Aperçu, bulletin de la TFP française, Mars/Avril 1985

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MARS/ AVRIL 1985

de la -documentation rassemblée sur le film

Je vous salue, Marie I - DESCRIPTIF Mettons-nous à la place d'une personne désireuse d'obtenir un avis autorisé sur un film intitulé Je vous sa/ue, Marie. Le titre-même la concluira, a fortiori si elle est catholique, à s'adresser à l'épiscopat. Là on la renverra au service chargé officiellement de la critique des films : !e Départemen t Cinéma de l'organisme « Chrétiens-Médias » (appelé également : « Office Catholique du Cinéma » ). Apres avoir relevé que !e film y est elassé « trais étoiles », vaiei la description qu'elle lira dans les « Fiches du Cinéma » (23/1/85), cahier hebdomadaire de cet orgamsme: « Marie », filie d'un pompiste, aime /e basket-ball. Joseph, chauffeur de taxi, aime Marie. Ils sont fiancés: ils vont se marier bientôt. Un jour arrive par avion l'oncle Gabriel. Une petite filie l'accompagne. Ils se rendent aupres de Marie, et --Ctabriel-fui annonce qu'elle va avoir un enfant. Marie s'étonne. Un médecin confirme plus tard que Marie est bien enceinte. Joseph, jaloux, persuadé que Marie a couché avec quelqu'un d'autre, est tout àfait meurtri. D'autant que Marie se refuse à /ui. Ce qui n'est pas si simple pour elle, prise parfois d'un désir brutal. Comme celui d'Eva, par exemple, une jeune filie qui, dans la vil/a Paradis , se donne à un émigré tcheque dont elle suit un séminaire sur l'univers et la création. Joseph finit par accepter la situation ; Marie met au monde un garçon (Jésus ). Quelques années apres, /e petit garçon quitte Joseph et Marie. L'oncle Gabriel s'en va /ui aussi. Marie s'apprête à avoir une vie defemme. » Le prosai"sme brutal du récit est déjà révélateur. On !e retrouve dans la plupart des descriptions données dans la presse. En fait, il reste bien en-deçà de la réalité. II faut considérer plusieurs éléments qui portent ce film au cambie de l'infamie :

1. Obscénité des images L'affiche du film donne !e ton : un ventre nu de femme vers leque! se tend une main d'homme. Quant au film lui-même, citons Pierre d'André, critique de cinéma dans l'hebdomadaire « Familie Chrétienne » (7 /2/85) : « Dela Vierge, symbo/e même de la pureté, il a fait une espece d'exhibitionniste, qui se met intégralement nue à de nombreuses reprises, et laisse la caméra parcourir /onguement son corps en gros, voire en tres gros plan. Pire encare peut-être, elle incite sonfils à exp/orer son corps nu sous sa robe, ce qui scandalise Joseph luimême.et l'amene à /ntervenir » .

2. Le ton des dialogues : vulgaire, ordurier et obscene Tous les personnages s'expriment dans un langage vulgãire, souvent d'une grossiereté telle qu'il est impossible de les reproduire. A tout propos, ils jurent, se lancent mutuellement des insultes et se réferent par exemple dans les termes les plus crus aux organes et à l'acte sexuels. Le film commence par cette phrase : « Tout ce qui sort de ma bouche, ça devient de la m ... », dite à Joseph par son amie Juliette. Le mot revient plus loin, dit par Joseph : « Marie, m ... , c'est quoi ces gens? » (les gens en question, ce sont l'oncle Gabriel, dit « l'ange », et une fillette qui l'accompagne ... ). Le soi-disant « ange Gabriel » jure à tout moment des « nom de Dieu ! » Grossier et brutal, il insulte Joseph à plusieurs reprises : « espece de nullard », « espece de taré ». Puis !'insulte se fait obscene. Pour finir, il se jette sur Joseph et !e frappe. Loin de respecter la virginité de Marie, ce dernier est présenté comme un amant

