A Vande Weyer (1830, Louis de Potter)

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LOUIS JOSEPH ANTOINE DE POTTER LETTRE DE M. DE POTTER M. SYLVAIN VAN DE WEYER . PBECEDÉE D'ON AVANT - PROPOS DE L'ÉDITEUR . Prisc 25 cents: AU PROFIT DES DÉTENUS POUR DETTES AUX PETITS - CARMES . Bruxelles. IMPRIMERIE DE J.-F. DE GREÉF- LADURON , A LA LIBRAIRIE BELGE, RUE DES PIERRES, Nº 46. 1830

Certes, pour qui sait réfléchir, elles sont fé condes en hauts enseignements, les six semai nes qui viennent de s'écouler ; et pour quiconque porte une ame d'homme et de citoyen, il y a là de quoi s'émouvoir et s'indigner ! Certes , jamais homme au monde ne s'est

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AVANT - PROPOS DE L'ÉDITEUR .

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LA lettre de M. De Potter, que je publie au jourd'hui, un'a été adressée deuxjours après la décision de la chambre des mises en accusation . La position dans laquelle il se trouve, la grave accusation qui pèse sur sa tête, et dont il n'aura pas de peine à se laver devant la justice ; celle plusgrave peut-être,quoiquetoutemorale,qu'on a cherché à lui intenter devant un autre tribu nal , dont les décisions importent bien plus à son honneur; mon amitié à laquelle il fait un appel, et qui ne lui manquera pas plus dans cette cir constance que dans toutes les autres, quoi qu'on ait pu dire; tout enfin mefait un devoir de ren dre publiques ces lignes, tracées sans colère et sans amertume, du fond d'une prison , et où brillentune franchise rare, une bonne-foi et une sincérité parfaite.

IT AVANT - PROPOS

trouvé dans une position pareille à celle où se trouve M. De Potter. Elle est neuve; elle est unique.

Une correspondance, qu'il entretient avecun deses amis absent, est saisie dans sa prison; et bientôt elle absorbetoute l'attention du magistrat qui l'interroge;etbientôtM. De Potterse voit in terpellé, sommé de rendre compte de ses pen sées,desessentiments, d'expliquersesrelations, de justifier ses confidences d'homme et de ci toyen , de dire pourquoi sa raison a jugé , son coeur a senti ,son intelligence a pensé. Toute sa vie privée , en effet, se déroule , m'a-t-il-dit , dans cette correspondance ; ses affections, ses affaires domestiques , ses qualités , ses défauts , tout ce qu'il y a de plus secret, de plus intime au fond de l'ame humaine, tout ce qu'on ne confie qu'à unsecond soi-même,etce quireste d'ordinaire entre l'homme et Dieu, y est versé dans le sein de l'ami auquelil écrivait : ortout > >

Séquestré tout-à-coup de toute communica tion avec ses parents et ses amis, on élève contre lui, qui esten prison, et à l'occasion d'un arti cle publié dans deux journaux, une accusation de complot, de trame secrète contrela sûreté de l'Etat. Ce n'est pas là ce que je donne comme étrange : les fastes judiciaires offrent plus d'unexemple d'accusationsplusbizarresencore.

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DE L'ÉDITEUR . celadevient l'objet de nombreux interrogatoires. Ce n'est pas encore là ce qui est étrangeet nou veau : le despotisme de l'ancien régime ne nous a que trop familiarisés avec ces formes de pro cédure : le Cole pénal de Bonaparte violait le sanctuaire de la conscience avec autant d'indif: férence et de légèreté et aussi peu de remords qu'il en mettait lui-même à jeternos enfans de vant la bouche d'un canon . Mais tout -à -coup , et comme å un signal donné , ces pensées , ces confidences, ces com munications intimes, celte propriété sacrée de deuxamis, sortent du secret où elles devaient rester ensevelies, débordent commeun torrent, et tombent avec fracas au milieu d'un public. dont la curiosité est d'autant plus vivement ex citée, qu'il prend plus d'intérêt à celui qui en estl'objet. Les bruits les plus étranges, appuyés apparencededétailsetdecirconstancesquileurdonnentunedevérité,serépandentaveclarapi dité de l'éclair. On cite, oncolporte des phrases de cette correspondance. Chacun les répète , les juge, les commente, comme si les auteurs les eussent avouées , reconnues et destinées à la pu blicité; on les examine, on les analyse comme un livre; on lescritique commeune ouvrepoli tique ou littéraire; onles blåme comme un pam . phlet. Dans le premier moment de vertige qui

