Réponse à la lettre de M. Bergasse à ses commettans sur les assignats

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RÉPONSE. A LA LETTRE DEM. BERGASSE A SES COMMETTANS SUR

LES

ASSIGNATS.

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RÉPONSE A LA LETTRE DE M. BERGASSE

A SES COMMETTANS SUR LES

ASSIGNATS,

PAR

des Membres d'un des Clubs Patriotiques du Havre, imprimée par Délibération de cette Société.

1790. MANIOC.org Médiathèque Michel-Crépeau

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AVERTISSEMENT. CETTE Réponseest lerésultatdesconversations qu'ont fait naître, dans un des Clubs du Havre, les protestations de M. Bergasse, contre le Decret des Assignats. Elle étoit soumise à l'examen des Commissaires de cette Société, avant que la Chronique de Paris , du 31 Mai, eût annoncé la réfutation de MM. Cérutti & Claviere, intitulée :

Idées simples fur les Assignats , le Papier Monnoie, &c. Les Rédacteurs de la Réponfe à M. Bergaffe n'ont pas, fans doute, la prétention d'avoir atteint la perfection de l'ouvrage (1) de ces Ecrivains célèbres & estimables. Ils en ont fait l'observation, qui auroit dû rendre leur travail inutile. La Société n'en a pas moins décidé de la faire imprimer à ses frais, afin d'opposer

(1) Cet Ouvrage n'est point encore connu au Havre. A2


(6) la masse de confiance & d'opinion d'une Ville de Commerce , aux objections de M. Bergasse. Ce travail n'a pas eu d'autre intention ; il ne peut avoir d'autre mérite. Les Rédacteurs n ont fait que rendre la manière de penser d'une Société & d'une Ville entière, qu'animent les plus purs sentimens du patriotisme.


Havre, le 1.er Juin 1790.

MONSIEUR, NOUS venons de lire la protestation que vous avez publiée contre les Assignats , & la lettre à vos Commettans, qui en est le dévelopement. Nous avons de la peine à concevoir l'elpèce de délire qui vous tourmente. Comment avez-vous pu vous perfuader que la vérité chassée, méconnue des têtes Françoises, s'étoit réfugiée dans la vôtre , qu'elle dictoit ses arrêts par vos écrits, & que seul vous aviez raifon contre tous ? Quels font les miracles qui prouvent votre million ? Quels chefs-d'œuvre avez-vous publiés ? A quels lignes a-t-on pu reconnoître en vous un de ces génies privilégiés, créés pour éclairer la terre? Hélas ! ces titres , nous les cherchons envain. A l'instant où l'on commence à s'appercevoir que vous existez, vous devez une malheureufe célébrité à un procès criminel devenu trop fameux. Au lieu de faits, de témoins, de preuves, votre imagination compofe un Roman. Rien ne vous arrête , la malignité vous croit fur parole. La probité la plus austere fe laisse entraîner. Vos succès font complets S Enfin, un Julie Arrêt vous condamne. Vous n'êtes plus aux yeux de l'Europe , qu'un Ecrivain qui s'est envelopé de tous les prestiges

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(8) de la Vertu ; de la morale, de l'éloquence , pour immoler la réputation d'une femme plus foible, plus malheureuse , que coupable. Comment avez-vous justifié le choix de vos Commettans, qui vous ont nommé leur Représentant aux Etats-Généraux ? Par votre opposition confiante aux principes de la majorité. Voilà, Moniteur , ce qu'un examen rapide de votre existence, depuis quelques années , nous a fait remarquer; & ce seroit vous, qui pourriez avoir l'orgueilleuse prétention de guider d'éclairer, de dominer l'opinion ? C'est vous, qui gonflé de la vanité la moins fondée, venez aujourd'hui protester contre les Décrets de l'Assemblée Nationale. C'efl vous qui opposez votre nom, qui ne voulez pas prêter un serment, que 24. millions d'hommes ont prêté avec tranfport ! C'efl enfin vous qui cherchez à discréditer une opération sollicitée par l'expérience , par les lumières des Banquiers , des Négocians du Royaume , commandée par l'impérieufe nécessité , & decrétée avec une prudence, qui devoit impofer filence , même à la haine la plus incurable. Tous vos efforts, Monsieur, font inutiles ; les Assignats triompheront des traits que vous leur avez lancés. Vous n'altérerez pas la confiance qu'ils ont infpirée.Un plaidoyer dont l'humeur, l'ignorance & l'exagération, compofent l'enfemble & les feules preuves, nuit toujours à la caufe qu'il défend. Il est tems de vous démontrer la sagesse,


