X I I , M . Billard,

habitant du

sud, de faire une constitution. Il en fit le pro­ jet; mais les bases lurent rejetées, parce qu'elles conservaient la souveraineté à la France. La révolte des nègres fut une suite de la suggestion des mulâtres, q u i ,

eux-mêmes

étaient, comme une portion des blancs, portés a la rébellion par les anglais. Lorsque les noirs et les jaunes se soulevèrent, le péril parut réunir les blancs : ils étaient assez nombreux pour forcer ces deux castes à l'obéissance ; mais ils ne sûrent pas s'entendre, ni se sou­ mettre à la discipline

que les circonstances

impérieuses commandaient. D'autre part, n'existait

pas un seul fusil,

ni un sabre

il

pistolet,

dans les arsenaux, et cependant

les mulâtres étaient let

pas un

de calibre.

armés de fusils

et

pisto-

On demanda six mille fusils

au gouverneur de la Jamaïque : trois

frégates

en apportèrent cinq cents; mais pas un h o m m e , qui était le secours dont avait le plus besoin le gouverneur-général, pour conserver la colonie à la France. Un mois après la révolte, toutes les paroisses souscrivirent aux volontés impératives des m u ­ lâtres. Des deux c ô t é s , la haine était à son


(45) c o m b l e , et impossibilité d'union entre l'as­ semblée générale et le

gouverneur-général.

L'assemblée provinciale du nord, mit à la dis­ position du gouverneur-général, la jeunesse de ce département, pour dissoudre par les armes l'assemblée générale, dont les principes consacraient

l'indépendance

de la colonie.

L'assemblée générale, ne pouvant se soutenir quoique appuyée dans l'ouest et le s u d , quatrev i n g t - n e u f députés s'embarquèrent le 8 août 1 7 9 1 , sur le vaisseau le Léopard. Leurs prin­ cipes furent improuvés par l'assemblée natio­ nale. Le 3o juillet précédent, le comte de Peynier,

gouverneur

de S a i n t - D o m i n g u e ,

avait, par sa proclamation , cassé cette assem­ blée , et déclaré ces députés et leurs adhérens, traîtres à la patrie, et criminels envers la nation et le roi. Ils restèrent connus sous la dénomination de faction

léopardine.

Louis X V I envoya à Saint-Domingue des commissaires pacificateurs. Le gouvernement directorial y en e n v o j a quelque temps après , pour proclamer la constitution française de l'an III. Les premiers commissaires, trop faibles en politique , pour le caractère dont ils étaient revêtus, aggravèrent le mal. Ceux qui leur s u c ­ cédèrent, ne consultèrent que leur volonté.


(46) Sonthonax proclama la liberté des nègres : il témoigna à Toussaint le regret de n être pas né de sa caste; il lui dit : « Je suis b l a n c , mais » j'ai l'âme d'un noir

» Toussaint lui

répondit : « Et moi je suis n o i r , et ai celle » d'un blanc. » Ce nigrophile, dont l'existance étonne, e t qu'on a condamné aux remords pour supplice, d o i t , s'il est h o m m e , être en horreur à l u i même. Il a été h o n n i , bafoué et méprisé par ces mêmes nègres , auxquels il avait inoculé son venin : ils l'ont contraint deux fois d e prendre la fuite. Il a été accusé par les m u ­ lâtres, de les avoir, dans sa première m i s s i o n , provoqué au massacre des blancs. L e général noir, Pierrot, était dans les principes que les mulâtres supposaient au commissaire

Son­

thonax. Le général Hédouville

succéda à Sonthonax;

mais que pouvait un sage administrateur, un guerrier estimé , n'étant pas entouré d'une force armée suffisante , pour contraindre à l'obéissance trois castes ennemies : il repassa en France, en déplorant le sort de Saint-Do­ mingue. L e général Hédouville,

à moins d'a-

voir une armée à ses ordres , n'eût jamais p u soumettre les nègres à l'obéissance , le g o u ­ verneur Laveaux ayant sanctionné leur révolte,


(47) en n o m m a n t , impolitiquementi cette époque, Toussaint lieutenant-général au gouverne­ ment , et en le proclamant, aux desirs de l'abbé R a j n a l , le Spartacus

( 1 ) de la colonie. D'autre

part, Sonthonax l'avait élevé à la dignité de gouverneur, et de général en chef. Les anglais qui avaient été appelés dans la colonie par les indépendans blancs et jaunes, le reconnurent pour CHEF SUPRÊME , malgré la présence d u général Hédouville dans la c o l o n i e , qui était l e représentant du gouvernement français. Toussaint réalisa le vœu de l'abbé R a y n a l , et celui du citoyen Mercier. Cet homme-tigre gouverna la colonie jusqu'à l'arrivée de l'ar­ m é e française, époque où il se déclara o u v e r ­ t e m e n t en révolte contre la France. De

la révolte

des

esclaves.

L a révolte des esclaves a été la suite des

( 1 ) Spartacus était u n v o l e u r d e g r a n d s c h e m i n s , qui fut c o n d a m n é à l'esclavage

l'an 681 d e R o m e ,

et 73 ans a v a n t l ' è r e c h r é t i e n n e ; il s e fit c h e f d e s e s c l a v e s , qui

firent

la g u e r r e

a u x R o m a i n s . I l se

r e n d i t m a î t r e d e s c a m p a g n e s : il qui é t a i e n t

commandées

défit

e t C l o d i u s G l a b e r ; m a i s i l fut défait Pompée.

les

troupes

p a r l e s préteurs V a t i n i u s par le grand


(48) suggestions. Le premier SpartacuS de SaintD o m i n g u e , était un nègre de nom anglais nommé Bouk-man

,

, qui n'a pas été c o n n u

appartenir à la colonie. Il était un envoyé des anglais, ou l'un des chefs des cent nègres

marons,

vingt-cinq

que le gouverneur-général

de Bellecombe avait reconnu indépendans. Jean-François , Biassou , Toussaint, s u c ­ cédèrent à ce brigand dans le commandement en chef. Toussaint! on n'a pu découvrir celui qui luiavait appris à lire et à écrire, ni comprendre comment M . Bayou de Libertas,

n'en

a eu

connaissance qu'après que cet esclave a su son

Raynal.

Jean-François fut fait lieutenant-général des armées du roi d'Espagne. Biassou et Toussaint furent élevés au grade de maréchal-de-camp. Les passe-ports que délivraient ces c h e f s brigands, avaient pour sceaux un cœur e n ­ flammé. La réunion des mulâtres libres a v e c les nègres esclaves, y était désignée par les lettres caractéristiques réunies M et N , et à côté pour l é g e n d e , le préjugé verge

de fer

vaincu;

l a

brisée ; vive le roi !

La révolte des esclaves, se manifesta le 23 août 1791, par des atrocités qu'on ne peut décrire sans frémir. Trois mois treize

jours après,


(49) a p r è s , ils reconnurent qu'ils avaient été i n ­ duits en erreur : ils adressèrent de leur quar­ tier-général de la Grande-Rivière, le 6 décembre de la même année, à

l'assemblée

coloniale,

la lettre dont est extrait ce qui suit : « De

grands malheurs ont

affligé

cette

» riche et importante colonie ; nous y avons » été enveloppés , et il ne nous reste plus rien » à dire pour notre justification. Un jour vous » n o u s rendrez toute la justice que mérite » notre position. La mère-patrie exige un r é » girne absolument distinct des colonies; mais » les sentimens de clémence et de bouté , qui » n e sont pas des l o i s , mais des affections du »

c œ u r , doivent franchir les m e r s , et nous

»

devons être compris dans l'amnistie g é n é -

» rale que le roi a prononcée pour tous indis»

tinctement. » Nous voyons par la loi du 28 septembre

» ( 1 7 9 1 ) , que l'assemblée nationale et le roi » vous accordent de prononcer définitivement » sur l'état des personnes non-libres , et l'état » politique des hommes de couleur.

Nous

» défendrons les décrets de l'assemblée natio» nale et les vôtres, revêtus de toutes les for» malités requises, jusqu'à la dernière goutte » d e notre sang. Une nombreuse population » qui se soumet avec confiance aux ordres du D


(50) » monarque

et du corps législatif, qu'elle

» investit de sa puissance, mérite assurément » des ménagemens. Il serait même intéressant » que vous déclariez, par un arrêté sanctionné » de M . le général, que votre intention est » de vous occuper du sort des esclaves; s a » chant qu'ils sont l'objet de votre sollicitude, » et le sachant de la part de leurs c h e f s , à » qui vous feriez

parvenir

ce travail,

ils s e -

» raient satisfaits , et cela faciliterait pour r e » mettre l'équilibre r o m p u , sans perte et e n » peu de temps. » Signé, JEAN-FRANÇOIS , général;

BIASSOU ,

maréchal de camp; DESPREZ, MANZEAU, TOUSSAINT et AUBERT , commissaires

ad

hoc ( 1 ) . Quoique les chefs des révoltés , manifes­ taient l'intention de se constituer

intermé-

diaires armés , entre l'assemblée coloniale et les nègres, la saine politique commandait d e profiter de leurs apparentes dispositions p a c i ­ fiques. L'assemblée coloniale ne se fût engagée

(1)

L e s nègres

avaient

parmi

e u x des

blancs,

p o u r c o n s e i l l e r s i n t i m e s , n o t a m m e n t plusieurs c u r é s . P h i l e m o n , etc. , quelques sang-mélés instruits.


(51) à aucun sacrifice, en déclarant que son inten­ tion était de s'occuper du sort

des esclaves.

L e s propriétaires avaient reconnu la nécessité d e l'améliorer. Sur toutes les habitations, d e ­ p u i s plus de vingt-cinq a n s , il y avait des esclaves des deux sexes et de tout â g e , qui jouissaient de la liberté dite de savane;

c'est-

à - d i r e , exempts de travail plusieurs jours de la s e m a i n e , et même indéfiniment. La politique c o m m a n d a i t aussi de capter les chefs nègres, p o u r les opposer aux mulâtres, et les obliger à respecter les décrets de l'assemblée natio­ nale , sanctionnés par le r o i , que çois

Jean-Fran-

et consorts promettaient de défendre j u s ­

q u ' à la dernière goutte de leur sang. Mais que pouvait-on espérer d'une assemblée qui était e l l e - m ê m e en révolte contre la mère-patrie 1 L'assemblée coloniale n'ignorait pas, c e p e n ­ d a n t , les

atrocités dont

sont capables

les

n è g r e s , lorsqu'ils sont induits en erreur. Elle aurait dû se rappeler l'époque de Macanda en 1 7 5 4 : les blancs

,

devaient périr par le p o i ­

s o n , ainsi que leurs nègres de confiance ( 1 ) .

(1) moins le

Un

jésuite ,

le complice

le

père

D u q u e n o i : il

était

d e s e m p o i s o n n e u r s , s'il

au

n'était

chef. Une

négresse

fut c o n v a i n c u e ,

au C a p ,

D 2

d avoir


(52) Les mulâtres

ne furent

pas compris

dans la

proscription.

empoisonné son maître : elle fut conduite à l'échafaud. Après la lecture de la sentence, on lui dit que si elle n'avouait pas ses complices , elle irait au Diable.

« Coumen

» si mo di

! s'écria-t-elle, bon per di moé ;

vérité,

» ma pa di li,

malé

malé

o guiab.

o guiab.

Vou

Zoté

di moé,

cordé;

mo

si velé

» ou ti bon Giu.» ( Comment ! le bon père me dit que si je dis la vérité, j'irai au diable. Vous me dites que si je ne dis pas la vérité, j'irai au diable. Accor­ dez-vous ; je veux aller avec le bon Dieu ) . Qu'on juge de la sensation que dut produire un tel aveu. La criminelle fut reconduite dans les pri­ sons : elle avoua ses crimes, nomma ses complices, et donna connaissance de tous les poisons et contre­ poisons. Elle eut grâce de la vie et une

piastre-gourde

(5 liv. 5 s . ) par jour, pour sa subsistance dans la prison. Macanda et ses complices furent

brûlés

vifs. Le père Duquenoi ne reparut plus, et les empois o n n e m e n s cessèrent dans la colonie. A la Martinique, en 1 7 6 6 , les empoisonnemens ravagèrent également cette colonie. A Saint-Domiugue , c'était un nègre esclave qui était le chef ap­ parent

des empoisonneurs. A la Martinique , ce

furent des hommes de couleur libres. Ces chefs étaient : Pain,

Nicolas,

Babo

, P a u l , et Mandave,

mulâtre libre; Boromée,

Les jésuites

tous nègres libres ;

métif libre.

ont. joui de toute la plénitude du


( 5 3 )

Après la mort de Louis X V I , le gouverne­ m e n t directorial envoya des commissaires à Saint-Domingue. A cette époque les révoltés, à l'imitation des moines du monastère

Ecs-

M i a z i n ( Trois-Eglises) en Perse ( 1 ) , avaient u n e grande confiance à Saint-Grégoire

l'illu-

m i n a t e u r : ils portaient son image en sautoir. C ' e s t sous

ce nom que la colonie a été rava­

g é e , et que les colons ont été égorgés. Les mulâtres Toussaint l'autel:

n'eurent pas de peine à déterminer à être le défenseur d u trône et de il leur servit pendant un temps de

plastron. Ils disposèrent de son autorité pour J'exécution de leur projet d'indépendance,

et

se rendre de plus en plus favorables l'Espagne e t l'Angleterre. Toussaint

écrivit le 28 août

1 7 9 3 , la lettre suivante aux commissaires de l a République: « Nous ne pouvons nous conformer à la » volonté de la nation,

vu que depuis que le

» m o n d e règne, nous n'avons exécuté que celle franc-arbitre , qu'ils soutenaient contre les molinistes , que Dieu a donné à l'homme pour faire le mal. (1) Le monastère Ecs-Miazin,

ou Trois-Eglises en

Perse , est situé à l'endroit où était le Paradis ter­ restre , à cinq lieues de d'Erivan.


( 5 4 ) » d'un roi. Nous avons perdu celui de France ; » mais nous

sommes

chéris de celui d ' E s -

» pagne, qui nous témoigne des récompenses , » et ne cesse de nous secourir. C o m m e c e l a , »

nous ne pouvons

»

missaires,

» un roi.

vous aurez

comtrôné

»

Toussaint prouver

vous reconnaître

que lorsque

se

rendit aux

sa foi à la religion

Gonaïves,

pour

chrétienne ( 1 ) .

(1) Les nègres sont extraordinairement supersti­ tieux , et adoptent facilement tout ce qu'on leur suggère à cet égard. La politique prescrit de n'au­ toriser à Saint-Domingue que le culte catholique, et de le faire

professer à tous les nègres.

Dans les possessions anglaises , les nègres y p r o ­ fessent, par simulacre , les différens rits en usage en Afrique , et enterrent avec les cérémonies de l e u r pays ; c e qui en fait des peuplades distinctes , les maintient dans les haînes qui existent à la côte de Guiné entre les diverses tributs, et les tient, à l'aide du rhum,

dans un état de fermentation dan­

gereuse. Presque tous les nègres domestiques lisent les gazettes : c'est une instruction perfidement don­ née par les anglais à leurs esclaves , qui dévoile suffisamment leur projet pour l'indépendance géné­ rale des colonies , et la liberté des nègres. Le roi de Dannemarck

a fixé à une époque très-prochaine,

la liberté générale des nègres soumis à sa domina­ tion aux Antilles.


(55) Après avoir c o m m u n i é , il monta à l'autel, prit un Christ, et se retournant vers les nègres qui étaient dans l'église, il leur dit : «

Zote

» coné

Blan

bon Giu;

cé li mo fé

zote voer.

» touyé li; t o u y é blan yo toute. » ( V o u s c o n ­ naissez le bon D i e u ; c'est lui que je vous fais v o i r . Les blanss l'ont tué; tué tous les b l a n c s ) . T o u s les blancs qui tombèrent sous leur m a i n , furent massacrés ou noyés. C'est Toussaint qui

mit les

noyades

en

vogue à Saint D o -

mingue. Lorsque la république accorda la paix à l'Espagne, Toussaint

se réunit avec ses troupes

aux français. Pour témoignage de sa fidélité, il fit égorger tous les espagnols qui se trouvaient

sous ses ordres. Sa politique le c o n ­

duisit à s'emparer des rênes du gouvernement, et par suite à l'indépendance , sous la protec­ t i o n des anglais. De

la révolte

des mulâtres

libres.

L e s différentes révoltes des mulâtres libres, p o u r assurer leur indépendance, ont été une suite des combinaisons politiques de l'Angle­ t e r r e , q u i , depuis plus d'un d e m i - s i è c l e , m a ­ nifeste hautement l'intention de rendre toutes les colonies indépendantes : son existance r e ­ posant sur le c o m m e r c e , et sa population


(56) bornée ne lui permettant pas d'en avoir en souveraineté, c'est-à-dire, peupler les c o l o ­ nies d'anglais ; c'est

dans ces vues que

le

cabinet de Saint-James inspira aux jésuites , dont il protégeait les principes parricides, d ' e n ­ vahir la, souveraineté dans le Paraguay

; de

faire usage à Saint-Domingue , contre ménager les sang mêlés libres, un

les

de leurs armes favorites ; mais d e

blancs,

peuple

des sujets

nouveau,

pour en faire

c o m m e ils s'étaient fait

au Paraguay , des peuplades

in-

diennes.

Les diverses révoltes auxquelles les m u ­ lâtres libres se sont livrés depuis quinze a n s , prouvent

jusqu'à

l'évidence qu'ils sont

de

caractère séditieux. La certitude en était m ê m e acquise pour ceux de la Guadeloupe,

depuis

environ soixante-dix a n s , et pour ceux de Saint-Domingue , depuis cinquante ans. La majeure partie des mulâtres libres, était il y

a cinquante a n s , incorporée avec

les

blancs dans les compagnies de milices. Par cet ordre de c h o s e s , il n'existait dans les m u ­ lâtres aucune force offensive à craindre. Cette force était fixée au besoin qu'on en a v a i t , c o m m e accessoire.

Leur réunion aux blancs

dans les compagnies de milices, doublait la force de ces derniers.


(57) On avait impolitiquement formé dans ces temps reculés, des compagnies de mulâtres libres, qui étaient commandées par des offi­ ciers pris dans leur caste. Ces officiers sangmêlés , apprécièrent ce que présenterait de force leur caste , armée et commandée par eux. Ils obligèrent, en conséquence, les sangm ê l é s , incorporés avec les b l a n c s ,

d'aban­

donner ces derniers, et de s'enrôler dans les compagnies de couleur. Ce mouvement séditieux était trop frap­ p a n t , pour qu'on se méprît sur la cause qui l'avait déterminé. Il fut ordonné que les c o m ­ pagnies

de mulâtres seraient

par des officiers blancs, sent être mises en

totalité

commandées

afin qu'elles ne p u s ­ ou partiellement en

a c t i o n , qu'avec connaissance des motifs qui y détermineraient. En

1 7 7 0 , les mulâtres étaient tellement

prononcés à Saint-Domingue, et reconnus dan­ gereux , que le procureur-général du conseil supérieur du Port-au-Prince, fut o b l i g é , par les devoirs de sa p l a c e , de fixer l'opinion du gouverneur-général, c o m t e de Nolivos, l a nécessité de conserver aux blancs la

sur supré-

matie sur les mulâtres, pour maintenir la f o r c e m o r a l e , qui depuis

deux siècles tenait les

esclaves dans l'obéissance.


(58) Depuis 1 7 8 9 , les mulâtres ont constamment été en révolte à Saint-Domingue ( r ) : ils ont été en révolte contre leurs pères.

O n en a

entendu qui se portaient mutuellement parricide. « Touyé papa moé, ma touyé

au

quena

» toué. » ( T u e mon père, je tuerai le t i e n ) . Ils ont été réunis aux mulâtres espagnols. Les colons qui tombaient dans les mains de ces assassins, furent par eux vendus

aux nègres

qui les égorgeaient sous leurs y e u x . Ils ont été en révolte contre l'assemblée nationale et le roi , en refusant d'obtempérer au décret d u 2 8 septembre, qui accordait aux assemblées coloniales de prononcer sur l'état des personnes non libres, et sur l'état politique des h o m m e s de couleur. Ils ont été trois fois en révolte contre les agens du directoire : ils ont fait arrêter le gouverneur Laveaux

et plusieurs

membres des premières autorités. Sonthonax a été o b l i g é , par le cri de sa conscience, d e proclamer que ses frères mulâtres étaient en révolte contre la mère-patrie ; qu'ils voulaient

( 1 ) Le nommé Ogé , quarteron, boucher au quar­ tier du Dondon , vint en France, où il fut

illuminé.

11 repassa dans la colonie, et fut chef de la pre­ mière révolte. Il s'était fait peindre en France, d é ­ coré de la croix de Saint-Louis.


( 5 9 ) se

rendre

indépendans

;

qu'ils

étaient des

assassins conduits aux crimes par des chefs

a t r o c e s : les deux Monville,

Rigaud,

Salomon,

Villate,

Lefranc

et

Duval, Pinchinat.

L e s mulâtres ont été en révolte contre saint,

Tous-

p o u r usurper la souveraineté dans

le

sud et l'ouest de la colonie. C e c h e f noir ayant d é c o u v e r t leur c o m p l o t , les poursuivît c o m m e d e s êtres d a n g e r e u x , et les contraignit d e fuir l e sol de la colonie : il ne conserva près de lui que

les chefs des mulâtres

qui lui étaient Lamarti-

e n t i è r e m e n t dévoués , n o t a m m e n t nière.

Ils se révolteront, par les m ê m e s p r i n ­

c i p e s , contre Dessalines

; s'ils se v o y e n t l e s

p l u s f a i b l e s , ils se réuniront à leurs

anciens

a l l i é s , les mulâtres e s p a g n o l s , et traîtreuse­ m e n t aux français. Il serait avantageux à la chose

publique,

d e les abandonner

à eux-

m ê m e s , contre Dessalines et C h r i s t o p h e . Après les premiers succès d e l'armée fran­ ç a i s e , les mulâtres se réunirent à nos t r o u p e s , d a n s l'espoir d e quelques chances

heureuses

à leurs projets. L e fléau qui a ravagé l'armée l e u r fut f a v o r a b l e ; l e s généraux et officiers mulâtres

se révoltèrent

le 22

a n X I , contre le capitaine-général

vendémiaire Leclerc.

Six mois a p r è s , la caste entière ayant e u l'as­ surance de la guerre avec l ' A n g l e t e r r e ,

elle


(60) se mit en révolte contre le

capitaine-général

Rochambeau. Les

mulâtres ont porté les esclaves à la

révolte: ils en ont fait l'aveu en l'an I V , dans plusieurs écrits. « Toussaint,

y disent-ils, eut

» pitié du projet insensé de réunir les » aux

noirs,

contre

les

» qu'ils se sont levés contre » qu'ils ont secondé » conquête

parce et

l'oppression,

les africains

de leur liberté.

blancs

mulâtres,

dans

la

»

Lorsqu'on a appelé ceux des mulâtres qui paraissaient ne pas être réunis aux révoltés, à prêter le serment

civique,

on inséra dans

ce serment de porter respect aux blancs. Cette clause étant une reconnaissance de dance

dépen-

envers les blancs , les mulâtres

s'y

refusèrent. L e refus que firent les mulâtres de respect

porter

à leurs pères , détruisit la force m o ­

rale, en même temps qu'il fit connaître le degré de leur orgueil et leur prétention, n o n seulement à l'égalité des droits, ver à la

mais à s'éle­

suprématie.

Les mulâtres s'apprécient de telle i m p o r ­ tance , qu'ils se croyent supérieurs à la classe des autres hommes. Serait-ce sous les rapports des forfaits qu'ils ont commis? Par leur i m ­ moralité, leurs cruautés envers leurs nègres ,


( 6 1 ) leur insociabilité et leur mépris envers leurs inférieurs ? Par leur caractère félon et leur lâcheté, lorsqu'il faut guerroyer au-dehors pour l'intérêt de la patrie ( 1 ) ? Et ce sont de tels hommes q u ' o n élève au nec

plus ultra ! En croyant faire l'éloge des

mulâtres, on n'a fait que les démasquer. U n de leurs défenseurs a écrit : « Les » lâtres peuvent, »

sans le secours

des

livrer la colonie à une puissance

mu-

blancs,

étrangère

;

» les blancs ne le peuvent pas sans le secours » des mulâtres. » C e défenseur, à qui la colonie doit particu­ lièrement les malheurs auxquels elle a été l i v r é e , n'a pas senti qu'au lieu de faire l'apo­ l o g i e des mulâtres, il les présentait c o m m e d e s h o m m e s sur la foi desquels on ne pouvait

(1)

Les mulâtres

ont

p r o u v é au s i é g e d e C a r t a -

g ê n e , e n 1 6 9 7 , qu'ils é t a i e n t l â c h e s . I l s ont p r o u v é à

Savannah ,

eu 1 7 7 9 ,

lors d e la

r i q u e , qu'ils n ' a v a i e n t p a s

guerre

d'Amé­

acquis plus d e c o u r a g e

p e n d a n t les q u a t r e - v i n g t s a n n é e s q u i se s o n t é c o u l é e s , durant Pans

ces

deux

le m ê m e

époques

humiliantes

pour

t e m p s , les q u a r t e r o n s et les

eux. métifs

p r é f é r è r e n t s u p p o r t e r l e s h u m i l i a t i o n s l e s plus d é ­ gradantes , pour

plutôt

que d e fournir

l'expédition de

Savannah.

un

seul h o m m e


(62)

c o m p t e r , qu'il convenait de surveiller et d e leur ôter les moyens de nuire. C'est au n o m de tels h o m m e s , que M . Id.... crie anathème et provoque la vindicte p u ­ blique. « Une faute funeste c o m m i s e , dit M.

Id...)

» a été le mécontentement dans lequel on a » jeté les mulâtres par tous les genres

de

» vexations. Ils s'élevaient dans le sud à plus » de huit mille hommes

(1), tous aguerris,

» entreprenans, nourrissant contre les nègres » une animosité égale à la fureur avec laquelle » ils avaient été traités; identifiés au salut d e » la colonie par d'immenses possessions (a)

(1) La population des mulâtres, hommes, femmes et enfans, n'était, en 1789, que de 30 mille individus. Toussaint en a fait périr les trois quarts. En l'an X I , et à l'époque dont parle Ml Id

, cette population.

était réduite à moins de 8 mille individus des deux sexes. Il existait donc alors , tout au plus , deux mille sang-mélés en état de porter les armes dans cette colonie. (2) Celles que possèdent les mulâtres , provien­ nent des blancs. qu'ils

livraient

vingtième.

L'immensité pour les productions au commerce , se réduisait

au

Dans les mains des blancs , ces posses­

sions, qui sont dans l'ouest et le sud, rendraient la quintuple.


( 6 3 ) » notre cause était la l e u r ( 1 ) . Eh b i e n ! qui » croirait que ces h o m m e s , dont l'union avec » nos troupes nous rendait invincibles ( 2 ) , » ont été placés par des mesures, hélas trop » rigoureuses, dans l'alternative affreuse » la rébellion

ou de la mort!

de

L'étendard de

» la révolte a été levé ; dans six semaines il » ne nous restait dans le sud ( 3 ) , que q u e l » ques bourgs. Voilà une vérité bien d o u l o u reuse ; en vain, j'ai voulu la renfermer dans » m o n âme : intérêts de ma patrie, vous m e » l'avez arrachée ! » Eh ! quels sont ces grands c o u p a b l e s , ou c e l u i qui a placé les mulâtres dans native

(1)

a f f r e u s e de la rebellion

Si

raison. pas

M.

Dans

l'alter-

ou de la mort ?

p a r l e des indépendans,

Id

il

l e c a s c o n t r a i r e , son affirmation

a

n'est

véridique.

( 2 ) L e s m u l â t r e s n e se s o n t réunis à n o s t r o u p e s , q u e lorsqu'ils ont reconnu tain ,

et

que

les

nègres

que le étaient

succès

était c e r ­

subjugués

par la

v a l e u r des F r a n ç a i s . L a m a j e u r e p a r t i e était h o r s d e la

colonie. (3)

Le

sud

a été

mandés

par des

régime

de

envahi

généraux

Toussaint,

par

des nègres

mulâtres ,

s'étaient

qui,

réfugiés

com­

sous à la

le Ja-


(64) C'est le secrêt de M . Id

;

ne désigner

aucun des généraux, c'est les inculper tous. Cette politique est très-adroite: O n

pourra

répondre à tous individuellement : ce pas

vous;

on

pourra

même

n'est

accuser

les

morts. Le prétendu coupable n'est cependant point mort. Les deux phrases suivantes déchirent le voile qui le couvre. « Envoyer à Saint-Domingue, dit M . Id..., » un chef à qui les localités seraient étran» gères , c'est lui préparer des écoles ; y faire » passer celui qui y aura marqué par ses v i o » lences, c'est tout gâter. » T o u t est énigmatique chez M . Id

, il

faut trop de pénétration d'esprit, pour d e v i ­ ner à qui se rapporte le pronom celui,

dans

la dernière phrase tortueuse de la citation. D e la franchise , M . Id

, nommez ce p r é ­

tendu coupable. a-t-il pu oublier

Comment M . Id

que dans tous les temps, les mulâtres ont été traîtres à la patrie ,

et assassins de leurs

pères, lui q u i , commissaire-ordonnateur pour la partie du sud, sous les ordres des généraux Kerverseaux

et Desfournaux,

l'an I V , c o m m e conspirateurs, Sonthonax,

les

a réclamé en au nom

de

chefs des mulâtres q u i , en fuyant


( 6 5 ) fuyant de la colonie , étaient tombés au p o u ­ voir des anglais, et que ces derniers ont r e ­ fusé de remettre. Qu'a l'arrivée de l'armée à S t . - D o m i n g u e , on ait considéré par clémence,

les crimes passés des

mulâtres, c o m m e étant dus aux circonstances du

temps où ils ont été c o m m i s ; qu'on les

ait considérés c o m m e

étant la suite d e la

manifestation des droits

de l'homme,

qui a

ébranlé toutes les nations de l'Europe ; q u ' e n ­ fin o n ait bien voulu oublier les projets des mulâtres , depuis soixante ans, et leurs diffé­ rentes révoltes, concedo.

Mais pouvait-on voir

d u m ê m e œ i l , la révolte de Clerveau Pétion

et d e

, contre le capitaine-général Leclerc

t

P o u v a i t - o n oublier qu'à l'époque de l'arrivée de l'armée, Lamartinière

fit

saisir beaucoup

d e blancs au Port-au-Prince; qu'il les c o n ­ duisit aux Verrettes,

o ù s'était tenue l'assem­

blée principale des mulâtres ( au c o m m e n c e ­ m e n t de la r é v o l u t i o n ) , dans laquelle ils v o ­ tèrent unanimement le refus pect

aux blancs;

de porter

res-

et que l à , Lamartinière fit

égorger tous ces blancs sans distinction d'âge ni d e sexe. Clerveau

et Pétion

étaient, en vendémiaire

an X I , et sont encore aujourd'hui, l'âme de leur caste. La levée en masse des m u l â t r e s , E


(66) contre le capitaine-général R o c h a m b e a u , était la suite de leur révolte contre son prédéces­ seur; la caste entière n'a différé durant six mois à prononcer ouvertement sa r e b e l l i o n , qu'afin d'avoir pour auxiliaires les anglais , leurs anciens alliés, dont ils connaissaient les dispositions hostiles contre la France. Dira-t-on aussi que c'est par suite des m e ­ sures , hélas ! trop rigoureuses,

que ces d e u x

chefs mulâtres et leurs officiers, se sont r é ­ voltés contre le capitaine-général Leclerc ? Ils étaient comblés d'honneurs et de richesses ; leur traitement

de solde et de table était

toujours acquitté de préférence. Le général Leclerc avait une prédilection pour Pétion

particulière

; il y avait quatre jours qu'il les

avait réunis en Un banquet splandide. veau et Pétion

recevaient ces

Cler-

témoignages

d'affections avec dédain. Ils disaient avec D e s ­ salines et Christophe : « Yo gagné p e u r . » ( ils ont peur ) . Toussaint avait également eu l'intention d e se révolter de nouveau. Dessalines, tophe,

Clerveau

et Pétion,

Chris-

non moins a m b i ­

tieux que leur ancien chef, le dénoncèrent pour s'emparer eux-mêmes de l'autorité. T o u s ­ saint fut embarqué pour France. Dessalines

remplissait les fonctions d'ins-


(67) pecteur-général des troupes de sa caste. Elles consistaient

en

treize

demi-brigades , qui

étaient incomplètes. Elles formaient alors une armée de sept mille

hommes.

Les deux tiers de ces troupes étaient r é ­ partis à une demi - lieue de la ville du Cap , sous les ordres de Christophe et de Clerveau , dans les bourgs de la Petite-Ance

et du

du Cap. Le troisième tiers était aux s o u s le commandement de

Haut-

Gonaïves

Pétion.

C e s généraux nègres et mulâtres réunirent l e u r s troupes. Ils renvoyèrent au capitainegénéral Leclerc,

quelques canonniers blancs

q u ' i l s avaient en leur disposition, et lui firent d i r e qu'ils lui donnaient cuer

la colonie.

Christophe

trois jours

pour

éva-

Lors de l'évacuation du C a p ,

et Clerveau ne voulaient également

a c c o r d e r que trois jours au capitaine-général Rochambeau. L a garnison du Cap consistait alors en cinq cents

hommes

de troupes de ligne, qui p o r ­

taient en eux le germe de la cruelle maladie q u i régnait depuis plusieurs m o i s , et en un pareil nombre de gardes nationales, organi­ sées le jour m ê m e . Le capitaine-général L e ­ c l e r c se mit à la tête d'une partie de la garni­ s o n et de toute la garde nationale; il fonça s u r les révoltés, et en fit un tel carnage, que E 2


(68) pendant environ un a n , leurs attaques ne furent plus que des incursions de bandits. Pendant les quatre premiers mois de l'an X I , les mulâtres machinèrent sourdement ; l ' a r ­ rivée de quelques renforts leur eu imposait ; ils ouaignaient que la guerre avec l'Angleterre n'eût pas lieu. D'après les avis qu'ils reçurent, ils augmentèrent d'audace avec le r e n o u v e l ­ lement de la saison qui , l'année p r é c é d e n t e , avait été si fatale à l'armée française. On eut connaissance en pluviôse an X I , que les mulâtres de l'Ouest et du Sud,

étaient

dans une rumeur qui annonçait des r é s o l u ­ tions d'autant plus violentes, que leurs propos manifestaient des vues hostiles. On appritqu'ils resserraient

leurs liaisons avec

par l'entremise de Clerveau,

Dessalines

que le capitaine-

général cherchait à réunir aux français. O n eut la certitude qu'il n'y avait plus de foi à faire sur le général de brigade Cangé, le commandant Ferou.

ni sur

O n apprit aussi q u e

l'intimité de ces chefs mulâtres avec les g é n é ­ raux nègres déjà désignés, et avec Mort,

Capoix-la-

autre c h e f nègre et l'un des h o m m e s

le plus féroce qu'ait produit l'Afrique , ten­ dait à expulser tous les blancs de la colonie. Ces mulâtres faisaient circuler

des lettres

qu'ils avaient reçues de l'étranger; ils t é m o i -


( 6 9 ) gnaient une joie indécente , de ce qu'on leur annonçait que la guerre avec l'Angleterre était certaine. C'est par eux qu'on en eut les p r e ­ miers avis. Ils l'annoncèrent deux mois avant q u ' o n n'en eût la certitude. Begon

, mulâtre

pêcheur , actuellement grand-amiral,

mani­

festait alors ses projets , par le nombre de barges

(1) qu'il faisait construire sur les côtes,

depuis la baye des Flamands jusqu'au

Port-

au-Prince et St.-Marc. Malgré tout c e qu'on avait à reprocher aux mulâtres depuis la révolte de Clerveau de Pétion,

et

le général en c h e f ne considérant

q u e l'intérêt de l'état , n'écoutant point les clabauderies des personnes qui tenaient encore aux

anciens préjugés

, suivit la marche poli­

tique de son prédécesseur, et leur continua les m ê m e s égards. Il assimila leurs femmes blanches

aux

dans les fêtes qu'il donna pour cal­

m e r le public , sur les craintes qu'inspirait la maladie qui décimait chaque jour

l'armée. Le

capitaine- général avait d'autant plus de raison d e tenir cette marche politique, que plusieurs fonctionnaires, des employés, et des personnes chargées de diverses services , avaient épousé

(1)

B a r g e s , p e t i t e s e m b a r q u a t i o n s p o n t é e s , por­

t a n t 25 à

30 hommes,

et a l l a n t à v o i l e et à r a m e s .


(70) des femmes de couleur et de couleur

mitigée,

nées dans les différentes colonies françaises. Il fallait cependant convaincre les mulâtres, qu'on avait connaissance de leurs menées e t de leurs perfides intentions. L e capitaine-gé­ néral Rochambeau, dont le caractère était p a r ­ faitement

connu

des

mulâtres

, puisqu'ils

avaient écrit en l'an I V , lors de son premier commandement à St.-Domingue , et p o u r faire son éloge : « qu'il était inflexible el n e » savait pas plier sous le joug

des

circons-

» tances , lorsqu'il s'agissait de l'honneur » , voulant leur prouver qu'en les assimilant

aux

blancs, il n'agissait pas d'après le sens que p r é ­ sentait leur expression « y o gagné peur»,

leur

donna un bal dans un salon tendu aux trois couleur , blanc , jaune

et noir , qui présentait

aux j e u x l'emblême d'une réunion

générale

des trois castes , mais qui dans son véritable sens, disait à la caste jaune

: choisissez

entre

les blancs et les noirs. Ils fuirent voyant leur trahison découverte. O n avait espéré qu'ils témoigneraient des regrets de leur conduite. Jusqu'à l'époque de ce bal emblématique

,

les mulâtres avaient été choiés , et tout leur avait prouvé de la part du g o u v e r n e m e n t , qu'il n ' y aurait plus de différence

entre

les

blancs et eux. D e s mulâtres avaient été a d -


(71) mis avec distinction, dans le militaire ; d'au­ tres étaient employés dans les bureaux des d i ­ verses administrations , suivant leur capacité. C'était pendant qu'on les naturalisait

de fait,

qu'ils s'acharnaient contre les français , lorsqu'ils auraient dû leur témoigner leur reconnaissance. La preuve de l'existence de la trahison des mulâtres était acquise depuis long-temps. On avait également la certitude que leur dissimu­ lation était à son terme. L'explosion se manir festa dès qu'ils furent certains de la guerre a v e c l'Angleterre. Sur ces entrefaites , les c i r constances commandèrent

de repousser un

rassemblement de nègres armés. Le Darbois

général

(1) c o m m a n d a aux gardes nationales

mulâtres , de se réunir à nos troupes. mandant Ferou

répondit : « Nous

Le

com­

sommes

» prêts à c o m b a t t r e , mais c'est contre les

( 1 ) C e général q u i , p a r les d e v o i r s d e sa p l a c e , a é t é o b l i g é , plus que tout a u t r e , de s é v i r c o n t r e mulâtres, chose

a été

victime

de son

p u b l i q u e . Il est m o r t

dévouement

prématurément

les à la

entre

l e s m a i n s des a n g l a i s . Il est certain q u e les m u l â t r e s ont demandé

aux

anglais cet o f f i c i e r - g é n é r a l , p o u r

l'offrir en h o l o c a u s t e a u x m â n e s de leurs justicies.

complices


» français. »

(72) Le général de brigade

Cangé

était également en rebellion ouverte. Alors il n'y eut plus à délibérer. Atteindre les factieux par tous les moyens possibles , était un devoir. La caste entière se trouvait hors de la loi.

En vendémiaire

an X I I

,

(1) , fut convaincu d'avoir soulevé les

Ar....

mulâtres de la partie du n o r d , et d'embaucher pour eux. Les exécutions furent de nécessité , en proportion de la nature des délits , ainsi qu'elles avaient déjà eu lieu en vendémiaire an X I , contre les agens complices et a d h é rans de Dessalines

et Christophe.

Si à cette

époque , le capitaine-général Leclerc

eût p u

sévir rigoureusement contre la caste jaune d'après

la révolte

Clerveau

et Pétion

des généraux

,

mulâtres

, les français n'eussent

pas été obligés d'évacuer la colonie. O n voit par tous les faits rapportés , qu'on n'a pas exercé de rigueurs

sans causes, contre

les mulâtres. Conquête

de Saint-Domingue taine-général

par

le

L e capitaine-général Leclerc effectua

(1)

Il d o i t l a v i e

général

Rochambeau.

à

la

capi-

Leclerc.

clémence

du

sans

capitaine-


auxiliaires

(73) , la conquête de St.-Domingue ;

avec une armée de quinze mille hommes qu'il avait en partant de France. Les nègres après avoir incendié les villes et les habitations , se réfugièrent dans les doubles montagnes. Ils y furent atteints de toute part. Ils mirent bas les armes à l'ar­ rivée des premiers renforts. L e s fatigues de la m e r qu'avait éprouvées l ' a r m é e , mirent des malades à l'hôpital dans l e s premiers instans du débarquement. L'attaque trop valeureuse du

Morne-à-Pier-

rot , o ù le capitaine-général Leclerc

, et tous

l e s généraux sous ses ordres furent b l e s s é s , e n l e v a plus de douze cents hommes à l'armée. C e t t e perte fut une suite du défaut de connais­ s a n c e des localités , et de la manière dont se battent les nègres. L'attaque se fit avec trop p e u de troupes ( 1 ) . En ajoutant à cette énumération d'hommes tués et de malades repartis dans les hôpitaux, c e u x que le capitaine général Leclerc

(1)

a été

S i l e n o m b r e d e s t r o u p e s eût é t é a s s e z c o n s i ­

d é r a b l e p o u r c e r n e r e n t i è r e m e n t le M o r n e - à - P i e r r o t , l a c a m p a g n e e û t é t é t e r m i n é e a l o r s , et a v e c m o i n s d e p e r t e q u ' o n n ' e n é p r o u v a dans c e t t e a t t a q u e . D e s sa­ l i n e s et l e s autres chefs n ' e x i s t e r a i e n t p l u s .


(74) dans l'obligation de mettre en garnison d a n s les places qu'il enlevait , on trouvera que c e général

a f a i t , avec dix mille

hommes

de

troupes

de ligne , une guerre

offensive

et

vaincu des ennemis sanguinaires , aguerris e t habitués à la rapine , par dix années de g u e r r e de révoltés contre révoltés. Les nègres étaient à cette époque organisés, et dans toute la force

de leur enthousiasme

séditieux. I l s

étaient fortifiés dans l'intérieur; ils possédaient une artillerie considérable, des munitions d e guerre de toutes espèces , et plus de v i n g t millions dans leurs caisses militaires,

non

compris les richesses métalliques que p o s s é ­ daient leurs généraux. L'armée française formait une réunion d e braves. Ils devaient vaincre, quelqu'opposition que les nègres eussent présenté par leur n o m ­ bre. L'armée fut victorieuse; en trois mois la colonie fut pacifiée et réorganisée. Les

mulâtres

se montrèrent lorsque les

troupes françaises eurent fait plier e t fuir les nègres de toutes parts. Les uns arrivèrent des diverses Antilles, où Toussaint les avait forcés de fuire. Plusieurs de ceux réfugiés à la J a ­ m a ï q u e , demandèrent à rentrer. D e ce n o m b r e était Férou

et Cangé.

L e capitaine-général

leur envoya une frégate, qui les ramena d a n s


( 7 5 ) la colonie. Les autres étaient dans la stupeur, et cachés dans le

sud.

Après la campagne terminée, l'armée fran­ çaise fut mise en garnison dans les villes, q u i , p o u r les européens, sont des cimetières.

L'ar­

m é e des nègres campa avantageusement. L e s esclaves reprirent leurs travaux

jour­

n a l i e r s . Les villes (1) et les habitations incen­ d i é e s furent réédifiées. L a tranquillité apparente des nègres rendit a v e u g l e sur leurs moyens faciles de révolte.

( 1 ) S i , au lieu de réédifier le Cap , on eût jeté les fondemens de la ville capitale à la Petite ance , ainsi maître

que tout le commandait,

on serait encore

de toute la partie du nord. Les troupes fran­

çaises sont invincibles dans la plaine. Les vivres de terre eussent été assurés ; l'entrée de la baye se fût trouvée interdite à l'ennemi, en élevant une bat­ terie sur LES

RESSIFS , le fort

Picolet

n'offrant que

peu de défense. Un bras de la rivière du haut du Cap , eût traversé la nouvelle ville. La reconnais­ sance des colons l'eût nommée Napoléon.