vulgaire, avide d'une relation charnelle. II accuse la soi-disant Marie de « coucher avec des autres » et explicite son accusation dans des termes abjects. Mais !e fond de l'abjection est atteint dans les propos de l'actrice principale. Dans un long monologue qui est une espece de parodie du Magnificat, elle déclare son « dégoüt de tout », sa « haine pour tout » et fait éclater sa révolte contre Dieu dans d'odieuses accusations et imprécations. Elle Le traite de « lâche » et de « vampire », et plus bas encare, dans !e pire registre érotico-blasphématoire. Ce contexte ordurier est jonché de débris d'Evangile : A plusieurs reprises, apparaissent dans un coin de l'écran comme un leitmotiv les mots « En ce temps-là ... » Vers la fin du film, !e soi-disant « Jésus » appelle d'autres enfants à !e suivre et dit à l'un d'eux : « Maimenant, tu t'appelleras Pierre ». II déclare « Je suis celui qui est ». et ensuite « II faut que je m'occupe des affaires de mon pere ». A un moment donné, l'actrice principale parodie !e« Fiat » de l'Annonciation: « Qu'il me soit fait se/on votre parole ». Ailleurs, !e soi-disant ange Gabriel !ui dit : « Je vous salue, Marie». Imaginons un iconoclaste furieux s'emparant d'un tableau de l'Annonciation, !e brisant avec rage et en dispersant les différents éléments dans une mare de boue, son acte sacrilege sera peu de chose en regard de l'acharnement blasphématoire qui traverse !e film Je vous sa/ue, Marie.

3. Doctrine sous-jacente : Freud et extra-terrestres L'inspiration freudienne est déclarée. Voilà ce qu'en dit Gérard Pangon, responsable de la rédaction des « Fiches du Cinéma » (ibid.) :

Edité par: TRADITION FAMILLE PROPRIETE - TFP • 6, av. Chauvard 92600 Asnieres • Rédaction : Guillaume BABINET


« (Le film) fait largement appel à la psychanalyse (... ) /'une des sources d'inspiration de Godard a été le livre de Françoise Do/to L'Evangile au risque de la psychanalyse. « Ainsi ce film est-il parsemé designes que le docteur Freud aurait facilement reconnus comme siens. De la /une classique qui apparait régulierement, à la naissance figurée par un chasse-neige qui dégage une route ». L'auteur de l'article poursuit en montrant le symbolisme phallique de Ia scene finale du film. Toujours dans les « Fiches du Cinéma » (ibid.), un autre article, signé d'un membre du Comité « Chrétiens-Médias » (André Roger) fait écho: « Plus encare, il (Godard) semble /ire l'engendrement divin comme relation incestueuse de Dieu-Pere et de sa filie. »J'ai toujours voulufaire unfilm sur /'inceste .. . « aurait-il déclaré. « Face à la conception habituelle de l'Absolu asexué, Godard veut-il nous dire : « Au commencement, Dieu était Sexe... »? Cette inspiration freudienne se double de toute une doctrine cosmique qui attribue )'origine du monde, non plus à Dieu Créateur, mais à d'énigmatiques extraterrestres. Le film met en scene une étu-

diante « Eva », habitant Ia villa « Paradis », et qui reçoit Ies cours d'un professeur tcheque. Selon lui, la vie a été « programmée » comme par ordinateur par une intelligence à énorme puissance de calcul ; elle « est venue d'ailleurs, de ['espace (...) nous sommes tous des extra-terrestres ».

Blasphémer, c'est attribuer à Dieu (ou, indirectement, au sacré) ce qui ne Lui convient pas, disent les théologiens. Cf. St. Thomas d' Aquin, Somme Théologique, 2-2 q.13 a.l. Dans le même chapitre (2-2 q.13 a.3), St. Thomas montre que Ie blaspheme a un caractere de péché suprême, auquel peut s'ajouter une aggravante, celle de vouloir l'excuser...