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les avantages, & la nécessité du Decret sur les Assignats. Lorfque l'Assemblée Nationale s'est occupée de régénérer les Finances, elle a dû détruire l'ufage ruineux des anticipations , & n'en payer pas moins , de mois en mois, les dépenses courantes ; il a bien fallu , pour que le service ne manquât pas, pour remplir l'arriéré , qui s'élève à des sommes connues , avoir recours à d'autres ressources. Dans un tems ordinaire, de nouveaux emprunts auroient peut-être fait face à tout ; mais l'abus successif & multiplié des anciens emprunts, venant à fe renouveller, a paru, avec raifon , ne devoir fervir qu'à accroître les besoins, fans remédier à rien. La confiance étoit épuisée ; le défaut de récolte exigeoit des fecours extraordinaires & particuliers ; une fermentation naturelle à un Peuple incertain du fuccès de fes espérances, des infurrections justifiées par cette incertitude, par la malveillance, les oppositions , les obstacles apportés à la Constitution, qui doit assurer les principes de fa liberté , ont interrompu, dans toutes les Provinces , la perception des impôts directs & indirects. Il étoit impoissible de parer aux maux qui, dans cette position, nous menaçoient, fans la sagesse de l'Assemblée Nationale. Elle a decrété qu'il seroit vendu pour quatre cents millions de Biens Nationaux, & que le produit de cette vente feroit fourni au Tréfor public en Assignats qui auront force de monnoie. Ils seront reçus de préférence A 4


(10) en paiement des Biens, dont la vente eft déterminée , ils porteront l'intérêt de trois pour cent, & ils feront anéantis à fur & mesure que la vente de ces Biens s'opérera. Tout eft combiné de manière que ces Biens foient portés à toute leur valeur, & que l'émission des Assignats ne soit à charge, ni aux Particuliers , ni à l'intérêt général. C'eft donc, fous tous les rapports , la meilleure opération, dont l'état de nos Finances foit susceptible. Vous prétendez, Monsieur, que les Assignats ressemblent aux Bidets de Law ; vous allez plus loin , vous donnez la préférence à ces derniers, parce qu'ils étoient hypothéqués fur les revenus publics , tandis que les autres ne le font que fur des Biens spoliés. Les billets de Law n'ont abfolument rien de commun avec les Assignats. Ou vous ne connoissez pas les bafes du trop fameux systême, ou votre imagination les a tronquées. Dans l'un ou l'autre cas , pourra-t-on fe figurer l'assurance avec laquelle vous présentez le plus perfide & le plus faux des parallèles. Les Billets de Banque n'avoient aucune hypothèque. Vous les confondez avec les actions de la Compagnie d'Occident, à laquelle furent réellement réunies un infiant toutes les Fermes, Régies & autres revenus du Royaume, non comme hypothèque, mais comme pouvant compofer une partie des bénéfices dividentiels des actions. Supposons, d'après vous , que les revenus publics servoient d'hypothèque à l'acquit des


(11) Billets de Banque. Est-il possible que vous n'ayez pas senti que plus cette hypothèque étoit indéfinie, plus elle devenoit illusoire? En effet, les revenus publics font destinés aux dépenses ordinaires de l'Etat, qu'aucun pouvoir ne peut ni suspendre, ni aliéner. D'un autre côté, les bénéfices des Compagnies des Indes, les Trésors quedevoient rendre les établissemens du Mississipi, étoient des chimeres , dont Law avoit bercé la crédulité des Actionnaires ; mais encore une fois, ces bases dérifoires de bénéfices , loin de fervir d'hypothèque aux billets de Banque , leur étoient tout-à-fait étrangères. Suppofons à présent qu'il eût été offert une hypothèque quelconque à ces Billets, eût-elle jamais préfenté la moindre folidité ? ce qui les rendoit par-dessus tout dangereux, c'est que l'adminiffration n avoit aucune fiabilité , que les Ministres pouvoient tout, qu'ils devoient tôt ou tard abuser de ces Billets. La position actuelle est-elle la même ? Avezvous été de bonne foi lorfque vous l'avez comparée au tems de la régence ? Ce n'est plus un Ministre qui crée les Assignats , c'est la Nation. Les voilà garantis par la morale d'un Peuple généreux, qui a repoussé, avec horreur , l'idée de manquer à des engagemens , contractés par une fuite inouïe de déprédations. Les Affignats mériteraient toute confiance, quand ils n'auraient d'autre garantie que cette morale publique ; mais, indépendamment de tous les revenus Nationaux, ils offrent encore une hypothèque


