Les mines d'or en Guyane chercheurs nomades

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N° 725

DIMANCHE

23

OCTOBRE

Prix: 15

1910

e

Journal desVoyages

JOURNAL

HEBDOMADAIRE

et des Aventures de Terre et de Mer

Bureaux : 146, rue Montmartre. PARIS (2°)

UNE

Au

NUIT

SUR

“ Sut Terre et Sur Mer ”

" Monde Pittoresque " " Terre Illustrée " réunis.

LE NYANGA

milieu des hippopotames par

MAURICE DEKOBRA

Les monstres évoluaient autour de nous à quelques mètres de distance, soufflant par leurs énormes narines de véritables trombes d'eau, tandis que leurs mugissements ajoutaient à l'horreur de l'angoisse.

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N° 725. (Deuxième s é r i e . )

ORkidé N° 1737

de la collection.


JOURNAL DES VOYAGES

BUREAUX

146,

RUE MONTMARTRE,

PARIS

Concours de Reconstitution DEUXIÈME

ABONNEMENTS

UN

AN : PARIS,

SEINE ET

SEINE-ET-OISE,

DÉPARTEMENTS ET COLONIES, 10 UNION POSTALE, 12

AbTd'Essai de 3 mois:

fr.

FRANCE, 2,5o; ETRANGER,

Sommaire :

SÉRIE

COMPORTANT

TROIS

QUESTIONS

8 fr.

fr. 3 fr.

725

23 Octobre 1910

Une Nuit sur le Nyanga. Chercheurs nomades. P.-L. H. — Les Palais où l'on mange et le Pays où l'on mange le mieux JULES LERMINA. — Le Mystère de Finch Lane. PAUL HUGAULT. — Les Peaux-Rouges et leurs secrets. DÉSIRÉ LACROIX. — Aux Pays des timbres J. DAUTREMER. — Les Inondations de Tokio. LÉON CHARPENTIER. — Le Cortège historique de Chester. GUSTAVE REGELSPERGER. — Grigris européens contre la famine. GEORGES LE FAURE. — Dans la peau d'un singe. V. F. — L'Aéroplane engin de guerre. E. BEYLIER. — La Femme musulmane en Crète. G . DE WAILLY. — Le Meurtrier du Globe. MAURICE DEKOBRA. —

Reconstituer, à l'aide de tous les mots figurant ci-dessous, qui ont été pris dans le corps de ce numéro et mélangés à plaisir : 1° Trois lignes extraites de la nouvelle : Le Mystère de Finch Lane; 2° Trois lignes extraités du roman : Dans la Peau d'un Singe: 3° Trois lignes extraites du roman : Le Meurtrier du Globe.

GASTON PHELIP. — L'OR A LA GUYANE. —

comme son trône maritime un peu ménagé de par l'éloquence de deux sifflet, s'écoulait littéralement notre ami chose trouva n'un omnibus complet il bouillait rapprochait les pieds et depuis peu semblait occupé au même regard que la petite est entendait le train à mille coups un port de troupe qu'il se réintégra venait de me faire leur but et on les faisait plus que je les lui suis. Voir dans le n° du 16 octobre la liste des prix, le

Les

solutions devront

nous

parvenir au plus

programme et les conditions de ce concours qui sera clos avec la 3° série publiée dans le numéro du

tard le lundi 7 novembre accompagnées des 3 bons de concours publiés en dernière page de nos numé-

30 octobre. Les solutions et le palmarès seront 1 décembre.

ros et adressées à

publiés dans le numéro du

1

des Concours,

146,

M. Henri BERNARD, Service rue Montmartre, Paris (2 ). e

Nos Prochains Récits Dans quinze jours dans un numéro exceptionnel nous commencerons

TROIS NOUVEAUX GRANDS ROMANS INÉDITS que nous avons déjà annoncés à nos lecteurs et qui leur réservent les émotions les plus neuves et les plus passionnantes. Il est juste que nous mettions au premier rang, parmi ces captivantes nouveautés, l'œuvre du plus ancien de nos collaborateurs, l'œuvre de l'ami si cher que nous avons perdu.

BRAS-DE-FER par

Louis BOUSSENARD Dès les premières lignes — etc'est là le propre des personnages enfantés par l'imagination du fécond écrivain —le lecteur se sentira pris d'une irrésistible sympathie pour le vaillant, l'audacieux, l'admirable héros de ce récit, Bras-de-Fer! C'est là un surnom épique et celui qui le porte en est digne. Il n'est pas d'exploits de force et d'énergie qu'il n'accomplisse. Taillé en hercule, habile à tous les exercices du corps, ce redoutable jouteur allie à la force la plus délicate bonté. Ami des faibles et des opprimés, prêt à tous les dévouements, à tous les sacrifices, il a l ame d'un Don Quichotte, mais d'un Don Quichotte moderne, joyeux, rusé, malin comme un singe et auquel il ne fait pas bon se frotter. On va le voir à l'œuvre, à travers les forêts et les champs d'or de la Guyane, où, accompagné de ses deux fidèles compagnons, Moustique et Fichalo, il taillera une rude besogne à la bande de fieffés coquins dont il sauve et protège l'innocente victime. Et dans ce passionnant roman d'héroïsme, qu'illustrera CONRAD, nos lecteurs admireront une fois de plus les merveilleuses qualités du grand romancier aujourd'hui disparu. Devons-nous dire disparu? Non. Louis BOUSSENARD ne disparaît pas tout entier, puisqu'il a laissé entre nos mains les manuscrits de plusieurs romans que nous publierons après Bras-de-Fer et qui allongeront encore la liste des chefs-d'œuvre et des succès de celui qui fut et restera le maître du roman d'aventures.

de

Dans le même numéro, qu'illustrera une splendide couvertureen couleurs CONRAD, nous commencerons un passionnant roman de mystère.