4. Un blaspheme anti-marial (*) explicite

C'est d'Elle qu'il nie l'Immaculée Conception en présentant sous son nom une femme à ce point marquée par les effets du péché originei qu'elle profere à tout moment des paroles de révolte ou d'obscénité. C'est d'Elle qu'il offense la maternité divine quand il acheve Ie film sur ces paroles, dites par la mere à propos de son fils : « moi, je n'ai pas voulu de cet être ». C'est d'Elle qu'il s'acharne ainsi publiquement à défigurer l'image sublime. En définitive, il s'agit d'une entreprise de désacralisation totale, minutieuse et avouée, sous-tendue par la profession des pires hérésies. C'est un blaspheme suprême contre la Tres Sainte Mere de Dieu et Auguste Vierge Marie, avec une charge toute spéciale contre l'adorable mystere de l'Incarnation. (*) Voir hors-texte : • dans la perspective deFATIMA»

Le réalisateur du film connait l'excellence de Celle à Iaquelle il s'attaque. II a déclaré, dans un interview au « Nouvel Observateur » ( 1/2/85) : « Quand on a toujours traité (...) des histoires de jeune filie ou de jeune femme. il est peut-être normal qu'à un moment donné on se dise : « II faut traiter la jeune filie des jeunes filies » et qu'il faille aller jusqu'à Marie. Marie-Antoinette, Jeanne d'Arc, Salomé... Autant aller à la premiere! » « La jeune filie des jeunes filies " (Virgo Virginum), Ia « premiere » entre les femmes ... C'est d'Elle qu'il nie la virginité : « Marie a été chaste une fois, ensuite elle a dü certainement avoir des enfants, dont on ne parle pas parce qu'il ne f aut pas en parler » (ibid.).

II - REACTIONS DES AUTORITES ECCLESIASTIQUES En matiere religieuse, pour Ia grande majorité des Français, c'est la réaction de l'autorité ecclésiastique qui intéresse au premier chef. Cette réaction s'est manifestée soit directement, par des déclarations épiscopales, soit indirectement, par l'intermédiaire de la presse religieuse.

1. Voix épiscopales La premiere voix épiscopale relevée dans Ia presse par le rédacteur de cet • Aperçu » est favorable au film. II s'agit de l'évêque d'Evreux, Mgr Gaillot, interviewé dans • l'Evénement du Jeudi » (31/1 au 6/2/85): « Je suppose que vous n'avez pas vu le film Je vous salue, Marie de Jean-Luc Godard? - « Non, mais j'ai envie dele voir ! « La censure tombe en partie sur ce film parce qu'on y représente la Vierge dénudée. L'interdiction vous parait-elle légitime? - « Moi, je souhaite peu qu'on interdise. Etant donné la qualité du cinéma de Godard, il me parait intéressant qu'il essaie d'exprimer le « Mystere » dans son art. Marie , la mere de Jésus, n'est pas la propriété des seuls chrétiens. Je n'ai pas vu le film, mais, a priori, je ne voudrais pas qu'on l'interdise ni qu'on crie au scandale. » L'hebdomadaire • VSD » (31 / 1 au 6/2/85) donne Ie jugement du Pere Boullet, « porte-parole de la Conférence épiscopale, la voix des évêques de France » : « II ne faut pas courir le risque d'étouffer la création sous peine de tomber dans l'intolérance artistique. L'héritage religieux n'est pas l'apanage des chrétiens. Nous devons nous réjouir que depuis quelques années des allusions au message biblique se retrouvent dans certains _fi/ms comme L'Amour à mort de Resnais ou A la poursuite de l'étoile d'Olmi. Bien sür on court le risque d'être

choqué. Mais on ne peut demander aux créateurs d'être à cent pour cent fideles au dogme. La plus grande immoralité, c'est surtout dejaire unfilm bête qui abêtit l'esprit au lieu de l'amener à se poser des questions. « Ators, dans ce contexte, la campagne déclenchée (contre le film de Godard) ne nous a pas semblé une bonne campagne. C'était même ennuyeux car /e jour ou il f audra intervenir sur un fait profondément répréhensib/e, les chrétiens ne seront plus crédibles ». Le • Quotidien de Paris » (31 / 1/ 85) rapporte les propos de l'ancien archeveque de Paris, le Cardinal Marty : « Pourquoi vouloir abaisser les choses de la religion à unfilm tapageur et scandaleux qui donne la vedette à la nudité, et à la sexualité? Tout ce qui est sacré mérite /e respect. Pourquoi vouloir ainsi choquer la conscience des croyants ?... A moins d'être contraint et forcé, je n'irai jamais voir cefilm » . Opinion contraire, qui contraste avec le silence de son successeur. Mais de là à titrer « Mgr Marty excommunie Godard », comme le fait Ie • Quotidien », il s'en faut de beaucoup. On ri:trouve cette technique de « désinformation », qui consiste à donner des dimensions extrêmes aux réactions les plus modérées, dans • Ia Croix » (24/1/85) à propos des réactions versaillaises : Sous le titre « les büchers ne sont pas loin », sont évoquées « les images de tous les fanatismes, ceux qui briment et avilissent » et Ia montée de « l'intolérance » . Initialement répartie sur huit salles parisiennes, la diffusion du film s'étend rapidement aux principales villes de province. Les réactions qui surgissent amenent Ies évêques de divers dioceses à se prononcer. Les déclarations qui naus sont parvenues (de NN.SS. les évêques de Nancy, Nantes, Dijon, Avignon, Biais, Angers, Bor-