(12) physique & spéciale ; ce font les Biens du Clergé & des Domaines, Ces propriétés Nationales ferviront à les acquitter , rien ne peut les faire disparoître, ni changer leur destination. Parce que Law mit en circulation pour deux ou crois milliards de papier monnoie, en moins de quinze mois, vous en concluez que l'Assemblée Nationale en fera autant. Il et possible qu'elle augmente la malle des Assignats ; mais elle ne s'y décidera jamais qu'en connoissance de cause , que dans une proportion relative à la valeur des objets qui seroient désignés par leur estimation, & dans une proportion relative à l'emploi qui peut s'en faire, fans arrêter la circulation ordinaire. Un Ministre peut sacrifier l'Etat à fes vues, à fes intérêts , à fes pallions. Les Représentans de la Nation ne peuvent agir que pour fon plus grand avantage. S'il est quelques Individus, dans une nombreuse Assemblée, capables d'oublier leurs devoirs, ils font bien vite dévoilés ; ils cessent alors d'être dangereux. Nous ne pouvons donc partager les terreurs que vous cherchez à nous inspirer. En raisonnant comme vous le faites Monsieur , il n'est rien au monde qu'on ne puisse attaquer & détruire. Tous les liens de la société feroient rompus, si, fur quatre-vingtdix-neuf probabilités pour le bien , contre une pour le mal, cette dernière probabilité entraînoit l'opinion. Vous dites, Monsieur, que l'Assemblée Nationale n'a pu dépouiller le Clergé de ses biens , vous


(13) nous prédisez qu'une autre Législature changera le Decret, rendra au Clergé ses biens, & ruinera les acquéreurs assez imprudens pour avoir eu confiance en ce Decret. Nous ne vous répéterons point les Discours des Orateurs qui ont approfondi les droits de la Nation fur les biens du Clergé. Cette question a été long-temps débattue avant que le Decret ait été prononcé. La décision de la majorité de l''Assemblée Nationale, & la sanction donnée au Decret par la Fi ance entière, ne font d'aucun poids pour vous. Nous vous invitons à lire en entier, pour votre conversion, une brochure estimable qui a pour titre : Le Decret de l'Assemblée Nationale sur les biens du Clergé , considéré dans son rapport avec la nature & les loix de l'institution Ecclésiastique, par M. l'Abbé L.... 1790. Chez Mérigot le jeune, Libraire , sur le Quai des Augustins, n.°38. Vous y trouverez démontré que l'Eglise est, de droit divin , inhabile à posséder des fonds en propriété ; que c'est, pour une institution essentiellement spirituelle & religieufe, une dégénération aussi choquante de s'attribuer le domaine d'un champ, que fi l'institution civile s'approprioit la dispensation des biens célestes ; que rien de temporel ne peut être mis entre les mains de l'Ordre Ecclésiastique, qu'à titre de dépôt, de falaire ou d'aumônes. Vous y verrez qu'il n'y a point de parts facerdotales dans un pays où toutes les parts ont été faites avant que le ministère facerdotal vînt s'y établir ; que toutes les résignations, les dotations Ecclésiastiques, ne font


(14) autre , choie que des résignations faites à la Nation; que ce font des dons faits à l'Etat pour l'Eglise , & non des biens donnés à l'Eglise ; que tout Fondateur n'a pu donner à l'Eglifè que selon la loi, qu'en fubordonnant fes dispositions aux règles éternelles de la justice & de la vérité , & qu'aucune disposition n'a pu changer, en faveur de l'Eglise, fa Constitution qui la rend inhabile, à un mode de posséder qui est contre la nature. Vous y verrez, enfin, qu'une expérience de dix-sept siècles a prouvé que les richesses (1), dans le Clergé, anéantissent toute la force du ministère Evangélique, & perdent entièrement la Religion. Voilà, Moniteur, des principes qui tiennent à la nature des choses, aussi bien qu'aux