LES

DIX YEUX D'OR

En même temps que les récits de Louis BOUSSENARD et de Paul d'Ivoi nous commencerons la publication d'un grand roman patriotique.

L'ALERTE par

par

Paul d'IVOI

le Capitaine DANRIT

L'auteur des Cinq Sous de lavarède, qui l'an dernier captiva Alerte !... c'est l'ordre de mobilisation porté par le télégraphe nos lecteurs en leur contant les aventures des Trois demoiselles à tous les corps d'armée. Alerte! c'est la France sur le point Pickpocket, va cette fois les conduire au pays des énigmes, au d'être envahie. Et dés la première heure, trois hommes, trois pays des Pyramides et du Sphinx : en Egypte. Il les fera pénéaudacieux volent vers la frontière, animés du même esprit de trer dans les mystérieux tombeaux des Pharaons et assister aux sacrifice, tout frémissants du même espoir, du même désir d'acpoignantes péripéties de la lutte qu'engagent contre un ennemi complir de grandes choses. On va les voir à l'œuvre dans cet invisible « l'espion x 3a3 » et sa sœur, assistés du journaliste émouvant et patriotique récit où passe un grand souffle de généaméricain Max Trelam. rosité. On suivra avec anxiété la folle équipée de ces vrais FranOn frémira à l'apparition des Dix Yeux d'Or dont la terrible çais de France, de ces enthousiastes volontaires qui, modernes menace sème l'épouvante et c'est avec une émotion sans cesse francs-tireurs, ont résolu d'exécuter le plus hardi coup de main grandissante qu'on suivra les péripéties du formidable duel qui qu'on puisse imaginer, pour assurer la victoire à leur pays. De métaux prises deux adversaires jolies illustrations dues au pindoués d'une même audace et ceau de DUTRIAC accompagned'une même ingéniosité. Abonront ce dramatique roman du Voir à la fin de ce numéro l'annonce de dant en incidents imprévus et en commandant DRIANT qui comNOTRE NOUVELLE PRIME GRATUITE coups de théâtre, ce captivant plétera brillamment l'ensemble roman, qu'illustrera le crayon des récits que le Journal des de BEUZON, obtiendra le plus vif Voyages va offrir à ses nombreux et fidèles lecteurs. et le plus franc succès.

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Au

Une Nuit sur le Nyanga

Milieu des Hippopotames Le héros de cette véridique aventure, M. David Woodhouse, est un colon anglais qui vécut des années sur le Nyanga. Il a relaté lui-même les moindres détails de cette nuit dramatique dont ses compagnons d' infortune ont garanti l'authenticité. Je n'é tais à cette époque-là qu'un simple colon dans un petit village situé non loin de la rivière Nyanga, à vingt-quatre heures de son \ embouchure sur la côte occidentale d'Afrique. Mongo-Nyanga —- c'était le nom de ce village — était entouré d'épaisses forêts s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres carrés et infestés de bêtes sauvages, fauves ou reptiles, de toutes sortes. Comme on le voit, ce n'était pas l'endroit rêvé pour passer ses vacances confortablement... Etant le seul résident européen du village, j'employais la plus grande partie de mon temps à cultiver les bananes, ou les patates, tandis que mon fusil servait à me procurer de temps en temps de la viande fraîche. Mais, malgré ces occupations, les heures s'écoulaient trop lentement et ma vie me semblait bien souvent d'une exaspérante monotonie. Je venais d'avoir une sérieuse attaque de malaria, quand je fus invité à venir séjourner quelque temps, sur la côte, au dépôt de la compagnie. C'était une excellente aubaine. Aussi m'empressai-jo d'en profiter. Ravi à la pensée d'aller respirer l'air pur de la mer, je fis mes préparatifs de voyage et je m'embarquai. Un séjour d'un mois au bord de l'Océan me rétablit complètement et ce fut avec regret que je repris le chemin de Mongo-Nyanga. Pour éviter la chaleur accablante dos journées tropicales et pour permettre à mes kroomen de ramer avec plus d'ardeur, je décidai que nous nous mettrions en route chaque jour après le coucher du soleil, vers six heures du soir. Ma baleinière était chargée jusqu'au bord de paquets d'étoffe, de coutellerie, de fusils, d'outils en fer, de poudre et de différents bibelots nécessaires au commerce avec les nègres. Je pris donc congé du directeur do la compagnie, et à la tombée de la nuit, nous nous embarquâmes, poussant avec des bambous le canot vers le milieu de la rivière dont les eaux, à l'embouchure, coulaient vers la mer, teintées par la bouc claire. Après l'excessive chaleur de l'après-midi, un brouillard de plus en plus dense montait de la rivière et rendait la navigation particulièrement périlleuse, d'autant plus qu'à cette époque de l'année la lune ne se levait que vers trois heures du matin. J'étais donc obligéd'avanceravec précaution et de surveiller attentivement notre marche à travers les roches qui se dressaient au milieu du fleuve. Mais le bruit cadencé