Tout con-

court à la Petite-Ance pour y bâtir une ville du premier ordre, et la plus belle, en formant dans chaque rue des avenues d'arbres , avec des trotoirs couverts, attenant aux maisons. Quant aux maré­ cages , ils eussent disparu par suite des traveaux que la défense de la place eût nécessités.


( 7 6 )

La fortune abandonna les français, dès q u e l'armée fut mise en garnison dans les villes. Les troupes furent atteintes de maladies

in-

( 1 ) . Celles qui arrivèrent

de

(1) Maladies inflammatoires. — Les mortalités

ont

flammatoires

été si multipliées , qu'il a fallu chercher à donner un nom à la maladie. Le fléau a existé ; la dénomi­ nation de la maladie est restée incertaine. Maladie Siam. — Fièvre

des Barbades.

Depuis l'établissement

— Fièvre jaune

,

de

etc.

de la colonie, tous

les

européens , en arrivant et en séjournant dans les villes, ont payé un prompt tribut au climat. Toutes les maladies sont inflammatoires.

On n'y connaissait

pas la fièvre jaune.

Avant la révolution, les maladies étaient traitées à St.-Domingue, d'après les

connaissances-pratiques.

On sauvait beaucoup de malades; des bains, des saignées

à propos

( les malades sont presque tou­

jours épuisés par les jouissances qu'ils ont prises avec les femmes de couleur , lorsque la maladie se d é ­ c l a r e ) , l'émétique en grand lavage, avec quelques grains de tartre solube ; des tisanes un peu aci­ dulées, des limonades d'oranges de bois ou amères; quelques purgatifs doux ; mais plus que tout, des soins et des attentions recherchés. ( Les femmes de couleur excélaient en ce genre de service ) . Un bon coucher, une grande propreté sur les malades et autour d'eux. ( Le pays fournit abondamment des plantes émoliantes, etc. même la salse-pareills

et


(77) F r a n c e , furent frappées de la crainte de la m o r t , et perdirent toute la confiance qui avait

l a squine,

q u i , à la d o s e d'un quart d e p l u s , p r o d u i t

s u r l e m a l a d e le m ê m e effet que l a m e i l l e u r e

qu'on

a p p o r t e dans l a c o l o n i e ) . L a v e u v e C o t i n , m u l â t r e s s e , qui était a p p e l é e l a b i e n f a i t r i c e du g e n r e h u m a i n , guérissait la m a l a d i e de

S i a m , en faisant

trois verres de vin jaune

p r e n d r e à ses m a l a d e s ,

dans

rouge , une noix m u s c a d e et un

d'oeuf b i e n cuits sous l e s c e n d r e s

et

m i s en

p o u d r e , c e qui produisait d e grandes t r a n s p i r a t i o n s , et

sauvait les m a l a d e s . On

a publié

qu'il y a e u d e nos s o l d a t s qui

é t é a t t e i n t s d e pustules

pianiques.

ont

Il est p r o u v é

par

d e u x s i è c l e s d ' e x p é r i e n c e s , q u e les b l a n c s ne g a g n e n t pas les

le

par

pian

mulâtres

la c o h a b i t a t i o n a v e c l e s n é g r e s s e s .

en

sont

exempts ,

et

beaucoup

n è g r e s c r é o l e s . C ' e s t d o n c e n c o r e un é v é n e m e n t e x ­ traordinaire. Durant nos

les d i x a n n é e s d e l a r é v o l u t i o n française ,

t r o u p e s o n t c o n t i n u e l l e m e n t é t é garnies d e

e t de v é r o l e , p r i s e s e n I t a l i e ,

s o n t pas bénignes. Est-il étonnant, s i d è r e que

ces maladies

n'ont

gale

où ces m a l a d i e s lorsqu'on

été que

ne

con­

palliées en

E u r o p e , p a r la faute d e s m a l a d e s , q u e l a c o m p l i ­ c a t i o n d e ces m a u x réunis à la m a l a d i e du p a y s , a i t p r o d u i t a u t a n t d e m o r t a l i t é s ! I l n ' y a pas eu de m a ­ ladies

épidémiques

à

années X , X I et X I I .

Saint-Domingue , D a n s t o u t e s les

dans

les

maladies à


(78) été l'âme des premiers succès de l'armée. Si les troupes eussent été maintenues en

activité

Saint-Domingue, l'objet principal est de rétablir les transpirations. On a également publié que les hôpitaux étaient mal situés, mal distribués, encombrés de toutes sortes de malades et dénués

de tout;

que le tafia

nouveau est un poison; qu'il faut habiller les troupes en drap, et qu'elles furent incommodées dans les caféteries par les chiques. Les mortalités sont provenues de ce que les hôpi­ taux étaient dans les villes ; il y en avait de bien situés et de bien distribués. Comment les hôpitaux n'eussent-ils pas été encombrés, et manquant de fournitures , lorsque presque toute l'armée était à l'hôpital. L'encombrement dans les hôpitaux rend toutes les maladies mortelles , et prive les malades des soins qui leur sont dus. Dénués de tout, ne présente aucune exception. Qui veut trop prouver ne prouve rien. En 1787, 1788 et 1 7 8 9 , qui sont les années où la colonie a été la plus florissante, et qu'il y arrivait de France et des Etats-Unis plus de six cents n a ­ vires du commerce par année , la journée de malade pour officier, était de 11 liv. 14 s. tournois, écus ; celle du soldat et du marin, 3 liv. 18 s. Il est constant qu'il a existé en l'an X , pendant l ' e x e r c i c e de la régie,

la plus grande abondance; les

malades avaient, dans quelques hôpitaux, un e x -


( 7 9 ) d a n s les mornes, pour le séjour desquelles elles étaient acclimatées en débarquant, elles se

cessif apétit, lafaim canine. On ne citera pour preuve qu'un exemple. Il résulte des étals de l'économe Gramont, et des relevés de visites qu'il a produits pour véridiques , que sur quatre cents malades qu'il y a eu constam­ m e n t pendant trois mois à l'hôpital des Pères , au Cap , il y en avait trois cents journellement à portion entière.

Ce qui est plus extraordinaire, trois cents

malades à portion

entière,

fous les soirs.

ces relevés portent aussi double légers

Ces états et

portions d'alimens

en ris au lait et pruneaux, malin et soir, en sus

d e la portion entière, et à tous les malades sans exception ; indépendamment encore de mille

œufs à

soixante-cinq

25 centimes pièce, qui se sont trouvés

c o n s o m m é s en trois mois , et à une époque où les habitans ne pouvaient souvent pas s'en procurer. Plus,

six mille francs de confitures. Portion entière

e n v i n , matin et soir, à tous les malades. D'après l'ordre du ministre de la guerre , le vin excédant la quotité de la prescription d'alimens , aurait dû être délivré par la pharmacie. Toutes ces pièces sont dé­ posées au bureau de la marine. Il y a donc eu abondance dans les hôpitaux en l'an X , puisque l'agent-général et les gardes-magasinsgénéraux ont fourni à la consommation , pour

le

gouvernement, sur la demande des économes. On doit à la vérité de dire qu'il résulte des cahiers de


( 8 0 )

fussent conservées en santé, elles en eussent imposé aux nègres ; la réunion des forces eût

visites

qu'on a p u s e p r o c u r e r , q u e l e s officiers

santé en c h e f

ont fixé l e s

prescriptions

avec

de pru­

d e n c e et s a g e s s e ; m a i s l e s états et l e s r e l e v é s n e s o n t pas c o n f o r m e s aux cahiers d e v i s i t e s . D a n s les d i x p r e m i e r s m o i s d e l'an X I , l e s h ô p i ­ taux ont été à l ' e n t r e p r i s e . Il n'y a pas eu de pendant

ce laps de temps.

L a j o u r n é e d'officier soldat

à trois

Tout

était h o r s

était à h u i t

francs. D'après

commerce de

prix.

francs , c e l l e

les

du

consommations

extraordinaires , q u i , par les circonstances , é t a i e n t d e v e n u e s o b l i g a t o i r e s , c'était trop p e u p o u r a c q u i t t e r l'effectif des

journées , en

p a y a n t e n traites e t p a r

à compte. L a

différence d e s p r i x d e l a j o u r n é e e n

l'an X I , avec

ceux

de

1 7 8 7 , 1788

et 1 7 8 9 , é t a i t

d e p l u s d'un tiers en m o i n s p o u r l e s e n t r e p r e n e u r s . Cette considération a déterminé l e préfet

Magnytot,

d'accorder

u n e a u g m e n t a t i o n d e près de moitié ,

nouveaux

e n t r e p r e n e u r s qui o n t pris l e

1

e r

.

service

aux le

v e n d é m i a i r e an X I I , e t d e m e t t r e à l a c h a r g e du

gouvernement

toutes

de circonstances.

les

dépenses

extraordinaires

U n é c o n o m e a v a i t offert d ' e n t r e ­

p r e n d r e c e s e r v i c e à q u a t r e francs l a j o u r n é e d ' o f f i ­ c i e r et du s o l d a t ; la n o u r r i t u r e

journalière des offi­

ciers de

eût

s a n t é à sa

charge. Il

été

imprudent

d'accepter une pareille soumission ; l'impossible

de

satisfaire au s e r v i c e à c e p r i x , était é v i d e n t . Tafia

n o u v e l l e m e n t d i s t i l l é . - Il est e n effet t r è s été


(81) facile, étant maître de l'intérieur et des

été

places le long de la côte : elles eussent assuré

n u i s i b l e à la santé des t r o u p e s . Il e x a l t e la tête des nègres. police

Il en

n'a

jamais

vigueur

s ' e n faisait.

Le

devrait

être

en

peuvent

en

existé

aucun

c o n t r e la

vieux

tafia

délivré

boire

au

réglement

de

facile distribution

qui

est b a l s a m i q u e : il

ne

aux n è g r e s q u e

moment

qu'ils

ce

en

qu'ils

font

la

d e m a n d e , ou sur un b o n de leurs m a î t r e s , p o u r l e service

des h a b i t a t i o n s . L a

vente

du tafia

devrait

ê t r e e x c l u s i v e m e n t r é s e r v é e à des b l a n c s qui s e r a i e n t a u t o r i s é s ad Vêtemens

hoc. Habit-veste

des troupes. —

d e d r a p , en campagne.

et pantalon

H o r s du s e r v i c e , d e u x h a b i t s -

v e s t e e t p a n t a l o n s sans p i e d s , d e coutil b l a n c , p o u r o b l i g e r à l a propreté. Les

Chiques. — C e t i n s e c t e s'attache d e

préférence

a u x p i e d s m a l - p r o p r e s . C e n'est pas s e u l e m e n t d a n s les

cafeyeres

qu'il

existe

t o u t e s les habitations l'attention

et

des

dans

chiques, mais dans les v i l l e s .

On

avait

dans l e s h a b i t a t i o n s , d e faire a l l e r j o u r ­

n e l l e m e n t à l ' h ô p i t a l l e s enfans

des n è g r e s , o ù o n

l e u r visitait l e s p i e d s et les m a i n s . I l n ' y a q u e p a r e s s e u x e t les m a l - p r o p r e s qui se l a i s s e n t par faut

les c h i q u e s . avoir

A

soin d e

la

première

démangeaison, et

les

ronger

mettre

il

les

faire

retirer,

du

t a b a c dans le t r o u . Le

rotou

est l e p o i s o n des c h i ­

q u e s : elles s'attachent

d a n s la c h a i r ; m a i s

n a i r e et de p r é f é r e n c e ,

a u - d e s s o u s et a u - d e s s u s d e s

F

d'ordi­


(82) la sécurité des blancs, et maintenu la tran­ quillité dans les plaines, lorsque, réparties dans les villes ou dans les plaines, il n'y a pas d e sécurité pour le séjour des mornes. Les troupes qui arrivèrent eussent été animées du desir de rejoindre leurs devanciers, de partager la gloire de leurs exploits, et de mériter d'être comptées au nombre des défenseurs de

la

colonie. L'armée eût trouvé dans les mornes , une nourriture abondante; les salaisons y e u s ­ sent été utiles , lorsque dans les villes c'est u n aliment meurtrier. La culture eût été reprise avec succès , et on eût eu le temps d'assurer immuablement l'ordre. Une grande faute a été commise ; c'est de n'avoir pas manifesté affirmativement la volonté

souveraine.

A l'époque du départ de

l'armée des ports de France, le gouverne­ ment avait l'intention bien prononcée d'ap­ peler les nègres de Saint-Domingue à la liberté

o n g l e s des p i e d s . L a c h i q u e s ' e n v e l o p p e d'une m e n b r a n e b l a n c h e , dans l a q u e l l e e l l e p o n d . I l faut s c a ­ rifier la chair

tout autour d e l a p o c h e , e t l a retirer

e n t i è r e . Si on l a r o m p t , il reste chair,

et

l'homme

mal-propre

des œufs d a n s est

exposé

u l c è r e s m a l i n s qu'il est difficile d e g u é r i r .

à

la des


( 8 3 ) conditionnelle; c'est-à-dire, les obliger avec la liberté à travailler. L e s nègres cultivateurs ont été dans l'in­ certitude de leur sort, d'après l'opposition de Toussaint,

à main armée. Les colons se sont

j e t é s dans les espaces imaginaires, en c h e r ­ c h a n t dans le silence, des c h e f s , après q u e se fût soumis , à pénétrer ce que

Toussaint

voulait réellement le gouvernement. D u silence d e s c h e f s , il est résulté un conflit d'opinions : l e s uns prétendaient que les nègres étaient libres,

les autres assuraient

qu'ils

étaient

m a i n t e n u s dans l'esclavage. Dans ces d e r ­ n i e r s , il J en a eu qui ont reçu de leurs nègres le prix de leur liberté. L'incertitude était nérale

gé-

; les chefs révoltés en ont profité, pour

f a i r e reprendre les armes aux nègres. M a i s que pouvait seul le capitaine-général Leclerc?

La suite des événemens , jusqu'à

l ' é p o q u e de son d é c è s , prouve qu'il était trahi d a n s sa confiance. Les révoltés étaient préve­ n u s à l'avance, de toutes les sages dispositions q u ' i l était dans l'intention de p r e n d r e ; il était devancé aussitôt qu'il avait pris une résolu­ tion. Qui

informait les révoltés? Qui leur

fournissait des munitions de guerre, avant q u ' i l s en eussent reçu des anglais et des angloaméricains ? F a


(84) Il paraissait naturel d'organiser en garde nationale, les habitués

des villes qui s'y t r o u ­

vaient à l'arrivée de l'armée; mais on ne p o u ­ vait alors avoir confiance en personne. L a majorité des habitués des villes aimait le g o u ­ vernement de Toussaint,

parce qu'il les avait

gorgés de richesses. Le capitaine-général L e ­ clerc distingua les français qui étaient pour le rétablissement de l'ordre, de ceux dont l a cupidité exigeait qu'on les surveillât. D e là dériva l'obligation de désarmer les b l a n c s , et de n'avoir pu les organiser en garde nationale, qu'à l'époque où leur sûreté personnelle se trouva éminemment en danger , et pour p r é ­ venir qu'ils ne fussent victimes de

Dessalines,

qui, en vendémiaire an X I , les eût également fait massacrer pour n'avoir pas pris o u v e r t e ­ ment le parti de Toussaint.

C'était

politique.

L'incertitude sur l'époque de l'arrivée des renforts de F r a n c e , devenus nécessaires l'attente

générale,

d'après la révolte

généraux nègres et mulâtres,

contre des

obligea le capi­

taine-général Leclerc à faire évacuer par nos troupes toutes les places et forts de la partie d u n o r d , le môle Saint-Nicolas e x c e p t é , et de les centraliser au Cap. Voyant sa fin appro­ c h e r , il appela près de lui le général R o c h a m b e a u , en lui annonçant qu'il était désigné pour


lui

succéder. Le

( 8 5 ) chagrin

( 1 ) plus que la

m a l a d i e , conduisit le capitaine-général clerc

au t o m b e a u , le onze

c ' e s t - à - d i r e , dix-neuf

brumaire

jours

Le-

an

XI;

après la révolte

d e s nègres et des mulâtres. Avénement

du général

mandement

Rochambeau

en chef à

au c o m -

Saint-Domingue.

L e général de division Rochambeau

com-

( 1 ) I l n ' y a pas de d o u t e que si l e c a p i t a i n e - g é n é ­ ral Leclerc de

avait

eu

à sa disposition , au

par

les

mulâtres

l'attaque

1,500

Clerveau

moment

et Pétion

,

h o m m e s de p l u s , les rebelles eussent été e n ­

tièrement

défaits.

Le

succès était é g a l e m e n t

cer­

t a i n , e n m e t t a n t b e a u c o u p d e célérité p o u r l ' a r r i v é e des

qui étaient au Borgne.

troupes

Le

g é n é r a l donna ordre à l'officier-général c e t t e division , terre ,

avec

d e se r e n d r e d e

ses

capitaine-

commandant

suite au C a p ,

troupes. C e général

p e r d r e un t e m p s p r é c i e u x pour sauver

fut o b l i g é des blancs.

par de Le

c a p i t a i n e - g é n é r a l prit d'autant plus d e chagrin , q u e attaquer

les

r é v o l t é s , a u g m e n t a i t l e u r f o r c e et l e u r a u d a c e .

chaque

heure

perdue

Le

m o r a l souffrit. L a

fièvre

sans

pouvoir

qui n'était q u ' u n e suite d e

f a t i g u e s , devint m o r t e l l e . L e général

de

division,

a p r è s après a v o i r o b t e n u des e m b a r c a t i o n s , v a c u a t i o n générale

par mer.

Il

arriva

au C a p

q u e s jours après le décès du g é n é r a l en chef.

fit

l'é-

quel­


(86) mandait au Port-au-Prince

; il emporta l e s

regrets des habitans de cette ville, et fut r e ç u au Cap avec enthousiasme. Il fut enfin c o n s i ­ déré c o m m e devant être le restaurateur de la colonie que le capitaine-général Leclerc avait sauvée à la France. Il perdit en peu de temps , et par une bizarrerie inconcevable, la c o n ­ fiance des habitués

des villes. La véritable

cause de ce changement

d'opinion envers l e

général Rochambeau , est due aux

circons-

tances, qui commandaient de tenir rigoureuse­ ment tous les français sous les armes, et de sévir contre les négligences dans le s e r v i c e . Le capitaine-général Rochambeau savait

que

si les habitués des villes eussent voulu

se

soumettre à la discipline militaire, en a o û t 1 7 9 1 , lors de la première révolte des nègres e t des mulâtres, ils étaient assez nombreux p o u r arrêter la rebellion et forcer les révoltés à rentrer sous le joug (1). Quelques reproches que les ingrats

que le

général Rochambeau a la gloire d'avoir f a i t , aient imaginés contre l u i , ils n'ont osé atta-

(1) Le gouverneur de Blanchelande écrivit,

à

cette époque, au ministre de la marine: « I l e s t plus difficile de conduire deux mille gardes nationales, que cent nulle hommes de troupes de ligne. »


(87) quer sa fidélité à Sa Majesté Impériale, sa bravoure ni l'honneur qui fait la base de son caractère ; ils ne lui contestent pas non plus, qu'il a été l'exemple des généraux qui étaient sous les ordres du capitaine-général Leclerc. L e général Rochambeau a pour lui les c i r ­ constances antérieures à l'exercice de son pré­ décesseur , et les causes de la révolte desnègres et des mulâtres pendant cet exercice. Il a pour lui la difficulté d'avoir eu à choisir le m i e u x pour auxiliaires

, entre deux castes

e n n e m i e s de leurs anciens maîtres, et qui s'é­ taient portées envers ces derniers aux excès les p l u s atroces. I l a pour l u i , de n'avoir pas pu , p l u s que le capitaine général L e c l e r c , me tre de confiance dans les

blancs

,

la majorité des

h a b i t u é s des villes regrettant, on le r é p è t e , le r é g i m e de Toussaint,

qui les avait enrichis.

Il a pour lui les principes qu'ils ont manifestés d a n s le c o m m e n c e m e n t de la révolution d o m i n g o i s e , dont il avait été témoin et victime , a y a n t été déporté par eux. II a enfin pour lui, la guerre avec l'Angleterre. A

l'avénement d u capitaine-général

chambeau

au gouvernement

Ro­

de S a i n t - D o ­

m i n g u e , l'armée présentait très-peu de forces disponibles. Les malades et les convalescens avaient une existance très-incertaine. La repré-


(88) sentation armée était dans la garde n a t i o n a l e nouvellement organisée dans toutes les villes , et dans cinq à six mille hommes de troupes de ligne, non aclimatés,

répartis dans

places ou f o r t s , situés sur cent lieues de côtes. Les

quinze

cinquante

qui arrivèrent ,

renforts

bataillon par bataillon, détachement par d é t a ­ chement, après la mort du capitaine-général L e c l e r c , jusqu'à la guerre avec l'Angleterre , s'élevèrent à neuf mille h o m m e s , dont c h a q u e jour la maladie diminuait le nombre. Les

sol-

dats polonais désertèrent par compagnies.

Les

troupes virent arriver avec peine des g . . . . . . Ils furent plus nuisibles qu'utiles. Un fonctionnaire, M . Id

(1), à qui

les localités, le caractère et les mœurs d e s nègres et des mulâtres, sont particulièrement connus par quinze années d'une bien d o u l o u -

( 1 ) O n doit à la v é r i t é , de

dire

que M . Id

r é u n i t aux connaissances a d m i n i s t r a t i v e s u n e g r a n d e facilité p o u r le t r a v a i l , et b e a u c o u p d ' o r d r e . 11 p e u t m i e u x que p e r s o n n e , simplifier l e m o d e d e qu'd

convient à Saint-Domingue ,

e r r e u r s qui naissent d e c a r a c t è r e et ses au-dessous colonie.

de

sa

place

qu'il

il n e

travail

prévenir

complication.

connaissances, la

et

Par

sera

occupera

les son

jamais

dans

la


(

8

9

)

reuse expérience, d'après ce qu'il annonce luim ê m e , et qui a été dans les premiers emplois presque sans

interruption,

depuis

1789 à

l'an X I I , s'explique de la manière la plus affir­ mative dans un précis sur la situation de SaintD o m i n g u e , pour éclairer son pays sur les causes de l'évacuation de cette colonie. « Je m'abstiendrai ici , dit M .

Id....,

» d'entrer dans les causes immédiates qui ont »

forcé

»

D o m i n g u e ; elles se sont assez manifestées:

la

dernière catastrophe

de

Saint-

» il suffira de dire que l'inexpérience et la » méconnaissance

des localités

ont enfanté

» les plans les plus incohérens pour le réta» blissement de l'ordre; d'où sont résultés la » dissonance, le désordre. Pouvait-on espérer »

autre chose ? » Il est encore de sûrs moyens ; c'est de

» faire l'opposé de ce qui a été fait : une » titution coloniale » unanime de tous

cons-

bien digérée. Le concours les

épidemies

anciens

» libres, mécaniquement liés par leurs inté» rêts respectifs. » O n aurait pu, je le soutiens,

éviter l'éva-

» cuation de cette c o l o n i e ; mais la c o m » binaison

des moyens aurait dû être

» long-temps » amenée. »

calculée et

dès

progressivement


(90) Puisque la combinaison

des moyens,

pour

prévenir l'évacuation de la colonie, aurait être dès long-temps

calculée,

ces réflexions

ne peuvent pas porter contre les capitainesgénéraux Leclerc

et Rochambeau.

Si M . I d . . . .

a eu l'intention d'en faire l'application à l ' u n ou à l'autre de ces deux généraux , son affir­ mation se trouve alors en opposition avec la vérité. Le capitaine-général L e c l e r c , en arrivant à Saint-Domingue, a trouvé les nègres en révolte contre la mère-patrie. Il fallait vaincre, et il a vaincu sans auxiliaires. décimait

Une maladie cruelle

journellement l'armée. Les

nègres et mulâtres

chefs

ont été comblés d'honneur

et de richesses, et ils se sont révoltés ; m ê m e Pétion,

qui était passé avec l'armée dans l a

colonie. L'intérêt public a malheureusement rendu les exécutions multipliées, de nécessité absolue. Le capitaine-général Leclerc était convaincu, en mourant, qu'on ne peut m a i n ­ tenir l'ordre à Saint-Domingue que par des moyens extraordinaires. Le capitaine-général Rochambeau, c o m m e on vient de le démontrer, en prenant les rênes du gouvernement, se trouva dans la position la plus difficile et la plus pénible. Ne pouvant avoir de confiance dans les mulâtres,

puisque


(91) les principaux chefs étaient en révolte, et q u e la caste entière avait été dix fois en rebellion depuis 1 7 8 9 ; il fut obligé de sévir rigoureuse­ m e n t c o m m e son prédécesseur , contre les complices et adhérens des révoltés. L e s a n ­ glais et les anglo-américains

fournissaient

toujours des munitions de guerre aux rebelles, et les anglais étaient unis avec eux. Dans de telles circonstances, que pouvaient les

capitaines-généraux Leclerc et R o c h a m ­

beau ? Sur quelle base eussent-ils pu asseoir d e s plans de paix intérieure, en considérant q u e les bienfaits

prodigués aux chefs m u ­

lâtres n'ont servi qu'à les conduire de n o u ­ v e a u à la révolte ? A qui se rapporte donc l'application : « de » l'inexpérience

et de la MÉCONNAISSANCE

» DES LOCALITÉS qui ont enfanté » les plus incohérens » de l'ordre, » nance, général

pour le

d'où sont

les

plans

rétablissement

résultés

la

disso-

le désordre ? » C e n'est pas au Rochambeau,

qui a commandé

à

Saint-Domingue à deux époques différentes : il avait évidemment autant de connaissance des localités

que M . Id

; mais d'après

c e qu'annonce c e fonctionnaire : « Que la » combinaison

des moyens

», p i s LONG-TEMPS

aurait

calculée»;

du

être

contre qui


(92) dirige-t-il cette partie de ses réflexions g é n é rales ? Pour amener progressivement , il faut avoir à sa disposition la force réelle o u celle d'opinion, autrement on ne peut aller e n avant. Ni l'une ni l'autre n'a existé dans l a colonie,

depuis la révolte de

vendémiaire

an X I . Le capitaine-général

Rochambeau

être blâmable, s i , en une seule

eût p u

expédition

le gouvernement, en lui envoyant dix hommes,

,

mille

il n'eût pas réduit les révoltés

à

l'obéissance avant l'époque de la guerre a v e c l'Angleterre. Lorsqu'elle fut déclarée, mille hommes

(1)

L a population b l a n c h e ayant

les m i l l e considérations tions m i l i t a i r e s

quinze

étaient indispensables (1).

été i m m o l é e ,

qui e n t r a v a i e n t l e s o p é r a ­

n'existent p l u s .

L e général - c o m ­

m a n d a n t n'aura plus aujourd'hui à c o n s i d é r e r

que

c'est c h e z e u x q u e l e s français ont à faire la g u e r r e , m a i s uniquement contre une race d ' h o m m e s gers

aux peuples d ' E u r o p e ;

étran­

i l est certain q u ' a v e c

six à huit m i l l e

h o m m e s d e troupes f r a n ç a i s e s , l e

général

pourrait

Férand

à volonté parcourir

l'île

d a n s toute son é t e n d u e , e t choisir telle position q u ' i l l u i plairait. Il e s t à c o n s i d é r e r si un s e m b l a b l e

état

d e c h o s e , pourrait r e m p l i r l e s vues du g o u v e r n e ­ m e n t p o u r l e r é t a b l i s s e m e n t d e la c u l t u r e ; on n e le croit p a s . S i u n e t e l l e a r m é e tentait d e faire l a c o n -


( 9 3 ) Reproches faits

au capitaine - général

Rochambeau. Il convient actuellement

de considérer si

le capitaine-général Rochambeau mérite le3 différens reproches qu'on a hasardés, et s'il a pu prévenir réellement l'évacuation

de la

q u ê t e e n t i è r e d e l ' î l e , le n o m b r e d e s b r a v e s qui l a c o m p o s e r a i t serait o b l i g é , pour se s o u t e n i r , et i m ­ p r i m e r l a t e r r e u r , d ' e m p l o y e r à l'infini l e s m o y e n s d e d e s t r u c t i o n , qui d'ailleurs , n e t o m b e r a i e n t sur

l e s c u l t i v a t e u r s , d o n t l ' o b é i s s a n c e sera

l o r s q u e l e s troupes de ligne nègres seront lement

que

assurée non-seu-

d é f a i t e s , m a i s m i s e s dans l ' i m p u i s s a n c e

puire

à l ' a v e n i r . C e sont d o n c

chefs

qu'il

de

l e s t r o u p e s et l e u r s climat

et la

g u e r r e p e u v e n t laisser l e s c a d r e s i n c o m p l e t s .

convient d'atteindre.

Com­

m e n t se rempliraient-ils?

Le

A v e c des nègres

m u l â t r e s français e t e s p a g n o l s .

et d e s

C'est possible , mais

c e t t e m e s u r e offre b e a u c o u p d ' i n c o n v é n i e n s . 11 serait n é a n m o i n s d e l a plus g r a n d e i m p o r t a n c e , d e porter des secours

au général

Férand,

dont l'ac­

t i v i t é et l ' e n t r e p r i s e d o i v e n t faire e s p é r e r d e s s u c c è s ; e t d e profiter d e l a d é s u n i o n t r o u p e s françaises d o i t

faire

que la présence des naître e n t r e les chefs

n è g r e s , e n l e s p é n é t r a n t q u ' i l s s e r o n t subjugués , e t q u ' i l s n'ont d e p a r d o n à e s p é r e r q u e dans u n e o b é i s ­ sance

absolue.


(94) colonie. D'après l'honneur qui fait la base du caractère de c e général, sa défense devrait se borner à ce peu de mots : J'ai fait

pour

Mais pour dessiller les j e u x a u x

le mieux.

plus incrédules, on va prouver que ces r e p r o ­ ches sont controuvés. D'après l'opinion publique, on a prétendu que ce général, pour se maintenir dans l a colonie , eût dû : 1°. Centraliser

au Cap , dès leur a r r i v é e ,

les renforts qu'il avait reçus ; adopter le p l a n de défense

qu'on lui a proposé.

2°. Employer tous les moyens possibles pour diviser les révoltés : adopter plus p r o m p tement l'embrigadement

des nouveaux

ne pas placer les mulâtres dans affreuse

de la rebellion

libres :

l'alternative

ou de la mort,

et

adopter en temps utile le projet des n o t a b l e s , pour une plantation de vivres dans les habita­ tions et terreins attenant au Cap. 3 ° . Maintenir

l'union

qu'il n'y eût pas eu de

entre les c h e f s , et déportations.

4 ° . N e pas laisser en stagnation seaux de l'état. 5 ° . Faire une descente à la

les vais­ Jamaïque,

lorsque le quartier-général a été transféré du Port-au-Prince au C a p . 6 ° . O n eût desiré que l'emprunt forcé,

au-


(95) quel ont satisfait les habitans du C a p , eût empêché l'évacution de la ville, et qu'il n'eût pas conduit M. Fedon à être

fusillé.

7 ° . Que l'on évacuât sur

Santo-Domingo,

avant l'arrivée de Dessalines, l'évacuation de la partie du

et m ê m e dès sud.

8 ° . O n s'était fait l'idée dans le q u e Dessalines

public,

n'était pas assez fort pour

o b l i g e r à évacuer le Cap,

surtout d'après les

actions de valeur des quatre cents hommes de troupes de l i g n e , qui avaient soutenu pendant u n j o u r , tout le feu de l ' e n n e m i , et qui ont tué neuf cents hommes salines.

D'après

g é n é r a l , q u i , avec major-général

des troupes

de

quinze

officiers de l'état-

et une partie de sa garde à

c h e v a l , fit replier les deux colonnes de cents brigands,

Des-

la bravoure du capitaine-

douze

qui étaient sur le point d ' e m ­

porter de vive force le poste Verdière.

On re­

p r o c h e aussi au capitaine-général,

d'avoir

exposé la vie des officiers qu'il avait donnés en ô t a g e , en faisant embarquer

les nègres

d e la chaîne. 9 ° . O n reproche au capitaine-général d'a­ voir remis la place avant d'avoir essuyé trois assauts. 10°. Il était du devoir du capitaine-général d e ne s'embarquer que le dernier.


( 9 6 )

11°. On reproche également à ce capitainegénéral,

d'avoir remis l'artillerie

à Des­

salines. D e n'être pas administrateur.

I D'avoir

E R

.

REPROCHE.

réparti,

les renforts

rens points de la colonie, avoir

centralisé

sur les au lieu

au Cap,

difféde

les

etc.

L E S ennemis du général R o c h a m b e a u , t o u ­ jours en opposition avec

ont

eux-mêmes,

accusé ce général d'avoir décentralisé

l'armée,

en répartissant ses troupes dans l'ouest

et le

sud. Ils lui ont fait en même tempsle reproche d'avoir repris les places du fort du Port-Paix

Dauphin

et

dans la partie d u n o r d , au lieu

de protéger ces deux quartiers qui offroient encore des ressources. O n peut appeler ces r e p r o c h e s , des c l a baudages d'intérêts. Si ces censeurs irréfléchis ne tiraient de

la

contradiction de leurs opinions, l'indécente conséquence que le général Rochambeau n'a repris ces places que pour avoir occasion d e critiquer


(97) critiquer les opérations militaires de son p r é ­ décesseur, et s'en faire un mérite près d u premier C o n s u l ,

on n'en parlerait point. Il

eût fallu être bien aveugle ou bien impolitique p o u r oser une censure aussi déplacée ; on ne croira jamais, d'ailleurs, q u ' u n brave militaire puisse avoir de pareilles petitesses d'âme. L a possession du fort Dauphin

était d'une

importance m a j e u r e , surtout la guerre arri­ v a n t avec l'Angleterre, pour l'attérage vaisseaux

de l ' é t a t , du c o m m e r c e

des

et des

n e u t r e s , dans le cas de blocus au C a p , par une escadre anglaise. Sous le rapport de la guerre c i v i l e , pour assurer à cette dernière v i l l e , au m ô l e S t . - N i c o l a s , et à la tortue, où on trans­ p o r t a i t les malades, leurs approvisionnemens, de

la partie dite espagnole. Le Port-Paix était

nécessaire pour assurer les communications e n t r e le Cap et le môle S t . - N i c o l a s , et porter secours au besoin à la T o r t u e , dont cette île e n est peu é l o i g n é e , et pour que les Anglais n'eussent pas la libre navigation du canal. L e général L e c l e r c , attaqué à l'improviste p a r les nègres et les mulâtres, ayant au plus 5 o o h o m m e s disponibles et e n c o r e convales­ c e n t , fut obligé d'évacuer ces deux places p o u r augmenter ses forces au Cap. Leurs gar­ nisons étaient

d'ailleurs

trop foibles G

pour


(98) résister aux attaques des révoltés ; encore

ne

donna-t-il l'ordre de les évacuer que c o n ­ vaincu que l'arrivée de la division du

Borgne

tarderait à s'effectuer. On ne peut pas mettre en doute que le g é ­ néral L e c l e r c , s'il eût v é c u , aurait repris c e s deux places renforts, .......

aussitôt l'arrivée des premiers

ou avec

la division

du

Borgne

après qu'il aurait eu chassé les r é ­

voltés du morne Pierre-Michel où ils

s'é­

taient réunis. Si la division du Borgne f û t arrivée avec la promptitude que le c o m m a n ­ daient les circonstances, le capitaine-général eût emporté au tombeau la satisfaction d'avoir entièrement défait les révoltés devant le C a p Quand on considérera avec impartialité la démarche

que

d'envoyer

un officier

le général Rochambeau au premier

fit

Consul,

pour lui annoncer la reprise de ces deux p l a c e s , on sera convaincu qu'il devait le faire ainsi. D'abord 1 importance de ces places ; ensuite l'obligation de rassurer la France entière sur les dangers queprésentait la nouvelle révolte ; démontrer qu'avec peu d e troupes, le rétablis­ sement de l'ordre était facile ; présenter

un

nouveau plan de campagne c o m m a n d é e par l e s circonstances ; pénétrer le gouvernement que l'illusion sur la force de l'armée n'existant


( 9 9 ) p l u s , l'envoi des troupes nécessaires devait s'opérer en une seule e x p é d i t i o n , si la chose était possible. Le général Rochambeau avait ensuite à remercier le premier Consul de la confiance qu'il lui avait accordée en l'élevant au commandement en chef. L e capitaine-général R o c h a m b e a u , en r é partissant dans les

différentes p l a c e s , les

renforts qu'il avait reçus, n'attendait pour e n ­ trer offensivement

en c a m p a g n e , que le m o ­

m e n t où l'armée serait assez forte pour m a r ­ c h e r à - l a - f o i s , sur dix

point d i f f é r e n s , et

laisser la garde des places à la garde natio­ n a l e . Il est évident que tel était le plan de campagne adopté, général

au

en transférant le quartier-

Port-au-Prince.

L a guerre avec l'Angleterre ayant obligé l a France de cesser l'envoi des r e n f o r t s , les dispositions prises par le général en

chef,

n e purent avoir leur effet. En

répartissant les troupes de

sur dix points,

renforts

c'était leur assurer des vivres;

leur faire prendre à l'avance

des positions

avantageuses ; assurer le succès de l'attaque ; faciliter les moyens de repousser les ennemis a v e c célérité, sans fatiguer l'armée, et les for­ c e r à poser les armes ou à se noyer dans la m e r . Les renforts et les garnisons des v i l l e s , G 2


(100) eussent campé en dehors des p l a c e s , si on. avait pu le

faire

sans

compromettre l e u r

sûreté. Pour centraliser les renforts sur un

point,

lors de leur arrivée, il eût fallu avoir l'assu­ rance que la guerre

serait déclarée aussi

promptement. Rien ne l'annonçait. Le

présu-

mer ? il faudrait être en d é l i r e , pour soutenir une semblable idée. Quand la guerre a été d é ­ clarée, les communications étaient impossibles par mer. Par terre? le général en c h e f ne p o u ­ vait être partout. Les généraux divisionnaires ont-ils exécuté ses ordres ? le pouvaient-ils ? il y a e u , au bas de la côte,

une division d e

1200 hommes, qui a été obligée de se replier en voulant se réunir à d'autres troupes. La situation du capitaine-général R o c h a m beau, était absolument inverse de celle de son prédécesseur. L'arrivée imprévue de l'armée f r a n ç a i s e , avait jeté les nègres dans la stupeur. L e u r force physique se trouva paralysée par l'affec­ tion morale. La non-connaissance de la f o r c e réelle de l'armée affaiblissait leurs m o y e n s de d é f e n s e , en même tems quelle augmentait celle des Français. Les nègres étaient persua­ d é s , avant l'arrivée de l'armée, qu'ils étaient inexpugnables

dans les mornes. Ils furent


( 1 0 1 )

attérés de voir les troupes françaises franchir précipice sur précipice ; se porter avec légèreté, et le sac sur le d o s , au sommet des

mornes

les plus élevés ; leur faire la chasse dans les doubles m o n t a g n e s , avec la m ê m e

facilité

qu'en plaine ; les poursuivre et les atteindre enfin dans leurs repaires, dont ils croyaient l'accès inaxcessible à des Français. L e capitaine-général Rochambeau ne p o u ­ vait suivre le plan de la première campagne. Il n'avait pas pour lui le défaut de connais­ sance des nègres sur la force réelle de l'armée f r a n ç a i s e , qui a été si favorable au capitainegénéral Leclerc. dessillés,

Les nègres avaient les y e u x

et connaissaient le peu de

force

q u ' o n pouvait leur opposer. On ne pouvait d o n c espérer de vaincre les n è g r e s ,

qu'en

l e s rejetant, par de nouvelles mesures, dans la stupeur. Le m o y e n et le seul qui existait alors, était de les attaquer au même instant sur dix points différens ; détruire les vivres, et forcer les révoltés par le manque de toute

chose,

à subir la loi du vainqueur. L e reproche qu'on fait au capitaine-géné­ ral R o c h a m b e a u , de n'avoir pas adopté le plan de défense prouve

en

qui lui avait été p r o p o s é ,

sa faveur. C'était

en

pluviôse

an X I . . . . . . . . Par ce p l a n , il fallait réunir


(102) les troupes qui se trouvaient dans le sud

et

l ' o u e s t , les centraliser au Cap, et se maintenir sur la défensive

dans cette p l a c e , en a t t e n ­

dant des renforts de France. Pour se d é t e r ­ miner à une résolution aussi d é s e s p é r a n t e , les auteurs du plan avaient donc la certitude qu'alors les mulâtres étaient déjà en rebellion ouverte : qu'ils n'avaient cessé d'être les alliés des nègres, et n'attendaient qu'un moment f a ­ vorable pour se déclarer Si on eût adopté ce p l a n , c'eût été m a r q u e r une prudence pusillanime, qui n'eût servi qu'à enhardir les révoltés,

et leur d o n n e r

une grande idée de leurs forces. rassembler les troupes

C'eût été

dans la ville la plus

meurtrière de la c o l o n i e ,

où il

n'existait

aucun édifice pour les caserner. Les eût-on mises sous la tente dans la plaine ? T o u t m a n ­ quait. C o m m e n t aurait-on assuré la s u b s i s ­ tance à cette augmentation de t r o u p e s , l o r s ­ qu'on

éprouvait

au Cap les plus grandes

difficultés pour satisfaire

aux besoins de la

garnison ? Les troupes réparties dans le S u d et l ' O u e s t , étaient presque aclimatées leurs

c a n t o n n e m e n s , et favorablement

posées pour

entrer en campagne dans

dans dis­ les

mornes. En les en retirant pour les r é u n i n i r


(103) Cap,

c'eût été les exposer à de nouvelles

révolutions de c l i m a t , et les voir périr jour­ nellement faute de secours. Dans le Sud et l'Ouest,

il y avait une p o ­

pulation blanche de près de dix mille indivi­ d u s des deux sexes. Elle en imposait sous la protection des garnisons des différentes places. E n faisant évacuer les troupes du Sud et de l'Ouest,

c'eût été livrer les blancs répartis

d a n s ces deux d é p e n d a n c e s , à la férocité des rebelles.

Les

eût-on

aussi réunis au Cap ?

A v e c quoi eussent-ils vécu ? Aurait-on aussi é v a c u é le môle l'île

St.-Nicolas,

de la Tortue,

Mont-Christ,

le

le fort

Port-Paix,

Dauphin,

et

toutes places de la partie du

nord, et Santo-Domingo

?

Eût-on réparti dans

c e s cinq places et dans l'île de la T o r t u e , les troupes et les habitans qu'on eût fait évacuer d u Sud et de l'Ouest ? Alors le plan proposé était sans effet. O n ne pouvait

sérieusement

proposer d'évacuer toutes les places et forts de la

c o l o n i e , pour se renfermer dans le Cap î

S o u s le rapport de la défense, c u e r sur un seul

point,

contre les n è g r e s ,

en voulant éva-

pour

se soutenir

Santo - Domingo

était

préférable. L'intention du gouvernement s u ­ p r ê m e , pouvait d'ailleurs

être qu'on n'éva-


(104) cuerait qu'à la dernière

extrémité,

et

place

(1).

par place

Si on eût adopté le plan p r o p o s é , on eût rempli les desirs des anglais, et avancé l ' é p o q u e de leurs hostilités. La culture du café et d u c o t o n , fleurissait encore dans le Sud et l'Ouest, et offrait des récoltes qui s'élevaient à plus d e quarante

millions defrancs.

Sous le rapport

commercial, les anglais eussent été au c o m b l e de leurs vœux. Ils eussent, c o m m e en l'an I V , pris possession aux Cayes, au-Prince

et St.-Marc,

Léogane,

Port-

et surtout au

môle

si on eût évacué cette place

St.-Nicolas,

mi-

litaire(a). D'après ce que commandaient leurs intérêts, ils n'eussent fourni des munitions

( 1 ) Il est difficile d e la T o r t u e a é t é gands. L a

de c o m p r e n d r e c o m m e n t surprise

première,

taine-général

deux

pendant l'exercice

Leclerc ;

et

la

l'île

fois par l e s du

deuxième,

bri­ capi­

durant

celui du capitaine-général R o c h a m b e a u . C h a q u e f o i s , M.

Labatu,

négligence. de

propriétaire

de cette

Condamné

la p r e m i è r e à une

cinquante m i l l e f r a n c s ,

île,

a

été

taxé

de

amende

son â g e a v a n c é a

donc

déterminé à la c l é m e n c e la seconde. ( a ) Après l'évacuation demandèrent

de la c o l o n i e , l e s a n g l a i s

à Dessalines

d e leur l i v r e r c e t t e d e r ­

n i è r e p l a c e , q u ' i l s avaient o c c u p é e en l ' a n

IV.