(1) Il s'en faut bien que toutes les sources de ces richesses foient pures, & que le Clergé puisse les justifier. Comment a-t-il été inverti de la plupart de fes prétendues propriétés? Par ses ruses, par ses contes pieux, par l'abus des prédictions de la fin du monde ; par son ascendant fur l'esprit des Rois, des Grands, des Communautés , des Dévots abusés, des Ames timorées, sans cesse effrayées par l'image d'un Dieu terrible. Comment a-t-il été inverti ? Souvent par de grands scélérats, qui devoient leurs biens aux vols, au brigandage ; & qui, en en donnant une partie au Clergé, croyoient, d'après fes prédications , pouvoir conferver le rerte sans remords. Voilà ce qu'une tradition & des chartes authentiques nous ont confervé de l'origine des Biens du Clergé. Comment ont-ils été distribués entre les Ministres


(15) élémens de la Religion-, vos idées, ainsi que celles de quelques théologiens, ne peuvent les altérer. Il résulte de ces principes que le Decret de l'Assemblée Nationale, qui rend à la Nation fes droits fur les biens du Clergé, eft un Decret juste, moral & conforme à toutes les loix de cette équité naturelle, dont un Législateur ne doit jemais s'écarter. Il en réfulte encore que l'hypothèque des Assignats fur ces biens eft de toute solidité, & qu'aucune Législature ne troublera ceux qui les auront acquis. Ces Législatures , feront composées non de vos disciples , mais des personnes, qui assurément ne penferont pas à rendre aux Abbés Commendataires & autres Membres tout-à-fait inutiles à l'Eglise , des biens qui feront occupés par leurs Concitoyens, fur la foi d'un

des Autels ? La distinction la plus humiliante s'est

d'abord établie entr'eux de Haut & Bas Clergé. Le premier étalant par- tout un luxe scandaleux , tour-à-fait inutile à la Religion qu'il déshonoroit, réunissoit, accaparoit fans travaux Apostoliques, tous les Bénéfices d'un immense revenu. Le second , simple, modeste , édifiant les fidèles par fes vertus, instruisant autant par fes œuvres que par fes paroles, avoir à peine le néceffaire. Combien ce tableau eft loin de la pureté Evangélique, qui par-tout recommande le mépris des richesses, la fraternité, la touchante égalité. L'Assemblée Nationale s'eft pénétrée de; faintes maximes du premier des Législateurs ; & en décretant que les Biens du Clergé font à la disposition de la Nation, elle le ramenera à sa pureté primitive.


(16) Decret solemnel. C'est encore ici le cas de se décider fur l'affirmative, & d'adopter dix mille probabilités contre une. Vous assurez, Monsieur, que les biens du Clergé ne subviendront pas aux charges dont ils font grevés , & qu'on ne peut, en les aliénant, les délivrer de leurs charges, fans mettre sur la Nation un impôt énorme de 130 millions, pour Jubvenir aux frais du Culte. Vous ajoutez qu'il restera en outre à pourvoir aux besoins des pauvres. Nous pensons, avec le Comité Ecclésiastique de l'Assemblée Nationale, que ces charges, ce hypothèques, dont on publie par-tout que les biens du Clergé font grevés, font moins considérables que vous ne prenez plaisir à le publier, & que toutes les dettes payées, il reliera au moins 12 à 1500 millions dont la Nation pourra disposer. Les capitaux de ces dettes, les intérêts sont connus. Nous ne nous sommes pas apperçus que, pour les acquitter, le haut Clergé ait rien pris jusqu'ici fur fes revenus, rien diminué de fes jouissances Se de fon luxe. Si ces biens étoient grevés au point qu'on cherche à le persuader, le Clergé mettroit-il tant d'importance à les conserver ? Auroit-il offert d'ajouter 400 millions à cette dette, pour en conferver le surplus ? Cette offre n'est-elle pas une preuve des abondantes resources que la Nation trouvera dans ces biens, apres avoir prélevé la dépense du Culte? La Nation pourra-t-elle moins en les gérant par l'élite des Citoyens qui composent les Assemblées Administratives, que le Clergé n'auroit pu lui-même? Le doute