des pagaies et le chant mélancolique des rameurs eurent bientôt raison de moi et je ne tardai pas à m'endormir. Combien de temps mon sommeil avait-il duré, je ne saurais le dire; toujours est-il que, soudain, je fus réveillé en sursaut par un fracas épouvantable. Ma première impression fut que le pilote venait de heurter dans l'obscurité un tronc d'arbre flottant, ce qui n'est pas rare lorsqu'on voyage la nuit sur ces grands fleuves. Hélas ! Je ne fus pas long à reconnaître mon erreur... Des craquements répétés, de violentes secousses qui ébranlèrent toute la baleinière ne me laissèrent aucun doute sur la nature de l'obstacle contre lequel nous venions de nous jeter : nous étions bel et bien tombés au milieu d'un troupeau d'hippopotames ! Le bruit que j'avais entendu provenait des coups furieux portés par ces animaux contre notre barque. Aussitôt la tragique aventure de trois de mes compatriotes me revint en mémoire. Trois officiers de H. M. S. Flirt s'étaient aventurés un jour dans les lagunes de Mayumba pour chasser l'hippopotame. Après en avoir blessé un, leur canot avait été attaqué par une bande de ces terribles pachydermeset, des trois Anglais,un seul avait survécu : le commandant de l'expédition, qui, chose étrange, était le seul qui ne sût pas nager. Il s'était sauvé en s'accrochant à la barque que les hippopotames avaient chavirée. Allions-nous partager le sort de ces malheureux chasseurs? Je m'aperçus qu'un choc plus violent que les autres venait de crever l'un des flancs de la baleinière, de sorte que l'eau pénétrait maintenant par ce trou et menaçait de remplir la barque en quelques minutes. Déjà, je sentais l'eau gagner mes pieds, malgré les efforts des rameurs qui essayaient de la vider avec de petites caisses de bois... Je. compris que nous étions condamnés à couler et que seuls quelques-uns d'entre nous auraient peut-être la chance d'atteindre la rive à la nage, car aussi loin que je pouvais voir, dans la brume, je constatai que nous étions complètement entourés par les hippopotames. Pour comble d'infortune, le petit canon, à l'avant de la baleinière, était déjà à demi submergé. Ah! la situation manquait d'agrément... Très anémié encore par ma récente maladie, trop faible pour nager, je me trouvais en pleine nuit dans une barque sur le point de couler, au milieu d'un troupeau d'hippopotames... J'aurais volontiers cédé ma place, je l'avoue. Mes rameurs,paralysés par la peur,étaient incapables de suggérer un moyen de nous sauver. Lorsque la baleinière, pleine jusqu'au ras du bord, commença à s'enfoncer, tous mes kroomen, excepté le pilote, se jetèrent à l'eau, au risque de tomber sur les hippopotames. Le pilote les aurait bien suivis, si je ne m'étais pas accroché désespérément à lui, lui ordonnant, moitié en anglais, moitié dans sa langue, de m'emmener sur son dos, puisqu'il nageait si bien.

Nous plongeâmes donc ensemble et nous essayâmes de passer au travers du troupeau. L'entreprise était si risquée que nous crûmes notre dernière heure venue. En effet,les monstres évoluaient autour de nous, à quelques mètres de distance, soufflant par leurs énormes narines de véritables trombes d'eau qui nous aveuglaient, tandis que leurs mugissements, mêlés aux cris d'angoisse des rameurs, ajoutaient à l'horreur de la scène. Les secondes me semblaient être des minutes, car, accroché à mon nègre, à moitié suffoqué par l'écume, je prévoyais un coup de mâchoire fatal qui mettrait fin à cette lutte. A dire vrai, je ne me rappelle plus très bien comment nous sortîmes sains et saufs de cette affaire. Quoi qu'il en soit, nous atteignîmes, plus morts que vifs, les bords du fleuve et là, enlisés dans la vase, nous nous abritâmes parmi les roseaux. Pour augmenter encore nos souffrances, nous fûmes, tout le reste de la nuit, harcelés par des nuées de moustiques qui nous piquèrent sans répit. Au lever du soleil, nous nous rendîmes un compte exact de la situation et, après nous être orientés, nous pûmes, en rampant dans les hautes herbes, atteindre enfin la terre ferme. Heureusement personne ne manquait. Mais quel désastre ! Tout avait sombré avec la baleinière, nos provisions, nos marchandises, nos armes, tout, même nos vêtements. J'étais assurément le plus mal partagé car je me trouvais en pyjama, pieds nus et tête nue, tel que j'étais sorti de ma couchette au moment de notre aventure de la nuit. Ne pouvant pas rester où nous étions atterris, pour attendre le passage très problématique d'un bateau sur le fleuve,— nous aurions bien patienté pendant des semaines sans en voir un seul, — nous d'éci dâmes de marcher dans la brousse pour rejoindre le village le plus proche. Ce ne fut pas chose aisée, car les lianes et lesherbes étaient si drues et si entremêlées que notre marché en fut considérablement ralentie. Après une journée de travail acharné, nous atteignîmes enfin un petit Village sur les rives d'un affluent du Nyanga. Nous fûmes reçus par le chef de la tribu. Il me Sembla qu'il était un peu offusqué de notre tenue par trop négligée pour entrer dans son territoire, mais nos explications le satisfirent et comme nous lui assurâmes que nous ne désirions que quelque nourriture, il nous offrit aimablement une tête d'antilope et quelques racines comestibles appelées cassava.La chère était peu appétissante, mais quand on n'a rien mangé depuis vingt-quatre heures!... Le lendemain, pour regagner mon comptoir, je demandai au chef s'il consentirait à me prêter une pirogue. Il accéda à mon désir et me loua sa barque moyennant une honnête récompense qui consistait en un vieux chapeau haut de forme et en un collier de billes de verre pour sa femme. Adapté de l'anglais par MAURICE DEKOBRA.

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Mines d'or en Guyane

Chercheurs Nomades C'est le bourg de Mana qui est le point de départ des chercheurs d'or en Guyane : il est d'ailleurs fort insalubre, et tout à fait dénué de confortable. Aussi l'abandonne-t-on promptement pour la pirogue creusée dans un tronc d'arbre, qui doit vous conduire à l'Eldorado rêvé. Après une journée de navigation, le voyageur s'arrête enfin dans une crique. A coup de sabre d'abatis les nègres font dans la forêt touffue une place pour le carbet et préparent le repas; festin médiocre, dont les conserves font le plat de résistance, à moins qu'un rôti de caïman musqué ou de singe gélatineux ne vienne rompre la monotonie du menu. Puis le voyage reprend, et la pirogue croise d'autres pirogues qui reviennent

pas seulement des chercheurs nomades: des centres se sont formés, nommés « degrads»; les rues sont propres, grâce à un plancher posé sur des poutres. Les cases sont généralement bâties à flanc de coteau, pour que les eaux ne les envahissent pas. La vie sociale fonctionne. Boulanger, menuisier, cordonnier, coiffeur,entrepreneur de construction font rapidement fortune. Malheureusement,la population de ces centres, aussi bien que le chercheur nomade, fait rarement fortune, car le travail au « sluice», le seul