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Etcependant,celui qu'on accusait ainsi,était en prison; celui auquel on reprochait amère ment ses jugements et ses pensées, sans qu'on daignâts'enquérircommenttoutcelaétaittombédansledomainepublic,étaitausecret;onl'attaquaitavecviolence,etilnepouvaitrépondre; on tâchait de l'assassiner moralement, et il ne pouvait se défendre! Appelé dans ces circonstances auprès de lui, be es n P re e. la q

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AVANT -PROPOS s'empare des esprits, chacune de cesphrasesainsi citées, chacune de ces pensées ainsi isolées de vient en quelque sorte une action , dont les au, teurs sont justiciables comme d'un crime. L'ac cusation première est perdue de vue (jamais, à lavérité, on n'a cru qu'elle fût sérieuse); et ce qui n'était qu'un épisode dans le procès intenté à M. De Potter, devient tout- à - coup l'affaire prin cipale,de telle sorte qu'il lui importe plus au jourd'hui de faire cesser ces clameurs, de dé mentir ces calomnies , d'imposer silence aux habilesartisansde mensonges, etd'éclairerl'opi nion publique fourvoyée peut- être , mais tout au moins inquiétée,que de se défendre de l'action judiciairequilui est intentée. C'est là ce queje donne commeune nouveauté, comme une bizar rerie et un phénomène politique dignesde toute notre attention, et faits pourprovoquerles plus sérieuses réflexions.

Insi de au ac 1 enté rin au dé aux opi it au ction

DE L'ÉDITEUR .

comme son conseil et l'un de ses anciens défen seurs , je ne lui cachai aucun des bruits répan dus avec profusion sur sa personne et sa con duite publique et privée, pas plus queje ne lui dissimulai la nécessité de les faire cesserparde prompts éclaircissements. Je les eusse donnés moi-m me,ces éclaircissements, tantje souffrais de ces rudes attaques portées au caractère de mon ami,de mon client, si l'on m'avait laissé le temps delire cette volumineusecorrespondance, sur laquelle chacun des défenseursn'a pu jeter qu'un coup-d'oeil rapide et furtif, et dont per sonne de nous ne connaît encore aujourd'huini l'ensemble ni les détails .

VII

Il y a des hommes aveequila sincéritén'apas besoin de précautions oratoires, et M.De Potter est de ce nombre. Dire qu'ilfut insensible à ce nouveau coup , ce seraitle calomnier. Qui res pecte, comme lui, l'opinion publique, et en a reçu d'éclatants hommages , souffre de la voir exposée à s'égarer dans sesjugements. Que fal lait-il cependant pour qu'elle revînt d'un arrêt qu'elle avaitpeut-êtreporté avec trop de préci pitation ? De la part de celui qu'on attaquait , quelques mots, non de justification, mais d'ex. plication ; de la part du public , quelques jours de réflexion. Cesquelquesjours, il lesa eus,etils ont porté leurs fruits; car, s'il est vrai de dire jeje izar coute plus était nere qu'on ombé l'atta ondre ; t il ne de lui ,

fi) Beaumarchais.

SYLVAIN VAN DE WEYER , Avoc .

AVANT - PROPOS DE L'ÉDITEUR .

qu' « il n'y a pas de plate méchanceté , pas d'hor » reurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse 'n adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y » prenantbien»(1); ilnel'est pas moins qu'iln'y a pas d'idée saine, pas de sentiment vrai, pas devéritésimple quele public, et le public Belge surtout, ne trouve par la force de son bon sens naturel et de son équité . Écho fidèle d'abord , par excès de droiture et de confiance, de tout ce qu'on veut qu'il répète, il redevient bientôt juge sévère et équitable; et tout le monde alors répudie et rejette ce que tout le monde avait trop légèrementcru et accrédité.