(17) que vous élevez, a cet égard, eit une injure gratuite. Dans tous les tems, même sous le règne de l'arbitraire, les administrations civiques ont été recommandables par la pureté , le désintéressement , l'exactitude de leur gestion , elles rempliront encore leur devoir avec plus d'émulation. Notre confiance, nos espérances ne feront pas trompées ; elles ne peuvent l'être , la sagesse des Decrets y a pourvu. Vous estimez, Monsieur, à 130 millions les frais du Culte ; permettez que nous ayons plus de foi dans la fixation qui fera decrétée par l'Assemblée Nationale. D'ici-là, nous pouvons douter de la vôtre. Pour fubvenir à ces frais, vous ne parlez pas des moyens que donne la suppression des dîmes. — Cet impôt, le plus onéreux de tous, ne rendoit pas au Clergé qui le percevoir le cinquième du revenu des terres du Royaume, parce qu'il falloit prélever les bénéfices du fermier, & les frais de l'exploitation ; mais le malheureux culcivateur n'en payoit pas moins ce cinquième net dans les bonnes terres, & plus du cinquième dans les mauvaifes. Croyez-vous que, fachant calculer, il puisse se refuser à payer l'impofition que l'entretien du Culte exigera? Il faura très-bien que cette impofition, s'élevât-elle à 130 millions, (ce qui n'arivera pas d'après une fage combinaifon des falaires Ecclésiastiques ) il paiera peut-être la moitié moins qu'il ne payoit par la dîme., dont la remise lui est faite.


(18) Quant aux pauvres, il faudrait démontrer que c'eft le Clergé qui les a nourris, secourus, consolés, pour être autorifé à dire qu'ils deviendront une nouvelle charge pour le Peuple (1) C'eft , Moniteur, ce que vous n'avez pas fait, car vous (avez très-bien que le soulagement des pauvres étoit, à quelque exception près, étranger au Clergé. La charité n'entrait point dans des cœurs dont les plaisirs, les commodités , les vanités du siècle s'étoient emparés. Cette vertu célefte s'étoit exilée fous l'humble toit du Presbytère; c'est-là que nous avons vu de respectables Pafteurs, partager leur fobre potage avec le pauvre, & le renvoyer avec des aumônes. Ce n'eft donc pas feulement de cette source, que les pauvres reçoivent leur subsistance. Elle eft partagée par cette classe nombreuse de profanes, de mécréans, de phylantropes, qui ne font pas chrétiens , parce qu'ils ofent applaudir à laspoliation du Clergé; les pauvres ne fe font pas mal trouvés de ce partage, il n'eft pas venu à notre connoissance qu'il en soit mort un seul, faute de fecours ; la fociété continuera les mêmes foins dont elle s'eft chargée jusqu'ici. Si un autre ordre de chofes s'établit, s'il eft possible d'améliorer le fort des pauvres par un impôt, ce ne sera pas une charge nouvelle, ce ne fera que l'équivalent de ce qui se donnoit volontairement.

(1) Voyez la lettre du Laboureur des environs d'Alençon, chez Faure, au Havre.

Nous


(19) le numéraire : de-là leur déchaînement contre les assignats, leurs efforts pour les discréditer, tentatives inutiles qui tourneront toujours à leur honte ! Le patriotifme n'en est que plus disposé à les protéger, à les accueillir, à les recevoir avec confiance, & le patriotifme est plus fort & plus fûr de triompher, que la trille malveillance. Vous réunissez toutes vos forces, Monsieur, pour porter le grand coup ; c'est selon, vous, le coup de massue ; les assignats ne fe releveront pas de votre démonstration, ils auroient pu fe jouer de l'hypothèque, de la folidité que vous leur contestez, vous les livrez à tous les sauffaires. Le moyen d'y résister ? Non, on ne me démontrera pas, vous écriez-vous, qu'il est impossible de contrefaire les aflignats. Oui, Monfieur, on ne vous le démontrera pas plus, que l'impossibilité de contrefaire toutes les monnoies de l'Europe, les papiers publics qui y circulent, les lettres-de-change, les billets de banque d'Angleterre,&c. tout cela peut être, a pu, dans tous les tems, être contrefait ; on ne s'est pas pour cela corrigé de frapper monnoie, les papiers publics ont circulé-, tout le commerce du monde fait ufage chaque année de plusieurs milliards de lettres-dechange. Les billets de banque sont, en Angleterre, le ligne de toutes les richesses, & malheur à vous, fi vous aviez ofez écrire dans ce pays contre ces billets, comme vous venez de le faire contre les aflignats (1). (1) Il y a quelques années qu'on n'avoit pas, en