( 1 0 5 )

d e g u e r r e , et des armes aux révoltés, q u ' a u ­ tant qu'il leur en eût fallu pour harceler et f a ­ tiguer les français au Cap. Ils se fussent de c e t t e sorte maintenus à S t . - D o m i n g u e jusqu'à l a p a i x , et eussent alors gardé la colonie ou e x i g é des compensations.

De la manière dont

l'évacuation s'est faite à S t . - D o m i n g u e , les anglais n'y

occupent aucune

p l a c e , et la

F r a n c e y conserve sa souveraineté.

II Diviser des

.

M E

REPROCHE.

les révoltés; nouveaux

embrigadement

tardif

(1) ; plantation

libres

de

vivres. LA

révolte de Toussain

Dessalines, (1)

Christophe,

Nouveau

libres.

On

et ensuite celle de Clerveau

fit un

appel

et

Pétion,

aux

anciens

n è g r e s e s c l a v e s ; on assura la liberté à c e u x qui s ' e n ­ rôleraient

pour

se

devant

passait

Ance. était

L'ancien obligé

marcher

c o n t r e Dessalines.

n o t a i r e s , au b o u r g d e

m a î t r e , o u son f o n d é

d'accorder,

L'acte

la P e t i t e -

de p o u v o i r ,

gratuitement,

la

liberté.

L ' a c t e d e v a i t être s a n c t i o n n é par l e g é n é r a l en c h e f , e t p r o m e t t r e , au n o m veau

libre,

de

du

gouvernement,

lui c o n c é d e r

quatre

au

nou­

quarreaux

t e r r e après la pacification de la c o l o n i e .

de


(106) en vendémiaire an X I , contre le c a p i t a i n e - g é ­ néral L e c l e r c , et qui, pour les deux derniers surtout, c o m m e généraux mulâtres,

et c h e f s

de leur caste, étaientun acte de félonie au p r e ­ mier c h e f , n'obligeaient-elles pas le g o u v e r ­ nement de prendre de nouveau en c o n s i d é ­ ration l'état politique des esclaves

et

des

hommes de couleur libres. Les uns s'étaient rendus indignes de la liberté ; les autres

de

l'égalité des droits, et avaient m ê m e e n c o u r u l'esclavage par leur rebellion. Les mesures qu'eût adoptées le général e n c h e f , pour diviser les révoltés, ne p o u v a i e n t elles pas outre-passer les intentions du g o u ­ vernement suprême ? Dans cette h y p o t h è s e , il était préférable de ne pas traiter avec e u x , et on laissait au gouvernement une latitude entière, sans encourir le reproche d'avoir p r o ­ mis et de ne pas tenir ses p r o m e s s e s , c e q u i pouvait par la suite occasionner de nouveaux troubles. Personne n'ignorait que les

(1)

(r)

mulâtres

Dans l e c o m m e n c e m e n t de la r é v o l u t i o n ,

idées d'égalité firent aussi tourner la t ê t e aux

les mu­

l â t r e s s e s : e l l e s r e v i n r e n t d e cette f o l i e , l o r s q u ' e l l e s se v i r e n t l a p r o i e des n è g r e s . L e s n é g r e s s e s de

places

furent dans t o u s les t e m p s d e v é r i t a b l e s furies : e l l e s


(107) n'avaient aucun attachement pour les blancs. Les

vengeances

contre

les nègres,

qu'ils

brûlaient

d'exercer

avaient une toute autre

c a u s e que celle que leur attribue M . Id L e véritable motif était, après que leur projet d'envahissement de souveraineté fut déjoué p a r Toussaint, d'exterminer tous les nègres des

blancs ; de ménager les l e u r s , d'outre­

passer les mesures du général en c h e f pour ]a

conservation

des c u l t i v a t e u r s ,

usurper

l ' a u t o r i t é , et amener l'indépendance absolue d e la c o l o n i e , ou une fédération anglo-américains. Toussaint

avec les

obligea les m u ­

l â t r e s de fuir de la colonie. Ils y rentrèrent avec

les mêmes dispositions qui les en avaient

f a i t chasser. des mulâtres

La félonie

ne se rapportait

p a s s e u l e m e n t , ainsi qu'on l'a démontré, aux g é n é r a u x Clerveau

et Pétion,

et aux officiers

s o u s leurs o r d r e s , mais à toute la caste. Le g o u v e r n e m e n t pouvait seul fixer les moyens de

division,

amnistier et statuer sur

leur

état politique à venir. L e général en c h e f ne pouvait que sévir contre les c o u p a b l e s , et faire prononcer militairement, contre ceux

surpassèrent

les nègres en c r u a u t é s , et les

ç a i e n t de les sacrifier s'ils l â c h a i e n t p i e d s .

mena­


(108) arrêtés en flagrant-délit, leurs complices

et

adhérans. Quant aux n è g r e s , cette caste s'était é g a l e ­ ment p r o n o n c é e ,

en

massacrant

tous

blancs qui tombaient sous leurs mains.

les A

l'arrivée de l ' a r m é e , quelques chefs n è g r e s se dévouèrent aux Français. Ils furent m a i n ­ tenus en activité de service. Des nègres gos

con-

se réunirent pareillement dans les d e r ­

niers temps, aux troupes françaises. Ils f u r e n t armés avec les précautions que c o m m a n d a i e n t les circonstances. Les nègres créoles

ne s u i ­

virent point l'exemple que leur donnait les Africains. Il est de vérité incontestable, q u e la pacification ne sera r é e l l e , qu'autant q u e l'armée française, sans l'appui

d'auxiliaires

nègres ou mulâtres, aura forcé les révoltés à une obéissance absolue. Les moyens de divisions, par e m b r i g a d e ­ ment de nègres

nouveaux

libres,

ne p o u ­

vaient se considérer que c o m m e mesure d e circonstance, et ne devaient être adoptés q u ' à la dernière extrémité, ainsi qu'on l'a pratiqué. Ce moyen extraordinaire, tout favorable qu'il paraissait, tendait à altérer la vérité dont s o n t pénétrés les nègres et les mulâtres, de la p u i s ­ sance nationale, et qu'on peut les subjuguer sans le secours d'auxiliaires.

t


(109) L adoption de cette mesure n'était pas d'ailleurs

extraordinaire

de la compétence

du

capitaine-général. Elle ne pouvait émaner que de l'autorité de du

souveraine.

En accordant la li-

une portion plus ou moins considérable

bertéa

n è g r e s , c'était déclarer que la volonté gouvernement

suprême

était que

les

n è g r e s rentreraient dans l'esclavage lors de la pacification. Rien n'était sans doute plus i m ­ p o l i t i q u e , se trouvant sans force pour c o m ­ m a n d e r l'obéissance. Ce m o y e n , bien loin de m e t t r e la division parmi les r é v o l t é s , devait augmenter leurs f o r c e s ,

par la réunion de

c e u x qui ne seraient pas admis à jouir de la liberté.

Le capitaine-général n'a dû c o n s e n ­

tir à cette mesure extraordinaire, qu'à la trèsg r a n d e extrémité, et sous le seul point de v u e de laisser après le départ de l ' a r m é e , une cause de guerre entre les nègres. C e qui prouve qu'il y

a plus d'envie de

n u i r e , que de vérité dans les reproches qu'on fait au capitaine-général R o c h a m b e a u ,

ce

s o n t les petits moyens dont on se sert pour les accumuler. On lui reproche de

n'avoir

point fait mettre à exécution

le projet du

conseil

relatif à une

des notables

au Cap,

plantation de vivres du pays. C'est au c h e f d e l'état-major-général, que les notables ont


( 1 1 0 )

remis c e projet. Il peut dire s'il en a

fait

mention dans quelques-uns de ses rapports écrits

au

capitaine-général. Il est c e r t a i n

que trois mois après la remise de ce p r o j e t au c h e f de l'état-major, le capitaine-général a adopté celui

qui lui a été

l'ordonnateur Perroud,

présenté

par

et qu'il y avait o r d r e

de le mettre avec célérité à e x é c u t i o n , q u o i ­ que la saison fût déjà fort avancée. D'ailleurs ce n'est point de la plantation de ces v i v r e s que pouvait dépendre le salut de la c o l o n i e .

III

M E

.

REPROCHE.

Défaut d'union entre les chefs. Déportations en France. IL est assez difficile de fixer au j u s t e , ce qu'on entend par désunion entre les chefs. Qu'il ait existé ou non des causes de d é s u ­ nion entre les premières autorités, on doit à la vérité de d i r e , que le préfet

Daure

n'a

jamais manifesté dans le public le moindre m é c o n t e n t e m e n t , et qu'il avait laissé à ses successeurs de grands exemples de prudence à s u i v r e , que la raison et la politique p r e s ­ crivaient d e mettre en pratique. L e m a l h e u r


(111) d e la colonie, est d'avoir eu à supporter l ' i m ­ m e n s e fardeau de beaucoup de personnes, q u i tous se croyaient des phénix.

Ils n'étaient

c e p e n d a n t rien moins que t e l s ,

et ressem­

blaient à ceux que le général Pang-Ki p l i a i t l'empereur de la Chine

e n v o y e r ( 1 ) . L'un d'eux est mort L e sous-préfet Fréron,

sup­

de ne pas lui d'ambition.

décédé aussi en f o n c ­

t i o n s , courrait une nouvelle carrière. Le

préfet

Pang-Ki

»

pas

y

supplie votre

à l ' e m p e r e u r d e la C h i n e , e t je n ' h é s i t e

à faire l ' a v e u

ces à

a remplacé le

« Je ne suis qu'un h o m m e , é c r i v a i t l e g é n é r a l

(1) »

»

(2)

Magnytot

de m o n

majesté

lettrés difficiles

redire

à

tout,

de

insuffisance; ne p a s

et o r g u e i l l e u x , qui qui

mettent

mais

m'envoyer

vanité

trouvent à

n'être

»

j a m a i s contens de r i e n ,

»

pour

»

m o r g u e d e la g r a n d e u r c o m m e la g r a n d e u r e l l e -

le

plus

mince

qui sont

qui o u b l i e n t

je do

détail,

toujours

qui

l'ensemble

regardent

la

»

même,

»

chef

»

r o g n e n t l e s ailes à l ' a i g l e , et v o u d r a i e n t q u ' i l

»

v o l â t q u e t e r r e à t e r r e ; qui se c r o i e n t p l e i n e m e n t

m i l i t a i r e , sur l e s

prêts à c o n t r e d i r e un

m o i n d r e s o p é r a t i o n s ; qui ne

»

d o u é s d e c o n n a i s s a n c e s e n tout g e n r e , p a r c e q u ' i l

»

a plu à v o t r e m a j e s t é de l e s r e v ê t i r d ' u n e d i g n i t é ,

»

d'un emploi. » (2)

O n s e r a i t i n j u s t e , s i o n refusait â M .

t o t d'être

a d m i n i s t r a t e u r . Il

Magny­

avait d e g r a n d e s v u e s


(112)

préfet Daure. Les circonstances se sont t r o u ­ vées contraires aux bonnes vues d'ordre q u ' i l manifestait. Il y avait des a b u s , ils é t a i e n t connus,

mais il était i m p o s s i b l e ,

à deux

mille lieues de la mère-patrie, lorsqu'on était sous le glaive assassin des anglais, des n è g r e s et des mulâtres, de les saper tous à - l a - f o i s , étant surtout dans l'impuissance de faire f a c e par soi-même aux dépenses journalières; l e s choses étaient telles alors, qu'on ne pouvait o b ­ tenir de secours que par la confiance, et m ê m e par suite des abus existans. Le préfet M a g n y t o t a cherché à s'éclairer sur la moralité, les c o n ­ naissances et les principes des fonctionnaires. Il n'a reçu que des renseignemens dictés p a r la partialité, et quelquefois t r è s - l é g e r s , d e la part de ceux à qui il avait donné cette h o ­ norable mission de confiance ; d'où il est r é ­ sulté une méfiance générale, et des correspon­ dances irréfléchies ; d'où il est résulté Il annonça officiellement que d'après les i n s ­ tructions du premier C o n s u l , il avait la plus grande latitude. Il annonça également qu'il établissait une barrière d'airain,

entre s o n

d'intérêt p u b l i c . C e n'est p a s un r o u t i e r ; s o n t r a v a i l est à l u i ; m a i s il fallait

la paix

pour remplir

ses

projets.

administration


(113) administration et celle du préfet

Daure.

Les

circonstances étaient cependant telles, d'après l a maladie régnante, que le renouvellement des

préfets pouvait s'opérer par trimestre.

Q u e devenait alors la confiance publique, si, à c h a q u e mutation d'un préfet, il devait s'élever une

barrière

d'airain

(1) ? L e gouvernement

n ' e s t jamais qu'un. La mutation de ses agens n ' a d'autre cause de sa part, que de consolider la sûreté et le crédit public. Déportations.

Il y en a de deux espèces.

C e l l e s politiquement arbitraires, et celles m é ­ ritées. L e s premières sont d'utilité générale, quoi­ q u e froissant personnellement ceux qu'elles atteignent.

Plus les personnes tiennent

aux

( 1 ) M . B a r b é de M a r b o i s , p e n d a n t qu'il fut i n t e n ­ dant

à S a i n t - D o m i n g u e , avait maintenu la

con­

f i a n c e p u b l i q u e , e n respectant l ' a d m i n i s t r a t i o n d e s e s p r é d é c e s s e u r s . L e u r s d é p e n s e s furent s a c r é e s e t a c q u i t t é e s . Il a m é l i o r a les finances de S a i n t - D o m i n ­ g u e , sans a u g m e n t e r les r e c e t t e s qu'il é l e v a , par rordre

seul,

a u - d e s s u s des d é p e n s e s ; il fit d e s i r e r

l ' e x t i r p a t i o n g é n é r a l e des a b u s , par l ' a v a n t a g e q u i r é s u l t a i t à c h a q u e s u p p r e s s i o n d ' a b u s . I l le fit sans produire

de

commotion ;

la c o l o n i e lui d e v a i t d e

l a reconnaissance.

H


(114) premières autorités, plus l'arbitraire q u ' o n exerce sans motif à leur égard, e s t , en de troubles

à St.-Domingue,

temps

utile au g o u ­

vernement. Elle ne nuit pas à la confiance q u i est due à ceux qui en sont frappés. C'est a u contraire les appeler à des distinctions parti­ culières. Quant aux déportations méritées, c'est a u gouvernement à peser dans sa sagesse, si l e s individus qui ont encouru cette p e i n e , s o n t assez punis. Le capitaine-général

et le préfet

Daure,

n'ignoraient point qu'il existait des abus sans n o m b r e . Ils cherchèrent à les extirper sans violentes secousses. A c e t effet, le préfet et le général c h e f de l'état-major

Daure général

envoyèrent dans le Sud et l ' O u e s t , c o m m e inspecteurs, pour obtenir une

connaissance

exacte des abus d é n o n c é s , M M . Colbert, sant les fonctions de t e u r , et Levasseur,

fai­

commissaire-ordonna­ officier de l'état-major-

général. Le commissaire des guerres

Léaumont

remplaça l'ordonnateur Colbert. Ce général doit

avoir communiqué

au

gouvernement

les rapports des inspecteurs, et lui avoir fait part des ordres sévères qu'il avait donné. Mais sur ces entrefaites, les communications ayant été interrompues par la guerre avec l ' A n g l e -


(115) t e r r e , ces ordres ne purent être mis à e x é c u ­ tion. Rien n'était sacré. Des

anglo-français,

osèrent réclamer la valeur des munitions de g u e r r e et de l'artillerie qu'ils avaient vendues aux

mulâtres,

lorsqu'ils étaient en révolte

c o n t r e les agens du Directoire.

D'autres récla­

m a i e n t la valeur de troupeaux considérables d e bêtes à c o r n e s , qu'ils annonçaient faussement

avoir livrées à l'armée française, e t c . ,

e t c . , e t c . , etc. Il y avait dans les castes b l a n ­ c h e et j a u n e , des anarchistes et des incen­ diaires mum

qui s'étaient

(1),

qui s'en

prononcés

au

maxi-

glorifiaient et pouvaient

t r o u b l e r l'ordre. Il suffisait de chasser les r é ­ v o l t é s d'une h a b i t a t i o n ,

pour envahir les

m e u b l e s , effets, argent, b i j o u x , animaux et d e n r é e s , que le propriétaire avait été obligé d'abandonner pour sauver sa vie. On peut à c e t é g a r d , se remémorer tout c e qui s'est p a s s é dans la ville du fort D a u p h i n , etc. Il y avait de grands

amateurs

savaient prévoir les révolutions,

de café,

qui

enmagasiner

( I ) Duf... Il s'est tué après le départ de l'armée, Dessalines et consorts ayant refusé de l'employer. Des négocians du Cap le dénoncèrent au général eu chef comme incendiaire. H a


( 1 1 6 )

et expédier. bourse

Ce café était souvent acquis sans

délier ; il fut quelquefois saisi.

Dans plusieurs attaques, les révoltés o n t trouvé une retraite assurée. C'était l'effet d u hasard, niais c'était un fatal hasard! Fallait-il

que le général

complaisamment

en chef se

laissât

déporter ?

Le projet de la déportation du c h e f de l a colonie a cela d ' é t o n n a n t , qu'il est que ce projet

a existé,

prouvé

et que l'auteur, d ' a ­

près les réciproques accusations

imprimées,

reste encore inconnu. L e préfet M a g n y t o t , d'une part, avait prévenu le capitaine-général, que 200 barils de farine avaient été soustraits à la consommation pendant la disette,

pour

être remis en circulation après sa déportation; ils furent saisis (1). Il avait aussi annoncé avoir instruit par le contre-amiral Latouche-Tréville, le ministre de la M a r i n e , qu'on avait formé le projet de déporter le capitaine-général. (1) Il y a d e s p e r s o n n e s qui assurent q u e M . Fedon avait fait la déclaration d e ces 2 0 0 b a r i l s d e f a r i n e , et qu'il les a v a i t offerts pour l e s b e s o i n s d e la g a r n i s o n . D a n s une affaire aussi m a j e u r e , la r e p r é ­ sentation d e sa soumission, par l ' a d m i n i s t r a t i o n , e t l ' e x p é d i t i o n d e la déclaration qu'a dû faire M . F e d o n , aux c o m m i s s a i r e s qui ont été chargés de l a r e c e v o i r , donneroient beaucoup de lumières.


(117) D'autre p a r t , le chef de l'étal-major-génér a l , par une lettre qu'il rendit p u b l i q u e , annon­ ç a « que si s u r - l e - c h a m p il n'avait

pas fait

»

connaître au général en c h e f , les proposi-

»

tions qui lui avaient été f a i t e s , de coopérer

»

à sa déportation, c'est qu'il avait pensé que

»

l'intérêt de la colonie

»

parfaite union entre les premières autorités,

»

il devait garder le s i l e n c e , et ne le r o m p r e

exigeant

alors u n e

»

q u e dans le cas seulement o ù on persiste-

»

rait à mettre ce projet à exécution » . Je puis donc d i r e , avec M . I d

» » »

v o u l u les renfermer dans m o n â m e : intéde m a

rêts

»

p a t r i e , vous

me

les avez

arrachées ! »

I V

De

: « voilà

d e s vérités bien douloureuses ; en vain j'ai

M

E

n'avoir

.

R E P R O C H E .

pas effectué

une descente

à la

Jamaïque. LE

capitaine-général

b o r n é , relativement

Roehambeau

avait

aux circonstances, ses

opérations militaires à la défensive,

en

atten­

d a n t une réunion d e force suffisante pour se porter à

l'offensive.


(118) Si le général en c h e f eût tenté la conquête de la J a m a ï q u e , ne pouvait-il pas être fait prisonnier avec l ' a r m é e , ou être tué. A l o r s l'unité d e s pouvoirs n'existait p l u s , et l ' a r m é e perdait la force qu'elle offrait, malgré sa f a i ­ b l e s s e , sous les ordres

d'un premier

chef

n o m m é par le gouvernement. Chaque général de division, par les circonstances où il se t r o u ­ v a i t , eût voulu agir à sa volonté. Malgré la g u e r r e , il pouvait arriver des s e ­ cours de France. En morcelant les différentes garnisons, c'était sciemment faire avorter l e plan de campagne adopté, prolonger la g u e r r e avec les révoltés, et obliger à une c o n s o m m a ­ tion d'hommes outre-mesure, et sans utilité. Il eût f a l l u , d'ailleurs, diminuer la garnison du Port-au-Prince, qui était strictement n é ­ cessaire à la conservation de cette p l a c e ,

et

c'eût été livrer les habitans à la discrétion des nègres et des mulâtres. Cette ville est à l a vérité tombée en leur p o u v o i r ,

mais les co­

lons avaient o b t e n u , de la force de la garni­ s o n , la faculté de se réfugier à volonté. Il y a eu des v i c t i m e s , mais leur assassinat est dû à la perfidie des anglais. La conquête de la Jamaïque, si elle eût p u se faire, eût été avantageuse, par la sation

compen-

quelle eût procuré à la paix ; mais elle


(119) n'eût pas empêché les anglais de fournir des munitions de guerre aux révoltés. Cette c o n ­ q u ê t e n'eût servi qu'à faire augmenter la force d e l'escadre anglaise, ou à faire relever la station par une nouvelle escadre envoyée d'Eu­ r o p e , qui n'eût pas été sensible en moins en Angleterre. L e s forces maritimes des

anglais à la Ja­

m a ï q u e » étaient d'ailleurs supérieures à celles des français. O n pouvait hasarder le voyage d u Port-au-Prince au C a p , parce que plusieurs p o r t s s'offraient le long de la côte pour la r e ­ t r a i t e ; mais attaquer un ennemi plus f o r t , c ' e û t été vouloir tout s a c r i f i e r , moindre

V

M

lorsque la

ressource était à ménager.

E

.

Stagnation

R E P R O C H E . de l'armée

navale.

S A I N T - D O M I N G U E est un domaine de la cou­ r o n n e , qui tient essentiellement au départe­ m e n t de la marine. Les armées de terre et de m e r sont rivales de gloire

et

animées des

m ê m e s sentimens pour la prospérité de l'état; m a i s les marins c o m m e les troupes de l i g n e ,


( 1 2 0 )

tiennent à ne recevoir d'ordre que des g é n é ­ raux de leur a r m e , ou d'un dignitaire du p r e mierordre. Cette colonie est d'une assez grande importance, pour que le gouvernement g é n é ral soit déféré à un vice-roi.

Cette é m i n e n t e

qualité

difficultés,

lofs

tiendrait

ni à

levrait

toutes

les

m ê m e que le dignitaire ne

l'armée de terre ni à la marine. Cette dignité à laquelle serait élevé le chef de la c o l o n i e , concourrait

efficacement

au

rétablissement

de l'ordre. Les nègres ont un respect religieux pour les volontés d'un roi. « Zote-pai-bouche » cè roé qui vlé».

;

(Tais-toi ; le roi le v e u t ) .

Toussaint avait écrit aux commissaires Directoire,

du

qu'il ne les reconnaîtrait, en leur

qualité, que lorsque les français auraient

trôné

un roi. Les nègres de St.-Domingue, ne voient dans un capitaine-général, qu'un

capitaine.

La stagnation des vaisseaux de l'état, l o r s ­ qu'elle a eu l i e u , a été commandée par les circonstances calamiteuses qui ont affligé la colonie.

Aussi long-temps que les vaisseaux

ont pu former les équipages qui leur étaient nécessaires, ils ont été en croisière. La m a l a ­ die a atteint les marins avec la m ê m e violence que les troupes de terre. Il y a eu une disette totale de matelots et d'artilleurs. La colonie devait de la reconnaissance au contre-amiral


(121) Latouche-Tréville

: il a secondé de la m a ­

n i è r e la plus particulière, les capitaines-géné­ r a u x Leclerc et Rochambeau. Il y a eu des navires du c o m m e r c e de pris à

l'abordage

p a r les nègres; mais c e fut dans des temps de c a l m e . Alors les vaisseaux ne pouvaient être d ' a u c u n e utilité. Ils eussent p u , e u x - m ê m e s , ê t r e exposés, par le défaut de v e n t , à être e n ­ trainés sur les côtes. On ne pouvait les armer d'hommes

dixième

au

nécessaires pour la

manœuvre et la défense, contre les flotilles des nègres.

des barges

V I

M

E

.

R E P R O C H E .

Emprunt f o r c é au Cap. M. Fedon

fusillé.

IL était dû cinq mois de solde à l'armée. Il fallait assurer sa subsistance (1); les hôpitaux

( 1 ) tait

L e 29

vendémiaire

an

dans l e s m a g a s i n s d e l ' é t a t ,

X I I , il

n'exis­

au C a p , q u e 299

b a r i l s de f a r i n e , pesant 53,871 l i v r e s . L e 1 . ET l e ER

4

brumaire,

il arriva

544

barils,

qui p e s a i e n t

6 1 , 9 2 0 l i v r e s . E n t o t a l , 115,791 livres de farine,

qui

d e v a i e n t p r o d u i r e 144,738 l i v r e s de p a i n , o u 1 2 8 , 6 5 8


(122) étaient dans le besoin. Les entrepreneurs r é ­ clamaient, avec j u s t i c e , l'exécution de l e u r

rations m i l i t a i r e s , à raison d e 1 8 o n c e s l ' u n e . 59,255

livres

de b i s c u i t ,

ou

Plus,

7 4 , 0 6 8 rations

à

12

onces l ' u n e . L e total des r a t i o n s , en pain et b i s c u i t , à 202,726.

Le

nombre

des

individus

nourris au c o m p t e d e l ' é t a t , m o n t a i t

s'élevait

qui

étaient

à trois

mille.

P a r t a n t , il n'y eût eu p o u r e u x , à dater du 2 9 démiaire,

que

pour 6 8

fraîche m a n q u a i t ;

jours

il n ' y

do pain. L a

avait

ven-

vianda

aucunes e s p è c e s

de

salaisons. à cette époque

pour les h a b i -

tans de la v i l l e . L e c a p i t a i n e - g é n é r a l

L a disette

existait

leur a c c o r d a ,

l e 6 b r u m a i r e , sur l ' a p p r o v i s i o n n e m e n t d e s t r o u p e s , un secours de 5 o b a r i l s ment

dans le

miques,

à

la

mois.

de f a r i n e , et

successive­

O n fit faire des soupes

Romfort,

pour

les n è g r e s

écono­ domes­

t i q u e s , qui se p a y a i e n t 5o c e n t i m e s l ' u n e . L e 8 f r i m a i r e , j o u r d e l ' é v a c u a t i o n , il r e s t a i t p e u d e farine et d e b i s c u i t , p u i s q u e

partie des

qui c o m p o s a i e n t l e c o n v o i

la J a m a ï q u e , n ' a ­

pour

navires

v a i t q u e du r i z , du b e u r r e et d e l'eau p o u r l e s é q u i ­ pages,

les

devait

rester le 28 b r u m a i r e , jour

troupes,

e m p l o y é s et h a b i t a n s . qu'on

a

11

ne

traité

a v e c l e s n è g r e s , que p o u r v i n g t j o u r s d e v i v r e s d a n s les m a g a s i n s d e l ' é t a t ,

en y c o m p r e n a n t

le restant

du riz q u i , au 2 9 v e n d é m i a i r e , s'élevait à 4 3 , 5 2 8 l i v r e s . A la m ê m e

é p o q u e , 29

v e n d é m i a i r e , il y

avait


(123) m a r c h é , pour les approvisionnemens qui leur étaient assurés. Le salut des malades c o m ­ mandait impérieusement de les satisfaire ; la f a r i n e , la v i a n d e , les salaisons, etc. ne pou­ vaient s'obtenir, lorsque

le hasard en pro­

c u r a i t , que partie en denrées et partie en argent. Il existait au Cap des négocians qui méri­ taient la plus grande considération; mais il y e x i s t a i t , c o m m e dans les autres villes, indépendans,

des anciens

afidés à

des

Toussaint,

qui desiraient trafiquer avec les anglais et les anglo-américains. D e s français

anglo-man,

cessèrent leurs spéculations aux Etats-Unis,

a u s s i , dans les m a g a s i n s légumes

de l ' é t a t , 9,082 l i v r e s d e

secs ; 2 4 , 6 7 6 l i v r e s

d e b e u r r e et

( s a i n - d o u x ) ; 3 2 , 0 4 7 pintes d e v i n ; de

vinaigre.

été

c h a r g é du

p e u t mieux plus de

Le

commissaire

service

des

que personne

mantègre

1 0 7 , 8 4 5 pintes

principal H u b e r t

a

a p p r o v i s i o n n e m e n s : il certifier s'il y a v a i t

g r a n d e quantité d e v i v r e s

dans l e s

une

magasins

l'état. O n avait

proposé

5o milliers

de

biscuit;

mais

i l e û t é t é n u i s i b l e a u x t r o u p e s et a u x h a b i t a n s , p a r l a m a u v a i s e q u a l i t é o ù il se t r o u v a i t . A v e c q u o i e u s s e n t v é c u l e s t r o u p e s e t l e s habitans d e l a v i l l e , si o n n'eût pas traité a v e c les n è g r e s , ou si

o n eût é v a c u é sur S a n t o - D o m i n g o ?


(124) sous prétexte du blocus.

D'un autre c ô t é ,

l ' i n t é r ê t , ce mobile de toutes c h o s e s , n e

se

faisait plus ressentir aux négocians de la N o u ­ velle-Angleterre. Quelle en était la cause ? D e ramener Saint-Domingue sous le régime d e s n è g r e s , pour j o u i r , ainsi que par

le

passé,

du commerce de cette c o l o n i e , c o m m e de l e u r propre bien. Il est néanmoins certain, qu'avec des petits bâtimens, quelques précautions et de la h a r ­ diesse, l'arrivée pouvait s'effectuer. L e s n é ­ gocians du Cap ne firent aucune tentative. L e général en c h e f avait envoyé des c o m m i s ­ saires aux Etats-Unis, pour avoir des secours en vivres. Pourquoi ces

approvisionnemens

n'arrivèrent-ils pas ? Un honnête çaise)

da

marin

la Nouvelle-Orléans ( i l était d'origine

fran-

exposa toute sa fortune : il arriva au

Cap avec environ 300 barils de farine, e t c . , malgré la chasse que lui donna l'escadre a n ­ glaise, qui mit tout en œuvre pour l'atteindre. T o u s les vaisseaux lâchèrent leurs bordées sur le bâtiment pour le couler (1).

(1) L o r s q u e les n è g r e s et les m u l â t r e s furent r e s t é s maîtres

de

l a c o l o n i e , les

b o u c h e et l e s

munitions

approvisionnemens

de guerre

abondèrent

de au

C a p . L e s a n g l o - a m é r i c a i n s ne r e d o u t è r e n t plus a l o r s


(125) L e capitaine - général eût desiré que les lesfemmes

vieillards,

et les enfans se fussent

t o u s déterminés à passer au continent

ou à

Pour les y obliger par la crainte d'être

Cuba.

e x p o s é s à la famine et aux horreurs d'une ville q u i pouvait être enlevée d'assaut, il fit publier e t afficher: « Qu'il tiendrait encore plus long»

t e m p s qu'à la Martinique, et qu'il a c c o r -

» derait des passe-ports, même au xpoltrons. » Il n e pouvait mieux manifester ses intentions, et d o n n e r à connaître que toutes ces bouches i n u t i l e s gênaient ses opérations militaires. Il y

e u t quelques femmes et des vieillards qui

r e m p l i r e n t ses vues; mais le plus grand nombre r e s t a dans la ville, c o m m e retenu par attrac­ t i o n . Les époux des femmes qui étaient par­ t i e s , et de jeunes célibataires,

désertèrent;

i]s affaiblirent par leur fuite la force publique, ce q u i réduisit à quatre ou cinq cents blancs

les

é v é n e m e n s d e la g u e r r e .

effectué

leur

Nouvelle-Angleterre,

mens,

gouvernement,

à l'entrée

ont la

a m é r i c a i n s , à l'insçu

de

a r m e n t en g u e r r e leurs b â t i -

p o u r r é s i s t e r a u x corsaires

capturent

français qui

d i r o n t , s'ils v e u l e n t être v e r i -

d i q u e s , que les négocians leur

Les

r e t o u r e n F r a n c e , par la v o i e d e

et à l a

français qui les

sortie des

ports

d e la


(126) et de c o u l e u r , la garde nationale q u i , d e u x mois avant, était forte de 1,500 h o m m e s . L a famine augmentait journellement; les anglais en étaient instruits. Les dangers dévenant d e plus en plus imminens, déterminèrent plusieurs personnes des deux sexes à s'embarquer p o u r Cuba. Sorties de la b a y e , les anglais eurent l'atrocité de tirer sur les frêles embarcations qui portaient les victimes de leur c u p i d i t é pour les obliger de rentrer. L e capitaine général, convaincu que c e s bâtimens n'avaient rien à craindre, en longeant la c ô t e , fit tirer au-dessus d'eux,

d u fort Picolet, pour les

forcer à continuer leur route. Ils arrivèrent en effet à leur destination, où ils furent reçus avec toute l'humanité q u e reclamait leur situation. La garnison étant à la veille d e manquer de subsistances ; les hôpitaux denués d'approvisionnemens

les habitans éprouvant l a d i ­

sette par cause de cessation d e demandes aux Etats-Unis ; le Cap étant cerné par les nègres et les m u l â t r e s , et par leurs dignes alliés les a n g l a i s ,

q u e pouvait le capitaine-

général dans une pareille crise ? Les navires américains se rendaient dans l'ouest

et le sud,

occupés par les révoltés

nègres et mulâtres. L e général d e brigade


(127) faisait entrer de force de

Louis de Noailles,

c e s navires au môle St.-Nicolas. Cette mesure é t a i t commandée par les c i r c o n s t a n c e s , et p o u v a i t suffisamment approvisionner le C a p ; mais

il fallait de l'argent pour payer les car­

g a i s o n s . Le capitaine-général ordonna un emprunt forcé

de huit cent mille francs.

Pour

r e n d r e la répartition plus facile entre les ha­ b i t a n s de la ville, i l en taxa huit qui passaient p o u r millionnaires,

à trente-trois raille francs

c h a c u n . Il chargea les notables de fixer la c o n t r i b u t i o n des autres. La non-exécution de la part des p r e m i e r s , entraînait, annonçat - o n , la peine de mort. M M . Fedon, Brassier, H a r d i v i l l i e r s , Allard et W a n t r o n , opposèrent d e s difficultés ; ils furent conduits en prison. Les autres satisfirent à l'emprunt. L e général en c h e f , en taxant ces huit per­ s o n n e s , n'entendait pas agir arbitrairement. C e q u i le p r o u v e ,

c'est qu'ayant été c o n s ­

t a t é q u e M . W a n t r o n , l'un de ceux imposés à 3 3 mille francs

jouissait de plus de réputa­

t i o n q u e de richesses, le capitaine-général lui r e n d i t la liberté. M M . Brassier, Hardiyilliers et Allard payèrent. C e n'était pas u n e contribution de g u e r r e , n i m ê m e u n e m p r u n t , mais un échange de v a l e u r réelle contre valeur r é e l l e , qui sau-


( 1 2 8 )

vait aux particuliers une partie de leur

for­

tune ; échanger enfin des écus contre des r é ­ cépissés négociables sur le trésor national. I l est rare à S t . - D o m i n g u e , que le ne soit égoïste.

capitaliste

Sa patrie

est

son coffre. Il a été prouvé par les divers

ré­

millionnaire

gimes sous lesquels la colonie, a été a s s e r v i e , que peu lui importe qui commande,

pourvu

qu'il augmente son trésor. L e c a p i t a i n e - g é ­ néral avait défendu l'exportation

du n u m é ­

raire, parce que les anglais en dépouillaient ceux qui l'emportaient, et que le défaut d e circulation

aggravait les maux. Les

préférèrent

courir le risque que leurs écus

fussent p r i s ,

à l'employer

riches

aux besoins de

l'armée. M . Fedon,

principal intéressé à l'entreprise

des transports militaires, fut fusillé le 3 bru­ m a i r e , vers g heures du malin. Cette sanglante

catastrophe

avait sensi­

blement affecté les habitans et l'armée.

Elle

doit être une leçon pour tous les h o m m e s ; mais en pesant avec impartialité les circons­ tances qui ont précédé cette e x é c u t i o n , il est impossible de faire de cette m o r t , un reproche au capitaine-général Rochambeau. M . Fedon,

principal intéressé dans l'entre­

prise des transports militaires, réclamait, c o n ­ jointement


(129) j o i n t e m e n t avec ses a s s o c i é s , à la charge u n e somme de plus Etait-il

du

pour solde de ce s e r v i c e ,

gouvernement,

d'un

million.

présumable que M . Fedon et ses

a s s o c i é s , ne pussent par e u x ,

ou par leur

c r é d i t , prêter avec nantissement, trente-trois mille qui

francs pour les besoins d'une a r m é e , avait

considérablement

augmenté leur

fortune ? D ' a u t r e p a r t , le capitaine-général avait sus­ pendu

l'exécution.

Pourquoi

a-t-on

outre­

p a s s é ses ordres ? Qui les a outre-passés ? L'ordonnateur

Perroud

p i t a i n e - g é n é r a l , une heure tion,

demanda au c a ­ de répit à l'exécu­

que les notables

s'obli­

g e a i e n t de payer dans ce délai, pour M.

Fedon.

en annonçant

L e g é n é r a l en c h e f l'accorda.

L'ordonnateur

i n v i t a alors le commandant Néraud, de ger

le premier

ordre,

chan-

et de donner l'heure

a c c o r d é e . Ce second ordre fut délivré ainsi conçu : «

Si dans une h e u r e , les six mille gourdes

» n e sont pas versées au t r é s o r ,

le

citoyen

»

F e d o n sera fusillé, conformément aux ordres

»

d u général en chef. » C ' e s t l'adjudant-commandant Néraud, c o m ­

m a n d a n t de la place et de la garde d ' h o n ­ n e u r d u général en c h e f , qui avait fixé l'heure I


(130)

du d é p a r t , celle de l'exécution, et la m a r c h e du détachement de gendarmerie. C'est lui q u i avait remis à l ' o r d o n n a n c e , pendre, pendant une heure, prescrit à l'ordonnance

l'ordre de s u s ­ l'exécution. Q u i a

d'accompagner

notables ? Pourquoi ce second ordre pas été porté de suite au chef

les

n'a-t-il

d'escadron

Collet, commandant de la gendarmerie, p u i s ­ qu'il était porteur du p r e m i e r , pour faire f u ­ siller M . F e d o n , et qu'il était en marche a v e c le p a t i e n t , pour se rendre

au lieu du

sup­

plice ? Il n'y avait que deux portées de f u s i l , du palais du gouvernement

au lieu de l'exé­

cution.Les notables et M . Fedon jeune, étaient au palais,

lorsque

l'ordre pour suspendre

l'exécution pendant une h e u r e , a été délivré. Qui d o n c , donnance

on le r é p è t e , a prescrit d'accompagner

M M . Renouard

les notables

et Stansant,

à l'or?

président

et trésorier du conseil des n o t a b l e s ,

s'occu­

pèrent, en sortant de chez le capitaine-géné­ r a l , de faire entr'eux les 33 mille francs. Ils se transportèrent, sans perdre de t e m p s , c h e z le commandant Néraud avec

l'ordonnance,

pour lui annoncer que les fonds étaient faits. Qu'y

apprirent-ils ?

que

M . Fedon

était

fusillé. Pourquoi le frère

de M . F e d o n , qui n ' i g n o -


(131) raît

pas que le général en c h e f avait accordé

u n délai à l ' e x é c u t i o n , ne fut-il pas rendre l'espérance au patient et le c o n s o l e r , au lieu d ' a c c o m p a g n e r les notables ? Pourquoi les n o ­ t a b l e s ne firent-ils pas prévenir M. Collet? I l est pénible de s'appesantir sur cette cruelle c a t a s t r o p h e ; mais pourquoi M . Fedon

jeune,

n e l a prévint-il pas ? O n ne peut se dissimu­ ler,

que sa situation était h o r r i b l e , que son

e s p r i t devait être frappé de t e r r e u r , et son â m e dans la stupeur ; mais il s'agissait d e s a u v e r un frère,

et le moindre délai pouvait

ê t r e fatal : ce qui est arrivé. L a veille de l ' e x é c u t i o n , r e m i s à son jeune f r è r e ,

M . Fedon avait

u n e lettre pour les

m e m b r e s du conseil des notables. Il leur d e ­ m a n d a i t de lui avancer la somme à laquelle il é t a i t imposé. A quatre heures du soir de c e m ê m e j o u r , M . Fedon j e u n e , c o m m u n i q u a c e t t e lettre à M . Dat,

ex-entrepreneur des

h ô p i t a u x militaires, qui lui dit de la porter d e s u i t e à M . Renouard,

président du conseil des

n o t a b l e s , et s'obligea par é c r i t , d'entrer pour u n quart dans la s o m m e à avancer. S i on doit en croire le conseil des notables, la lettre de M . Fedon n'a été remise à son p r é s i d e n t , qu'à six heures du matin, environ t r o i s heures avant l'exécution. I 2


(132) Que d'inconséquences de la part de ceux q u i pouvaient sauver M . Fedon.

V I I N'avoir

M

pas

Domingo, L E

E

.

R E P R O C H E . évacué

du

avant l'arrivée

Cap

sur

de

Santo-

Dessalines.

capitaine - général en o f f r a n t , par ses

proclamations, des passe-ports,

avait suffi­

samment manifesté aux habitans du C a p , la résolution qu'il avait p r i s e , de s'ensevelir sous les ruines de la v i l l e , plutôt que de la livrer aux anglais. La majeure partie de

ceux qui

étaient aptes au s e r v i c e , et capables d'en s u p ­ porter les f a t i g u e s , avait fuit

à l'étranger ;

il ne restait pour défenseurs dans la p l a c e , qu'une faible g a r n i s o n , la compagnie nistrative,

admi-

et quelques blancs de la garde

nationale. Il fallait deux mois et p l u s , pour se rendre du Cap à S a n t o - D o m i n g o , avec la garnison, traîner l'artillerie de campagne transporter les

nécessaire,

munitions de guerre

et d e

b o u c h e , les archives des greffes, celles des d i f f é ­ rentes administrations militaires et c i v i l e s , et


( 1 3 3 )

assurer la marche des habitans des deux sexes, q u i persistaient à rester sous la protection de l a garnison. O n doit juger combien la marche de celte c a r a v a n e eût été difficile. Il fallait gravir des m o n t a g n e s ; tous les chemins avaient été d é ­ f o n c é s ou obstrués par les révoltés. L'obliga­ t i o n d'être constamment sur e n mesure

le

qui

v i v e ,

de supporter les attaques

et

d'un

e n n e m i sanguinaire ; la faiblesse des valétu­ d i n a i r e s ; celle du sexe et des enfans q u i , n u i t et jour n'eussent pu être abrités des i n ­ j u r e s du temps, et ensuite les réflexions péni­ bles

et déchirantes auxquelles on eût été

l i v r é , par l'abandon

des malades qu'on eût

é t é obligé de laisser au C a p , sans pouvoir l e u r assurer de secours ( 1 ) . Il n'existait, le 29 v e n d é m i a i r e , c o m m e on l'a déjà observé, en p a i n et b i s c u i t s , dans les magasins de l ' é t a t , q u e pour soixante-huit jours pour la garnison.

(1)

Lorsqu'on

Perroud

avait

a

évacué

fait u n e

le

Cap,

l'ordonnateur

convention é c r i t ,

avec

les

c o m m i s s a i r e s d e D e s s a l i n e s , p o u r l e s soins à d o n n e r aux malades, place,

q u ' o n était o b l i g é d e laisser d a n s l a

et p o u r l e u r r e t o u r en F r a n c e , p a r la v o i e d e

l a N o u v e l l e - A n g l e t e r r e . A p r è s l ' é v a c u a t i o n du C a p , p e s s a l i n e s l e s fit n o y e r .


(134) La ville était dépourvue de toutes espèces

de

subsistances. A l'époque où Dessalines

se mit en m a r c h e

sur la partie du n o r d , tout faisait espérer q u e c e c h e f noir serait retenu au Nicolas, Noailles,

môle

Saint-

et que le général de brigade, Louis

de

parviendrait à le forcer à r é t r o g r a ­

der. La belle défense de ce général ne fit q u e hâter la résolution qu'avait Dessalines,

d'at­

taquer le quartier-général. Il abandonna le m ô l e S t . - N i c o l a s , et se rendit sur les hauteurs d u Cap.

Christophe

et Clerveau

cernaient

la plaine, depuis la grande rivière au h a u t du Cap. Si à l'approche de Dessalines, c u é sur Santo-Domingo,

on eût é v a ­

il eût fallu c o m b a t t r e

les divisions de Christophe

et de

Clerveau,

qui se fussent r é u n i e s , et surtout les a t t e i n ­ dre ; ce que ces chefs noir et jaune eussent é v i t é , pour s'en tenir à h a r c e l e r , et d e mettre la

confusion dans

tâcher

la c a r a v a n e .