Je les soumets entoute confiance aujugement calme et impartial de mes concitoyens , et je ne crains point d'ivoirà merepentir, dans l'intérêt de mon ami etde mon client,de l'accomplisse ment du devoirdélicat que son amitié réclame de moi. >

Brurelles , 25 mars 1830.

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VIII

Les quelques mots dela personne intéressée, les voici, simples et graves, tels que devait les prononcer l'homme qui possède à un degré émi. nent les deux traits fondamentaux de notre ca ractère national , la franchise et la loyauté.

LETTRE DE M , DE POTTER A M. SYLVAD VAN DB WEYER ,

On fait beaucoup de bruit ou , pour mieux dire, beaucoup de scandale de ma correspon dance avec M.Tielemans; on en fait même tantpersonnes sensées seroient autorisées å croire que la poursuite dirigée contre nous n'a eu d'autre but que celui de faire ce bruit , d'occa sionner ce scandale. Car, pour notre part, onne peut nous accuser que de l'existence seule de cette correspondance qui étoit nôtre , et unique ment nôtre, destinée par nous à demeurer éter: nellement un secretº entre nous , comme nos conversations les plus intimes , comme nos pensées.Orle scandale n'est venu que del'indiscret abus qu'on a fait de ce que nos lettres contien nent (je suppose très gratuitementqu'elles con tiennent tout ce que l'on a dit')': à qui donc ce scandale doit-il êtreimputé? A nousqui n'avons pu nous y opposer, ou à quelques hommes du ministère, qui , malgré nous , 's'en sont rendus coupables? A nous qui en souffrons, que l'on veut en rendre les victimes , ou à ceux qui cru rentenprofiteret's'enfont untriomphe?

Mox AMI ,

Les faits les plus faux , les plus calomnieux ont été répandus dans le public: malheureusement

1 que les

2 LETTRE DE M. DE POTTER pour ceux qui les colportent, ces faits sont aussi les plus ridicules, les plus contradictoires, les plus absurdes. D'après ce qui m'est revenu , on diroit qu'un thème général a été fort grossièrementcomposé par quelque chef de cettemiséra ble intrigue,etqu'ilaété communiqué par lui etimposé aux sous-ordres, avec injonction de lepropager le plus possible , et avec latitude de le varierà volonté. En effet, c'est toujours la même répétition de cinq ou six assertions légèrement modifiées, basées sur des on dit, on assure , on sait de bonne part, qu'on ne précise jamais , que personne n'a vérifiés, et qui, si l'on vouloit y réfléchir uninstant, se détruisent lesunesles au tres ou du moins ne peuvent coexister avec d'autres faits, réels,prouvés, indubitables.

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Mon intention est, mon cher ami, d'appuyer ici les observations que je vous ai déjà faites devive voixsurcette désagréable affaire , par celles qui se pressent dans mon esprit, et que je re cueille pour vous les soumettre dans un meilleurordre que ne le comporte une simple conversa tion. Veuillez les lire avec attention jusqu'au bout; et puis vous déciderez vous-même quel usage il serà bon et utile d'en faire.

Avant toute autre remarque, je vous prierai de faire avec moi celle - ci , qui me paroit décisive en faveur deM. Tielemans et enma faveur. In les feuilles publiques de ma mise ausecretet delasaisie de tous mes papiers, par conséquent aussi de ses lettres, il a eu par-devers lui plusieurs jours de temps pour décider ce struit par

qu'il avoit de mieux à faire avant lasaisiequ'on pouvoitégalementpratiquerchezlui: supposong que notre correspondance eût réellement été aussi infâme que l'on a voulu le faire croire ; qu'auroit fait M. Tielemans? Il l'auroit détruite. Qu'a-t-il fait au contraire ?Rien: ila laissé toutes mes lettres à la disposition de l'autorité qui seseroit crue autorisée à les saisir.