Les Palais où l'on mange et le pays où l'on mange le mieux

L

E plus grand restaurant du monde capable de contenir six mille personnes va être construit prochainement à New-York dans Broadway, entre la quarante-septième et la quarantehuitième rue. Dans les sous-sols, il y aura dix

Une drague dans un placer des forêts vierges de la Guyane.

cuisines. On a, sans aller bien loin, un exemple de l'évolution subie par les restaurants.' Londres veut devenir un faubourg de Paris. Un palais de l'industrie française va se construire dans Aldwych, au centre de Londres. Le but est de créer un endroit d'amusements parisiens dans la capitale anglaise. Il y aura un café7restaurant, une salle de thé avec orchestres, un théâtre bijou, il y aura des multitudes de bureaux, un club français. On pourra à la terrasse du café se croire sur les grands boulevards. Le palais sera achevé dans trois ans. Le devis de construction s'élève à 18,750,000 francs. Mais voilà des exemples plus étranges. A Los Angeles, dans la Californie, le restaurant Jim, créé il y a 25 ans, n'a jamais fermé ses portes. Mais ce record est battu par un restaurant de Vienne en Autriche qui est resté ouvert, jour et nuit, depuis 165 ans. Hambourg a un restaurant construit en papier. Les murs sont faits de papiers ignifugés. A l'extérieur, une cloison mince de bois protège la construction contre les grandes intempéries hivernales. La salle à manger peut contenir cent cinquante personnes ; ce chiffre prouve que la maison est vaste; cependant la dépense totale pour l'édification n'a pas dépassé 1,750 francs. Tout cela nous met loin des modestes auberges françaises où de génération, en génération, se perpétuent les recettes excellentes Une famille dt nègres boschs, riverains du Maroni. Nageurs émérites et exet qui ont valu à la France la perts pagayeurs, ils passent leur vie sur l'eau et vont de placer en placer réputation d'être le pays où l'on porter les approvisionnements mange le mieux, P.-L. H, qu'elle emploie, est long, fatigant et peu rémunérateur. Aussi cette exploitation est-elle destinée à faire place à l'exploitation industrielle par les procédés mécaniques : dragage des sables aurifères et travaux des filons. Grâce à la mise en service de ces méthodes, la Guyane deviendra un pays de production aurifère analogue à la Nouvelle-Zélande ou au Transvaal ; à l'heure actuelle elle est un Eldorado aux mirages souvent décevants. GASTON PHELIP.

Un sluice, sorte de canal composé de plusieurs pièces appelées dalles où passent les terres aurifères avant d'abandonner leur or.

chargées d'autres chercheurs d'or satisfaits do leur butin. Les uns se croisent, confus et joyeux. « 5,10, 30 kilos d'or ! » proclament les voyageurs. Après quelques jours, les navigateurs parviennent dans la région où l'on aborde; la marche se ralentit : chaque crique est explorée, fouillée; puis, dans la boue, la poche d'or est trouvée, pépites ou poussières mêlées à de la diorite décomposée. Cependant, autour du chercheur heureux, les maraudeurs abondent, et ce sont alors des drames sanglants ou la famine, plus terrible encore. La région ne contient d'ailleurs

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verre qui avait sauté au cours de sa lutte avee la victime. C'était' lui dont le poing formidable de Ruschmacker avait broyé la face... aujourd'hui en partie reconstituée, grâce aux ingénieux procédés du docteur Grahamm... Il y avait là deux preuves matérielles devant lesquelles devaient s'effondrer toutes les dénégations du misérable, si énergiques fussent-elles... Donc, l'innocence de Piwit, si longtemps soupçonnée, apparaissait indubitablement : Ruschmacker avait été volé par Panitowitch et assassiné par Krieg!... Le clown n'avait plus besoin de se cacher ! il pouvait apparaître au grand jour en proclamant son innocence et crier à tuetête sa joie et son amour... Tel avait été, sur le premier moment, le désir de Piwit... Mais, au fur et à mesure qu'à travers le désert de sable étincelant de rayons solaires se déroulaient les méandres de la caravane, il réfléchissait et il se demandait si, bien au contraire, il ne devait pas se terrer plus que jamais dans cette peau protectrice, puisque seule elle pouvait lui faciliter la conquête de ce fameux trésor que l'on prétendait enfoui dans les sables d'In-Abbala !... En quoi pouvait il importer que son innocence fût proclamée quelques jours plus tôt, alors qu'il pouvait payer de plusieurs millions cette mince satisfaction? C'était folie vraiment!... A M. Krieg, chef de mission scienti fique, Ménélick avait accordé l'autorisation de franchir les frontières de la région d'In-Abbala : si on arrachait préma turément au criminel son masque d'honnête homme, qu'arriverait-il de ceux qui avaient résolu de se glisser en sa compagnie jusqu'auprès du potentat, dont l'accès était si difficile, pour ne pas dire impossible, aux Européens?... Se taire jusqu'à nouvel ordre, voilà qu'elle devait être la consigne de Piwit, consigne que lui imposaient la logique de la situation et le soin de ses intérêts bien compris. Quand, grâce au misérable, il serait arrivé à ses fins, alors, mais alors seulement, il pourrait donner libre cours à sa joie et crier à tous la vérité. D'ailleurs, en y réfléchissant, il trouvait, sans, bien entendu, nier l'importance des découyertes qu'il avait faites, que si elles constituaient des indices sérieux elles ne pouvaient être considérées comme d'irréfutables preuves... Quel était, au fond, cet homme? Dans quel but avait-il cherché à assassiner Rusclimacker? Pour quel motif s'intéressait-il à la recherche du pithécanthropus? Autant de questions auxquelles Piwit estimait utile, pour ne pas dire indispensable, de faire réponse, car il avait le pressentiment que ces réponses jetteraient une clarté subite dans l'ombre au milieu de laquelle il marchait... (A suivre.)