En supposant qu*on eût vaincu toutes les d i f ­ ficultés militaires, et qu'on fût parvenu à se réunir au général Férand, eussent pas

les habitans n ' e n

moins péri de faim durant la

r o u t e , puisqu'ils n'avaient que peu ou p o i n t d'approvisionnemens à leur d i s p o s i t i o n ,

et

qu'on n'eût pu s'en procurer pendant la m a r -


(135) c h e , ni m ê m e de l ' e a u , lorsqu'on serait par­ v e n u à vingt lieues de Santo-Domingo. Fallait-il abandonner les habitans dans la v i l l e ? Dessalines a fait égorger tous ceux qui y

s o n t restés après l'évacuation forcée de la

p l a c e , quoiqu'il ait écrit au conseil des n o ­ tables,

qu'il accordait protection spéciale à

t o u s sans e x c e p t i o n , et que leurs personnes et leurs propriétés seraient respectées : c e qui a d é t e r m i n é beaucoup de personnes qui étaient embarquées,

à reprendre leur d o m i c i l e , et

à faire débarquer leurs effets. S o u s le rapport de l ' h u m a n i t é , tout pres­ c r i v a i t de garantir les habitans de la férocité des révoltés. Sous celui de la p o l i t i q u e , leur c o n s e r v a t i o n était aussi précieuse, puisque les c o l o n s formaient une population qui ne peut s e remplacer que par de très-grands sacrifices, e t q u e le succès à venir, dans la reprise de la c u l t u r e , était dépendant des connaissances q u ' i l s avaient acquises par l'expérience. O n ne pouvait

donc

évacuer sur Santo-Domingo

q u ' a v e c les habitans. Evacuer le C a p , dès l'instant de l'attaque d a n s le sud par les révoltés ? après l'évacua­ t i o n de c e quartier ou de celui de l'ouest ? C ' e û t été dans l'un et l'autre c a s , l'action d ' u n h o m m e pusillanime. L e général R o c h a m -


(136) beau est d'un caractère trop prononcé

sur

l ' h o n n e u r , pour s'en écarter.

V I I I

M

E

.

De l'évacuation

R E P R O C H E . du Cap. Des officiers en

donnés

otage.

L ' É V A C U A T I O N d u C a p a paru

étonnante,

après Je succès que les troupes françaises o n t obtenus lines,

le jour de l'attaque faite par Christophe

et Clerveau;

Dessa-

d'où o n en

a tiré la c o n s é q u e n c e , qu'elle n'aurait pas eu l i e u , si on avait attaqué les révoltés le l e n d e ­ main. Si les nègres et les mulâtres eussent

été

seuls à combattre ; si les anglais eussent é t é p a s s i f s , c'est-à-dire, si on eût eu l'assurance qu'ils borneraient

leurs opérations

ciales,

et à fournir des munitions

au blocus,

anti-so-

de guerre à leurs brigands noirs et jaunes ; o n e û t , d'après la valeur française, tenté d e vaincre toutes les difficultés, quoique les r é ­ voltés fussent parvenus à élever sur le m o r n e du C a p , une batterie qui portait dans le c e n ­ tre de la v i l l e , et quoique leur armée se p r o -


(137) longeât du bourg du haut du C a p , jusqu'au fort Picolet. Mais les anglais avaient l'inten­ tion de forcer l'entrée de la b a y e , et de f o u ­ droyer la v i l l e , pendant que les français graviraientla montagne pour atteindre les révoltés; attaque d'autant plus p é n i b l e , que le morne du

Cap est très-élevé, et presque à p i c , ce

q u i , sous ce rapport, centuplait la force des révoltés,

et eût diminué d'autant celle des

français ( 1 ) . La garnison et les habitans se fussent trouvés entre deux f e u x , et il est évi­ d e n t que tous eussent été

impitoyablement

massacrés. D'autre part, les nègres étaient d é ­ cidés à faire jouer la m i n e , et à faire é c r o u ­ l e r du m o r n e , de fortes parties de rochers

( 1 ) L a ville

du C a p est o u v e r t e d e

toutes parts.

D u côté de la t e r r e , elle est d o m i n é e par la t a g n e , au bas de l a q u e l l e défense de

elle

est

consistait en un b a s t i n g u a g e d e d e u x

t o n n e a u x , remplis de

terre.

mon­

p l a c é e ; t o u t e la

L'escadre

rangs

anglaise

é t a i t c o m p o s é e d e o n z e v a i s s e a u x d e l i g n e : on n ' a ­ v a i t q u e trois f r é g a t e s , d é g a r n i e s d ' é q u i p a g e s , o p p o s e r . L e s faire c o u l e r dans les passes une

opération

très-incertaine

et

à leur

! C'eût

été

très-impolitique

p a r l e s u c c è s . C ' e û t é t é m e t t r e à e x é c u t i o n le p r o j e t q u e l e s anglais a v a i e n t f o r m é , l o r s d e l e u r e x p é d i t i o n pierreuse

sur B o u l o g n e .


(138) sur la ville ; espèce d'attaque de la part d e s r é v o l t é s , contre laquelle aucune défense h u ­ maine ne pouvait résister. A i n s i , soit que l e s français se fussent maintenus sur la

défensive,

ou qu'ils se fussent portés à l'offensive,

leur

mort était certaine. Fuir par la plaine ? la c o n ­ fusion eût amené une déroute d'autant p l u s cruelle, que par la fuite m ê m e , on se serait trouvé sans défense. Depuis six s e m a i n e s , le blocus

était u n

thermomètre de sensations politiques. L ' e s ­ cadre anglaise resserrait journellement l ' e n t r é e de la b a y e , en plus, ou moins de ce q u ' e l l e apprenait de la résolution qu'on avait de se d é ­ fendre jusqu'à la mort, plutôt que de lui livrer la ville. Le jour de l'attaque, l'escadre anglaise était composée de onze vaisseaux de ligne. Le capitaine-général Leclerc a vaincu lors de la révolte de Dessalines,

en vendémiaire

an X I , parce que l'attaque des rebelles était fixée dans la plaine, où les nègres ne peuvent résister à la valeur française. Dans cette d e r ­ nière attaque, l'armée

on a également vu

des révoltés n'eût

occupé

que si que

la

plaine, elle eût été entièrement détruite. L e s appeler au combat dans la plaine? alors il fal­ lait abandonner la v i l l e , q u i , à l'instant, eût été la proie des rebelles. Toutes les f o r c e s


(139) eussent été pour e u x ; la garnison et les habitans eussent été victimes de l'imprévoyance d e leur chef. L'attaque

combinée

des révoltés et des

anglais, nécessitait néanmoins une détermi­ nation définitive. Il fallait périr par le fer assassin des anglais, et de leurs alliés, noirs et j a u n e s ; ou faire un choix entre ces c a n n i ­ bales pour la remise de la place.

Dessalines

obtint la préférence ! la saine politique le c o m ­ m a n d a i t , ainsi que cela s'était pratiqué pour les autres p l a c e s , excepté la ville du Port-auP r i n c e , qui, après avoir été livrée aux anglais, f u t remise par eux aux nègres, à la condition d'égorger les blancs qui s'y trouvaient. L a possession de S a i n t - D o m i n g u e , par les révoltés, souveraineté

conserve toujours à la France la de cette île. A la paix avec l ' A n ­

g l e t e r r e , celte colonie n'entrera pas en

com-

pensation. L'adjudant-commandant Duveyrier s'abou­ cha avec les nègres; le capitaine-général ra­ tifia les conditions pour la remise de la place : d e part et d'autre on livra des otages. Il traita ensuite avec les anglais pour la sortie par m e r , de la garnison et des habitans (1). (1) L a flotte sortit de la baye au jour fixé. Une


(140) O n fait un reproche au général R o c h a m beau

d'avoir compromis la dignité n a t i o n a l e ,

en livrant des officiers européens pour o t a g e s à des brigands, et d'avoir mis leur vie e n d a n g e r , en prétendant qu'il a condamné

à

m o r t , durant le séjour des otages au c a m p d e Dessalines, les nègres de la chaîne, e m p l o y é s aux travaux publics. Par les arrangemens pris avec on avait dix jours

Dessalines,

pour évacuer la place : i l

était de la plus grande importance que l ' é v a ­ cuation se f î t sans troubles, et que les h a b i tans et les troupes pussent s'embarquer s a n s précipitation. La sécurité a régné pendant c e s dix j o u r s , c o m m e dans un temps de paix. L e s nègres

domestiques

aidèrent

avec

fidélité

dans le transport des effets, et parurent r e g r e t ­ ter les français. petite g o é l e t t e ,

sur laquelle

il y

a v a i t h u i t à dix

b l a n c s des d e u x s e x e s , fut c a p t u r é e p a r u n e b a r g e d e n è g r e s . L e s v i c t i m e s furent c o n d u i t e s sur l a c ô t e . L a m ê m e b a r g e a b o r d a la g o ê l e t t e sur l a q u e l l e était l ' o r d o n n a t e u r P e r r o u d , a v e c v i n g t p e r s o n n e s , tant officiers d ' a d m i n i s t r a t i o n d e d i v e r s g r a d e s , q u e des d a m e s . O n était sous l e canon du fort P i c o l e t .

Quel­

ques m o t s dits à p r o p o s , et l e s n è g r e s nous l a i s s è r e n t p a s s e r . L e s trois frégates et l e s n a v i r e s du c o m m e r c e furent a m a r i n é s p a r l e s anglais.


(141) II est étonnant qu'on

ait avancé que le

capitaine-général avait compromis la dignité nationale, en donnant deux officiers en otages a u x b r i g a n d s , et que cette mesure était r é ­ p r o u v é e par l'honneur. Il s'agissait cependant d'assurer la retraite à dix mille français, tant troupes qu'habitans des deux sexes. Ce n'était p a s d'ailleurs la première fois que des officiers avaient été envoyés aux nègres : cette mesure e u t lieu dans des temps aussi dangereux. A l'arrivée de l'escadre devant le C a p , le capitaine-général Leclerc e n v o y a , en parle­ mentaire à Christophe,

un officier de terre

e t un de marine, au moment que ce

chef

r e b e l l e allumait les torches pour incendier l a ville. L e général Boudet,

avant de

débarquer

a v e c sa division au Port-au-Prince, députa son a i d e - d e - c a m p au c h e f qui commandait dans la p l a c e . D e p u i s , on s'était conduit de

cette

m a n i è r e avec les brigands, sur deux autres points de la colonie. Le capitaine-général

Rochambeau

n'est

d o n c pas le s e u l , ni le premier qui se soit servi de ses officiers pour communiquer avec l e s rebelles. MM.

Urbain Deivaux,

c o m m a n d a n t , et Armand

adjudant-

Levasseur,

lieu­

t e n a n t - a i d e - d e - c a m p , envoyés en o t a g e s ,


(142) durent se trouver flattés du choix qu'on avait fait d'eux

pour cette mission. Forts de

la

loyauté du général en c h e f , et de son e x a c t i ­ tude à remplir ses engagemens, ils ne p o u ­ vaient pas craindre d'être victimes de la cruauté de l'homme auquel on les envoyait. Si par l'ordre d o n n é , d'embarquer

les n è g r e s

de la c h a î n e , employés aux travaux p u b l i c s , l ' e x i s t a n c e de ces officiers a pu paraître

à

quelques personnes avoir été un instant c o m ­ p r o m i s e , lorsque Dessalines a réclamé

ces

n o i r s , c e ne serait pas encore au général e n c h e f qu'il faudrait s'en prendre. C e fut le commandant de la place,

Néraud,

q u i , par mesure de sûreté, fit embarquer l e s nègres de la c h a î n e , parce qu'ils

pouvaient

occasionner du trouble dans le Cap. O n n e peut pas conclure pendant

de cet

l'évacuation,

été condamnés à mort.

embarquement,

que ces noirs avaient L'époque m ê m e d e

leur embarquement prouve le contraire. Il est pareillement étonnant que les anglais, toujours atroces dans leur politique, aient e u l'impudence de faire un r e p r o c h e , dans leurs papiers p u b l i c s , au capitaine-général R o c h a m b e a u , de n'avoir pas reclamé les ( q u ' i l s qualifient de prisonniers

déserteurs, de

guerre),


(143) e t de les avoir abandonnés

à la férocité

de

Dessalines. Ces militaires, par leur désertion ( e t désertion

étaitune

révolte contre

avaient encouru la peine

la

cette

France), Ils ont dû

capitale.

p e r d r e la v i e , avec le regret d'avoir mérité la m o r t . Ces déserteurs sont des soldats

polonais,

q u i ont été joindre les révoltés par compagnies. Quant

à des prisonniers

il n'y en

français,

a v a i t point : les rebelles

massacraient

sur le

c h a m p de bataille, les français qui tombaient e n leurs mains. Ils amoncelaient en forme (1)

de pyramide

leurs

N e f a l l a i t - i l pas aussi r é c l a m e r , c o m m e d e s

hommes

p r é c i e u x , un chirurgien

d e m a r i n e Gom

Bena....

qui

et l e

commissaire

o n t été j o i n d r e l e s

b r i g a n d s . Ce dernier a exposé les malades pital

des

Pères,

au Cap,

é v a c u a t i o n , d'après l ' o r d r e f ordonnateur

Perroud,

qu'il

tout

ambition autre

en

avait

leur

reçu

à être i m m o l é s p a r les

l u i d a n s la c o l o n i e ,

d'une

de l ' h ô ­

en n ' a c c é l é r a n t pas

n i b a l e s . L e s o u s - p r é f e t de Drèmes, avec

têtes

(1).

de can­

en faisant p a s s e r

ce jeune h o m m e

o u t r é e , l u i c r o y a i t sans

pétri

doute

c a r a c t è r e . I l y a d'autres b l a n c s qui

s o n t Tendus traîtres à l e u r p a t r i e , en

devenant

un se les

c o n s e i l l e r s i n t i m e s d e D e s s a l i n e s , et en suivant c e t homme-tigre naires.

dans

toutes

ses e x p é d i t i o n s

sangui­


(144) Lorsque l'escadre anglaise eut amariné l e s frégates de l'état, et les bâlimens du c o m ­ merce qui portaient les troupes et les h a b i t a n s qui suivirent l ' a n n é e , on se rendit à Royal,

P o r t -

île de la Jamaïque.

O u doit croire que l'amiral, c o m m a n d a n t à la Jamaïque, n'a eu en v u e , d'après instructions,

ses

lors de la signature de la c a p i ­

tulation, que la vie sauve

des troupes

pour

un temps. O n a volé aux troupes le peu q u ' e l l e s possédaient ; les habitans ont été dépouillés d e tout ce qu'ils avaient pu sauver. L a c u p i ­ dité anglaise a contraint les femmes à s o u f ­ frir sur elles, les recherches et les fouilles les plus indécentes. L a pudeur a été outragée avec une cruauté qui tenait de la rage q u ' a ­ vaient les anglais, de voir que leur expédition maritime, faite à grands frais, ne leur r a p ­ portait que l'odieux d'être compté au n o m b r e des peuples féroces. Les troupes furent e n t a s ­ sées à la Jamaïque, dans des pontons i n f e c t e s , où elles étaient livrées aux horreurs de

la

faim et de la s o i f , et périssaient calcinées par le s o l e i l , en cherchant à éviter

d'être

noyées à chaque marée m o n t a n t e , qui r e m ­ plissait d'eau les pontons. Les anglais livrèrent aux nègres, pour ê t r e égorgés, les équipages des corsaires français

qu'ils


( 1 4 5 ) qu'ils capturaient. O n doit à la vérité de d é ­ clarer qu'il y avait des officiers de la marine anglaise remplis d'honneur, qui rougissaient d e la conduite que tenait leur gouvernement. Il y en a qui ont exposé leur vie pour sauver d e s français ; mais il y en a eu aussi qui se s o n t bien oubliés, et qui ont autorisé, par l e u r silence, des actions outrageantes à l ' h u ­ manité.

I X D'avoir

M

E

R E P R O C H E .

remis la ville du Cap aux

avant LES

.

d'avoir

essuyé

trois

révoltés,

assauts.

ennemis du capitaine-général R o c h a m -

b e a u sont si exaspérés, qu'ils répandent dans: le

public que ce général a encouru la peine

c a p i t a l e , pour avoir livré la ville du Cap aux n è g r e s , avant d'avoir C'est-à-dire

q u e , sans

essuyé

trois

assauts.

exception,

tous

les

généraux et officiers ayant eu le c o m m a n d e n i e n t à S a i n t - D o m i n g u e , d'une ville o u v e r t e , un

b o u r g , une b i c o q u e , un fort, un

frouse

blok-

( m a i s o n - f o r t ) , et qui les ont éva­

c u é s ou rendus avant d'avoir résisté à K

trois


(146) assauts,

doivent,

suivant leurs p r i n c i p e s ,

passer par les armes. D e telles idées sont trop extravagantes p o u r être considérées sérieusement. Pour faire usage de l'article du Code m i l i ­ t a i r e , qui condamne à mort le c o m m a n d a n t d'une place de guerre,

qui l'a remise à l ' e n ­

n e m i , il faut que l'application de la loi p u i s s e se faire avec justice. Dans l'hypothèse d o n t i l s'agit, la question se décide par la c o m p a ­ raison des places. La ville du Cap-Français être comparée à une place

ne peut pas p l u s qu'on

de guerre,

n e peut comparer un village,

ouvert de t o u t e

part et d o m i n é , à la forteresse

de

Luxem-

bourg. La ville du C a p , du côté de la terre,

est

entièrement dominée par la m o n t a g n e , a u bas de laquelle elle est placée. T o u t e sa d é ­ fense consistait en un bastinguage

de deux:

rangs de tonneaux, remplis de terre. D u c ô t é de la mer, la baye est ouverte à l ' e n n e m i , quoique la batterie basse du fort

Picolet

pré­

sente une meilleure défense que celle de h a u t , où la garnison est en danger, par l'éboulement des rochers qu'occasionnerait le feu de l ' e n ­ n e m i , le fort étant adossé contre le r o c . L ' e s ­ cadre aux ordres du v i c e - a m i r a l

Vilaret-


(147) est entrée dans la baye du Cap en

Joyeuse,

pluviôse an X , malgré le feu de ces batteries. Alléguera-t-on que la ville du Cap était d é ­ f e n d u e par dix blok-houses,

élevés aux frais

d e s habitans, et garnis de cinquante pièces d'artillerie ? L a majeure partie de ces blok-houses feux

ne se croisant

(leur

n'offrait que de

pas),

g r a n d e s guérites. La protection défensive qu'on en

espérait, se perdit dès que les anglais

eurent fourni des obusiers et des canons aux révoltés. Les troupes renfermées dans

ces

colombiers

les

étaient prisonnières lorsque

r e b e l l e s paraissaient, si elles ne se hâtaient de s e replier. I l y a eu des défenses des plus honorables de

la part des t r o u p e s , lorsqu'elles furent

assiégées dans ces casemates de bois; mais que pouvait la valeur contre la multitude

des

assiégeans et leurs attaques régulières ? Les nègres ont été, dans plusieurs circonstances, e m p o r t é s par l'admiration de la bravoure fran­ çaise : ils s'écrièrent dans diverses de leurs attaques braves périr. dans

contre ces blok-houses,

qui les défendaient Ils les invitèrent une défense

passage

inutile.

pour se replier

que

ne devaient

les pas

de ne pas

persister

Ils leur

ouvrirent

sur la place.

Mais


( 1 4 8 )

cela ne prouve pas que ces blok-houses

pou­

vaient remplir le but qu'on s'était p r o p o s é . Ces défenses prouvent au contraire leur i n u ­ tilité. Toutes les troupes se sont signalées par d e s actions héroïques : elles se sont c o n s t a m m e n t couvertes de gloire. Ces blok-houses,

après que les nègres o n t

été munis d'artillerie, n'ont eu d'utilité c o n ­ n u e , que pour annoncer leur approche. S o u s ce rapport, c'était une protection; mais ils servaient plutôt à avertir qu'il fallait se dis­ poser à évacuer qu'à combattre, la garnison de la ville étant trop faible. Les lois pénales militaires, relatives à la r e d ­ dition d'une place

de guerre,

ne sont d o n c

pas applicables à celle de la ville du Cap. Les ennemis du capitaine-général R o c h a m b e a u , ne seront sûrement pas pris pour l e s amis des colons. Il fallait, d'après e u x , d e ­ vancer les massacres effectués par les anglais et les nègres, faire passer au fil de 1 épée les vieillards, les femmes et les enfans.


( 1 4 9 )

X De Un doit,

M

E

.

ne s'être général

R E P R O C H E . pas embarqué

le

dernier.

COMMANDANT UNE PLACE, ne

en l'évacuant,

en sortir que le

dernier.

L e reproche qu'on fait au capitaine-général R o c h a m b e a u , a une apparence perfide qui p e r s u a d e ; mais avec la réflexion, la

lâcheté

r e t o m b e sur ceux qui osent lui en faire l'ap­ plication. Le capitaine-général Rochambeau un lâche ! Personne ne le croira. Une cabale conduisit le comte

de Laly à l'échafaud; sous

l e règne DE NAPOLÉON, la calomnie ne trou­ v e r a pas d e sauve-garde. Le

capitaine-général

Rochambeau

ne

c o m m a n d a i t pas la place du C a p , quoiqu'il y

résidât. IL ÉTAIT GÉNÉRAL EN CHEF, COM­ MANDANT LA COLONIE. Son devoir lui pres­ crivait d'établir le quartier-général en C'est le général Lapoype,

rade.

commandant de la

division du n o r d , qui commandait au Cap ; c e t officier-général, ainsi que le lui ordonnait l ' h o n n e u r , s'embarqua le dernier avec l'adjudant-commandant

d'Hennin,

son c h e f d'é-

tat-major. Après que le traité passé entre


(150) l'adjudant-commandant Duveyrier

et

Dessa-

fut ratifié par le capitaine g é n é r a l ,

lines,

ce

dernier était dans l'obligation de se mettre la disposition

de la marine.

à

Son prompt e m ­

barquement était nécessaire, pour assurer l a sortie de la flotte hors de la baye du C a p , pour le jour fatal, et obliger, par ce m o y e n , les troupes et les habitans de précipiter leur (1). L'embarquement

le

des troupes était

effectué. Il ne restait à terre que des

traîneurs.

L e général Rochambeau quoiqu'il eût traité avec les a n g l a i s , devait desirer trouver moment favorable pour leur échapper,

un se

et

rendre à Santo-Domingo avec les débris de l'armée. L'intention du capitaine-général était d'ail­ leurs de sortir le dernier de la place ; une

circonstance impérieuse

lui

mais

prescrivit

d'abandonner cette résolution. Il y resta n é a n ­ moins quatre jours. Les chefs noirs et m u l â t r e s , suscités par les anglais, étaient mécontens

( 1 ) Si

la flotte n ' e û t

j o u r p r e s c r i t , Christophe

pas m i s â la voile pour

c o m m e r c e . L e s grils étaient feu.

que

le

eût fait tirer du fort P i c o l e t ,

à b o u l e t s r o u g e s , sur les v a i s s e a u x

au

de ce

de

l'état

et d u

m o n t é s , et l e s b o u l e t s


(151) Dessalines

n'avait pas imposé des conditions

p l u s dures. Dessalines

leur répondait : j'ai

Pour leur c o m p l a i r e ,

promis.

il tendit un

p i é g e au capitaine-général, afin

d'avoir un

prétexte de violer la foi des engagemens pris. I I écrivit au conseil

des notables,

c o l o n s qui coudraient

rester dans la c o l o n i e ,

jouiraient

de la plus

q u ' i l leur assurait sûreté

grande

que les

protection

;

pour leurs personnes

et leurs propriétés, et chargea le conseil d'en p r é v e n i r les habitans. C'était, de la part de Dessalines, la

placer le capitaine-général dans

position la plus pénible. Les notables n e

p o u v a i e n t rendre publique la lettre de

Des-

s a l i n e s , sans l'agrément du capitaine-général. En

refusant son approbation pour la publica­

t i o n de cette l e t t r e , il fallait reprendre les a r m e s , lorsque tout c o m m a n d a i t , d'après les faibles

moyens repressifs qu'il avait en sa

possession, d'accélérer l'évacuation pour sauver l e s débris de l'armée. Les dispositions paci­ fiques que témoignait Dessalines,

pouvaient-

ê t r e véritables. Elles paraissaient d'autant plus v r a i s e m b l a b l e s , que la tranquillité

régnait

a u x C a y e s , à J é r é m i e , au Port-au-Prince et à S t . - M a r c , et que ce c h e f noir accordait des passe-ports

pour rentrer dans la

colonie,

à ceux q u i , étant obligés de suivre l'armée


(152) pour rendre leurs comptes en F r a n c e , a n n o n ­ çaient vouloir revenir à St.-Domingue. Le c a pitaine-général démontra aux notables c o m ­ bien on devait se méfier des apparentes

dis­

positions pacifiques de Dessalines. Il s o u s c r i ­ vit avec peine à leur vœu. Il permit de f a i r e afficher et publier la l e t t r e , et fut établir s o u quartier-général à bord de la frégate la Surveillante,

Barre,

en annonçant au

commandant

qu'il se mettait avec l'armée à la

disposition de la marine. Le président et l e trésorier du conseil des n o t a b l e s , pénétrés des dangers que le général en chef leur avait d é m o n t r é s , s'embarquèrent, Les autres n o ­ t a b l e s , notamment M. Hardivilliers,

res­

tèrent au C a p , et furent avec les habitans d e la ville et ceux qui débarquèrent,

victimes

de leur confiance. Dessalifies se voyant déjoué par la publi­ cation de sa lettre, dans le projet qu'il avait formé d'égorger les troupes avecles habitans, en conçut un second dans les mêmes vues. Les archives ( 1 ) étaient embarquées.

(1)

P a r l'article

5

de la capitulation

Dessa-

avec l e s

a n g l a i s , p o u r l a sortie par m e r de la g a r n i s o n C a p , l e s a r c h i v e s d e v a i e n t être r e s p e c t é e s sées

e n la

disposition

du g é n é r a l Boyé,

du

et l a i s ­ chef

de


(153) réclama celles du greffe,

Unes

« attendu,

» disait-il, que beaucoup de français restant »

dans la ville, ces archives étaient leur p r o -

»

priété » . C e nouvel incident pouvait trou­

b l e r 1 évacuation : on les promit. Les archives d u greffe furent débarquées et remises la sur­ v e i l l e que les vaisseaux sortirent de la

l'état-major-général.

Les anglais,

baye.

entraînés p a r l a

c u p i d i t é , l e s s a i s i r e n t , espérant t r o u v e r d e l ' a r g e n t dans

l e s m a l l e s , caisses et boucauts q u i l e s r e n f e r ­

maient. maient

Trompés

dans

leur

attente,

ils b l a s p b é -

de rage.

L e g é n é r a l Boyé e t l ' o r d o n n a t e u r - g é n é r a l me

donnèrent

ces

archives.

constatées

ordre de r é c l a m e r , Après

à la

Perroud; Jamaïque,

b i e n des d i f f i c u l t é s , q u i sont

p a r trois p r o c è s - v e r b a u x d é p o s é s au m i ­

n i s t è r e d e la m a r i n e , les anglais l e s r e m i r e n t a p r è s a v o i r tout b o u l e v e r s é , e t e n a v o i r jeté u n e p a r t i e à l a m e r . I l s refusèrent d e r e m e t t r e c e l l e s qui a p p a r ­ t e n a i e n t à l ' a r m e du g é n i e . I l y avait p l u s i e u r s caisses c o n t e n a n t l e s plans d e s v i l l e s , f o r t s , e t d e d i v e r s e s positions

défensives

de la colonie ; n o m b r e

d'ins-

t r u m e n s d e toutes e s p è c e s , e t tout c e qui était u t i l e , et

pour

long-temps,

pour

les bureaux

a r m e . L e s anglais r e f u s è r e n t é g a l e m e n t d e au c o m m i s s a i r e des g u e r r e s Leaumont, d e l a v i l l e des Caycs, dans

l e s magasins d e

de

celle

remettre

l e s archives

q u ' i l s a v a i e n t saisies e t v e r s é e s Fort-Royal.


(154)

X I Avoir

M

E

.

R E P R O C H E .

livré

l'artillerie

à

Dessalines.

O N doit se rappeler qu'à l'époque o ù l e c a ­ pitaine-général Rochambeau traita avec salines,

Des-

il était impossible de tenir d a v a n ­

tage au Cap. Voyez

la réfutation du

huitième

reproche. L'évacuation du Cap était f o r c é e , c e l l e du môle St.-Nicolas devait

en être la s u i t e . II

•convenait d'empêcher les anglais de s'empa­ rer d'une partie de la c o l o n i e , et surtout d'a­ voir la possession

de

afin qu'il ne pût y

avoir aucun prétexte de

cette dernière p l a c e ,

compensation à la paix. La saine politique commandait d o n c de placer, quoi qu'à r e g r e t , les nègres dans la situation de pouvoir résis­ ter à l'Angleterre ; punir par-là les anglais de leur perfidie envers la F r a n c e ,

et

déjouer

Il eût été préférable, a-t-on dit, de

remettre

leurs projets. l'artillerie

aux

anglais.

Sans d o u t e , s'ils

avaient les principes des autres peuples p o l i ­ cés ; mais ils sont plus barbares que les nègres. Leur caractère est pire que celui des

tunisiens


(155) et des algériens.

Ils eussent vendu cette artil­

l e r i e mille fois sa valeur aux nègres, et ils les e u s s e n t obligés, par le besoin qu'ils en avaient, d e leur livrer en sus les principales places. E n livrant celte artillerie aux anglais, c'eût é t é se mettre entièrement

à leur d i s c r é t i o n ,

e t on sait avec quelle barbarie ils se sont c o m ­ p o r t é s au Port a u - P r i n c e , où ils livrèrent au m a s s a c r e une partie des habitans, en ouvrant l e s portes de la ville aux nègres, avant d'avoir a s s u r é l'embarquement des colons qui v o u ­ l a i e n t suivre l'armée. Ils eussent agi de cette m ê m e manière au Cap. La mort d'un français, i n s p i r e une joie atroce aux anglais. C ' e s t , d i s e n t - i l s , un français

de

moins.

p o u r rendre les nègres indépendans des an­ g l a i s , il y avait donc nécessité de leur aban­ d o n n e r l'artillerie. M a i s , dit-on e n c o r e , c'est nègres aux

dans la situation

français,

jyomingue

lorsqu'on

le drapeau

avoir mis

de pouvoir déployera

les

résister à

Saint-

impérial.

L e s anglais, on l'a prouvé, sont les insti­ gateurs ces

de la révolte des nègres. Lorsque

derniers furent subjugués par le capi­

taine-général Leclerc,

les anglais les firent de

n o u v e a u révolter ; et quoiqu'en paix avec la F r a n c e , ils leur fournirent de l'artillerie, des


( 1 5 6 )

armes et de la poudre. N'est-ce pas m e n t i r à sa c o n s c i e n c e , que de vouloir faire

croire

que l'Angleterre, en guerre avec la F r a n c e , refusera de l'artillerie, des armes et de

la

poudre aux nègres, et que ces derniers

se

trouveront dépourvus de moyens de d é f e n s e , lorsque l'armée française débarquera à S a i n t Domingue. On va jusqu'à prétendre qu'il fallait à la mer les canons,

les armes et la

jeter poudre.

Le capitaine-général et les troupes, eussent préféré périr jusqu'au dernier h o m m e , avant de renoncer aux honneurs

de la guerre.

La

remise de l'artillerie aux nègres, a été dix jours francs pour é v a c u e r ; ce qui

mettait

tous les habitans d u Cap à même de suivre l'armée. Quant aux anglais, ils refusèrent p r i m i t i ­ vement d'accorder les honneurs de la

guerre

aux troupes. Ils exigèrent que les faibles débris de

l'armée

se livrassent à discrétion.

Le

général en c h e f leur lit notifier que s'ils p e r ­ sistaient dans leurs prétentions, qui étaient déshonorantes, frégates

il ferait mettre le feu

aux

et aux navires français qui étaient

ancrés dans la b a y e , et qu'il tenterait a v e c ses t r o u p e s , quoiqu'assuré de périr, a c c a b l é par le nombre des n è g r e s , de se r e n d r e à


( 1 6 7 )

Santo-Domingo.

Alors il eût été f o r c é , par

l ' h o n n e u r , d'abandonner les habitans du Cap à l a férocité des anglais et des nègres. P o u ­ v a i t il y avoir une circonstance plus cruelle e t plus pénible. Existe-il un français é t é assez atroce, pour jeter

qui eût

à l'eau l'artillerie,

a y a n t la certitude, par cette action qui eût été

alors barbare, que c'était conduire à une

mort

inévitable de braves troupes, et une

forte

population

blanche. Des soldats

qui

a v a i e n t le courage de mourir, lorsqu'il s'agis­ s a i t de l'honneur, livrèrent leur artillerie pour s a u v e r sept raille vieillards, femmes et e n f a n s (1). Ils eurent les honneurs

de la

guerre.

L e s massacres qui ont eu lieu postérieurement à l'évacuation du Cap, tiennent à la barbare p o l i t i q u e du cabinet de Saint James. ( 1 ) Lorsque Dessalines fit égorger les habitans du C a p , les militaires qui étaient restés dans les hôpi­ t a u x , parce que leur état n'avait pas permis à ce c h e f barbare de les faire embarquer avec ceux que, sous le prétexte de les évacuer sur le môle SaintJJicolas, il fit noyer, se traînèrent sur les lieux des massacres : ils offrirent leur vie pour sauver les colons. « Arrêtez, s'écrièrent-ils tous, C ' E S T NOUS »

QUI

SOMMES VENUS

VOUS C O M B A T T R E , C'EST

» A N O U S D E M O U R I R . » Les soldats sont toujours ce qu'est leur général.


(158) Eh 1 que livra-t-on ? L'artillerie de

cam­

p a g n e , composée de pièces de 8 et de 4 , a u nombre de quinze environ ; quatre o b u s i e r s et quatre-vingts obus. Quant à l'artillerie d e siège, une partie était depuis long-temps e n clouée. Les pièces qui étaient réparties d a n s les dix blok-houses,

ont été enclouées l o r s ­

que les troupes furent forcées de se replier d e l'un sur l ' a u t r e , ou sur la place. Partie d e s canons qui étaient dans l'arsenal, les dix f o r t s ou batteries, et à la Petite-Ance, se trouvaient démontés. Les nègres n'ont pas d'ouvriers en état de construire des affûts, et pour remettre en service les canons de bronze encloués. Ils sont de force

à placer leurs canons en batterie

sur terre. Une partie de cette artillerie sera portée dans les mornes. Il est impossible q u e cette opération puisse se faire sans que les nègres éprouvent de grandes pertes. Il n'existe point de magasins à poudre dans les mornes ; quelques précautions qu'on prenne, te poudre à canon

qu'on y emmagasine y perd de sa

force. Dessalines

a trouvé que c e qu'on a

livré en armes et poudre, était si peu de c h o s e , qu'il a demandé aux jamaïcains

UN MILLION

de livres de poudre, 50 mille fusils, 5o m i l l e sabres pour l'infanterie, et 5 mille pour

la

cavalerie. Les jamaïcains n'ont pu satisfaire


(159) à cette demande. Le cabinet

Saint-James

pourvoira.

X I I

M

E

.

R E P R O C H E .

Il n'était LE

pas administrateur

I

capitaine - général Rochambeau

pas

administrateur

n'était

1 c'est un singulier r e ­

proche. Si on demandait aux ennemis de ce général, de

définir les devoirs d'un général en c h e f

c o m m a n d a n t à S a i n t - D o m i n g u e , et c e qu'on e n t e n d généralement par la qualification ministrateur,

d'ad-

ils seraient sûrement, d'après

l e r e p r o c h e qu'ils f o n t , très-embarrassés pour en

donner une juste définition. Ils eussent

v o u l u qu'il fût courbé sur un bureau, c o m m e l e c o m m i s que ses devoirs y tient ployé. L e s devoirs d'un général en c h e f à SaintD o m i n g u e , qui a à sa disposition une force a r m é e suffisante, sont de ne pas perdre de v u e l'ensemble de la cause qui a déterminé s a mission ; assurer énergiquement l'ordre i n ­ t é r i e u r ; sévir contre les dilapidateurs et les a n a r c h i s t e s ; tenir la main à ce que les deniers


(160) du trésor public ne soient employés q u ' a u x dépenses d'urgentes nécessités. Il n'est

pas

nécessaire que ce dignitaire soit homme d'état c'est au gouvernement suprême bases du régime,

;

à fixer l e s

et le mode de travail d e s

administrateurs. L e chef de la colonie d o i t être passif sous ce rapports c'est-à-dire,

se

borner à faire exécuter la volonté souveraine. Son devoir enfin, est de surveiller. L ' e x a m e n des détails, et l'ordre dans les c o m p t a b i l i t é s , appartiennent à l'administrateur, proprement dit, le

préfet.

Le capitaine-général

Rochambeau

n'était

pas un administrateur ! il était au moins un c h e f extraordinairement

prévoyant.

U n seul

fait le prouvera. Le général en c h e f accordait aux

préfets,

suivant les besoins de divers s e r v i c e s , d e s crédits en argent et en traites

sur le p a y e u r -

général, pour dépenses qu'il avait approuvées sur leurs propositions. D ' a b o r d , il laissait c e s crédits à leur entière disposition ;

ensuite,

pour avoir la certitude que les nouveaux c r é ­ dits ne seraient également pas détournés d e leur véritable

destination, il défendait

au

payeur-général d'acquitter les ordonnances d u préfet, sur ces c r é d i t s , avant que lui, général, eût vérifié si ces ordonnances étaient r é e l l e ­ ment


(161) pour le remboursement des dépenses arrêtées entre lui et le préfet.

ment

C e prétendu reproche est donc une pure calomnie.

R É S U M É . IL

résulte de l'exposé de ce qui s'est passé

à S a i n t - D o m i n g u e , depuis 1790, jusqu'à l ' é ­ v a c u a t i o n , au 27 brumaire an X I I , que cette c o l o n i e a constamment été en état de rebellion, e t q u e c'est par récrimination qu'on calomnie l e capitaine-général Rochambeau. Le

capitaine-général L e c l e r c , après avoir

s u b j u g u é les nègres, n'a pu établir, pour les t r o i s castes, de régime à S a i n t - D o m i n g u e , que ne

celui propre à un pays

conquis,

qu'on

peut contenir dans l'obéissance que par

l'appareil des armes; nombre de français qui s'y

trouvèrent à l'arrivée de l'armée, s'étaient pendant dix a n s , et notamment

familiarisés

a p r è s le départ forcé du général de vivre

Hédouville,

sous les lois des n è g r e s , et à trafi­

q u e r avec les anglais. Beaucoup de blancs a i m a i e n t le régime de Toussaint,

parce que

l e u r s liaisons avec les anglais, en consolidant l'usurpation

de ce c h e f n o i r , les enrichis­

s a i e n t . La mort du capitaine-général L e c l e r c , L


(162) fut une calamité pour les amis de l'ordre, e t un triomphe pour les anarchistes. Il y

avait

aussi des aveugles En Cayes,

considérant

ce

à Jerémie,

Saint-Marc

qui s'est passé

aux

au Port-au-Prince,

et au Cap,

après

à

l'évacuation

de ces places par les troupes françaises, on ne peut se dissimuler qu'il existait e n c o r e à Saint-Domingue

beaucoup de partisans

du

régime des nègres. Des négocians de ces cinq v i l l e s , écrivirent au continent d ' A m é r i q u e pour reprendre la continuation des affaires c o m m e par le passé. O n ne peut pas douter que les mêmes demandes furent faites à la Jamaïque. Combien ne reste-il pas de blancs à S a i n t - D o m i n g u e , qui sont les conseillers intimes de Dessalines,

et les rédacteurs d«

ses proclamations I Les partisans du régime africain furent, du­ rant quelque t e m p s , les admirateurs outrés d u général Rochambeau. Ils se disposer de ce général par leurs

flattèrent

et de réussir p a r - l à , connaissant sa probité,

de

adulations,

à enchaîner sa surveillance,

sévère dans

les vues qu'ils avaient d'augmenter, par tous les m o y e n s , leurs richesses, acquises au grand détriment de la mère-patrie, durant le r é g i m e de Toussaint

; mais ils trouvèrent en

lui,


( 1 6 3 )

contre leur attente, un homme dévoué c o m m e son prédécesseur à l'état,

et inaccessible à

toute impulsion contraire à ses devoirs. D è s lors ils devinrent ses ennemis secrets. de honte d'avoir été les afidés de

Accablés

ils répandirent partout,

Toussaint, l'évacuation,

que le général

après

Roehambeau

avait fait regretter le régime de ce brigand. L ' a m b i t i o n , ou des vues de désorganisa­ t i o n , portèrent des h o m m e s , d'une plus grande i m p o r t a n c e , à s'oublier. Il est constant y a eu révolte contre en voulant

déporter

l'autorité son

qu'il

souveraine,

représentant.

Il

n'existe pas de plus grands délits, que ceux qui tendent au renversement de l'autorité, et à d o n n e r aux troupes l'exemple de l'insubor­ dination. Q u a n t aux mulâtres, aient on

oublie

blancs

il est étonnant qu'ils

encore des partisans. On les plaint ! !

le massacre

qu'ils

ont fait

des

Leur félonie a été constatée. O n se

bornera dans ce résumé, de rappeler s u c c i n c ­ tement les époques de leur prise d'armes. E n 1791, les mulâtres portèrent les nègres à la révolte. Ils firent cause c o m m u n e , dans l ' i d é e de s'emparer de l'autorité; ils incen­ dièrent

concurremment

les propriétés

b l a n c s ; ils les massacrèrent. L 2

des


(164) Ils disputèrent la souveraineté a Toussaint ce chef noir en immola quinze mille à

; sa

sûreté. Le surplus de cette population se r é fugia à la Jamaïque, et à la N o u v e l l e - A n ­ gleterre. L e général Leclerc permit aux m u l â t r e s de rentrer dans la c o l o n i e , et de se réunir a u x troupes. Clerveau et Pétion,

chefs de cette c a s t e , se

révoltèrent contre leur bienfaiteur, le 21 v e n ­ démiaire an X I ; c'est à-dire, six mois après que Clerveau

fut amnistié. Pétion

était passé

dans la colonie avec l'armée. L a caste entière ne différa à se r é v o l t e r , que parce qu'elle vit arriver successivement des renforts. Elle trama sourdement jusqu'à l'époque où elle fut instruite, par

l'étranger,

que la guerre avec l'Angleterre était inévitable. Plusieurs chefs de cette caste furent arrêtés en phuviôse Clerveau per,

an XI,

et de Pétion.

Brachai,

comme

complices

Savoir; Bardet,

Desravines,

de

Pros-

père et fils; ainsi

qu'une partie des gens d'armes de l'arrondis­ sement du sud. Les troubles qu'excitèrent ces cinq c h e f s m u l â t r e s , dans l'ouest et le s u d , coïncident avec l'attaque ( e n p l u v i ô s e ) du c h e f Christophe,

et du traître mulâtre

nègre

Clerveau,


(165) c o n t r e la ville du C a p , où ces révoltés furent défaits et chassés dufort Bel-Air,

qu'ils avaient

durpris. E n ventôse, m ê m e année, les chefs mulâtres Ferou,

Cangé,

Begon,

entraînèrent

nègres

libres,

Geffard,

et

Juste-Vancole

dans leur révolte

les

et soulevèrent tous les cultiva­

t e u r s dans l'ouest et le sud. L a révolte des généraux mulâtres e t Pétion,

Clerveau

en vendémiaire an X I , fut précé­

d é e de deux m o i s , dans le nord, l'ouest sud,

de celle des chefs nègres

Yaou, caya,

Capoi-la-mort, Lamour

Monfort

Silla,

Derance,

l'Eveillé,

Cotreau,

et Domage. Maurepas

et le

Sans-Soucy, MaBélair,

était au m o ­

m e n t de se révolter lorsqu'il fut arrêté. M. Id

prétend que la caste des m u ­

lâtres a été forcée à la rebellion, pour éviter u n s u p p l i c e . . . i n j u s t e . . . C'est son opinion. L a manifestation d'une pareille c r o y a n c e , t e n d à tromper la France entière, et à faire adopter

des

mesures

inverses

de

l'intérêt

public. C'est en pluviôse an X I , que la caste des mulâtres a levé l'étendard de la révolte pour l a dixième fois. C'est à la même époque que l e mulâtre Clerveau,

l'un des coryphées les

p l u s apparens de cette c a s t e , attaquait la


(166) ville du Cap. Les douze chefs nègres c i - d e s s u s désignés, étaient les précurseurs de l ' a v e n u e prochaine des mulâtres, et de l'union

exis­

tante entre les noirs et les jaunes. Les g é n é ­ raux mulâtre Clerveau véritables chefs

étaient

les

de ces révoltés, avec

et Pétion,

les

généraux nègres Dessalines, Paul

et

Christophe

frère de Toussaint.