deaux, Saint-Etienne et Angoulême) sont de nature à plonger les fideles dans la plus grande perplexité. En effet, les réserves émises par les évêques semblent ne pas se baser autrement que sur une exigence de respect mutuei entre « sensibilités » différentes. Quand ils risquent un reproche au film, c'est sur un plan purement subjectif : • certains ont été choqués », ou, dans Ies meilleurs cas, « naus avons été choqués » . En définitive, le principe qu'ils invoquent, c'est une regle de bonne coexistence entre courants de pensée opposés dans une société pluraliste : que chacun des courants en présence s'abstienne d'offenser I'autre ou dele choquer. Mgr Bernard, président de Ia Commission épiscopale de l'Opinion publique, explicite ce principe : « II est primordial que-nous-vei//ionrtou-ren France à ce que chaque catégorie de citoyens, les chrétiens et les autres , soit respectée dans ce qui est tres important aux yeux de leur conscience » (La Croix, 9 / 3/ 85). La Religion Catholique n'a-t-elle dane que ce seu) titre au respect des Français ? N'alléguer que ce principe, c'est finalement considérer l'Eglise Catholique, par rapport aux diverses religions, comme une simple option parmi d'autres. Or, Elle est beaucoup plus que cela. Elle est l'unique Eglise véritable de I'unique vrai Dieu, comme Ie prouvent notoirement Ies arguments doctrinaux et les faits historiques sur Iesquels Elle se fonde. Les preuves de sa véracité sont si notoires que, pour ceux qui Ies ont à leur portée, il n'est pas moralement licite de la récuser ni d'opter pour l'erreur.

2. La presse catholique Des commentaires favorables apparaissent dans : - « Présence et Dialogue » (mensuel de l'archevêché de Paris) - • La Croix »


« Fiches du Cinéma ,. (hebdomadaire de l'Office catholique du cinéma • déjà cité) - « Témoignage Chrétien ,. - « Etudes » (revue mensuelle des Jésuites) - « Télérama,. - • La Vie » ( ex-• Vie Catholique ») Pour des raisons d'espace, naus naus limitons ici à citer les deux premiers, particulierement représentatifs : -

« Présence et Dialogue » (janvier 1985) publie un long article favorable signé • Gérard Pangon, Chrétiens-Médias Cinéma - Office Catholique Français du Cinéma », suivi d'un court article plutôt contraire, signé par le directeur du mensuel, le Pere Jean-Jacques Latour.

Vaiei la conclusion du premier article : • Je vous salue, Marie est véritablement unfilmfoisonnant. Dans saforme, superbe, probablement l'un des sommets de

l'art de Godard, et dans ses interrogations. « Etre vierge, ça devrait être... être disponible ou libre ». Pour les sentir, ces interrogations, et la causticité qui par/ois les accompagne, il faut être disponible. Accepter d'être choqué, peut-être, d'être tenu en haleine par un film qui suscite constamment /e spectateur, d'être /e témoin et le complice d'une démarche radicalement nouvelle. Rien n'est jamais acquis de façon définitive, Godard a /e talent de nous /e prouver ». Quant aux réserves formulées dans le second article, elles le sont sous une forme interrogative et subjective. Exemple : « le lecteur doit être prévenu que sa sensibilité chrétienne, sa pudeur risquent d'être choquées durement par la grossiereté du dialogue et la brutalité des images ». Conclusion de l'article : « Je m'interroge: (.. .) jusqu'ou ira la « subversion du chris-