» Ou ceuxquile saventle mieux, nepeuvent-ils » pas se laisser séduire par de vaines apparen* ces? Ne peut-on pas chercher àleperdre? En pareil cas, qu'y a -t-ilà faire? Jouer, comme on dit, cartes sur table; semontrer tel qu'on est réellement, sans rien cacher, sans rien dé guiser , sans faire un secret de rien . Et, après » tout,que trouvera-t-ondans seslettres?Dequoi peut-êtreblesser l'amour-propre de quelques

Il me semble qu'à la nouvelle de l'accusation qui pesoit sur moi et des rigueurs dont elle ve noit d'être accompagnée , Mi Tielemans doit avoirraisonné à peu prèsdecettemanière:

A M. SYLVAIN VAN DE WEYER .

Bien des personnes le blâmeront de cet excés de confiance; etlui-même peut-être aujourd'hui , voyantà qui il avoit affaire, se repent de n'avoirpas simplifié l'attaqueà laquelle nous allions êtreà en butte. Je déclare, moi, que je l'approuve sans réserve, etqu'àsaplaeej'aurois agiexacte ment comme lui .

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« M. De P. est poursuivi pour complot con , trel'ordre de choses établi. Jesais mieux que sa personne que M. De P. n'estpas un conspira teur . Mais tout le monde le sait-il comme moi ?

J'ai fait parlerM. Tielemans comme s'il avoit prévu la publicité que nos lettres ont reçue ; et je demanderois sincèrement pardon de cette hy pothèse, si l'événement ne l'avoit pas justifiée. Mais devoit- il s'attendre à l'abus qu'on a fait de sa confiance ?devoit-ilcroirequeceslettres, quel qu'étrangères qu'ellesfussentà la prétendue conspiration , que des lettres écrites il y a trois et quatre ans, des conversations, des pensées inti mes , fussent livrées àla curiosité publique comme une proie qu'on jette à la calomnie avec l'invi tation de s'en repaître?Non ; ildevoitpenserque lajusticecherchoitdebonnefoi un corps de délit, et que, le délit prouvé ou non , la vie privée des prévenusneseroitpasaffichée auxcoinsd'uuerue. Sansexaminericijusqu'àquel point desagens infidèles ont pu être, sinon excités , du moins , je me bornerai à dire que celles-ci, considérées en elles -'mêmes, sont indignes delagravité d'un autorisés à commettre des indiscrétio

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uns ? Eh bien ! de deux choses l'une : ou les per sonnes que nous avons jugéesne s'offenseront pas dans l'intimité d'une conversa tion écrite, nous avons usé enverselles d'un droit , dontà coupsûrellesnesontpasfaitfauted'user également envers nous, et nous soutiendrons » que, quoique nous les ayons traitées sévère ment, cependant nous n'avons rien dit dont v l'honneur puisse tirer offense ; ou bien elles se fâcheront , et alorsnous n'aurons qu'à lesplaindre d'avoir plus d'amour -propre que de e vrai dévouement . »

LETTRE DE M. DE POTTER $

de ce que ,

· Avant d'entrer dans les détails sur la correspon dance elle-même, permettez-moi, mon ami, de vous adresser quelques questions bien simples : Croyez- vous qu'il soit défendu aux citoyens d'un état libre ou prétendu tel de s'occuper des affai res publiques ? peuvent-ils en parler entr'eux lorsqu'ils sont réunis? éloignés l'un de l'autre, peuvent-ils s'écrire sur ces matières ? commela chose publique ne marche pas d'elle-même, y a-t-il inconvénient à ce que les jugemens portés sur les événemens s'étendent aussi sur les hom mes dontplus ou moins ces événemens dépen dent ? Vous-même, mon ami, n'avez-vousja maisprononcédecesjugemenslà,soità partyous, soit dans la conversation , soit dans vos lettres? la raison dont vous êtes doué me garantit que mm >

A'M . SYLVAIN VAN DE WEYER . fonctionnaire public qui se respecte. Dues aumotif qui y a donné lieu , savoir le désir de froisser des susceptibilités individuelles, de susciter des haines particulières, de diviser des hommes dont on craignoit l'accord , en un mot d'étouffer l'opposition sous les querellesde quelques - uns de ses membres , ce sont des actions que je m'abstiendrai de qualifier.Accompagnées des mensonges qu'on y mêla quiet ne pouvoient manquer d'être bientôt décou verts , des calomnies dont on crut devoir les or ner et les embellir, ce sont, je ne crains pas de le dire , de lâches perfidies qui flétrissent à jamais etles vils instrumens de pareillesmanoeuvresetceux qui peuvent avoir réclamé leurs honteux services .