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(20) Rien de plus puéril, Monsieur, que votre étalage de falsification; on ne peut y répondre sérieusement. Vous auriez tout aussi bien prouvé qu'il ne faut pas marcher, parce qu'en marchant, on fe donne une entorfe, manger, crainte d'une indigestion, ou d'être empoisonné, négocier parce qu'il y a desfrippons & des banqueroutiers, naviguer enfin, parce qu'on fait naufrage : on a une bien foible opinion des autres, quand on se permet de raifonner ainsi. Laissez faire le clairvoyant intérêt personnel, même des Basques, des bas-Bretons, & ils ne feront pas plus dupés par de faux assignats, s'ils font jamais dans le cas d'en recevoir, ( parce que le moindre est de 200 liv.) qu'ils ne peuvent l'être par un écu, ou un louis faux. Croyez, Moniteur, que la surveillance publique & particulière se réuniront contre les falsificateurs. des Assignats. Ils n'auront pas plus de succès, que n'en ont eu jusqu'ici les faux monnoyeurs, les contrefacteurs des billets de la Caille d'Escompte, & la Police veillera fans celle ; par tout on trouvera le type de comparaifon, de vérification. Il fera envoyé à toutes les Municipalités du Royaume, avec les originaux des signatures, des Préposés, que l'Administration chargera de cette fonction.

Suède, d'autre monnoie que du papier & du cuivre; aujourd'hui le papier y circule encore préférablement à l'argent. C'est à-peu-près la même chose en Danemarck ; cependant les billets n'y portent point d'intérêts , & l'on ne paroît point avoir pris de précautions extraordinaires contre les falsifications.


(21) La vérification fera rapide & infaillible, on ne prendra des Affignats en paiement que des personnes connues, ou qui se feront connoître : quiconque négligeroit de prendre ses sûretés, ne pourroit le plaindre d'avoir été trompé.—En partant de Paris, indépendamment des fignatures inhérentes aux Assignats, n'est-il pas possible qu'ils foient endoflés par les Banquiers, Négocians & autres, qui les enverront à leurs amis en province? Quelques fignatures suffiront pour attester qu'ils font de bon alloi, fur-tout quand elles feront de celles qui font généralement connues dans les villes de commerce. — Je vous suppose, par exemple, dans un coin du Royaume*, on vous y préfenteroit un Affignat endossé , figné Korneman , vous n'exigeriez pas sans doute que celui qui vous le remettroit, y ajoutât sa fignature. Les Affignats ne présenteront donc pas les endossements multipliés, qu'exigent les lettres-de- change. Enfin le fervice des postes ne peut-il être fait en France aussi sûrement qu'en Angleterre ? Les porteurs de malles n'y font pas volés : ne peut-on pas couper les Affignats, & envoyer comme en Angleterre, la moitié par un Courier, & l'autre moitié quand on a reçu l'avis, que le premier envoi est arrivé? Le danger de la poste est fi peu effrayant, que les billets de la banque d'Angleterre, circulent chez tous les peuples commerçants. Vous pouvez croire, Monsieur, que nous avons quelques connoissances du commerce & de nos relations avec les Colonies. Eh-bien !


(22) nous femmes loin de penfer comme vous fur les effets des Assignats, fur tout ce qui touche à ce commerce. Quelquefois nous recevons de l'argent des Colonies, jamais nous ne leur en envoyons. Le Colon qui vend des denrées en France, les convertit en marchandises ; cette conversion ne fe fait pas feulement en argent, elle fe fait en lettres-de-change. Que ces lettres foient payées en argent ou en Assignats, le Colon doit peu s'en inquiéter ; cela ne change rien à fes négociations. Ou il paye fes dettes, ou il trouve pour fes denrées les objets qui conviennent à fes besoins, à fes confommations. Nous devons beaucoup à l'étranger, remarquezvous judicieusement; chez lui , il ne recevra pas nos Assignats , chez nous il les convertira en argent , & d'une manière comme de l'autre l'argent fortira. Puissamment raisonné ! réflexion très-juste ! & cependant, Monfleur, qui ne signifie encore rien dans votre systême. Les Assignats ne peuvent qu'améliorer nos relations avec l'étranger. Ici notre expérience est encore fupérieure à la vôtre. Ce ne font pas les Aflignats qui ont occasionné notre dette avec l'Etranger. Si nous n'euflions pas eu d'Assignats, foit libres, soit forcés, comme vous voudrez, il auroit fallu également donner de l'argent pour nous acquitter. Vous ne pouvez imputer aux Aflignats un malheur de circonstance auquel ils n'apportent aucun changement, à moins que vous ne nous démontriez que, sans les Assignats,