tianisme » ? » (on se demande pourquoi ces guillemets encadrant la « subversion du christianisme » ). • La Croix ». Ses titres à eux seuls sont d'une complaisance éloquente : - « Godard touché par /e mystere de Marie » (24/1/85) - « Film chrétien ou religieux? » (24/1/85). Cet article parle de« la densité spirituelle qui émane des images ». « On ne peut nier qu'il s'agit /à d'unfilm religieux parce qu'il ouvre la maternité à la transcendance (... ) » - « L'enfance de l'art, l'enfance de Dieu » (24/1/85) - article élogieu;,c signé Jean Collet, critique à la revue • Etudes » - « Michel Guy : « Le film /e plus pur du monde » (29 / 1/85). Cet ex-secrétaire d'Etat à la Culture sous le précédent septennat, prend la défense inconditionnelle du film.

111-L'ORCHESTRATION PUBLICITAIRE 1. Etendue de la campJgnL Des la sortie du film, les commentaires ont occupé des pages et des pages dans les journaux, avec commentaires et extraits passés à la télévision. Les photos se sont étalées sur les pages des revues et sur les panneaux d'affichage. Par le pouvoir des médias, ce film a dane touché immédiatement l'ensemble du public français. On peut dire qu'au moment ou le film n'avait encare eu que quelques milliers de spectateurs (environ 2.000 le jour de sortie, puis pres de 3.000 par jour dans les jours qui ont suivi), l'âme de dizaines de millions de Français était éclaboussée par !e scandale de l'orchestration publicitaire.

2. Unanimité des commentaires On a déjà parlé de la presse religieuse. Mais c'est dans toute la presse qu'on chante les louanges de ce film.

Le cynisme est souvent à son cambie. Salut à un film chrétien », s'intitule un article paru dans • le Matin » (23 / 1/85). Pour Gérard Pangon, dans les • Fiches du Cinéma »(id.), c'est « un film infiniment pur ». Pour Jean-Luc Douin, dans • Télérama » (23 / 1/85), ce film « est un acte de foi ». «

Les titres de • l'Humanité » trahissent la jubilation communiste dans cette affaire: « L'Immaculée Conception selon Godard » (23/1/85) « Affaire de Conception / Prénom, Marie... » (id.) « Je vous salue Godard / Retour sur Marie » (26/1/85) Comme légende d'une photo ou l'actrice apparait nue, « l'Humanité » commente : « Dans Je vous salue, Marie, Godard

revisite le dogme de l'lmmaculée Conception » (25 / 1/85). Sous la même photo, le « Nouvel Observateur » intitule son article : « Sois Vierge et tais-toi ! » • Le Canard Enchainé ,. (30/1/85) se vautre dans le blaspheme. Sans exP.lication ni légende, • Libération » (30/ 1/85) illustre un article d'infâme dérision par la photo d'un peloton de républicains espagnols fusillant une statue du Sacré-Coeur. Un rapprochement qui donne à réfléchir ... La photo provocante de l'affiche du film est reproduite en grand dans les journaux suivants (au moins) : • le Monde », • le Matin », « le Nouvel Observateur », « l'Humanité », • l'Evénement du Jeudi », « le Journal du Dimanche », • VSD », « !e Quotidien de Paris » (en premiere page), • Témoignage Chrétien » et • Télérama ».

IV - REACTIONS DU MONDE POLITIQUE A noter en premier lieu, l'attitude du ministre socialiste de la Culture, Jack Lang. Dans un interview au • Quotidien de Paris » (25/1/85), on apprend qu'il avait choisi ce film « pour inaugurer la sal/e Garance de Beaubourg, /e 14 décembre dernier ». « Parmi les invités, dit-il, se trouvaien, des personnalités religteus qui n'ont pas vu dans ce film une atteinte à leurs croyances. mais, comme /e public, une oeuvre personnelle et intéressante. On pourrait discuter longuement du contenu de ce film qui est riche et passionnant ».