GEORGES

LE FAURE.

UN

ESSAI

CONCLUANT

L'Aéroplane

engin

de

guerre

Après les belles manœuvres de Picardie, où l'aéroplane a prouvé brillamment quel pré-

roulaient, un des princes américains de l'aviation, Glenn Curtiss, exécutait des essais très intéressants dans la baie de Sheepshead, aux environs de New-York. Il enlevait sur son biplan le lieutenant J.-E. Fickel, de l'infanterie américaine, qui s'était

Pendant les grandes manœuvres de l'armée américaine, le cet bre aviateur Glénn Curt s enlevait à son bord le lieutenant J.-E. Fickel qui tirait en plein vol sur les cibles aménagées dans la baie de Sheepshead.

cieux auxiliaire il était devenu pour une armée en campagne, il n'est point besoin d'être prophète pour prédire—cequ'on n'aurait osé faire, il y a seulement dix-huit, mois — que les aviateurs joueront un rôle de la plus haute importance dans la prochaine guerre européenne. Pendant que ces grandes manœuvres se dé-

proposé de tirer en plein vol sur des cibles aménagées le long du rivage. Les balles de son fusil à répétition touchèrent le but dans la proportion de 6 sur 10, à des distances variant l'altitude entre 100 et 300 mètres; l'essai était concluant. V. F.

LES AFFRANCHIES DU « YACHMACK »

La Femme masalmane en Crète

Dans ces humbles classés les femmes laissent leur visage à découvert, mais elles ont soin de se draper dans leur * feredgé » qu'elles ramènent sur leurs cheveux.

'est la race grecque et conséquemment la religion catholique qui dominent en Crète. Les musulmans y sont relativement peu nombreux. Cependant, ces insulaires ont leurs mœurs et leurs usages particuliers, qui ne sont pas ceux des Cretois proprement dits ni des Ottomans de la péninsule. Ainsi,alors que la femme turque, de quelque condition soit-elle, ne doit jamais s'affranchir du " yachmack ", les Cretoises musulmanes laissent leur visage à découvert. Pour ne pas étre en défaut avec les préceptes du Koran, elles ont bien soin, par exemple, de se draper dans une sorte de " feredgé " (manteau) qu'elles ramènent sur leurs cheveux — la loi islamique ordonnant à la femme de se couvrir la tète. Les Crétois musulmans ne traitent pas leurs femmes en servantes. Les riches s'occupent euxmêmes de l'entretien de la maison et des dépenses du ménage. Le mari pauvre trouve en sa femme un sentiment de charité ou de complaisance qui la fait s'occuper du service de la maison. Les musulmanes de l'île de Crète sortent le jour quand il leur plaît, vont au bazar, font des achats pour leur toilette et se promènent beaucoup — mais toute leur vie est réglementée par certaines superstitions : elles sont persuadées, en effet, qu'il y a des jours et des heures prédestinées à toute action, elles pensent que tel ou tel jour est voué à l'allégresse ou à la tristesse, à l'entreprise d'un voyage, d'un travail, etc. Leurs maris partagent d'ailleurs ces idées superstiEugène BEYLIER. tieuses.

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Le

A LA POURSUITE D'UN HÉRITAGE

MEURTRIER du GLOBE par G. DE WAILLY CHAPITRE XIII LE

MEURTRE

FANTASTIQUE

(Suite.)

fantastique vieillard avait cessé de parler et ses auditeurs écoutaient encore, atterrés, affolés... Seul, Williamson dardait sur Lobanief de singuliers regards, dont la fixité semblait vouloir lire dans l'âme de « Old Sinker » quelque chose que celui-ci n'avait pas dit, quelque chose qui tendait tout son être dans une interrogation intense et muette. Le grand vieillard, qui, l'air inspiré, paraissait avoir grandi encore, appela près de lui le milliardaire d'un geste autoritaire et large, où pourtant se glissait comme une nuance d'émotion. Il lui dit : «Malgré les précautions longuement méditées que j'ai prises, l'acte immense que je vais commettre comporte des aléas, car notre science embryonnaire ne peut tout prévoir. « Je vais descendre pour juger de la force du coup par moi porté au Monstre. Tous les deux mille pieds, je me suis ménagé un refuge; mais au cas où je ne remonterais pas et, seulement, vous le jurez, lorsque vous auriez acquis la certitude que le vengeur des hommes ne peut plus reparaître vivant à la face du soleil pour s'y délecter des progrès de son œuvre meurtrière, vous ouvririez cette lettre où sont tracées ma dernière révélation et, mes suprêmes volontés ! » Ce disant, il tira de, son sein une enloppe scellée que le milliardaire reçut d'une main frémissante et égarée. Le grand vieillard attacha sur Williamson un long regard empreint d'une expression intense, étrange... et, majestueux, s'avança vèrs la sortie de la chambre dans la grande grotte, vers le fond obscur de laquelle il se dirigea, suivi de ses hôtes écrasés, annihilés par une sorte d'horreur tremblante, admirative et comme religieuse. Soudain, dix lampes à arc inondèrent, de lumière cette obscurité opaque et, à l'extrémité de la série de treuils énormes qu'avaient, en passant, devinés Claude Rolland, s'éclaira l'ouverture béante d'une large fissure, gouffre noir et mystérieux jusqu'au seuil duquel Lobanief s'avança. Il appela Rose-des-Neiges et, lui montrant un levier de commutateur fixé sur un bloc de lave, ordonna : « Au moment même où je disparaîtrai ! » Les yeux dilatés, d'un double geste brusque de cataleptique, la jeune Indienne saisit le levier et, de la tête, fit « Oui ! » Alors, Old Sinker.Lobanief poussa, en y sautant, une sorte de benne ou nacelle

