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ATELIER

à la RPA

Les midis de notre résidence, nous mangions à la RPA. Les résidents, la plupart des résidentes, parlaient de menus détails de la vie quotidienne avec, souvent, beaucoup d'humour.

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Ces manières de faire récit de soi, nous nous en sommes servies en ateliers : Marie racontait un itinéraire parcouru, présentait le guide et proposait des jeux d'association d'idées à l'écrit amenant le récit oral. Avec Manon, chaque participant a inventé des typographies de lettres à partir de patrons. Vous retrouvez ces lettrages créés dans les titres de cette publication : le « u » de « Sauveterre » ou le « m » de « Déambulation » en sont des exemples.

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RÊVE D'EA RÊVE DE FER FORGÉ

L’eau jaillit en cœur de place, réveillant la nymphe communautaire des lavoirs et des fontaines, veilleuses historiques des intersections vivantes de Sauveterre. Cette souterraine habitante des caves renaît à la vue de tous sans l’emportement de l’inondation.

Graine d’avenir, cette fontaine de fraîcheur sème table de pique-niques, bancs, jardins partagés et terrasses de café éployées, accoste les chalands à l’ombre des feuilles et les invite à prendre rendez-vous avec la place en sus du mardi.

À cette source s’épanchent également les impétueux : une balle passe de mains en mains et des essoufflés, en danseuse, appuyés sur leurs guidons, font la ronde.

Sauveterre joue les atouts de l’entre-deux, de l’urbain métissé par une vie de village.

Qui ne songe à un nid de plumes pour être douillet ensemble ?

Une halle en fer forgé, abreuvée en électricité grâce à la magie du photovoltaïque, ébroue sa parure végétale place de la République.

À l’intérieur, débats citoyens, vocalises d’une chanteuse connue ou événements commerciaux se relaient. Une serre, placée à un angle de ce grand repaire, s’associe à cette ardeur collective. Empli d’allées et venues, ce nid de plumes couve les envolées : ici, avant de se concrétiser dans la ville, se forgent les rêves communs.

Les grilles de loto s’achètent comme des tickets de cinéma avec le rêve au cœur d’une fin intrigante ou joyeuse. Une famille, à la main gourmande, en commande vingt, espérant gagner le coq. Les victuailles apportées s’entassent à la vue de tous. Adultes et enfants s’assoient à deux doigts d’épaules et un silence de foule aux aguets lisse les derniers rires.

Tirage, envolées de maïs et lots gagnés passent de mains en mains : le loto bat son plein et cartonne de sympathie.

Les grilles s’emplissent de grains de maïs et la densité des heures s’écoule dans le sérieux du jeu. Des exclamations annoncent un carton plein, mais le cou du coq repose toujours sur une cuisse de jambon apportée par le paysan voisin. L’attente prolongée tient éveillées les tablées intergénérationnelles.

Qui aura le coq ?

Vous quittez la Bastide, encore tout égayé de vos rencontres du marché et filez rue Saint-Romain. Une ceinture en cuir, un pot de miel et des romans policiers empruntés à la Graineterie alourdissent votre bras, mais vous lambinez sur le trottoir : vos yeux s’attardent sur la façade pierreuse, un balcon en fer forgé et une hauteur sous toiture accordés à l’architecture de la Bastide. Cette harmonie restaure en vous un désir de flâner, mais votre pied, pris dans une ornière, vous oblige à faire volte-face. Vous êtes surpris : le trottoir gauche de la rue Saint-Romain n’a plus cette joie de l’habité.

Semi-abandonnée ou fraîche d’une rénovation, la rue Saint-Romain fait double jeu.

Pourra-t-elle, un jour, assumer ses deux profils et se regarder de face ?