Louverture,

cinq généraux ne se déclarèrent

Ces

subitement,

le 21 vendémiaire an X I , que parce que

Do-

mage ( i l a été pris les armes à la m a i n ) d é c o u ­ vrit le c o m p l o t , e t n o m m a les chefs de la c o n s ­ piration; ce qui détermina aussi les mulâtres Ferou,

Congé et Geffard,

à lever le m a s q u e

dans la crainte d'être arrêtés sans défense. Accordez

donc

confiance aux

mulâtres !

fiez-vous à eux ! De la nouvelle

conquête

de

St.-Domingue.

I L paraîtra, on n'en doute p a s , extraordi­ n a i r e , que des hommes

de plume

se p e r m e t ­

tent de traiter de g u e r r e , et surtout de fixer le nombre d'hommes dont devrait être c o m ­ posée l'armée

qui sera chargée

de rétablir

l'ordre à Saint-Domingue. Ils sont excusables par leur amour pour la. patrie, et pour avoir vu tout ce qui s'est passé dans cette c o l o n i e .


( 1 6 7 )

M . Id

que nous avons cité plusieurs

f o i s , assure que l'armée ne peut être moindre de

cinquante

à soixante

mille

hommes.

On

n ' e s t pas plus d'accord avec lui sur ce fait i m p o r t a n t , que sur ce qu'il a avancé que les mulâtres affreuse

ont

été

placés

de la rébellion

dans

l'alternative

ou de la mort.

La

d e s c r i p t i o n qu'il fait de la marche que suiv e r o n t les révoltés à l'arrivée

de l'armée, est

j u s t e . O n se fait un devoir de la copier. « La

destruction,

l'incendie

précèdent,

»

dit M . I d . . . . le débarquement de l'armée

»

française. L'armée nègre se retire dans les

»

triples montagnes; les anciens chemins sont

» carabinés,

obstrués; des piéges et des e m -

»

b u s c a d e s sont p l a c é s , etc. etc. V i e i l l a r d s ,

»

f e m m e s et enfans sont contraints de refluer

»

dans des asiles presqu'inaccessibles. » Les troupes françaises sont débarquées ;

»

elles se mettent en campagne sur des plans

»

militaires bien combinés. Supposons, chose

»

indispensable, que leurs moyens de trans-

»

ports soient parfaitement p r é v u s , que les

»

a m b u l a n c e s , les hôpitaux, les

»

soient convenablement organisés; elles ont

»

au moins 3 o o lieues de postes militaires a

magasins

» parcourir dans l'intérieur, e t cela sur d e s »

lignes tellement pénibles, que la célérité


(168) » si nécessaire à ses m o u v e m e n s ,

éprouve

» souvent des obstacles. » Le n è g r e , ainsi que la bête fauve, f u i t et » reparaît à chaque instant, des précipices les » plus inaccessibles aux monts les plus e s c a r » pés ; il se multiplie par ses connaissances » locales; il vous tient en halaine; q u e l q u e f o i s » il intercepte vos approvisionnemens, v o u s » expose à la faim. Enfin vous l ' a t t a q u e z , le » combat s ' e n g a g e , vous le cernez.

Après

» une longue fusillade, des pertes des cleu\ » c ô t é s , un champ de bataille i n u t i l e , sont » souvent les seuls avantages des vos efforts. » Il vous attaquait dans le s u d , il franchit » dans le n o r d : de ces noires m o n t a g n e s , » mêmes m o u v e m e n s , m ê m e s u c c è s ; il d i s » paraît, on le poursuit : huit jours » des

tirailleurs

annoncent

» mêmes difficultés,

sa

après,

présence ;

mêmes fatigues

pour

» l'engager dans un combatrégulier. Laguerre » se fait n é a n m o i n s ; la valeur, l ' a c t i v i t é , le » bon o r d r e , la discipline, de nos troupes » triomphent. Les nègres se soumettent. » Qu'en résulte-t-il ? C'est ici l'objet

de

» bien importantes considérations. L e détrui» rez-vous?

Le laisserez-vous e x i s t e r !

» pouvez-vous même avec sécurité?

Le

Telles

» sont les questions qu'il faut décider.

Des


(169) » conséquences qui leur appartiennent, devra » résulter le sort futur de S a i n t - D o m i n g u e . » Le

tableau q u ' a tracé

M.

Id

des

difficultés q u e présente la nouvelle

conquête

de S a i n t - D o m i n g u e , est c o n f o r m e à la v é r i t é ; mais il est contre français

pour

la vérité, qu'il faille aux

subjuguer

secours auxiliaire

les r é v o l t é s , un

et local. C ' e s t - à - d i r e , q u o i -

q u ' o n ne le dise p a s , qu'il faudrait supplier îes

mulâtres

révoltés

de se joindre

à nos

troupes pour réduire les nègres à l'obéissance : se livrer sans réserve à leurs perfides c o n s e i l s , s'exposer

à faire périr l'armée de f a t i g u e s ,

en suivant leurs plans de m a r c h e et de contre­ m a r c h e : traîner la guerre en l o n g u e u r ,

afin

q u e les mulâtres puissent profiter des c i r c o n s ­ t a n c e s , pour effectuer u n e nouvelle révolte ; ou,

s'ils sont

sous le j o u g des n è g r e s , leur

accorder la gloire d u succès de l ' e x p é d i t i o n , et annoncer à l'univers q u e , sans le secours des m u l â t r e s , cette conquête était impossible. L e capitaine-général L e c l e r c a prouvé le c o n ­ traire: il a vaincu sans auxiliaires. Q u e l l e est d o n c la raison qui rend M . I d . .

aussi

partial ? Ce

n e sera jamais par attachement

mère-patrie, aux français.

q u e les mulâtres

à la

se réuniront

S'ils se réunissent au général


(170) Férand,

ce sera par la faiblesse de leur parti

qu'ils s'y seront déterminés, et parce qu'ils se seront trouvés réduits à subir le joug d e s chefs noirs. Lorsque l'armée aura effectué s o n débarquement, elle trouvera plus de nègres et de mulâtres qu'elle ne voudra, pour l u i servir de guides, et pour la prévenir, si on e n a besoin, des précautions qu'il conviendra d e prendre. L'armée que Sa Majesté

Impériale

enverra à S a i n t - D o m i n g u e , jouira du m ê m e prestige qui a favorisé celle que le

premier

Consul avait confiée au capitaine-général L e clerc. Ce n'est

ni soixante,

mille hommes qu'il faudra.

ni

cinquante

Les mulâtres n e

sont pas invincibles ; leur nombre n'a rien d'effrayant. Il serait impolitique de faire passer de France, avec l'armée, des généraux et offi­ ciers nègres ou mulâtres, lors m ê m e qu'on a u r a i t , par leurs services passés, l'espoir de leur fidélité avenir. L e remplacement présumé nécessaire, être journalier,

doit

autant pour la manifestation

de la puissance nationale, que pour remplir les cadres. Il ne peut y avoir à parlementer. L'obéissance

doit être commandée.

Les, d e m i -

mesures seraient impolitiques, c r u e l l e s , bar­ bares, et contraires à la conservation des cultivateurs,

nègres

qu'il importe à l'intérêt natio-


(171) nal de réattacher à la culture. Les

chefs

nègres et mulâtres espéreront tout du temps. D'après les événemens p a s s é s , l'armée d o i t , par son a c t i v i t é , De la clémence!

déjouer

tous les

oui. Pardon général

projets. ! oui;

mais la mort à tous ceux qui opposeraient de la résistance à la force armée. Toussaint

n'a

jamais eu que seize mille hommes de troupes. n'a pas celte quantité à sa dispo­

Dessalines sition. Les

chefs

Christophe,

se trouvant d i v i s é s ,

mulâtres,

Dessalines

et

pourraient

avec le t e m p s , en avoir un plus grand n o m ­ b r e ; mais cette coalision ne serait pas r e d o u ­ t a b l e , ayant des intérêts opposés. D'ailleurs l e u r sûreté p e r s o n n e l l e , les obligera à se r e ­ trancher s é p a r é m e n t , soit pour parvenir à se constituer en hordes indépendantes,

ou pour

p r o f i t e r , suivant les circonstances o ù ils se t r o u v e r o n t , d'une et les mulâtres u n seul

point,

amnistie.

Si les

nègres

réunissent leurs forces sur la campagne

sera

plutôt

terminée. Malgré qu'on n'ait retiré aucune utilité des dogues,

et qu'ils n'aient servi qu'à faire ressor­

tir le caractère inhumain

de quelques

per­

s o n n e s , cette ressource n'est pas à négliger. Elle est nécessaire pour faire é v e n t e r , et ren­ dre inutile les embuscades des révoltés, dans


(172) les doubles et triples montagnes. Il c o n v i e n t qu'on donne des o r d r e s , pour qu'ils arrivent en même temps que l'armée. Sauver la à un français, à un n è g r e , c'est

vie

remporter

une victoire. Il répugne d'employer de t e l s moyens ; mais à les considérer sous leur v é ­ ritable point de v u e , ils sont indispensables. Ils n'ont point produit Tortue,

d'effet à l'île de l a

parce qu'ils précédaient des d é t a -

chemens nègres et mulâtres, et qu'ils étaient familiarisés

avec l'odeur qu'ils exhalent.

Il ne peut y avoir de traité avec les révoltés. La guerre serait de tous les j o u r s , et d'autant plus cruelle q u e , de la part des n è g r e s ,

ce

serait une guerre d'incursion, de dévastation. Les révoltés s'attendent

qu'on

enverra c o n -

tr'eux une nouvelle a r m é e , et il sont i n t i m e ­ ment

convaincus qu'ils ne peuvent résister d e

iront aux troupes françaises. Toussaint à l'arrivée de l'escadre : « Ce » ringo

qui tuoyé

disait

bataye

Ma-

moé » . ( C ' e s t la bataille

de Maringo qui m e t u e ) . Les nègres et les mulâtres sont c o n v a i n c u s , qu'ils ne peuvent rien sans le secours des anglais. C'est à la montagne grand rot,

bois, etc.,

au cahos,

noire,

à celle

à la crête à

que les chefs révoltés se

avec leurs troupes

de ligne,

des Pier-

fixeront

et où ils f o r t i -


( 1 7 3 )

fieront

des p o s t e s , qui présenteront une d é ­

fense f a c i l e , en

augmentant par l ' a r t , les

difficultés multipliées qu'a produites la nature. L e s garnisons en seraient inexpugnables, si elles étaient composées de français ; mais les nègres peuvent y être réduits avec la pru­ d e n c e et le temps. Ils ont conservé dans leurs m a s s a c r e s , M. Féreau,

ingénieur. Il est sous

les ordres du mulâtre Dessalines

Barré.

et les autres c h e f s , considèrent

l e s cultivateurs dues.

dit Petit

c o m m e des sentinelles

Ce sont ces derniers qui

per-

supporteront

l e s premières attaques, et qui seront chargés d e soutenir la défense en tirailleurs. C o m m e c'est sur les événemens que peut produire le c l i m a t , que comptent les chefs r é v o l t é s , ils d é t e r m i n e r o n t , par politique, après un laps d e t e m p s , les cultivateurs,

à témoigner une

apparente soumission. La guerre se portera alors contre les chefs qui se trouveront c o u ­ verts par leurs retranchemens, et appuyés de leurs

troupes

de ligne.

tera d'escalader

les

O n c e r n e r a , on ten­

m o r n e s , q u i , de leur

base au s o m m e t , présenteront des redoutes multipliées; alors les cultivateurs se soulève­ ront de nouveau. Il faut donc aller droit au but ; atteindre les chefs rebelles dans leurs repaires, et ne pas oublier que les nègres et


(174) les mulâtres vivent de peu ; qu'ils auront, o n n'en doit pas d o u t e r , des vivres pour l o n g ­ temps ; en bananes s è c h e s , maïs en f a r i n e

et en grains, farine de froment, biscuits, riz, légumes secs et salaisons; ne pas o u ­ blier que de la conservation des nègres c u l ­ tivateurs, dépend la reprise de la culture d a n s la c o l o n i e , et la prospérité de la F r a n c e ; n e pas o u b l i e r , enfin, que les nègres et les m u ­ lâtres sont perfides,

et qu'ils tenteront d e

renouveler la scène d'horreur

du P o r t - a u -

P r i n c e , à l'arrivée de l'armée ( r ) . On aura

à considérer

s'il n'est pas pré­

férable de faire débarquer l'armée sur un seul point, et de ne pas la diviser pour les attaques. Quel que soit le point d'attérage pour lequel on se déterminera, les révoltés ne pourront empêcher le débarquement des troupes. O n ne peut révoquer en d o u t e , habitations sont

que toutes l e s

détruites, que toutes l e s

villes seront incendiées : Dessalines l'a annoncé,

et qu'il ferait combler tous les puits.

L'artillerie s e r a , par les conseils des anglais,

(1) Ils c r i è r e n t les

qu'on

troupes f r a n ç a i s e s ;

avait

ordre

celles-ci

de

recevoir

avancèrent

dans

l'idée d e s e r é u n i r à d e s a m i s . E l l e s furent m i t r a i l l é e s à bout p o r t a n t .


(175) répartie sur les m o r n e s , dans le vain espoir que la France sera obligée d'y reconnaître des hordes d'indépendans, la Jamaïque,

c o m m e il en existe à et à

à Surinam

Berbiche.

On prétend qu'il faut attaquer les révoltés, en même temps au nord, et à l'ouest.

au sud,

à l'est

Il faudrait alors former quatre

divisions principales, et plus que doubler la force de l'armée.

Ces quatre d i v i s i o n s , se

trouvant i s o l é e s , ne présenteront point la f o r c e irrésistible hommes

qu'offriraient

trente

réunis sous les ordres d'un seul

mille chef.

O n ne doit pas perdre de v u e , qu'il est i m ­ portant

de

cerner les

révoltés dans

r e t r a n c h e m e n s , et qu'on ne peut y

leurs

parvenir

q u e par une réunion de forces suffisantes, tant p o u r ne pas laisser échapper les nègres

troupes

de ligne,

que pour assurer le succès des e s ­

calades,

par toutes les parties du m o r n e

q u ' o n sera obligé d'assiéger. Les nègres tien­ n e n t f e r m e , lorsqu'ils sont couverts par des retranchemens. On en a fait la fatale expé­ rience au morne à Pierrot.

Le capitaine-général

L e c l e r c et les six généraux qui se trouvèrent à cette a t t a q u e , y furent blessés. C'est en atta­ quant par toute la circonférence du m o r n e , q u ' o n parviendra à mettre la confusion parmi les révoltés.


(176) Si l'armée excédait trente mille h o m m e s , ce serait multiplier les difficultés sans a u c u n e utilité apparente. Comment assurer la s u b s i s ­ tance d'un plus grand nombre de troupes ? O ù trouverait-on les animaux nécessaires au t r a n s ­ port des vivres et des munitions ? O ù serait l'unité si nécessaire dans le commandement ? Les généraux divisionnaires ( 1 ) seront-ils b i e n ( 1 ) Etat nominatif

des généraux

dans les années Le

Généraux

de

en Angleterre.

De

retour

Morts.

en

et

activité

XII. Mort.

Division. M M . Rochambeau, ca­

pitaine-général ; B r u n e t ,

Quentin,

qui ont été en XI

Leclerc.

capitaine-général

Prisonniers

X.,

Lapoype.

France.

Boudet,

Desfourneaux,

Clauzel, Laplume ( n è g r e ) . Dugua, Hardy, W a t r i n , Debelle,

Yablo-

i v o s k i , e t un autre p o l o n a i s . Passés

aux

brigands.

Dessalines

Généraux

de

et

Christophe

(nègres).

A

Santo-Domingo.

Prisonniers net, De

Brigade.

M M . Férand,

en Angleterre.

Debarquier.

Boyer, Pageot, Fressi-

Boyé. retour en France.

la L a n c e ,

Poinsot,

Thouvenot,

K e r v e r s e a u , Pierre D e v a u x ,

Morgan, Debeireau, L a c r o i x ,

Claparede,

Sarrazin,

Humbert,

Du-

t r u i , d ' H e n n i n , Martial Besse ( m u l â t r e ) .

persuadés,


(177) persuadés, étant livrés à e u x - m ê m e s , qu'ils n e peuvent avoir de volonté que celle de leur c h e f ? Avec les meilleures intentions, les g é ­ néraux divisionnaires pourront se trouver dans d e s situations difficiles, et être forcés de s'é­ carter de leurs instructions. Q u e d e difficultés o n prévoit par le manque d'unité ! C'est entre d e s doubles et triples montagnes qu'il f a u ­ d r a marcher et combattre. M. Id

dit avec raison : « l'homme le

» plus fort ne saurait envisager, sans un » sentiment secret de frayeur, de doute, la » tâche immense que lui imposerait la mis» sion de St.-Domingue. » Y envoyer un chef à qui les localités » seraient étrangères, c'est lui préparer des » écoles. » M . Id

ajoute : «

Y faire

passer

qui aura marqué par ses violences, » c'est tout gâter. Il faut dans ces contrées » malheureuses, une tête froide, adminis»

CELUI

Morts. L a R o c h e b l i n , C l é m e n t , l e D o y e n , P a m b o u r , Delplanque, Spital, Dampierre, Lavalette, D a r b o i s et L o u i s d e N o a i l l e s . M a u r e p a s et l ' E v e i l l é , (nègres). Passés aux brigands. Paul L o u v e r t u r e Vernet,

(nègre),

C l e r v e a u et B a r d e t ( m u l â t r e s ) .

M


( 1 7 8 )

»

trative,

militaire

» des blessures

; il s'agit

: il faut

» baume salutaire

leur

de

cicatriser

appliquer

de la prudence.

le

»

Il est constant qu'un général en c h e f , qui

à

les localités seraient étrangères, s e r a i t

forcé à une prudence qui nuirait c o n s i d é r a ­ blement au prompt succès de l'expédition. 11 n'aurait pas d'opinion à lui ; le plan

de

campagne ne pourrait être son ouvrage ; son commandement serait incertain ; il se t r o u ­ verait isolé au centre de son armée. Le taine général

Leclerc

capi-

a vaincu. Les c i r c o n s ­

tances actuelles sont bien différentes ; il n'y existe plus de population blanche. La France possède beaucoup de généraux couverts de gloire. Des considérations pour­ raient déterminer les plus entreprenans, à r e ­ fuser une mission aussi difficile, qui ne pré­ sente

que des dangers de toutes espèces.

Il est moins nécessaire, dans les c i r c o n s ­

tances d'un

actuelles,

d'un administrateur, q u e

militaire a c t i f ,

un brave

soldat.

Ce

sont des cannibales qu'il importe d'atteindre, et qu'il faut frapper. Ce ne sont pas des b l e s ­ sures qu'il s'agit de cicatriser ; les blancs ont été immolés. Il existe des

chancres

noirs et

j a u n e s ; il faut les extirper, pour empêcher qu'ils donnent la mort au corps politique. Il M


(179) faut donc une tête plus chaude que

froide.

C e n'est pas dans les plaines qu'on combattera ; mais par monts et par vaux. Ce sera à l a b a s e , sur les revers et au sommet

de

m o i n e s à p i c ; dans les gorges des montagnes; sur des rochers aigus et tranchans. Il faudra e n f i n , combattre

entre des précipices. U n e

tête froide pourrait avoir trop de prudence ; e l l e pourrait voir trop de dangers à surmonter. Il est préférable, il est même à desirer que l e s nègres disent du général en c h e f : « »

ral la, cé guiab»

q u e s'ils disaient : « gineral » France

gine-

( c e général est un d i a b l e ) , la,

mouton

» ( c e général est un mouton

F r a n c e ) . Il f a u d r a , sans d o u t e , un

de chef

e t un administrateur à Saint-Domingue; mais ¡1 faut avant tout subjuguer les nègres et les mulâtres. Non-seulement il faudra plusieurs années d'un régime militaire très-actif, pour assurer immuablement l'ordre; mais il faudra toujours dans l'avenir, c o m m e l'a judicieuse­ m e n t écrit M. Deslozières,

UN GRAND SABRE

et un grand administrateur. O n a commis des fautes à Saint-Domingue; mais où sont les hommes qui ne sont pas s u ­ jets à l'erreur ? où sont réunissent

toutes les

les hommes

qualités

que M 2

qui

desire


( 1 8 0 )

M.

Id

? Un seul existe ! il fait l ' é t o n -

nement et l'admiration de l'Europe. On d i r a , je n'en doute p o i n t , que je

me

rends l'apologiste du général R o c h a m b e a u . O n en cherchera la cause. L'impartialité e s t m o n g u i d e ; du moins c'est mon

intention.

Je n'ai jamais parlé à ce général. Je pourrais avoir à m'en p l a i n d r e , si je ne consultais q u e l'amour-propre. Je ne connais sa famille q u e de n o m , et par la gloire qu'elle s'est a c q u i s e dans les armées. Je crois néanmoins que le général R o c l i a m ­ beau pourrait, plus promptement que tout autre g é n é r a l , réduire les révoltés à l'obéis­ sance. La connaissance qu'il a des localités ; les erreurs et les fautes qu'on paraît vouloir lui reprocher ; aclimaté dans le pays ; d'une grande activité militaire ; la terreur de s o n nom pour les malveillans

: tout concourerait

à faire terminer promptement la campagne. Je le r é p è t e , je crois intimement que le général Rochambeau serait l'homme de

l'état.

Cette opinion sur les qualités qui distinguent le général R o c h a m b e a u , est conforme à celle de beaucoup de personnes ; mais d o n t , sans d o u t e , des considérations particulières e m ­ pêchent de déchirer le voile de la c a l o m n i e . En attendant que le temps amène la

vérité


(181) toute entière, on citera M. Dubroca, écrit la vie de

qui a

Dessalines.

« Le général

dit M . D u -

Rochambeau,

» b r o c a , qui avait succédé » clerc,

épuisa,

» lonie,

tout

au général

pour la défense

Le-

de la

ce qu'il est permis

co-

d'espérer

» DU GÉNIE LE PLUS FÉCOND EN RESSOURCES, » ET D'UNE VALEUR A TOUTE ÉPREUVE ; mais » la lutte était trop inégale pour durer long» temps. » O n a désigné dans le p u b l i c , le gouverneur Je dirai avec M . Id

Hugues

» Le gouvernement » sagesse

tout

:

vouloir,

sa

immense peut encore tout ce

qu'il

»

» voudra pE

peut

LA R E S T A U R A T I O N

DE

SAINT-

DOMINGUE. Servitude

du sol à St.-Domingue.

sont sans qualité pour y exercer

Les les

colons droits

politiques. PAR

les lois fondamentales de

l'Empire,

S a i n t - D o m i n g u e , depuis son établissement, est asservie

aux besoins de la métropole. C'est

par cette considération, et pour ne pas alté­ rer cette servitude, que les terres n'ont pas été vendues aux colons. Les concessionnaires.


(182) tiennent leurs propriétés de la couronne; sont ses vassaux

ils

; leurs terres sont en v a s s e -

lage. Les productions et leurs

fabrications,

ne peuvent être que c e que commande térêt de 1 état (1). Cette

l'in­

servitude n'est p a s

proprement d i t , mais intérêt

féodalité,

na-

tional. Les colons propriétaires, sont sans qualité pour prétendre jouir du droit d'initiative Durant

l'exercice

du m a r q u i s

de L a r n a g e , novateur

g o u v e r n e u r à S a i n t - D o m i n g u e , un planteur s e m a du blé.

L e succès

surpassa son a t t e n t e ; il fit

faire du pain du produit h o m m a g e à M. Châtenoye, tie du n o r d . C e t t e n o v a l i o n système

de culture

repréhensible

(2);

d e sa r é c o l t e ,

et e n fit

c o m m a n d a n t d e la p a r était une i n f r a c t i o n a u

a d o p t é , et u n e é m a n c i p a t i o n

L e novateur

fut e n v o y é p o u r

quinze

j o u r s en p r i s o n , a v e c sérieuse invitation d e b o r n e r ses projets d e fortune à l a culture d e s denrées d i t e s coloniales. ( 2 ) I l e s t d e l'intérêt des c o l o n s , q u e l e s n è g r e s soient pénétrés q u e c'est p a r la v o l o n t é d e l ' E m p e reur qu'ils sont o b l i g é s de travailler. A l o r s l e s n è g r e s v e r r o n t d e s bienfaiteurs daus leurs m a î t r e s . blée nationale »

l'état d e s p e r s o n n e s non-libres,

» des assemblées première esclaves

L'assem-

a décrété : « Q u ' i l n e serait statué s u r

coloniales

l o i , que les nègres

ou libres

que sur la

» . Il résulte ne

demande de c e t t e

peuvent

q u e par la v o l o n t é des c o l o n s .

être.


(183) c'est un droit qui appartient à la

couronne.

Autoriser des assemblées

à Saint-

coloniales

D o m i n g u e , c'est appeler la colonie à se saisir

Far la constitution d e 1 7 9 3 , l e s e s c l a v e s o n t é t é déclarés

libres.

Il n'y

a pas

connaisse raient doit

u n c o l o n de S a i n t - D o m i n g u e qui n e

aujourd'hui l e s c o n s é q u e n c e s qui r é s u l t e ­

pour

eux

d'initiative

et p o u r

O u doit s'attendre qu'à q u e Sa Majesté

manderont

l'état,

de l'exercice

p a r des a s s e m b l é e s

la p a i x , l e s anglais d e ­ Impériale

m e r , à S a i n t - D o m i n g u e , l'esclavage p o u v a n t par

l'une

du

coloniales.

des constitutions

fasse

procla­

des n è g r e s ,

le

de l'état. L e s

c o l o n s s e l a i s s e r o n t - i l s p r e n d r e au p i é g e d e s a n g l a i s , comme

l e s m o u c h e s au sirop e m p o i s o n n é .

L e s anglais p r o p o s e r o n t c e t t e

condition,

comme

u n m o y e n d e d é v a s t a t i o n f a v o r a b l e à leurs i n t é r ê t s , p o u r , suivant qu'ils le l e u r p r e s c r i r o n t , s o u l e v e r d e n o u v e a u les e s c l a v e s . Si libres,

les nègres de S a i n t - D o m i n g u e mais

trouvera perd

sont

déclarés

contraints de t r a v a i l l e r , l ' A n g l e t e r r e se

privée

d e ses m o y e n s de d é v a s t a t i o n , e t

ses c o l o n i e s

à s u c r e , parce qu'elle ne

pourra

les garnir s u f f i s a m m e n t d e troupes n a t i o n a l e s , pour obliger moins

ses n è g r e s

esclaves

que l'Allemagne

soldats. Dans cette

ou libres à t r a v a i l l e r , à

lui v e n d e j o u r n e l l e m e n t d e s

d e r n i è r e s u p p o s i t i o n , les

n i e s anglaises s e r a i e n t o n é r e u s e s à l e u r

colo­

métropole,

n e p o u v a n t alors l i v r e r au m ê m e p r i x q u e l e s

fran-


(184) de l'autorité. Cette île est presqu'aussi g r a n d e que la France. Le système

colonial

ne

peut

être en France, pour Saint-Domingue, ce n'est en Angleterre

que pour amener

les colonies à l'indépendance. (colonus)

sont fermiers

Les

qui toutes

colons

héréditaires.

Ils

sont à S a i n t - D o m i n g u e , pour l'avantage

de

la m é t r o p o l e , dans une servitude politique. C'était pour adoucir cette servitude q u e , s o u s le gouvernement r o y a l , les colons étaient e n F r a n c e , de tous les genres,

dans l'ordre p o l i ­

tique de l'état. Ils étaient reconnus habiles à jouir, héréditairement,

de toutes les préroga­

tives qu'avait la noblesse. Il suffisait d'être blanc, pour être apte à toutes les fonctions. L e s colons de la Guadeloupe

obtenaient du r o i ,

qu'il érigeât leurs habitations comtés

et marquisats.

la révolution

en

barronnies,

Quelques années a v a n t

française,

on

avait

réclamé

cette même faveur pour les colons de SaintD o m i n g u e , c o m m e un dédommagement

de

leur servitude.

ç a i s , l e s d e n r é e s c o l o n i a l e s . S i le b e s o i n d e c e s d e n ­ rées

les m a i n t i e n t à u n p r i x é l e v é , l ' a v a n t a g e s e r a

également pour

la F r a n c e . E l l e est la s e u l e

nation

q u i , par sa p o p u l a t i o n , soit en état d e c o n t r a i n d r e les nègres à travailler.


Saint-Domingue

(185) doit être r e p r é s e n t é e ,

niais au conseil d'état, par une section ad hoc, chargée spécialement

de surveiller ses inté­

rêts et sa sûreté. Le commerce métropolitain doit également être représenté par une section particulière. Ces deux sections seraient d'au­ tant plus importantes, que, uniquement

occu­

pées à chercher et à saisir les moyens d'améliorations, elles préviendraient les entreprises des

peuples purement

commerçans ;

elles

déjoueraient les projets de l'Angleterre, par une prévoyance active et continue. Des déli­ bérations instantanées

et de c i r c o n s t a n c e ,

ne rendront jamais le

commerce

national

dans l'empire. La révolution commerciale est encore à faire en

France. Elle seule peut

élever l'empire au

degré de

puissance que

c o m m a n d e son propre b o n h e u r , et l'intérêt de l'Europe entière. Il n'y

a peut être en France que M . de

P r a d t , qui puisse, par son éloquente locution et son é r u d i t i o n , y

opérer

la

révolution

commerciale. Il a prouvé dans les trois des colonies, pendance, nature.

âges

quelles tendent toutes à l'indéet que c'était

dans

l'ordre

de la

Se bornera-t-il à avoir annoncé

des

m a l h e u r s , lorsque le Souverain a devancé en sa faveur la reconnaissance n a t i o n a l e ,

dans


(186) l'espoir qu'il éclairera les français sur les m o y e n s qu'il

convient d'adopter

pour assurer

bonheur ? On ne le croit pas

leur

ECONOMISTES.

Un état réduit à la c u l t u r e , est un c o r p s sans âme. La culture bornée ou restreinte à la consommation intérieure, ne produit q u e des esclaves. D u commerce est née la

liberté,

et c'est par lui qu'elle se maintient dans t o u t e sa f o r c e ,

mais corrigée de tout ce q u ' e l l e

présente d'âpreté étant nue. En pénétrant les français de ces v é r i t é s , par une éducation analogue à la position t o p o ­ graphique

de l ' e m p i r e , qui est

toriale et maritime,

semi-terri-

ses vues se dirigeront n a ­

turellement vers le commerce ; l'intérêt par­ ticulier fera n a î t r e , c o m m e en A n g l e t e r r e , une jalousie

nationale,

et conduira à la p e r ­

fection et à l ' é c o n o m i e , qui seules assurent la

préférence

Pour

dans les marchés de l'Europe.

que le commerce

devienne

national,

il faut que le gouvernement et les administrés, concourent à cette fin salutaire ; l'un par principe d'état, et l'autre par des mises de, f o n d s , q u i , avec le t e m p s , donneront en i n térêts, le décuple de l'intérêt o r d i n a i r e , et. détruiront l'usure en intérêt d ' a r g e n t , qui est destructif de la prospérité p u b l i q u e , et

qui

entrave la population, c o m m e les empruntsen


(187) rentes viagères, qui maintient le célibat. Il faut qu'il y ait identité entre l'état et les administrés ; et que le p r e m i e r , c o m m e en Angleterre, fasse tous les sacrifices pécuniaires nécessaires pour donner l'essor,

soutenir le

c o m m e r c e dans son enfance ; pour encoura­ g e r l'industrie, et pour, sous tous les rapports, l e protéger ; il faut enfin que le gouverne­ m e n t soit le régulateur du c o m m e r c e ; qu il mette sur les v o i e s , et le dirige sans paraître s'en mêler. L e commerce se composant de tout c e qui a rapport à la c u l t u r e , aux m a n u f a c ­ t u r e s , aux arts et à l'industrie, et aucune de c e s parties ne pouvant fleurir que par l u i , le c o m m e r c e doit-être pour le g o u v e r n e m e n t , la pierre de louche de sa politique et de toutes s e s délibérations. L'Angleterre v i n g t ans d ' e x i s t e n c e , premier ordre,

n'aurait pas

comme

empire

du

et rentrerait dans la classe

q u i lui est prescrite par l'aridité de son sol et ses r o c h e r s , si les maisons opulentes qui exis­ tent en F r a n c e , et surtout

si les anciennes

grandes m a i s o n s , se livraient au

commerce

e t ouvraient des comptoirs dans leurs bôtels. Les

ducs de Florence

en avaient

dans

leurs

palais. Côme Orand

de Médicis,

surnommé

et le père de la patrie,

Côme-le-

vendait d une


(188) main les denrées du levant, et soutenait

de

l'autre le fardeau de la république ; e n t r e t e ­ nait des f a c t e u r s , et recevait des a m b a s s a ­ deurs. Il faisait la guerre et la p a i x , et é t a i t l'oracle des princes. - Le commerce exige sans doute une a p p l i c a ­ t i o n , mais il est frère du plaisir et le r e c h e r ­ che. Pour le f r a n ç a i s , le temps qu'il d o n n e r a au c o m m e r c e , sera

repos ;

chaque

heure

de sa vie lui présenterait donc une n o u v e l l e puissance. L e français est le symbole m e r c e ; il se trouve bien

vivant du c o m ­ dans toutes

les

régions; il se plie à tous les usages, i d i ô m e s , mœurs et caractères; il se c o m m u n i q u e , il est desiré et répand un fluide vivifiant ; il rend tout ce qu'il a b o r d e , aimable, sociable, et donne une autre â m e . Et un tel peuple qui jouit du sol le p l u s fertile, et dont les côtes décrivent presque u n cercle autour des rochers anglais, trouverait de l'opposition pour rendre son

commerce

national ! C e ne serait pas sa faute; mais d e l'éducation qu'il aurait reçue. La France a eu une marine militaire aussi formidable que celle de l'Angleterre : elle lui fit

la loi en 1778. L'impôt général n'est en France q u e

de


(189) 22 francs par individu, et diminuera avec la paix. En Angleterre, il est de 64 francs, et il ira toujours en croissant. La dette publique est en Angleterre de quinze à-dire, sept fois

milliards ; c'est-

plus considérable que celle de

la F r a n c e , dont la population égale celles des domaines soumis à l'Autriche, à la Prusse et à la Bavière. Elle a le même

nombre

de

troupes que ces trois puissances ; mais son r e v e n u est presque double du leur. Sa dette publique

est moindre que

celle

de

l'Au­

triche. En

1784, l'Angleterre

devait

davantage

q u e laFrance, en rentes annuelles à l ' é t r a n g e r . D e p u i s la révolution française, la dette des anglais envers l'étranger a considérablement augmentée. D e sorte qu'en ajoutant à cette dépense les subsides qu'ils payent sur le c o n ­ t i n e n t , pour obtenir de la considération, et y susciter la discorde, l'Angleterre perd annuel­ l e m e n t une partie considérable de ses richesses métalliques. La France, par sa conduite juste et franche a u - d e h o r s , jouit d'une considération r é e l l e ; elle consolide sa puissance en ne livrant de s o n numéraire à l'étranger, que ce qui est nécessaire pour activer les liaisons c o m m e r ­ ciales entre les différens peuples. C'est, à pro-


(190) prennent d i t , un prêt. La France, territorialement prise, est la première nation du m o n d e . Avec la liberté des m e r s , elle le sera é g a l e ­ ment c o m m e puissance maritime.

Du

sort

à venir

dès cultivateurs

couleur

à

de

toute

St.-Domingue.

D A N S l'ordre social, l'homme qu'on appelle libre,

est un h o m m e lié par les lois. S'il se

révolte, ou s'il tue son semblable, il encourt la peine de mort. L ' h o m m e sauvage et l ' h o m m e s o c i a l , naissent subordonnés ; des besoins impérieux le commandent. Qui dit libre pour d i r e , faire c e qui nous plaît contre l'intérêt c o m m u n , dit un mot vide de sens. Ce s e r a i t , dans le cas contraire, un mot barbare qui autoriserait à toutes les cruautés. naturelle

Liberté

! LE PREMIER HOMME, a été le seul

doué de la liberté naturelle. Ses d e s c e n d a i s sont nés pour la subordination ; la nature a refusé à l'homme de disposer de lui en nais­ sant. Elle l'a mis à la disposition des a u t r e s ; son existance cesse par le défaut de secours. La liberté naturelle est la raison.

La nature

a donné la raison à l'homme pour vivre en société, s'entr'aider, faire abnégation d e sa


(191) f o r c e , et être soumis à une loi c o m m u n e . Les besoins auxquels les hommes sont

asservis,

prouvent que l'ordre social est d'institution d i v i n e , et qu'il n'a jamais existé de liberté naturelle. Les sauvages ne jouissent point de c e qu'on appelle la liberté:

ils ont des r o i s ,

d e s chefs de h o r d e s , des chefs de familles. L e u r s cruautés, ou les sentimens pacifiques, s o n t la conséquence d une volonté générale. L e sauvage qui s'isole, ne fait qu'une a b s e n c e ; persiste à être seul, c'est l'action d'un

fou.

A l o r s il est sans volonté de raison, bonne ou m a u v a i s e . Le nègre marron

est un malade

q u ' i l faut asservir par la force. La

qualité

distinctive

de l ' h o m m e ,

est

d ' ê t r e propre à l'impression d'utilité publique, v e r s lequel le gouvernement croit nécessaire d e le diriger. Il n'existe de liberté

que pour

l e gouvernement; il doit vouloir. L ' h o m m e n a î t pour obéir et travailler. M. de

Vaublanc

est le seul qui ait consi­

d é r é l'état des esclaves,

ce qu'il devrait être,

s'il était possible, en proposant de les classer en

état de domesticité.

M. Malouet,

long­

t e m p s avant la révolution, cherchait, par de sages réglemens, à amener progressivement de grandes améliorations dans le sort de ces auxi­ liaires. M . Moreau de Saint-Méry

avait frappé


(192) d'un jour lumineux toutes les parties du r é ­ gime intérieur de Saint-Domingue. Mais q u e pouvaient des hommes éclairés, lorsque d ' i n ­ justes préventions, et surtout la crainte d e s effets qu'amènent toujours les i n o v a t i o n s , opposaient alors des barrières de préjugés e t d'intérêts insurmontables. La Domesticité

est un état parfaitement

libre. L'homme s'engage et rompt son e n g a ­ gement à volonté; l'état de domesticité d o i t , à S t . - D o m i n g u e , être réservé aux

européens,

aux descendans des anciens affranchis,

et à

ceux appelés politiquement à la jouissance des droits qui seront accordés aux anciens libres. Les

cultivateurs

ne peuvent d o n c être

compris dans la classe de

domesticité.

En Europe, 1 h o m m e est obligé de travail­ ler pour vivre. Les africains sont indolens et paresseux. Le s o l , à Saint-Domingue, pourvoit a b o n d a m m e n t , et sans labeur, à tous les b e ­ soins de la vie. Par la nature du c l i m a t , les nègres peuvent se passer de vêtemens. L e s deux sexes se plaisent, c o m m e en A f r i q u e , à n e pas être vêtus. Ils trouvent le bonheur dans l'apathie. Un ajoupa ( u n e hutte) au fond des bois, est pour eux un palais. La terre leur sert de lit, une pierre d'oreiller. Ces

considérations

démontrent

que

les

nègres


(193) n è g r e s ne peuvent

être livrés à

eux-mêmes.

e t qu'ils doivent être assujétis à un travail d'obligation. Dans le cas contraire, ils seraient i n u t i l e s ou dangereux à la société. Les esclaves

étaient heureux. Des hommes

e n t r a î n é s par l ' e r r e u r , les ont faits révolter ; i l s s e sont prononcés pour la liberté. a déclarés libres. ditionnellement

O n les

Cette liberté leur fut c o n confirmée

en l'an

X.

a n g l a i s les ont de nouveau conduits

Les à la

r e b e l l i o n . Quel sera le sort avenir des a n ­ c i e n s esclaves, lorsqu'on les aura de nouveau subjugués ? L'établissement de la culture à Saint-Dom i n g u e , a nécessité de se procurer des qui pussent supporter

liaires

sans

auxidanger

l ' â p r e t é du climat : on les trouva en Afrique. Leur

destination était d'être

inviolablement

a t t a c h é s à la terre. Par des convenances parti­ c u l i è r e s , on toléra en domesticité des

l'emploi

africains, et leurs descendans de toute

c o u l e u r . Ils furent dès-lors, tous abusivement marchandises,

considérés

contre l'esprit de

l ' é d i t de 1 6 8 5 , q u i , en les désignant

esclaves,

l e s déclarait tacitement les hommes

du

inamovibles étaient Les

des habitations

placés

ou

avaient

sur lesquelles pris

roi, ils

naissance.

africains et leurs d e s c e n d a n s , attachés N

à


(194) la terre,

étaient, par l'édit de 1 6 8 5 , c o m ­

pris c o m m e auxiliaires L'homme

dans l'ordre s o c i a l .

n'était pas la propriété

du p o s s e s ­

seur du biens f o n d , quoiqu'il l'ait o b t e n u à prix d'argent; il était sous la loi. Il ne pouvait être

la protection distrait

ture, puisqu'il ne pouvait être

de

de la c u l ­

saisi

par les

créanciers pour être vendu. Le c o n c e s s i o n ­ naire n'avait d o n c réellement que la j o u i s ­ sance du labeur.

Il lui était assuré, tant par

l'intérêt de l ' é t a t , que par la s o m m e qu'il avait comptée à ses agens commerciaux. Le colon qui vendait un nègre cultivateur, agis­ sait au détriment de l'état. Louis XIII

ne con-

sentit à l'esclavage des nègres que dans les vues du

christianisme.

D'après l'esprit de l'édit de 1680 (Louis X I V ) , l'article qui déclare meuble les esclaves, ne pouvait donc être applicable qu'aux esclaves tolérés en domesticité,

jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés

à la destination voulue par les l o i s , qui auto­ risaient leur importation dans la colonie, pour Ceux tolérés en

do-

étaient c o m m e ceux à bord des

né-

être attachés mesticité, griers,

à la terre.

dans l'attente de leur destination, et

jusques-là réputés dans le c o m m e r c e . C'est donc aussi par abus qu'on a estimé par

tête,

les esclaves des habitations qui ont été v e n -


(195) d u e s , et de celles évaluées pour fixer la p o r ­ tion revenante aux héritiers. On aurait dû se b o r n e r , dans l'un et l'autre c a s , à donner une estimation à la terre, en observant qu'il s'y trouvait attaché tel nombre d'individus. Les esclaves de Saint-Domingue, en recla­ m a n t la liberté

( 1 ) , demandent qu'ils soient

traités en hommes;

qu'ils ne soient plus c o n ­

sidérés marchandise

; d'être

compris

dans

l ' o r d r e social ; être reconnus auxiliaires à

la prospérité de l ' e m p i r e , et

utiles

inamovibles

d e s habitations où ils ont été placés, ou ont pris naissance,

qu'ils

considèrent

b e r c e a u ou commune. lucri

Nègre

particeps.

a v e c part

sur le net

comme

Africanus métayer

leur

perpetuo a

vie

produit des récoltes ;

a v o i r la faculté de se marier

( 1 ) , étant pour

l ' h o m m e en s o c i é t é , le seul acte où il puisse a v o i r une volonté

libre.

Il est de l'intérêt du

c o m m e r c e métropolitain, et de celui de l'état, q u e la part dans les f r u i t s , ne soit acquitée q u ' e n articles ouvrés en France. Les nègres ne retiraient déjà que trop de numéraire de ( 1 ) La liberté. L ' a n a g r a m e definit l e s e n s d e c e s mots,

c o n t r e la

définition d o n n é e p a r la c o n f r é r i e

d e s n i g r o p h i l e s . Lier la bet (2)

tions

Se marier. des esclaves

11

y avait dans beaucoup d'habita­

mariés.

N 2


( 1 9 6 )

la circulation, par la vente

des

objets d e

leur industrie, en l é g u m e s , volailles, œ u f s , porcs f r a i s , etc. L'homme

ne p o u v a n t , d'après la

raison,

d'un autre homme,

on se

être la propriété

tromperait étrangement, si on croyait que l e s nouveaux

libres

peuvent

maître de f a i t , reconnu cains et leurs descendans sont indolens

se passer

d'un

par la loi. Les a f r i ­ de toute c o u l e u r ,

et paresseux, et n'ont pas b e ­

soin de travailler pour vivre. Il faut d o n c , en remplacement du propriétaire de la personne, un maître considéré politiquement. Le est classé à vie au service africains

de

matelot

l'état.