L

E

métallique qui, un moment, oscilla à Luttant contre les efforts de Claude pour l'entraîner, la jeune fille supplia : l'aplomb de l'abîme. Le vieillard, d'une voix que, pour la pre« Venez, si vous m'aimez !... mière fois, coupa un hoquet d'émotion, — Je... je ne peux pas ! s'éeria : — Alors... Alors je reste : nous mour« Au revoir, Williamson... ou adieu ! » rons ensemble ! » treuils se Les mettant aussitôt en Williamson poussa un cri fou et, se marche, il plongea dans la nuit chaude du retournant vers Edmée : gouffre. « Vous voulez?.., " A ce moment, l'ingénieur Se ressaisit. — Si vous voulez mourir, je, ne veux pas « Allons, s'écria-t-il, c'est, épouvantable vivre ! et, c'est, foil, tout cela!... Il faut empê— Vous... m'aimez donc? cher... » — Jusqu'à la mort ! Se dégageant, d'Edmée cramponnée à lui, — Ah!... Vivre!... Vivre!... Je veux il bondit vers l'Indienne... vivre ! » Trop tard ! Avec une clameur de. joie farouche, WilRose-des-Neiges avait abaissé le levier... lamson saisit la jeune fille dans ses bras Il s'arrêta, éperdu d'angoisse... aux forces décuplées, l'emporta comme une Un silence de tombe régna, que troublait proie, vers la lumière, vers le ciel, vers la seul le frottement onctueux des arbres vie ! Claude l'aidait à l'escalade, difficile des treuils sur leurs coussinets... avec un fardeau humain. Des six créatures humaines qui étaient là, Derrière eux, au milieu d'incessantes aucune ne respirait... trépidations, un bruit grandissant montait , Tout, à coup, sourde, mystérieuse et forsemblable à celui d'une marée tumulmidable, une détonation multipliée, faite tueuse forçant un goulet resserré. d'explosions, de craquements gigantesques, Les deux hommes se hâtaient éperdude roulements sinistres, comme si mille ment... Mais ils étaient à bout de souffle, canons engageaient en même temps la lutte aveuglés, étranglés par les brûlantes et dans les lointaines entrailles de la terre, fétides vapeurs dont la colonne obstruait monta de l'abîme d'épouvante. maintenant l'issue. En même temps, une épaisse colonne de Heureusement, un secours leur vint : vapeurs surgit, rendant incertaine la vive Jean Guitard qui, après avoir mis sa chère lueur des lampes, et le sol trépida, oscilla... Rose-des Neiges sur une route sûre, revePoussant des clameurs d'effroi, Toby, nait au secours de ses chers maîtres. puis l'Indienne qu'avait saisie et. qu'emporAprès bien des efforts, après avoir cru portait le marin, Edmée que son frère vingt fois ne pas réussir à atteindre le étreignait dans ses bras, se précipitèrent, port, la petite troupe au complet se trouva vers le couloir déjà parcouru en venant, enfin réunie à l'air libre, sur le flanc du seule issue de la caverne. cratère, hors des émanations de l'haleine Ils ne l'atteignirent pas ! souterraine. Une secousse terrible ébranla la grotte, Il était temps ! dont la voûte se creva, ouvrant en plein ciel Une secousse, cent fois plus violente une large ouverture dans le flanc de. la encore que la première, acheva de dislomontagné. quer la voûte de la caverne... Les blocs, en tombant, avaient écrasé les Aux yeux épouvantés des réfugiés, avec trouils. un bruit dont aucune comparaison n'apAffolés, les fugitifs se précipitèrent vers procherait, la voûte entière s'effondra, cette issue nouvelle, que rendaient, pratiouvrant un trou béant et fumant de plucables les amoncellements écroulés. sieurs centaines de mètres de diamètre. Un seul restait. Debout au seuil du Quoique, par grand bonheur, ils ne se gouffre, Williamson tendait au-dessus de fussent arrêtés qu'au delà de la partie du l'abîme des bras désespérés, en criant, dans flanc de la montagne recouvrant la vaste le silence presque revenu : cavité souterraine, Williamson et ses com« Lui !... Lui !... Lui ! ! ! » pagnons n'en demeuraient pas moins dans Edmée se dégagea violemment de une situation, sinon immédiatement cril'étreinte fraternelle. Escaladant les pierres tique, du moins fort inquiétante. éboulées, elle alla à Williamson. Adossés à un bourrelet de roches volca« Venez ! niques infranchissables sans cordes, échelles — Lui!... Lui!!! et secours étranger, ils voyaient la vaste — Quelques secondes encore, et c'est cuve brusquement ouverte devant eux leur peut-être la mort ! fermer d'autre part la route. Force leur était — Fuyez!... Laissez-moi!... d'attendre là une aide bien aléatoire, — Ces vapeurs brûlantes et empestées... exposés à devenir victimes de quelque nouqui s'exhalent d'ici!... Malgré la trouée velle convulsion de la montagne. qui s'est, faite, elles envahissent la caverne... Leurs yeux agrandis par l'angoisse ne irrespirables !... pouvaient se détacher du cirque béant, — Fuyez ! d'où s'élevait une colonne de fumée tour à — Encore quelques instants, nous serons tour grise et jaunâtre, de laquelle Williamsuffoqués !... son voulait encore vaguement espérer que, —Ah ! fuyez, fuyez vite, miss Edmée !... par quelque miracle, allait émergèr le grand Moi je ne peux pas !... je rie peux pas !... vieillard si troublant, cause du cataclysme. Lui !... là !... Lui ! ! !... » Les vapeurs s'étant, au bout d'une heure

Reproduction et traduction réservées. Voir lus nos 702 à 724.