LETTRE DE M. DE POTTER

Si vos réponses sont ce que, selon moi, elles ne sauroient manquerd ètre,ma correspondance avec M. Tielemans est pleinement justifiée : et bientôt tous les hommes raisonnables qui au roient répondu comme vous le jugeront de même. Alors,jevousle demande, àquilahonte ? Sur qui retombera le scandale ? A qui le public demandera-t-il compte des mensongeset des ca lomnies dont , pendant quelques semaines, on n'aurapas craint de souiller l'opinion?Encore une fois, d'où est venu le scandale at

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vous l'avez toujours fait à bonnes enseignes et querarement vous vous êtes trompé : si cepen dant vous aviez involontairement été dans l'er reur , soit sur un fait , soit sur un individu , vous accuseriez-vous d'un crime irrémissible ? pour vous expliquer la conduite politique d'un hom me , n'avez-vous pas scruté son caractère , sa po sition sociale , ses occupations habituelles, eten partie s vie privée ? avez-vous supposé que vos amis fussent impeccables et infaillibles ou vou lussent paroître tels à vos yeux ? et , pour parler de ce qui s'est passé depuis l'ouverture de la session parlementaire actuelle, vous êtes -vous fait une loi de conscience d approuver en tout la tactique suivie par la 2e chambre et par cha cun de nos députés, la marche de tous nos jour naux de l'opposition et de chacun de ses rédac teurs , et nommément de celui à la rédaction duquel vous prenez part et de tous vos collabo rateurs, parce que vous êteslié avec euxd'amitié et de principes ?

tribué àla correspondance ?De ceux qui, abu santdessecrets de lavie privée, enont fait métier et marchandise, de ceux qui les ont tronqués, mutilés, altérés , envenimés, entachés de faux matériel.Carleslettres, telles qu'elles sont et pri ses dans leur ensemble, sont à la foisla chose la plus simple comme la plus licite.

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Cependant l'un des deux amis est dansune position plus délicate que l'autre : ce dernier malgré les précautions prises pour dérouter le service des postes, redoute encore les accidens imprévus , et il prend le parti de voiler les matières qu'il traite , de déguiser les noms de ceux dont il parle. Mais ce voile est transparent; car, comme on n'avoit pas songé à convenir d'un chiffre, il falloit bien désigner les choses de manière à ne pas être inintelligible. Dès - lors la 2 chambre devint le tribunal de 1re instance;

Deux amis accoutumés à se voirtous lesjours, à s'occuper tous les jours de leur patrie et de ceux qui y ont de l'influence, sont forcés par les circonstances à se séparer : ils s'écriront, et leur correspondance contiendra ce qui faisoit le sujet habituel de leurs conversations ; et ils ne croiront pas cette correspondance plus cri minelle que ne l'étoient ces conversations elles mêmes : ils la conserveront donc pour leur satis faction personnelle, comme un monument de leur liaison et de leur confiance sans bornes, loin de penser que jamais l'autorité viendroit violer jusqu'au secret de leur opinion et de leur conscience .

A M. SYLVAIN VAN DE WEYER

>

la 1re , le tribunal d'appel; la proposition de M.DeSecus,leprocésde l'un des correspondans; samise en liberté qui en étoit l'objet accessoire, son émancipation ; etc. Le Nestor de notre re. présentation nationale est désigné sous le nom du bon vieillard; M. De Stassart sous celui de Lafontaineou Locman; M.DeBrouckere sous celuide l'hommeauxcertificats (decapacité ), point surlequel les deux correspondans ne partageoientpas l'opiniondel'honorabledéputé;M.Van Bom melsouscelui deMelchisedech ,etc., etc. ,etc.