Les

n'ont été admis dans l'ordre social,

q u e pour le plus grand avantage de l'état ; ils sont d o n c les hommes

de l ' e m p e r e u r . Sa v o ­

lonté et l'obéissance des cultivateurs, d o i ­ vent être absolues. L ' h o m m e est né pour t r a ­ vailler. La force doit y veaux

libres

militaire

et leurs

contraindre les

nou-

Le

code

descendans.

d o i t , dans toute la force du t e r m e ,

remplacer pour les peines, corrections

le code noir. Les

de petite p o l i c e , celles j o u r n a ­

l i è r e s , pourraient se faire à l'allemande ou à la. turque.

Celles russes,

dite de f a m i l l e , s e ­

raient préférables; c'est-à-dire, remplacer l e


(197) dont on fait actuellement u s a g e , par

bâton,

un nerf de bœuf,

qui

ne présente

pas les

m ê m e s dangers, étant préparé. On ne refusera sûrement pas à

Toussaint,

qu'il connaissait le caractère des

individus

d e sa caste. Il avait constitué les anciens

es-

en une classe d i s t i n c t e , sous la d é ­

claves,

nomination de cultivateurs.

Ils étaient

mais obligés de travailler sous peine

libres,

de mort.

Ils encouraient la m ê m e peine en cas subordination. étaient obligés

Ils

étaient libres,

d'in­

mais ils

de rester colloqués

sur les

h a b i t a t i o n s , dans l'ordre de leur installation p r i m i t i v e , et de ne point s'en écarter sans permission. Ils étaient libres,

et ils ne p o u -

vaient se marier qu'avec les individus attachés à l'habitation à laquelle ils se trouvaient c o l ­ loqués. Ilsavaient lequart des fruits c'est

trop.

L a discipline était à l'allemande. Le bâton r e m plaçait le fouet

( 1 ) . Dessalines

cipes qu'avait consacrés

suit les prin­

Toussaint.

( 1 ) I l n'y a pas t r e n t e a n s , q u e dans ment

de

la G i r o n d e , le

v i g n o b l e , suivait a v e c un fouet

dans

les

de chartier,

le départe­

maître-valet vignes 11 l e s

d'un

bien

les vendangeurs piquait

lorsqu'ils

m a n q u a i e n t d ' a c t i v i t é , o u faisaient la c u e i l l e t t e s a n s précaution.


(198) La qualification d'hommes

de

l'empereur,

constitue les anciens esclaves, en une c l a s s e distincte et cultivatrice. Ils restent attachés à la terre.

Leur labeur est obligatoire envers l e s

possesseurs des biens f o n d s , qui ne perdent rien en perdant leurs qualités de propriétaires de la personne.

Le sort des esclaves est a m é ­

lioré. Ils seraient libres, mais ils seraient o b l i g é s , c o m m e les européens,

à travailler; ils ne s e ­

raient pas journaliers ; ils seraient métayers à vie ; ils cultiveraient et fabriqueraient pour u n e portion des fruits. Ce nouvel ordre de

chose

n'entraverait pas la vente des habitations. Elles ne perderaient seulement

point de valeur. Il

qu'elles

soient

duites à peu de choses. l'intérêt

général.

immuable

empêcherait

morcelées

C'est ce que

ou

ré-

demande

L'ordre ne peut être rendu

Saint-Domingue, qu'en adoptant

un régime militaire. Les sang-mêlés, descendans,

se

anciens esclaves, et leurs trouvent compris dans la

classe des hommes de l'empereur.

Ils seront

à vingt a n s , soumis à la conscription m i l i ­ t a i r e , dans la proportion des besoins de la colonie, pour la défense intérieure : le surplus restera attaché à la culture. Ceux qui t o m ­ beront au s o r t , seront embrigadés pour la vie. Leurs enfans jouiront des mêmes avan-


(199) tages que les descendans des anciens affran­ c h i s de leur couleur. Il répugnait aux c o l o n s , dans le temps p a s s é , de voir les sang mêlés esclaves et li­ vrés

aux travaux de la c u l t u r e , par l'igno­

m i n i e qu'on y attachait. Ce sentiment d'huma­ n i t é ou de prédilection était louable. A u j o u r ­ d ' h u i que la culture dans la colonie se trouve­ rait e n n o b l i e , l'européen verra sans p e i n e , c o m m e en E u r o p e , son enfant naturel de c o u ­ leur,

identifié à la terre. La naissance des

sang-mêlés

sera alors d'intérêt public.

Ils

p o u r r o n t avec le t e m p s , remplacer les nègres. Ils

concourront alors à la prospérité de la

m è r e - p a t r i e , au lieu d'en être le fléau. L'intérêt

des propriétaires ne

f r o i s s é dans l'avenir.

Il y

sera

pas

aura sûreté pour

l e u r p e r s o n n e , sur leurs habitations, puisque l a cause qui les en a expulsés, n'existera plus. L a portion de revenu dont jouiront les culti­ v a t e u r s , peut paraître un sacrifice, d'après l'ancien d'après

ordre

de

chose ;

maïs

considéré

l'exacte v é r i t é , que les colons, de

Saint-Domingue ne possèdent

plus rien,

ce

sacrifice annuelle n'est r i e n , auprès de ceux q u e le gouvernement sera obligé de f a i r e , p o u r les remettre en possession de leurs p r o ­ priétés foncières. Ils trouveront d'ailleurs le


(200)

leurs

remplacement de ce sacrifice, en fixant

domiciles sur leurs habitations. Le c o m m e r c e y gagnera également les nègres seront m i e u x surveillés, et mieux soignés. D'autre p a r t , il ne reste rien à desirer aux: africains et sang-mêlés cultivateurs. Ils s o n t appelés à faire partie de l'ordre social ; ils y sont compris c o m m e auxiliaires cessaires.

utiles

et

né-

Leurs devoirs est de se livrer à la

culture : c'est la condition de leur admission dans la société. Les nègres ment mineurs, parce

sont i m m u a b l e ­

quoique nés dans la c o l o n i e ,

qu'ils, forment dans la création

verselle,

une race distincte.

la qualité d ' h o m m e s , ils sont étrangers peuples chevelus.

uni-

Acception de aux

Il y a des préjugés qui sont

respectables, et qu'il est politique de maintenir. Quant aux sang-mêlés de la hommes

de l'Empereur,

également d'être

leur

classe

des

condition est

attachés immuablement à

la terre. Ils o n t , par la

filiation

paternelle,

plus que les n è g r e s , la faculté d'être appelés à jouir des mêmes avantages que les d e s c e n ­ dans des anciens a f f r a n c h i s , en le méritant par des actions distinguées, un service m i l i ­ t a i r e , ou en récompense des services r e n d u s par leurs pères à l'état (s'ils font parti de leurs atteliers) l'Empereur.

et reconnus par un

diplôme d e


( 2 0 1 )

On dira, peut-être, qu'en obligeant mili­ tairement les nègres

nouveaux

libres,

à tra­

vailler, c'est réduire les africains et leurs des­ cendans de toute c o u l e u r ,

à un esclavage

plus terrible que le p r e m i e r , les nigrophiles

contre lequel

les ont faits révolter. L ' h o m m e

libre est l'esclave de la loi. Il n'y a que les gouvernemens arbitraires, qui ont des ménagemens à garder ; l'intérêt

de l'état est la

suprême loi. Les cultivateurs sont reconnus libres,

mais obligés

de travailler.

Si les n i ­

grophiles en demandaient aujourd'hui davantages,

ils seraient criminels de l'ès-nation

au premier chef.

Etat

politique

franchis,

des sang-mêlés, considéré

ce qu'il

anciens doit

af-

être

à

Saint-Domingue. L'AFFRANCHISSEMENT qu'on accordait à S t . D o m i n g u e , à des africains, à des sang mêlés, et par suite à leurs d e s c e n d a n s , n'était pas une

reconnaissance qu'ils

l'exercice libres.

des droits

étaient aptes à

politiques

C'était seulement

; c'est-à-dire

une licence

pour

eux et leurs d e s c e n d a n s , de travailler à volonté,

et dans telle profession qu'il leur


( 2 0 2 )

plairait,

en se conformant aux réglemens

de police et de sûreté générale. Saint-Do­ mingue est une colonie dépendante. O ù il y a d é p e n d a n c e , il n'y a point de droits

poli-

tiques à exercer. Conséquemment, il n'y a d e liberté pour aucune caste. d'origine affranchie, c ' e s t -

Les sang-mêlés à-dire, les mulâtres, tifs et les blancs

les quarterons,

de

presque tous nés en bâtardise, l'imitation

des

les

descendance

blancs

exigèrent, a

non-propriétaires

qu'on les fît jouir sans réserve de des

l'égalité

droits.

Les mulâtres

étant de génération

ils sont accessoires qui exclut l'égalité cice

mé-

esclave,

des droits

mixte,

dans l'ordre s o c i a l , c e sous le rapport de l'exer­ politiques.

Ils

suivent

blancs ; ils sont égaux avec les b l a n c s ,

les de-

vant la loi. La condition des mulâtres, prise à la let­ tre,

est

de

confondre

leur

sang

dans

l'une

des deux sources o ù ils ont pris la vie. Il faut qu'ils adoptent le blanc ou le

noir.

Sous le rapport de la nature de la p o l i t i q u e ,

les mulâtres

et de celui

et leur lignée

de m ê m e c o u l e u r , sont toujours

mineurs,

sauf le cas d'alliance légitime avec les blancs. L'émancipation

de droit n'est acquise à la


(203) lignée nuancée des mulâtres,

qu'à l'époque

o ù , par la continuité du mélange de leur sang avec celui des b l a n c s , ils parviennent à la couleur blanche. L'axiôme

que les hommes

naissent égaux en d r o i t s , n'est applicable, s a u f les exceptions p o l i t i q u e s , qu'aux indi­ vidus nés de père et de mère blancs. En afrique, d e père et de mère La génération

noirs. se divise

des sang-mélés

en quatre classes, avant d'atteindre à la c o u ­ leur blanche parfaite. Vide page 38. La nature a donc gradué elle-même leur état dans la société. Dans l'église,

ils ne sont pas admis à

l a prêtrise. Les africains reçoivent les o r d r e s , p a r c e qu'ils sont sang

pur.

Les

sang-mêlés

demandèrent d'être reconnus blanc,

à la s e ­

c o n d e génération m é l a n g é e , c o m m e si les h o m m e s pouvaient intervertir l'ordre prescrit par le créateur. Les mulâtres

étant moitié blanc et

ils sont accessoires.

Les quarterons

noir,

obtenant

u n quart de plus de couleur b l a n c h e , ils g a ­ gnent sur les mulâtres. Les métifs

étant aux

sept huitièmes b l a n c s , ils précèdent dans la société les deux premières générations. fant de

L'en-

de la métwe se trouvant b l a n c , la tache descendance

acquiert de droit

d'africain

est

l'émancipation.

éteinte : il


(204) Les prétentions des mulâtres étaient justes ; mais le préjugé descendans

in­

qui frappait sur l e s

d'esclaves était barbare.

Non-

seulement il abrutissait les sang-mêlés, m a i s il entachait encore d'une éternelle i g n o m i n i e , la postérité de l'européen une femme

qui s'alliait

avec

s a n g - m ê l é , prouva-t-elle d e u x

siècles de génération blanche. Est-il étonnant que les sang-mêlés ne témoignaient pas d ' a t ­ tachement pour les blancs ? On les accablait d'opprobre, ainsi que les enfans b l a n c s , p r o ­ venant de leur lignée. Cet impolitique et bar­ bare préjugé n'a pas peu c o n t r i b u é , depuis soixante a n s , à les maintenir dans leurs prin­ cipes d'indépendance. On affectait d'oublier q u e , provenant du sang-français, ils avaient à peu-près la même subtilité de sens et

d'es­

p r i t , et qu'on ne pouvait les confondre a v e c les sang-mêlés des peuples

balourds.

Il serait imprudent de permettre aux

blancs,

à S a i n t - D o m i n g u e , l'exercice des droits p o ­ litiques ; mais si on les y autorisait, la p o l i ­ tique paraît commander a l o r s , d'accorder la m ê m e faculté aux sang-mêlés des deux

degrés

les plus rapprochés de la couleur b l a n c h e , et par exception, aux descendans des européens qui s'allieraient avec des degrés inférieurs. Savoir :


(205) 1 degré

A un quarteron

franc,

né au

deuxième

de légitimité ; c'est-à-dire, à l'enfant

n é d'un quarteron et d'une q u a r t e r o n n e , ou m é t i v e , nés eux-mêmes en légitime mariage. 2°. A un métif franc,

né au premier

degré

d e légitimité; c'est-à-dire, à l'enfant né d'un métif et d'une métive unis par le mariage. 3 ° . L'européen tresse

qui épouserait une

mulâ-

légitime ou naturelle, ne perdrait point,

n i ses d e s c e n d a n s , l'exercice des droits poli­ tiques. L'européenne lâtre,

qui épouserait un mu-

légitime ou naturel, apporterait à son

m a r i et à ses d e s c e n d a n s , la faculté de l'exer­ c i c e des mêmes droits. 4°. Les nègres affranchis et leurs descen­ d a n s n o i r s , resteraient classés avec les lâtres,

mu-

s a u f , pour les p r e m i e r s , prohibition

d'alliance avec les blancs. 5 ° . Il conviendrait d'insérer dans les actes d e b a p t ê m e , un nom propre

aux sang-mêlés

d'ancienne origine affranchie, nés en

bâtar-

O n pourrait décomposer le nom

propre

d u père présumé. De toutes les lettres

de ce

dise.

n o m , le curé formerait celui de l'enfant.


(206)

Dispositions O N

générales.

ne parviendra à rétablir l'ordre et à

accélérer la restauration de la culture à S a i n t D o m i n g u e , qu'autant que le chef qui g o u v e r ­ nera la

colonie durant les cinq premières

a n n é e s , sera doué d'une grande activité m i ­ litaire, tant pour maintenir la sûreté p u b l i q u e , vérifier par l u i - m ê m e tous les travaux de d é ­ fense,

que pour parcourir sans discontinua­

tion les divers quartiers, y encourager l'in­ dustrie, mettre sur les v o i e s , et diriger l ' a c ­ tivité. Le c h e f qui aura la confiance du g o u v e r ­ n e m e n t , n'obtiendra aucun s u c c è s ,

s'il ne

règle sa conduite sur celle de Dogeron,

qui

a été le créateur de la culture à S a i n t - D o ­ mingue. On pourrait, pendant les cinq premières a n n é e s , mais au moins

pendant les trois

p r e m i è r e s , se dispenser d e créer des tribu­ naux, et d'envoyer un préfel dans la c o l o n i e . D e s chefs d'administration instruits, seront d'une grande utilité. Le partage

de

l'autorité,

durant les premières a n n é e s , pourrait p e u t être affaiblir l'activité

du c h e f ,

paralyser


(207) toutes les opérations, et rendre la culture languissante. Ce serait, pourra-t-on d i r e , en adoptant

un semblable s y s t è m e ,

livrer la

colonie à l'arbitraire du chef. Si on considère que pendant les cinq premières années, l ' o b ­ jet principal sera la sûreté publique,

activer

la c u l t u r e , et y réattacher les n è g r e s , on ne pourra disconvenir qu'un régime purement militaire, pendant ces premières a n n é e s , est indispensable, pour rendre immuable dans l ' a v e n i r , l'obéissance à la loi ; mais il viendrait de faire un bon choix d'un nateur

en chef,

pas étrangères réunirait

à qui les localités ne ; qui,

publique,

en se livrant

du ressort

des commissaires

marine ;

nègres

et des

qui

à la chose

aux détails qui sont

connût

mulâtres,

leur patois. L'ordonnateur à une très-grande

activité,

de son état ; qui

ne perdit pas un temps précieux

de

seraient

à une grande

les connaissances

con­ ordon-

des guerres le caractère

ou des

et qui sût parler Perroud

réunit

facilité pour le

travail,

toutes ces qualités (1).

(1) J'ai été sous l e s o r d r e s d e l ' o r d o n n a t e u r P e r ­ r o u d , et j e lui d o i s d e la franchise

reconnaissance ; mais m a

eût été plus forte que ces c o n s i d é r a t i o n s ,

s i , d a n s l e f o r t - i n t é r i e u r j e n'eusse été certain qu'il p o s -


(208) Il c o n v i e n t , pour ramener p r o m p t e m e n t l ' o r d r e , de déclarer en p r i n c i p e , q u e les cultivateurs ne sont pas marchandise; que les nègres attachés à la terre, ne seront plus v e n d u s c o m m e des bêtes de somme. Ils seront hommes asservis à la loi ; c ' e s t - à - d i r e ,

libres,

puis­

qu'on tient aux mots ; mais obligés de

tra-

vailler. Ils seront politiquement les hommes de l'Empereur,

inamovibles des habitations

où ils ont été placés ou pris naissance. L e u r labeur sera obligatoire envers les propriétaires des biens fonds, sans q u e , sous aucune consi­ dération ou prétexte, ils puissent être déplacés pour être mis sur des habitations étrangères, o u être employés à un service

quelconque,

autre que pour l'utilité du propriétaire d u bien fonds où ils sont attachés. La domesticité

étant un état l i b r e , elle

ne peut-être exercée q u e par ceux qui j o u i s ­ sent de la faculté de choisir la profession q u i leur plaît. Elle doit être réservée aux e u r o ­ p é e n s , et aux sang-mêlés

descendans

des

anciens affranchis. s è d e t o u t e s c e s q u a l i t é s . C e n'est

pas n o n plus

le

desir d'être e m p l o y é de nouveau à S a i n t - D o m i n g u e qui m ' a d é t e r m i n é ; j ' a u r a i et

de c e u x

d e m a famille

assez d e m e s i n t é r ê t s , à surveiller,

lorsque

l ' o r d r e y sera r é t a b l i .

Constituer


(209) Constituer par conscription à vie, quarterons

et les métifs

sur les

attachés à la t e r r e ,

- m e garde nationale active et soldée, en nement

caser-

dans les v i l l e s , dont un quart serait

constamment en patrouille dans les plaines et les montagnes. Une gendarmerie de

mulâtres

répartie dans les c a m p a g n e s , qui

seraient,

c o m m e les p r e m i e r s ,

commandés par

officiers et sous-officiers blancs. d e la conscription,

dans la c o l o n i e , les blancs

e t les anciens libres. Il serait p o l i t i q u e , temps

des

Affranchir en

que l'européen non proprié­

de paix,

taire dans la c o l o n i e , q u i , à son retour en F r a n c e , prouverait y avoir fait un séjour

per-

de six a n n é e s , depuis l'âge de

dix-

manent sept

ans,

ne serait pas recherché pour la

conscription militaire. Incorporer avec les b l a n c s , dans les c o m ­ pagnies de gardes nationales, à pied et à c h e ­ v a l , les mulâtres, tifs,

les quarterons

et les mé-

anciens l i b r e s , avec droit à ceux qui s e ­

r o n t légitimes

et propriétaires,

de voter dans

l e s assemblées de paroisses, où on ne pourra délibérer et émettre de voeux, que sur des o b ­ jets autorisés, par lettres supérieurs

closes

des officiers

ayant le c o m m a n d e m e n t

de la

division militaire. Incorporer séparément en gardes nationales, les nègres anciens l i b r e s , O


( 2 1 0 )

et les utiliser activement

pour la sûreté p u ­

blique. Caserner les troupes de ligne e u r o p é e n n e s , en temps de p a i x , dans les mornes. Dans l e n o r d , au Dondon

et à Bompardopolis;

s u d , vers les Cayes; Domingo Marc

et la Véga;

à l'est, entre

au

Santo-

à l'ouest, entre

et le Mirebalais.

Les

Saint-

circonstances

malheureuses survenues depuis quinze a n s , prouvent que la défense de la colonie ne d o i t plus se borner à des fortifications sur les c ô t e s . Il en faut dans l'intérieur. Obliger les propriétaires d'avoir à leur ser­ vice un blanc, ou

par vingt cultivateurs

nègres

sang-mélés.

Simplifier le travail des administrations, et surtout donner aux commis (1) des appointe­ mens, qui puissent les faire vivre, et leur faire

( 1 ) En

acquittant l e u r t r a i t e m e n t

perdaient les deux

tiers;

p l u s affreuse m i s è r e . L e s t e l l e m e n t dépourvus un s e r v i c e militaire r a t i o n du

c e qui l e s

en denrées,

ils

a réduits

à la

m a g a s i n s d e l'état

de vivres,

étaient

que, quoique obligés à

j o u r n a l i e r , on l e u r a r e f u s é l a

s o l d a t , m a l g r é q u ' i l s aient i t é r a t i v e m e n t

d e m a n d é qu'on

en p r é l e v â t

l e p r i x sur l e u r

traite­

m e n t , n e p o u v a n t p a y e r l e u r a u b e r g e , ni se p r o c u ­ r e r du pain d a n s la v i l l e .


(211)

desirer de

conserver leurs

rigoureusement

places ; obliger

et sans exception,

toutes les

administrations d'être journellement à j o u r , et d'envoyer chaque mois, en F r a n c e , une ex­ pédition régularisée de leur t r a v a i l , pour être vérifiée par un bureau central, dépendant du ministère de la marine. Fixer la résidence du chef de la c o l o n i e , la cour souveraine et l ' é v ê q u e , au Cap F r a n ­ ç a i s , si, i m p o l i t i q u e m e n t , on n'établit pas la capitale à la Petite-Ance. La politique prescrit de n'autoriser à SaintD o m i n g u e , que l'exercice de la religion R o ­ maine. L'exercer avec p o m p e dès l'arrivée de l'armée ; faire baptiser t o u s les nègres ; réta­ blir les prières dans les habitations.

Despertes

qu'on a éprouvées

en nègres,

animaux,

des

nécessaires

fonds

à

St.-Domingue

bâtimens, pour

etc.,

et

rétablir

la

culture. IL

existait à Saint-Domingue 7905 habita­

tions en c u l t u r e , et 623 établissemens d'in­ dispensable u t i l i t é , en guildiveries, ries, fours (Voyez

à chaux,

poteries

et

tanne-

briqueteries.

le tableau n ° . 2 ) . Leur valeur en O 2


(212) nègres, animaux, mécaniques, bâtimens

et

instrumens aratoires, s'élevait en 1789, d ' a ­ près les calculs de M .

Id........,

teur des domaines en l'an X , liard

cinq

vingt-seize francs

cent

dix

mille

trois

direc­ un

millions,

milquatre-

cent

(1)

M.

à

quarante-huit

1,510,096,348 . » . f

Id

estime

qu'à

c

la

reprise de possession de l a c o ­ l o n i e , il y mille

e x i s t e r a trois

nègres.

Tout

cent

démontre

q u e l a totalité n e s ' é l e v e r a p a s à

plus

deux

de

cent

mille,

l e s q u e l s , à 1 , 3 8 8 fr. 5 o

cent.

l ' u n , p r é s e n t e n t un capital d e deux

cent

millions qu'il la

soixante

convient

dépense

connaître

(1)

- dix -

sept cent mille

La

la

sept

francs,

de déduire

de

générale

pour

perte

effec-

dépense

générale

de

réédification

m a n u f a c t u r e s , m o b i l i e r s , exploitation t a t i o n s , pendant les treize premières

des

des

habita-

années de

la

r e p r i s e d e l a c u l t u r e , frais d e v e n t e des d e n r é e s e n F r a n c e , et r e m b o u r s e m e n t d e 50 m i l l i o n s d e d e t t e s a r r i é r é e s , s ' é l e v e r a à la m ê m e

somme.


(213) fr. c. 277,700,000 » 1

tive Il

convient

aussi

de d é ­

duire

c e qui

a rapport aux mécaniques et aux bâtimens, d o n t on p o u r ­ fr.

r a faire usage à la reprise d

e

)

p o s s e s s i o n que M . I d . . . . esti­ m e , sans

exa-

gération,

à

quatre-vingtfiuit

millions

cent

quarante-

deux tre

mille qua-

cents fr..... M.

Id

88,142,400 porte

»

en déduc­

tion de la dépense g é n é r a l e , la

valeur des c h e v a u x , m u ­

l e t s , b œ u f s , vaches asines

l a c o l o n i e lors d e l a tion.

et bêtes

qui se t r o u v e r o n t d a n s

Aucun

saurait

pacifica­

propriétaire

légalement

ne

constater

q u e l e s a n i m a u x qui e x i s t e r o n t a l o r s , font p a r t i e d e c e u x qu'ils possédaient

s u r leurs

habita-

t i o n s en 1 7 8 9 ou en l'an X I I . C e s

365,842,400


(214) a n i m a u x font e n m a s s e p a r t i e d e l ' i n d e m n i t é de l ' a r m é e , et d o i ­ v e n t être v e n d u s aux P e r t e effective : un cent

quarante-quatre

colons. milliard millions

deux cent cinquante-trois neuf cent quarante-huit

mille francs.

fr.

c.

1,144,253,948

On ne peut se dissimuler que

»

beaucoup

de propriétaires, gérans, rafineurs, é c o n o m e s , o u v r i e r s , charpentiers

m é c a n i c i e n s , et

en

bâtimens, m a ç o n s , serruriers, e t c . , ont été victimes de la férocité des brigands. Il n e serait pas extraordinaire qu'un

tiers des h a ­

bitations tombât au domaine de la c o u r o n n e , soit

par d é s h é r e n c e , par l'abandon

pourront faire des

qu'en

propriétaires, des h é r i ­

tiers, et par confiscation sur des h o m m e s d e couleurs. Il est d'une nécessité absolue, pour a c c é l é ­ rer le rétablissement total de la culture, qu'il y ait un temps donné auquel les propriétaires seront obligés d'être rendus dans la c o l o n i e , ou représentés par des fondés de p o u v o i r s , à domicile fixe,

sur les

habitations.

Il serait impolitique de livrer la colonie au domaine, en frappant de séquestre

les h a b i ­

tations, ne fusse que pour la forme. Ce serait décourager les h a b i t a n s , enchaîner l ' i n d u s -


(215) t r i e , retarder la reprise de la culture, et f o r ­ cer les places maritimes à l'inaction. Un pro­ priétaire ou son représentant, ne doit pas être asservi à solliciter un acte de mise en p o s ­ session. Les nègres constateront suffisamment, dans le principe, la propriété et les abornem e n s de chaque habitation. D'après la m o r t d e beaucoup de propriétaires, survenue parles cruautés des révoltés, et des titres b r û l é s , le directeur du domaine doit se borner à viser, sans frais

les actes

de main-levée de

sé­

q u e s t r e s , qui on tété délivrés dans les années X , X I et X I I , et faire enregistrer son visa SUR u n contrôle ad hoc. Les circonstances s'étant opposées à ce que la totalité des séquestres fus­ sent l e v é s , la moindre pièce indicative propriété

de

ou témoignage l é g a l , doit suffire.

L e s colons doivent de la reconnaissance à M . Pont-de-Gault,

du zèle infatiguable qu'il a

porté pour terminer

les opérations

de s é ­

questres. Il est d'une rigoureuse j u s t i c e , et d'intérêt général, qu'après un temps d o n n é , les habi­ tations abandonnées soient classées par l'ad­ ministration des domaines, et mises en ventes, sans déplacement des cultivateurs qui p o u r ­ ront se trouver en dépendre. La

préférence

doit être accordée aux propriétaires des habi-


(216) tations attenantes celles abandonnées. C ' e s t l'intérêt des anciens possesseurs et celui

de

l'état. Ce serait tromper le gouvernement, si o n cherchait à lui persuader, qu'avec de l'argent on p e u t , en trois années,

ainsi qu'on l'a r é ­

pandu dans le p u b l i c , rétablir la culture a u point où elle était en 178g. On ne peut, a v e c le secours du c o m m e r c e métropolitain, y p a r ­ venir à moins de huit années ; encore faut-il qu'on tienne sévèrement la main à c e q u e les nègres qui arriveront de la côte de G u i n é , soient sans réserve attachés à la terre. L'avance des fonds nécessaires se trouvera acquittée la treizième a n n é e , ainsi que les intérêts et la dette arriérée des colons envers le c o m m e r c e . Dès la deuxième année de la reprise de la c u l t u r e , la colonie fournira en d e n r é e s , u n tiers de la consommation de la F r a n c e ; m o i ­ tié la troisième année, et la totalité de l a consommation intérieure la quatrième année. (Vide

le tableau n ° . 5 ) . O n pourrait a c c é l é ­

rer la restauration de la culture, de trois a n s , par le commerce

étranger

; mais l'avantage

ne pourrait jamais balancer la perte. D'abord il faudrait s'acquitter en numéraire,

ce qui

serait une richesse perdue pour la France. Ensuite les mortalités : elles doubleraient les


(217) dépenses, quoique les anglais livreraient les nègres à un tiers meilleur

marché que le

c o m m e r c e métropolitain. Dans le temps le plus p r o s p è r e , le c o m ­ m e r c e de France n'a jamais introduit, année c o m m u n e , dans la colonie, plus de mille nègres.

vingt-huit

En réclamer aujourd'hui davan­

t a g e , ce serait exiger l'impossible. En 1789, il existait réellement cinq mille

recensement fait en 1788, par ordre de Barbé

cent

nègres à Saint-Domingue, quoique le de Marbois,

Celui de M. de Proisy,

M.

ne s'élève qu'à 405,528. pour 1789, à 434,429.

L a différence de près d'un q u a r t , résulte des fausses déclarations 793

des habitans

Les

sucreries ne pouvaient être c a l c u l é e s ,

l'une dans l ' a u t r e , à moins de 250 nègres de tout âge ; ce qui donne 188,250. A quoi ajou­ tant les nègres des 7,112 c a f e y è r e s , i n d i g o teries et cotonneries, à raison de 3o nègres l ' u n e ; ce qui fait encore 213,36o ; le total était de 401,610 nègres attachés à la culture. Il y avait au moins 100 mille nègres et sangmêlés esclaves, en état de domesticité,

ou­

vriers et pêcheurs, dans les villes, b o u r g s , embarcadaires, et dans les dépôts des c h a r ­ rois des denrées. La culture exige réellement 401,610 culti-


(218) vateurs de tout âge. O a doit espérer qu'il e n existera 200 mille, lors de la pacification d e l a colonie. Ceux qui ont considéré la c o l o n i e sous le rapport d'intérêt public, ont d û

se

convaincre qu'il y a beaucoup de s u c r e r i e s dont tous

les nègres ont été tués, et

que

toutes ont é p r o u v é , en nègres, une perte d e moitié. Les habitations des mornes ont m o i n s perdu. On estime que ces dernières p o u r r o n t réunir les deux tiers de leurs nègres. D'après cet exposé, il faut un r e m p l a c e ­ ment de 125 nègres par chacune des 703 s u ­ creries, et dix nègres par chacune des 7 , 1 1 2 cafeyères, indigoteries et cotonneries; ce qui produit un total de cent soixante-cinq deux

cent

quarante-cinq

nègres,

mlle dont o n

porte la valeur, relativement au c o m m e r c e , à 1300 francs l ' u n , prix plus que suffisant; c e qui fait la somme

de....

O n doit considérer toutes les habitations, sansexception, c o m m e ayant perdu tous leurs animaux. Les 793 sucreries ont b e s o i n , l'une dans l'autre, de 80 mulets

et chevaux.

première

quantité

Cette donne

63,440. Les 7 , 1 1 2 cafeyères

214,818,500 fi


(219) D e ci-contre

214,818,500 f.

etc.,

exigent dix

mulets

l'une

dans l'autre;

donc

71,120. En total cent quatre

mille

soixante

trente-

cinq

mulets,

cent à

5oo

francs l ' u n , fait la s o m m e 67,280,000 f.

de Les 79'3sucreries exigent. l ' u n e dans l'autre, 80 b œ u f s et v a c h e s , ou 63,44o. Les 7,112 c a f e y è r e s , e t c . , en réclament 4

l'une

dans

l'autre, ou 28,448. En total quatre - vingt - onze huit cent bœufs

mille

quatre-vingt-huit

et vaches,

à 200

francs l'un

18,377,600 f.

T o u s les bâtimens, g é n é ­ ralement q u e l c o n q u e , qui étaient élevés sur les habi­ tations, moulins à eau et à b ê t e s , pour les idem,

sucreries;

idem, à grager, piler

et vanner le c a f é , e t c . , ont été incendiés. T o u t est à réparer en maçonnerie, et à garnir des choses néces-


( 220) D'autre p a r t . . . . . . . . . . 3 0 0 , 7 6 , 1 0 0 f. saires les

manufactures.

D'après les calculs de M. Id

,

la dépense de

ces objets, pour les rétablir dans l'état de 1789, monte à 352,569,600 francs. Il es­ time qu'à la reprise de pos­ session, on pourra trouver sans exagération, en objets existans, de quoi suppléer au quart de cette dépense, ce

qui

la

réduirait

à

264,427,200 francs. En convenant de l'exac­ titude de ces calculs, on estime

que

trente-quatre fisent,

deux

cent

millions suf­

parce qu'on d o i t ,

dans les premières années, éloigner luxe,

tout c e

qui est

et que les proprié­

taires peuvent provisoire­ ment se procurer leur l o ­ gement dans les manufac­ tures, e t c . , etc. On fixe en conséquence, les 793 su­ creries à 100 mille francs


(221) De ci-contre

300,476,100 f.

l ' u n e , ou 79,300,000 fr. Les 7,112 c a f e y è r e s , etc. et les 623 guildiveries, tan­ neries, e t c . , à 20 mille fr. l ' u n e , afin de pouvoir dou­ bler cette s o m m e pour les c a f e j è r e s , dont les m a n u ­ factures sont avec moulin. à

eau ;

ce

qui

produit

154,700,000 francs.

En­

s e m b l e pour bâtimens, o u ­ vrages de mécaniques, m a ­ çonneries, chaudières, u s ­ tensiles de toutes e s p è c e s , o u t i l s , aratoires, e t c . , la s o m m e de... Avances

234,000,000 nécessaires

à

la reprise de la culture... On doit s'attendre que les révoltés démanteleront les fortifications. Les palais d u gouvernement, les m a ­ gasins de la m a r i n e , les arsenaux, les casernes, les corps-de-gardes et les égli­ s e s , ont été en partie i n ­ cendiés et pourront l'être

534,476,100


(222) D'autre part

534,476,100 F.

en totalité. C'est une d é ­ pense locale à la charge des colons. O n estime les d é ­ penses d ' u r g e n c e , dans les trois premières années, à trente-cinq

millions

cent vingt-trois cent francs

cinq

mille

neuf

(1)..........

»

35,523,900

TOTAL des fonds n é c e s ­ saires pour rétablir la c u l ­ ture à S a i n t - D o m i n g u e , (1) S o u s l e g o u v e r n e m e n t R o y a l , la d é p e n s e d e la construction

du p e t i t

p o n t d e la R a v i n e ,

qui

fait

la séparation du C a p a v e c l e C a r é n a g e , s'est é l e v é e à plusieurs m i l l i o n s . Il a dix pieds de

long. Tour

figura

rendre l a

vingt

de l a r g e s u r

dépense

sur l e p l a n u n v a i s s e a u d e

plausible,

ligne,

on

passant à

p l a i n e v o i l e sous l ' a r c a d e . En

1788,

Arteau

l'entrepreneur

c o u r , un état des réparations

présenta

à

la

à faire a u x f o r t i f i c a t i o n s

du m ô l e S a i n t - N i c o l a s , qui m o n t a i e n t à d i x m i l l i o n s tournois. D ' a p r è s d e t e l l e s b a s e s , l e s fortifications à r é t a ­ b l i r à S a i n t - D o m i n g u e c o û t e r a i e n t plus de deux millions

de francs;

ont été dans la ont p r o u v é

mais

les

officiers

c o l o n i e aux a n n é e s X ,

qu'ils

avaient

d'autres

cent

du g é n i e XI

et

qui

XII,

principes,

et

qu'ils se faisaient g l o i r e d ' e m p ê c h e r l e s d i l a p i d a t i o n s .


(223) n o n - c o m p r i s ceux indis­ pensables, pour réédifier les villes qui, étant une dépense et dépendante

secondaire,

d u c o m m e r c e , ne peut faire parti

de ce chapitre.

s o m m e de cinq cent te-dix

La

soixan-

millions de francs.

570,000,000 f.

D'après la récapitulation des fonds néces­ saires au rétablissement de la c u l t u r e , on aurait tort d'en conclure qu'il faudrait aux c o l o n s cette avance. Il est démontré par le tableau n ° . 1 , que la s o m m e à prêter en quatre a n n é e s , ne s'élève qu'à trois cent l i o n s deux francs

cent

soixante

quinze - deux

vingt

mil-

mille n e u f cent

trois

centimes.

Savoir î

89,841,000 fr. la première année; 117,485,300 francs la deuxième année; 105,885,3oo francs 20 cent, la troisième année; enfin 7,089,003 fr. 42 cent, la quatrième année. Les 249,784,096 francs 38 cent, excédent l'avance f o r c é e , ainsi q u e les frais d'exploitation, frais des denrées p o u r F r a n c e , e t c . , se trouvent acquittés avec le produit des trois premières récoltes. Tous

les colons propriétaires

sont sans

m o y e n s q u e l c o n q u e s , pour satisfaire aux d é ­ penses urgentes de la reprise de la c u l t u r e ,


(224) qu'il importe impérativement à l'état de v o i r relevée promptement. En l'an X et en l'an X I , les colons réunirent tout ce qu'ils possédaient, et repassèrent dans la colonie. Les é v é n e m e n s qui y ont eu lieu, les ont réduits à la plus affreuse misère. Saint-Domingue est un d o ­ maine de la c o u r o n n e ; les colons sont

ses

vassaux. Ils ont constamment été fidèles. L e s erreurs auxquelles se sont livrés non-propriétaires,

quelques

appartiennent à l'ennemie

naturelle de la France. C'est à l'industrie des colons qu'on

devait la prospérité à laquelle

s'était élevée la colonie. Le

gouvernement

royal ne leur a jamais fait d'avances, ni effi­ cacement protégés : ils satisfaisaient à toutes les dépenses relatives au régime intérieur de la c o l o n i e , et p a y a i e n t , par les droits qui se prélevaient en France sur les denrées, celles des autres colonies françaises. Ils o n t , dans tous les t e m p s , payé de leurs personnes la dette que chaque membre d'une société doit à la patrie. Il n'y a pas dans la colonie u n morceau de terre qui n'ait été arrosé de leur sang. Les deux milliards de numéraire qui sont en circulation en F r a n c e , l'argenterie, e t c . , et la magnificence à laquelle se sont é l e ­ vées toutes les places maritimes, sont dus à l'industrie des colons. Les anglais ont p e r c é le


(225) le sein

de la nourrice

conservateur

des français. Le

génie

de la France avait confié

le

b a u m e salutaire qui devait cicatriser toutes l e s plaies ; niais le Démon

qui préside à la

d e s t i n é e de l'Angleterre, répandit dans la c o ­ l o n i e son soufle empoisonné, et aggrava le mal. L a prospérité de la France dépend de la r e s ­ t a u r a t i o n de la culture à Saint-Domingue ; la tranquillité de l'Europe tient enfin à ce que l a France jouisse paisiblement de cette c o l o ­ n i e , si l'on veut éviter le retour du quinzième s i è c l e , et ne pas l'obliger à devenir, sur le c o n t i n e n t , une seconde Rome.

C'est ce que

desirent les anglais, parce qu'il est de leur e s s e n c e de ne pouvoir assurer leur

pâture

q u ' e n livrant le continent au carnage. Ils f r é ­ m i s s e n t de ce que le cabinet

des

Tuileries

v e u t que toutes les nations puissent c o m m e r ­ c e r avec sécurité. Venise, l'Autriche

leur

en la possession de

porte ombrage ; ils savent

q u e les vénitiens ont régné sur les m e r s , q u ' i l s ont fait le c o m m e r c e

de l'Inde

et par

l ' E g y p t e ; ils craignent enfin qu'ils ne r e c o u ­ v r e n t leur ancienne gloire. En faisant des avances aux c o l o n s , il faut qu'ils puissent s'acquitter; ils ne le pourraient j a m a i s , si la vente de première

main des d e n ­

r é e s coloniales, en France, neleur étaitréservé; P


(226) c'est-à d i r e , que pendant les treize p r e m i è r e s années, il ne doit être fait dans la c o l o n i e aucune vente des denrées du s o l , que c e q u i sera nécessaire à sa consommation ( 1 ) , s a u f

( 1 ) Les esclaves se révoltèrent à Surinam session

hollandaise),

habitations.

La

et incendièrent

métropole

vint

(pos­

toutes

les

au s e c o u r s

des

c o l o n s : e l l e fournit a v e c prodigalité tous les f o n d s n é c e s s a i r e s . L e s coloris

prix

h y p o t h é q u è r e n t leurs h a b i ­

et s ' o b l i g è r e n t

tations,

courant de la

de livrer

les denrées

au

colonie.

S i les c o l o n s d e S a i n t - D o m i n g u e étaient réduits à l i v r e r leurs d e n r é e s au prix ils éprouveraient le m ê m e times

courant

de la

colonie,

sort dont o n t é t é v i c ­

c e u x de S u r i n a m , lors m ê m e

qu'ils r e j e t t e ­

r a i e n t , dans la r e c o n s t r u c t i o n d e s b â t i m e n s , t o u t ce qui

est l u x e , ou pour

faciliter

l'exploitation.

Ne

p o u v a n t se l i b é r e r , ils seraient chassés d e l e u r s h a ­ b i t a t i o n s , c o m m e l'ont

été. c e u x

de S u r i n a m ,

sans

q u e leurs créanciers pussent r e c o u v r e r leurs f o n d s . Dans

les colonies a n g l a i s e s ,

les habitations d o i ­

vent à leur m é t r o p o l e plus qu'elles n e v a l e n t . J a m a ï q u e a aujourd'hui q u e l q u e s teurs anglais refugés

en

succès,

S i la

les plan­

le d o i v e n t a u x français qui s'y s o n t

l'an

IV.

Il est du plus grand i n t é r ê t d e l ' é t a t , d e n e l a i s ­ ser adopter de mesures pour l e r é t a b l i s s e m e n t la c u l t u r e ,

qu'autant

qu'il

sera

démontré

de

q u e le


(227) d e la part des propriétaires dont les h a b i t a ­ com-

se trouveront liquidées. Plus les

tions

missionnaires

vendront cher

en France les

d e n r é e s coloniales, plus ils trouveront, c o m m e n é g o c i a n s , de facilités et de bénéfices sur les ventes

des articles de F r a n c e , et les nègres

q u ' i l s introduiront dans la colonie. L e fret, en retour,

sera u n e grande i n d e m n i t é de la d é ­

p e n s e des a r m e m e n s . P o u r rétablir (a culture en huit a n n é e s , il est

indispensable q u il y ait dans

des fonds

disponibles

la colonie

à m e s u r e des besoins.

Il y a beaucoup d e négocians disposés à f a i r e , i n d i v i d u e l l e m e n t , les avances nécessaires. C e t o r d r e de chose qui était favorable, a n c i e n n e j n e t i t , à l'amélioration de la culture et du c o m merce,

lorsque

les habitations

étaient

en

v a l e u r , nuirait au rétablissement général. Il faut

q u e tout

rité;

il faut qu'en peu d'années tout soit réta­

m a r c h e de front et avec c é l é ­

bli,

et l'ordre rendu i m m u a b l e ; il faut s u r -

r e m b o u r s e m e n t de l ' a v a n c e générale possible

en

quinze

années

de

au plus

f o n d s , sera

pour

les s u ­

creries. O n n e p e u t l i v r e r l e s c o l o n s à leurs p a r t i c u l i è r e s de crédit,

à moins

ressources

de s'exposer à voir

l a c u l t u r e languissante p e n d a n t c i n q u a n t e a n s .

P a


(228) t o u t , que tout soit terminé avant l ' é p o q u e

à

laquelle on pourrait concevoir l'idée d e

la

possibilité d'une guerre maritime. Il convient néanmoins, en reconnaissant l a nécessité d'un seul bailleur

d'as­

de fonds,

surer en même temps la concurrence.