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d'anxiété, suffisamment raréfiées pour se laisser enfin pénétrer par le regard, ce ne fut pas « Old Sinker » qui apparut, mais un lac de boue épaisse, crevé çà et là de bouillonnements d'où fusaient des jets de fumée, et dont le trop-plein se déversait en une large rigole qui coulait au long du flanc de la montagne, détruisant au passage nombre de symétriques cultures rectangulaires. « Ce n'était pas une artère ou un organe, murmura tristement Rose-des-Neiges. Ce n'était qu'une tumeur ou un abcès. Le maître, en y perdant la vie, a voulu blesser mortellement le monstre... peut-être n'at-il fait que le soulager ! De son côté, Williamson, renonçant à son impossible espoir, soupira longuement. « C'est bien votre avis, demanda-t-il à Edmée et à son frère, que votre inégalable parent, que celui à qui je dois tout, est bien mort sous cette lie brûlante venue des profondeurs? — Il est mort ! » répondirent ensemble et gravement Edmée et Claude. Alors, le « Roi des Mines », d'une main qui tremblait, tira de sa poitrine le pli scellé, Il l'ouvrit. Il lut. Dès les premières lignes, il se dressa en poussant un cri étouffé et, tendant aux jeunes gens la grande lettre dépliée, il s'écria, avec des sanglots dans la voix : « Je l'avais pressenti et ne me trompais pas !... « Old Sinker » était mon père ! » L'enfant, jadis recueilli et élevé par les hommes de la garnison canadienne du fort William, c'était le dernier-né du noble Russe exilé Lobanief, ayant survécu par miracle à la catastrophe où tous les siens, sauf son père, avaient trouvé la mort. Et lorsque, jeune reporter, Williamson avait sauvé de l'Hudson et du désespoir l'auteur et l'apôtre d'une découverte ou d'une foi scientifique nouvelle, celui-ci avait reconnu son fils; mais, ne voulant pas qu'aucune douceur d'humanité le détournât de son âpre, fantastique et meurtrier vouloir, il avait résolu, tout en le comblant des plus grands bienfaits terrestres, de lui rester étranger, se réservant de l'appeler, soit au jour de l'expérience effroyable, soit à celui de la mort. Les deux s'étaient trouvés réunis ! Williamson, les yeux humides, se tourna vers Edmée. (' Mon père, dit-il, voulait me donner la maîtrise du monde par la connaissance de sa fin prochaine. La sûreté de la diminution progressive et constante de l'intensité vitale à la surface du globe était un élément de fortune plus grand encore que la découverte à coup sûr des richesses minières. « Erreur d'un génie... ou géniale démence, la terre, objet de sa haine, l'a englouti sans qu'il ait pu tenir sa promesse... Mais il a fait mieux pour moi. Le fait de son suprême appel a mis sur mon froid et égoïste chemin, a intimement mêlé à ma vie, pour m'apprendre à le connaître, l'ange descendu sur la terre sous les traits de la femme ! « Mon père ne m'a pas donné la maî-

trise du monde... Mais que sa grande ombre, qui plane ici au-dessus de sa tombe de Titan, soit heureuse : grâce à lui, par votre amour, Edmée, mon âme enfin éveillée communie dans le « Grand Secret du Monde » ! CHAPITRE XIV CONCLUSION

Pendant un long moment Williamson et Edmée, debout, côte à côte et les mains dans les mains, rêvèrent silencieusement, délicieusement et gravement, les regards perdus vers l'horizon que ne voilaient plus les fumées des boues souterraines déjà refroidissantes. Et Claude les contemplait fraternellement, tandis que «captain Furett», sous l'éloquence de son regard, faisait peu à peu s'envoler les ombres graves et tragiques des yeux noirs de Rose-des-Neiges. Tout à coup, au-dessus d'eux, une voix brusque et rauque s'écria : « Les voici !... Ils ont été surpris et retardés par cette subite éruption de boue. Nous arrivons à temps ! » Les six réfugiés levèrent la tête et, au haut du bourrelet de roches volcaniques, reconnurent Loëb, flanqué d'un Grégoire de Montalpé ayant recouvré toute sa suffisance et plus dandy que jamais, et accompagné de plusieurs autorités japonaises ainsi que du plus haut représentant de l' « Union » dans l'empire du « SoleilLevant ». « Vous arrivez trop tard, au contraire, pour rencontrer le noble et génial « Old Sinker » qui n'est plus, mais fort à temps pour moi, puisque vous avez eu la graciéuseté d'amener jusqu'ici les hauts représentants de cet Empire et de no tre République. « Vous plairait-il, gentlemen, de nous donner les moyens de sortir de la position où nous sommes et de vous rejoindre? » Des hommes amenés à dessein avec un outillage complet d'escalade eurent vite fait d'organiser la libération des six prisonniers de la montagne, qui furent accueillis avec les plus grands égards par les Japonais et le diplomate Yankee, avec une hostilité méfiante par Loëb et avec une faconde de méridional par de Montalpé à qui la nouvelle officielle de la mort du gêneur « Old Sinker » donnait des envies folles de danser de joie. « Fi ! leur dit-il, que c'est mal de laisser se morfondre tout seul le pauvre Grégoire à San-Francisco quand on file vers le beau pays du Japon !... Heureusement, ce digne M. Loëb n'avait pas tout à fait quitté la place; il a eu vent de la fugue et, ne doutant pas de son but, m'a délivré pour que nous venions ici mettre le holà, avec l'aide de ces puissants messieurs, mis en garde contre les catastrophes dont leur pays, du fait de qui vous savez, pouvait éventuellement devenir le théâtre. Alors... — Assez ! » interrompit Loëb, aussitôt obéi. Williamson alla au diplomate américain et, lui remettant l'enveloppe dont il avait, peu d'instants auparavant rompu le sceau :