Plus loin, il déclare : « Dans l'exercice de mes propres pouvoirs, j'ai depuis /e premier jour choisi le chemin de la liberté. J'ai autorisé la sortie d'un certain nombre de films interdits par mes prédécesseurs et j'ai souvent abaissé l'âge endeçà duque/ unfilm pouvait être autorisé (... ) II me semble que les mentalités ont évolué... Pourtant, c'est vrai, j'ai dú intervenir il y a quelques jours pour que /'a/fiche du dernier film de Michel Deville (... ) échappe à l'interdiction ... » (cette affiche présente un couple nu dans une posture obscene et a inondé les panneaux d'affichages de Paris ce mais de février. Ce film est tiré d'un roman intitulé Sur la terre comme au ciel). Un entrefilet du « Canard Enchainé » (30/1/85) contient un aveu intéressant :

« L'Elysée s'est passionné pour les mésaventures du film de Jean-Luc Godard, « Je vous sa/ue, Marie ... » « Des que la nouvelle de l'interdiction du film par la municipalité de Versailles fut connue, les collaborateurs de Mitterrand fiairerent /e bOJL1IJ'C. Ils téléphonerent aussitôt aux dirigeants socialistes et à Jack Lang pour leur recommander de ne pas oublier d'intávenir en conséquence pendant /e week-end, à la radio ou à la télé. Consigne : vous devez expliquer que la droite. qui parle sans arrêt des atteintes à la liberté, a censuré /e film. Du coup , même /e comité directeur du PS, dans son communiqué final , a par/é de cette gravissime affaire ». En effet, dans les extraits de ce communiqué final du comité directeur du PS, tenu le 26 janvier, publiés dans « l'Unité » du 1/2/85, on lit : « La droite, qui s'était affublée du masque de la liberté, montre aujourd'hui son vrai visage : celui de « l'ordre moral » (... ) Le Parti socialiste appelle tous les hommes et femmes libres, tous /es citoyens à s'unir pour dire non à l'Ordre moral, non aux atteintes et aux menaces contre la liberté d'expression ». Un entrefilet du « Monde » du 26 janvier dit ceei : « M. Jean Poperen, numéro deux du PS, (... ) a mis en cause les défenseurs de /' « ordre moral », à propos des

demandes d'interdiction du nouveau film de M. Jean-Luc Godard, et souhaité une campagne « pour que /e film de Godard passe partout » et, p/us généralement, « pour la liberté d'expression ». « La Croix » du 26 janvier cite des propos de Jack Lang dans le .même sens, contre la mesure d'interdiction prise par la mairie de Versailles : « II faut cesser de retourner à l'ordre moral que tout /e monde refuse » , a dit le ministre. Toujours le 26 janvier, la Ligue des Droits de l'Homme, à laquelle adherent Jack Lang et bon nombre de ministres socialistes, diffuse une protestation sur le même registre. II est difficile de ne pas voir dans cette mobilisation soudaine l'expression d'une volonté politique, d'autant plus que !e gouvernement est déterminé à poursuivre dans cette vaie. II est notoire que ce même Jack Lang, familier de M. Mitterrand, a l'intention d'apporter une énorme subvention à la réalisation d'un autre film, au moins autant blasphématoire : la Derniere Tentation du Christ, parodie infâme de la vie de Notre-Seigneur (voir plus loin, eh.V, 2, 5°). Ce tollé général des médias et des milieux gouvernementaux paralyse toute velléité de censure ou de protestation officielle de la part des autorités civiles plus conservatrices. Même quand elles désap-


prouvent le film à titre personnel, elles n'osent contrarier les vociférations des médias. Ponce Pilate ne s'est pas conduit autrement.. . La réaction initiale est submergée. La mairie de Versailles leve son interdiction. Le magistrat - qui avait pourtant le 23 octobre dernier condamné l'affiche du film Ave Maria - déboute les deux associations (CNAFC et AGRIF) qui avaient demand.é l'interdiction du film : « Trop de voix s'étaient fait entendre, du Figaro à la Croix sans oublier /e si/ence des évêques, y compris celui de Versai/les ... pour que /e magistral put douter que son devoir était dans /'abstention » , commente « le Monde» (30/1/85). Un commentaire du même ordre apparait dans le quotidien « Libération » (29 / 1/85), qui cite aussi en faveur du film « /e silence de l'arc'hêveché ». Dans l'arrêt du tribunal, il voit « de quoi fonder toute une jurisprudence ». Hélas.