(23) on auroit pu payer les Etrangers fans argent. Nous vous promettons de vous regarder comme un grand homme, de croire au magnétifme, même de regretter votre Sénat, si vous nous donnez cette démonstration. Nous avons bien cherché, Monfieur, en quoi pouvoient consister les avantages des Aflignats libres , plutôt que des Aflignats forcés ; nous sommes fans doute si bornés, que nous ne les avons pas trouvés. Nous avons bien vu, qu'on pouvoit employer contre les premiers les excellentes objections que vous faites contre les derniers, défaut d'hypothèque, falsification, spoliation, &c. &c. (1) Nous avons bien vu que fans les gens mal-intentionnés, les Assignats font fi solidement hypothéqués, que leur forcement n'eût pas été nécessaire, & qu'on s'en fûr difputé la possession ; mais dans une grande fociété comme la nôtre, au milieu des bénédictions de la coalition, dont vous ne paroissez pas vous douter, tout doit être forcé, afin que tout foit égal, tout, jusqu'aux Contributions Patriotiques, jufqu'aux aumônes, &c. &c. &c. afin que les bons Citoyens ne restent pas seuls fous le poids des charges publiques & des efforts de leur patriotifme. C'en est assez : nous ne devons pas répondre, Monsieur, à tout ce qui est étranger aux Assignats. Peut-être avons-nous même donné (1) Spoliation. Nous laissons ce mot ; car , si l'Assemblée Nationale eût pris les 400 millions offerts par le Clergé , suivant votre plan, nos Seigneurs & leurs échos auraient de même crié aux voleurs.


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trop d'importance a un ouvrage bien mieux réfuté , par l'empressement général à recevoir les Assignats, que par les meilleurs raisonnemens. C'est envain que vous cherchez à ramener l'opinion publique, qui juge avec févérité vos protestations, qui les proscrit comme contraires au respect, à la soumission que tout Citoyen doit à la Nation, à la Loi, & au Roi. Ne vous dissimulez pas que vos proteflations auroient occasionné de grand maux, si elles avoient été accueillies, imitées-, & fi chaque individu e croyoit la liberté d'user d'un veto , contre les decrets de la majorité , concevezvous le désordre, l'anarchie qui en résulteroient. Combien nous regrettons l'abus que vous avez fait d'un fuperbe talent! quels services vous auriez pu rendre à la Patrie ! Ah ! croyez qu'il est pénible de blâmer, de combattre un homme qu'il eût été doux d'estimer, dont nous aurions voulu justifier au moins les intentions-, mais vous nous avez forcé de croire, de dire, qu'elles paroissoient encore plus coupables que dangereuses. Nous avons l'honneur d'être, MONSIEUR,

Vos très - humbles & très - obéissans Serviteurs Les Membres de l'un des Clubs Patriotiques du - Havre. CHASLON,

Secrétaire.


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EXTRAIT

Des Délibérations du Club Patriotique du Havre. Du 4 Juin 1790.

L'ASSEMBLÉE duement convoquée en la

manière accoutumée , ouï le rapport des Commissaires par elle nommés par sa Délibération du premier de ce mois confidéranc que la Réponse faite à la protestation de M. Bergasse, contre les Assignats, & à la lettre à fes Commettans, eft propre à affermir la confiance qui est dûe aux Assignats, à étendre & propager cette confiance, à dissiper les illusions de ceux qui auraient pu concevoir des inquiétudes , autorise les Auteurs Membres de la Société à faire imprimer cette Réponfe à fes frais & à y annexer la préfente Délibération. Fait lefdits jour & an que dessus. CoLLATIONNÉ par nous Président & Secrétaire de la Société, au Havre, le six Juin mil sept cent quatre-vingt-dix. CHEVREMOND, En l'absence du Président.

MOROGEAU, Trésorier , faisant fonction de Secrétaire. De l'Imprimerie des Bâtimens du

ROI.










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