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5

« Je dépose entre les mains du haut représentant des États-Unis ces papiers qui, dans les circonstances où ils m'ont été donnés, établissent le décès du noble barine russe Lobanief... mon père ! — Hein !... s'écria de Montalpé, qui avait des raisons pour ne pas se contenter de partager la surprise générale... Vous êtes le fils de... — Ces papiers l'établissent officiellement. — Mais alors... l'héritage? — Mille regrets, mon cher... parent. Mais aussi, pourquoi vous êtes-vous ingénié à si souvent contrarier les vues d'un... adversaire qui ne songeait qu'à vous débarrasser de moi? — Oh ! la gaffe !... la gaffe ! ! ! » Williamson, s'adressant à Loëb : « Nos voies étaient différentes, j'ose espérer que nous ne serons plus adversaires? — Well. Nous pourrons, à l'occasion, maintenant que nous avons fait connaissance, devenir même alliés, car je n'ai jamais été directement votre ennemi. — En fait d'alliance, ce n'est pas celle que, pour le moment, je désire, » répondit diplomatiquement le « Roi des Mines ». Il prit la main d'Edmée : « Gentlemen, proclama-t-il en s'inclinant à peine, le nouveau barine Lobanief, citoyen américain, a l'honneur de vous présenter sa fiancée, miss Edmée Rolland, de Paris. » Cette fois, l'infortuné Grégoire crut s'évanouir de stupeur et de jalousie. Aussi pâle que son immaculé plastron, il resta bouche bée, sans pouvoir articuler un mot. Lobanief-Williamson poursuivit, s'adressant de nouveau au diplomate : « Dès que nous serons rentrés à Tokio, j'aurai l'honneur de vous prier de vouloir bien nous unir, conformément à la loi. Mon deuil s'opposant à toute cérémonie, nous procéderons à la simple formalité civile, les autres auront lieu, au gré de mistress Lobanief, à New-York ou à Paris. Je prie les autorités japonaises, dont l'accueil a été si pompeusement gracieux à mon arrivée, de vouloir bien, pour la même raison, me permettre de traverser Tokio et Yokohama incognito pour me rendre à mon bord... « Ah !... N'oublions pas, dans le bonheur personnel, le bonheur d'autrui. Je désire que, en même temps que notre union, à miss Rolland et à moi, soit scellée celle du brave marin que voici, auquel je maintiens à vie le titre et les émoluments de « captain », avec miss Rose-des-Neiges, que je dote de deux cent mille dollars. » Enfin, Grégoire de Montalpé put, à travers sa gorge serrée et obstruée de larmes, lancer ce cri de désespoir : « Et... Et... Et... Moi? Que... Que... Que vais-je devenir? » Avec une politesse hautainement exasgérée et froide, Lobanief-Williamson lui répondit : « Votre présence ici, monsieur mon cousin de Montalpé, prouve que vous avez un goût prononcé pour les lointains


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JOURNAL DES VOYAGES

voyages. Voyons, mon cher futur beauLes traits de Claude exprimèrent un si diaire du « catholic priest » qui m'a rendu frère et directeur général de mes mines, service à New-York, —et qui aura, pour la prodigieux ébahissement que son milliarest-ce que nous ne pourrions pas lui troudaire beau-frère, qui le regardait du coin de peine, une vraie cathédrale, — j ai fait ver une exploration à faire ou une rési- l'œil, éclata de rire... car il riait, mainte- improviser et câbler une critique des prodence.... quelque part? nant ! cédés français d'administration coloniale par un très adroit — Une résidence, journaliste humorisplutôt... Je m'en tique américain... charge. — Et c'est une — Où cela? gémit fantaisie faite de chic le dandy déconfit. qui a?... — A... Madagas— Culbuté un micar ! » nistre pour en consaCe fut la seule ven. crer un autre. Ne geance de Claude soyez pas si surpris. Rolland à l'égard de Grégoire de MontalEn France, on croit si facilement ce qui pé. n'est pas sérieux, surUne dernière stupéfaction était résertout quand on y sent vée, non plus à l'inla marque étrangère ! fortuné Grégoire, le ne vous conseille pas de me quitter mais à Claude. pour suivre le sénaEn arrivant à Santeur : un homme de Francisco, il trouva valeur, de savoir et une dépêche de Frande franchise comme ce adressée à Newvous ferait un poliYork et venue par ticien déplorable et poste au port calidéconsidéré au prefornien, en raison de mier mot. la notoriété du se« Vous restez avec cond nom contenu moi, hein? » dans l'adresse : LE MEURTRIER DU GLOBE En riant de bon M. Rolland aux soins Un lac de boue épaisse apparut, crevé çà et là de bouillonnements d'où fusaient des jets de fumée. cœur, les deux beaux(P. 355, col. 1.) de M. Williamson, frères se serrèrent Roi des Mines. fortement la main. « Mais... je n'ai pas pu envoyer mon traG. DE WAII.LY. Claude l'ouvrit et lut : FIN «Chauds mercis. Réquisitoire envoyé vail, puisque je ne l'ai pas refait après le naufrage ! Les numéros 702 à 725 contenant les récits complets parfait. Effets de tribune foudroyants. — Mon cher Claude, il a été reçu tout de jusqu'à ce jour du Mystère de Finch Lane, Dans la Peau Ministère tué net. Suis ministre. Si polid'un singe et du Meurtrier du Globe qui prend tin dan- ce même. tique vous tente revenez vite. Vous garde numéro, seront envoyés franco contre la somme de — Mon travail? situation chef de cabinet. 3 fr. 60, adressée en mandat-poste au Journal des Voyages, — Pas tout à fait. Grâce à l'intermé DUPEYROUX. » 146, rue Montmartre, Paris (2 ) « e

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