Certains soutiennent gue dénoncer le film Je vous salue, Marie c'est lui faire de la publicité. La these est bien étrange. Si dénoncer le blaspheme, l'immoralité - et l'immoralité la plus grossiere c'est faire leur publicité, alors il n'y a plus qu'à leur laisser le champ libre. Combien s'est trompé alors Notre-Seigneur en dénonçant et en punissant lors de sa vie terrestre les blasphémateurs, les fauteurs de scandale, les corrompus ! Combien s'est trompée l'Eglise en marchant sur Ses traces au long de vingt siecles de glorieuse lutte contre toutes sortes d'erreur et de mal! Combien se trompe Jean-Paul II, !ui qui s'est vivement prononcé

contre ce film exécré par tous les bons catholiques ! Voici ses propres termes : ce film, « abordant des themes fondamentaux de la foi chrétienne, en bouleverse et insulte la signification spirituelle et la valeur historique ». II « biesse profondément (... ) /e respect pour /e sacré et la figure de la Vierge Marie» (cf. « L'Osservatore Romano », 1ere page, 24/4/85). Non, ce n'est pas en recommandant !e silence devant une aussi funeste production qu'on contribue à la combattre. Consciemment ou non, ceux qui préconisent cette attitude ne font qu'entraver la réaction des bons et assurer la victoire du mal.

V - UNE OPERATION DE GUERRE PSYCHOLOGIQUE INSIDIEUSE ET APOCALYPTIQUE 1. Les résistances du public A en juger par le concert de louanges orchestré dans la presse, beaucoup seraient tentés de croire que ce film a soulevé l'enthousiasme général du public. C'est ainsi que les maHres de la guerre psychologique viennent à bout des indignations ou des réticences, en leur donnant une impression d'irrémédiable isolement, d'être les attardés d'un processus irrésistible. Même si le nombre d'entrées recueilli par ce film est important - plus de 150.000 spectateurs à la fin février - , il reste cependant tres moyen compte-tenu de l'énorme publicité faite. II faut d'ailleurs compter parmi les spectateurs un nombre appréciable de paroissiens envoyés par leur curé sous le prétexte spécieux de se faire une idée. Comme s'il fallait gouter au poison pour en connaitre les effets ! De vifs commentaires nous parviennent des milieux les plus divers : « c'est dém<>niaque » ; « c'est Lucifer » ; « une malédiction pour notre pays » ... Mais surtout, c'est l'omission de la tres grande majorité du clergé qui cause le plus d'émoi. En voici un exemple : une dame parisienne téléphone au secrétariat de l'épiscopat pour faire part de son inquiétude devant le film. On la renvoie à ChrétiensMédias. Là on !ui explique que ce film n'a rien de scandaleux, « apres tout, la Vierge Marie a du être nue à certains moments » . La pauvre dame, bouleversée, coupe court à la conversation en raccrochant le téléphone et se met à pleurer, pendant une heure. L'hebdomadaire « VSD » (31/1 au 6/2) publie un sondage qui trahit une distorsion énorme entre la France officielle et les sentiments du public : 84 % des catholiques, et 67 % de l'ensemble des Français n'acceptent pas ce film . Commentaires de « VSD » : « il semble bien que ce soit (la religion) /e dernier vrai tabou des Français. Tous les autres interdits ont été ba1ay és par /e grand vent soixantehuitard » ; « /e seu/ vrai péché qui reste : toucher à la religion » ; « on peut toucher au Christ, à la rigueur, mais surtout pas à la Vierge Marie ». L'article donne ensuite le témoignage dépité de plusieurs réalisateurs d'émissions sacrileges à la télévision : ils avouent avoir du faire marche arriere à cause de la tempête de coups de téléphone reçus· de télespectateurs indignés. Un article de

« La Croix » (31/1/85) s'inquiete du développement des pétitions contre les films sacrileges. « En 1967, Jean-Luc Godard réalisait la Chinoise : prémonition, puisqu'un an plus tard /e gauchisme submergeait l'Europe. Cette fois-ci , Godard réinvente /e mystere de /'lncarnation. Encare une prémonition? » ( « Figaro-Magazine » , 26 / 1/85). Cet étrange avertissement est paru sous la plume de divers commentateurs de presse. Sommes-nous à la veille d'un mai 68 du blaspheme? Pour renverser ce que « VSD » appelle « /e dernier vrai tabou des Français » et qui est en réalité « la meche qui fume encare » (Mt, XII, 20) de la France chrétienne?