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LETTRE DE M. DE POTTER

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Et leslettres, toujours écrites sousl'inspiration du moment et de l'événement, neportent leplus souvent sur les hommes et leschoses que des ju gemensinstantanés, qui sont révoqués peu après ou font place quelquefois à des jugemens tout opposés.Parexemple,M.De Secusdont labonne foi et lafranchisenesontjamaismises en doute, y est parfoisaccuséd'hésitationetdelenteur,attribuéesàsatropgrandeconfiancedanslespromessesmi.nistérielles;ce qued'ailleurs,aucommencement surtoutdela session, on reproche à la2e chambre tout entière :M . De Brouckere n'est pas cru exempt de toute ambition : M. de Stassartmon tre trop de susceptibilité à la moindre desphrase journaux ou au moindre effet qu'elle pro duit sur ses trop susceptibles collègues : MM. LeHon etDeCellessont réellement soupçonnés d a voirfaitpartie du triumviratmédiateur, dontlesfeuillesonttantparlé versla fin del'année derpière. Mais quel'un de cesmandataires du peu-.plese prononcedanslesensconstitutionneld'une

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A M. SYLVAIN VAN DE WEYER .

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manière ferme et arrêtée, aussitôt toute cri tique s'évanouit devant cet acte courageux de citoyen : ainsi, pour ne point parler des autres, M. De Brouckere après l'envoi de ses honorables démissions, est couvert d'éloges pour sa con duite franche et conséquente , de même que M. De Stassart pour son vote négatif sur le bud jet décennal.

Et àproposdecela,il fautdoncdireque lacor respondancen'estnidesimpleamitié,nilittéraire, ni de caquetage desalonsetde cafés:elleesttoute politique et domestique. Outre quelques détails particuliers , c'est de la Belgique qu'ily est toujours question, et de l'heureux réveilqui,depuis quel que temps, sembleypréparer la régénération na tionale. Mais, comme ce sont les hommes qui se sontréveillés,et nonles choses,comme ce sontles hommes qui , en hâtant ou retardant l'esprit pu blic , rendent plus ou moins prochain le règne des lois etde la justice,c'est-à-dire le règne de la vraie liberté, c'est surles hommes que respondancea dûprincipalements'étendre.Quel ques-unsy sontpeu favorablementjugés. Sic'est àtort, ilen résulte que lesdeux amisontmal vu, ou plutôt qu'ils ont été inal instruits , qu'ils se sont trompés ou qu'on les a trompés : c'est làundroit qu'ils ont en commun avec tous leurs concitoyens, avectous les hommes,etdontcertes ilsnesontpas lesseuls à user. Mais,je lerépète,c'est politique ment que les portraits sont tracés, et jamais d'une autre manière : on dit que tel n'aime pas la li berlé et que tel autre l'aime mal; jamais on . >

n'avance unfait qui puisse blesser l'honneur ou ladélicatesse de qui que ce soit. La vie privée, pour autant qu'elle n'a pas de relation directe avec lavie publique, reste murée, même dans deslettresqui devoient toujours rester entrenous comme les causeries d'un tête -à -tête .

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Mais , crie-t-on , les amis particuliers des deux correspondans, les compagnons de travail et de captivité de l'un d'eux sont , dans ces lettres,dé nigrés et déchirés de toutes les manières ! Celaestfaux. Les amis, comme les indifférens, y sont peints avec impartialité et bonne foi, je ne dis pas tels qu'ils sont en effet, mais tels que les correspondans les croyoient être aumoment où ils s'écrivoient , toujours et exclusivement , je nesaurois assez le dire, dans leur conduite publi que, à moins que leur position d'hommes ne fût la seule explication possible de leurs actions de citoyens. C'estainsi qu'àla demande : Pourquoi tel journal n'a-t-il pas une marche plus régulière , plus soutenue ? pourquoi n'a -t - il pas plus d'ensembleetde tactique ? il a bien fallu répon dre,à tort ou à raison, cen'estpaslà la question :Parce que les rédacteurs ne font pas leur affaire principale,leurunique affairede s'entendrepour le succès de la cause dont ils sontlesinterprètes ;parcequel'unsonge à sesplaisirs, que l'autreest absorbé par des soins domestiques,que d'autres enfin ne s'en occupent point ou guère , le tout expri mé avec le laisser- aller d'une conversation animée . Ces assertions peuvent avoir blessé;et ilparoît qu'elles ont blessé vivement. Et cependant , > 2 a