Il f a u t

laisser aux colons la faculté de traiter d i r e c ­ tement avec les négocians des places

mari-

sans les frustrer de celle de pouvoir

times,

recourir au bailleur général, en remboursant ipso facto

les premiers. L'objet principal est

d'éloigner tout ce qui tiendrait à un exclusif,

privilége

et à entraver le c o m m e r c e

na­

tional. La banque de France;

p a r l e crédit dont

elle jouit, et les fonds qu'elle a à sa disposi­ tion, paraît devoir être chargée de cette o p é ­ ration, qui est intimement liée à l'intérêt de l'état. Une compagnie frirait à faire

les fonds,

particulière,

qui of­

pourrait, par l ' i m ­

portance de l'entreprise, nuire au projet de stabilité

de la banque,

et influer désavanta-

geusement sur le crédit public. La restauration de la culture à S a i n t - D o ­ m i n g u e , étant commandée par l'intérêt pu­ b l i c , et étant par cela m ê m e , la chose l'état,

c'est au Souverain à assurer la

de

garan-

tie de la banque contre l'envahissement ou


(229) dévastations

nouvelles.

La garantie peut être

hypothéquée sur les forêts nationales. D'après la prévoyance du gouvernement contre l'en­ nemie de la France, ce cautionnement ne sera que pour la forme. En ordonnant que toutes les denrées c o l o ­ niales seront vendues de première

main

en

F r a n c e , pour le compte des c o l o n s , le r e m ­ boursement des avances est certain. D ' u n e part, les colons gagneront un tiers sur le cours d e s prix de la c o l o n i e ; d'autre part, tous les magasins sont, en Europe, dégarnis de denrées coloniales; ce qui doit leur promettre pendant plusieurs années, que le cours,

quoique i n ­

férieur à celui a c t u e l , restera élevé. La banque ne peut être dans la colonie que bailleur

de fonds

et receveur

des

denrées;

elle expédierait en F r a n c e , aux négocians désignés

par les colons. Les denrées seraient

assurées pour les risques de la traversée, et vendues

avec commission de garantie. Les

négocians verseraient les fonds dans la caisse de la banque à Paris. L a colonie n'offrira que peu de denrées, les premières années de la reprise de la c u l ­ ture. Il est cependant de l'intérêt du c o m ­ merce métropolitain, de vendre le plus sible

pos-

aux colons. Les ventes seraient tou-


(230) jours assurées ; mais les rentrées difficiles, o u au moins très-éloignées. La c o n f i a n c e ,

en

c e s s a n t , porterait un coup mortel à la c o l o ­ n i e , et par suite au commerce de France. Il serait de l'intérêt des négocians de la m é t r o ­ p o l e , d'autoriser leurs capitaines de p r e n d r e pour écus,

les récépissés des chefs des c o m p ­

toirs de la b a n q u e , qui seraient

échangés

ou acquittés à vue à la caisse générale à P a r i s . Si la banque lie bien ses opérations, ses b é ­ néfices seront considérables, et elle fera f a ­ cilement

son

service

millions de francs

avec moins de

cent

écus.

Autant qu'il sera possible, il convient de ne rien réclamer du commerce

étranger.

est cependant indispensable d'avoir aux espagnols

Il

recours

de l ' e x t é r i e u r , pour des c h e ­

v a u x , des mulets et bêtes à cornes ; dépense obligatoire

de 85,653,4oo francs, pour le s e r ­

vice d'exploitation des habitations, à a c ­ quérir en sept années. L'augmentation de nègres que réclamera la culture en sept a n n é e s , à raison de par

a n , offre une dépense

pour

23,6oo les

lons de 214,814,600 francs. Le c o m m e r c e

co­ de

France y pourvoira; mais il n'en peut être d e même pour tous les bois de construction et


(231)

mécaniques nécessaires. C'est donc aux EtatsUnis qu il Faudra avoir recours ( 1 ) . Les bois de construction pour les sucreries, et généralement toutes les m é c a n i q u e s , pré­ sentent une dépense de quarante

millions de

francs. Si on était obligé de faire tous les ouvrages d e mécaniques dans la colonie ,tels que m o u ­ lins à eau et à bêtes pour les sucreries ; m o u ­ lins à eau, à bêtes, et à bras pour grager, piler et vanner le café ; moulins à une, quatre

passes,

deux

et

pour éplucher le coton et en

séparer les graines, etc ; trois mille charpentiers-mécaniciens ne suffiraient poiut pour les établir en quatre années. Les mécaniques pourraient

se

faire

en

France ; alors la dette envers les Etats-Unis p o u r les bois de c o n s t r u c t i o n , ne s'éleverait qu'à environ vingt millions de francs.

C'est

à la b a n q u e , avec la protection du gouverne­ ment,

à combiner

ses opérations pour

ne

point payer en écus, aux espagnols et aux a n -

( 1 } I l a été fait à S a i n t - D o m i n g u e , v e r n e m e n t , une avance de soixante-quinze s u r caution,

par mille

le

gou­ francs,

à un fournisseur d e S a v a n a c k , à v a l o i r

p o u r des bois d e c o n s t r u c t i o n à livrer à l ' a r s e n a l du C a p . L e s bois s o n t à l i v r e r


(232)

glo-américains. Il est de l'intérêt de l ' é t a t qu'il ne sorte pas de numéraire de

France

pour l'étranger. générales exigent

un

nombre considérable d'ouvriers européens,

Les constructions

de

tous les états; charpentiers en bâtimens, m e ­ nuisiers, m a ç o n s , etc. On ne peut en fixer le n o m b r e , à moins de deux par h a b i t a t i o n , et encore serait-on plus de trois ans à les r é é ­ difier, dans la supposition aussi, qu'il existe encore des ouvriers,

hommes

de couleur

;

c'est donc 17,056 ouvriers européens. Qu'on joigne à ce n o m b r e , ceux que réclameront les v i l l e s , bourgs et embarcadaires ; ceux qui sont d'une nécessité absolue, pour relever les arsenaux, les c a s e r n e s , les magasins de la marine, fortifications, etc. ; on trouvera qu'il faut une armée

d'ouvriers

égale en n o m b r e

aux troupes de ligne qui seront chargées de rétablir l'ordre.

De

la dette

arriérée

des colons envers

le

commerce. DEPUIS quarante ans, on répète avec satiété, que les colons

doivent au c o m m e r c e

années de leurs revenus ; c'est-à-dire,

deux quatre


(233) cent m i l l i o n s , argent

de la c o l o n i e ,

266,666,667 livres tournois. M . Id

ou

, an­

cien négociant de Bordeaux, fixe sans preuve, et par o u ï - d i r e , la créance du commerce à 239,177,861 francs.

On est fondé à croire

qu'elle ne s'élèvera pas à plus de

chiquante

millions de francs. Par principe de j u s t i c e , les négocians offriront de les réduire à une somme inférieure. En 1765, les places maritimes, entraînées contre leurs intérêts par une influence gère

qu'elles, ne pénétrèrent p a s ,

étran-

exigèrent

que les colons de Saint-Domingue, payassent ce qui restait dû au commerce de ses fices

béné-

arriérés. LA COUR sanctionna impoliti-

quement la réclamation, sans connaître l'ef­ fectif de la dette. Le comte d'Esteing, verneur-général, créa une chambre

gou­ ardente,

dont plus impolitiquement e n c o r e , il se fit le président,

et perdit par l à , la

du contre-poids,

puissance

qu'il était si important de

maintenir. Il ne garda aucune mesure. dans vingt-quatre

heures,

ou

en

Payer prison.

Plusieurs colons furent emprisonnés, ne p o u ­ vant se procurer des fonds. Les récoltes n ' é ­ taient pas faites. Le commerce

de F r a n c e ,

également contre son intérêt, ne laissait j a ­ mais que peu de numéraire dans la colonie.


(234) Ces sévérités produisirent l'inquiétude,

la

stupeur, et définitivement une rumeur g é n é ­ rale. Les colons convinrent entr'eux, de s ' a c ­ quitter le plutôt possible; de renoncer, j u s q u ' à parfait p a y e m e n t , à toutes acquisions de s u perfluité, et de borner leurs consommations aux vivres du pays. ( I l s y avaient été a c c o u ­ tumés durant les guerres de 1740 et 1 7 5 5 , que la France les avait abandonnés à e u x m ê m e s , quoiqu'il fût connu à la c o u r , q u e l'intention des anglais était de s'emparer de Saint-Domingue.) Cette résolution fit ouvrir les y e u x . La fidélité connue des colons à la couronne ( 1 ) , assurait la colonie à l ' é t a t ;

( 1 ) L e s c o l o n s p r i r e n t une seule fois e n c o r e fut-ce

par

d'une compagnie

les

armes,

intérêt n a t i o n a l . D ' o d i e u x

exclusive,

agens

e x e r ç a i e n t des v e x a t i o n s

i n o u i e s , et e n c h a î n a i e n t l ' i n d u s t r i e n a t i o n a l e e t c o ­ loniale.

Le marquis

de

Sorel,

v o u l u t s ' o p p o s e r a u x effets

gouverneur-général, de

d e s c o l o n s : il fut a r r ê t é . L e s

la j u s t e i n d i g n a t i o n

édifices

qui s e r v a i e n t

a u x o p é r a t i o n s de la c o m p a g n i e , furent détruits ; l e s n a v i r e s qui lui a r r i v è r e n t d ' A f r i q u e , n e furent p a s reçus. Le régent

s'avoua coupable de cette prise d ' a r m e s ,

qu'il avait e x c i t é e par une institution v i c i e u s e . A p r è s d e u x années

de troubles

et d e confusion e n t r e

les

b l a n c s , l a t r a n q u i l l i t é se r é t a b l i t . L e s n è g r e s f u r e n t


(235)

mais le commerce était battu par ses propres armes

et courait à sa ruine. Les négocians

métropolitains reconnurent l'imprudence

de

leur démarche ; ils sentirent qu'il était

de

leur intérêt qu'il leur fût dû par les c o l o n s ; mais

ces derniers profilèrent de

la

leçon.

Beaucoup de dettes furent éteintes. Le se libéra presque entièrement. La

nord

majeure

partie des propriétaires passèrent en France. Le commerce à échange

en souffrit, par leur

non consommation dans la colonie. Les sévé­ rités qu'exerça le comte d'Esteing, eurent cela d'avantageux, qu'on découvrit que des

fac-

teurs du commerce de F r a n c e , s'enrichissaient en disposant des fonds de leurs c o m m e t t a n s , qu'ils avaient reçus des c o l o n s , et qu'ils an­ nonçaient en France être encore dus. Dans le m ê m e temps où le c o m m e r c e France faisait sévir contre les

colons,

de des

négocians des deux n a t i o n s , ses plus grandes ennemies, l'Angleterre et l'Autriche, se réunis­ saient pour offrir des fonds à ces mêmes c o ­ lons. Des maisons de c o m m e r c e de la

sévèrement Depuis

Belgique,

s u r v e i l l é s , et contraints à l ' o b é i s s a n c e .

cette

époque,

les

places m a r i t i m e s

l i b r e m e n t l e c o m m e r c e a v e c la c o l o n i e .

firent


(236) se réunirent à des Londres,

maisons

de banque

de

et établirent, en 1770, des comptoirs

à Saint-Domingue. Les avances que ces c o m p ­ toirs firent dans le sud et l'ouest, en 1789, à vingt millions

s'élevaient,

de francs. Fin

de

l'an X , un négociant de Bordeaux était à l a veille d'acquérir pour cent.

ces vingt millions, à

dix

Les belges y souscrivaient ; l e s

maisons de banque de Londres,

furent p l u s

récalcitrantes : elles traînèrent l'opération e n longueur. La révolte des nègres et des mulâtres, en vendémiaire an X I , durant l'exercice du capitaine-général L e c l e r c , empêcha l'exécu­ tion de cette opération de banque, qui eût été très-avantageuse aux planteurs du sud et de l'ouest. S'il est juste que les colons acquittent c e qu'ils peuvent devoir d'arriéré au c o m m e r c e , il est également juste qu'il y ait compensa­ tion de perte. La dette des colons qui pourra être d u e , est pour achat de nègres. deux tiers

Près des

ont été tués. Des négocians

de

Bordeaux, e t c . , n'ont pas été étrangers aux principes qu'ont manifestés leurs frères

noirs

et ceux de descendance cuivrée. On se r a p ­ pelle les Girondins

; il faut croire qu'ils n e

pénétrèrent pas plus que leurs

compatriotes

de 1 7 6 5 , et les négocians des autres places


(237) maritimes, l'influence perfide du cabinet de Saint-James. Il s'en faut de beaucoup que la dette des colons soit aussi considérable qu'on la suppose. D e 1760 à 1 7 7 0 , le nord était presque libéré. Le commerce de France leur a fait peu de crédit depuis cette époque. Les les marchands

négocians,

b l a n c s , les négresses et les

mulâtresses m a r c h a n d e s , en obtenaient des capitaines et des marins-pacotilleurs. marchands

blancs et les marchandes

leur ne sont pas les colons;

Les

de cou-

LES NÉGOCIANS

NON-PROPRIÉTAIRES ne sont pas les

colons.

Les propriétaires de la partie du n o r d , trai­ taient depuis 1765 avec les négocians du Cap. Ces derniers avaient intérêt d e leur prêter. Ils étaient, pour les c o l o n s , dés, bailleurs

de fonds

procureurs-fon-

et

commissionnaires.

Les colons du sud et de l'ouest traitaient avec les comptoirs

naturalisés.

coup à M . Benezech,

Il était dû beau­

décédé préfet à Saint-

D o m i n g u e ; il fut généralement regretté. La représentation des t i t r e s ,

fixera

la

créance du c o m m e r c e . LE SOUVERAIN est le père c o m m u n . Il décidera dans sa sagesse, la quotité à payer. Il est p o l i t i q u e , il est d'une nécessité a b s o l u e , d'ordonner le dépôt des

titres. Les clabauderies

continuelles,


(238) sur la dette présumée due par les c o l o n s , nuit à la c o n f i a n c e , et entrave les opérations du c o m m e r c e . . . . Quand la vérité sera c o n ­ n u e , les mesures de remboursement seront faciles à prendre. Pour statuer avec j u s t i c e , il faut connaître l'effectif de la dette. Il e s t de l'intérêt des c o l o n s , c o m m e du c o m m e r c e , qu'il soit démontré. O n croit que cette dette arriérée, ne s'élèvera pas à plus de

cinquante

C'est la somme qu'on a

millions de francs.

portée dans le tableau n°. 1 ,

pour être a c ­

quittée la treizième année de la reprise de la culture.

Cession

à la France Domingue

LA

partie

mingue, acquisition

dite

cédée

de, la partie dite

espagnole

de

à la France,

avantageuse

de

Saint-

espagnole. Saint-Do-

est-elle

une

?

Cette acquisition a été improuvée par b e a u ­ c o u p de personnes. O n n'en citera que d e u x , parce que toutes les observations sont les m ê m e s . 1°. Un ex-député

écrivait

en l'an

X:

« cet aggrandissement nous peut être moins » avantageux qu'on ne l'a pensé. Cette partie » de l'île nous était

plus favorable

dans les


(2З9) » mains des e s p a g n o l s ,

par le numéraire

» que leur voisinage et leur commerce d i n » terlope nous procuraient ; numéraire que » nous ne tenions, pour ainsi dire, que d'eux, » en échange des marchandises d E u r o p e , » que nous leur fournissions. » La plus grande partie des plaines ne valent » rien ( 1 ) , elles ne sont propres qu à l'emploi » qu'en faisaient les espagnols, à des hattes L'ambition et l'indus-

» pour les bestiaux.

» trie des français, ne leur permettront ja» mais de suivre une carrière aussi bornée. » Il peut arriver que nous m a n q u i o n s , dans » la partie française, des animaux propres à » la culture

des habitations, et que nous

» soyons privés des viandes fraîches, si utiles » et si indispensables à l'existance des colons, » qui succomberont si elles leurs manquent » et s'ils sont réduits aux salaisons. » 2°. M . I d .

nage entre deux

mais il est du Après

avoir

même

développé les

les français retiraient

( 1 ) Il ne peut être l'intérieur. fertilles.

avis que le

Toutes

de

avantages leur

q u e s t i o n que des

celles

le

eaux, député.

long

des

que

commerce

plaines d e côtes

sont


(240) avec leurs voisins limitrophes, « une » annuelle de onze millions

solde qui

de francs,

» s'acquittait en n u m é r a i r e , pour des » chandises

de rebut,

mar-

qui ne pouvaient être

» goûtées que par les colons espagnols : l ' a s » surance d'obtenir à v o l o n t é , le bétail q u e » l'indolence

élevait dans les

des espagnols

» hattes des vastes plaines de » de la Véga,

» bords de la Yuna, » Samatia, » Cibos,

jusqu'à la presqu'île d e

et au revers de la montagne d u à partir des bouches du

» jusqu'au-delà Id

Saint-Yague,

et sur les fertiles

du Cotuy,

de Santo-Domingo.

Neybe, »

M.

, d i s - j e , après avoir développé ces

avantages, déclare vouloir s'abstenir

de tout

développement sur cettecession de l'Espagne, et de résoudre les deux questions qu'il se

pro-

« Aurait-ou mieux f a i t , d i t - i l ,

d'y

pose.

» laisser les espagnols ? Aurait-on dû se b o r » ner à demander l'établissement de n o u » velles l i m i t e s , qui auraient donné à la par» tie française une étendue égale à

celle

» espagnole ? » Ces deux interrogations M . Id

improuve

la

démontrent q u e

cession

entière.

L e rapport des f a i t s , dont plusieurs p u b l i cistes ont donné c o n n a i s s a n c e , prouvera que les colons espagnols étaient des voisins d a n ­ gereux,


(241) gereux, et qu'il était de l'intérêt de la France d'exiger la cession entière de l'île. Le peuple espagnol domingois,

est i n d o ­

l e n t , et orgueilleusement paresseux ; supers­ titieux, fanatique,

v i n d i c a t i f , et

ennemi

naturel des colons français. A la moindre d i f f i c u l t é , ces espagnols se repaissaient de dévastations et d'enlèvement d e nègres. Ils se sont durant

la guerre

de la

cruellement coalition

délectés contre

la

france. Dans tous les temps des divisions entre la France et l ' E s p a g n e , les esclaves français en profitaient pour aller marrons.

Ils se retiraient

sur le territoire e s p a g n o l , o ù ils trouvaient la liberté

sans

travailler.

Dans l'espoir de déterminer les espagnols d o m i n g o i s , à renoncer à leurs brigandages, et

les amener à remettre les transfuges à

leurs v o i s i n s , on fixa la capture à 25o livres. Joignant à cette s o m m e , les droits d'épaves sur le territoire f r a n ç a i s , e t c , nègre marron

la prise d'un

à l ' e s p a g n o l , coûtait souvent

4.00 livres à son maître ; c'est-à-dire, le cinquième marrons

de sa valeur primitive. Les

nègres

d'habitudes, étaient la ruine des c o ­

l o n s . Ce mode a existé jusqu'en 1789. En 1 7 1 8 , les esclaves quittèrent en Q

» foule


(242) les ateliers. Ces pertes multipliées, u l c é r è ­ rent l'âme des colons. Ils se déterminèrent à chasser de l ' î l e , des voisins aussi dangereux. La guerre ne dura pas assez long-temps, p o u r voir réaliser leurs vœux. Philippe

V ordonna

d e remettre les esclaves. Ils furent embarqués pour les reconduire à leurs anciens maîtres. L e peuple espagnol domingois se s o u l e v a , et les remit en liberté. Ces métis, réputés b l a n c s , sont réellement frères avec les n è g r e s , par leur paresse et leurs vices. Quand vend quelques

on

leur

m a r c h a n d i s e s , il faut avoir

les yeux sur leurs pieds,

et à leurs mains.

D E S LIMITES. En 1700,

Monte-Christe

faisait partie des établissemens français. Les limites se prolongeaient en droite l i g n e , de cette place à la baye de Neybe,

les salines et les

lagons compris. Les cartes de S a i n t - D o m i n ­ g u e , de janvier 1 7 3 1 , par de Banville, graphe ordinaire du r o i , ( i l n'y est que de la partie française)

géo­ question

en font foi.

Les espagnols empiétèrent peu à peu. Ils fixèrent leurs hattes très-avant sur le

terri­

toire français. Les plaintes des colons par­ vinrent au trône. En 1765, le comte d'Esteing

eut ordre de

fixer les l i m i t e s , avec don Fernando,

que le

Roi d'Espagne avait autorisé ad hoc. Ces d e u x


(243) chefs supérieurs

nommèrent des

commis­

saires. Il y eut une convention de f a i t e , mais elle ne fut pas sanctionnée des deux m o ­ narques. En 1770, le comte de Nolivos néral, et le président

gouverneur-gé­

espagnol, furent cliargés

d e reviser les opérations faites en 1 7 6 5 , et de fixer, par un nouveau travail, les limites. L e croira-t-on ? Les espagnols furent non-seuleinent maintenus dans leurs envahissemens ; niais encore, deux cents colons furent

chassés

d e leurs habitations, qui étaient en rapport. Un grand nombre d'habitations furent m o r ­ celées. Beaucoup de

colons

furent

égale­

ment obligés de renoncer à établir les c o n ­ cessions que, depuis peu de temps, le gouver­ nement français avait accordées. La cour France

de

s a n c t i o n n a , en 1 7 7 6 , une opération

aussi inique et aussi humiliante pour la n a ­ tion ! Quels peuvent en avoir été les

mo­

tifs

(1)

L e s c o l o n s qui o n t été é v i n c é s par la

posses­

s i o n e s p a g n o l e , s o n t - i l s apte p o u r r e n t r e r en j o u i s ­ s a n c e des terres qui l e u r avait é t é concédées par gouvernement

français ! L a ratification des

le

limites

p a r l e s d e u x m o n a r q u e s , n ' a - t - e l l e pas a n n u l l é e l e s concessions

qui a v a i e n t été d é l i v r é e s ? L e s

Q2

conces-


(244) L'occupation des cinq huitièmes

de la c o ­

lonie par les espagnols domingois,

et l o r s ­

qu'ils n'en eussent eu que la m o i t i é , donnait aux français des voisins d'autant plus d a n ­ g e r e u x , que

l'industrie des

franco-colons

faisait la honte de ces espagnols, que le c a ­ ractère naturel indolent

et paresseux, fixe

dans la classe des pâtres Non-seulement la partie française

restait

ouverte aux entreprises des espagnols, moyens

de

compensations

sans mais

sur eux,

encore leur occupation de l'île était un o b s ­ tacle aux communications entre quartiers, et à la défense contre les ennemis de l'exté­ rieur.

sions o c t r o y é e s aux années X , légales ? A - t - o n

pu

vendre

D o m i n g u e aux années X ,

XI

X I et X I I

sont-elles

ou c o n c é d e r et

X I I les

à

Saint-

biens

qui

d é p e n d a i e n t des é g l i s e s , m o n a s t è r e s , d e f o n d a t i o n s religieuses,

hospitalières,

même

d'émigrés,

sans loi ad hoc ou arrêté du premier

etc.

Consul ? A - t - o n

p u v e n d r e l é g a l e m e n t , q u o i q u e au profit d e l ' é t a t , des

maisons

d e ville

construites

par des

révoltés

sur des terreins appartenant à des f r a n ç a i s , ment

celle

d i t e Moyse

g é n é r a l Leclerc molir ! Elle

au

C a p , que

notam­

le capitaine-

avait p o l i t i q u e m e n t o r d o n n é d e d é ­

fut d o n n é par à c o m p t e a u x

entrepre­

neurs du s e r v i c e des subsistances m i l i t a i r e s .


(245) Cette vérité avait été sentie par

Dogeron

en 1665, lorsqu'il demanda à Louis

XIV,

de l'autoriser à faire la conquête entière de l ' î l e , répondant du succès sur sa tête. Pour avoir négligé c e projet d'une exécu­ tion f a c i l e , la France fut exposée, en 1688, à perdre ce quelle y possédait. Les

espagnols

réunis aux anglais, pillèrent et réduirent en cendres, en 1695, la ville du Cap. Elle fut e n ­ suite fortuitement incendiée durant l'exercice de M. de Chatenoye.

L'hôtel du gouvernement

(c'était alors une b a r a q u e ) , fut seul pré­ servé ; ce qui d é t e r m i n a , contre le vœu g é ­ n é r a l , de réédifier une ville meurtrière,

au

lieu de la bâtir à la P e t i t e - A n c e , c o m m e le desiraient les habitans du Cap. En 1 7 2 0 , un

commandant e s p a g n o l , se

jouant des menaces du

gouverneur-général

français, qui l'avait vainement sollicité d'in­ terposer son autorité contre les espagnols qui favorisaient l'émigration

des esclaves

ç a i s , lui écrivit « que s'il » invasion, » lieue,

il détruirait

plus

la partie

française,

dans

» ne le pourrait » pays soumis

faire

fran­

le forçait

dans

en dévastant

à ses ordres.

à

une une qu'on

tout le

» Voilà le hic de

la politique du cabinet de Saint-James. Les établissemens français de l'ouest

et du


(246) sud,

étaient séparés de ceux du nord par l e

territoire espagnol. L'impossibilité où ils étaient de se secourir mutuellement, les exposait s é ­ parément à l'invasion de l'Angleterre : on e n a eu la fatale expérience en l'an IV. Pour q u e les établissemens français pussent être liés e t se soutenir contre cet e n n e m i , en supposant que les espagnols garderaient la n e u t r a l i t é , il eût fallu que les limites fussent tirées e n ligne droite de Monte-Christe Neybe

à la baye d e

; mais ils fussent toujours restés o u ­

verts aux e s p a g n o l s , quelques places fortes qu'on eût pu bâtir dans l'intérieur. Durant les guerres de la France avec l ' A n ­ gleterre,

les colons

étaient

constamment

livrés à eux-mêmes. Les périls étaient m u l t i ­ pliés,

et s'opposaient aux

communications

avec la France. Les Anglais s'emparaient d e tous les parages de la c o l o n i e , et saisissaient les navires du c o m m e r c e . Il ne pouvait e x i s ­ ter de communication avec la m é t r o p o l e , q u e pour une escadre supérieure à celle de l ' e n ­ nemi. L'île étant entièrement occupée par

les

f r a n ç a i s , les communications avec la m é t r o ­ pole sont beaucoup plus faciles. Les dangers pour les bâtimens du c o m m e r c e se trouvent diminués des trois quarts. Lorsque la c o l o n i e


( 2 4 7 )

se trouvera o r g a n i s é e , et mise sur le pied de g u e r r e , il faudra à l'ennemi deux fortes es c a d r e s , et il y aura toujours des ports libres. Les premiers français s'établirent au vieux dans la partie de l'est.

Cap Français,

Tout

prescrivait de s'y maintenir. D e la baye de à celle de Monte-Christe,

Samana dans

tous

les ports

de cette

qu'on

les

découvre.

Dès

sort

on les perd

de vue.

côte,

le jour

on

entre

le

jour

qu'on

en

L'ennemi n'y peut

préparer aucune ambuscade. Les parages de l'est sont à l'abord

des e u r o p é e n s , et les

voyages d'Europe fort abrégés. La baye de Samana tout

et

celle

de Monte-Christe,

ce qu'on peut desirer, pour

offrent l'arrivée

et la sûreté des vaisseaux de l'Etat. Il paraît inutile d'en

dire davantage, pour

prouver

l'utilité de la possession entière de la

co­

lonie. A v e c des réglemens sages, et auxquels on tiendra la m a i n , la colonie ne manquera pas de viande de b o u c h e r i e , aussi belle et bonne elle

qu'à la Jamaïque. a toujours

été

aussi

Depuis deux siècles,

mauvaise à Saint-Do­

mingue. Quant au numéraire,

il est de l'intérêt du

c o m m e r c e métropolitain, qu'il y en ait b e a u ­ c o u p en circulation dans la c o l o n i e , s'il veut


(248) obtenir un grand et prompt débouché de s e s cargaisons. S'il continuait à l'exporter, le m a l retomberait sur lui. M a i s , d i r a - t - o n , la France en possédant toute l ' î l e , cultivera les vastes et plaines de l'est, au Cap Français,

à partir de

fertiles

Santo-Domingo

dans la partie

du

nord.

Les établissemens du sud et de l'ouest

seront

abandonnés

France,

par le commerce

de

c o m m e trop éloignés. Ces deux quartiers seront obligés de verser, par le cabotage, rées au Cap,

leurs d e n ­

et d'en tirer tout ce qu'ils a u ­

ront besoin. On répond : Il y a actuellement dans l'est de la c o l o n i e , vingt-deux

sucreries espagnoles. Toutes les

plaines le long de la côte sont fertiles ; mais les défrichemens ne peuvent se faire que p r o ­ gressivement. Les besoins de la métropole , en denrées coloniales, pour sa consommation intérieure et son c o m m e r c e d'exportation ; l'obligation d'un débouché pour ses denrées et objets manufacturés, prescrivent de blir les anciens établissemens.

réta-

D'autre part,

pour rappeler les colons à S a i n t - D o m i n g u e , et profiter de leurs connaissances ; y

créer

Une nouvelle population blanche ; réunir l e s nègres

dans leurs ateliers respectifs

;

les

réattacher à la culture, et leur inspirer l'amour


(249) du t r a v a i l , par des bontés qu'ils ne peuvent espérer que d e leurs anciens maîtres. Depuis l o n g - t e m p s , le c o m m e r c e de France fréquente peu le sud et Y ouest,

parce que les

voyages des n a v i r e s , dans ces parties de la c o l o n i e , ont toujours eu u u e durée de deux et trois mois de plus q u e ceux allant, a u C a p , et que généralement les frais et les risques sont plus considérables. Sous le rapport politique et d e p r é v o y a n c e , tout c o m m a n d a i t à la France d'exiger la cession entière de l'île. D ' a b o r d par les considérations c i - d e s s u s d é d u i t e s ; et en second lieu pour lui a s s u r e r , dans tous les t e m p s , les m o y e n s d'a­ limenter, et dans la même proportion,

le c o m ­

national. Il est d e tradition

merce

immé­

m o r i a l e , q u e la ville du Port-au-Prince

(1)

Port-au-Prince.

» fait

« D e s intérêts particuliers

malheureusement

choisir

le

de t e r r e ,

» fond

en c o m b l e .

arrivé

Un tremble-

en 1770, l a

C'était l e m o m e n t

détruisit d e du repentir.

» V a i n espoir ! L e s m a i s o n s p a r t i c u l i è r e s , » fices publics

les é d i -

o n t é t é r é t a b l i s . T o u t porte à c r o i r e

» q u e l a n o u v e l l e cité »

ont

Port-au-Prince

» p o u r la capitale d e S a i n t - D o m i n g u e . » ment

(1)

est assise

sur l a v o û t e

du

volcan. » Insensé

domingois,

» a l'intrépidité;

dors

donc,

puisque

tu e n

dors sur l a c o u c h e fragile et m i n c e


(250)

repose sur un volcan. On doit craindre que cette partie de l'île, ne soit menacée de grands

» qui

te sépare

d e l ' a b y m e de feu

qui b o u i l l o n n e

» sous ton c h e v e t . I g n o r e l e péril qui te

menace,

» puisque

tous

tes a l a r m e s

empoisonneraient

» instans d e ta v i e , et n e t e garantiraient

les

de r i e n .

» I g n o r e c o m b i e n ton e x i s t a n c e est p r é c a i r e ; i g n o r e » qu'elle

tient à la c h u t e fortuite

» l'infiltration

d'un r u i s s e a u , à

p e u t - ê t r e a v a n c é e d'une p e t i t e q u a n -

» tité des eaux qui l ' e n v i r o n n e n t , dans la c h a u d i è r e » souterraine à l a q u e l l e on a v o u l u q u e ton d o m i c i l e v servit d e c o u v e r c l e . S i » ta s t u p i d i t é ,

que

tu sortais un m o m e n t

deviendrais-tu ? T u

verrais

de la

» m o r t circuler sous tes p i e d s . L e bruit

sourd

» torrens

obséderait

du soufre

mis en

v ton oreille ; tu sentirais

expansion,

o s c i l l e r la c r o u t e

des

qui

te

» soutient. T u l'entendrait s'entr'ouvrir avec f r a c a s ; » tu t'élancerais d e ta m a i s o n ; T u courrerais é p e r d u » dans les r u e s ; tu croirais que l e s m u r s d e ton h a » bitation, que » vas

tes édifices s ' é b r a n l e n t ,

d e s c e n d r e au m i l i e u d e leurs

et q u e

tu

r u i n e s , dans l e

» gouffre c r e u s é , sinon p o u r t o i , du m o i n s p o u r t e s » infortunés d e s c e n d a n s . » sastre

La consommation

qui les a t t e n d , sera plus

» récit. M a i s

s'il

» g r a n d s forfaits ;

existe s'il

du

courte que

démon

u n e justice v e n g e r e s s e

est

des

enfers,

c'est-là,

de je

» l ' e s p è r e , qu'iront g é m i r dans l e s f l a m m e s , qui n e » s'éteindront p o i n t , les scélérats q u i , a v e u g l é s p a r » des

vues

d ' i n t é r ê t s , en ont i m p o s é

au t r ô n e , e t


(151) malheurs. Il appartient au gouvernement de se mettre en mesure pour l'avenir. Les f e r ­ tiles plaines de l'est pourront dédommager la nation de la perte des denrées de l'ouest

et

du sud ; mais si le malheur prédit arrivait, un deuil éternel couvrirait la colonie.

De

la

société

des

amis

des

noirs.

culture

des denrées

coloniales

à

colonie

espagnole,

préjudiciable

La Cuba, à

la

France. DEPUIS cent cinquante a n s , toutes les vues de l'Angleterre tendaient à s'emparer du

com-

merce universel : elle masquait ses projets, en accusant la France de prétendre à

l'empire

universel; elle entretenait par ce m o y e n la discorde sur le continent, et portait les peuples à s'entre-tuer. Les anglais ne

veulent

pas

seulement être riches ; ils veulent être seuls riches. Ils cherchent à étendre leurs colonies

» d o n t l e s funestes

conseils

ont élevé le m o n u m e n t

» d'ignorance e t d e stupidité que tu h a b i t e s , et

qui

» n'a p e u t - ê t r e q u ' u n m o m e n t à d u r e r . » (Histoire

philos,

et politique

des

Deux

Indes).


(252) pour les rendre toutes indépendantes, l e u r population étant insuffisante pour garder e n souveraineté, même celles qu'ils possèdent. Louis

XIV

devait desirer la possession

entière de Saint-Domingue; la saine

poli­

tique le commandait. Les anglais s'opposèrent, sous ce règne et les suivans, à une cession de la part de l'Espagne, afin d'avoir toujours dans cette île un auxiliaire à pouvoir f a i r e a g i r , selon que leurs intérêts le c o m m a n ­ deraient. C'est par suite de cette politique a t r o c e , qu'un commandant espagnol, on le r é p è t e , osa ménacer, il y a quatre-vingts a n s ,

d'y

dévaster les établissemens français, en annon­ çant qu'il n'avait pas de représailles à. c r a i n ­ d r e , d'après l'état inculte du pays soumis à ses ordres. C'est forcé par la même i n ­ fluence

que les espagnols-domingois, e n v a ­

hissaient journellement une portion du terri­ toire, pour provoquer les français à des voies hostiles, et qu'ils donnaient asile aux esclaves. C'est également par suite de la politique m e r cantille des anglais, qu'en 1 7 9 1 , ces espagnols métis pnt fait cause c o m m u n e avec les r é v o l ­ tés. Ils vendaient les colons aux n è g r e s , raiso

à

de cinq portugaises ( 2 1 0 f r . ) . En les

livrant, ils étaient égorgés sous leurs j e u x ,


(153)

La guerre de dévaster

de 1750, n'a eu pour

motif

que

Saint.-Domingue.

Quel avantage l'Angleterre a-t-elle pu faire entrevoir à l'Espagne, en 1790, pour la d é ­ terminer, contre son intérêt, à entrer dans la coalition ? D e remplacer la France dans les marchés de l'Europe, par la culture des den­ rées coloniales à Porto-Rico,

à Cuba,

etc.

Sous cet espoir trompeur, l'Espagne perdit de vue l'intégrité de son e m p i r e , et ne c o m ­ prit pas qu'une révolution commerciale, i n ­ verse aux intérêts de la F r a n c e , en faisant perdre à cette dernière sa puissance maritime, livrait la nation espagnole à la discrétion des anglais, qui la révolutionneraient à son tour avec d'autant plus de facilité, qu'elle se trou­ verait privée de son alliée naturelle, q u i , pour rétablir la balance en E u r o p e , pourrait être obligée de pénétrer jusqu'au centre de ses états sur le continent. C'est ce qui est arrivé. Les circonstances le

commandèrent,

pour éclairer les espagnols sur leurs véritables intérêts; et en représaille du massacre général qu'ils firent des colons au Fort-Dauphin. L'Angleterre conduisit sourdement sa poli­ tique mercantille : elle précipita les français dans les controverses de toutes espèces, en profitant de leur caractère naturellement en-


(254)

clin aux nouveautés. Les économistes

entraî­

nèrent, de 1770 à 1 7 8 9 , leurs compatriotes à approfondir la plus grande des questions d'état. Ils soutinrent que la prospérité de la F r a n c e , était indépendante de la possession des c o l o ­ nies à sucre, et qu'elle dépendait uniquement de la culture des denrées et des m a n u f a c ­ tures nationales.

Leur système était dans l e s

vues de l'Angleterre; il a amené la d é p o p u l a ­ tion en E u r o p e , il a livré le commerce-général aux anglais. Ces discussions étaient trop sérieuses, p o u r captiver long-temps les français ; mais elles les avaient conduits à considérer si on était bien ou mal gouverné. L'Angleterre fit faire diversion. Pour égayer les français, et les étourdir sur les dangers

que présentait le

gouffre qu'elle avait ouvert sous leurs p a s , parurent les enchanteurs Cagliostro mer,

et

Mes-

qui firent tourner toutes les têtes. V i n ­

rent ensuite les voyages en Angleterre, p o u r lesquels les hommes

de cour

raffolèrent. Ils

n'y apprirent, pour se servir de l'énergique e x ­ pression de Louis chevaux. ture, jockey,

XV,

qu'à penser

Ils annoncèrent leur

en adoptant

les

destinée f u ­

pour eux la livrée

signe d'abnégation d'eux-mêmes

de leur patrie. Parut,

disparut,

revint

des et et


(255) disparut

encore

M.

donna l ' i m p u l s i o n .

Il

Necker Trop

prévenu de

lui-

m ê m e , il était dans la ferme persuasion qu'il n'avait qu'à se montrer,

pour réattacher

à

son char les néophytes-philosophes, à qui il avait ouvert une carrière C'est à cette m ê m e é p o q u e , que le roi d'Angleterre offrit à celui d'Espagne de lui fournir les nègres que pourrait exiger la c u l ­ ture des denrées coloniales, dans ses domaines d'Amérique. C e traité précéda la révolution française. L'Angleterre obtint, d'une part, de l'exécution de cette convention, le numéraire qui lui manquait pour mettre en France ses projets en m o u v e m e n t ; d'autre part, elle introduisait à Cuba, cent cinquante mille nègres f é r o c e s , dans la ferme croyance que c e n o m ­ bre

( 1 ) , joint à ceux de

Saint-Domingue

qu'elle était certaine de faire révolter, offri­ rait assez de force pour assurer leur indé­ pendance, et priver la France et l'Espagne de leurs colonies. L'aveuglement de l'Espagne à cette é p o q u e , sera toujours une é n i g m e , lorsqu'on considé­ rera que peu d'années avant la signature du traité précité, elle avait été à la veille de (1)

Il

n ' e x i s t a i t à Cuba,

en

1776,

e s c l a v e s . I l y e n a a c t u e l l e m e n t 200

q u e 44 mille.

mille


(256) perdre ses possessions au M e x i q u e , par

les

prêches des amis des noirs (1) d e la N o u v e l l e

(1) L e s q u a k e r s prirent naissance e n A n g l e t e r r e , au 1 7 m e . s i è c l e . George

Fox

e n fut l e c h e f

et l'instituteur.

sectateurs le qualifièrent d e grand-apôtre, rieux

instrument

Fell,

dans la main

Les

et de

de Dieu.

glo-

Marguerite

son é p o u s e , était u n e d e s plus c é l è b r e s

de l a

secte. George ciel

Fox

s'érigea

pour r é f o r m e r

en prédicateur

les h o m m e s .

envoyé du

I l réduisit

toute

l a r e l i g i o n à la charité m u t u e l l e , à l ' a m o u r d e D i e u , et à une observation attentive ternes et secrets de l'esprit. l e fixa sans

des m o u v e m e n s i n ­ A l ' é g a r d du c u l t e ,

cérémonies ni appareil. T o u t

e n un silence triste

il

consiste

et r e l i g i e u x , en attendant q u e

l'effusion d u S a i n t - E s p r i t l e s e x c i t e à p a r l e r . B e a u ­ c o u p d e m o d e s t i e dans l e s v ê t e m e n s , e t u n e f r u g a ­ l i t é e x e m p l a i r e sur l e s t a b l e s . L e s q u a k e r s n e r e c o n ­ naissent raine, titres

point

la validité

e t refusent d'honneur

d e la p u i s s a n c e

souve­

de donner aux magistrats l e s

qui leur

appartiennent.

t e n d e n t q u e tout doit être en commun; n e p e u t ê t r e a p p e l é maître.

Ils p r é ­

que personne

Ils bannissent toute c é ­

r é m o n i e d e la s o c i é t é , j u s q u ' à c e l l e d e se saluer l e s uns les a u t r e s , tout le La

e n ôtant l e u r c h a p e a u . Ils

tutoyent

monde. débonnaireté,

la simplicité,

les m a n i è r e s ,

l a c o m m u n i c a t i o n des r i c h e s s e s e t l a p u r e t é

exté-

Angleterre.


(257) Angleterre.

Elle

qu'au tribunal cette f o i s ,

ne

dut leur

conservation

de l'inquisition,

qui,

pour

eut le b o n esprit d e voir dans c e s

révolutionnaires,

d e s sectaires

assassins

et

f a n a t i q u e s , q u i , sous la perfide a p p a r e n c e d e l'amour de Dieu

et des hommes,

d e la c h a r i t é

et de l'égalité n a t u r e l l e , personne n e p o u v a n t , d'après eux, être appelé maître

(1),

cherchaient

à porter les h o m m e s à s'entr'égorger, en m ê m e t e m p s qu'ils c o n d a m n a i e n t la guerre

comme

r i e u r e des q u a k e r s c a p t è r e n t , au 17me. s i è c l e , l'affec­ tion et l ' a d m i r a t i o n du p e u p l e e n A n g l e t e r r e ; m a i s l e s gens sages s'en d é f i è r e n t . Les quakers, noirs et les philantropes,

p a r l'uniformité

qu'une,

les amis des

sont trois s e c t e s qui n'en font des principes.

( 1 ) A p r è s l a m a n i f e s t a t i o n d e s p r i n c i p e s des amis des noirs,

l e s n è g r e s refusèrent a u x c o l o n s l a q u a l i ­

fication d e maître. mon bourgeois.

Ils la remplacèrent par celle d e

I l s fut un t e m p s

où ils d i r e n t ,

et le

d i s e n t s û r e m e n t e n c o r e à p r é s e n t : « blan cé nègre ; nègre

cé blan.

blancs

( l e s nègres

sont

l e s m a î t r e s , et l e s

les e s c l a v e s ) . L e s quakers

Nouvelle-Angleterre compatriotes

du nord

de la

s u b o r n e n t l e s n è g r e s d e leurs

méridionaux,

l i b e r t é ; ils l e u r facilitent L o r s q u ' i l s les o n t e n l e u r

en leur promettant l a les m o y e n s de déserter. p u i s s a n c e , ils l e s o b l i ­

g e n t à t r a v a i l l e r ; ils les i n d e m n i s e n t d e l e u r l a b e u r en l e s qualifiant d e leur enfant.

R


( 2 5 8 )

une fureur plus propre aux bêtes sauvages qu'aux h o m m e s . Ils prêchent la pour faire naître la licence religion

tolérance

et détruire

la

Catholique.

La secte des quakers ou des amis des

noirs,

dut sa naissance au désordre qui eut lieu en Angleterre dans le 1 7 Charles

m e

. siècle. Elle conduisit

I . à 1 échafaud. e r

Cromwel

( l e Robespierre

de l ' A n g l e t e r r e ) ,

après avoir profité des principes de cette secte pour renverser le trône, la livra à la risée populaire. Il la fit ridiculiser sur les théâtres de L o n d r e s , et fit enfermer c o m m e Fox

foux,

et sa f e m m e .