2. L'escalade du blaspbeme : un processos savamment dosé Ce film s'inscrit dans un processus tres caractérisé, perceptible en un an sur cinq films (il serait facile de montrer une • évolution » semblable au niveau de l'affichage publicitaire, de la musique ou de la « culture » en général, mais cela nous menerait trop loin) : 1º) Concile d'Amour - sorti le ler février 1984, passé à Paris dans deux salles de second ordre, ayant donné lieu à un article complaisant dans « le Figaro » (30/1/84) et « la Croix » (1/2/84). Ce film met en scene les trois personnes de la Sainte Trinité, la Vierge Marie et le Pape dans un scénario abominable (Dieu s'a!lie avec le diable pour châtier le Vatican, plongé dans l'orgie). Ce film, en l'absence de publicité, est passé relativement inaperçu. Pour mémoire, quelques jours avant, il y avait eu en Seine-Saint-Denis le scandale d'une affiche communiste représentant un crucifix dans un monceau de détritus à jeter à la poubelle (cf. « Quotidien de Paris », 25 / 1/84). 2°) Ave Maria - sorti en octobre 1984. Son affiche blasphématoire (une femme nue sur un crucifix) a fait l'objet d'une condamnation en justice, obligeant à la retirer. Le jugement avait été rendu par le même magistral qui a maintenant débouté les opposants au film Je vous sa/ue, Marie. Ce film mettait en scene un prêtre et des religieuses dans une histoire scabreuse.

3°) Le diable dans /e bénitier - film télévisé prévu pour Noel 1984, « version c<>mique de la vie du Christ ». Une pétition improvisée par une dame indignée a fait différer la date de l'émission. D'apres « la Croix » (31/1/85), cette initiative, malgré l'opposition de Chrétiens-Médias et de certains responsables de paroisse, a rassemblé 30.000 signatures et fait parvenir 40.000 lettres de protestation sur le bureau du directeur de « TFl ». 4°) Je vous salue, Marie - sorti le 23 janvier dernier. 5°) La derniere tentation du Christ film en préparation, qui s'annonce comme un nouvel abime d'impiété et d'impureté. Sous le titre « Non au sacri/ege ! », ce commentaire de Pierre d'André, dans « Familie Chrétienne » (31 / 1/ 85), est déjà éloquent : « Pourriez-vous tolérer de voir /e Christ en proie à la tentation dessens, désirer épouser Marie-Madeleine , crier « C'est e/leque je veux » , en affirmant : « Je suis il/ettré.fainéant, poltron, j'aime les bons plats, le vin, les rires, je veux me marier, avoir des enfants » ? Accepteriezvous de l'entendre se trailer Lui-même de « chétif. pitoyable et lâche » ? Et lorsque Marie-Madeleine sera devenue une prostituée, à cause de Lui, supporteriez-vous de Le voir se mêler aux « clients » de la dame dans la file d ' attente? Consentiriez-vous à Le voir fabriquer à /ongueur de journée des croix pour crucifier les Zélotes et se faire insulter par le peuple en colere, le traitant de « crucifieur » ? Non, n'est-ce pas ! Pourtant , c'est ce que vous risquez de voir, et bien d'autres choses encare , si M. Jack Lang accorde les 300.000 dollars que , d'apres le tres sérieux journal américain « Daily Variety », i/ aurait promis d'a/louer à Martin Scorsese, qui veut porter à l'écran « La derniere tentation » du romancier grec Nikos Kazantzaki » . A l'heure ou naus achevons cet aperçu, on annonce dans la presse que la réalisation de ce dernier film aurait été reportée et la subvention reconsidérée. Recul stratégique pour endormir !e public catholique et, dans un illusoire soulagement, !ui faire mieux ingurgiter la dose déjà mortelle du film Je vous salue, Marie ? C'est à craindre. A naus de ne pas désarmer devant ce genre d'artifices. Pour la plus grande gloire de Dieu et de Marie.

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