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A M. SYLVAIN VAN DE WEYER

» tine. Montrons à ceux de nos amis 'qui nous ont cru peu pour elle, que nous savonszélés .

Car si les personnes dont il s'agit veulent y réfléchir de sang-froid , elles se diront : « Nous voulons tous le triomphe de la bonne cause ; » prouvons au gouvernement, le moment en est » venu, prouvons-lui que nous ne voulons que » celaet que nous saurons y sacrifier tout le reste. La question de la liberté n'est pas unequestiond'intérêtpersonneletdevanité enfan

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veuillez remarquer ceci , sur quoi étoient-ellesfondées ? Étoit - ce sur ce que j'apprenois par les feuilles publiques, comme il arrive lorsqu'il s'a git de la marche du ministère et du plus ou moins d'énergie dans l'opposition de la chambre ?Étoit -ce sur ce que j'avois moi-même été dans lecas de voir ou de vérifier par mes propres yeux? Ni l'un ni l'autre. Je n'ai pas foi aux feuilles ministérielles, les seules qui traitent les ques tions personnelles publiquement ; et depuis plus de quinze mois , je ne vois et je ne vérifie plusrien. Ce que j'ai avancé, je l'ai donc seulement fait et pu faire d'après les rapports des personnes qui venoient me visiter, toutes aussi liées que moi avec celles dont elles blâmoient ou la négli gence ou le peu d'harmonie. J'ai versé ces confi dences dans le sein d'un ami dont la discrétion est à toute épreuve. Qui les a divulguées?Est-celui?Est-cemoi?Non certes.Je nedispasnosamis, maisnos ennemiseux-mêmes doivent sentir qu'il seroit cruel de s'allier avec les vrais coupables pour les aider à écraser leurs victimes.

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» ils sont à notre égard , eux-mêmes chérissent la patrie par-dessus toutes choses :il y a, selon

Je crois, mon ami, avoir retourné dans tous les sens le crime imputé aux deux correspon dans. Il se borne à des confidences familières, et rien que desconfidences familières Ceux qui haïssent la liberté publique ont jugé qu'elles leur fournissoient le moyen de se venger: ils ontcompté surl'irritabilité de quelquesamours propres froissés. Ce calcul une fois établi, et la lâcheté de quelques hommes mise hors de tout doute, le succès étoit certain. Les indiscrétions commencèrent cette oeuvre de ténèbres; l'impose ture la continua ; la calomnie dans toute sa hi deuse nudité y mit la dernière main .

C'est ainsi que l'opposition que je faisoismoi, tantôt pour me faire employer par le gou vernement , tantôt par dépit de ne pas être ém, ployé par lui , est une calomnie ; que mon pro

»

1

»

»

au besoin nous y dévouer tout entiers . Eux-me » mes , nous le voyons jusque dans l'erreur où

12 LETTRE DE M. DE POTTER 1 i

» le char national,au lieudeluifaireplus rapide

1

» eux, et nous sommes loin d'en disconvenir,

, il y a parmi les hommes chargés par état ou par choix de préparer son émancipation, » des maladroitsquis'y prennent tout à rebours, » et qui le plus souvent font marcher à reculong

* ment parcourir sa carrière ; et , dans leurs momens de mauvaise humeur, nos amis trai tent assez mal ces maladroits - là . Gardons-nous de permettre que l'on puisse nous confondre avec eux !. ..