Charles I I , après son avénement au t r ô n e , jugea qu'il était dangereux de laisser subsister les quakers

dans la Grande-Bretagne. Il fit

transporter à la Nouvelle-Angleterre, ces h o m ­ mes antisociaux, qui ne reconnaissaient

pas

l'autorité souveraine, et osaient traiter a v e c mépris les magistrats. Les successeurs de ce monarque, perdirent de v u e , sous le rapport de la conservation de leurs

provinces

pernicieux qui

d'Amérique, devaient

les

amener,

principes avec

le

t e m p s , l'indépendance de l a N o u v e l l e - A n g l e ­ t e r r e , du moment que Guillaume

Pen

eut,

en 1666, constitué ses frères quakers en c o r p s


(259) de nation, et se fit déclarer le c h e f de la secte ; mais les rois d'Angleterre les proté­ gèrent

comme

propagandistes

nécessaires

contre tous les souverains et leurs sujets. Le synode

général

fut établi à Londres. C'est

dans ce club sanguinaire que se conçoivent les projets révolutionnaires, et les plans des machines infernales que les néophytes mettent à exécution. La Nouvelle

Angleterre

fut e l l e - m ê m e , en

1779 et 1780, à la veille d'être victime des principes de ses amis des n o i r s , et de r e t o m ­ ber sous la domination

de leur

ancienne

marâtre, dont la tyrannie l'avait forcée de se séparer. Les quakers influencés et conduits au crime par le cabinet de Saint-James, firent usage de leurs principes contre leurs c o m p a ­ triotes méridionaux, pour faire soulever leurs nègres, dans l'espoir de faire naître la guerre c i v i l e , et faire recouvrer à l'Angleterre, l'au­ torité qu'elle y avait perdue par sa faute. L e gouvernement fédératif dans ce p a y s , a été déterminé

d'après

la manifestation de ces

principes anti-sociaux, afin que chaque p r o ­ vince pût, en particulier, assurer sa sûreté contre les ennemis intérieurs. L'Angleterre, c o m m e on voit, ne ménagea pas davantage ses enfans émancipés, qu'elle n'a ménagé la R a


(260) France. Dans sa politique, les crimes sont des vertus. Doit-on être étonné que les provinces du nord des Etats-Unis

(occupées

par les

q u a k e r s ) , favorisent de tous leurs moyens les révoltés de Saint-Domingue, et qu'ils desirent fédérer avec eux ? La France eut aussi ses quakers.

Eh! quels

quakers, grand Dieu ! président de la société des amis

Pétion,

des n o i r s , et l'un des membres du parti la majorité

de

de l'Assemblée nationale, s'écria,

à la suite d'une de ses extases : « » les colonies, » les principes

Périssent

plutôt que de tergiverser

avec

! » Il fut applaudi. C o m m e n t

une grande partie de la nation n'eût-elle pas été subjuguée ? Cette société infernale c o m p ­ tait au nombre de ses furies, des ducs,

des

des barons et des

che-

marquis,

des comtes,

valiers,

de la classe de, ceux qu'on appelait

alors des grands;

mais qui n'étaient vérita­

blement que des g r a n d s . . . . nigrophiles. c u r é s , des évêques Le cri de mort de Pétion,

des

! contre les c o l o n s ,

eut son entier effet ; mais le c i e l , en le c o n ­ damnant à mourir de f a i m , et à être la pâture des oiseaux de proie dans les landes de deaux,

vengea l'humanité. Ailleurs

Bor-


( 1 6 1 )

un

fou

L e respect

commande le

silence. Le capitaine-général Leclerc arrêta, à SaintD o m i n g u e , le cours des assassinats ; mais u n autre Pétion, le mulâtre

en se révol­

Pétion,

tant en vendémiaire an X I , contre son bien­ faiteur, fit renouveler les massacres que D e s ­ salines termina. Malgré que l'expérience eût dû convaincre l'Espagne des perfides intentions de l ' A n g l e ­ terre, elle permit de nouveau, il y a deux a n s , au c o m m e r c e étranger; c'est-à-dire, aux anglais et aux anglo-américains, d'introduire des nègres dans ses possessions du Nouveau M o n d e . Elle paralysa à Cuba. l'autorité d u tribunal de l'inquisition, qui y

(tout

était

odieux qu'il est à mes y e u x ) une institution politique nécessaire pour assurer la tranquil­ lité, à défaut de troupes; et qui, maintenue dans toute sa f o r c e , offrait une barrière insur­ montable aux amis des noirs,

par la crainte

de figurer dans les auto-da-fés,

q u i , dans ces

circonstances, cessaient d e faire horreur. L'Espagne et le Portugal, considérés sommateurs,

possédaient les mines d'or

d'argent pour l'avantage

de tous les

L'Europe devait espérer que

conet

peuples.

cet ordre

de

choses serait immuable. La faible population


(262) de ces deux puissances, paraissait devoir o b l i ­ ger les espagnols et les portugais, à borner leurs vues à la conservation des

richesses

métalliques. Le

Brésil

fournit au Portugal, l ' o r ,

l'ar­

g e n t , les diamans, le s u c r e , le c a f é , le c o t o n , l ' i n d i g o , le c a c a o , le tabac, les bois de tein­ ture, de marquetterie et de construction ; l a canelle fine. L'huile de baleine y offre aussi de grands avantages. Serait-ce une absurdité de dire que le de Portugal ne peut prendre racine

trône qu'au

Bresil ! La durée de la puissance portugaise en Europe est incertaine. Au Bresil,

elle

ferait contre-poids dans l'Amérique, et p r é ­ viendrait l'indépendance générale qu'y sus­ citent les anglais et les

anglo-américains,

pour s'emparer du c o m m e r c e , et de

l'or,

signe représentatif de toutes choses.

L'Es­

pagne trouverait en Europe la compensation de ce qu'elle serait exposée de perdre dans le Nouveau M o n d e . Le Mexique

offre à l'Espagne, avec l'or et

l'argent, du s u c r e , du c a f é , du c o t o n ,

de

l ' i n d i g o , le c a c a o , la v a n i l l e , la c o c h e n i l l e , le r o c o u , le c a m p ê c h e , du c a r m i n , le j a l a p , la salse-pareille ,1e bois de g a y a c , des b a u m e s , le s a n g - d e - d r a g o n , etc.


(263) N ' e s t - c e pas assez pour l'Espagne ? F a u t - i l , lorsqu'elle peut

satisfaire aux

besoins d e sa

c o n s o m m a t i o n , qu'elle ruine e n c o r e , par u n e surabondance d e denrées c o l o n i a l e s , le c o m ­ m e r c e des autre p e u p l e s , et qu'elle altère leur puissance ? L a culture des denrées coloniales se p o u s s e , à Cuba, avec la plus grande activité : elle y est m ê m e forcée. Les ateliers

n e sont

com­

posés que de nègres ; les négresses sont e m ­ ployées dans l'intérieur des cases. L e sejour des français à Cuba,

a devancé de plus d'un

siècle les travaux qu'eussent faits les espagnols. Si l'Espagne peut a u g m e n t e r la culture des denrées besoins

coloniales, comme

s u r a b o n d a m m e n t à ses

consommateur,

lorsque la

France s'en trouve privée pour son c o m m e r c e d'exportation,

et pour sa c o n s o m m a t i o n , la

balance commerciale est rompue. N o n - s e u l e m e n t l'Espagne se trouverait pos­ sesseur de m i n e s abondantes d'or et d'argent ; mais elle serait encore à m ê m e ,

pouvant s e

passer d e toutes les n a t i o n s , par l a fertilité de son territoire, si les espagnols recouvraient leur ancienne a c t i v i t é , de retirer, par la vente des

denrées c o l o n i a l e s , la majeure partie d u

numéraire en circulation e n E u r o p e , et par celle de ses matières premières, supérieures à


(264) celles des autres peuples ; les laines, par e x e m ­ ple. N'y aurait-il que le bas prix auquel t o m ­ beraient les denrées

coloniales, par la s u r a ­

b o n d a n c e , que ce serait de la part d e l ' E s p a g n e , porter un coup mortel ait c o m m e r c e de F r a n c e , q u e cette dernière doit prévenir en exigeant des

compensations

m a g e r . Le bas prix

qui puissent la

dédom­

d e s denrées coloniales p o r ­

terait obstacle au débouché à S t . - D o m i n g u e , des productions de la France, et s'opposeroit a u rétablissement de la culture dans cette c o l o n i e . Ces considérations acquièrent un degré d e force q u e rien ne peut altérer, lorsqu'on est pénétré q u e les besoins

de l ' é t r a n g e r , d e s

produits du territoire et des manufactures d e F r a n c e , sont en E u r o p e , bornés à u n e c o n ­ sommation

volontaire,

et qu'il

est constant

que la France n é peut s'acquitter

entièrement

pour les matières premières qui lui m a n q u e n t et ses dépenses extérieures, si elle ne possède des denrées coloniales

en sus d e c e q u i e s t

nécessaire à sa c o n s o m m a t i o n . C e n'est pas l'activité industrielle des espa­ gnols originaires de Cuba, ni celle de ceux de l a partie espagnole de St.-Domingue,

qui y d o r ­

mirent jusqu'à l'époque de leur

installation

dans la première î l e , qui soit à redouter. L e u r

apathie résultant du mélange

continuel de


(265)

leur sang avec celui africain, rassure contre tout élan susceptible d'entraîner à de grandes

choses.

Les espagnols-domingois

n'étaient

parvenus en deux s i è c l e s , qu'à établir v i n g t deux

sucreries, quoique jouissant d u sol le

plus fertile.

qu'on

Ce sont les colons franco-domingois a contraints de prendre

possession à

Cuba,

qu'il convient d'assurer à leur patrie par des

secours. Cette île e s t , par les français qui y sont réfugiés, à l'abri de toute entreprise de la part des anglais ( 1 ) .

(1)

Le

Pitt

du jour,

malgré

que la

France

ait

acquis le double de force par la révolution, a les mêmes principes du fanatique Pitt,

et farouche

Guillaume

qui, en 1 7 5 5 , disait que « la modération

n'é-

» tait qu'un mot inventé pour dérober la faiblesse » et l'indolence ; que les empires doivent vouloir » tout ce qu'ils peuvent ; que l'on devait acheter » la victoire par l'argent, et non conserver l'argent » aux dépens de la victoire. La puissance anglaise, » disait-il, fondée sur un commerce qu'elle pouvait » et devait perdre, était peu de chose en compa» raison de la puissance de sa rivale, que la nature, » l'art, les événemens, avaient élevée à un degré de » force qui, sous d'heureuses administrations, avait » fait trembler l'Europe entière. Qu'il fallait dé» pouiller les français de leurs colonies, et les ré-


(266) Depuis quinze ans, les malheurs de SaintDomingue ont obligé beaucoup de colons d e »

duire à la condition

»

ou m o i n s p r o m p t

»

toutes

»

semens.

que l'affranchissement

du N o u v e a u M o n d e ,

les nations

qui y

ont f o r m é

plus

remènera

des

élablis-

»

Guillaume Pitt ne d é m e n t i t pas ses p r i n c i p e s ; il fit attaquer la Guadeloupe. pu

vaincre

elles

les

L e s troupes anglaises

c o l o n s , elles agirent

dévastèrent

et incendièrent

n'ayant

en b r i g a n d s :

nombre

d'habitations.

A l o r s ces c o l o n s m i r e n t bas les a r m e s . La

Martinique

et les autres c o l o n i e s a d j a ç a n t e s , se r e n d i r e n t

sans

o p p o s i t i o n , p o u r n e pas é p r o u v e r l e sort de l a

Gua­

deloupe. L ' E s p a g n e c r a i g n a n t q u e l'incendie g a g n â t ses c o l o ­ n i e s , fit d e s d é m a r c h e s auprès du c a b i n e t de S . - J a m e s . Le farouche

Guillaume

vos propositions main,

quand

Pitt

«J'écouterai

répondit:

vous aurez emporté,

la tour de Londres.

l'épèe

ce qu'il c o n v e n a i t d e f a i r e . L ' î l e e s p a g n o l e de fut. attaquée et p r i s e . Saint-Domingue é p o q u e dévastée le

cours

des

incendies avaient

et incendiée,

massacres,

politiques

fait

de

dévastations

l'Angleterre.

arborer

d e la G r a n d e - B r e t a g n e .

L e s colons

quoique

mois

p a i n , de

depuis

quinze

Les

ils

s'y

arrêté et

des

anglais

domingois leurs

si on v o u l a i t

Cuba

eût é t é à c e t t e

si la paix n ' e û t des

pressentir aux

tions f a v o r a b l e s ,

à la

» C'était au m o i n s i n d i q u e r

inten­

le pavillon refusèrent,

fussent

v i n , d ' h u i l e , d e c h a n d e l l e s , et

m e n t de toutes e s p è c e s d e c o m m e s t i b l e s .

privés d e générale­


(267)

se naturaliser à Cuba. O n porte leur n o m b r e à plus de vingt m i l l e . L e gouvernement

espa­

g n o l , en encourageant la culture dans

cette

île,

y fait disparaître s u c c e s s i v e m e n t les s é ­

vérités r e l i g i e u s e s , q u i , de tout t e m p s , éloi­ gnèrent les français d e vivre sous la bannière espagnole. Les colons franco-domingois

sont

des h o m m e s précieux perclus pour la F r a n c e , si on n ' y pourvoie efficacement. Q u ' o n y fasse a t t e n t i o n ; leur naturalisation à C u b a fera plus

de mal à la France que la révocation de l'édit de

Nantes,

augmente

che à Cuba assurer

à moins,

Leur

nombre

suffisamment la population

blan­

( l ' E s p a g n e n e p e u t , parla s i e n n e ,

la sûreté

de c e l l e

î l e ) , contre les

entreprises des anglo-blancs et noirs. Les espagnols ne continueraient ils d ' e m p l o y e r ces colons qu'en qualité de g é r a n s , d e rafineurs et d ' é c o n o m e s , les vues politiques d u cabinet de M a d r i d , et surtout de celui de S a i n t - J a m e s , se trouveraient

r e m p l i e s , lors m ê m e

français seraient obligés

d'évacuer

q u e les Je p a y s ,

ainsi que cela leur arrive a. la J a m a ï q u e , après avoir m i s la culture dans le cas d e prospérer. L a culture

étant établie à Cuba, et s'y t r o u ­

vant des sujets espagnols formés par les f r a n ­ çais,

l ' E s p a g n e , m a l g r é la g u e r r e ,

à desirer.

n'a rien


(268) L'état actuel de la culture à la J a m a ï q u e , est dû aux colons d e S a i n t - D o m i n g u e , q u e l e m a l h e u r réduisit

en l'an I V d'accepter d e s

anglais, des places de gérans, de rafineurs e t d ' é c o n o m e s . Ils ont nui à leur p a t r i e , ils sont payés d'ingratitude par les anglais. L e cabinet

de Saint-James

sur l'abolition

de la traite

session en session,

ne

s'acharne

des nègres,

de

que parce qui'il ne p e u t

se dissimuler que le sang qu'il a fait

couler

à S a i n t - D o m i n g u e , r e t o m b e sur la nation a n ­ glaise. L e s discussions au parlement sur cet o b j e t , n'ont d'autres motifs que de porter la F r a n c e à quelques m e s u r e s ,

entravant,

dans

cette c o l o n i e , l'industrie nationale. L e s anglais voient,

mais trop tard peut-être

q u e la manifestation destructive

pour e u x ,

d e leurs

principes est

d e leur c o m m e r c e

de l ' I n d e , e t

les expose à être privés du numéraire q u e l e u r procure Ja vente des denrées coloniales, échouent

dans

leur

projet

s'ils

d'indépendance

générale des colonies. L a population anglaise est trop f a i b l e , pour obliger des nègres o u esclaves

à travailler,

libres

lorsque ceux de l a

France seront libres , mais obligés de s e livrer à la culture.

L a France

est la seule

nation

c o m m e r ç a n t e q u i , par sa population, puisse obliger les nègres

à travailler,

d après l e s


(269) idées liberticides

que les anglais leur ont

suggérées. Le c o m m e r c e de la F r a n c e , de 4'Espagne et de la H o l l a n d e , se trouvant intercepté dans les Antilles, les denrées coloniales que les neutres introduisent en Europe sont toutes propriétés achetant

D'autre part, les

anglo-

les suédois et les danois,

e u en

anglaises.

américains,

à S a i n t - D o m i n g u e , fortifient

les

nègres et les mulâtres dans la rebellion, en satisfaisant à leurs besoins de toutes espèces. A i n s i , soit que les neutres achètent les den­ rées coloniales à S a i n t - D o m i n g u e , en A n g l e ­ terre, ou q u e l e s anglais les colportent dans les ports neutres,

celles

qui arrivent en France

sont dans le cas de la saisie. O n ne peut pas préjuger que les denrées coloniales qu on introduit en F r a n c e , p r o ­ viennent de la Guadeloupe, nique,

de la

Marti-

de Cuba, etc. ; puisque ces colonies

sont presque toujours bloquées par les anglais. Les visites que les neutres souffrent, contre le droit des g e n s , à leurs b o r d s , ne permettent p a s , par e u x , l'expédition des propriétés fran­ çaises et espagnoles.

Les

anglais ont pré­

f é r é s , par politique, incendier les denrées c o ­ loniales qui étaient entreposées à

St.-Thomas,

à les confisquer à bord des neutres ; ils ne


( 2 7 0 )

pourront jamais pallier l'odieux d'avoir

in­

cendié une ville e n t i è r e , quel que soit

le

point de vue sous lequel on considère l e u r action atroce. Cette perte porte plus sur l e s neutres que sur la France et l'Espagne. Il conviendrait de faire le recensement d e toutes les denrées coloniales qui se trouvent en France. Cette mesure pourrait fixer les r é ­ solutions du gouvernement, soit pour y

bor­

ner la consommation jusqu'à la p a i x ,

soit

pour

n'en

échange

recevoir

des

neutres que par

réel d'objets du cru et des m a n u f a c ­

tures de France. La consommation

des danrées coloniales

s'élevait, en 1 7 8 9 , à 7 0 millions de livres t o u r ­ n o i s , elles'est considérablement accrue depuis quinze a n s , indépendamment de l ' a u g m e n ­ tation d'un cinquième, résultant de la réunion de la Belgique à la France. Leur valeur a presque tiercé. Les développemens sont inu­ tiles pour apprécier les conséquences. Si lés anglais ne trouvaient pas le d é b o u ­ ché des denrées c o l o n i a l e s , ils ne pourraient satisfaire aux dépenses de leur marine m i l i ­ t a i r e , ni à la solde de leurs troupes. Le n u ­ méraire est le nerf de la guerre. L'exporta­ tion hors de la F r a n c e , serait toute entière à leur avantage. Ils ne feront la paix q u e


(271) lorsqu'au milieu

d e leurs

marchandises, ils

seront réduits a u sort d e Tantale

au milieu

des eaux. L'Angleterre s'était flattée,

e n fomentant

une révolution en F r a n c e , en saisissant par t r a ­ hison ses vaisseaux d e g u e r r e , e n faisant r é ­ volter les nègres à

Saint-Domingue,

et en

coalisant tous les peuples contre les français, d e faire morceler le r o y a u m e , o u l e r é d u i r e , par des principes

fédératifs,

à ne

pouvoir

s'opposer à c e quelle fît seule le c o m m e r c e . La France

a été précipitée

dans le c a h o s ,

m a i s elle est sortie d e la révolution plus forte, et t o u t e

rayonnante

offre le trident.

d e gloire. Neptune

Napoléon

pour le briser.

L e s Anglais

en

C'est pour eux le présage qu'ils sort des Cartaginois.

lui

n e l'acceptera q u e rugissent.

subiront le

Il ont v a i n e m e n t espéré

l'éviter en anéantissant la m a r i n e française ( 1 ) .

(1) L ' a n é a n t i s s e m e n t d e la m a r i n e française a é t é d e tout t e m p s l e v œ u l e plus a r d e n t d e s a n g l a i s . Louis sante,

XIV

ruina

sa m a r i n e m i l i t a i r e encore

p a r l e c o m b a t de la

S o u s l e r è g n e de Louis XV, aussitôt d é t r u i t e fit t o u r n e r (rivière

nais-

Hogues. la m a r i n e r o y a l e

était

q u e r e l e v é e . L e c o m b a t du Croisic

la proue

des vaisseaux

de la V i l a i n e ) .

à l'eau

douce


(272) La détermination qu'ont prise les Anglais, de se maintenir en guerre Malgré fusiller

que l e cabinet

l'amiral

Bing,

perpétuelle,

prouve

de Saint-James

eût fait

pour

électriser l e s officiers

d e la m a r i n e a n g l a i s e , c e l l e de F r a n c e était p a r v e ­ n u e , sous l e règne de Louis XVI ( e n 1 7 7 8 , é p o q u e d e l a guerre d ' A m é r i q u e ) , au plus haut d e g r é d e p u i s ­ sance. A p r è s cent ans d e r e v e r s et d e d é f a i t e s , elle la fière Albion,

fit t r e m b l e r

qui jura

de se venger

par l e c r i m e . M a i s , sous c e m ê m e r è g n e , l ' i n s u b o r ­ dination h a b i t u e l l e . . . . q u e l q u e s officiers supérieurs à O u e s s a n t , a u x A n t i l l e s . . . A u x A n t i l l e s , les a m i r a u x Hood

et Rodenay,

réfugiés avec leurs e s c a d r e s , é t a i e n t

p a r l e u r position forcés d e l i v r e r leurs v a i s s e a u x au comte

de Grasse,

ou d e les b r û l e r . O n eut la g r a n d e u r

d ' â m e d e lui laisser la faculté d e r e p r e n d r e la m e r . R o d e n a y fut v a i n q u e u r ; l e v i c e - a m i r a l français a y a n t été

abandonné

détruite.

Les

érigèrent,

à Rodenay,

A l'époque l'amiral

fut fait

prisonnier,

jamaïcains,

par

l'escadre

dans l e u r î l e , u n e statue.

d e la déclaration

Rodenay

et

reconnaissance,

était

l ' E v ê q u e , pour dettes.

de celte

détenu à P a r i s , L e maréchal

a c q u i t t a , e t lui rendit la l i b e r t é . Rodenay,

guerre, au

Fort-

de Biron

les

en a r r i v a n t

en A n g l e t e r r e , eut l e c o m m a n d e m e n t de l'escadre destinée p o u r l e s A n t i l l e s . L e s anglais n e sont p a s imitateurs

d'actions

Saint-James a oublié sonnier

magnanimes.

L e cabinet d e

que. l e lord Cornwalls

e n A m é r i q u e , et q u e l e m a r é c h a l

cbambeau le renvoya

en Angleterre

fut p r i ­ de R o -

sans é c h a n g e .

qu'ils


(283) qu'ils sont un fléau pour le genre h u m a i n , ne p o u v a n t , de leur a v e u , que par la

Durant

la

révolution,

F r a n c e , par trahison, assassinèrent

les

les

20

anglais

vaisseaux

officiers

de

la

des-

saisirent

en

d e g u e r r e . Ils

marine

Royale à

Quiberon. A Aboukir, que

le

la F r a n c e

commandant

général

perdit une e s c a d r e ,

n'exécuta

BONAPARTE. Il était

pas

les

parce

ordres

cependant

du

généralis­

s i m e , a v e c une a u t o r i t é é g a l e à c e l l e du D i r e c t o i r e . L e s m a t e l o t s n e se f o r m e n t pas en u n e c a m p a g n e , comme

les

comme

ceux de terre.

soldats,

ni l e s officiers Il

faut

plus

de

la

que

marine

d e la b r a ­

v o u r e e t d e l ' a u d a c e a u x officiers d e l a m a r i n e ; b e a u ­ coup de anglais

connaissances et l ' a m o u r évitent

le

combat

d e la p a t r i e . L e s

aussi l o n g - t e m p s

qu'ils

n ' o n t pas l e v e n t p o u r e u x : v a i s s e a u à v a i s s e a u ,

ils

Commander une

ne p e u v e n t résister aux

français.

e s c a d r e , e t surtout u n e

forte e s c a d r e , n'a pas t o u ­

jours

triomphe pour

été

en F r a n c e u n

commandait. mence

par

En Angleterre, être

mousse.

le

Toutes

fils les

le chef qui

d'un

duc

com­

fonctions

sont

h o n o r a b l e s à b o r d d e s v a i s s e a u x a n g l a i s ; la s u b o r d i ­ n a t i o n y est a b s o l u e , et la p o l i c e t r è s - s é v è r e . D a n s la guerre glais encore

tendent

à

naissante,

versel,

a c t u e l l e , toutes les v u e s détruire pour

la

marine

s'assurer le

commerce

soit qu'ils m u l t i p l i e n t l e u r s c o l o n i e s

r e n d e n t toutes

indépendantes.

des an­

française,

Jusqu'à

uni­

ou l e s

présent,

S

ils


(284) prolonger leur existance politique.

fraction,

Leur résolution sanguinaire est une suite de la conviction qu'ils ont acquise, par les exploits du capitaine-général L e c l e r c , que les nègres ne peuvent se soustraire à la domination de la F r a n c e , dès l'instant de la paix en Europe. La guerre actuelle ne paraît exister que contre la France ; mais elle se poursuit contre tous les peuples de la terre. Les fous rien.

« Le

desir

des

ne

respectent dit l'abbé

anglais,

» Raynal, de rendre leur commerce » leur

a fait

» tices,

commettre

exclusif,

de grandes

injus-

et les met dans la cruelle

» de les continuer. » ront-elles

Les nations

ne se

jamais

de cette espèce

» nie qui les brave

et les avilit f

» ront t-elles

éternellement

un

nécessité de

lassetyran-

Supportetel

despo-

» tisme ? » La richesse qu'en

belle

riaux

sont

chez les Anglais montre.

nuls. Quant au n u m é r a i r e , ils

n e p a r a i s s e n t pas île

par l e s

ne consiste

Leurs revenus territo­

c r a i n d r e u n e d e s c e n t e dans l e u r

e s c a d r e s françaises ; m a i s ils r e d o u t e n t

b e a u c o u p les péniches

; ils t r e m b l e n t q u ' u n calme

ne

l e s c o n d u i s e sur l e u r s c ô t e s a v e c 200 m i l l e h o m m e s , p o u r e n l e v e r , l ' é p é e à l a m a i n , la tour d e L o n d r e s , d'après le défit d e Guillaume

Pitt,

en

1755,


(285) sont dans une telle p é n u r i e , qu'ils ne p e u ­ vent

retirer

lions

de

de

la c i r c u l a t i o n ,

f r a n c s , de

et cinquante pauvreté.

mil­

quarante

signe de la plus évidente

sols, Ils

5oo

billets de

sont

réduits

à

augmenter

journellement le nombre de ces billets

de

misère. Il y a un d e m i - s i è c l e , que les anglais sont convenus q u e , s'ils agissaient avec

loyauté

envers la France, l ' A n g l e t e r r e n'aurait comme

puissance,

d'existence

vingt - quatre

pas, heures

(1).

Les Anglais ne suivent plus que les projets d'une tête en délire. Ils veulent multiplier les calamités ; ils se constituent en guerre pétuelle

per-

au d e h o r s , sans considérer qu'elle

est fixée dans l'intérieur de leur

île.

Déjà

l'aigle plane vers leurs rivages, et n'attend que le m o m e n t propice pour saisir sa proie.

(1) E x p r e s s i o n s d e Guillaume

D e I ' I m p r i m e r i e de

LEROUGE

m e r c e , Passage de

Pitt.

j e u n e , Cour du C o m ­ Rouan.



№ .

ETAT

i .

P R O D U I T

g é n é r a l des D é p e n s e s nécessaires p e n d a n t les treize a n n é e s q u i s u i v r o n t la r e p r i s e

de l a C u l t u r e ; d u p r o d u i t p r é s u m é vente

des R é c o l t e s ,

durant

le m ê m e

laps

p r é s u m é des r é -

de t e m p s , par

T

O

T

A

L

col tes des treize

en France.

DE L A A N N É E S .

des D é p e n s e s ,

D É S I G N A T I O N

Frais g é n é r a u x

d'exploitation,

Réédification Frêt

des M a n u f a c t u r e s ,

des denrées p o u r

France,

à la r é c e p t i o n ,

nées après la r e prise de la c u l ­

A c h a t s d e N è g r e s et d ' A n i m a u x ,

Frais

an­

premières

D É P E N S E .

à la v e n t e , et

ture,

par vente

A V A N C E S excédant

EPOQUES

le p r o ­ DES

duit des r e v e n u s , durant les quatre

REMBOURSEMENS

premières années

DES,

AVANCES.

en F r a n c e .

30687800

»

9611000

»

13126 b œ u f s e t v a c h e s . 2. tiers des a v a n c e s pour réédifier les m a n u f a c t u r e s .

2625200

»

.

m e

id.

pour r é c e p t i o n , f r e t e t vente des d e n r é e s ,

intérêts.

23606 n è g r e s e t mulets. réédifier

»

2625200

»

les m a n u f a c t u r e s .

id. id. des fortifications. 4 d u r e v e n u p o u r l'exploitation d e s h a b i t a t i o n s . 10 id. p o u r r é c e p t i o n , fret e t v e n t e d e s d e n r é e s , inte'réts.

З0687800

»

9611000

»

13126 b œ u f s et v a c h e s .

2625200

»

10

40

143,486,399

»

139,137,819

24

160,342,365 4 0

21,204,546

16

96,205,719 24

160,342,365

40

64,136,646

16

96,205,719 24

160,342,365 40

64,136,646

16

id.

96,205,719 24

160,342,365

40

64,136,646

16

id.

96,205,719 24

160,342,365

40

64,136,646

16

»

9614000

»

2626400

»

4 du 10

p o u r r é c e p t i o n , frêt e t v e n t e des d e n r é e s , intérêts.

r e v e n u p o u r l ' e x p l o i t a t i o n d e s habitations.

2 id. 10

»

42,932,100

»

64,137,146

16

32,068,573

08

64,137,146 16

p o u r r é c e p t i o n , frêt et v e n t e des d e n r é e s , intérêts.

32,068,573 08

même dépense et recette.

12.

96,205,719 2 4 50,418,864 7 4

id. Plus, r e m b o u r s e m e n t de ladette arriérée des Colons.

f. c.

165245 n è g r e s . 134560 c h e v a u x

et mulets.

f.

1,551,051,665 30

c.

1,551,051,665 30

200000000 »

»

pour France

N O T A .

1789, Exportation générale de St.-Domingue, en

recensemens, les deux dixièmes à-peu-

en sus, afin de connaître l'exportation réelle, d'a­ 32000000 près la fraude et les fausses déclarations des capitaines

près

d'après les

.... Liqueurs,

Caret. . .

Cuirs. . .

Rocou.

. .

Rhum,

100 » -

26526 pièces. Tafia, etc. . . .

pour

»

» 600

» 400

100000 Campêche.

Canefice. .

Il convient d'ajouter a u x denrées exportées en France,

12З4275

168000000

»

»

» 9ЗЗ4216

»

11667 77 Indigo.

800 »

»

» 768З5219

10506411 150 »

100 » 19

74 70042

768З52 . . . Café.

Sucre.

Coton. . .

8

»2795З25З 12 30 9З1775 brut.

12

liv.

421З6625

le ql. 60 9 702277

Sommes totales. P R I X . QUANTITÉ.

nois était comptée à St.-Domingue, pour trente sous,

331/3pour cent.

de la récolte des denrées exportées en F r a n c e ,

3.

n.° TOTAL.

33 Briqueteries. .

28

313

17З Guildiveries .

..

69 Cacotières. . .

de 1789 ; son produit dans la Colonie. La livre tour­

8528

36

З70

182

7905

789 705

2810 Cafeyères. . .

Cotonneries. .

792

З097

Sucreries. . .

Indigoteries. .

ETAT

»

»

17З

789

2810

i d .àeau,

3150

540

793

1639

D'ID. PROISY. DE DE MABBOIS.

MANUFACTURES, etc.

Quantité des Manufactures désignées par MM. DÉNOMINATION

13,717,781

f. c.

S20 215 903 62

91888 b œ u f s e t v a c h e s .

térim, et M. Id..., Directeur des Domaines, en l'an X.

en 1788 et 1789, d'après les recensemens de M. Barbé

me

de Marbois, Intendant ; M. de Proisy,

chargé de l'in­

me

des Manufactures qui existaient à St.-Domingue

42,924 ООО

57,394,559 6 0 28,697,279 80

30691700

m e

ETAT

»

p o u r l ' e x p l o i t a t i o n des h a b i t a t i o n s .

Poteries. .

II.

»

9611000

p o u r r é c e p t i o n , f r e t e t v e n t e d e s d e n r é e s , intérêts,

me

2.

129,015,839

30687800 2625200

10.

n.°

80

.

m e

» 9,413,769

13132 b œ u f s e t v a c h e s . 4 d u r e v e n u p o u r l'exploitation des h a b i t a t i o n s

2 10

42,024,000

26,168,884 80

19228 c h e v a u x e t m u l e t s

id.

»

»

p o u r r é c e p t i o a , f r e t e t v e n t e d e s d e n r é e s , intérêts,

nègres

10

23,893.331

114,603,995

10000

8.

» »

52,337,769 60

chevaux e t mulets.

.

42,92.4,000 47,786,662

20

et v a c h e s . d u revenu p o u r l ' e x p l o i t a t i o n d e s h a b i t a t i o n s .

.

7,084,003 42

130,844,424

»

.

89,599,995 20

121,430,654 40

»

2625200

nègres.

96,683,998 62

54

»

9611000

23609 me

105,885,300 2 0

4,862,662

30687800

id.

50

»

p o u r r é c e p t i o n , f r e t e t v e n t e des d e n r é e s , i n t é r ê t s .

d u revenu

67,199.999

119,466,655

. .

4

70

»

13126 bœufs e t v a c h e s .

m e

» » »

.

23606

13

30687800 9611000 2625200

et m u l e t s .

19222

9.

17,919.999

19222 c h e v a u x

.

173,085,299

»

»

35,839999 o8

23606 nègres. 13126 b œ u f s

Ше

id.

id.

7.

des h a b i t a t i o n s .

23606 n è g r e s 19222 chevaux et mulets. 13126 b œ u f s e t v a c h e s . 4 d u r e v e n u p o u r l'exploitation d e s h a b i t a t i o n s .

m e

6.

l'exploitation

»

42,924,000

pour r é c e p t i o n , fret et vente des d e n r é e s , i n t é r ê t s .

Fours à chaux.

5.

pour

»

11,841,300

117,405,300

42 f. c.

320,215,903 des opinions en général, prouvera de plus en plus de quelle importance est la

id.

78,000,000

»

possession de S t.-Domingue, et son commerce exclusif, pour la France.

revenu

»

38,400,000

choc

du

42,934,000

. .

e

»

»

1 3 , 4 3 9 , 9 9 9 90

19222 c h e v a u x et m u l e t s .

Tanneries. . .

m

7,680,000

155,805,300

26,879,999 8o

23606 nègres 4.

»

à la donnée véritable, d'après le

des avancespour

m e

»

9611000

15,360,000

f. с.

cours des dix années antérieures à 1789. Les nouvelles lumières qu'on acquerra par le

13126 b œ u f s e t v a c h e s . tiers 3.

me

З0687800

» »

f. с. »

Il y a des rigoristes qui pourront trouver, a u premier aperçu, que le prix du sucre est

19222 c h e v a u x

78,000,000 11,841,300

89.841,300

élevé d'un sixième de trop. Leurs calculs les rameneront

id.

d e s fortifications. des h a b i t a t i o n s .

»

с.

pour les quatre mille nègres qu'ils introduisaient annuellement sans autorisation ; tous

id.

42,924,000

f.

ces objets peuvent être évalués au dixième de l'exportation par le commerce de France.

.

»

с »

rées qu'ils enlevaient en fraude, et celles qu'on délivrait en contrebande aux Anglais

.

d u revenu p o u r l'exploitation

11,841,300

f. 89,841,300

en denrées coloniales : les sirops et articles divers

.

f. c. »

que les négocians des E T A T S - U N I S étaient autorisés d'exporter de la Colonie : les den­

.

78,000,000

Cacao. . .

e

nègres.

.

3.

d e francs.

blanc.

m

à 5o millions

19222 c h e v a u x e t m u l e t s .

23606

2 .

évaluées

T d e s a v a n c e s p o u r l a œ'e'dification des m a n u f a c t u r e s . des fortifications, id. d.

. . .

re

arriérées des C o l o n s ,

DENOMINATION.

I.

des a v a n c e s . Dettes

La consommation de St.-Domingue,

intérêts

62


N.° T A B L E A U

4.

N . °

des R é c o l t e s progressives q u ' o n doit espérer à S a i n t - D o m i n g u e , à

RÉCAPITULATION

5 .

d u Tableau

ci-contre.( A ) .

dater d e la d e u x i è m e a n n é e de la reprise de la c u l t u r e , calculé à raison d'un tiers d'aug­ m e n t a t i o n e n sus de la d o n n é e o u précédente r é c o l t e , ce qui é l è v e la récolte générale

A N N É E S de la reprise d e la culture.

d e la huitième a n n é e de la reprise de la c u l t u r e , aux trois quarts de celle d e 1 7 8 9 . O n doit s ' a t t e n d r e , d'après l'industrie des C o l o n s , q u e dans les années p o s t é r i e u r e s , les

DÉNOMINATION des

Valeur des Récoltes

Produit

en France.

différentes cultures.

total

par année.

récoltes se t r o u v e r o n t égales à celle d e 1 7 8 9 . f.

ANNÉES de la reprise de la Culture.

R E C O L T E S .

2.

P R O D U I T

F I X A T I O N

P R I X .

MÉTALLIQUE.

annuelles.

progressives.

Café.

f.

с

38,400,000

»

c.

3o,ooo,ooo

»

Coton.

6,000,000

»

Indigo.

2,400,000

»

e

C A F É . f.

1. m e

3

2.

40,000,000 13,333,333

en sus.

3

3.

récolte.

e

m e

53,333,333

17,777,777

en sus.

3

quantité présumée.

53,333,333

»

71,111,110

71,111,110

»

1.

2.

récolte.

e

5,333,333

7,111,110

10,666,665

»

9,481,480

14,222,220

»

5.e

»

400,000

3,200,000

»

533,333

4,266,664

»

Sucre.

28,444,444

»

Café.

71,111,111

»

Coton.

14,222,220

»

5,688,88o

»

Sucre.

37,925,925

20

Café.

71,111,111

»

Coton.

14,222,220

»

Indigo.

7,585,168

»

7.

e

37,920,925 20

Sucre.

50,567,900

»

Café.

71,111,111

»

Coton.

14,222,220

»

Indigo.

7,585,1б8

»

119,466,655

»

130,844,424 20

143,486,399

»

»

168,559,666

67,423,866 40

8.

67,423,866

40

71,111,111 14,222,220

» «

Indigo.

7,585,168

»

160,342,360

la reprise de la culture, 4З9 francs.

50,567,900

Sucre. Café. Coton.

— La quatrième, 407 fr. — La cinquième,411fr. — La

»

126,419,700

e

331 fr.

est à Saint-Domingue, 8 fois | plus productive qu'en France.

rées; ce

tations, et qu'elles rendaient pour 200 millions tournois de den­

France ; mais des exceptions ne peuvent être adoptées pour base

générale. Le vrai est qu'il existait 400 mille nègres sur les habi­

faisaient estimer la terre pour être15fois plus productive qu'en

fois plus productive qu'en France. Ce dire était exact pour cer­

tournois), par tête de nègre

On disait vulgairement, d'après le produit général des diffé­

taines habitations ; il y en avait même qui, par leur produit,

42,139,916

de

126,419,750

e

tout âge; c'est-à-dire que la terre était, à Saint-Domingue, onze

récolte.

en sus.

lonie (666 livres13sous 4 deniers

1

rentes cultures, qu'on retirait, brut, 1000 livres argent de la Co­

5.

qui présente 5oo livres par tête de nègre. Partant, la terre

31,604.937

3

(A).

89,599,995 2 0

sixième, 420 fr. — La septième, qui fait la huitième année de

94,814,813

3

e

»

67,199,999 50

tête de nègre, 170 fr. — La deuxième, 276 fr. — La troisième,

4 . récolte. e

8.™

»

94,814,813

tournois, représentant 25o milliers de sucre terré. Il y avait des

71,111,110 23,7o3,7o3

récolte.

e

16,000,000

28,444,444

livres tournois), par tête de nègre ; en total 125 mille livres

en sus.

3.

»

71,111,110

(500

17,777,777

gulièrement tous les ans, brut,150livres, argent de la Colonie

en sus.

7,585,168

53,333,333

Une Sucrerie de 120 carreaux(300arpens), en grand rap­

X 3

»

21,333,333 20

port, se trouvant garnie de250nègres de tout âge, rendait ré­

e

40 le £

53,333,333

13,333,333

récolte.

2.

3

m e

4,266,664

La première récolte générale présumée, donnera brut, par

40,000,000

récolte.

Comparaison :

r e

e

f.

40,000,000

en s u s .

3

7.

Indigo

tauration complète des cultures.

948,146

237,036

quantité présumée. 1.

m e

»

seront privées des possesseurs de 1789, ce qui retardera la res­

5,688,88o

S U C R E - B R U T .

6.

10,666,665

et surtout la certitude acquise que les deux tiers des habitations

711,110

711,110

en sus.

1/3

5.

Coton

ensuite la détérioration des terres des montagnes en culture,

m e

2,400,000

177.777

récolte.

e

8 la 1.

6.

533,333

en sus.

4.

me

20

53,333,333

qui est subordonnée à mille événemens qu'on ne peut prévoir ;

133,333

récolte.

e

3

m e

21,333,333

Café.

la reprise de la culture, que 4З9 francs. Il

400,000

3

4.

Sucre.

de

3oo,ooo

récolte.

récolte. en sus.

е

3.

r e

100,000

2.

m e

»

Indigo.

f.

300,000

en sus.

m e

3.

3,200,000

eût été absurde d'offrir pour certitude, une quotité plus élevée,

3

6.

Indigo.

lahuitièmeannée

m e

5.

50

annuellement d'un tiers

2,370,370

quantité présumée.

m e

7,999,999

augmentée

7,111,110

en sus.

1.

4.

Coton

ajouté en sus de la dernière récolte, ne présente par tête de nègre,

récolte.

e

sont la suite de calculs, pris pour l'ensemble, sur une première

3.

» »

7,999,999 50

INDIGO. m e

16,000,000 40,000,000

donnée approximative,

3. 3

2.

Sucre brut. Café.

1,777.777

3

5.me

5,333,333

La récapitulation du tableau n°. 4, côté n°. 5, dont les résultats

m e

4,000,000 1,333,333

récolte.

en sus.

»

fixer la quotité nette du revenu; c'est-à-dire, la portion revenante

4.

r e

6,000,000

e

au propriétaire.

m e

4. 1

A Saint-Domingue comme en France, les frais relatifs à l'ex­

3.

f. l50 le q.

4,000,000

3.e

ploitation, mortalités, etc., sont à déduire de ces données, pour

me

»

5,333,333

C O T O N . 2.

40,000,000

par arpent; en total,15000francs par an.

5.

récolte.

e

m e

4,000,000

10,000,000

c.

»

tation, ne produit, brut, en France, au fermier, que 5o francs

4.

3o,ooo,ooo

récolte.

re

en sus.

f.

Зо,ооо,ооо

Une Ferme de З00 arpens de bonne terre, garnie de tout ce qui

3.

1 la l.

3o,ooo,ooo

quantité présumée.

e

peut concourir à l'augmentation du revenu, et faciliter l'exploi­

m

Sucreries de cette étendue, qui rendaient jusqu'à un quart de plus.

2 .

40


(23)

d i t u r ,nisiSenatus

consultis,

nibus principum

confirmatum.

atque

cons-

corps une fois autorisés, ne peuvent a c des b i e n s , par achat ni par d o n s , n i leurs i m m e u b l e s , sans l'autorisation d u Législatif. Quant à l'administration de e n s , elle est réglée par des lois particuqu'il serait trop l o n g de rapporter ici. r. 558. « Les c h e m i n s , routes et rues à charge de la n a t i o n , les fleuves et rivières vigables o u flottables, les r i v a g e s , lais et ais de la m e r , les p o r t s , les h a v r e s , les des et généralement toutes les portions territoire national qui ne sont pas s u s ptibles d'une propriété p r i v é e , sont c o n lérées c o m m e des dépendances du d o m a i n e blic. » ans sa première r é d a c t i o n , cet article s e m attribuer au domaine de l'Etat, tous les mins p u b l i c s , rues et places publiques. O n rva qu'il n'y avait dans ce d o m a i n e , que routes, rues et places entretenues aux d é du trésor public ; que les chemins v i c i étaient des propriétés des c o m m u n e s , à communication desquelles ils servaient, et étaient aussi à leur c h a r g e ; que les rues et places étaient dans la m ê m e

cathégorie,

cepté celles qui servaient de grandes r o u l e s ; ue telle était la jurisprudence du Conseil d ' E BIBLIOTHEQUE SCHOELCHER

80015757







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