A M. SYLVAIN VAN DE WEYER

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jet avoué detrahir les catholiques, aprèslesavoir compromis avec les libéraux, est une calom nie; que ma tentative pour aider à voler quel ques milliers de florins au gouvernement (je rougis de devoir le dire ) , est une calomnie ; quela prétendue correspondance de M. Tielemans avec le Belge, pour lui fournir les statistiques, est une calomnie; que sa trahison enve : l'état dont il me livroit les secrets( et pour quoi faire, grand Dieu ? ), est une calomnie ; que mille et une autre inventions toutes plus perfides et plus plattes, plus atroces et plus absurdes les unes que les au'res , sont des calomnies.

Mais supposons que tout cela eût été vrai, qu'y avoit-il de commun entre ces faits , ces in tentions , ces pensées des deux correspondans etlaprétendue conspiration, sous prétexte de la quelle on les traitoit avec tant de dureté ? Les faits eussent été honteux , j'en conviens volon tiers, les lettres dégoûtantes, les intentions cou pables , les pensées odieuses. Mais , encore une fois, que cherchoit-on?Deshommesqui avoient manqué de délicatesse? Des ennemis de la li berté ? Des ames basses et vénales ? Non ; des conspirateurs. Aquoi donc pouvoient servirdesrévélations qui ne se rapportoient ni ne pou voient se rapporter à aucune espèce de trame ou decomplot?

Jel'ai déjà dit : à perdre dans l'opinion (les hommes que l'on hait et qui n'ont rien à redouterde lajustice. Adéfautde pièces propres à établir l'existence d'uneconspiration criminelle, on n'é >

LETTRE DE M. DE POTTER : toit parvenu à se procurer que des lettres qui prouvoient précisément que ceux qui les avoient écrites étoient incapables de conspirer : il falloit bienexploiterces lettres; et là où la loi devoit se taire,on invoqua la malignité descalomniateurs.

Vous sentez bien queje ne m'amuserai à vous parler, ni des sobriquetsridicules dont onm'ac cuse d'avoir affublé des amis, et qui sont tout bonnement ceux dont nous ont gratifiés les or ganes du ministère, ni des foulardsque j'ai fait imprimer, ni des lithographies quej'ai fait faire, ni des médailles quejeme destinois, ni d'autres mensonges puérils qui se réfutent assez d'eux mêmes. Le canal par lequel ils se sont répandus dans le public trahit assez l'impureté de leur source première ; on les a confiés au National, à la Sentinelle et au Journal de Gand !

Je me hâte de finir . Je suis las de fouiller dans cet amas de turpitudes et de niaiseries ; etvous, mon ami , vous ne l'êtes sans doute pas moins de me suivre dans ces pénibles explications. Ne cro pas quej'aievoulumejustifier. A vosyeux je sais que je n'en avois pas besoin; à ceux de plusieurs autres,je vous avoueque jeme respecte trop pour m'abaisserjusques - là. Pour ce quiest du public dont l'estime me sera toujours chère, j'ai pleine confiance dans le temps et la force de la vérité. Du reste, je suis entièrement résigné àceque le sort meprépare,toujoursprêt à me consoler de sa rigueurpar le témoignage dema conscience.N'ayantà rougirde rien, l'ad vienne que pourra continue à être ma devise.

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Je vous devois cette lettre , non seulement comme à un ami , mais encore comme à mon conseil etå mon défenseur : ilestimportant que vous sachiez de tous points qui et ce que vous devez défendre . Vous connoissez ma position mieux que per sonne : maintenant que toutlemonde apprenne à la connoître comme vous. Si vous croyez ces lignes utiles à ma cause et à ma réputation j'exige de votre amitié que vousles rendiez publiques. Aux prises avec des événemens dont il ne m'est pas donné de prévoir l'issue, coûte que coûte , si je suis condamné à tout perdre, il faut du moins que l'honneur me reste , .

. 15

DE

>

Des Petits-CARMES , le 23 Mars 1830 .

Je vous serre la main , 1 POTTER .

.

A M. SYLVAIN VAN DE WEYER

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DEMCO PAMPHLET BINDER Tan Pressboard

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